@ANGUS SUTTON & @SETH MORIARTY & MAISIE MORIARTY ⊹⊹⊹ A Christmas miracle is when your family doesn’t get into a single argument all day.

« On fait le minimum requis et après on se casse. » J’informe – j’impose à – Angus alors que nous sommes dans la voiture qui nous emmène chez ma mère pour fêter Noël. Je lui jette un coup d’œil, attendant son approbation ou jaugeant l’erreur assise à mes côtés. « Tu te tiens à carreaux. Lee sera là, je ne veux aucun scandale. » Ma voix est froide, mon ton sans appel. « Compris ? » Cette fois-ci, c’est mon regard noir que j’accentue alors que je me tourne vers lui une fraction de seconde.

Je suis dans la merde. Je suis dans un océan de merde et je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. L’idée était stupide au moment même où elle a été pensée, l’est encore plus quand elle a été proposée à l’imbécile à côté de moi. Je ne sais toujours pas comment se sont faits les calculs dans ma tête pour que je fasse le lien entre mon mensonge servi à Seth et le service qu’Angus devait me rendre. J’ai juré à mon frère que j’avais quelqu’un dans ma vie pour qu’il se calme sur les réflexions quant au fait d’être trop « coincée » et j’ai demandé à Angus de jouer au faux copain pour un soir. J’ai pas réfléchi. J’ai juste paniqué, incapable d’assumer face à Seth que je suis seule et que même si ça ne me désespère pas, ça me fait peur de ne jamais rien ressentir pour autrui. Que j’ai l’impression d’être anormale quand je vois tous mes amis qui se mettent en couple, se séparent, enchaînent les plans cul, s’inscrivent sur des applications, passent à autre chose et recommencent le cercle jusqu’à, parfois, trouver quelqu’un qui leur correspond. Ils échangent des anecdotes sur leur vie de couple, sur leur intimité et quand vient mon tour d’être sollicitée pour participer aux conversations en y apportant des éléments croustillants, je me dédouane ou j’invente. La vérité, c’est que je n’ai rien à raconter, que c’est le calme plat de ce côté-là et que je commence à mal le vivre d’être ainsi pointée du doigt concernant ma solitude. Les réflexions de mes amis sont une chose, celles de ma famille sont une autre et surtout, Seth est à un niveau au-dessus alors que jamais, jamais, je ne veux lui donner le moindre avantage. Je voulais juste qu’il se la ferme, qu’il réalise qu’il est dans le faux et que je suis dans le vrai, alors j’ai inventé une fausse vie de couple sans avoir le protagoniste pour jouer la comédie avec moi. Et ce n’est pas faute d’avoir du choix, j’aurais pu demander à Aiden si ça n’aurait pas été aussi gênant, ou même Carl si je n’avais pas peur que ma mère devienne la cible de ses fixettes. Je suis sûre que même Mila aurait accepté de jouer le jeu, mais non, il a fallu que je pousse la confrontation avec mon frère jusqu’à demander à Angus de m’accompagner. J’ai dû mettre ma fierté de côté pour ça et dieu sait que ça m’a coûté, même si j’essaie de me raisonner en me disant que le jeu en vaut la chandelle, car jamais mon frère ne s’attendrait à ce que je débarque avec son ancien ami, avec lequel les relations sont particulièrement tendues. Je sais que je prends le risque de bousiller le Noël de tout le monde, mais j’ai surtout envie que Seth apprenne à se la fermer et que, pour une fois, il soit forcé d’admettre que j’ai été plus forte que lui sur un coup. Je savais qu’Angus accepterait la proposition malgré l’état de nos relations, car s’il y a quelqu’un que Seth agace encore plus que moi, c’est bien Angus. Au fond, c’est pas un si mauvais plan. J’essaie de m’en persuader, du moins, car plus les minutes passent, plus le silence s’installe entre Angus et moi et plus je me flagelle d’avoir été aussi impulsive sur ce coup-là.

« J’te jure que si tu fais le con, je m’occupe personnellement de toi. » Dernier avertissement à l’intention d’Angus alors que je respire un grand coup avant de frapper à la porte. Ma mère se précipite, s’intéresse déjà plus à Angus qu’à sa propre fille, probablement trop enjouée à l’idée que je ne sois pas un cas aussi désespéré qu’elle ne le pensait (dommage, c’est toujours le cas). « Oh, le voilà, le grand mystère de Maisie. » Je roule des yeux alors qu’elle en fait des tonnes, qu’elle s’empresse de le prendre dans ses bras, de lui faire la bise et tout le reste. Un peu plus et elle sortait sa poitrine pour qu’il puisse avoir un oreiller. « Et est-ce qu’il a un prénom, ce beau jeune homme ? Maisie n’a pas été très loquace. » Je savais que j’aurais dû trouver un beau-père à la date d’expiration avant d’emmener Angus avec moi. « Maman, tu me gênes. » Je souligne, honteuse, alors que Seth nous rejoint, me facilitant les présentations. « Hm, je vous présente Angus. » En réalité, il n’en a qu’une qui ignore son identité – car même Lee, encore dans sa chambre, a déjà eu l’honneur des présentations. « Seth, Angus, Madelyn. » J’annonce en passant en revue mon imbécile de frère, mon connard de faux copain et ma chaudasse de mère. « Appelle-moi Maddie. » Un peu plus et elle lui demandait déjà de l’appeler maman. Quelle idée de merde, vraiment.

Dans les faits, tu devais arriver au moins deux heures en retard. Tu devais faire une entrée spectaculaire, t'asseoir à table, jauger le mec de Maisie, manger tellement que tu pourrais passer une semaine sans te soucier de ça. Tu devais ensuite filer à la salle de bain et te sauver de cette soirée de merde en toute discrétion. C'était ça le plan. Le plan, c'était pas que tu aies fait du camping improvisé dans la chambre de Lee, parce que tu n'avais nul part d'autre où passer la nuit. Même du haut de ses… quels âges déjà elle a dit Maisie l'autre jour ? bref, c'est pas vraiment important, il a entre cinq et quinze ans et il sait déjà faire semblant de croire tes mensonges quand tu lui dis que tu viens camper avec lui, parce que ce sera une soirée trop cool entre frères ou que tu lui racontes que c'est parce que t'es tombé dans les escaliers que tu as cette salle gueule. Il sait bien que tout ça c'est faux. Il est pas si con, mais il fait semblant. Adulte avant l'âge. Pas l'choix quand t'as une mère aussi paumée que Madelyn. C'est Lee qui justement vient te tirer du sommeil lorsque Maisie arrive avec son mec que tu crois toujours invisible - ouais t'as pieuté toute la journée. Tu te demandes quelle raison de merde elle va trouver pour expliquer que y'a personne qui peut la supporter le tempa d'un dîner. Elle aurait dû te demander conseil. Tu as quelques années d'expérience là-dedans. « J'te parie cinq dollars qu'il a pas d'cheveux. » Lee se met à glousser en posant ses deux mains contre sa bouche pour pas que l'on entende se moquer du mec de sa soeur. Trop de politesse dans ce gamin. Tu le regardes en attendant qu'il pose sa partie du parie. « Hummmmmm. » Franchement, il met vraiment cinq minutes à trouver un truc moche sur son futur beau-frère ? Tu as eu l'temps d'imaginer au moins douze autres défauts le temps qu'il réponde. « Moi je dis qu'il est super drôle. » Okay non, il n'a vraiment pas compris le jeu. Il sera pas drôle parce que Maisie est pas drôle. Cinq dollars facile sur le dos d'un gosse.

« Maman, tu me gênes. » que tu entends au loin lorsque tu sors la le premier de la chambre de Lee. Madelyn qui fout la honte à ses enfants, jusque là, c'est la routine. Tu suis les voix jusque dans l'entrée. Finalement, le mec de Maisie est bel et bien existant. Et tu peux pas dire que la surprise quant à l'identité du dit copain est vraiment pour te ravir. « Hm, je vous présente Angus. » Présente, oui, oui, bien sûr. Personne ne sait qui est ce trouillard. « Seth, Angus, Madelyn. » Ah, alors, c'est à ça qu'on joue ? On fait semblant qu'on se connait pas pour pas gâcher le dîner d'famille ? Dommage que t'en a rien à foutre de ce dîner entre famille. Enfin, tu veux bien éviter un scandale jusqu'à ce que tu manges. Après ? Bof. « Angus, hm ? » Ta main se tend vers celle de ce cher ami de façon parfaitement innocente. C'est Maisie qui a commencé, qu'elle s'en souvienne. Oh bien sûr que tu comptes lui broyer tous les os de la main du moment qu'il va tendre sa main vers la tienne. Tu ne manques pas de lancer un regard mauvais vers ta soeur, encore incertain si c'est elle ou lui qui veut te faire chier avec cette relation. Ça a intérêt à être ta frangine parce que tu donnes pas moins de cinq minutes de vie à Angus dans le cas contraire. « Appelle-moi Maddie. » Maddie, quel honneur! Elle veut s'taper le mec de sa fille avec ça ? Manquerait plus que ça, qu'elle flirte avec lui toute la soirée. « Il a plein de cheveux! J'ai gagné! » Au moins Lee est là pour détendre l'atmosphère. Ah ouais ce parie débile. T'aurais dû parier que le nouveau mec de ta soeur ne ressortirait pas vivant d'ici. « On a perdu tous les deux. » Match nul. Angus n'est pas drôle du tout.

