Ils doivent réapprendre à composer l’un avec l’autre. Trois ans de séparation, ce n’est pas rien. Même s’il refuse de l’assumer, il arrive au moins à se le dire, pour lui-même : son emprisonnement et toutes les épreuves auxquelles il a fait face depuis sa sortie l’ont changé. Il arrive à prendre un certain recul et à avoir conscience de ça, oui, mais il est incapable de dire s’il l’a fait en bien ou en mal. Il se sent toujours autant en colère, empli de rancœur, avec un besoin de vengeance sur l’entièreté du monde. Ça n’a rien de positif, ce constat-là. Rudy est ce qu’il est, et comme il s’amusait à le dire avant qu’on lui passe les menottes : on ne le changera pas. Il a peut-être un peu évolué, mais au fond, il reste le même. Plein de certitudes, d’espérances et de bonne volonté. Dire qu’il est un homme bien qui prend de mauvaises décisions serait exagérer : il n’a rien de bon, Rudy, mais tous les choix qu’il fait sont portés par sa propre notion du bien et du mal. S’il s’acharne à faire passer Erika avant tout le monde depuis novembre, par exemple, c’est parce que cette femme peut lui apporter énormément. Le fait qu’il y ait une part d’illégalité plus que conséquente dans son plan ne semble pas l’affecter plus que cela, le fait qu’il joue avec les émotions de la jeune femme non plus. Le Mexicain est le genre d’homme qui ne s’arrête pas sur les détails et qui ne voit que la finalité : Maria, ses soins. Le reste n’a aucune importance, il peut semer chaos et cadavres sur sa route, peu importe, tant qu’il arrive à ses fins. Pour le moment, tout semble être en suspens. Depuis qu’elle est venue à l’Interlude avec un autre homme, depuis qu’il a dérapé à cause d’une jalousie qu’il ne s’imaginait plus. Jaloux, le brun l’a toujours été, pour n’importe qui : sa mère, ses sœurs, ses frères, Lena. Il ne supporte pas l’idée d’être remplacé ou d’être mis à l’écart par rapport à quelqu’un d’autre. Il n’a donc pas réussi à l’accepter, avec Erika, et a tout gâché avec elle. Peut-être que c’était un mal pour un bien, même s’il sait déjà comment rattraper le coup. Peut-être que c’était le coup de pouce qu’il lui fallait pour accourir chez Lena au moindre signe de vie et se remettre avec elle, même si son esprit pense déjà à tous les torts qu’il peut lui faire. Peut-être qu’il s’est mis dans la plus délicate des situations en renouant avec celle qu’il aime sincèrement quand, au final, ses pensées ne sont dirigées que vers une autre. Il aura toute l’occasion de s’en rendre compte aujourd’hui, car depuis qu’ils ont décidé de se remettre ensemble, c’est la première fois qu’ils vont réellement passer du temps ensemble. Sans alcool, sans autre substance : juste eux, leur amour, rien de plus. Elle l’a convié à un cours de surf particulier, dans lequel il n’y aura qu’eux, évidemment. Elle a envie de jouer à la professeure et même si Rudy n’a jamais été un élève attentif, avec une enseignante comme elle, il va très certainement rester sage. Elle lui a dit que ce serait mieux s’ils se rejoignaient le matin, il a râlé, persuadé de se noyer s’il n’avait pas au moins dix heures de conscience dans les pattes. Mais elle a insisté, le soleil est levé depuis peu – Rudy depuis encore moins de temps – et il gare sa moto sur le parking de la plage. Il n’a rien prévu de plus qu’un maillot, le reste, c’est à elle de gérer, il le lui a dit. Le brun la repère facilement sur le sable, à vrai dire, la plage n’est pas encore noire de monde – c’est peut-être pour ça que venir à cette heure-ci était aussi judicieux. Il s’approche d’elle, un sourire mi-satisfait mi-crispé sur le visage. T’es consciente que je vais probablement mourir avant la fin de la matinée ? Il lui demande après lui avoir volé un baiser pour la saluer. Il n’abuse jamais, Rudy, ce n’est vraiment pas son genre.

@Lena Edwards

Il était encore tôt et pourtant Lena était déjà sur la plage depuis un bon moment, assise à même le sol, son regard perdu entre l’horizon et son téléphone qu’elle ne saurait lâcher trop longtemps. Elle était ravie de son programme de la matinée, mais ne pouvait s’empêcher de rester pensive face à l’immensité de l’océan. Il semblait que tout autour d'elle était devenu irréel, depuis quelques temps. Lena avait du mal à savoir quoi croire ou non. Elle avait des difficultés à savoir à qui faire confiance, du mal à comprendre ce qu'elle voulait ou non. Le décès de sa mère et les rumeurs incessantes sur son travail auraient d'ailleurs pu la rendre complètement folle si elle n'avait pas trouvé du réconfort auprès de Rudy. Bien que leurs retrouvailles elles aussi étaient irréelles et relevaient presque du miracle, elle ne pouvait qu'avouer que sans ça, elle aurait pu bien mal tourner encore une fois. Rien n'était simple pour autant. Passer du temps ensemble, rien qu'à deux, l'était. C'est quand le monde autour entrait en jeu que les complications s'amusaient toujours à arriver. S'ils étaient attirés sans cesse l'un par l'autre, Lena ne savait que trop bien comme leur relation était dangereuse, comme elle l'avait toujours été. Et s'il semblait de bonne foi et sincère, elle n'était pas à l'abri d'une mauvaise surprise. Elle n'était à l'abri de rien, en réalité. Mais le besoin de l'avoir près d'elle valait le coup de prendre le risque de souffrir, encore. Elle était inconsciente de se jeter à corps perdu dans un couple qui lui avait déjà apporté plus de mal que de bien. Ressentir tant de choses pour quelqu'un était trop intense pour être sain, mais à l'instar d'une droguée la joie qu'il lui procurait passait toujours au delà de tout le reste. C'est Rudy lui même qui vint la sortir de ses pensées lorsqu'elle entendait les vrombissements du moteur de sa moto. Elle l'observait un instant avant de se lever alors qu'il s'approchait d'elle pour la saluer en l'embrassant. T’es consciente que je vais probablement mourir avant la fin de la matinée ? Elle secouait la tête, un sourire au bord des lèvres. Il en faisait trop, comme toujours. Et comme toujours, ça la faisait rire Lena. Mais non, t'as de l'équilibre pour tenir sur ta moto, t'en auras pour tenir sur une planche. Qu'elle lançait en hochant la tête machinalement, comme pour appuyer ses dires. Quoi qu'en réalité ça n'avait rien à voir et elle le savait bien, il fallait néanmoins réussir à le motiver. Et puis si j'ai appris à surfer, tu peux apprendre aussi. Parce qu'elle revenait de loin et qu'il le savait bien. Lorsqu'à son arrivée en Australie il y a des années maintenant elle ne connaissait rien de la vie et du monde, elle avait dû tout apprendre, elle avait dû se construire. Il était bien placé pour le savoir Rudy, même si ce que lui lui avait enseigné relevait plus d'un domaine festif que sportif. Et si une coquille vide telle qu'elle avait su se forger toute une personnalité et apprendre tout un tas de choses, nul doute que le brun réussirait à tenir sur une planche - au moins. C'était dans tous les cas l'objectif qu'elle s'était fixée, si tant est qu'elle réussirait à obtenir la concentration de son élève du jour - tâche qu'elle savait dors et déjà compliquée. Elle s'approchait de lui, posant sa main sur son torse, son regard plongé dans le bleu de ses yeux. Et au pire, si tu te noies, ça me donnera l'occasion de te sauver la vie. Elle ne cachait pas son air amusé de le voir ainsi crispé et s'amusait en se moquant à peine de lui. Allez, mets toi en maillot, t'es trop habillé là. Qu'elle lançait, mettant ses vêtements de côté pour se retrouver en maillot elle aussi, profitant du fait qu'il était encore à moitié endormi pour espérer le voir se montrer coopératif.

