| like an open book || joseph #1 |
| | (#)Lun 03 Jan 2022, 13:17 | |
| Au vu du nombre d'années où tu as travaillé ici, quand tu as des bouquins à retourner, tu vas directement les remettre à leurs places. Un processus qui met toujours trop de temps, parce qu'il y a toujours un des livres qui n'est pas égale avec les autres. Pire, parfois il y en a qui sont inversés. Tu veux pas dire que tu faisais un meilleur boulot que celle qui te remplace, mais… oui carrément c'est ça. Elle doit même avoir arrêter de se forcer parce qu'elle sait que tu passes toujours derrière elle. Il faudrait vraiment que tu arrêtes ça, mais ça te donne de l'urticaire juste en voyant une rangée qui n'est pas bien ordonnée à cent pourcent. Il faut pas chercher à te comprendre. Toi-même tu as cessé depuis des années. Le lâcher prise, quelque chose que tu travailles tous les jours. Ce n'est pas toujours évident. Tu allais partir quand tu aperçois Joseph assis tout seul à une table avec un air beaucoup trop sérieux sur le visage. Qu'est-ce qu'il fait ? Tu l'observes un peu en retrait alors qu'il semble réfléchir, crayon à la main, cahier devant lui. Pourtant, il ne semble poser aucun mot sur la feuille. Il fait des cours de rattrapage ? Tu espères que c'est pas des mathématiques parce que tu serais plus une nuisance qu'autre chose si tu t'en mêle. Bon, ça ne veut pas dire qu'il est venu ici pour avoir une quelconque aide. Mais à le voir, ici, de loin, il a l'air d'en avoir besoin. Ou c'est juste une raison que tu t'inventes pour aller le déranger, pour nourrir cette curiosité qui vient de naître en toi.
« Tu fais quoi ? » que tu demandes en arrivant derrière lui sans prévenir, jetant un oeil indiscret sur le cahier devant lui. C'est qu'il a l'air d'avoir du vécu ce cahier. Il te dirait qu'il le traîne depuis qu'il est gosse et tu n'aurais aucun mal à le croire. La réalité est sûrement plus qu'il l'oublie partout et n'y fait pas attention. La feuille n'est pas blanche. Tu crois voir une série de noms et de dates sans plus d'explications. Tu as cru voir celui de Lily, quelques-uns qui t'étaient inconnus. Tu n'as pas regardé assez longtemps pour voir si celui de Alfie ne se trouvait pas un peu plus loin. Tu cherches le bon emplacement pour t'asseoir et avoir un bon angle mort pour avoir les yeux qui divaguent sur ces mots qui ne veulent rien dire, mais qui pique ta curiosité sans que tu saches vraiment pourquoi. Les possibilités qu'il referme son cahier plutôt que de laisser ses mots à découvert sont tout de même plus élevés. Tu aurais horreur qu'une paire de yeux indésirable viennent zieuter tes écrits. Pourquoi tu le fais alors ? La curiosité est un bien vilain défaut. Tu optes finalement pour la chaise face à lui, mais un peu en diagonale. Tes yeux se posent de nouveau sur le cahier - A…? ah non c'est Avril pas Alfie - avant de se reposer sur Joseph. « Ça fait longtemps que je t'ai pas vu. » que tu ajoutes en venant poser tes avant-bras sur le bureau. Pas que vous vous voyez si souvent que ça. Joseph, il apparaît et disparaît quand il le veut, aussi longtemps qu'il le veut. Tu as l'impression que son absence a été plus longue que les autres fois - où ce n'est que dans ta tête ? Bien possible. « T'étais passé où ? » que tu demandes, que tu t'intéresses. Ça fois quoi ? Des semaines ? Des mois ? Tu ne saurais dire.