Quelle belle soirée en perspective ! Joyeuses fêtes chez les Moriarty.

"On se casse où et pour faire quoi ? Dormir à la belle étoile ?" Eurg. Il faut que je pense à mettre un sac en papier dans la boîte à gants pour les urgences comme celle-ci, lorsque j’ai une profonde envie de rendre mon repas face aux images que m’impose Angus. « Dans tes rêves, j’ai pas envie d’avoir à changer de voiture après coup. » L’idée d’avoir à partager cet habitacle avec lui plus d’une heure me dégoûte ; alors un week-end entier, vous imaginez bien que cela relève du cauchemar absolu et que mon van sera bon pour la casse, car jamais il ne se remettra du virus Sutton. Il n’y a rien à faire contre ce fléau, c’est encore pire que la grippe espagnole. Contrairement à lui, je n’ai aucune combinaison ; je ne suis pas protégée et je ne comprends pas vraiment l’intérêt de se protéger contre soi-même. Ceci dit, s’il veut baigner dans ses propres germes, qu’il se fasse plaisir, c’est toujours ça de moins qu’il laisse sur la portière de ma voiture. "Cesse de me donner des ordres, je te rappelle que c'est moi qui te rends service et non l'inverse donc tu pourrais te montrer un peu plus aimable." EURG. Vraiment, c’est une réserve de sac en papier que je vais devoir mettre dans cette boîte à gants. Le pire dans tout ça, c’est qu’Angus a raison ; c’est lui qui me rend service et non l’inverse. C’est d’autant plus tragique et ça me donne d’autant plus envie de vomir, voyez-vous. Et je suis à deux doigts de le faire quand il pose son gant dégueulasse sur mes lèvres. Je louche un instant quand j’observe l’horreur sur ma bouche, avant de très vite me concentrer sur la route dès que je suis libérée, non sans avoir grimacé de dégoût comme il le faut. "Je fais peut-être office de petit-ami pour la soirée, mais contrairement à tes exs, je suis loin d'être un demeuré." « Au moins, ils existent, comparés aux tiens. » AHAHAHA. Je suis hilarante ; voilà que je me permets de jouer à la demoiselle à la liste de conquêtes très clairement impressionnante alors qu’à part un ou deux baisers, je n’ai absolument aucune expérience en matière de relations. Mais ça, Angus n’a pas besoin de le savoir et pour une fois, je lui en suis reconnaissante quand il change de sujet. "Maintenant tais-toi et écoute plutôt ça" Et pour la peine, j’accepte même de lui laisser jouer au DJ si ça peut me permettre de ne pas me lancer dans une joute verbale sur nos exs respectifs. "Appuie sur le champignon, mamie. On risque de nous arrêter pour excès de lenteur !" Il a passé sa tête par la fenêtre, il réveille tout le quartier et je suis obligée d’hurler : « t’es pas un chien, Angus. » Et tant mieux, d’ailleurs, car je ne souhaiterais pas à un chien de se prendre un panneau sur le bord de la route, ce qu’Angus manque de se manger quand je rapproche dangereusement mon van près du bas côté à la première occasion rêvée. Et je me rétracte quand je me souviens qu’il est préférable qu’il ait toutes ses dents et un nez entier au moment où je devrai le présenter.

Je me suis fait violence pour ne pas trop taper du doigt sur le volant et vanter ces mérites de DJ ; je me fais encore plus violence lorsqu’il fait le con devant moi au moment où j’ai réellement besoin de toute son intention. "I got soul but i'm not a soldier." Si Seth ne le tue pas, je vais m’en charger personnellement. On ne retrouvera plus jamais son corps et personne ne pourra le regretter. Ce que je regrette, par contre, c’est ce plan, qui m’a semblé si génial pour faire enrager Seth. Mais il y a une valeur à laquelle je n’ai pas prêté attention : ma mère. Ma mère qui minaude, ma mère qui est bien plus à l’aise que moi dans l’exercice de la séduction, ma mère qui n’a vraisemblablement pas fini sa crise de la quarantaine. Si la chaleur de ma mère me gêne, j’admets que le balai dans le cul que cela provoque en Angus (plus que d’habitude) me fait beaucoup rire. "Elle est timide, mais c'est ce qui fait tout son charme" Rectification. C’est un camion de sac en papier dont j’ai besoin. Néanmoins, je suis surprise : il joue son rôle à la perfection. Il n’en fait pas trop, il n’est pas fermé comme je l’imaginais. Soit, c’est qu’une seule phrase, mais peut-être qu’il y a moyen de jouer le jeu sans que ce repas ne vire à la catastrophe. Faut juste faire abstraction de la sale gueule de Seth (plus que d’habitude, s’entend) lorsqu’il nous rejoint et que je constate que la situation ne s’est pas améliorée. « Angus, hm ? » Le regard mauvais que me lance Seth ne me provoque qu’un large sourire, parfaite petite sœur ravie de présenter son incroyable copain à son merveilleux frère. "C'est super aimable de ta part, merci !" Je manque de m’étouffer face au geste d’Angus. Je crois qu’on a finalement un point commun tous les deux et qu’il consiste en l’exaspération que nous provoque Seth. Désolée, bro. "Ravi de faire votre connaissance, Maisie m'a beaucoup parlé de vous." J’acquiesce silencieusement comme si c’était l’évidence, ajoutant, moqueuse, en regardant Seth : « Et de toi aussi, ne sois pas jaloux. » Oh que je m’éclate (pour l’instant). « Mais c’est de toi que je parle le plus. » Que je souligne à un Lee faussement agacé par sa grande sœur alors qu’il connaît déjà Angus et ne s’en formalise probablement pas. « Il a plein de cheveux! J'ai gagné! » "Pas aussi stylé que les tiens, mais ouais." Je m’approche de Lee pour mieux passer ma main dans sa tignasse et la décoiffer en guise de salutations. « On a perdu tous les deux. » Je perçois le rire d’Angus et tente de reprendre le contrôle : « C’est quoi encore cette histoire ? » Je m’adresse à Lee en sachant pertinemment qu’il me répondra. « Seth a dit qu’il aurait pas de cheveux et moi qu’il était super drôle. » Ce qui est bien, c’est que si j’avais des scrupules à jouer avec Seth de la sorte, j’en ai plus du tout, désormais. « Alors t’as gagné. » Je rectifie, parfaite petite amoureuse qui trouve évidemment son Angus hilarant (alors qu’il donne plutôt envie de se tirer une balle dans la tête).

« Je veux tout savoir. Comment vous vous êtes rencontrés ? Ça fait longtemps ? » Désormais installés dans la pièce principale, ma mère commence son interrogatoire et c’est Lee qui l’interrompt. « Vous vous aimiez pas trop au début. » Il doit sûrement penser à notre belle rencontre dans le bureau de sa professeur, avec Samuel en dernier convoqué et parce qu’il n’a pas tous les détails et qu’il pourrait me griller, je reprends vite la parole. « Ça commence toujours comme ça, Lee, tu verras quand tu seras plus grand. » Je lui dis avec un clin d’œil avant de reporter mon attention sur ma mère. « Mais on s’est revu au cinéma et, à force... ça devait se faire, faut croire. » Je souligne d’une voix un peu plus mielleuse, mes yeux qui cherchent le regard de Seth, alors que je glisse ma main dans celle d’Angus pour parfaire le tout ; je mêle mes doigts aux siens, je pince surtout sa peau pour l’obliger à jouer le jeu autant que par simple cruauté. J’accepte l’inacceptable, à cet instant, avec toutes les bactéries du Sutton qui deviennent les miennes. Ultime rectification : c’est un entrepôt de sac en papier dont j’ai besoin, en réalité.

