Don't let appearances fool you
Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell - janvier 2022

Lorsqu’un vol est commis, on suspecte le nouveau, celui que l’on connaît mal et, par définition, auquel on ne fait pas confiance ou pas encore. Quand le nouveau - ou plutôt la nouvelle - en question se trimballe avec une tête de déterrée et des poches sous les yeux et a tout de la junkie, de l’infréquentable, c’est d’autant plus facile de faire le raccourci, de pointer du doigt sans la moindre preuve tangible. Lorsque la nouvelle en question porte étrangement le même nom de famille que l’une des propriétaires, le raccourci se fait aussi vite : simplement, personne n’assume et ne crie haut et fort ses accusations. Tout n’est que racontars et bruits de couloir mais, pour qui sait écouter ou faire écouter dans mon cas. Mon temps est précieux, je ne le perds pas à tenter de récolter à gauche et à droite ce qu’il se dit au sein des troupes, que ce soit celles du Casino ou du Club. En revanche, je ne me passe plus de mes petits oiseaux, ces filles qui, sans vendre leur charmes ou en tout cas à leur discrétion, sont mes yeux et mes oreilles de l’intérieur. Elles, elles sont mon meilleur atout contre la dissension ou toute autre tentative de mutinerie. Grâce à elle, les conflits sont détectés rapidement et toute velléité de trahison est tuée dans l'œuf. La technique est vieille comme le monde, mais elle a prouvé son efficacité. Parfois, ce sont les plus vieux rouages qui tournent encore le mieux et c’est grâce à Noreen que j’ai entendu parler des premières rumeurs.

J’ai provoqué moi-même une discussion avec le responsable de salle qui m’a confirmé la teneur des propos de la brune : des clients se plaignent de voir disparaître montres, portefeuilles et autres possessions de valeurs mystérieusement. S’il n’ose pas la nommer, je suis assez fine pour comprendre qu’à ses yeux la coupable est toute désignée : il s’agit de la petite blonde qui prend encore ses marques. A bien des égards, c’est facile d’accuser la gamine. Suis-je moi-même convaincue de son innocence et persuadée qu’il se trompe ? Non, mais j’ai appris à ne pas faire de procès avant de juger l’accusé. Je n’ai pas l’intention de faire dans la dentelle, soit elle est coupable, soit elle ne l’est pas. Si elle l’est, elle ne me le dira pas : les addicts mentent comme ils respirent mais je crois qu’après avoir été à sa place je serai capable de voir clair dans son jeu. Après tout, j’ai chapardé mon lot de bouteilles d’alcool pour m'enivrer ou de billets pour acheter ma dose.

C’est dans mon bureau que je lui ai demandé de me rejoindre à la fin de son service, lorsqu’elle est arrivée tout à l’heure. Cette fois-ci, il n’est plus question d’un tête à tête dans les salons privés puisque lorsqu’il s’agit d’affaires, je suis toujours sérieuse, que les accusations concernent quelqu’un qui partage mon sang n’y change rien. Devenue maman il y a un peu moins de quatre semaines, je ne me terre pas dans le loft pour observer mon poupon : l’amour que je porte et distribue à ma gamine ne change rien à qui je suis, cela ne change rien aux responsabilités qui m'incombent. Si j’ai repris une pratique sportive intensive peu après l’accouchement, c’est autant pour retrouver mon aura professionnelle que dans le cadre de ma vie privée, intime. Je ne ferme pas encore jupe fourreau et robe moulante que je portais avant de tomber enceinte, mais mon reflet dans le miroir me satisfait : il ressemble plus à l’implacable leader de gang que je suis qu’à la femme enceinte diminuée que j’étais ces derniers mois. Je me ressemble plus, qu’importe qu’Amos m’ait trouvée resplendissante à tous les stades de ma grossesse.

« Entre Gamine. » Quelques coups sur la porte et son visage qui apparaît presque timidement dans l’embrasure m’apprennent que l’heure de mon entretien avec ma demie sœur est arrivée. « Spencer. » Je me corrige en esquissant un sourire : puisque nous attendons d’elle la même rigueur que le reste des employés, elle est en droit d’attendre de moi le même traitement. Pas de diminutif donc, aussi peu moqueur soit-il dans ma bouche. Elle a l’air mal à l’aise, dans sa chemise blanche et son veston noir sans manche. Elle a l’air d’un enfant sauvage qu’on aurait retrouvé au fond de la forêt et auquel on aurait fait enfiler un costume trop ajusté. « Tu peux laisser tomber le veston ici. » Je me demande depuis quand elle n’a pas consommé. Je me demande aussi si je suis censée me préoccuper de ça, puisqu’entre le Club et Micah, j’ai bien assez de responsabilités pour une seule personne. Micah : c’est elle, j’en suis certaine, qui me pousse à m’inquiéter du sort de la petite blonde. C’est parce qu’elle existe que je m’inquiète et que je me découvre des penchants protecteurs. « Comment tu te fais à ce nouveau boulot ? » Je ne lui demande pas l’autorisation : je me lève, m’approche de la fenêtre sur laquelle je pose le bout d’une fesse et j’allume une cigarette, plaisir coupable retrouvé maintenant que je ne porte plus la vie. « J’ai une question à te poser. Pas de sous-entendus, pas de faux semblants, pas de détours et, en retour, je ne veux pas de mensonge. » Je le saurai et je préfère nous éviter ce fâcheux contretemps. « Je peux te faire confiance pour ça ? » Pour me dire la vérité, même si elle la met dans une mauvaise posture ?
       

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell - janvier 2022

Ce genre de boulot, c’est pas là où elle est le plus douée. Mais pour une fois, elle est pleine de bonne volonté. Parce qu’on lui a offert une chance et que ça serait vraiment con de tout gâcher. Là, y a bien plus en jeu que n’importe quel job pourri qu’elle n’a pas pris au sérieux et qu’elle a lâché au bout d’à peine quelques jours. Y a tout de même un truc qui la dérange un peu, c’est la façon dont les autres employés la regardent ou s’adressent à elle. Forcément, quand on s’appelle Blackwell et qu’on obtient un poste à l’Octopus, ça intrigue et ça fait parler. Qu’ils usent leur salive, elle est habituée. Tant qu’ils lui foutent la paix, elle fera en sorte de ne pas faire de vagues.

Son shift touchant à sa fin, elle est supposée rejoindre Raelyn dans son bureau. La raison ? Aucune idée. Peut-être un bilan, peut-être une simple conversation entre frangines (sans doute pas.) Leurs interactions ont été très limitées depuis ses débuts au casino. L’une était occupée à fonder sa famille, l’autre faisait tous les efforts du monde pour prendre de bonnes résolutions et ne pas décevoir. Arrivée à destination, elle frappe pour faire connaître sa présence et passe la tête dans l’entrebaillement. « Entre Gamine. » comme d’habitude, cette appellation là la fait plisser le nez. Néanmoins, elle passe la porte et referme derrière elle. Inconsciemment, elle tire sur son veston, essayant de se rendre présentable après une journée de boulot à bouger dans tous les sens. « Spencer. » est-ce qu’elle corrige pour avoir l’air plus formelle ou autre chose ? « Hey. Boss. » qu’elle dit un peu sur le même air, un léger sourire amusé sur le visage. « Tu peux laisser tomber le veston ici. » et elle ne se fait pas prier. Dans un soupir de soulagement, elle ouvre le veston et défait le bouton qui scelle le col de sa chemise. Elle a enfin l’impression de pouvoir respirer après avoir été enserrée toute la foutue journée. Heureusement que le casino est climatisé et qu’il n’y fait pas une chaleur intenable. Parce que des boulots de merde dans des conditions déplorables, elle en a fait. Les cuisines crades des petits restaurants de quartier où il fait 40°C en plein été, elle a donné. Ici, c’est le rêve en comparaison. Bon, elle passe sa journée à courir partout, mais ça c’est une autre histoire. « Je sais pas comment les autres le gardent toute la journée sans broncher. » qu’elle souffle. Bon, peut-être que certains s’en plaignent, mais ils le font discrètement. Ou alors c’est peut-être une question d’habitude, qui sait. « Comment tu te fais à ce nouveau boulot ? » Raelyn se lève et Spencer la suit du regard alors qu’elle va s’installer près de la fenêtre. La blonde ne sait pas vraiment pourquoi elle est ici. Sans doute pas pour parler du beau temps qu’il fait dehors. « Hm, pas trop mal, j’imagine. » pour l’instant du moins. « C’est pas forcément simple de se mettre dans le bain, mais je fais au mieux. » combien de temps sa bonne volonté va durer, c’est une autre histoire. Pour l’heure elle réussit tant bien que mal à jongler entre ce job et ses besoins primaires d’addict (mais elle ne se fait pas d’illusion et sait très bien que ça ne durera qu’un temps, les gens dans sa condition réussissent rarement sur le long terme.) Jusqu’à maintenant, elle se débrouille assez pour qu’on ne lui dise trop rien. « Et toi, ta heu… nouvelle situation ça va ? » c’est pas qu’un petit changement, faut dire. Techniquement, ça fait de Spencer une tante. Ou une demi-tante, si ça veut seulement dire un truc. C’est pas tellement un statut qu’elle va s’amuser à revendiquer, Raelyn a été très claire à ce sujet. Elle doute même de voir le bébé un jour, mais elle peut au moins demander des nouvelles. Mais ça n’empêche qu’elle essaye de s’intéresser un minimum à sa situation. La jeune femme s’est même demandé si elle devait acheter un cadeau de naissance ou ce genre de chose. C’est qu’elle ne s’est pas souvent retrouvée confrontée à ce genre d'événement (jamais), et qu’elle ne sait pas tellement ce qu’elle est supposée faire. Ca aurait sans doute été maladroit et à priori, elle n’est pas là pour causer de ce sujet là. « J’ai une question à te poser. Pas de sous-entendus, pas de faux semblants, pas de détours et, en retour, je ne veux pas de mensonge. » pas vraiment consciente si elle a mal fait quelque chose, on est peut-être venu trouver Raelyn pour se plaindre de la nouvelle. « Heu… Okay ? » c’est déjà plus ou moins ce qui était convenu entre elles. Du moins tacitement. « Je peux te faire confiance pour ça ? » malgré sa confusion, Spencer hoche doucement la tête. « Après ce que t’as déjà pu voir, j’pense que j’ai plus grand chose à te cacher… » si Raelyn ne connaît pas tous les détails de la vie de Spencer, elle a déjà eu un bon aperçu de ce qu’elle fait de son temps libre et du genre de soucis qu’elle peut traîner. A priori, elle sait déjà à quoi s’attendre avec la plus jeune. Peut-être qu’elle veut une confirmation orale ou quelque chose du genre. Ou alors ça a un rapport avec l'appart ?