Dès son arrivée, il a la remarque qu’il faut pour la faire rire. C’est une force chez Rudy, une des rares choses qu’il apprécie chez lui. Il sait autant mettre à l’aise qu’être dérangeant : en fonction de la situation et de la personne, il fait un choix et s’y tient. Avec Lena, il a toujours essayé d’être agréable. De l’intéresser, de l’attirer, d’être celui dont elle ne peut plus se passer. Elle a su le faire durant des mois – des années – mais était-ce vraiment volontaire ? Il lui a imposé son absence, il l’a forcé à accepter leur rupture. Et aujourd’hui, s’ils se retrouvent et réapprennent à s’aimer, c’est parce que l’idée vient de lui. Une fois de plus, il fait ce qu’il veut d’elle. Une fois de plus, il a montré qu’elle lui appartient. Il ne le fait pas volontairement, il ne s’en rend d’ailleurs pas réellement compte mais c’est bel et bien ce qu’il fait. Il exerce son pouvoir sur elle ; et l’amour rend aveugle car s’ils ne sont pas capables de s’en apercevoir, le monde autour s’en rend bien compte. Mais il n’y a personne pour l’arrêter, lui. Et personne pour la mettre en garde, elle. Il n’y a qu’eux, comme avant, aussi destructeur que cela peut être. Alors, il trouve les mots pour la faire rire et elle trouve ceux pour le faire sourire. Mais non, t’as de l’équilibre pour tenir sur ta moto, t’en auras pour tenir sur une planche. Et puis si j’ai appris à surfer, tu peux apprendre aussi. C’est vrai que sportivement, Rudy est un homme qui se débrouille. Il a du mal à rattraper les autres quand il s’agit d’une activité intellectuelle mais au niveau sportif, il a de quoi se défendre. J’pense pas qu’il y ait genre un centième de rapport entre la moto et l’surf mais j’te laisse ton argument, t’as l’air d’y tenir. La moquerie est faite gentiment, pas pour la vexer, et elle le sait. J’veux bien faire un effort, pour toi. Parce que si ça n’avait pas été pour elle, il aurait refusé de monter sur la planche. Il aurait même refusé de venir à la plage. Son élément à lui, c’est la route : peu importe si elle est facilement praticable, tant qu’il peut y mettre son deux-roues dessus. Elle se rapproche de lui et s’ancre à ses yeux, il ne détourne en rien son regard. Il profite de l’instant, persuadé que c’est leur moment. Celui de se retrouver et de rattraper le temps perdu, celui à être séparés sans le vouloir ou à se repousser pour ce qui devait être le mieux. Mais il n’y a rien de meilleur que de pouvoir être proche d’elle de cette façon, il en est finalement convaincu, là. Et s’il l’est, c’est parce qu’Erika ne fait plus partie de sa vie. Parce qu’il a mis de côté tous ses plans. Parce qu’elle a mieux à faire que de se concentrer sur un serveur. Le destin a fait qu’ils se sont retrouvés au bon moment et désormais, il a la certitude que rien ne peut se mettre en travers de leur chemin. Et au pire, si tu te noies, ça me donnera l’occasion de te sauver la vie. Il penche légèrement sa tête sur le côté. Tu dois être canon en maître-nageuse. Mais l’bouche à bouche, il est que pour moi, ok ? Et oui, Rudy est le genre d’homme à être possessif même dans la mort : qu’elle laisse les autres se noyer et s’étouffer, elle n’est qu’à lui. Allez, mets toi en maillot, t’es trop habillé là. Il hoche son visage. Alors ça y est, dans quelques secondes maintenant, il va devoir affronter les vagues. Le brun secoue son visage pour se motiver et retire ses vêtements, à son tour, se retrouvant en maillot. Comme elle, et comme tous les gens qui vont à la plage : c’est ce qu’il faut faire, paraît-il. Bon j’ai déjà vu des films où d’abord ils montrent comment ça marche sur le sable, mais ils ont toujours l’air très cons. Donc montre-moi, mais j’veux pas avoir l’air con. Rudy a ses exigences, aussi futiles soient-elles.