"Elle est timide, mais c'est ce qui fait tout son charme" Maisie ? Timide ? C'est un rire moqueur qui s'échappe d'entre tes lèvres. Du grand n'importe quoi. À qui est-ce qu'il veut faire gober ça ? Vous êtes les trois personnes qui la connaissent le mieux. Bien mieux que son pseudo petit-ami apparemment. C'est du grand n'importe quoi leur petite comédie. Tu pourrais facilement t'en rendre compte si l'effet de surprise n'aurait pas été si violent, si ton petit hamster dans ta tête n'irait pas si vite - c'est qu'il n'est pas habitué d'autant fonctionner vous voyez, s'il n'y aurait pas ce bombardement de questions qui reste enfermé. Après tout, Maisie veut jouer la carte de la fille qui présente un mec que personne connaît ? Très bien. Jouons. Tu tends la main vers lui, déjà prêt à lui broyer les os à la seconde où il s'avancera à son tour. Mais non, ce connard opte plutôt pour te balancer sa veste. "C'est super aimable de ta part, merci !" Ta mâchoire se crispe. Ton regard fusille celui de ta soeur qui brille de mille feu. Aussi connasse que lui. Finalement, ils vont très bien ensemble. Pas de quoi s'inquiéter. "Ravi de faire votre connaissance, Maisie m'a beaucoup parlé de vous." Blablabla, gnagnagna. Putain, tu réussiras jamais a rester entre ses quatrea murs avec eux plus que cinq minutes. Tu laisses tomber la veste d'Angus dans l'entrée. Pas de chance que tu aies manqué le crochet hm. « Et de toi aussi, ne sois pas jaloux. » M'parle pas toi. Ta mâchoire se serre si fort que t'as l'impression que toutes tes dents vont éclatés. « Mais c’est de toi que je parle le plus. » Évidemment, qui ça étonne ? Tu lèves les yeux au ciel. Tu peux pas dire que Lee soit ton préféré ce soir, puisqu'il est déjà en train de vendre la mèche sur votre pari débile. Avoir su, t'aurais misé plus osé que ça. « C’est quoi encore cette histoire ? » « Seth a dit qu’il aurait pas de cheveux et moi qu’il était super drôle. » Ouais, ouais, et vous avez perdu tous les deux. On peut passer au prochain appel, nah ? « Alors t’as gagné. » Qu'elle te laisse douter de cette information là. Angus n'est pas drôle, pas marrant. Il est coincé. Il ne peut pas rien faire sans avoir quelqu'un pour le pousser dans le cul. C'est qu'un trouillard. Sa vie doit être d'un ennui mortel depuis que tu n'en fais plus partie. Tu mettrais ta main au feu que tu lui manques.

Tout le monde prend finalement confortablement place dans le salon. Chacun sur son sofa. Les amoureux ensembles. Toi, à part des autres comme c'est le cas dans cette famille de timbrée. Ah non, Lee choisit la place juste à côté de toi. Toujours dans tes basket ce gamin. Ce soir, c'est encore plus agaçant que d'habitude. « Je veux tout savoir. Comment vous vous êtes rencontrés ? Ça fait longtemps ? » C'est par où l'allée pour vomir ? T'as pas du tout envie d'entendre leur histoire romantique, leur conneries de coup de foudre et blablabla. « Vous vous aimiez pas trop au début. » Tiens, voilà un sujet qui t'intéresse un peu plus. S'ils ont envie de rencontrer tout ce qu'il déteste chez l'un et l'autre, franchement, qu'il ne se gêne surtout pas. Ça mettra un peu de piquant dans votre soirée. « Ça commence toujours comme ça, Lee, tu verras quand tu seras plus grand. » Hm, elle n'a pas tort, mais tu ne lui donnera certainement pas raison à voix haute. « Mais on s’est revu au cinéma et, à force... ça devait se faire, faut croire. » Le regard de Maisie se plante très parfaitement dans le tien. Elle joue les arrogantes et tu mords complètement dans son jeu. Ton regard suit le mouvement de sa main qui se glisse dans celle de son futur ex petit-ami. On peut quand même dire future veuve même s'ils ne sont pas mariés ? Ouais future veuve, c'est mieux.

C'est quand la dernière fois que t'as passé autant de minutes sans rien dire ?
Tu rumines.
C'est pas bon.

« J'comprend maintenant pourquoi t'es toujours aussi frustré même après avoir baiser. » Ah bah tiens tu te rattrapes pour toutes les minutes qui viennent de s'écouler. Peut-être que si t'arrives à mettre Maisie de nouveau mal à l'aise, elle arrêtera de se prendre pour la reine d'Angleterre avec le type minable qui lui sert d'amant. Oh ouais, c'est vrai. On ne peut pas dire de tels mots, y'a un mineur dans la pièce. Quel âge déjà ? Huit ? Pas douze, ça tu te souviens. C'est un bon début. « J'dois attendre avant ou après l'repas pour menacer ton ami d'lui péter les jambes s'il se fout de ta gueule ? » Encore pour Maisie. Tu ne lui parles pas à Angus. Très mature de ta part, oui. Tes menaces doivent être terriblement efficaces avec la tête que t'as qui démontre clairement que t'as pas gagné ta dernière bataille. Ça se pourrait que tu sois un peu plus motivé sur cette bagarre là. « C'est ça le rôle d'un frère Lee. » Casser la gueule des mecs qui brisent le coeur de votre sœur. Petit moment d'éducation fraternelle au passage. Il a l'air très à l'aise de son cours privé le gamin. Encore surprenant qu'il ne décide pas plutôt de changer de place pour aller avec le nouveau couple de l'heure.