@joseph keegan |
| | | | (#)Dim 16 Jan 2022, 23:22 | |
| Coucher des mots sur papier, ce n’est pas la même chose que de les lire et les laisser alimenter son imagination. Joseph en a lu des centaines, de bouquins, depuis qu’il s’est pris d’un amour pour les histoires de tout genre, de la romance à la science-fiction, du fantastique au contemporain ; peu importe, il n’a besoin que de voir la vie par les yeux d’une autre personne pour sentir ses jambes se dégourdir et son esprit s’alléger. Il ne voudrait pas dire que la lecture l’a sauvé, mais c’est tout comme. Derrière les barreaux, il aurait certainement perdu la tête s’il n’avait pas visité la minuscule bibliothèque de la prison débordant de vieux bouquins aux pages rubigineuses et effritées. Au début, il s’était cru perdu au milieu de ces briques de mots mais, peu à peu, il s’était découvert un intérêt pour l’orthographe et le bon anglais. Il s’était d’ailleurs rappelé qu’il n’avait jamais détesté l’école, seulement le retour à la maison à la fin des cours. Il n’avait simplement pas amassé une somme d’argent assez considérable pour terminer son éducation et s’était retrouvé mendiant et ignare dans le dédale des rues étourdissantes de Brisbane.
Malgré son apparence négligée, son visage amaigrit par la cure de désintoxication, son sac à dos qui a connu mille voyages et sa posture de crevette, il ne fait pas exactement tache à la bibliothèque. Certes, la plupart des gens qui sont ici pour lire ou pour étudier sont joliment parés, mais une bonne dizaine d’usagers viennent ici tous les jours pour profiter des ordinateurs et de la connexion internet. Joseph n’est pas le seul qui ne peut pas compter sur un portefeuille rassasié.
Il n’a plus l’habitude de tenir un crayon entre ses doigts. Le stylo roule entre son index et son pouce quand il appuie sur la feuille et son écriture est catastrophique – un mélange entre une plume italique et des lettres attachées (pas les b ni les z, Joseph ne se souvient plus du mouvement pour les dépeindre). On pourrait croire qu’il est né gaucher et qu’il tente de pratiquer sa main droite pour la rendre elle aussi parfaite. Seulement, son orthographe est exemplaire et la grammaire irréprochable. Il ne sait simplement pas par où commencer. Alors il écrit des dates, des noms, des résumés très brefs d’événements marquants de son enfance, ne mentionnant jamais la douleur, la peine et l’angoisse qui l’accompagnaient jusqu’à ce qu’il trouve enfin quelques poils en-dessous de son nez, signe qu’il devenait un adulte. Les poules à Lily, le coq qui coqueline tôt le matin, les gants que portait sa mère en préparant la viande pour ne pas toucher le sang, ses talons à l’extrémité pointue pour écraser les coquerelles, la clôture que son père peaufinait tous les jours sans jamais la terminer. Il pense à Alfie. Il n’écrit pas son prénom. Il inscrit plutôt la date qui a marqué le tout dernier câlin qu’ils se sont faits avant que Joseph ne laisse sa vie derrière lui en pensant que ce qui l’attendait ensuite serait meilleur. Il mord le bout de son crayon là où déjà de multiples entailles de dents ont endommagé le bois. Sa gorge se noue. « Tu fais quoi ? » Il ne peut que sursauter lorsque la voix de la jeune femme derrière lui l’extirpe de ses pensées. Il froisse le carnet entre ses mains sans pour autant le fermer, pour ne pas paraître coupable de quoi que ce soit. Un vieux réflexe de criminel. Il jette enfin un coup d’œil à sa nouvelle compagnie et la surprise se lit dans ses traits. Jules. Il n’avait pas entendu parler d’elle depuis l’éternité. Il ne devrait pas être étonné de la trouver ici, ceci dit, puisqu’elle et lui partageaient le même amour pour la littérature. « Rien d’illégal. » Le garçon répond finalement en appuyant ses paumes sur le papier pour dissimuler ses écrits personnels. « Toi, par contre, tu tournes autour d’moi comme un goéland autour d’un buffet sur la plage. » Visiblement, Jules était curieuse parce qu’elle laissait ses yeux partir à la découverte du moindre mot discernable. Elle se vengeait peut-être parce que Joseph lui avait volé un peu de vie privée, à elle et à Alfie, quand il est venu dormir sous leur toit. « Ça fait longtemps que je t'ai pas vu. » Il hausse les épaules. Bien des gens le décrivent comme un nomade. Il a pris l’habitude de ne pas laisser de traces derrière lui : instinct de survie surdéveloppé, pour un homme de la ville. « T'étais passé où ? » « Partout. » La vérité, c’est qu’il n’est pas complètement à l’aise. Il n’a jamais su si Alfie l’avait informée de leur première incarcération fulminante, puis de la deuxième qui avait signé la fin pour les deux amis (ennemis) maudits. Le garçon reste cependant impavide quand il reprend : « Je ne vois plus vraiment Alfie alors on n’a pas pu se croiser. » Il a encré son regard au sien pour ne pas manquer la moindre expression qui trahirait ses connaissances sur le sujet. Étonnement, il ne capte aucun signe valant la peine d’être noté. Elle ne sait rien. Alfie ne l’a pas jeté aux requins. « Comment vous allez tous les deux ? »
Il n’apprendra donc jamais qu’il continue de tendre la main à son bourreau comme si ce dernier allait changer du jour au lendemain – ou redevenir l’Alfie d’antan.