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Depuis qu'ils ont décidé de se remettre ensemble, Lena avait la sensation de reprendre à zéro avec Rudy. Comme si la vie avait mis une seconde chance sur leur route et qu'il ne tenait qu'à eux de la prendre en mains pour construire quelque chose de beau, de sain. Rien dans leur relation ne l'était jusqu'à présent et il faut bien dire que ni elle ni lui ne s'en rendaient bien compte. Sinon, ils n'auraient pas décidé de recommencer encore, d'écrire un nouveau chapitre de leur histoire. C'est pourtant bien ce qu'ils étaient en train de faire, contre toute attente. Un sourire ne quittait plus son visage depuis que son regard avait croisé celui de Rudy, encore moins alors qu'il râlait déjà de cette activité - elle s'y attendait. J’pense pas qu’il y ait genre un centième de rapport entre la moto et l’surf mais j’te laisse ton argument, t’as l’air d’y tenir. Pourtant elle y croyait dur comme fer, au fait qu'il réussirait à surfer sans mal. Il saurait se débrouiller, étant plutôt sportif de base. Alors elle se contentait de lever les yeux au ciel en riant, parce qu'à l'entendre, la comparaison était soudain moins logique qu'elle ne l'était dans sa tête. Dis comme ça.. Difficile à croire que la scène qui se déroulait à cet instant entre eux était réelle, mais c'était pourtant bien le cas. Étaient-ils vraiment assez matures pour laisser le passé derrière eux et retrouver une relation de couple "normale" ? J’veux bien faire un effort, pour toi. Elle aurait pu fondre sur place d'entendre de telles remarques, mais s'empêchait de le montrer. De toutes ses forces, la blonde voulait essayer de montrer que malgré les sentiments qu'elle avait pour lui, il ne la contrôlait plus comme avant. Bien entendu, elle se trompait, mais c'est ce dont elle essayait constamment de se convaincre. Tu dois être canon en maître-nageuse. Mais l’bouche à bouche, il est que pour moi, ok ? Elle levait les yeux au ciel, s'empêchant de lui faire remarquer qu'elle aurait trop peur qu'il ne défigure un inconnu pour avoir été sauvé de la noyade. Pour ce genre de blague, il était bien trop tôt. T'en fais pas, les autres je les laisse se noyer. En même temps, elle n'imaginait même pas à quel point Rudy serait capable de se mettre en colère si les lèvres d'un inconnu touchait celles de Lena. Mieux valait rester sage et éviter un incident évitable, car ce genre de détail les avait déjà trop desservis dans le passé. Ce qu'elle aurait dû dire, en réalité, c'est que peu importe qui elle avait en face d'elle, il n'y avait que ses lèvres à lui qui l'intéressait. Rapidement elle ordonnait au mexicain de se mettre en maillot et il obéît immédiatement. Bon j’ai déjà vu des films où d’abord ils montrent comment ça marche sur le sable, mais ils ont toujours l’air très cons. Donc montre-moi, mais j’veux pas avoir l’air con. Les choses allaient se compliquer s'il avait des consignes particulières qu'elle devait respecter. On peut zapper l'étape au sol, tu risques juste de te noyer deux fois plus vite. Et elle aurait deux fois plus rapidement l'occasion de jouer à la Pamela Anderson des plages. Même si entre nous, en maillot, tu pourrais faire ce que tu veux que t'aurais jamais l'air con. Il faut dire que si Rudy avait un avantage, c'était bien son physique. Bon, j'te le fais une fois ici pour que tu vois le geste et si tu veux pas essayer, on ira à l'eau. Sans attendre elle s'allongeait sur sa planche posée à même le sable et se levait dessus en y sautant à pieds joints, les pieds écartés à largeur d'épaules, le corps de profil par rapport à la planche. Tu crois que tu sauras faire ça sans t'entraîner ici d'abord ? Lena y croyait peu, mais elle savait que l'air de défi qu'elle mettait dans le ton de sa voix donnerait envie à Rudy de tenter.

« T’en fais pas, les autres je les laisse se noyer. » Sa jalousie et son impulsivité apprécient énormément cette réponse : elles aimeraient éviter de le renvoyer en prison. C’est bien moins rigolo, là-bas. On ne peut pas se battre autant qu’on le souhaite, on ne peut pas insulter les personnes qui ont des têtes à claques et, surtout, il faut respecter les policiers. Aucune envie d’y retourner, donc. « J’préfère ça. » Il préfère ne plus parler de son hypothétique noyade et passer au vif du sujet, en lui disant clairement qu’il n’a pas envie d’essayer l’entraînement sur le sable. Il a toujours trouvé les personnes faisant ça stupides, du moins, c’est l’air qu’elles donnaient d’elles. Et si Rudy déteste bien une chose, c’est d’avoir l’air con. Il sait qu’il ne brille pas par son intelligence, oui, mais il n’a pas envie qu’on s’en rende compte de loin. Il préfère qu’on l’approche et le juge en face à face, plutôt que n’importe qui puisse le faire en passant sur la plage. La première option n’est jamais envisagée par les types qui jugent aisément à quelques mètres de distance, étrangement. « On peut zapper l’étape au sol, tu risques juste de te noyer deux fois plus vite. Même si entre nous, en maillot, tu pourrais faire ce que tu veux que t’aurais jamais l’air con. » Le petit compliment qu’elle tente passe plutôt bien, fait sourire le brun. « M’tente pas, j’peux essayer d’faire les pires trucs pour voir si vraaaiment ça marche pas. » Mais il sait que rien que cette étape est suffisante, c’est pourquoi il souhaite la sauter malgré tout. « Bon, j’te le fais une fois ici pour que tu vois le geste et si tu veux pas essayer, on ira à l’eau. » Elle s’allonge sur la planche et se relève ensuite d’un saut, en lui montrant bien le geste. Il secoue son visage. « Tu crois que tu sauras faire ça sans t’entraîner ici d’abord ? » Un sourire s’installe sur les lèvres du mexicain, malicieux. Evidemment qu’il va y arriver, l’air de défi qui s’est placé dans la voix et dans le regard de la blonde l’aide déjà à le savoir. S’il se rate, il passe pour un con. S’il y arrive, il est génial. « Bah, ouais. T’en doutes ? » Il demande en prenant la planche qui lui est assignée, avant de lui faire un clin d’œil. « Regarde ça. » Il le dit sur un ton plus que confiant, peut-être un peu trop. Il s’élance jusqu’à l’eau, s’avance jusque-là où les vagues commencent à se former et reproduit ce qu’a fait Lena sur le sable… en se cassent la figure lors du saut pour se relever. La vague l’avale et, quand il ressort enfin son visage de l’eau, il cherche des yeux le sable pour pouvoir y retourner. Il avance difficilement et s’assoit à la naissance de l’eau en posant la planche à côté de lui, peu ravi de cette expérience. « Ouais bah c’est d’la merde le surf, moi j’préfère nager ! » Il le crie dans la direction de Lena, toujours postée un peu plus loin, qui n’a sûrement rien loupé de toute cette scène. Il se tourne en sa direction pour la regarder, avant de se frotter les yeux – l’eau salée ne fait vraiment pas de bien. « On s’fait autre chose plutôt ? » Il a beau être sportif et motard, Rudy n’est pas à l’aise sur une planche. Et il n’a pas envie de perdre son après-midi à apprendre une discipline – et à boire la tasse – pour ne jamais en refaire après.