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell - janvier 2022

« Hey. Boss. » Elle essaye d’être protocolaire sans réellement donner l’impression d’être à l’aise dans le rôle qu’elle joue et à la place qu’elle occupe actuellement. Temporairement ? Ça dépendra de la tournure de la conversation : il est intolérable de voler des clients et si je la pardonne elle, le bruit courra bien vite que c’est parce qu’elle s’appelle Blackwell. Je ne suis pas de celles qui rougissent d’avoir des favoris. Noreen a toujours fait partie de cette catégorie là, seulement, c’est le mérite et uniquement lui qui distingue ceux qui rejoignent ce petit groupe sélect, pas un quelconque lien de parenté. J’espère qu’elle est innocente, la gamine, parce qu’une force difficilement identifiable me pousse à avoir envie de l’aider : contrairement à ce que je supposais, l’arrivée de Micah n’a rien changé à ça et mon empathie à l’égard de ma demie-soeur n’avait rien à voir avec un transfert.

Elle ne se  fait pas prier pour  se  faire à l’aise et je me demande comment elle gagnait sa vie avant que nos routes se croisent. Je connais le cours de l’héroïne dans cette ville (et de toutes les autres merdes qu’elle prend) sur le bout des doigts, bien mieux que les dates historiques qu’on tente de vous faire rentrer de force dans le crâne au collège. Je sais aussi qu’elle n’avait pas de logement fixe, avant que nous lui prêtions le studio, et qu’elle peinait certainement à mettre autre chose que des pâtes dans la casserole. En conclure qu’elle est bel et bien la voleuse est un raccourci facile mais que je ne prendrai pas : j’ai envie de croire en sa bonne foi, au moins tant qu’elle n’aura pas avoué son crime ou que je ne l’aurai pas lu sur son visage. « Je sais pas comment les autres le gardent toute la journée sans broncher. » Je hausse les épaules. L’habitude certainement, mais je ne suis pas du genre à entretenir des conversations bateau pour le plaisir. Je préfère généralement entrer rapidement dans le vif du sujet et, avec elle, je ne fais que l’effort de prendre la température par rapport à ce monde nouveau pour elle. « Hm, pas trop mal, j’imagine. C’est pas forcément simple de se mettre dans le bain, mais je fais au mieux. » - « Je t’ai observée, un peu. » Du haut de l’escalier qui mène aux bureaux et lorsque je laisse mon regard vagabonder sur la salle. Spencer est maladroite et manque de grâce et de charisme, mais elle ne me donne pas l’impression d’être une incapable ou une empotée pour autant. « T’avais l’air clean. » C’est plus important que de préciser qu’elle se débrouille parce que je sais quel genre de torture ça peut être de le rester pendant une journée de travail. Est-ce qu’elle essaye de s’en sortir ? De faire bonne impression et de gagner ma confiance ? Est-ce qu’elle aurait envie d'arrêter ? Je ne la connais pas assez bien - pour ainsi dire pas du tout - pour tirer ce genre de conclusion. Je l’ai aidée mais, pour l’instant, ça s'arrête là : nous sommes toujours des étrangères l’une pour l’autre et j’ignore si elle a envie que ça change. J’ignore également si c’est mon cas.

« Et toi, ta heu… nouvelle situation ça va ? » Je laisse un rire amusé s’échapper face à sa maladresse. « Ma situation est un sujet que beaucoup savent pas comment aborder, je te rassure. » Parce que je suis pas le genre de femme à qui l’on a spontanément envie de demander si son nouveau né fait ses nuits. « Si ce sont mes cernes ou l’absence de manucure qui t’ont alertée, t’as pas à t’en faire, c’est le métier qui rentre. » Et surtout, le tir sera rapidement corrigé puisqu’à mes yeux - la faute à la vanité - le paraître revêt d’une importance primordiale. Je m’adapte, je m’adapte doucement mais la blonde n’a pas à connaître toutes mes difficultés de jeune mère. « Je suis prête à mettre ma main au feu qu’elle a déjà un caractère de merde, elle te plairait. » La pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre. Ma fille n’a même pas un mois et elle a déjà l’air d’une enfant exigeante, quand moi je me sens complètement paumée.

« Heu… Okay ? » Elle a l’air sincèrement déstabilisée. Pas inquiète, pas coupable, surprise et décontenancée et c’est bon signe : l’inverse aurait signé sa culpabilité. « Après ce que t’as déjà pu voir, j’pense que j’ai plus grand chose à te cacher… » - « C’est ce que je crois aussi. » Mais je ne peux pas lui faire confiance les yeux fermés sous prétexte qu’elle me fait penser à la toxicomane perdue que j’ai été alors que j’étais encore plus jeune qu’elle. « Mais je préfère demander. » Parce que je suis directe. « Est-ce que tu as pris ici des choses qui t’appartenaient pas ? » Peut-être un peu trop subtil, mais je veux jauger sa réaction. « Des clients se sont plaints au responsable de salle. Visiblement, quelqu’un les déleste de leurs montres et portefeuilles. » Je n’ai pas besoin de lui faire un dessin et de lui expliquer que la coïncidence entre son arrivée et le début des plaintes a poussé plusieurs personnes à la pointer du doigt. « Et je détesterais apprendre que ce quelqu’un c’est toi. » Ce n’est pas vraiment une question mais, pourtant, j’attends une réponse.

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell - janvier 2022

« Je t’ai observée, un peu. » une légère grimace d’appréhension se dessine sur son visage, pas vraiment certaine de l’image qu’elle a pu renvoyer depuis ses débuts au casino. Si elle n’a pas encore été virée, c’est qu’à priori elle fait assez bien pour ne pas être boulet au pied du responsable de salle. « T’avais l’air clean. » c’est peut-être pas le mot le plus approprié qui soit en ce qui concerne Spencer. L’une comme l’autre, elles savent très bien à quoi s’attendre. « J’me tiens à carreau. » qu’elle ajoute en haussant les épaules. Raelyn doit bien se douter qu’elle n’a pas arrêté de consommer du jour au lendemain juste pour décrocher ce job, mais elle essaie de faire des efforts sur sa présentation et sur son comportement.

« Ma situation est un sujet que beaucoup savent pas comment aborder, je te rassure. Si ce sont mes cernes ou l’absence de manucure qui t’ont alertée, t’as pas à t’en faire, c’est le métier qui rentre. » elle a un profond respect pour les personnes ayant la patience de s’occuper d’un enfant. La jeune femme se sait incapable d’un tel exploit, elle qui ne sait déjà pas prendre soin de sa propre personne… Faut pas lui demander de gérer quoi que ce soit d’autre sinon c’est foutu d’avance. Elle serait capable de laisser crever un cactus. « Ca va, tu m’as l’air plutôt en forme. » après tout, qu’est-ce que sont quelques poches sous les yeux… Elle a porté un bébé pendant près de neuf mois, il ne faut pas être un génie pour savoir que ça demande du temps et de l’énergie. Spencer a assez côtoyé de très jeunes enfants dans sa jeunesse pour savoir que ce n’est pas une mince affaire et que ce n’est pas de tout repos. Les parents des familles d’accueil étaient souvent épuisés, surtout quand ils devaient s’occuper de petites terreurs comme Blackwell. « Je suis prête à mettre ma main au feu qu’elle a déjà un caractère de merde, elle te plairait. » et elle ne peut s’empêcher de lâcher un rire. Quand bien même elle serait autorisée à approcher à plus de vingt mètres la fillette, il faudrait encore en plus avoir à affronter la colère d’un nourrisson, quelle drôle d’idée. Si jamais ça devait arriver, elle n’a aucune idée de la manière dont elle devrait se comporter. Elle ne peut que s’imaginer tenir l’enfant à bouts de bras, crispée et aussi à l’aise qu’un chat au milieu d’un élevage canin. Non vraiment, c’est pas du tout une bonne idée. Mieux vaut s’en tenir au plan de Raelyn qui consiste à ce que la plus jeune reste à bonne distance. Et malgré tout, ce sont ses doutes qui refont surface. Il va se passer quoi, maintenant ? Ce n’est pas qu’elle a peur d’être remplacée par un bébé, non. Après tout, elle n’est personne pour Raelyn, si ce n’est un poids supplémentaire dont elle se délestera s’il devient trop lourd. Elle en a parfaitement conscience. De toute manière, si Blackwell se sent perdre pied, elle prendra les devants et lui épargnera cette peine et disparaîtra aussi vite qu’elle est arrivée. « J’en doute pas. » qu’elle acquiesce en faisant nerveusement craquer ses doigts. « Bon courage en tout cas. »