@Juliet Rhodes |
| | | | (#)Dim 06 Fév 2022, 17:04 | |
| « Rien d’illégal. » Encore heureux. Ta voix sortie de nul part le fait sursauter. Il ne ferme pas le carnet qui semble avoir un siècle de vécu en face de lui, mais il appose ses mains sur les feuilles pour t'empêcher d'assouvir ta curiosité. Tu essaies de comprendre ce que c'est, mais de rester planté là derrière lui à lire entre les lignes - ou entre ses doigts - c'est pas trop subtile, non ? « Toi, par contre, tu tournes autour d’moi comme un goéland autour d’un buffet sur la plage. » Qu'est-ce que tu disais, hm ? Zéro subtilité. « Et c'est illégal ? » Son commentaire suffit tout de même à ce que tu ailles plutôt prendre place en face de lui, loin de ses jolies mots qui resteront encore un mystère - pour l'instant. « Pardon, je voulais pas être indiscrète. » que tu ajoutes par la suite. Bien sûr que tu es parfaitement consciente de l'avoir été. Tu ne voulais pas qu'il remarque que tu étais indiscrète, plutôt. Joseph reste encore une énigme à résoudre. Comme s'il était la clé qu'il te manquait pour comprendre tout le reste. Dommage que tu sois bien mauvaise manipulatrice pour lui tirer les vers du nez.
« Partout. » C'est pas vraiment une réponse ça. Comme il n'a pas répondu à ta première question non plus. Donc il était partout à rien faire d'illégale, c'est ça ? « Je ne vois plus vraiment Alfie alors on n’a pas pu se croiser. » Ah. Il est vraiment, mais alors vraiment en retard dans les nouvelles. Dans la logique des choses, c'aurait plutôt été à toi de lui dire cette phrase là. C'est toi qui ne vois plus trop Alfie. C'est ta raison pour ne pas avoir revu Joseph avant ça. Il s'est passé quoi pour que les deux amis d'enfance aient coupé contact ? « Hm, je crois que Alfie a mis beaucoup de personnes de côté ces derniers mois. » Tu émets des hypothèses sans vraiment savoir la vérité. Mais il est évident que quelque chose s'est passé dans la tête de Alfie suite à sa dernière agression, quelque chose qui l'a changé à tout jamais. Alfie ne va pas bien et il a éjecté tout le monde de sa vie. C'est plus facile de se laisser sombrer quand il n'y a plus aucun regard inquiet qui se pose sur lui. Joseph semble lui aussi faire partie des dommages collatéraux. Mais là encore, ce ne sont que des hypothèses. Ce ne sont que des rumeurs de très loin que tu as entendues. Des rumeurs que tu as également choisi d'ignorer, parce que c'était plus facile pour toi aussi.