@Lena Edwards

J’préfère ça. Certain d'échapper à la noyade, il voulait maintenant échapper aux cours de surf tout court. M’tente pas, j’peux essayer d’faire les pires trucs pour voir si vraaaiment ça marche pas. L'espace d'un instant elle se demandait ce qu'il pourrait bien faire de si ridicule. Juste après, elle se rappelait qu'il ne ferait jamais quelque chose du genre en public, quoi qu'elle aurait adoré le voir se donner en spectacle. De toute façon, elle préférait largement qu'il garde ses idioties pour elle. Elle pouvait être un peu jalouse, après tout, elle aussi. Bah, ouais. T’en doutes ? Regarde ça. Elle le savait capable de beaucoup. Mais de savoir surfer d'instinct en l'ayant juste vue sauter sur sa planche une ou deux fois était impossible. Alors quand il tombait lourdement de la planche en essayant de s'y tenir debout, ça n'avait pas surpris Lena. Par contre, elle aurait rêvé que cet instant se transforme en un film, ou au moins une photo ou une pochade. Lena rêvait que quelqu'un ait immortalisé cette scène. Elle ne se cachait pas de rire alors qu'il revenait sur la terre ferme, visiblement énervé d'avoir raté son coup. Heureusement qu'à cette heure ci, la plage était encore plutôt calme. Ouais bah c’est d’la merde le surf, moi j’préfère nager ! Qu'il criait au loin avant de s'essuyer le visage et de revenir vers elle en traînant la planche par terre derrière lui. Je donnerais tout pour avoir une preuve de ce qu'il vient de se passer, là. Qu'elle lançait pour enfoncer le couteau dans la plaie, juste un peu. Il savait que c'était pour rire, il savait aussi qu'il le méritait largement d'avoir voulu jouer au plus malin. S'il l'avait écouté, il aurait eu plus de chances de s'en sortir indemne. On s’fait autre chose plutôt ? Elle affichait une moue déçue, enfantine. T'es pas drôle. Qu'elle boudait, n'ayant aucune envie de changer son programme. Quoi qu'elle pouvait déjà être contente qu'il ait bien voulu tenter une fois de monter sur une planche. On peut, mais t'y échapperas pas toujours. Je retenterais ma chance jusqu'à ce que t'essaies vraiment. Elle savait être persuasive quand elle voulait quelque chose, surtout sur le long terme. Et Rudy n'était clairement pas quelqu'un qu'on pouvait amadouer si facilement. Elle s'approchait de lui pour lui embrasser la joue avant de lui demander : T'as envie de quoi ? Si déjà il changeait les plans de la journée, autant qu'il se montre imaginatif et lui propose quelque chose à faire à la place. J'ai pas d'affaires de rechange en plus, alors quoi que tu veuilles faire faire, si c'est pas à la plage, je vais devoir rentrer pour me changer. Elle ne pouvait décemment pas aller n'importe où avec ces sandales de plage sorties pour l'occasion.

« Je donnerais tout pour avoir une preuve de ce qu’il vient de se passer, là. » Il n’en doute pas. Si les rôles avaient été inversé, il l’aurait charriée beaucoup plus de ça. Mais il garde une moue gravée sur son visage, pour prouver son mécontentement. Ce n’est pas le surf qui est nul, en vérité, c’est juste lui qui n’a pas l’expérience nécessaire. Est-ce qu’il faut vraiment avoir l’air d’un con sur le sable avant d’aller à l’eau ? Il se rend bien compte que oui, et c’est ça qui fait qu’il lui dit qu’il préfère faire autre chose : parce qu’il n’aime pas aller en arrière, revenir sur ses paroles. S’il s’entraîne comme elle lui a dit, ça voudra dire ressembler à tous les autres volontairement. Est-ce ce qu’il désire ? Pas vraiment. « T’es pas drôle. On peut, mais t’y échapperas pas toujours. Je retenterais ma chance jusqu’à ce que t’essaies vraiment. » Il hoche son visage. « Ok, la prochaine fois qu’on tente, je persévère. » Il va dans le même sens qu’elle, il essaie d’imaginer qu’ils recommenceront : leur couple renaît à peine et, à l’heure actuelle, ils sont tous les deux persuadés que ça va durer. Rudy en a terminé avec ses histoires de chantage – pour le moment – et Lena a décidé de lui pardonner ses deux ans de silence. Ils peuvent s’aimer, s’apprivoiser, faire des projets. Oui, même celui de voir le mexicain se rétamer encore et encore sur sa planche. « T’as envie de quoi ? » Il retient la phrase trop facile, que tous les hommes disent à leur femme quand elles leur posent cette question. « J’ai pas d’affaires de rechange en plus, alors quoique tu veuilles faire, si c’est pas à la plage, je vais devoir rentrer pour me changer. » Il détourne son regard d’elle quelques secondes pour regarder la plage, à la recherche d’une activité dans le coin. Il y a les châteaux de sable, la nage jusqu’à la bouée, le surf – qui est banni pour le moment, la bronzette, manger une glace, courir comme dans les films au bord de l’eau, juger le physique de ceux qui passent, creuser un trou pour arriver sur un autre continent… Il y en a des choses à faire, dans le coin. « Euuuuh… » Il hausse ses épaules, pas très inspiré, pour le coup. « J’peux peut-être, mais alors, vraiment peut-être faire un effort. » Il regarde la planche, si ses yeux étaient des armes, elle aurait été mitraillée. « Mais alors tu m’remontres tes gestes, mais dans l’eau cette fois. Que j’vois à quel moment faut monter sur la planche. J’crois que c’est ça qui m’a niqué, sur l’sable j’ai pas su voir. » Il a l’impression que son argument tient la route. Et si ce n’est pas le cas, d’accord, il essaiera sur la plage. « Ou après, j’peux t’regarder faire, ça m’gêne pas. J’pourrais te regarder toute la journée que ce serait quand même amusant pour moi. » Il le dit sincèrement, même si ça paraît être une phrase un peu trop amoureuse pour Rudy : il est heureux de l’avoir retrouvée, il essaie de le faire comprendre du mieux qu’il le peut.