Si j’avais des doutes au moment de proposer cette offre à Angus, consciente d’être en phase de déclencher une troisième guerre mondiale en obligeant mon frère et son plus grand ennemi à se côtoyer à nouveau, chaque seconde passée dans cette entrée me conforte quant à mon plan. Oh, oui, c’est discutable de se jouer ainsi de Seth, blabla, je suis une vilaine petite sœur et j’ai probablement ma place en enfer pour m’amuser de pareille situation, mais après tout, c’est lui qui l’a bien cherché. Il aurait fermé sa grande gueule concernant mon manque de vie sentimentale que je ne me serais pas sentie obligée de mentir pour être tranquille. Ma mère n’a pas aidé, c’est sûr, mais ses réflexions sont toujours moins pénibles que celles de Seth – alors s’il y a un fautif dans l’histoire, c’est bien mon aîné. Et si la scène de l’entrée est un bon prologue, l’acte débute réellement une fois dans le salon, que je prends place aux côtés d’Angus, face à ma mère et mes frères, prête à accentuer toujours un peu plus mon coup de foudre pour le jeune homme (alors que j’ai surtout envie de mourir d’ainsi partager le même espace que lui). C’est Llewyn qui fait la conversation, et si un instant j’ai peur qu’il vende la mèche en mettant en avant la manière dont nos disputes ne traduisaient pas de notre intérêt, pour y avoir été témoin, j’arrive à rattraper le coup. Oui, Lee, les adultes se détestent toujours avant de s’aimer, blabla, tu regarderas quelques teen shows quand tu seras plus grand et tu comprendras où je veux en venir, hein. "C'est parce qu'au début, on était trop occupé à se détester pour pouvoir s'apprécier." Il joue le jeu même si c’est ridicule et je ne renchéris pas, il ne faudrait pas non plus trop en faire. De toute façon, on pourrait juste s’asseoir en silence face à Seth qu’on jubilerait, l’effet sera déjà acquis. Ma main se glisse dans celle d’Angus pour accentuer mes propos alors que mes yeux ne quittent pas Seth et que je prends mon pied. "Le pop-corn, ça rapproche." Mon sourire n’a rien à voir avec l’amour que j’ai pour Angus (jamais de la vie), il n’est dû qu’à la colère que je sens monter chez mon frère. Et je ne devrais pas être aussi réjouie ; parce que je sais que Seth est imprévisible et il n’attend pas longtemps pour en apporter une énième preuve. « J'comprend maintenant pourquoi t'es toujours aussi frustré même après avoir baiser. » Je regarde mon petit frère, horrifiée par les propos du grand, avant que mon regard se reporte sur mes doigts qui sont presque broyés par la force d’Angus. Outch. Si je pensais agacer Seth, à aucun moment j’ai envisagé que cette guerre pourrait arriver aussi tôt et pourrait être aussi violente. « J'dois attendre avant ou après l'repas pour menacer ton ami d'lui péter les jambes s'il se fout de ta gueule ? » « Regarde-toi dans un miroir, Seth. » Que je souligne, tant c’est l’évidence. Personne n’ose le dire, mais tout le monde n’en pense pas moins : Seth menace souvent de casser des gueules et finit bien souvent avec la sienne de travers. « Quelqu’un veut un blinis ? » J’observe un instant ma mère, reine de la fuite dès que ça devient sérieux ou que ça ressemble à des responsabilités ; elle-aussi, elle ne fait qu’ajouter des preuves à ce que je lui reproche. « C'est ça le rôle d'un frère Lee. » « Tu sais ce qu’on a dit sur la violence, Lee. » Il a eu le droit à toute une leçon quand il a frappé Ryan Robinson, même si je lui ai dit que dans certaines circonstances, oui, bon, c’est acceptable. Casser la gueule d’Angus, l’est, en l’occurrence, j’accorde le point à Seth, mais je ne peux décemment pas valoriser ça. J’essaie de savoir comment rattraper les propos de Seth mais, à ma plus grande surprise, c’est bien Angus qui vole à mon secours. "Y'a Sam qui veut te parler." Il passe son bras autour de mon épaule et je suis mal à l’aise, autant à cause de ce geste que le fait que c’est cet enfoiré de Sutton. Mais je dois jouer mon rôle, et je m’installe un peu plus confortablement dans le canapé, dans son étreinte. "Ce qu'on fait, ta sœur et moi, ça te regarde pas." Surtout qu’on ne fait rien, et même si c’était le cas, inutile de préciser que Seth n’en aurait pas le moindre détail. "Ensuite, c'est bien beau de jouer les grands-frères protecteurs, mais faudrait déjà que tu commences par la respecter.'' Wow, ok, il joue à quoi là ? Ouais, bon, il joue le rôle du petit ami jusqu’au bout, on peut lui accorder ça, mais bordel, c’est encore pire que son bras autour de mon épaule. « Excuse-toi, Seth ! Tu peux pas dire des choses pareilles ! » Ah tiens, Maddie s’est achetée un semblant de raison – uniquement parce qu’elle voit Angus faire pareil et qu’en femme cool, elle essaie de se valoriser. Mais j’aime l’idée qu’elle reprenne mon aîné et qu’il se retrouve comme un gosse grondé. "Pardon" Angus s’excuse auprès de ma mère alors qu’il est en réalité déjà pardonné. « T’inquiète pas, mon cœur, c’est rien. » J’ai l’habitude, Seth est particulier, il y a mille excuses, mais je me contente de l’appeler ainsi pour continuer à faire enrager mon frère ; il veut jouer au plus malin ? On va jouer. Angus se lève et si un instant j’ai peur qu’il abandonne la partie, il revient les bras chargés de cadeaux. Okaaay, ça fait presque peur. Je sais que je vais pas faire face à l’enfoiré contre lequel j’ai l’habitude de m’énerver, mais quand même, ça me surprend. Je jette un œil intéressé au cadeau de Seth et je me retiens de ne pas exploser de rire. C’est bien trouvé, c’est presque comme s’il le connaissait, tiens. "C'est pas grand chose, mais ça m'a fait rire." Et moi aussi, même si je ne le dirai pas. « Oh merci Angus, je l’a-do-re. » Elle en fait trop, oui, mais on la connait. "Et le meilleur pour la fin." Je vais vraiment vomir avant la fin de la journée. Je déballe mon cadeau comme une enfant et quand je le découvre, j’ai même pas besoin de forcer un sourire. « Oh, mais c’est parfait, je te remercie. » Ça, par contre, je dois le forcer. « J’te donne le tien tout à l’heure, je t’oublie pas. » Principalement parce que son frère a vendu la mèche quant au tamagotchi dont il s’occupe en son absence et que j’ai aucune envie de l’humilier devant Seth. En privé, oui, mais pas ici. « Je dois retourner en cuisine, mais ne continuez pas votre histoire sans moi ! » Dans le langage de ma mère, ça veut dire qu’elle doit mettre le repas dégelé au four et qu’elle ne veut pas manquer les potins. Oh, si elle savait. Dans mon langage, ça veut surtout dire que je peux me concentrer sur Seth. « Tu pourrais être heureux pour moi, j’croyais que tu voulais que je trouve quelqu’un. » Et que je tire mon coup, mais ça, il est déjà venu sur le sujet plus tôt, merci bien, frangin.

@Seth Moriarty @Angus Sutton

"C'est parce qu'au début, on était trop occupé à se détester pour pouvoir s'apprécier." Quelle histoire emmerdante. Aussi emmerdante qu'ils peuvent l'être tous les deux. Finalement, ça leur va bien. Tu ne comptes pas approuver pour autant. Même si on sait tous qu'ils n'en ont rien à foutre de ta bénédiction. "Le pop-corn, ça rapproche." Dé-gueu-lasse. La mine de dégoût se fait facilement lire sur ton visage. Comme si t'allais te gêner de montrer à quel point leur relation te répugne. De toute façon, Madelyn a des coeurs dans les yeux pour toutes les personnes présentes dans cette salle. Aussi conne et naïve que Maisie. Rien de très surprenant. Mais la mine de dégoût passe rapidement de ton visage à celui de ta très chère sœur dès que tu l'ouvres à nouveau. La censure ? Pas vraiment ton truc. Ça t'fait absolument rien que Lee entende des mots aussi crus. Il faut arrêter de le protéger ce gamin. La cour d'école est encore plus dure. « Regarde-toi dans un miroir, Seth. » Et elle ne prend pas tes menaces au sérieux et lui non plus à en juger le rire qui se fait entendre de la part de cet idiot de Sutton. Non, avec la tête que tu as, tu n'as certainement rien de menaçant. Tu as plus la tête de quelqu'un qui va se faire casser la gueule que l'inverse. Ça t'empêchera quand même pas de mettre tes menaces à exécution. « Quelqu’un veut un blinis ? » La voix de Madelyn se perd dans la foule parce que personne ne lui accorde vraiment de l'importance. « Tu sais ce qu’on a dit sur la violence, Lee. » Tu lèves les yeux au ciel. Tu ne sais pas ce qu'ils se sont apparemment dit sur la violence, mais c'est sûrement qu'un paquet de mensonges. « Tu vas en faire une mauviette. » que tu lui balances en te laissant lourdement retomber sur le dossier du sofa. Cette soirée est vraiment de plus en plus naze. Qui aurait cru que l'ambiance familiale pourrait être pire qu'à l'habitude ? Ajoutez Angus Sutton à l'addition et le tour est joué. "Y'a Sam qui veut te parler." Ou peut-être que le pion Sutton vient ajouter quelque chose d'intéressant à cette soirée finalement. Lee se lève pour prendre le téléphone et s'enferme dans la pièce d'à côté. Alors quoi ? On dégage les gamins pour se dire les quatre vérités ? Allons-y, tu es toute ouïe. Ton corps se penche vers l'avant alors que tes avant-bras viennent s'appuyer sur tes cuisses. Vas-y Sutton, t'as toute mon attention. "Ce qu'on fait, ta sœur et moi, ça te regarde pas." Tu hoches la tête, mimes d'être intéressés par ses propos et la conversion. Spoiler alert; c'est pas le cas. "Ensuite, c'est bien beau de jouer les grands-frères protecteurs, mais faudrait déjà que tu commences par la respecter.'' C'est à ton tour de laisser échapper un rire. Il est vraiment en train de te parler de respect ? Ça vient dans les deux sens, le respect. On récolte ce que l'on sème. Tu as envie de dire que c'est la faute de Maisie qui est irrespectueuse, mais on sait tous que c'est toi le problème. « Elle a pas besoin que tu la défende. » C'est clairement Maisie qui fait le plus peur des deux quand elle pète les plombs et qu'elle joue les folles dingues. Angus finira bien par le découvrir un jour ou l'autre. Vous êtes tous tarés dans cette famille. « Excuse-toi, Seth ! Tu peux pas dire des choses pareilles ! » Sérieusement ? Elle est encore là ? Honnêtement de toute cette conversation, c'est la phrase la plus insensée de toute la soirée. Nah, Madelyn dit jamais non à toi. Elle ne réprimande jamais. Ça lui va mal de jouer les bonnes mères de famille. « Oh ta gueule, c'est ta faute si elle ramène des pauvres types. » Ah, on dirait bien que t'as pas compris le précédent discours sur le respect. Qu'il vienne prendre la défense de Madelyn, elle, elle en a besoin contrairement à sa fille. « Telle mère, telle fille. » que tu ajoutes en tournant la tête vers Maisie. C'est bien loin d'être un compliment. En espérant que Angus reparte aussi rapidement que les amants de Madelyn. "Pardon" Ta gueule. « T’inquiète pas, mon cœur, c’est rien. » Tu pointes ton index dans ta bouche pour mimer l'envie de vomir qui te prend à les voir aller, main dans la main, les petits surnoms affectueux en prime. Vraiment dégueulasse. Angus empire sûrement son cas lorsqu'il offre des cadeaux à tout le monde. Lèche cul. Maisie semble virer au rouge tellement elle se retient de rire face à ton merveilleux cadeau qui se retrouve rapidement balancer au sol sans précaution. Quel merdeux. "C'est pas grand chose, mais ça m'a fait rire." - « Oh merci Angus, je l’a-do-re. » Qu'est ce que tu disais, hm ? Lèche cul. Ça prend pas grand chose pour faire plaisir à Madelyn. Juste la présence du beau Angus lui suffisait. Pathétique. "Et le meilleur pour la fin." C'est bon, t'as une poubelle dans le viseur. Tu sais où gerber s'ils arrêtent pas de crier leur amour répugnante sur tous les toits. « Oh, mais c’est parfait, je te remercie. J’te donne le tien tout à l’heure, je t’oublie pas. » La phrase cliché de la fille qui a pas de cadeau pour son mec, mais qui va aller acheter un truc débile dans le supermarché minable au coin de la rue. Dommage que la tête déçue de Angus sera en privé. « Je dois retourner en cuisine, mais ne continuez pas votre histoire sans moi ! » De nouveau un regard vers le ciel avant de te recaler contre le dossier. Tu attrapes ton téléphone que tu scrolles sans gêne devant les invités alors que Madelyn sort de la pièce. Vous allez certainement pas vous faire chier à faire la discussion, personne n'en a envie. Ne soyons pas si hypocrite. « Tu pourrais être heureux pour moi, j’croyais que tu voulais que je trouve quelqu’un. » Et Maisie n'est apparemment pas du même avis que toi. Ton regard ne se lève même pas de l'écran alors que tu lève ton majeur vers elle. « Elle a dit d'pas continuer sans elle. Sois docile. » Et ferme là pour une fois. Avec un peu de chance, tu tomberas sur une jolie merveille sur les réseaux sociaux et tu pourras prendre tes jambes à ton cou. Te sauver avant le repas au réveillon de Noël ? Comme si t'allais te gêner.