« Comment vous allez tous les deux ? » Ton regard s'abaisse doucement le temps de quelques secondes avant de remonter vers ton interlocuteur. Tu viens doucement glisser une mèche de cheveux derrière ton oreille. « Je vais bien. » Tu ne lui diras pas que la dernière année a été difficile. Tu ne diras pas que tu as espéré pendant des semaines qui sont devenus des mois que Alfie reviennent dans ta vie. Ce fut un processus long et ardu, mais il faut te rendre à l'évidence. Alfie ne reviendra jamais. Celui que tu as aimé ne semble plus exister. La page sur cette vieille histoire est désormais tournée. Tu vas mieux, c'est tout ce qui compte. Pour ce qui est d'Alfie… « Je crois pas que Alfie aille très bien par contre. Tu devrais peut-être aller le voir. » Une suggestion comme une autre. Peut-être que ce vieil ami pourrait l'aider à se sortir de cette misère qu'il s'impose lui-même. « On n'est plus ensemble. Depuis un an. » que tu ajoutes pour lui expliquer la raison pour laquelle tu ignores l'état de santé de cette connaissance commune. Un an déjà. Et lui, Joseph, il y a combien de temps qu'il n'a pas vu Alfie ? |
| | | | (#)Mer 02 Mar 2022, 20:20 | |
| « Et c'est illégal ? » Non, c’est surtout… Inhabituel. Joseph n’a pas l’habitude d’attiser la curiosité. Les gens ne se posent pas au-dessus de son épaule pour regarder ce qu’il tient entre les mains ; ils préfèrent plutôt établir un certain périmètre de sécurité entre eux et le garçon à l’apparence négligée pour éviter tout contact. « Pas illégal, seulement bizarre. » Il répond finalement après avoir froissé les pages de son carnet entre ses mains abimées pour dissimuler derrière les plis quelques mots que Jules ne pourrait certainement pas comprendre, de toute façon. Elle ne connait pas les datent qui ont ponctué sa vie, ni même le nom de ceux qui l’ont marqué d’une manière ou d’une autre. Elle ne connait rien de lui, parce qu’Alfie lui avait demandé de rester discret avec elle. Il craignait qu’elle réalise que son petit copain n’est pas aussi parfait qu’elle l’aurait cru mais, ça, il avait lui-même réussi à bousiller son image en jouant les clowns. « Pardon, je voulais pas être indiscrète. » « T’inquiète, c’est rien. » C’est même flatteur de voir qu’elle s’intéresse à lui. Il lui adresse un sourire rassurant et finit par simplement fermer son carnet de notes pour remettre son occupation à plus tard.
La petite voix au fond de lui ne cesse pourtant de lui répéter que, si Jules s’installe devant lui, c’est seulement parce qu’elle a pitié de lui. Elle aurait certainement autre chose à faire que de prendre des nouvelles d’un homme avec lequel elle n’a jamais pu créer de liens amicaux. Elle a toujours été la petite amie d’Alfie. Rien de plus. Il est vrai qu’ils partagent tous les deux une même passion, et c’est sûrement pour cette raison qu’ils se recroisent ici, dans une bibliothèque, cet endroit magique dans lequel les allées renferment des milliers de récits capables de les faire voyager dans le plus profond de leur imagination. Un endroit où le temps n’existe plus, un endroit où, pendant un moment, on peut oublier qui on est. « Hm, je crois que Alfie a mis beaucoup de personnes de côté ces derniers mois. » Dents serrées, Joseph se surprend à apprécier la nouvelle. C’est égoïste, certes, mais il savait à quel point son ancien ami tenait à Jules. S’il n’a pas réussi à se réconcilier avec elle, c’est son problème. Il est le seul fautif dans cette histoire parce que la jeune femme n’a fait que subir – il assume que c’est ainsi que ça s’est passé. « Il se referme dans sa petite bulle. Ce ne sera pas la première fois. » Il répond, innocent, en haussant les épaules. « Tu le connais bien. Tu dois déjà savoir qu’il est comme ça. » Il est incapable de se contenter de ce qu’il possède ; il vise toujours plus haut, plus loin, même s’il se casse une jambe en chemin. Malgré tout, Joseph continue de jouer la carte de l’innocence jusqu’au bout même s’il a déjà capté que la jeune femme ne forme plus un couple avec l’anthropologue qui