@Lena Edwards

Voir Rudy tomber de sa planche et se prendre une vague en plein visage avant de râler de l'autre bout de la plage avait fait rire Lena comme rarement ces temps ci. Rien que pour ça, elle savait qu'elle avait fait le bon choix de se remettre en couple avec lui. Rien que pour ça, cette journée était réussie même si finalement, elle n'arrivait pas à tirer grand chose de lui. A vrai dire, malgré sa mou boudeuse et son ton râleur, Lena préférait bien plus passer du temps avec lui que de spécialement passer du temps à surfer. Partager une activité à laquelle elle tenait était toujours appréciable, forcément, et ça changeait de leurs ballades à moto où il dirigeait tout en l'embarquant avec elle. Ici, pour une fois au moins, c'était elle qui avait quelque chose à lui apprendre, à lui apporter. Dans leur relation, l'inverse était plus souvent vrai. C'est bien pour ça qu'elle fut surprise qu'il aille dans son sens aussi vite, qu'il abandonne l'idée de crier sur tous les toits que le surf était le pire sport au monde. Ok, la prochaine fois qu’on tente, je persévère. Elle ne cachait pas sa joie de l'entendre, sourit pour le lui montrer. J'ai hâte de voir ça. Alors elle le mettait sur le fait accompli, le chargeant de trouver une nouvelle attraction pour occuper leur journée. Euuuuh… Elle s'attendait à une idiotie de sa part, fut surprise que ce n'était pas ce qui lui traversait l'esprit. J’peux peut-être, mais alors, vraiment peut-être faire un effort. Lena avait rarement été si choquée d'une de ses réactions, persuadée qu'il n'hésiterait pas à l'embarquer par dessus son épaule en quête d'une aventure qu'il gèrerait mieux qu'une planche de surf. Wow, ça je m'y attendais pas. Essayait-il sincèrement de faire des efforts ? De manière surprenante, c'est à ça que ça ressemblait. Mais alors tu m’remontres tes gestes, mais dans l’eau cette fois. Que j’vois à quel moment faut monter sur la planche. J’crois que c’est ça qui m’a niqué, sur l’sable j’ai pas su voir. Elle voyait mal comment faire ça. Euh.. je suis pas sûre que ça te serve à grand chose, tu verras rien quand même. Mais elle pouvait essayer, après tout. Le revoir tomber magistralement ne serait qu'amusant - quoi qu'elle devrait songer à ne pas laisser cet incident se reproduire trop de fois au risque de vraiment énerver Rudy. Ou après, j’peux t’regarder faire, ça m’gêne pas. J’pourrais te regarder toute la journée que ce serait quand même amusant pour moi. Elle secouait la tête, refusant cette possibilité. Je suis sûre que ce serait un peu long pour toi, quand même. Et pas très intéressant, au final. Puis je suis pas certaine de vouloir t'abandonner là, tout seul sur la plage. T'aurais l'air d'une proie facile. Pas du tout. Mais elle avait bien le droit d'être jalouse elle aussi. T'essaies une dernière fois, et si ça te plaît pas, on rentre. On trouvera déjà quelque chose à faire. Il n'y avait aucun doute. Rien que passer du temps à ne rien faire en sa compagnie était déjà suffisant pour elle. En aussi peu de temps qu'il ne fallait pour le dire, les deux se retrouvaient à l'eau à hauteur du nombril. Je te montre sur une toute petite vague. Elle s'élançait pour le faire, mais finit par glisser et tomber à son tour. Sa chute était tout aussi glorieuse que celle de Rudy, le sel dans ses yeux la faisait un peu moins rire sur ce coup ci.

« J’ai hâte de voir ça. » Il ne fallait pas attendre plus longtemps : Rudy ne sait pas quelle autre activité proposer et lui dit que oui, il est prêt à retenter l’expérience, mais qu’il veut une nouvelle démonstration. Il préfère l’accuser elle que de mettre ça sur son propre dos. Non, il n’est pas nul au surf. Il n’a simplement pas compris comment faire, ça viendra : il a toujours réussi à tout apprendre de lui-même. Autodidacte dans absolument tous les domaines, ce n’est pas celui-ci qui va lui faire peur. « Wow, ça je m’y attendais pas. » En général, Rudy râle et passe à autre chose. Là, il persévère : c’est une première avec Lena, normal qu’elle réagisse de la sorte. Il espère qu’elle se rend compte des efforts qu’il fait – il espère également les tenir sur la durée, ceux-là, et ne pas la décevoir dans les jours qui suivront. « Tant qu’c’est positif. » Il sait qu’il ne changera jamais complètement, il sait aussi que Lena en a conscience. Alors, il aimerait qu’elle ne se fasse pas trop de faux espoirs mais qu’elle accepte ses efforts. Elle pourrait les critiquer, aussi, en disant qu’elle les connaît et que ça ne tient jamais. Là, elle a l’air réellement agréablement surprise. Il lui demande un nouvel exemple, elle n’a pas l’air convaincue. « Euh.. je suis pas sûre que ça te serve à grand-chose, tu verras rien quand même. » « Et alors ? » Il veut bien tenter. Au pire, il ne voit rien. Au mieux, il comprend le geste et le reproduit à la perfection. Il lui propose de rester sur le sable, sinon, et de ne rien faire d’autre que de la regarder. Ça lui irait parfaitement, à lui. « Je suis sûre que ce serait un peu long pour toi, quand même. Puis je suis pas certaine de vouloir t’abandonner là, tout seul sur la plage. T’aurais l’air d’une proie facile. » Elle essaie de se montrer jalouse, elle aussi. Ça le fait sourire, même s’il n’a pas besoin de ça : il ne la regarde qu’elle depuis des années. S’il a passé des nuits avec d’autres durant leur séparation et s’il s’est intéressé à Erika, ce n’était que purement physique d’un côté et que pour de l’argent de l’autre. Du moins, c’est ce qu’il essaie de se convaincre. Mais c’est le passé, tout ça. Il n’y a qu’elle maintenant – pour l’instant. « T’essaies une dernière fois, et si ça te plaît pas, on rentre. On trouvera déjà quelque chose à faire. » Ils trouvent toujours. Même le silence s’apprécie quand ils sont tous les deux, justement parce qu’ils sont tous les deux. Pas besoin de parler ou de faire quoi que ce soit, la moindre petite activité se suffit à elle-même. « Je te montre sur une toute petite vague. » « Allez, j’te regarde. » De nouveau dans l’eau, il ne lâche pas sa petite amie des yeux : elle s’élance et se rétame, comme Rudy il y a quelques minutes. Le rire à gorge déployée qu’elle avait sur le sable est le même qu’il a, là dans l’eau, même s’il se rapproche en même temps d’elle pour s’assurer que ça va. « Bah alors, la pro du surf ? » Il demande en tenant sa planche d’une main et en posant l’autre sur son épaule. « J’pense que j’t’ai filé ma malédiction, on peut rentrer et faire autre chose. » A vrai dire, les activités dans l’eau ont toujours tendance à le fatiguer : il a envie de rentrer, de se doucher et de se poser devant un film ou une série. « On peut la jouer aux vieux à fermer les volets, s’mettre sous un plaid et regarder la télé, si tu veux ? » C’est rien d’incroyable, rien de sportif, mais c’est ce qu’il a envie de faire. « Sauf si tu veux retenter et te venger de l’eau mais ça, c’est entre elle et toi. » Il ne veut surtout pas s’immiscer entre la mer et Lena, sait-on jamais ce qu’il pourrait se passer.