Seth n’a même pas besoin de rouler les yeux, de prétendre que tout ceci le dégoûte que je peux le lire sur son visage, sur ses muscles crispés et son ton froid. Ça l’emmerde, cette histoire, et je prends deux fois plus mon pied à jouer la comédie. J’en oublie même que je suis forcée de côtoyer Sutton dans un périmètre aussi restreint qu’il en vient à partager le même air que moi, ce qui, en temps normal, m’aurait empêché de respirer. J’avais longuement hésité à proposer ce rôle à Angus, mais finalement, l’argument qui m’avait convaincu ne fait que se concrétiser : il est la personne idéale pour ça. Seth se lance dans des menaces, faux frère protecteur qu’il est, qui n’ont aucun poids tant il n’est pas crédible avec sa gueule cassée. « Tu vas en faire une mauviette. » Qu’il me réprime quand je reprends moi-même Llewyn et je hausse un sourcil tout en plongeant mon regard dans celui de mon grand-frère pour lui montrer du peu de crédit que j’accorde à ses paroles. « C’est mieux qu’un imbécile. » Je souligne en faisant passer lentement mon regard sur lui, de bas en haut, pour qu’il comprenne le sens de mes paroles. Angus m’empêche de poursuivre alors qu’il intervient et je suis la première surprise à lui en être reconnaissante quand il attire l’attention de Lee hors de cette pièce. Je suis tout aussi étonnée quand il prend son rôle à cœur au point de jouer les copains protecteurs – même si, qu’on se le dise, c’est perturbant et presque encore plus dégoûtant que d’avoir à lui toucher la main. « Elle a pas besoin que tu la défende. » Cette fois-ci, je peux pas nier que Seth a raison, je crois pas avoir besoin d’un chien de garde, encore moins quand celui-ci s’appelle Angus Sutton, mais la Maisie follement amoureuse de ce même Angus Sutton se doit d’afficher un regard touché et un sourire reconnaissant pour parfaire le tout. Même ma mère vient à mon secours et j’ai presque une larme qui coule le long de ma joue face à ce beau spectacle des femmes Moriarty et de leur pièce rapportée contre Seth. « Oh ta gueule, c'est ta faute si elle ramène des pauvres types. Telle mère, telle fille. » Mon sourire disparaît bien vite quand je réalise ce qu’il vient de dire et mon regard n’est désormais plus qu’un fusil qui attend de se décharger sur mon frère. « Putain Seth ! Toi ta gueule ! » Bon, pour la politesse, on repassera, mais c’est lui qui a commencé (argument hautement recevable que Llewyn approuvera puisque c’est de son âge, bon). Je croise un instant le regard d’Angus, l’air de lui dire que c’est rien, c’est normal et que si on doit se lancer dans une joute verbale, autant que ce soit par rapport à notre merveilleuse vie de couple. « C'est du propre, tu sais quoi Seth ? J'crois que tu viens de toucher le fond. » Il l’a touché il y a longtemps en réalité, mais je ne le pensais pas capable de continuer à creuser. J’ai souvent été en désaccord avec ma mère et bien que nos relations soient tendues, elle ne mérite pas qu’il la traite comme ça – est-ce qu’il oublie à quel point il l’a épuisé quand il était plus jeune ? J’en ai rajouté une couche plus tard, c’est sûr, mais il a aussi sa part de responsabilités. Tel frère, telle sœur aurait été bien plus adapté que sa pique à la suite de laquelle j’ai perdu contenance. Mon regard ne le fusille même plus, mes lèvres ne sont même plus serrées. Elles s’entrouvrent sous la surprise, autant que mes prunelles qui deviennent sûrement humides une fraction de secondes avant que je ne lève les yeux au ciel pour ne pas lui offrir ce cadeau. Angus s’excuse auprès de ma mère, je le rassure un instant tandis que mon regard ne quitte plus mon frère. Ce ne sont même plus ses réactions qui m’interrogent, ce sont les mots qu’il vient de prononcer. Il le pense vraiment ? Est-ce que je suis vraiment comme elle ? Est-ce qu’elle m’a vraiment détraquée à ce point ? J’ai l’habitude de ses commentaires, de ses critiques, de ses mots blessants et je m’énerve autant contre lui que contre moi-même pour en être ainsi touchée cette fois-ci. Lee se joint à nouveau à lui et je dois m’empêcher de ne pas me lever pour étriper mon frère alors que je viens encore de lui dire que la violence n’est pas une solution, blabla, je crois qu’il faudra que j’ajoute une exception à la règle : la violence est toujours une solution quand ça concerne Seth.  Ma mère a au moins l’excuse de quitter la pièce pour finir de préparer le repas – et quel repas – et moi, j’ai surtout envie d’aller me griller une clope au plus vite. Mais Seth a pris l’avantage et je ne peux pas le laisser continuer à marquer des points, alors je ravale mon estime piétinée pour mieux l’attaquer à nouveau. « Elle a dit d'pas continuer sans elle. Sois docile. » « Elle a dit de pas continuer de raconter notre histoire, elle a rien dit sur le fait de partager mon bonheur. » Je joue sur les mots, peut-être, mais j’aime croire que la nuance est particulièrement importante dans cette situation-là. Seth sur son téléphone, Angus en fait de même et moi je soupire en pinçant les lèvres quand je croise le regard de Lee et que je m’excuse silencieusement pour la soirée qu’il vit. Ma mère revient avec le plat et je tente de voir le positif, à savoir que cette soirée avance toujours un peu plus vers sa fin. « Ça a l'air délicieux, merci. » J’adresse un regard de biais à Angus, je réprime un rire alors qu’il ne sait pas dans quoi il s’embarque en la complimentant ainsi. Je m’installe à côté de mon homme, remercie ma mère puis étudie avec attention le contenu de mon assiette. « Elle était comment Maisie lorsqu'elle était petite ? » Je tourne rapidement la tête vers Angus alors que sous la table, mon pied vient rencontrer son tibia avec rage. « Elle était pas intéressante. » Que je réponds à la place de ma mère (et peut-être de mon frère aussi) avant de poursuivre : « c’est quoi ça ? C’est délicieux. » Je demande à Madelyn alors que je joue avec un légume inconnu dans mon assiette, qui n’a pas encore franchi le seuil de mes lèvres. Et je sais que ma mère continue de surveiller à chaque repas ensemble, alors je m’empresse de déguster la chose – et c’est pas du tout délicieux, en réalité. « Elle était plus réservée qu’aujourd’hui. » Je pince les lèvres, comme une vaine tentative d’encourager ma mère à se taire, ou, à défaut, à rester sur des informations aussi banales qu’Angus ne pourrait pas servir contre moi. « Ouais, c’est ce que je disais, pas intéressante. » Voilà, fin de l’histoire, dépêchons-nous de manger qu’on passe à autre chose, avant que Seth en rajoute une couche. Je le surveille du coin de l’œil, inquiète quant aux mots qui pourraient sortir de sa bouche - il a prouvé qu'il n'avait aucune tenue, ce soir. Pas qu'il en ait d'ordinaire, mais soit. « En retrait et pas intéressée par grand-chose, y a rien à dire. » Que je conclus en me tournant vers Angus alors que ma mère reprend la parole. « Pas intéressée par grand-chose sauf Bob le Bricoleur. C’était presque obsessionnel, elle vivait que pour ça, gamine. » Elle se marre, ma mère, et moi, j’ai envie de mourir. « Maintenant elle préfère la pat’patrouille. » Que Lee surenchérît en riant parce qu’il sait très bien que ça m’exaspère. « Nan mais vous êtes sérieux là ?! » Que je leur demande tour à tour en passant mes mains sur mon visage. Je râle, mais cette accalmie n’est pas négligeable – et j’accepte volontiers d’être moquée par Lee si je peux voir son grand sourire, autant que si ça peut permettre à Seth de se la fermer deux secondes de plus. Finalement, je reporte mon attention sur Angus. « C’est à Angus qu’il faut poser cette question, dis-leur l’anecdote que tu m’as racontée à notre premier rendez-vous. » Voilà et débrouille-toi avec ça au lieu de faire le malin.