étend ses études jusque dans la maison de Lily. « Je vais bien. » Il pince ses lèvres. Ses yeux se baissent une seconde. Il l’entend, la tristesse dans sa voix, mais il ne souhaite pas rallumer le feu de ses chagrins. « Je crois pas que Alfie aille très bien par contre. Tu devrais peut-être aller le voir. » Cette fois, il reste complètement impassible. Ses dents grincent. Un soupir s’échappe silencieusement de ses narines. Il se passe une main dans le cou avant de la relaisser tomber lourdement sur sa cuisse. Lily s'occupe déjà de lui. « On n'est plus ensemble. Depuis un an. » Un an déjà ? Le temps passe trop vite. Il n’avait pas autant de rides la dernière fois qu’il a vu Alfie derrière le filtre de sang carmin qui lui brouillait la vision. « Je suis désolé. J’espère que ça s’est pas trop mal terminé et que t’as pas trop souffert, Jules. » Un dommage collatéral de la sempiternelle guerre qui gronde entre les deux complices devenus adversaires. « J’l’ai pas revu depuis l’éternité. » Il avoue en jouant avec le coin de son carnet. « Je sais il est où. Mais je ne crois pas qu’il serait heureux de me revoir. Et… » Il fronce les sourcils, déglutit, ravale cette boule d’émotions dans sa gorge. « Et moi je n’ai pas envie de le revoir non plus. » Comme si, en trente ans, il réalisait seulement aujourd’hui que leur amitié aurait dû se terminer quand il a mis son enfance derrière lui. Il serait resté un bon souvenir. Son meilleur ami qui l’a sauvé des griffes des démons. Son meilleur ami qui s’est sacrifié dix fois pour lui sans jamais rien demander en retour, seulement un garçon avec qui faire passer le temps lors de la récréation. Aujourd’hui, il lui vole sa seule famille et Joseph est certain qu’il sait très bien ce qu’il fait. Alfie n’agissait jamais sans avoir un plan bien ficelé entre les deux oreilles. « Rassure-moi… T'arrives à tourner la page ? » Parce que, lui, il n'y arrive pas, et il se couperait les doigts si en échange il obtenait la liberté de ne plus se faire hanter par Alfie et son poison.
@Juliet Rhodes |
| | | | (#)Lun 14 Mar 2022, 18:36 | |
| « Pas illégal, seulement bizarre. » Oui bon, il n'a pas tort. C'est sûrement pour ça que tu prends place face à lui, presque honteuse - honteuse de t'être fait prendre ouais. Et puis, ces mots sur sa feuille, tu ne pourras jamais les lire puisque les pages se retrouvent rapidement froissé entre ses doigts. Est-ce que tu serais capable d'aller les chercher dans une poubelle pour pouvoir les lire ? Absolument. C'est sûrement pour ça qu'il va les garder précieusement malgré leur état qui semble prétendre le contraire. « T’inquiète, c’est rien. » À son sourire rassurant apparaît le tien. La discussion ne reste toutefois pas longtemps très légère. Bien sûr que le sujet d'Alfie vient rapidement entre vous deux, il est bien la seule personne qui vous unit dans un sens. « Il se referme dans sa petite bulle. Ce ne sera pas la première fois. » Il hausse les épaules comme s'il négligeait la situation, comme si c'était normal, comme s'il disait t'es pas la première, ni la dernière. Pourquoi est-ce que Alfie ne venait pas avec un mode d'emploi et tous les avertissements qui viennent avec ? « Tu le connais bien. Tu dois déjà savoir qu’il est comme ça. » Et le sourire qui parcourt ton visage n'a rien d'un sourire joyeux. Il est…? Difficile à décrire. Quelque part entre la tristesse et l'ironie. « Non, je le connais pas. » Parce que c'est bien ce que tu as compris de votre rupture, mais aussi de l'arrivée de Joseph dans votre appartement il y a ce qui te semble une éternité. Tu ne connais pas Alfie. Ou du moins, tu ne connais pas toutes les facettes de cet homme qui a partagé pendant tant d'années ta vie. « Et tu le sais très bien. » Qui d'autre que Joseph connaît réellement Alfie Maslow ? Tu l'ignores, mais s'il est plus bavard que Joseph, tu veux bien le rencontrer. Peut-être que tu pourras enfin comprendre les dernières années de ta vie. Peut-être que tu pourras vraiment tourner la page sur ce passé qui te suit tel un ombre.