Si Raelyn n’entre pas tout de suite dans le vif du sujet, elle teste tout de même les eaux avant. Spencer est confuse quant au motif de sa présence ici et maintenant, mais sa soeur a sans doute une bonne raison. Visiblement, ça n’a pas l’air d’être pour une simple visite de courtoisie, mais c’était à prévoir. Elle répond au mieux, se posant mille questions à la seconde. Forcément quand on est habituée à décevoir, c’est la première chose à laquelle la blonde pense. Elle sait qu’elle ne brille pas par son excellence et qu’elle a encore beaucoup à apprendre, et ça la fait douter d’autant plus. L’aînée veut de l’honnêteté et Spencer s’efforce de lui en donner. « C’est ce que je crois aussi. » il aurait été difficile de la contredire sur ce point. Ca ne l’empêche pas de se sentir nerveuse, Spencer. « Mais je préfère demander. Est-ce que tu as pris ici des choses qui t’appartenaient pas ? » c’est quoi cette question ? La blonde fronce les sourcils et porte toute son attention vers Raelyn qui ne semble pas le moins du monde inquiétée. « Des clients se sont plaints au responsable de salle. Visiblement, quelqu’un les déleste de leurs montres et portefeuilles. » elle entrouvre la bouche pour protester alors que tout son corps se tend. « Et je détesterais apprendre que ce quelqu’un c’est toi. » pour une fois, juste une, elle a gardé les mains dans ses poches pour éviter ce genre d’incident et faut quand même que ce genre de connerie lui retombe sur le coin du nez ? « Alors quoi, on est venu te voir pour dire que j’avais forcément quelque chose à voir là-dedans ? » elle ne répond pas à la question tout de suite, se sentant clairement insultée à l’idée qu’on l’ait désignée coupable aussi vite. C’est facile de la pointer du doigts, et dans n'importe quelles circonstances où oui, elle aurait été coupable de tels larcins, elle se serait empressée de tout nier en bloc avec aplomb. Prise au dépourvue par ces événements n’étant pas de son fait, elle a l’impression d’être attaquée. Cible facile, elle a clairement le profil type pour être le parfait bouc-émissaire. « Je suis pas stupide au point de faire ça aux clients du casino. » elle ne nie donc pas avoir déjà glissé une montre ou un portefeuille dans sa poche, juste pas ici. Ce qu’elle fait en dehors de l’Octopus en revanche, c’est une autre histoire qu’elle préfère garder pour elle. Des choses stupides, elle en a faites. Trop pour les compter, mais pas ça. « C’est pas l’envie qui a manqué, pourtant. » voir tous ces portefeuilles remplis de manière indécente, ces bracelets brillants valant plus cher que ses deux reins réunis, ça lui file le tourni. Et pourtant elle a pris sur elle pour ne pas céder à la tentation sur son lieu de travail. (Rien ne dit que ça ne serait jamais arrivé, mais tant que ce n’est qu'un événement hypothétique, elle est innocente.) Spencer serre la mâchoire et secoue la tête, soufflant sa frustration. « J’ai rien fait. » qu’elle ajoute, répondant finalement à la question initiale. « J’te jure que c’est pas moi. » pas cette fois en tout cas. Par contre, si elle met la main sur celui qui lui a collé ça sur le dos, il va passer un sale moment. Finalement, peut-être que son expérience en ces lieux sera de plus courte durée que prévue. Si Raelyn ne la croit pas, elle n’a plus rien à faire ici.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell - janvier 2022

« J’me tiens à carreau. » Est-ce vraiment le cas, ou bien est-ce simplement de la poudre aux yeux ? Je ne peux nier qu’elle a plus fière allure que lors de nos précédentes rencontres, même avec une chemise non repassée. Je détesterais savoir que je me suis trompée, que j’ai trop rapidement ouvert la porte à une jeune femme qui m’aurait retrouvée uniquement pour me délester - moi ou mon affaire - de quelques billets. Ce serait un coup dans mon égo, moi qui me targue d’être capable de plutôt bien cerner ceux qui m’entourent ainsi que leurs motivations. En Spencer, j’ai vu une gamine paumée et un peu trop semblable à celle que j’étais pour ne pas avoir envie de l’aider. « J’espère bien. » Puisque nous avons beau être liées par les liens du sang, cela ne changera rien si elle se fout de ma gueule depuis le début. Je ne suis pas une tendre, je ne l’ai jamais été. « Ca va, tu m’as l’air plutôt en forme. » Je laisse échapper un rire amusé en ramenant mes cheveux en arrière. Les apparences sont ce qu’elles sont et je suis plutôt douée pour les entretenir. Mon univers est bouleversé par l’arrivée d’un enfant, mais lorsque je quitte mon foyer, je ne le fais jamais sans m’être apprêtée. Doucement, je retrouve la ligne à grand renfort d’activité sportive - modérée, la sage femme a bien insisté là dessus et je m’efforce de l’écouter un jour sur deux - puisque, hautement exigeante et un tantinet control freak, je ne tolèrere rien d’autre que la perfection, chez moi comme chez les autres. Le souci, c’est que les journées n’ont pas rallongées depuis mon accouchement et que c’est évidemment mon sommeil que je sacrifie au profit du reste. Mais il n’y a aucune cerne qui ne se cache pas sous une couche de maquillage, non ? « J’en doute pas. Bon courage en tout cas. » Je hoche la tête doucement. Elle est détachée Spencer, comme elle doit l’être puisqu’elle est consciente que malgré notre échange, elle n’approchera pas ma fille tant qu’elle n’est pas clean, ce qui, soyons honnêtes, n’arrivera peut-être jamais.

Nous ne sommes de toute façon pas là pour parler température des biberons et réveils nocturnes et je ne la fait pas attendre plus longtemps pour lui expliquer pourquoi elle est là. Directe, je la confronte sans tourner autour du pot pour une simple raison : je ne veux pas lui laisser le temps de trouver une excuse ou une porte de sortie. Ce que j’espère obtenir, c’est une réaction à vif, parce que ce sont les plus sincères qui soient. « Alors quoi, on est venu te voir pour dire que j’avais forcément quelque chose à voir là-dedans ? » - « Pas exactement. Tu te doutes que le fait que tu t’appelles Blackwell rend les choses un peu plus compliquées. » Parce que personne n’ose la pointer du doigt de façon assumée et surtout face à moi. Parce qu’avoir peur du favoritisme, c’est un réflexe naturel chez l’être humain quand, pourtant, c’est bien mal me connaître. « Mais il n’y a pas grand-chose qui se passe dans ces murs que j’ignore. » Parce que mes petits oiseaux veillent au grain, à l'affût de la moindre information que ne doit pas m’échapper.

« Je suis pas stupide au point de faire ça aux clients du casino. » - « C’est ce que j’espère. » Ce qu’elle fait en dehors, je m’en moque tant que ça n’attire pas les flics juste devant ma porte. A ce sujet, j’ai été plutôt claire : je ne suis pas là pour la faire enrôler de force dans une cure de désintoxication. On ne soigne pas quelqu’un qui ne veut pas être soigné, c’est une règle universelle dont je suis l’une des rares exceptions. Je ne suis pas là non plus pour lui faire la morale et critiquer ses choix de vie. « C’est pas l’envie qui a manqué, pourtant. » - « Je m’en doute. » Je sais que cela peut paraître comme la solution de facilité. Ces gens qui ont tout, ils ne s’en rendront même pas compte non, si un bracelet en or disparaît ? « J’ai rien fait. J’te jure que c’est pas moi. » J’ai envie de la croire, la gamine. Elle respire la franchise autant qu’elle respire la détresse et c’est bien ce mélange qui me pousse à ne pas la croire sur parole. « Comme je te disais, c’est ce que j’espère. » Mais sans penser à mal, est-elle capable de retenir ses pulsions puisqu'elle le dit elle-même, la tentation est là ? Les junkies sont des menteurs. Il n’y a pas une seule personne qui reste droite, qui reste elle-même lorsqu’elle s’enfonce dans la spirale de la consommation de stupéfiants et c’est bien parce que je suis passée par là que je me pose des questions. « Sauf qu’à l’époque, j’ai piqué dans la caisse un certain nombre de fois, crois moi. » Et je suis méfiante par définition. « Est-ce que ça veut dire que c’est le genre de personne que je suis ? Non. Est-ce qu’on est différent quand on est en manque ? » Je laisse ma phrase en suspens pour qu’elle remplisse les blancs elle-même. Oui, bien sûr que oui. « Pour les autres employés, t’es la coupable désignée parce que tu viens d’arriver. » Cela s'arrête là, ils ne la connaissent pas et n’ont pas besoin de plus d’argument que celui-ci. « Moi, je sais que t’aurais des raisons. » Et c’est bien là que les choses se compliquent.

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell - janvier 2022

Les cordialités terminées, Raelyn entre enfin dans le vif du sujet. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Spencer n’est pas déçue du voyage. (Enfin si.) Des remontrances au sujet de ses capacités à faire le job demandé, elle s’y attendait. Mais ça… Elle  ne peut pas non plus jouer la surprise, à vrai dire. Bien évidemment que s’il se passe une connerie de ce genre ici, ça va lui retomber sur le coin du nez. « Pas exactement. Tu te doutes que le fait que tu t’appelles Blackwell rend les choses un peu plus compliquées. » la blonde affiche une grimace. Forcément qu’avec le même nom que la patronne, ça fait poser des questions et ça remet aussi en cause sa présence ici. Elle a eu la place uniquement pour ça, elle en a bien conscience. Aucun autre employé ne doit oser dire quoi que ce soit pour cette unique raison. Au moins ça veut dire qu’on lui fout la paix la plupart du temps. « Mais il n’y a pas grand-chose qui se passe dans ces murs que j’ignore. » elle a toujours l’impression d’être surveillée et qu’on observe ses moindres faits et gestes. Que ça soit par ses charmants collègues ou par les responsables de salle. (Ou alors, c’est juste son côté un poil paranoïaque qui ressort.) « J’imagine bien, oui. » elle se doute bien qu’en arrivant ici, elle n’aurait pas eu une confiance aveugle en vue de sa condition d’addict.