@Angus Sutton @Seth Moriarty

« C’est mieux qu’un imbécile. » Non certainement pas. Mieux vaut être un imbécile qu'une mauviette, mais bon, chacun son opinion. De toute façon, ça sert à rien de répliquer. Ce n'est qu'une guerre de pique qui ne mènerait plus tard. De toute façon, Sutton s'occupe de dégager le mineur pour laisser place aux vrais conversations d'adultes. Celle qu'on a pas besoin de censurer. Pourquoi est-ce que tout le monde est si offusqué par tes paroles ? C'est pas ça le but de faire dégager Lee ? De dire les choses telles qu'elles le sont ? Même si bon, c'est pas sa présence qui t'aurait empêcher un tel commentaire. Tu lui apprendrais pas que sa mère est une paumée. S'il y a bien quelqu'un qui le sait, c'est bien Lee. « Putain Seth ! Toi ta gueule ! » Tu souffles exagérément en te laissant tomber sur le dossier du sofa. Tu échanges un regard rapide avec Madelyn sans vraiment savoir si c'est elle ou Maisie que tu attaquais avec tes paroles. T'as perdu le peu de notion de raison dès que ton regard a croisé Angus au bras de ta sœur. Tu réalisera bien trop tard que ces mots là étaient de trop. Lorsque la colère sera passé, tu t'en voudra, mais tu t'excusera jamais. « C'est du propre, tu sais quoi Seth ? J'crois que tu viens de toucher le fond. » C'est un défi ? Il ne faudrait surtout pas te sous-estimer. C'est pas parce que tu as toucher le fond que t'es pas capable de creuser un peu plus pour voir quelle merde se cache un peu plus loin. Nah, t'es pas encore au plus bas malheureusement. Madelyn quitte la pièce au même moment où Lee revient. Personne ne sait vraiment si elle prépare vraiment un semblant de repas ou si elle est partie chialer dans les chiottes. Rien à foutre. Tu fous le nez dans ton téléphone, c'est sûrement mieux pour tout le monde. « Elle a dit de pas continuer de raconter notre histoire, elle a rien dit sur le fait de partager mon bonheur. » - « Rien à foutre de ton bonheur. » que tu marmonnes, grognon. Et l'Oscar pour le meilleur frère de l'année est remis à…. Si cette conversation ne pouvait pas être pire qu'elle était, elle le devient lorsque tu reçois le message de Angus. C'est un rire qui s' échappe à la lecture. Un rire de psychopathe, ouais. Ton regard quitte ton écran pour retrouver celui de ton ancien ami. C'est maintenant le moment où tu lui saute à la gorge ? Ta jambe se met à branler d'impatience. C'est un mélange d'émotions que tu n'arrives simplement pas à gérer. C'est trop… c'est juste trop. Tu as envie de tout détruire. C'est ce que tu feras à la seconde où tu traversera la porte d'entrée.

C'est le moment où Madelyn revient dans la pièce avec les plats en main. Tu te lèves d'un coup n'arrivant soudainement plus à tenir en place pour aller manger ce truc qui a l'air carrément dégueulasse, mais c'est gratuit et tu crèves de faim. « Elle était comment Maisie lorsqu'elle était petite ? » Conversation ennuyante en vue. Tout le monde parle. De la mère, au fils et à la concerné qui veut visiblement éviter le sujet. Toi ? Y'a longtemps que tu ne suis plus le fil de la conversation. T'es juste concentré à pas tuer le mec qui est assis en face de toi. Tes yeux sont bien fixé dans le fond de ton assiette que tu vides comme si tu n'avais pas mangé depuis des jours. Oh wait, c'est presque ça. Et tu t'en contre-fou d'avoir l'air aussi misérable que tu l'es. Ton assiette est déjà terminée alors que celles des autres sont à peine entamées. « C’est à Angus qu’il faut poser cette question, dis-leur l’anecdote que tu m’as racontée à notre premier rendez-vous. » À peine la nourriture se rend-t-elle à ton estomac qu'elle a juste envie de ressortir. Pas question d'entendre une seconde de plus leur récit d'histoire romantique. Tu te lèves d'un bond, attrape deux-trois pains dans le centre de la table que tu fous dans les poches de ta veste. Tu piges deux bouchées de plus directement dans l'assiette de ta soeur. « On va pas faire semblant que tu vas manger hen. » Parce que c'est dégueulasse et parce qu'elle a déjà du mal avec ce qui est bon. Autant mieux que tu l'aides avec son assiette plutôt que ça se retrouve au vidange. Oh bien sûr que le trouble alimentaire de Maisie met tout le monde mal à l'aise. Toi le premier même si tu as agi complètement à l'inverse. Mais quand vient le temps de piquer, disons que l'attaque est facile. « Joyeux Noël Lee. » que tu ajoutes en ébouriffant la tignasse brune à tes côtés. Tu évites de trop t'attarder sur lui et sur la future mine déçu qu'il aura quand il comprendra que tu ne vas pas revenir. C'est sans plus un mot à personne d'autre qui ne mérite ton attention ici que tu te casses. Bah bravo, tu auras réussi à supporter ta famille au moins deux heures pendant les festivités des fêtes.

Joyeux Noël les nazes.

seth et sa bonne humeur en un gif   :

Il se donne en spectacle. Bien sûr que Seth se donne en spectacle, le contraire aurait été étonnant. Il ne sait faire que ça, qu’il le veuille ou non ; il ne sait que se mettre en avant en choquant son auditoire et en s’abstenant de faire face aux conséquences de ses actes. Je ne sais plus exactement à quel moment j’ai supposé que ce repas serait une bonne idée pour le remettre à sa place ; et si j’en tire une certaine satisfaction à le voir ainsi chamboulé par l’annonce de ma relation avec Angus, je pensais que la présence de mon petit frère aurait le mérite de l’aider à se contenir. Il n’en est rien et la joute verbale entre nous s’engage très vite, dès que Lee a le dos tourné. Et je ne sais pas pourquoi je continue d’espérer que mon frère parvienne à respecter des limites qu’il ne possède pas ; il le démontre une fois encore quand il nous attaque directement, mère et fille, de la plus lâche des manières. Il oublie un détail, Seth, c’est que je pourrais mettre la faute sur mon père et lui comme exemple de modèle masculin après lesquels je cours, parce qu’il y a cette idée à la con qui circule selon laquelle chaque femme cherche un peu des hommes qu’elle a connu en son futur compagnon. Alors évidemment que si on se base sur Seth et Percy, le choix est très restreint et plutôt mauvais. À vrai dire, même Angus fait figure de bon gendre à côté de tout ce que j’aurais pu choisir dans d’autres circonstances. Je lui demande de la fermer à son tour, choquée de la manière dont il s’est adressé à nous et déjà prête à me confondre en excuses à sa place une fois seule avec ma mère. Elle a appris à ne plus réagir à ses provocations, mais j’imagine qu’elle n’en est pas moins touchée, tout comme je le suis à cet instant et encore plus quand à une autre de mes provocations, il souligne que « Rien à foutre de ton bonheur. » Je tente de garder mon sourire, mais il est crispé et il saura le remarquer. Il saura s’en satisfaire, surtout. Ce n’est même pas l’idée qu’il s’en fiche de mon bonheur avec Angus qui m’attriste ; c’est le fait qu’il s’en fiche tout court. Qu’il s’en fiche, de ça autant que moi de manière générale alors que je continue de courir après son approbation et un signe de fierté de sa part alors qu’il est bien le dernier à me montrer le moindre intérêt. Mais je continue d’y croire, je continue d’espérer qu’un jour il saura me considérer comme sa sœur et m’aimer comme telle – et non comme la plaie qui s’est imposée dans sa vie neuf ans après sa naissance et qui a décimé, qu’elle le veuille ou non, notre famille. Je ravale ma fierté qu’il vient d’écraser en remerciant silencieusement ma mère de nous convier à table alors que je fuis le regard de Seth autant que celui d’Angus.