« Je suis désolé. J’espère que ça s’est pas trop mal terminé et que t’as pas trop souffert, Jules. » Ta tête tourne légèrement de droite à gauche alors qu'une moue plus triste passe rapidement sur ton visage. « C'est rien. Ça fait longtemps. » que tu ajoutes en haussant légèrement les épaules. Ça fait longtemps. C'est du passé. C'est ce que tu veux sous-entendre. C'est ce que tu veux faire croire à tout le monde, à toi en particulier. Mais de revoir Lily, puis maintenant Joseph, tu ne peux pas nier que ça réveille des vieux sentiments, des vieux questionnements que tu croyais bien enfouis, presque oubliés. Mais non, bien sûr que non, rien n'est oublié. Comment le pourrais-tu ? « J’l’ai pas revu depuis l’éternité. » La surprise peut se lire facilement sur ton visage. Pourquoi ? Il s'est passé quelque chose entre eux ? C'est depuis qu'il a quitté l'appartement ? C'est ta faute ? Après tout, tu ignores ce qu'est devenu leur amitié depuis ce temps-là. Joseph était bien loin d'être le centre de vos conversations dans les derniers mois de votre couple. « Je sais il est où. Mais je ne crois pas qu’il serait heureux de me revoir. Et… » Et, quoi ? Ton corps s'est penché vers l'avant sans même que tu t'en rendes réellement compte, pendue à ses lèvres, impatiente d'entendre la suite. « Et moi je n’ai pas envie de le revoir non plus. » Tu es juste un peu plus confuse. Il s'est visiblement passé quelque chose entre les deux anciens amis. On ne rompt pas une si vieille amitié sans aucune raison. Pas vrai ? « Donc, il vit avec ta soeur, mais vous êtes en froid, c'est ça ? » Oh bien sûr que l'information est glissé juste pour aviser le (peu) d'information que tu as. Il en penses quoi, lui, Joseph de cette colocation ? Parce que toi tu ne sais pas. Encore moins avec le peu d'information qui vient de s'ajouter. « Le statut d'ex ça me donne le droit d'avoir de vrai réponse ou non ? » Parce que la dernière fois que tu as posé des questions, tu es ressorti avec rien du tout. Sans Alfie dans ta vie, sans Alfie dans sa vie, pouvez-vous simplement avoir une conversation honnête ? « Parce que j'en ai un peu marre d'être celle qu'on prend pour une idiote. » Ta gorge se noue sous tes paroles. Tu as besoin de réponses, mais tu sais aussi que ce n'est pas de la bouche de Joseph que tu voudrais les entendre. Mais tu sais aussi que ça ne viendra jamais d'Alfie, alors...
« Rassure-moi… T'arrives à tourner la page ? » Oui ? Non ? Tu essaies en tout cas. C'est déjà mieux que rien. Ta vie va déjà beaucoup mieux que dans les mois précédents votre rupture. Lui ? Comment il était après ? Sûrement pas aussi chagriné que tu as pu l'être. « On ne devrait pas se soucier de quelqu'un qui ne se soucie pas de nous. Tu ne crois pas ? » Parce que c'est comme ça qu'il se sent lui aussi Joseph, non ? Deux personnes au cœur en miettes par la même personne. Une peine d'amitié fait aussi mal qu'une peine d'amour si ce n'est plus. « Je me suis vidé le coeur en écrivant. C'est ce que tu fais ? que tu demandes en désignant son cahier devant lui. |
| | | | (#)Dim 27 Mar 2022, 15:53 | |
| « Non, je le connais pas. » Ah, oui, c’est vrai. Alfie est un menteur et un cachotier. Il avait même demandé à Joseph de ne jamais révéler leur passé commun, comme s’il en avait honte, ou comme s’il voulait préserver son image de parfait anthropologue devant sa petite amie. « Et tu le sais très bien. » Aujourd’hui, plus rien ne le retient. Il pourrait tout balancer, révéler à Jules les tendances toxicomanes de l’autre garçon. Il n’a plus rien à perdre. Ils ne sont plus amis depuis… Depuis… Certainement depuis plus longtemps qu’il ne le croit. Après tout, Alfie n’est jamais venu le voir en prison. « Yep. » Il marmonne entre ses lèvres, laissant ses yeux se balader vers le plafond et les néons qui lui brûlent la rétine et l’empêchent de penser plus longtemps à la délicieuse idée de crier haut et fort qu’Alfie a bien plus de défauts que de qualités. « Mais c’est pas mon rôle d’te tenir à jour à son sujet. » Il est un criminel, un fou certains diraient, une cause perdue d’autres pensent, mais il ne se réduira jamais à la hauteur d’Alfie. Il vaut mieux que lui ; c’est une leçon qu’il doit encore apprendre mais qu’il intègre lentement plus ses pensées deviennent lucides et plus il se détache d’un passé regretté. Il lui a volé sa sœur. Il ne pouvait pas faire pire. Quand il botte des cailloux dans la rue, il image la tête du voleur à leur place.