Alors, l’offusquée se défend. Pleine de bonne foi qu’elle est, elle ne  nie pas ses vices mais argumente que ça n’arriverait pas ici. Elle est consciente des risques et pour une fois, elle a quelque chose à faire des conséquences que ça pourrait engendrer. « C’est ce que j’espère. » elle pince les lèvres alors que Raelyn semble jauger la moindre de ses réactions. Elle continue à plaider sa cause, pourtant. « Je m’en doute. » elle a été dans la même situation, l’aînée. Elle connaît le supplice que c’est d’avoir tout cet argent indécemment mis à disposition alors que de l’autre côté, c’est une galère sans nom à joindre les deux bouts. Spencer jure et promet qu’elle n’a rien fait. Innocente, elle ne l’est certainement pas hors du casino. Mais ici, elle est coupable sans avoir rien fait et ça l’agace. « Comme je te disais, c’est ce que j’espère. »  elle ne sait pas ce qu’il va falloir qu’elle fasse pour la convaincre. Ca a l’air peine perdue. Sans doute que Raelyn aussi, comme tous les autres, s’est fait son idée et qu’elle ne changera pas d’avis. Peut-être que ce n’est qu’une excuse pour se débarrasser de Spencer après qu’elle ait décidé ne pas vouloir d’un problème comme ça dans sa vie. Elle a d’autres choses à gérer maintenant. Un poids supplémentaire ne doit pas être dans ses priorités. « Sauf qu’à l’époque, j’ai piqué dans la caisse un certain nombre de fois, crois moi. » malgré elle, Spencer lâche un rire amer. Donc Raelyn ne la croit pas. La blonde ne niera pas l'avoir fait à plusieurs reprises dans ses anciens jobs. Parce qu'elle avait ce besoin viscéral d'aller acheter sa dose pour se défoncer, parce que le gérant l'avait regardée d'une façon qui ne lui avait pas plu, ou tout simplement dans le but de se venger d'un connard de collègue avec lequel elle avait eu un échange houleux. Bien sûr, elle avait toujours fini par se faire prendre d'une manière ou d'une autre avant de se faire virer. Mais elle s'en foutait, parce que c'était pas des jobs qui lui importaient et qu'elle avait rien à prouver. Alors oui, elle veut bien croire Raelyn sur ce point-là. La tentation de le faire ici a été grande, vraiment. Et les opportunités nombreuses également. Pour l’heure, elle a toujours pris sur elle et réussit à chasser ses démons d’un revers de main. « Je l’ai déjà fait, avant. » elle confesse tout de même, sans doute pas vraiment une surprise pour son interlocutrice. « Plein de fois même. Mais depuis que je suis là, j’ai rien touché. » elle pince les lèvres, commençant doucement à s’agiter. Pas à cause du manque ou d’une quelconque nervosité liée à un mensonge découvert, non, c’est la colère qui monte doucement. « Est-ce que ça veut dire que c’est le genre de personne que je suis ? Non. Est-ce qu’on est différent quand on est en manque ? » « Je sais tout ça. Et je gère mes problèmes. » qu'elle se défend encore, visiblement irritée par les insinuations à peine voilées. La vérité, c’est qu’elle n’a aucun contrôle là-dessus mais qu’elle est bien trop orgueilleuse pour laisser croire que ça se passe autrement. Elle ne gère rien du tout, non. Mais elle fait en sorte de ne pas tomber en rade de doses et fait de gros efforts pour ne pas ressembler à ce qu'elle est réellement. Depuis qu'elle a commencé à bosser là et qu'elle ne dort plus dans le premier abri insalubre venu, c'est devenu un poil plus simple, il faut avouer. Si elle réussissait à prétendre aller bien avant, sa nouvelle situation est un véritable jeu d'enfant en comparaison. « Pour les autres employés, t’es la coupable désignée parce que tu viens d’arriver. » « Ils peuvent aller se faire foutre alors. » elle est à deux doigts d’aller les trouver tout de suite pour les confronter. « Je leur parle même pas pour justement éviter les soucis et- » et voilà le résultat. Spencer se coupe et prend quelques secondes pour peser ses mots et essayer de contrôler ses émotions. Elle souffle en secouant la tête, frustrée au possible par la situation qui lui échappe. « Moi, je sais que t’aurais des raisons. » sourcils froncés, elle se renfrogne et grogne entre ses dents. « Tu sais rien de moi. » pourtant Raelyn en sait assez pour avoir raison à son sujet. Et si elle en savait plus, ça serait une raison supplémentaire de lui coller tout ça sur le dos. Elle se tend, prête à prendre la fuite si jamais la situation tourne à son désavantage. Et elle se vexe de ne pas être crue sur parole alors que tous les signes pointent dans sa direction. Si la situation était inversée, elle ne se ferait absolument pas confiance non plus. « Je peux sans doute pas te convaincre. Je sais bien de quoi ça a l’air et que c’est facile d’avoir quelqu’un comme moi à désigner comme coupable. » elle hausse les épaules en secouant la tête. « T’as qu’à faire vérifier les caméras, j’en sais rien. J’suis sûre que c’est ce connard de barmaid. » avec sa tronche de fouine, il a pas l’air net.

Don't let appearances fool you
Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell - janvier 2022

« Je l’ai déjà fait, avant. Plein de fois même. Mais depuis que je suis là, j’ai rien touché. » Je l’observe sans dire un mot, avant de tendre un bras vers mon paquet de cigarettes et d’en tirer une que je coince entre mes lèvres. Fumer à l’intérieur, c’est prétendument démodé mais, ici, à l’Octopus, c’est moi qui fait les tendances. Et puisque j’ai à peine touché cinq clopes en cinq mois, je décide que je fais exactement ce que je veux et où j’ai envie de le faire : je n’ai de toute façon jamais eu besoin de la moindre excuse pour ça. « Tu faisais quoi avant ? » Je réalise que j’ignore grâce à quoi elle subsistait avant le casino. « Tu bossais autre part ou t’étais nourrie et logée par ta famille ? » Je ne suis pas sentimentale, mais je n’en reste pas moins curieuse et, de Spencer, je ne sais pas grand-chose si ce n’est que son père - notre père - s’est tiré à un moment où à un autre. A quoi ressemblait sa vie avant de se retrouver à la rue ? A quoi a ressemblé sa jeunesse ? « Comment tu t’es retrouvée à la rue ? Ta mère t’a mise à la porte à cause de la drogue ? » Ou bien comme moi, était-ce sa décision, d’aller voir si l’herbe était plus verte ailleurs ?

« Je sais tout ça. Et je gère mes problèmes. » Elle n’en donne pas l’impression. Elle n’en donnait pas l’impression quand elle m’a appelée à l’aide, en tout cas, et je me demande si c’était le désespoir ou, au contraire, un brin de lucidité et l’envie de s’en sortir. « Ils peuvent aller se faire foutre alors. Je leur parle même pas pour justement éviter les soucis et- » - « Hum. C’est une erreur ça, si tu veux mon avis. » Parce que c’est comme ça qu’on se fait remarquer, même si c’est contradictoire. « Vouloir se faire oublier, c’est le meilleur moyen pour qu’on voit que toi. Et t’as le droit de pas avoir envie de te faire d’amis ici, crois moi je sais ce que c’est. Mais pour passer inaperçue, longer les murs, c’est pas la solution. » Et personnellement, je conseillerais plutôt à qui veut l’entendre de faire comprendre aux gens qu’il vaut mieux éviter de l’emmerder.

« Tu sais rien de moi. »
« Non, en effet. »

Et pourtant, je sais ce qu’il y a à savoir pour être consciente que je ne peux pas lui faire confiance les yeux fermés. « Je peux sans doute pas te convaincre. Je sais bien de quoi ça a l’air et que c’est facile d’avoir quelqu’un comme moi à désigner comme coupable. » Elle a le rouge qui monte aux joues la gamine, et elle a l’air de se sentir persécutée alors que je ne l’accuse pas, pas vraiment. « T’as qu’à faire vérifier les caméras, j’en sais rien. J’suis sûre que c’est ce connard de barmaid. » - « Calme toi gamine, respire. Si j’étais convaincue que tu l’as fait, je t’aurais pas laissé la chance de t’expliquer. » Je lui aurais calmement demandé de me rendre son badge et son uniforme. « Et je vais le faire. Mais je voulais entendre ce que t’avais à dire, avant. » Si elle est coupable, elle sera mise à la porte qu’elle ait avoué son larcin ou pas. Mais dans un cas, elle ne pourrait plus attendre la moindre forme de respect de ma part alors que, dans la seconde, je lui reconnaîtrais au moins la qualité d’être franche. « Laisse-moi te poser une question Spencer. » Et, non, je ne demande pas la permission. « T’as envie d’arrêter ? » Parce que je peux l’aider, mais que je ne me battrai pas pour quelqu’un qui ne veut pas l’être. « La drogue. Ou alors tu cherches juste à pouvoir acheter tes doses et pas faire de vague ? Y’a pas de mauvaise réponse. »

Don't let appearances fool you
Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell - janvier 2022

Spencer semble avoir trouvé un intérêt tout particulier au bouton de son veston. Elle le fait rouler entre ses doigts machinalement, simplement histoire d’avoir l’impression de faire quelque chose et de pas juste attendre la sentence ou l’accusation claire et ciblée. Un geste nerveux parmi tant d’autres. « Tu faisais quoi avant ? Tu bossais autre part ou t’étais nourrie et logée par ta famille ? » « Avant ? » il lui faut quelques secondes pour réfléchir à tout ça. Comment elle met les formes pour expliquer le chaos qu’a été son parcours jusqu’à aujourd’hui ? Elle plisse le nez et relève les yeux vers Raelyn. « Ça dépend. » elle commence, lâchant enfin le bouton pour se gratter la nuque. « Ça m'arrivait de bosser, mais jamais bien longtemps. » et c’était rarement un truc officiel en plus de ça. « J’faisais les poches des gens surtout. Et d’autres… Trucs. » les autres trucs qui la font frissonner de dégoût et de honte. Les choses qu’elle n’avouera pas à voix haute, jamais. « Comment tu t’es retrouvée à la rue ? Ta mère t’a mise à la porte à cause de la drogue ? » la blonde ne contrôle pas son ricanement amer à l’évocation de sa mère. Elle secoue la tête en baissant les yeux et en faisant de son mieux pour faire comme si c’était un sujet qui ne la touchait pas. « Elle a jamais été dans le paysage, Maureen. Elle aimait trop la bouteille et préférait se bourrer la gueule toute la journée plutôt que s’occuper de moi. » la présentation du tableau est peu flatteuse, mais elle a le mérite d’être claire et réaliste. « J’ai passé mon enfance dans les foyers et les familles d’accueil. Et quand j’ai eu l’âge, j’suis partie vivre ma vie. » et quelle vie. Faite de déception, de mensonge et de choix douteux. « Pour la faire courte, j’ai vite manqué d’argent et les proprio aiment pas trop ça. » la suite logique, forcément c’est l’expulsion et toutes les galères qui vont avec.