@Lena Edwards

Tant qu’c’est positif. Lena se gardait bien de lui dire que tout l'était depuis qu'ils étaient remis ensembles. Elle avait la sensation que tout était à sa place, qu'elle était enfin complète et pourrait s'épanouir rien que grâce à lui. Ça cachait sans aucun doute une dépendance malsaine, mais sur le coup elle n'en avait rien à faire : Rudy était là avec elle, tout se passait bien jusqu'alors, et c'est tout ce qui comptait. Son bonheur se voyait de loin et elle aimait cette sensation. Elle s'empêchait pourtant de le lui dire trop de fois, refusant de le noyer sous des tas de sentiments par peur de l'étouffer. Il lui demandait un nouvel exemple pour essayer à son tour de surfer, elle n'était pas convaincue qu'il lui serait vraiment utile, même les pieds dans l'eau. Et alors ? Elle haussait les épaules, ne comprenant pas trop où il voulait en venir. Lena pourrait bien jouer à la professeur parfaite, s'il ne voyait rien d'où il se trouvait, il ne risquait pas de s'améliorer. Quoi que bon, concrètement, elle se doutait bien qu'il était plus intéressé par essayer de lui faire plaisir et de passer du temps avec elle qu'apprendre à surfer. Allez, j’te regarde. Ce serait sa dernière tentative de lui montrer les gestes à faire : sans l'étape des cours sur le sable, il n'irait jamais bien loin, elle le savait. Elle s'élançait sur sa planche, tombait au moment de se redresser dessus. Elle sortait la tête de l'eau pour reprendre ses esprits, sûre que Rudy profiterait de cette chute pour se moquer d'elle - c'était mérité, pour le coup. Bah alors, la pro du surf ? Bizarrement il semblait presque plus inquiet que moqueur ce qui eu le don d'attendrir Lena. Pas si pro que ça du coup. Elle avait le sourire aux lèvres, s'amusait d'elle même. Des chutes il y en aurait d'autres ; ce n'était pas la première et ne serait pas la dernière. Rien de grave, elle avait simplement les yeux et le nez qui piquaient à cause du sel, ça passerait aussi vite que c'était arrivé. J’pense que j’t’ai filé ma malédiction, on peut rentrer et faire autre chose. Et pour le coup elle était plutôt d'accord : forcer la chose ne servait à rien, que ce soit pour elle ou pour lui. Tant pis, le cours de surf ce ne serait pas pour aujourd'hui. Ouais, je pense que tu m'as jeté un sort pour que je tombe, c'est pas possible autrement. Qu'elle lançait en riant. Elle n'était même plus déçue, au final elle rêvait de rentrer pour se rincer le visage. On peut la jouer aux vieux à fermer les volets, s’mettre sous un plaid et regarder la télé, si tu veux ? Difficile de ne pas être convaincue par ce programme tant qu'elle pouvait rester contre lui sur le canapé. Elle hochait la tête pour acquiescer. Sauf si tu veux retenter et te venger de l’eau mais ça, c’est entre elle et toi. Elle secouait la tête : non, elle n'était pas têtue à ce point. J'aurais beau essayer, j'pense qu'elle gagne à tous les coups. Elle s'approchait de Rudy, passait une main dans son dos pour l'enlacer et venir l'embrasser. T'as gagné, on rentre. J'ai bien envie de prendre une douche en plus. Histoire de se débarrasser de tout ce sel sur sa peau. Ils sortaient de l'eau, prêts à enfin quitter la plage que Rudy ne semblait pas tant apprécier. Tu vas garer ta moto devant chez moi ? Faut que je rentre à pieds, j'ai ma planche à emmener. Et à ranger dans son garage au sous sol de l'immeuble, au passage. J'te donne la clé si tu veux, t'as qu'à m'attendre en haut. Ils n'étaient pas très loin de chez elle, elle ne mettrait pas bien longtemps à rentrer.

Ils ont prévu ce cours de surf simplement pour passer du temps ensemble. Ça aurait pu être ça comme n’importe quoi d’autre. A vrai dire, Rudy pense qu’ils ont programmé une activité pour toujours avoir quelque chose à faire. Après tant de temps à être séparés, peut-être qu’ils ne savent pas aussi bien s’accompagner qu’à l’époque. Quand ils ont commencé à sortir ensemble, ils n’avaient pas besoin de quelque chose de précis pour s’amuser. Un rien les faisait parler durant des heures, il n’y avait pas besoin que le reste du monde entre dans leur bulle pour que le moment devienne précieux. Rudy remarque rapidement que cette excuse toute trouvée n’a pas lieu d’être : ils arrivent à s’amuser même s’ils ne respectent pas parfaitement les codes du surf. La preuve, à part se casser la figure, ils ne font pas grand-chose d’intéressant. « Pas si pro que ça du coup. » Elle peut le faire remarquer, oui. Elle qui se moquait il y a encore quelques minutes se retrouve les yeux et le visage trempés par une eau toujours trop salée. Il lui dit qu’il lui a sûrement refilé la malédiction et que rien ne sert d’insister, qu’ils peuvent rentrer, passer à autre chose. La crainte est levée – du côté de Rudy – à quoi bon insister ? « Ouais, je pense que tu m’as jeté un sort pour que je tombe, c’est pas possible autrement. » Il hoche vivement sa tête. « C’est toujours d’ma faute, je prends la responsabilité. » Pour une fois qu’il peut rire d’une accusation, il prend : le reste du temps, il ne peut que baisser le regard et encaisser. Là, ce n’est pas un reproche sérieux. Ils sont rares, ceux-là. Quasiment inexistants. Il lui propose un plan qui lui convient à lui, en espérant qu’elle l’apprécie, elle aussi : qu’ils rentrent se poser et ne rien faire d’autre. C’est quelque chose qui leur ressemble un peu moins, en temps normal, mais que Rudy a envie d’essayer. Juste être au calme, l’un avec l’autre. Elle vient l’embrasser, signe qu’elle accepte sa défaite face à la mer. « T’as gagné, on rentre. J’ai bien envie de prendre une douche en plus. » Une douche ne serait pas de refus non plus, pour le mexicain. Il n’est pas resté dans l’eau trop longtemps et le sable n’a pas pu s’infiltrer partout, mais ce serait quand même agréable de se sentir parfaitement propre. Peut-être plus tard. « Tu vas garer ta moto devant chez moi ? Faut que je rentre à pieds, j’ai ma planche à emmener. J’te donne la clé si tu veux, t’as qu’à m’attendre en haut. » Il n’avait pas besoin qu’elle lui donne sa clé, avant, car il avait la sienne. Ils vivaient ensemble, chez elle. Il était un peu là-bas, un peu chez les Gutiérrez. C’était bien mieux que de galérer chez Andrea. Il rêve du jour où il aura de nouveau son chez lui et qu’il pourra se sentir à sa place, sans squatter chez des gens qui ne veulent pas vraiment de lui. Peut-être qu’il aura de nouveau l’occasion de s’installer de manière permanente chez Lena, il n’en sait rien. « On fait ça. » Il la suit jusqu’à ses affaires pour récupérer la clé. « Tu te dépêches, hein. » Il n’aime pas la laisser seule. Même s’ils sont en pleine journée et qu’elle ne risque pas grand-chose, ça ne lui plaît pas. Sa jalousie, sûrement, ou son manque de confiance en la gent masculine. Il lui vole un baiser et rejoint le parking pour retrouver sa moto et rentrer à l’appartement. Le trajet n’est vraiment pas long et, une fois à l’intérieur, il ne perd pas son temps avant de s’installer sur le canapé et de commencer à zapper à la télé. Il sait déjà qu’il va finir sur netflix ou une autre plateforme dans le genre, mais il aime bien faire semblant de s’intéresser aux programmes australiens. De toute manière, elle l’aidera à se décider quand elle sera rentrée.