Même si Joseph pourrait continuer à ruminer sa colère, l’allocentrisme reprend le dessus sur lui et il décide de faire preuve d’un peu d’empathie à l’égard de Jules qui, elle, était amoureuse de celui qui n’est plus le même. Il s’assure qu’elle ne souffre pas trop, qu’elle a réussi à se relever après la rupture et qu’aujourd’hui elle marche à nouveau vers l’avant. « C'est rien. Ça fait longtemps. » Un an, ce n’est pas si long. Joseph n’a jamais pu faire le deuil de sa relation avec l’autre garçon après vingt ans. Il marque les autres au fer chaud, tatoue son nom sur leur peau sans leur accord. S’en rend-il simplement compte ? Le paon sait qu’il a une parure colorée et majestueuse ; il l’expose pour charmer les autres oiseaux. « Donc, il vit avec ta soeur, mais vous êtes en froid, c'est ça ? » Il fronce les sourcils et passe sa main dans sa barbe. « Tu le sais, alors. » Il hausse ensuite les épaules, sa posture s’aplatissant tellement il n’a plus la force d’aborder le sujet. « On est en froid, c’est ça. Depuis son agression, il n’arrive plus à faire de l’ordre dans sa tête alors il a préféré m’jeter. » C’est une façon comme une autre d’admettre que l’événement, celui qui a taché de sang le sol de sa cuisine, est la cause de leurs conflits. « Le statut d'ex ça me donne le droit d'avoir de vrai réponse ou non ? Parce que j'en ai un peu marre d'être celle qu'on prend pour une idiote. » « J’en sais rien. Qu’est-ce que tu veux savoir ? J’en sais p’t’être pas plus que toi. » Surtout, il ne sait pas ce que Jules sait depuis le temps. Quels secrets se sont échappés ? A-t-elle entrevu le diable sous les traits angéliques d’Alfie ou continue-elle à l’idolâtrer ?
« On ne devrait pas se soucier de quelqu'un qui ne se soucie pas de nous. Tu ne crois pas ? » La proposition est alléchante mais elle semble inaccessible. Ce serait tellement facile de se réveiller un matin et avoir tout oublié. L’amitié, la séparation, les problèmes, les fausses réconciliations, les os cassés et les promesses brisées, fracassés en un millier d’éclats sur le sol. « Tu as raison. Il peut aller s'faire foutre. » Il bredouille en esquissant un sourire. C’était sa façon de demander à changer de sujet, et il attrape l’opportunité à deux mains. Évidemment, son attention se reporte sur le carnet recourbé sur la table. Il fera donc l’effort d’en parler un peu. Ça ne pourra pas leur faire de mal à tous les deux. « Je me suis vidé le coeur en écrivant. C'est ce que tu fais ? » Il prend une grande inspiration et opine de la tête. « Yep. J’fais un peu d’ordre dans ma vie, j’ai l’impression d’en avoir perdu le fil. » Il rouvre le carnet froissé et pointe, avec la gomme de son crayon, une première date : « Le jour où j’ai remarqué pour la première fois des poils sur mon menton. » Il ricane mollement en se rappelant cet instant, son corps suspendu en équilibre au-dessus du lavabo tandis qu’il scrutait attentivement sa peau devant le miroir. Lily qui s’arrête à sa hauteur et l’observe de ses deux grands yeux bleus en mâchant un quartier d’orange et qui lui demande ce qu’il fait-là, à s’admirer. « Je suis enfin un homme, regarde Lily… ! » Il chantonne en faisant danser son crayon devant lui, partageant un regard amusé avec Jules, juste avant de s’excuser en pouffant d’un rire las. « Désolé. J’m’emporte. J’me souviens de tout dans les détails, et c’est sympa, mais ça fait mal aussi. » Il marque une pause, se mordant la lèvre inférieure. « Parce que Lily m’a ensuite dit que j’ressemblais à un rat nu avec cette minuscule moustache. » Il laisse ensuite sa mine glisser sur une prochaine date, puis une autre, alors qu’il marmonne quelques mots à voix basse. Il reprend de bon train : « Tien, le jour où j’ai pu m’acheter des chaussures magnifiques avec ma première paye ! J’bossais dans une supérette sur le bord de l’autoroute. J’avais dix-neuf ans. » Il dit en hochant de la tête puis il tente de replacer sa chevelure vers l’arrière, oubliant comme toujours que sa coupe est trop courte depuis sa sortie de cure. Il observe Jules avec une certaine douceur nostalgique. « On a jamais parlé. Pas vraiment. À mes yeux, t’es l’ex d’Alfie. Et tes yeux, j’suis son ex-ami. C’est dommage. On est plus que ça, pas vrai ? »