J’étais pas intéressante. C’est un constat sur lequel tout le monde sera d’accord. J’ai commencé à avoir de l’intérêt aux yeux des autres que lorsque je suis « tombée » malade, que lorsque j’ai forcé l’intérêt à venir à moi, aussi détestable et involontaire qu’il soit. Avant ça, j’étais invisible, que ce soit pour ma propre famille ou pour mes camarades. J’ai jamais su si ça me convenait ou non, tout ce que je sais, c’est que je ne veux pas qu’Angus possède plus de détails en sa possession sur une période de mon existence que j’aimerais oublier. Parce que même si j’étais invisible et inintéressante, j’avais au moins la satisfaction d’aller mieux ; et cette époque me paraît lointaine. Ma réponse ne convient pas à mon petit-ami alors que son genou vient heurter le mien et que je serre les dents. Du coin de l’œil, je surveille un Seth devenu soudainement bien trop silencieux. Et le silence, avec mon aîné, ce n’est jamais bon signe. C’est désormais ma mère et Lee qui occupent l’espace pour donner satisfaction à Angus contre ma volonté. "Bob, hein ? T'as appris à construire des choses en regardant les épisodes ?" Bien sûr que l’information ne lui échappe pas et je détourne les yeux vers lui en tentant de ne pas trop le fusiller du regard – ça n’irait pas avec mon rôle. « Ça se pourrait, oui. T’en auras peut-être une démonstration à l’occasion. » Je lance, avec un sourire attendri sur les lèvres. Ouais. Il en aura une belle de démonstration, j’suis sûre que je peux réussir à construire un ou deux engins de torture pour lui faire plaisir et lui montrer l’étendue de mes talents. Si je me base à des croquis qui datent de l’Inquisition, on trouvera de quoi faire. Et parce qu’il fait bien trop le malin à mon goût, je lui laisse l’honneur d’élaborer une superbe anecdote en quelques secondes pour qu’il ait aussi quelque chose à dire et pas uniquement des questions à poser, hein. Il manque de s’étouffer et je ne cache pas mon sourire en coin. "Quand j'étais môme, je m'amusais à faire les poubelles du quartier parce que ça me rendait triste de voir des objets laissés à l'abandon." Quelle ordure, littéralement. Mais c’est bien trouvé, je le reconnais. "Maisie m'a dit qu'elle faisait la même chose pour les habits. C'est comme ça que j'ai su qu'on était fait pour être ensemble." Quelle ordure, vraiment ; et le mot est faible. « C’est comme ça que j’ai trouvé ma belle robe rose. Tu sais, celle que j’avais le jour où je t’ai fait la surprise de débarquer à ton boulot. » S’il veut jouer, qu’on ne s’en prive pas ; et mon sourire est cette fois-ci très sincère alors que je me fais un plaisir de lui rappeler ce jour où je lui ai collé la honte de sa vie devant ses collègues. Je me fais violence pour ne pas esquisser un mouvement de recul alors que le dos de sa main vient s’approcher de ma joue qu’il caresse et je pense qu’il peut lire dans mes yeux à quel point tout ceci me dérange. Ce n’est même pas contre lui (étonnement). C’est le geste de trop pour mon frère, que j’ai eu le malheur d’oublier quelques instants, alors qu’il finit par se lever pour piocher dans mon assiette. Et il aurait dû s’arrêter-là. Il aurait dû se la fermer comme je lui l’ai pourtant demandé, au lieu de quoi il s’empresse d’ajouter « On va pas faire semblant que tu vas manger hen. » J’ai envie de l’insulter. Ma main se crispe autour de mon couteau. Je ne suis pas violente. Je ne suis pas violente ; j’ai besoin de me le répéter car je crois que je serais capable de le planter là, en réalité, alors que j’ai eu tort. C’est bien maintenant qu’il franchit les limites en s’attaquant à ce trouble qui a gâché ma vie, qui la gâche encore si j’en crois la manière dont sa pique se mêle à une certaine rancune. C’est stupide d’avoir cru qu’il saurait que je vais bien, qu’il l’accepterait, alors même qu’il n’a jamais été là. Il est venu me voir deux fois à l’hôpital avant de m’oublier, alors dans le fond il n’y a rien d’étonnant à ce que sa réflexion contraste avec la réalité. Mais je mange, je le jure, et en réalité c’est un ignorant pour croire que le problème n’est que là. Bien sûr que c’est un ignorant ; c’est surestimer Seth que d’imaginer qu’il pourrait, une fois dans sa vie, comprendre ce que traversent les autres et avoir un semblant d’empathie pour eux. Évidemment qu’il n’en a pas – et encore moins quand ça me concerne. Ma mâchoire se crispe tandis que le regard que je lui lance parle pour moi, même si mes lèvres miment un « va te faire foutre » enragé. Je ne vais pas renchérir. Je ne lui ferai pas le plaisir d’être affectée par ses paroles, parce qu’il ne mérite pas que je gaspille mon énergie pour quelqu’un qui est incapable de voir au-delà de ses propres problèmes ; ceux qu’il est pourtant le seul à provoquer. « Joyeux Noël Lee. » Mon regard passe sur un Lee qui perçoit évidemment les tensions et j’essaie de désamorcer la bombe avec un clin d’œil sans adresser le moindre mot à notre aîné. "C'est quoi le repas préféré de Maisie ?" J’entends de justesse la question d’Angus alors qu’il entreprend d’être serviable et je lance un regard à ma mère ainsi qu’un léger signe pour lui demander de se taire. Rien de surprenant à ce que j’évite ce pan de ma vie à l’égard de la personne auprès de laquelle je veux paraître parfaite. « Fut un temps où elle ne jurait que par le fishcake, c’est pas surprenant vu nos origines. Maintenant... j’imagine que n’importe quoi avec du tofu fait l’affaire. » Je me suis peut-être levée pour tendre l’oreille et suivre leur conversation, avant que Lee me rappelle à l’ordre et que je ne sois pas en mesure d’écouter la suite. « De quoi vous avez parlé, tous les deux ? » Je feins l’innocence quand il revienne dans le salon alors qu’en réalité, j’ai peur que quelques secondes aient suffit pour qu’ils échangent plus que je ne le voudrais. « Tu lui racontes pas tous mes secrets, j’espère, parce que j’aurai plus rien à lui dire après. » Je souligne auprès de ma mère, un air innocent toujours plaqué sur le visage alors que j’ai besoin de m’assurer qu’ils ne sympathisent pas. « Détends-toi. J’aimerais bien que tu le gardes, celui-là. » Que ma mère souligne avec un clin d’œil à l’attention d’Angus avant de passer chaleureusement sa main sur son épaule, me crispant au passage. Je la sais tactile, tout autant que je la sais séductrice et suffisamment sans gêne pour ne pas vraiment se soucier d’un détail comme le fait qu’il s’agisse de mon copain. Son sous-entendu m’agace, alors qu’Angus ne rejoint pas une liste aussi fournie qu’elle veut lui faire croire. « On pourra pas rester pour le dessert. » Que j’annonce sans l’aval d’Angus, parce que je sais très bien que si Seth était une catastrophe, ma mère peut suivre le même chemin avec un verre de trop dans le nez et les hormones qui la démangent ; et que de son côté Angus va se saisir de chaque bribe d’information qu’il pourra gratter et utiliser à mon encontre. « Va falloir me partager, maintenant. » Je précise, sous-entendant que la suite des festivités se déroulera chez Angus, alors que j’ai surtout envie de fuir maintenant que Seth a été servi – et pas qu'en nourriture.