« Hum. C’est une erreur ça, si tu veux mon avis. Vouloir se faire oublier, c’est le meilleur moyen pour qu’on voit que toi. Et t’as le droit de pas avoir envie de te faire d’amis ici, crois moi je sais ce que c’est. Mais pour passer inaperçue, longer les murs, c’est pas la solution. » « Je suis pas douée avec les gens. » qu’elle bougonne à la façon d’une gamine qu’on essaye de faire sortir. « Crois-moi, ça vaut mieux que je reste loin d’eux. » ajoute-t-elle avec une grimace. « Tu conseilles quoi alors ? » qu’elle demande, un peu paumée sur la marche à suivre. Si elle commence à traîner avec les autres, ça va forcément foutre le bordel au bout d’un moment.

Elle doit sembler bien ingrate, Spencer. A se comporter comme une princesse accusée à tort de tous les maux. Ça l'énerve et elle le fait savoir. Et compte tenu de la situation, elle réussi assez bien à garder la tête à peu près froide. « Calme toi gamine, respire. Si j’étais convaincue que tu l’as fait, je t’aurais pas laissé la chance de t’expliquer. » Spencer affiche une moue à peu près convaincue et hoche la tête, un brin rassurée tout de même. Le jour où elle déconne vraiment, donc, y aura pas de forme de procès et ça sera sans doute directement la porte et le retour à la vie d’avant. « Et je vais le faire. Mais je voulais entendre ce que t’avais à dire, avant. » « Et si c’est moi, il se passe quoi ? » c’est très con de poser cette question après s’être offusquée de l’accusation. Parce que ça lui donne forcément l’air coupable, ça donne l’impression qu’elle est prête à se rétracter et à changer de discours. Pourtant, c’est juste de la curiosité un peu mal placée. Peut-être qu’elle cherche à savoir quelles sont les limites de Raelyn à son égard. « Laisse-moi te poser une question Spencer. » elle tend l’oreille et reporte son attention sur sa sœur. « T’as envie d’arrêter ? » c’est vague. Elle parle du boulot ou d'autres choses ? « La drogue. Ou alors tu cherches juste à pouvoir acheter tes doses et pas faire de vague ? Y’a pas de mauvaise réponse. » ah, ça. Les lèvres pincées, Spencer finit par s’installer sur une chaise. Elle considère longuement ce qu’elle va dire. Si elle dit oui, ça ne sera pas exactement vrai. Si elle dit non, ça ne le sera pas non plus. C’est un entre deux bâtard qui fait qu’elle n’est sûre de rien. Alors elle souffle un rire du nez et secoue la tête, adoptant un air sans doute un peu trop détaché considérant la gravité du sujet évoqué. « Je… C’est tout ce que j’ai. » et cette réponse est d’une tristesse sans nom. Presque un murmure, elle s’enfonce dans sa  chaise et trouve un point à fixer, essayant au mieux d’exprimer son ressenti face à sa situation. « C’est le seul truc qui m’empêche de me foutre en l’air. » et c’est sacrément contradictoire, ironique, même. Quand elle va mal, c’est la seule chose qui l’aide à aller mieux. Et pourtant c’est aussi le truc qui la tue à petit feu. Elle s’empoisonne et ne cherche pas d’autre alternative parce que ça lui paraît bien trop compliqué de devoir affronter une réalité qu’elle déteste et qu’elle ne veut pas voir. C’est un suicide lent qui ne fait que retarder son échéance. Et l’idée d’arrêter la rend malade parce qu’elle ne connaît que trop bien les effets du manque. Pourtant, d’une certaine façon, elle aimerait bien ne plus dépendre de cette merde et pouvoir faire ce que bon lui semble sans avoir à se soucier de sa prochaine dose. Mais elle a trop peur du vide que ça va laisser. « Alors peut-être que j’ai envie d’arrêter, ouais. » elle hausse les épaules, penchant la tête en arrière en soupirant. « Mais j’ai pas vraiment de raison de le faire. » personne qui l’attend réellement, s’il lui arrive un truc, y aura pas grand monde pour la regretter. « Tu voulais t’en sortir toi ? Ou t'as pas eu le choix ? » elle continue le plus naturellement du monde, déviant un peu le sujet.

Don't let appearances fool you
Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell - janvier 2022

« Avant ? » J’opine du chef et je laisse la gamine poursuivre. Malgré mon apparence rugueuse, je suis curieuse d’apprendre à cerner cette demie-soeur dont je ne soupçonnais pas l’existence et que je n’attendais pas. « Ça dépend. Ça m'arrivait de bosser, mais jamais bien longtemps. » Là aussi, je n’ai pas besoin qu’elle développe ou qu’elle m’explique : c’est compliqué de garder un job lorsqu’on abuse de stupéfiants. La drogue, ça rend tout sauf fiable. C’est même le contraire : il est impossible de faire confiance à un junkie, qu’il soit en manque ou bien qu’il soit en plein trip. « J’faisais les poches des gens surtout. Et d’autres… Trucs. » Encore une fois mon visage ne laisse paraître aucune trace de surprise. Je n’ai jamais détroussé d’inconnus, mais comme je le lui ai avoué, j’ai volé dans la caisse à plus d’une reprise. « Je vois. T’as survécu jusque là, donc je considère que t’as fait ce qu’il fallait. » A mon contact, elle comprendra certainement petit à petit que ma moralité - mes notions de bien et de mal - est un espèce de flou que je n’ai jamais cherché à préciser. Tout ce qui va dans mon sens ou peut-être employé à mon avantage est bon et ce qui me va dans le sens contraire représente ma vision du mal. Pour résumer le tout : je suis bien trop égocentrique pour être manichéenne.

« Elle a jamais été dans le paysage, Maureen. Elle aimait trop la bouteille et préférait se bourrer la gueule toute la journée plutôt que s’occuper de moi. J’ai passé mon enfance dans les foyers et les familles d’accueil. Et quand j’ai eu l’âge, j’suis partie vivre ma vie. » Je prends connaissance de ces informations d’un nouveau hochement de tête. J’ai souffert de la banalité affligeante de mon entourage et de mon existence en grandissant. Elle, de l’absence des siens. Je ne suis pas de ceux qui comptent les points, je crois que lorsqu’il est question de douleur ce n’est ni cohérent ni constructif. Je suis pourtant bien obligée de reconnaître que la vie ne lui a pas fait de cadeau et, qui de mieux placé que moi pour comprendre qu’elle ait cédé à l’appel des paradis artificiels ? « D’où l’héroïne. » Ce n’est pas vraiment une question. « Je suppose que ça te donne l’impression que tout va bien l’espace de quelques heures. Que c’était ton moyen de ressentir un peu d’euphorie. » Encore une fois, elle peut me contredire mais je suis déjà en train de tirer mes propres conclusions à une histoire tristement banale. « Pour la faire courte, j’ai vite manqué d’argent et les proprio aiment pas trop ça. » - « Non, en effet. » J’esquisse un sourire et je réalise.

Je réalise pourquoi je l’aime bien cette gamine : elle est d’une franchise qui dépasse l’entendement. Elle se tient face à moi, consciente que les apparences ne jouent pas en sa faveur et elle ne tente pas de mentir ou de cacher qui elle est. Elle me livre la vérité entière, moche, et peu flatteuse. Elle me donne envie de lui faire confiance puisque tout en elle est authentique et n’ai-je pas toujours dit qu’il n’y a rien que je valorisais plus que l’honnêteté ?

« Je suis pas douée avec les gens. Crois-moi, ça vaut mieux que je reste loin d’eux. » - « Ça changera jamais, dans ce cas. » Elle ne pourra devenir meilleure dans l’exercice de la sociabilité si elle reste loin de la meute. Parfois, il faut savoir s’y mêler pour en prendre le contrôle. « Tu conseilles quoi alors ? » - « Ce que je viens de te dire. Te mêler aux autres, mais en restant dans le contrôle. En te méfiant au premier abord. » Parce que se méfier, c’est la base de mon mode de fonctionnement. Ce qui explique que je ne lui voue pas une confiance aveugle non plus. « Et si c’est moi, il se passe quoi ? » - « Un conseil, utilise le conditionnel si tu veux pas passer pour la coupable par défaut. » J’esquisse un sourire, plus amusée par la situation que vraiment suspecte. « Je demanderais à Callum de te briser le cou, et j’irais t’enterrer quelque part dans le bush. » La tentation était trop forte. J’éclate de rire avant de me reprendre. « Si t’as un minimum compris comment je fonctionne, t’as pas besoin de me poser cette question. » Je la dégagerais sans le moindre cérémonial : je ne suis pas une sentimentale. Qu’elle soit ma demie-soeur de sang ne changerait rien à ma décision si toutefois elle trahissait ma confiance.