@Lena Edwards

Ce n'était pas leur genre, avant, ce type d'activités. Lena y avait vu le fruit des efforts qu'ils voulaient faire tous les deux pour avoir une relation plus saine mais elle venait de comprendre, les cheveux trempés et en pagaille,, qu'il n'en était rien. Ils étaient simplement là pour se jauger l'un l'autre et savoir s'ils étaient encore capable de passer du temps ensemble ou si leur décision de se remettre en couple était complètement inconsciente. Ces deux hypothèses étaient justes mais elle ne voyait que le bon côté d'avoir Rudy auprès d'elle, peu importe à quel point ils avaient agis sur une impulsion irréfléchie, comme d'habitude. C’est toujours d’ma faute, je prends la responsabilité. Sans l'euphorie d'un renouveau entre eux, Lena aurait grincé des dents à entendre cette phrase qu'elle aurait voulu qu'il prononce à plusieurs reprises, toujours dans des contextes trop douloureux pour qu'il n'assume ses torts. Elle ne commentait pas, se contentant de l'embrasser avant d'abdiquer pour de bon face à la mer. On fait ça. La décision prise ils se dirigeaient vers les affaires de la blonde pour qu'elle lui donne la clé de l'appartement. Tu te dépêches, hein. Elle hochait la tête. Promis. Ils n'avaient pas à rester séparés bien longtemps, pour autant, Lena se dépêchait de rentrer chez elle, d'entrer par le garage de l'immeuble pour aller ranger sa planche et remonter rejoindre Rudy chez elle. Ouvrir la porte et avoir la vision du brun affalé sur son canapé ravivait des tas de souvenirs dans son esprit. Avant, il était ici chez lui et il n'était pas peu commun qu'elle rentre alors qu'il était déjà là. A chaque fois un sourire illuminait son visage, c'était encore le cas aujourd'hui. Au fond, il fallait bien qu'elle réalise que presque rien n'avait changé entre eux malgré les années et c'était aussi rassurant que déstabilisant. Ne devraient-ils pas être des inconnus, maintenant ? Je parie que t'as pas trouvé quoi regarder ? Qu'elle lançait en voyant l'écran de la télévision changer de chaînes en chaînes. Sur ce point là, Lena était presque toujours celle qui avait le dernier mot et elle se doutait, en chemin, qu'il ne commencerait rien sans qu'elle ne soit arrivée. Quoi que les instants qu'ils se gardaient rien que pour eux sur le canapé étaient rares auparavant : leur quotidien était plutôt rythmé par des soirées sans fin et bien arrosées. Au moins, ils pourraient se targuer l'un l'autre d'avoir un peu grandis, entre temps. Va falloir attendre, je t'abandonne encore un peu. Elle disparaissait bien vite dans la salle de bain, juste assez pour qu'il n'ait pas le temps de réclamer sa place avec elle sous l'eau. Débarrassée du sable entre ses orteils et du sel collé à sa peau, Lena sortait de la salle de bain, enfin changée, une serviette enroulée autour de ses cheveux encore mouillés. Ça fait du bien. Qu'elle lançait en s'étirant.  Avant de venir s'installer au salon elle allait fouiller dans ses placards pour y trouver de quoi grignoter. Se battre avec des vagues était toujours épuisant et la blonde était affamée - quoi qu'elle n'avait pas fait grand chose par rapport à ses sorties habituelles à la plage. Tu veux qu'on s'mette un film ? J'avais prévu d'en revoir un bientôt, je me souviens que je l'avais vu avec mon père au cinéma avant d'apprendre que c'était qu'un gros con. S'ils avaient tous les deux un point commun c'était celui là, de ce qu'elle savait sur celui de Rudy. J'avais que dix ans et c'était un Batman, alors en vrai j'ai dû fermer les yeux parce que les chauves souries me faisaient flipper. Et puis il faut dire qu'à cette époque elle était loin d'être celle qu'elle était aujourd'hui, et qu'en bonne petite fille elle aurait préféré voir un dessin animé qu'un film d'action. Mais il était de notoriété publique que monsieur Edwards ne faisait que ce dont il avait envie lui, pour son plaisir et ses objectifs personnels. Mais on peut se trouver autre chose aussi. Qu'elle lançait en reprenant ses esprits. Ah et si tu veux te doucher avant y'a encore une serviette propre.