@Seth Moriarty (juste pour que tu vois à quel point Maisie aime son frère)
@Angus Sutton désolée d'être un boulet qui n'active pas ses notifs et a une mémoire de poisson rouge  

Il pose des questions, il se renseigne et je vois clair dans son jeu. Il essaie de gratter un maximum d’informations auprès de mes proches, celles que je refuse à lui donner en temps normal car aussi anodines qu’elles puissent être, je sais qu’il saura en faire quelque chose contre moi – parce que si les rôles étaient inversés, c’est ce que je ferais. Le fait qu’il découvre ma passion pour le bricolage n’est pas un problème, le fait que ce soit associé à une obsession pour Bob le Bricoleur que j’avais durant l’enfance, ça l’est. C’est néanmoins un des rares détails vrais qu’il aura me concernant, le fait que j’apprécie faire quelque chose de mes dix doigts et que j’ai un intérêt tout particulier pour tout ce qui touche aux travaux manuels. J’ai jamais été une intellectuelle, mais j’ai passé des heures et des heures à tenter de réparer des objets que j’avais moi-même cassés, seulement pour me sentir utile. Alors oui, s’il le faut il en aura une démonstration, Angus et je me ferai un plaisir de créer un instrument de torture s’il a la bonne idée d’utiliser cette information contre moi. Mon sourire est mielleux, trop pour lui, probablement pas assez pour ma mère qui me rêve en couple depuis que j’ai seize ans, parce qu’elle est incapable de concevoir une vie de femme sans une présence masculine à ses côtés ; c’est ainsi qu’elle a toujours vécu et loin de se satisfaire de l’adage selon lequel une fille finit toujours par ressembler à sa mère, elle semble s’accrocher à le démontrer par elle-même. Je peux déjà prévoir son discours quand nous serons seules, elle me félicitera d’être tombé sur un aussi beau et bon garçon qui prendra soin de moi, comme si j’étais pas capable de le faire toute seule. Et la vérité, c’est que je ne le suis pas ; et je n’ai jamais vu les choses sous cet angle. C’est pour ça qu’elle a enchaîné les mecs après notre arrivée en Australie, d’aussi loin que je me souvienne ? Parce qu’elle avait l’impression de ne pas pouvoir s’occuper d’elle-même ? Angus plaisante sur notre passion commune des poubelles et ça a le mérite d’être bien trouvé autant que de me changer les idées. J’entre dans son jeu, me faisant plaisir à lui rappeler la magnifique (non) robe rose portée quand je me suis pointée sur son lieu de travail. Je sens que ses muscles se crispent et je ne peux masquer mon franc sourire ; c’est donnant-donnant, Sutton.

Et si mon sourire disparaît suite au coup d’éclat de Seth qui m’offre une certaine satisfaction bien que la manière dont il s’est adressé à moi avant de partir me reste en travers de la gorge, j’essaie néanmoins de ne pas envenimer les choses alors que Lee ne masque pas sa déception de ne pas pouvoir rester plus longtemps aux côtés de son grand frère. De toute évidence, Seth ne s’est jamais senti concerné par lui, et ce n’est pas aujourd’hui que cela va commencer. Ça fait longtemps que je ne me fais plus d’espoirs sur la question, mais Lee continue d’en avoir quelques-uns et ça me peine pour lui. Mais il a pris les habitudes des Moriarty, faisant mine de rien pour ne pas admettre qu’il est blessé. Les questions d’Angus reprennent de plus belles et je me sens quelque peu en danger, consciente que ma mère pourrait en dire plus que nécessaire, surtout en prenant en compte le fait qu’elle a déjà bu et qu’elle ne s’arrêtera pas en si bon chemin. J’ai besoin de maîtriser ce qu’ils se disent, et peu importe si cela vexe Angus et interrompt ma mère. Je scrute du coin de l’œil leurs silhouettes, restant avec Lee pour tenter de lui changer les idées, m’empressant néanmoins de m’assurer qu’aucune information compromettante ne s’est échappée quand j’étais absente. Le sous-entendu de ma mère me crispe, autant que son geste ; je sais qu’elle est sur la mauvaise pente et j’ai aucune envie de rester durant ces moments-là, car on finit inévitablement par se disputer, et que ce n’est pas l’esprit de Noël que je souhaite offrir à Lee. « Ça tombe bien parce que contrairement aux autres, je compte pas bouger. » J’affiche un sourire crispée, gênée par l’attitude de ma mère qui devient trop tactile, trop familière, autant que par l’information qui est maintenant en possession d’Angus. Je n’enchaîne pas les copains ; et je n’ai pas envie qu’il le pense. Et même si c’était le cas, j’aurais le droit. Alors pourquoi son opinion me touche autant ? Je me fiche bien que ça ne corresponde pas à l’accord passé, mais je nous offre une porte de sortie. Seth est parti, et ma mère regarde bien trop Angus à mon goût. On a aucune raison de rester ici, pas même Lee qui pourra peut-être profiter d’une soirée avec sa mère qui tend à l’abandonner à la moindre occasion.

Angus n’en obtiendra pas plus sur mon passé, et ça me rassure. Il y a trop de choses dont il ne peut être au courant, et je suis désolée pour la fin abrupte, mais il y a des situations qui nécessitent des moyens comme ceux-ci. « Merci pour le repas, c’était délicieux. » C’était du préparé à l’avance, mais j’apprécie les efforts pour être le gendre idéal, il remplit sa part du contrat. Et bien sûr que Madelyn le prend dans ses bras, un peu trop longtemps selon moi-même si j’affiche un large sourire quand elle vient me claquer une bise sur la joue. « Je compte emmener Sam au mini-golf le week-end prochain si tu veux venir. » Bien sûr que Lee est ravi et je reconnais que la proposition est agréable de sa part. Je m’abaisse au niveau de Lee pour le prendre dans mes bras. « Profite de ta soirée, bonhomme. » Il n’a pas souvent l’occasion d’être seul avec notre mère et je sais qu’il saura lui demander de regarder un film de saison, ce qui ne leur fera pas de mal à tous les deux. Je discute encore quelques minutes avec ma mère avant de rejoindre Angus à l’extérieur. « Mission accomplie ? » Je déverrouille le véhicule en secouant la tête par l’affirmative. « Ton prix sera le mien. » C’est plus facile que de lui dire merci, de reconnaître qu’il a bien joué le jeu et que j’apprécie ses efforts. « On aurait quand même pu attendre la fin du repas, c’est pas cool pour ta mère. » Mon regard se lève vers lui et je le fusille sans m’en rendre compte, avant de laisser échapper un soupire. « T’as de la chance de l’avoir. » Je sais, oui. Seulement, on ne se comprend pas et j’arrive pas toujours à faire semblant. Et je sais que je suis une ingrate, parce qu’elle a essayé d’être là pour moi et que de mon côté, j’arrive pas à l’être pour elle. Mais ce n’est pas aussi simple et je refuse qu’Angus aussi me colle le mauvais rôle alors que je me glisse sur le siège conducteur, mon sac sur mes genoux. « Tu la connais pas comme je la connais, d’accord ? » La question est rhétorique est vise à lui faire comprendre qu’il se doit de garder son opinion pour lui, merci. Il ignore tout ce que nous avons partagés avec ma mère ; et toutes les choses qui ont sérieusement impactés notre relation aujourd’hui. « Encore un verre de vin et elle se lançait dans un discours interminable sur mon père et à quel point avoir des enfants lui a gâché la vie. » Parce qu’elle a eu Seth trop jeune, parce qu’elle a essayé d’avoir un deuxième enfant pour réparer ce qui ne pouvait pas l’être dans leur relation, et que pour Lee c’était son ultime recours garder un homme qui, à défaut de l’aimer réellement, lui donnait au moins l’impression réconfortante de l’être. « Deux, et elle te faisait du pied sous la table. » Trois, et elle lui disait à quel point je suis une ingrate qui ne pense qu’à sa gueule et qui ne s’est pas souciée de gâcher la vie des autres. « Elle ne passe pas beaucoup de temps avec Lee, alors crois-moi qu’il sera content de l’avoir pour une soirée. » Et à peu près sobre, aussi. C’est mon cadeau à moi, dans un sens. Parlant de ça, je finis par fouiller dans mon sac pour en sortir une tasse thermosensible dans un emballage en carton que je n’ai même pas tenté de couvrir pour un meilleur effet. « Je sais pas faire un emballage cadeau. » Que j’annonce, toujours un peu blessée par le fait qu’il ait pris le parti de ma mère, ou qu’il me mette face à mes propres erreurs, je ne sais pas. Et il comprendra pourquoi je n’ai pas voulu lui offrir son cadeau à l’intérieur, c’était l’assurance que Seth se foute de sa gueule. Ne prenant pas le temps de m’intéresser à sa réaction, trop malmenée par la mienne, je jette mon sac sur le siège arrière avant de mettre le van en route, désirant terminer cette soirée au plus vite – et même pas à cause d’Angus.

@Angus Sutton