« Je… C’est tout ce que j’ai. C’est le seul truc qui m’empêche de me foutre en l’air. » Dieu que c’est triste. Et surtout, dieu que je comprends. L’an dernier aussi, lorsque j’ai eu le sentiment que chaque personne en laquelle j’avais confiance m’avait planté un couteau dans le dos, j’ai eu le sentiment d’avoir tout perdu et de ne plus rien avoir qui méritait que je me batte contre mon addiction. J’ai eu le sentiment qu’elle au moins me donnait l’impression de ne pas être qu’une coquille vide, même si c’était l’espace de quelques heures seulement. « Alors peut-être que j’ai envie d’arrêter, ouais. Mais j’ai pas vraiment de raison de le faire. » Je hoche la tête gravement, avant d’ajouter. « Alors je suppose qu’on va devoir t’en trouver une. » C’est dans mes cordes. Ce n’est pas engageant au point de lui promettre d’être à son chevet jours et nuits : même sans Micah je ne l’aurais pas fait et, à présent que ma fille est venue au monde, elle est mon unique priorité en matière de protection. « Tu voulais t’en sortir toi ? Ou t'as pas eu le choix ? » - « C’est jamais aussi simple que ça Spencer. » Ce qu’on veut n’a plus la moindre importance sous le régime de l’addiction : on ne le distingue même plus, dans la plupart des cas. « Est-ce que je suis à l’origine de mes deux sevrages, non. J’aurais pas été capable de prendre la décision moi-même. » L’addiction rend lâche, je n’ai pas honte de l’avouer. « Est-ce que dans mes moments de lucidité je comprenais que je le voulais ? Que j’avais des raisons de m’accrocher ? Oui. Principalement parce qu’on m’a rappelé que j’étais pas seule. » La première fois, c’était une nouveauté. La seconde, le retour de potentialités que je pensais perdues. « J’ai répondu à ta question ? »

Don't let appearances fool you
Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell - janvier 2022

La blonde jette un regard furtif à Raelyn qui ne semble ni impressionnée, ni secouée par son incapacité à garder un job. Et encore une fois, ça ne l’étonne pas vraiment. Elles se sont retrouvées dans des situations où elles n’avaient plus le choix, c’était se servir dans la caisse ou crever la gueule ouverte dans un caniveau. « Je vois. T’as survécu jusque là, donc je considère que t’as fait ce qu’il fallait. » L’aînée comprend et ne semble pas émettre de jugement et putain, ça fait du bien pour une fois de pouvoir dire la vérité sans avoir à enjoliver le tout. C’est brut, c’est pas joli, mais c’est réel.

Spencer déballe un résumé grossier de sa vie d’avant. Avec Raelyn, elle sait qu’elle peut en parler. C’est pas glorieux, c’est pas amusant, mais avec le temps elle a appris à s’en foutre complètement. Ou du moins elle a réussi à se convaincre qu’elle en avait rien à faire et que ça ne l’affectait pas tant que ça. Elle en parle avec un certain détachement, l’amertume pourtant bien présente pour son parcours chaotique. Elle est jalouse, Spencer. De tout le monde, tout le temps, pour un rien. Un enfant qui tient la main de sa mère dans la rue, une fratrie qui se court après dans un parc, un couple assis sur un banc. Tout, tout le temps. Elle aimerait pourtant pouvoir passer au-dessus de tous ces ressentis là, mais c’est plus fort qu’elle. Alors elle comble autrement, même si ça implique de se foutre la santé en l’air et ce, même pour quelques instants. « D’où l’héroïne. Je suppose que ça te donne l’impression que tout va bien l’espace de quelques heures. Que c’était ton moyen de ressentir un peu d’euphorie. » ça lui arrache un rictus alors qu’elle acquiesce brièvement. Sans doute qu’elle comprend l’attrait de ces produits-là, Raelyn. Mieux qu’un foutu médecin qui ne va faire que juger et prétendre savoir ce que ça fait et pourquoi elle en est arrivée là. « Un peu c’est mieux que rien. » parce que sinon, il lui reste quoi ? Des regrets, des inquiétudes grandissantes et des gens qu’elle a envoyé chier. Alors oui, même si c’est temporaire et qu’après elle regrette encore plus, elle prend.

Raelyn préconise d’essayer de se mêler un peu aux autres, que ça évite de trop attirer les regards et Spencer n’est pas particulièrement ravie à l’idée. Elle aime sa tranquillité.  « Ça changera jamais, dans ce cas. Ce que je viens de te dire. Te mêler aux autres, mais en restant dans le contrôle. En te méfiant au premier abord. » et même au second ou au troisième. « Okay. Je heu… J’essaierai de faire des efforts là-dessus. » elle est absolument pas convaincue de pouvoir réellement trouver une place parmi ses collègues, mais si au moins ils arrêtent de l’emmerder ou de lui lancer des regards en biais, elle peut bien tenter. « Tant que je suis pas obligée de sortir avec eux après le service. » elle ajoute en bougonnant un peu, agissant pas vraiment mieux qu’une gamine qui vient de se faire houspiller.

Un peu naïvement, la plus jeune demande ce qui arriverait si jamais elle était réellement coupable. Un mouvement un peu idiot, sûrement. Mais tant pis. « Un conseil, utilise le conditionnel si tu veux pas passer pour la coupable par défaut. » Spencer plisse le nez dans une légère grimace. Au moins Raelyn ne la prend pas au mot et ne lui saute pas à la gorge en l’accusant. Elle affiche même un sourire et c’est assez perturbant. « Je demanderais à Callum de te briser le cou, et j’irais t’enterrer quelque part dans le bush. » une expression presque horrifiée sur le visage, Spencer regarde vers Raelyn en ayant du mal à déterminer si elle est vraiment sérieuse ou si c’est une plaisanterie. Elle ne la connaît pas assez pour savoir si c’est le genre de femme qui a une pointe d’humour ou si elle est juste aussi froide à l’extérieur qu’elle ne le laisse paraître. Puis elle éclate de rire et la réponse à sa question vient seule. Nerveusement, Spencer souffle un rire à son tour, tout de même rassurée. « Si t’as un minimum compris comment je fonctionne, t’as pas besoin de me poser cette question. » elle ricane en secouant la tête. « J’ai pas envie de finir dans le bush alors heu… J’vais garder mes mains pour moi. » elle enchaîne sur la plaisanterie de Raelyn avec une autre, restant tout de même assez sérieuse dans son propos. Tant qu’elle le peut, elle va faire en sorte de ne pas céder à la facilité.

« Alors je suppose qu’on va devoir t’en trouver une. » elle acquiesce doucement, sans pourtant trop y croire. Elle avait déjà ça, avant. Et puis elle a tout fait foirer. « C’est jamais aussi simple que ça Spencer. » elle grimace, parce que ouais. Rien n’est jamais simple. « Est-ce que je suis à l’origine de mes deux sevrages, non. J’aurais pas été capable de prendre la décision moi-même. Est-ce que dans mes moments de lucidité je comprenais que je le voulais ? Que j’avais des raisons de m’accrocher ? Oui. Principalement parce qu’on m’a rappelé que j’étais pas seule. » presque religieusement, elle écoute Raelyn et essaie d’assimiler ses mots. Elle était pas seule, et ça a fait la différence quand elle en a eu besoin. Aujourd’hui, c’est une femme clean, mère de famille et avec un homme qui a l’air de tenir à elle plus qu’à sa propre vie. « J’ai répondu à ta question ? » la jeune femme prend quelques secondes pour songer à la bonne réponse à apporter. « Je crois. » Spencer se masse l’arête du nez et souffle un coup. « Je réalise bien la chance que j’ai d’être là, tu sais. Celle que tu m’as donnée. » elle continue, ne sachant pas tellement comment amener ça. « On se connaît pas et moi j’suis juste sortie de nul part en te sortant une histoire sur le vieux, comme quoi on a les mêmes gènes et tout le bordel. » elle lâche un bref ricanement tant tout ça lui paraît grotesque maintenant. « T’aurais pu appeler les flics ou juste me renvoyer dehors et tu l’as pas fait. Je comprends toujours pas pourquoi, ça aurait été plus facile j’pense. » ça aurait évité les appels au beau milieu de la nuit par exemple. « C’que je veux dire c’est heu… Merci. » avant que tu commence à trop t’étirer en longueur. « Il aime bien les fleurs, Callum ? J’crois que je vais lui en envoyer. » S’il ne lui était pas tombée dessus ce jour-là, elle aurait jamais eu le courage de franchir les portes du casino.

Don't let appearances fool you
Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell - janvier 2022

« Un peu c’est mieux que rien. » Un peu, ça semble surtout être bien assez lorsqu’on penche le nez au-dessus de la poudre ou qu’on appuie sur le piston de l’aiguille. La jouissance éphémère s’empare de vous avec une telle intensité que, à ce moment là, rien ne semble plus avoir la moindre importance, que ce soit les parents pourris et absents, le boulot que vous ne pouvez vous permettre de perdre mais qui tend plus à vous dégoutez qu’à vous donner envie de vous lever le matin, tout s’efface. Tout s’efface et si je fermais les yeux je pourrais presque me souvenir de l’effet que ça fait. Je ne le fais pas pour autant : je ne suis pas assez sobre depuis assez longtemps pour me sentir la force de replonger dans ces souvenirs, je ne me sentirai jamais assez forte à vrai dire, je pense.

« Okay. Je heu… J’essaierai de faire des efforts là-dessus. » Elle me fait penser à une gamine que l’on gronde et ce qu’elle ne saisit pas, c’est que je me moque bien qu’elle copine avec Paul, Pierre ou qui que ce soit d’autre. Tant qu’elle fait son boulot, ça me suffit. Sauf que si elle veut se débarrasser de la paranoïa qui l’entoure. « Tant que je suis pas obligée de sortir avec eux après le service. » Je laisse échapper un rire amusé, avant de secouer la tête et de me forcer à reposer ma cigarette électronique sur le bureau. « T’es entourée, de façon générale ? » Consciente que ma question est un peu vague, je reformule. « La solitude, tu la trompes comment ? » Et avec qui ? Je ne suis pas certaine de la croire si elle me dit qu’elle ne le fait pas. On ne peut me définir par mon amour pour mon prochain et, pourtant, même moi j’en ressentais le besoin, avant Amos.