Il joue avec les boutons de la télécommande plus qu’il ne change réellement de chaîne, en vérité. Il se transforme en inspecteur et essaie de deviner quelle est celle que Lena regarde le plus, face à la résistance qu’a le bouton quand il appuie dessus. Oui, ce n’est rien de très amusant en soi, mais c’est un petit jeu capable de le tenir occupé pendant un bon moment. A cette heure-ci, il n’y a pas grand-chose à la télévision. Il s’est arrêté de jouer avec l’objet entre ses mains durant quelques secondes, lorsqu’il est tombé sur une chaîne animalière. Ça parlait de serpents, il a été subitement intéressé. Pas qu’il aime forcément ces rampants, non, mais il faut dire qu’ils ont un charme particulier si on doit les comparer à d’autres animaux. Pas de bras, pas de jambes, et pourtant la capacité de terroriser et de terrasser des proies plus grosses et plus effrayantes qu’eux. Il a toujours été dégoûté par ces mâchoires qui n’ont aucune résistance et qui s’ouvrent à n’en plus finir. Ils ont une réputation qui les suivent depuis des années et pour des années, manipulateurs et sans le moindre intérêt pour les autres. Si Rudy devait être assimilé à un animal, ce serait bien lui – est-ce réellement quelque chose dont il peut être fier ? Il en doute. Mais c’est vrai que ces bestioles forcent le respect ; en une morsure, ils peuvent gâcher la vie de quelqu’un. Et ça, on peut dire que ça lui ressemble énormément. Mais il n’en est plus là, non. L’histoire avec Erika est terminée, il est avec Lena. Pas de quoi être comparé à eux ; il change de chaîne une nouvelle fois, et la blonde arrive enfin. « Je parie que t’as pas trouvé quoi regarder ? » Il lève les yeux vers elle et fait une légère moue. « Nan, que d’la merde. » Ou alors, c’est lui qui ne trouve jamais le bon programme. Elle, elle trouve toujours quelque chose qui les intéresse tous les deux. Une fois, elle a mis un truc sur les animaux de la ferme. Rien d’incroyable et pourtant, Rudy s’est surpris à apprécier en apprendre sur le coq. Il s’est comparé à eux en disant qu’il ne savait pas pourquoi ils commençaient leur journée en gueulant mais que, vraiment, il les comprenait. Bon, il faut dire que la télévision a vite été éteinte et qu’ils ont passé un meilleur moment tous les deux que devant ça. Mais au départ oui, c’était intéressant. « Va falloir attendre, je t’abandonne encore un peu. » Il la regarde rejoindre la salle de bain et reprend la valse des chaînes. Il tombe sur une chaîne pour enfants qui passe Winnie l’ourson. A l’écran, c’est tigrou qui donne la réplique. Il ne comprend toujours pas pourquoi ils ont fait en sorte que sa queue devienne un ressort. Il a déjà vu des tigres au zoo et, vraiment, ils ne sautent pas comme le fait ce personnage. Après, il est aussi vrai qu’ils ne parlent pas comme il le fait… Il est vrai que ce n’est pas vraiment pertinent de comparer un dessin animé à la réalité. « Ça fait du bien. » La blonde revient déjà et il s’empresse de changer de chaîne une énième fois pour qu’elle ne se fasse pas de film. « J’regardais pas, hein. » Il se défend déjà en posant ses yeux sur elle. « Tu veux qu’on s’mette un film ? J’avais prévu d’en revoir un bientôt, je me souviens que je l’avais vu avec mon père au cinéma avant d’apprendre que c’était un gros con. » Il prend un air faussement offensé. « Parle mieux d’ce film. » Il attribue l’insulte au film et non à son père, sur le ton de l’humour, pour essayer de la faire penser à autre chose qu’à lui. « J’avais que dix ans et c’était un Batman, alors en vrai j’ai dû fermer les yeux parce que les chauves souries me faisaient flipper. » Ses yeux s’illuminent quand il entend batman, Rudy étant un grand fan du Joker – est-ce étonnant ? « Mais on peut se trouver autre chose aussi. Ah et si tu veux te doucher avant y’a encore une serviette propre. » « Flemme. » Il dit, directement, en lui tendant sa main pour qu’elle vienne le rejoindre. « On peut s’regarder ça. Et si t’as peur, j’suis là, j’te jure qu’elles oseront pas traverser l’écran, j’fais peur. » Il le dit d’un ton convaincu. « C’est celui avec le joker j’espère ? Parce que sinon, c’est naze. » Il n’aime pas trop ce héros-là. Parce qu’il a un air de méchant et de grand paumé. Le type qui fait le bien sans trop le savoir, très peu pour lui. Il préfère ceux qui ont des convictions. Et de son point de vue, les héros ne peuvent briller que s’ils ont un grand adversaire. Rudy est du côté de ceux qui veulent voir la terre brûler, oui. Peu importe les raisons, ils en ont toujours des excellentes dans ces films. « C’est qui ton méchant préféré ? » La question se pose, du coup.

@Lena Edwards

Rentrer chez elle et voir Rudy affalé sur le canapé lui procurait une sensation réconfortante. Le voir toujours en difficulté pour trouver quoi regarder l'était encore plus, et elle se rendait compte avec ce simple détail que les choses n'avaient pas tant changées que ça, même après une énième rupture dramatique. Nan, que d’la merde. Elle comptait bien le laisser encore un peu avant de venir à son secours, trop impatiente de pouvoir se rincer à l'eau claire. Elle n'aura pour autant pas perdu un instant avant de retourner le voir et de lui proposer un film à regarder à deux. Sa proposition serait d'ailleurs très certainement jugée par un psy connaissant son passé, au vu des souvenirs qu'il ranimait en elle ; mais Rudy était là pour lui faire oublier ses pensées douloureuses. Parle mieux d’ce film. Elle lui sourit, bien contente qu'il soit plutôt du genre à vouloir la faire rire plutôt qu'à vouloir la réparer avec de longues discussions un peu trop profondes émotionnellement parlant - de toute façon, elle n'aurait pas voulu gâcher la journée. On peut s’regarder ça. Et si t’as peur, j’suis là, j’te jure qu’elles oseront pas traverser l’écran, j’fais peur. Elle riait, plus franchement cette fois. Loin d'être certaine que les chauves souries ne traverseront pas l'écran simplement par peur du mexicain, elle aimait l'idée qu'il ait envie de la protéger, même pour un détail aussi insignifiant. C’est celui avec le joker j’espère ? Parce que sinon, c’est naze. Elle n'avait que peu de souvenirs du film en réalité, alors elle n'avait même pas la réponse à cette question. Euh je sais plus en fait. Elle attrapait la télécommande pour chercher le film souhaité sur une plateforme de streaming. C’est qui ton méchant préféré ? Toi, ça compte ? Qu'elle lançait avant de l'embrasser. Il fallait bien avouer que Rudy était loin d'un héro, lui même en était conscient. Il rentrait plutôt dans les cases du méchant en quête de vengeance ; en jouer juste un peu ne ferait de mal à personne, d'autant plus qu'elle aimait un peu trop cette facette de lui. Et sinon, j'aime bien le gars avec ses trucs dans le dos là. Celui qui veut tuer spider man pour je sais plus quelle raison. J'le trouve stylé. Certainement des raisons très valables appuyées d'arguments solides et convaincants - ou pas du tout. Il n'avait la préférence de Lena que parce que ses tentacules robotiques semblaient plutôt très pratiques. Ouais, y'a le joker dans celui là. Tu seras pas déçu du film au moins. Et ça pourrait rattraper ses échecs sur la plage. On le lance ? Lena appuyait sur play avant de se caler contre son copain pour les deux prochaines heures à venir, bien contente de pouvoir terminer leur journée tranquillement.