« J’ai pas envie de finir dans le bush alors euh… J’vais garder mes mains pour moi. » - « Je me contenterais de te mettre à la porte à coups de pieds au cul, si ça peut te rassurer. » J’esquisse un sourire, et je marque une pause. « Tu peux te détendre. Ce qui est vrai en revanche, c’est que je n’aime pas être déçue. Et si tu perds ma confiance, tu la perds. » Il n’y a que mon compagnon qui échappe à cette règle. Il n’y a que pour lui que j’ai appris la valeur du pardon, parce que me passer de lui me paraissait plus insupportable encore que l’idée de prendre à nouveau le risque de tomber de haut.

J’ai conscience que, trouver une raison à laquelle se raccrocher, c’est plus facile à dire qu’à faire. J’ai aussi conscience que ce n’est pas le genre de chose que l’on force : on ne peut se lever le matin en promettant que l’on trouvera l’envie à nous de nous en sortir. « Je crois. » C’est déjà ça. Regardez-nous : moins de six mois se sont écoulés depuis que ma petite soeur a fait son apparition dans ma vie, et nous voilà déjà à discuter de nos parcours respectifs en demandant et en donnant des conseils. « Je réalise bien la chance que j’ai d’être là, tu sais. Celle que tu m’as donnée. » Moi aussi, on m’a donné ma chance. Moi aussi, j’était plus du genre bestiole sauvage qui donne l’impression d’avoir la gale, la rage ou les deux, plutôt qu’un adorable chaton que tout le monde se bat pour adopter et, pourtant, le Club a été ma chance de devenir quelqu’un. Je n’ai pas envie d’impliquer la demoiselle dans mes activités illégales, mais l’Octopus me donne au moins le pouvoir de l’aider sans trop en dévoiler pour autant. « On se connaît pas et moi j’suis juste sortie de nul part en te sortant une histoire sur le vieux, comme quoi on a les mêmes gènes et tout le bordel. » Est-ce le moment de lui dire que, plutôt que de la croire sur parole, j’ai fait tester l’un des cheveux qu’elle a perdu sur le canapé, ce premier jour, pour comparer son ADN au mieux ? « Je t’ai pas cru sur parole, si ça peut te rassurer. » J’esquisse un sourire, avant de la laisser continuer sa déclaration touchante. « T’aurais pu appeler les flics ou juste me renvoyer dehors et tu l’as pas fait. Je comprends toujours pas pourquoi, ça aurait été plus facile j’pense. » - « J’aime pas trop les flics. Peut-être qu’un jour, je t’expliquerai pourquoi. » Il y a plus de chance pour que je ne le fasse pas, qu’elle découvre d’elle même ou reste dans l’ignorance : je crois même que cela vaudrait mieux pour elle.  « C’que je veux dire c’est heu… Merci. » Gravement, je hoche la tête : je suis consciente ce que ce simple petit mot représente, pour quelqu’un qui a de la fierté. « Il aime bien les fleurs Callum ? J’crois que je vais lui en envoyer. » J’éclate de rire - Spencer est rafraîchissante, en plus d’être le genre de personnalité que je tolère. « Tu peux toujours essayer. » J’ai du mal à imaginer l’ex militaire se balader avec un bouquet sans avoir l’air grotesque. Je l’ai rarement vu sourire, je crois. « Tu fais partie des rares personnes que j’apprécie Spencer. » Et si on ne compte que les femmes, le cercle est plus restreint encore. « Principalement parce que j’ai l’impression que t’es quelqu’un d’authentique. Tu cache pas la vérité, aussi moche soit-elle. » Et parce que je me reconnais en elle. « Me pousse pas à le regretter. Ce serait con. »

Don't let appearances fool you
Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell - janvier 2022

Elle va faire des efforts avec ses collègues. Pas une promesse, juste l’affirmation qu’elle fera de son mieux. Elle ne tient pas à ce qu’ils deviennent amis et commencent à s’envoyer des messages à la con après ou avant le boulot. Ils bossent ensemble, ils vivent à part, et tout le monde ne s’en portera que mieux. « T’es entourée, de façon générale ? » Spencer plisse les yeux, pas certaine de comprendre le sens et la portée de cette question. « La solitude, tu la trompes comment ? » oh. Elle grimace, la blonde. Parce qu’elle n’a pas tellement de vraies réponses à apporter, cette fois. « Avec des gens que je revois jamais. » qu’elle marmonne sans entrer dans les détails. « J’ai jamais été très portée sur les relations stables et à long terme. » elle ricane un peu amèrement avant de soupirer. « Quand j’me suis retrouvée à la rue j’ai coupé les ponts avec la plupart des gens de mon entourage. » implicitement, elle parle de toutes ces personnes qui, potentiellement, auraient pu l’aider à s’en sortir et à remonter la pente. « J’voulais pas qu’ils me voient comme ça. » et jusqu’à maintenant, elle s’est presque toujours débrouillée pour les esquiver et éviter de recroiser leur route. Sauf que le destin a parfois de sales idées et que devoir affronter ses vieux démons à une foutue soirée du nouvel an, ça l’a complètement retournée.

Spencer teste un peu les eaux en posant des questions volontairement idiotes, puis fait des conclusions teintées d’ironie sans doute un peu mal placée. « Je me contenterais de te mettre à la porte à coups de pieds au cul, si ça peut te rassurer. » et là-dessus, Spencer ne peut que la croire sur parole. Mais dans l’hypothèse où quelque chose foire et qu’elle fait une connerie, elle se contentera sûrement de disparaître à nouveau avant d’avoir à affronter les conséquences de ses actes. Agir comme une adulte et prendre ses responsabilités ? Quelle plaisanterie de mauvais goût, vraiment. « Tu peux te détendre. Ce qui est vrai en revanche, c’est que je n’aime pas être déçue. Et si tu perds ma confiance, tu la perds. » « J’avais cru comprendre. » elle hoche la tête en affichant un sourire pincé. Pas de commentaire supplémentaire, pas d’hypothèse foireuse, elle se contente de faire savoir qu’elle a enregistré l’info, que ça implique qu’elle fera de son mieux.

« Je t’ai pas cru sur parole, si ça peut te rassurer. » « Le contraire aurait été étonnant, surtout. » elle a l’air d’être une femme prudente, Raelyn. Prendre les paroles d’une camée sortie de nul part pour argent comptant, c’est une belle connerie. Bien sûr qu’elle a fait des vérifications et qu’elle a pris le temps de s’assurer que tout ça c’était pas du pipeau. « J’aime pas trop les flics. Peut-être qu’un jour, je t’expliquerai pourquoi. » peut-être c’est bien assez pour le moment. Vu les bribes de passé que Raelyn a bien voulu partager avec Spencer, ça n’a pas grand chose d’étonnant. Sans doute qu’il y a autre chose et que ce n’est pas la seule raison, sans doute que non. Qui sait. La blonde souffle un rire et hoche la tête. « J’vais pas te contredire là-dessus, c’est pas tellement mes copains non plus. Du coup ça me va bien de pas trop les voir. » regardez ça, un nouveau point commun entre les frangines. C’est qu’à force, elles vont finir par développer une pseudo relation familiale (avec pour base des problèmes de drogue et de passé un peu trop sulfureux, chacun son truc faut croire.) Spencer plaisante sur l’idée d’offrir des fleurs à Callum. Il a plus la tête du gars à qui on file une bouteille de whisky de cinquante ans d’âge, mais faut pas déconner non plus, elle cherche pas à en faire son meilleur ami. « Tu peux toujours essayer. » « J’suis sûre qu’il sera ravi. » juste pour le principe de voir s’il connaît d’autres expressions que cet air trop sérieux en permanence. Elle doute que ça le fasse beaucoup rire, mais même voir de la surprise sur ses traits, ça amusera beaucoup la blonde. « Tu fais partie des rares personnes que j’apprécie Spencer. » la concernée a du mal à masquer sa surprise. Okay, c’est… Quelque chose ? A vrai dire, la jeune femme ne sait pas vraiment comment c’est supposé fonctionner, une fratrie. D’une certaine façon, entendre Raelyn dire ça, ça lui donne la vague impression d’être valide, que pour une fois elle fait les choses plutôt bien. « Principalement parce que j’ai l’impression que t’es quelqu’un d’authentique. Tu cache pas la vérité, aussi moche soit-elle. Me pousse pas à le regretter. Ce serait con. » c’est bien la première fois qu’on la complimente sur son honnêteté et ça lui arrache un rictus. Elle pince les lèvres et secoue la tête en se grattant la joue. « Je suis pas aussi hm… Honnête avec tout le monde. » la plupart des gens qu’elle fréquente ne connaissent même pas son vrai prénom. Elle souffle un rire en haussant les épaules. « C’que je veux dire c’est que j’ai rien à gagner à te cacher la vérité. Si je t’avais raconté des conneries lors de notre première entrevue, ça se serait arrêté là. J’serai repartie, t’aurais vérifié pour voir que c’était des cracks et on en serait restées là. » c’est un très gros résumé un peu bâtard, mais il a le mérite d’être proche de la vérité. « Je saurai pas trop expliquer pourquoi, mais y a un truc avec toi qui fait que j’ai pas ce besoin de tordre la réalité pour la rendre plus jolie et plus agréable. » peut-être parce qu’à aucun moment, Raelyn n’a émis de jugement sur son mode de vie. Elle ne s’est pas faite moralisatrice et a partagé des passages peu glorieux de sa propre vie. « Tu crois qu’on se serait bien entendues en étant gamines ? » c’est sans doute un peu con de vouloir s’imaginer une vie différente alors que tout ça ne peut être changé, mais rêver ça fait parfois du bien. « J’suis à peu près sûre que je t’aurai suivie partout pour tout faire pareil. » elle ricane en secouant la tête, se rendant soudainement compte qu’elle dépasse peut-être les bornes. Elles ne sont pas là pour causer de ce genre de trucs, et surtout, elles sont loin d’avoir la complicité nécessaire. « C’est débile, oublie. »  

Don't let appearances fool you
Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell - janvier 2022

« Avec des gens que je revois jamais. » Ca aussi, ça résonne quelque part en moi. Et ça résonne beaucoup moins loin que la drogue puisque, avant Amos, j’aurais donné une réponse relativement semblable à celle-là. Traumatisée que mon premier amour m’ait été arraché, j’avais décidé de ne plus rien partager d’autre que des relations éphémères et sans attaches. J’avais décidé que s’engager était une perte de temps, s’attacher un risque. « J’ai jamais été très portée sur les relations stables et à long terme. » - « Je l’étais pas non plus. » Et je n’ai rien décidé, je n’ai pas pris la résolution de changer pour finalement rencontrer le père de ma fille. Il m’est tombé dessus, et j’ai été la première surprise, renversée par la force de mes sentiments à son égard. Je n’ai pas changé parce que je voulais être avec quelqu’un, j’ai changé parce que je n’imaginais plus ma vie sans lui. « Quand j’me suis retrouvée à la rue j’ai coupé les ponts avec la plupart des gens de mon entourage. J’voulais pas qu’ils me voient comme ça. » Je hoche la tête, la remerciant de ce geste simple de m’avoir confié la vérité, de s’être ouverte quand je ne suis pas sans ignorer que ça n’a rien de facile.

La blonde est lucide sur ce qu’elle dégage, et c’est tout à son honneur. Elle n’est pas surprise que j’ai fait mes recherches de mon côté, que j’ai vérifié ses dires plutôt que de lui faire confiance les yeux fermés et sa réponse m’arrache un sourire, puis un rire amusé. Elle est aussi reconnaissante et je ne sais pas quoi en faire : je n’ai pas l’habitude d’aider pour prochain et, la concernant, c’était plus une fatalité qu’une décision. Ne pas lui tendre la main me semblait cruel, plus que je ne le suis, le faire est apparu comme une évidence. Elle respire l’authenticité la gamine, une chose que j’apprécie et surtout, un point commun de plus entre nous puisque j’aime me targuer de l’être. « Je suis pas aussi hm… Honnête avec tout le monde. » Je fronce les sourcils sans être pourtant si surprise. Une junkie, ça ment. Pour de l’argent, pour se sortir du pétrin, pour s’acheter sa dose. « C’que je veux dire c’est que j’ai rien à gagner à te cacher la vérité. Si je t’avais raconté des conneries lors de notre première entrevue, ça se serait arrêté là. J’serai repartie, t’aurais vérifié pour voir que c’était des cracks et on en serait restées là. » - « C’est vrai. » Si elle n’avait pas été celle qu’elle prétendait être, je l’aurais mise sur la liste des indésirables de l’Octopus et elle n’aurait plus jamais remis les pieds ici. Je ne suis pas une bienfaitrice, je ne suis pas mère Teresa et je n’ai pas pour vocation d’aider tous les jeunes gens perdus de la ville. « Je saurai pas trop expliquer pourquoi, mais y a un truc avec toi qui fait que j’ai pas ce besoin de tordre la réalité pour la rendre plus jolie et plus agréable. » - « C’est le plus beau compliment que tu puisses me faire, ça. » Parce que j’aime croire que je suis bâtie dans le bois de l’authenticité, et j’aime penser qu’il est écrit sur mon front qu’il vaut mieux éviter de me raconter des conneries. Je ne juge que lorsque l’on me ment. « Tu crois qu’on se serait bien entendues en étant gamines ? » Sa question me surprend, moi qui observe notre filiation avec un détachement qui m’est propre. « J’suis à peu près sûre que je t’aurai suivie partout pour tout faire pareil. » Je plisse le nez en souriant malgré tout. « C’est débile, oublie. » Elle baisse la tête, elle ricane pour se donner de la contenance et, après avoir réfléchi, je lui répond. « Tu te serais pas entendue avec Liam en tout cas. » Il était ennuyeux à mourir et je doute qu’il soit devenu bien plus intéressant. Au-delà de présenter des centres d’intérêt banaux à mourir, il était surtout bien pensant au point d’en être agaçant. « Avec moi, ouais, peut-être. » J’esquisse un sourire amusé avant de rajouter. « Je suis pas sûre que j’aurais eu une excellente influence sur toi, par contre. » Elle n’a pas eu besoin de moi pour foutre sa vie en l’air, mais je doute que j’aurais été le genre de sœur à la tirer vers le haut. « Ma fille, elle s’appelle Micah. » J’apprends encore, lorsqu’il s’agit de famille. Je ne suis pas le genre de personne qui va lui sortir une photo de son bébé pour la lui foutre sous le nez, mais après tout, elles sont reliées d’une façon, Spencer et ma gamine. Elle la rencontrera peut-être un jour, quand je n’aurais plus peur qu’elle constitue un danger. « C’est pas à Liam que je vais le dire. » Mais à elle, je le dis. Ça constitue peut-être un début de réponse.

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell - janvier 2022

Elle est pas tellement fière de son parcours, Spencer. Mauvais virage après mauvais virage, elle a évincé les seules personnes qui auraient pu constituer un quelconque soutien, préférant se persuader qu’elle était capable de gérer tous ses problèmes sans leur aide. Trop têtue, trop fière, il a fallu attendre qu’elle touche le fond pour qu’elle commence à remettre ses choix en question. Sauf qu’il était déjà bien trop tard pour faire demi-tour, alors plutôt que d’essayer de remonter, elle a continué à creuser encore plus. Et décidément, Raelyn et elles ont bien plus en commun que ce que les apparences peuvent montrer. Elle est tombée sur Amos qui a visiblement complètement chamboulé sa vie, et le son de cloche est bien trop familier pour être ignoré. La jeune femme pense forcément à sa propre lâcheté, à cette soirée du nouvel an qui a ramené de vieux démons et elle sait que c’est trop tard pour envisager cette option là.

Avec Raelyn, elle n’a aucun mal à se livrer et à exposer la vérité brute. Même si elle n’est pas toujours tranquille en sa présence, elle sent qu’elle peut le faire sans concession. Peut-être que c’est une très mauvaise idée, peut-être que ça va finir par se retourner contre elle et qu’elle va s’en mordre les doigts, mais pour une fois, ne pas sortir mensonge sur mensonge, ça lui a sauvé la mise. Qui sait ce qui se serait passé l’autre soir quand elle a appelé Raelyn alors qu’elle était complètement à l’ouest. Qui sait ce qui aurait pu se produire si elle n’avait pas un toit au-dessus de la tête et un boulot pour gratter un peu d’argent. C’est beaucoup, tout ça. C’est beaucoup mais ça lui a carrément changé la vie, et un jour, peut-être, elle sera en mesure de rembourser sa dette. Pas demain, certainement pas cette année, mais un jour. Tout ce qu’il lui manque, maintenant, c’est une raison d’arrêter de se bousiller la santé à la moindre occasion. Mais elle a encore trop besoin de ça pour se sentir exister, alors c’est sûrement pas près d’arriver. Alors elle continue de se confier, justifie même l’honnêteté dont elle fait preuve à l’égard de son aînée et ça lui fait bizarre. D’ordinaire quand on en vient à parler de Spencer, c’est rarement en des termes élogieux. La fille à problèmes, la menteuse, l’instable, un certain nombre de noms d'oiseaux, tant de mauvaises façons de la qualifier que c’en est ridicule. « C’est le plus beau compliment que tu puisses me faire, ça. » elle relève les yeux vers Raelyn et ses lèvres s’étirent dans un bref sourire. C’était pas supposé être un compliment à la base, mais si elle le prend comme tel, tant mieux. Et puis, sans trop qu’elle ne sache pourquoi, elle s’imagine des passés hypothétiques dans lequel elles auraient eu la chance de grandir ensemble. Bien vite, elle se ravise et s’excuse, prête à prendre congé pour faire comme si elle n’avait pas franchi la ligne invisible qui les séparait. Partager le même sang, ça veut pas dire grand chose en ce bas monde. Si Raelyn lui a plus tôt avoué l’apprécier, ça ne lui donne pas tous les droits. « Tu te serais pas entendue avec Liam en tout cas. » et pourtant elle a tout de même droit à une réponse, elle relève un regard étonné vers l’aînée, également surprise de la voir esquisser un sourire. « Avec moi, ouais, peut-être. » et elle aurait pu s’arrêter là, Raelyn. Ça aurait été bien suffisant comme réponse pour Spencer. « Je suis pas sûre que j’aurais eu une excellente influence sur toi, par contre. » la plus jeune lâche un ricanement amusé et sans doute un peu amer, aussi. Elle n'a jamais eu besoin de personne pour trouver les problèmes, parce qu’elle n’avait pas de vrai repère, qu’elle avait juste décrété qu’elle détestait tout le monde et que de toute façon, tout le monde la détestait en retour (à une exception près.) « J’aurai pu te couvrir pour les fois où tu faisais le mur. » parce qu’elle faisait forcément le mur, Raelyn. Elle l’imagine mal rester bien sagement dans sa chambre quand y avait la seule soirée organisée dans leur trou paumé. Ca la fait rire d’imaginer un espèce de duo terrible et elle secoue la tête en réajustant son veston. « Ma fille, elle s’appelle Micah. » ça aussi, c’est sacrément inattendu. Il lui faut plusieurs secondes pour enregistrer l’information. « C’est pas à Liam que je vais le dire. » oui, forcément. Lui il est toujours là-bas, à Charleville, loin de tout, loin de leurs vies. Spencer se surprend à sourire et elle hoche la tête. « Micah, hein ? J’espère qu’elle te laisse dormir. » elle sait pas pourquoi elle dit ça, c’est vraiment le premier truc qui lui traverse l’esprit. C'est con. « Merci. » de lui avoir dit, de l’avoir écoutée, de lui laisser une chance, de tant de choses. « Je heu- ferai sans doute mieux d’y aller. Tu dois avoir mieux à faire que m’écouter dire des bêtises. » un peu nerveusement, elle attend la permission, verbale ou non, avant de s’éclipser. Finalement, l’entrevue n’était pas si terrible que ça.