@Juliet Rhodes |
| | | | (#)Lun 04 Avr 2022, 21:30 | |
| « Yep. » Wow, c'est plutôt blessant d'admettre aussi facilement que tu ne connaissais pas réellement la personne qui a partagé ta vie pendant plusieurs années. Parfois, il faut savoir mentir pour ne pas blesser les autres inutilement. C'était absolument inutile… quand bien même c'est toi qui a ouvert la porte la première. « Mais c’est pas mon rôle d’te tenir à jour à son sujet. » Et ce n'est pas non plus le rôle de personne. Personne ne devrait te tenir à jour à son sujet. Tu ne devrais pas chercher à l'être non plus. En savoir sur la vie d'Alfie, c'est continuer de vivre dans l'angoisse et l'inquiétude. C'est retrouver des sentiments et des émotions que tu tentes de refouler depuis des mois. Ce serait dommage de devoir tout refaire le chemin vers un semblant de guérison une deuxième fois. « Tu le sais, alors. » Oui, tu sais. Pourquoi est-ce que Joseph aussi semble surpris que l'information se soit rendu jusqu'à toi ? Pourquoi est-ce que tout le monde te donne l'impression qu'il y a quelque chose de plus qui se cache là-dessous ? T'es parano Jules. « Elle est bavarde ta soeur. » Au moins une personne ici qui n'a pas peur de dire les choses comme elles le sont. Une qui ne va pas dans la cachotteries et les mensonges. C'est avec elle que tu devrais t'asseoir avec ta liste de questions. Tu les aurais enfin tes réponses. Sauf que Lily je ne connais sûrement pas Alfie comme Joseph le connais. « On est en froid, c’est ça. Depuis son agression, il n’arrive plus à faire de l’ordre dans sa tête alors il a préféré m’jeter. » Ça pique. Ta mine devient rapidement plus triste sous l'énoncé de ce douloureux souvenir qui remonte à la surface. Moi aussi, il m'a jeté pour les mêmes raisons. C'est ce que tu as envie de croire. C'est plus facile de te dire que son cerveau fait défaut plutôt que d'accepter la véracité des mots difficiles qu'il a eu à ton égard. « J’en sais rien. Qu’est-ce que tu veux savoir ? J’en sais p’t’être pas plus que toi. » Tu hausses légèrement les épaules. Tu regrettes presque de t'être aventurer sur ce terrain houleux. Tu en aurais des milliers de questions sur le passé d'Alfie, sur son présent aussi, mais Joseph ne fait plus partie de cette époque-là de sa vie. « Oublie ça. Je devrais arrêter de ressasser le passé. » Assez contradictoire avec ta phrase de toute à l'heure qui sous-entendait que tu avais tourné la page sur votre histoire. Ça fait longtemps, que tu as dit. Essaie de rester cohérente dans tes mensonges. « Tu as raison. Il peut aller s'faire foutre. » Et le faux sourire de Joseph qui ricoche sur le tien semble conclure le sujet Alfie. Pour l'instant du moins. Ni lui, ni toi n'a véritablement envie qu'il aille se faire foutre, mais vous pouvez bien faire semblant pour les prochaines minutes.
« Yep. J’fais un peu d’ordre dans ma vie, j’ai l’impression d’en avoir perdu le fil. » Tu acquiesces d'un signe de tête. Rien de mieux que l'écriture pour remettre ses idées en place. Joseph ouvre de nouveau le cahier qu'il t'avait empêcher d'espionner quelques minutes plus tôt. Il fouille au travers des mots et il pique soudainement ta curiosité. Il va vraiment te lire ce qu'il y a là dedans ? Cette rencontre devient soudainement très intéressante. « Le jour où j’ai remarqué pour la première fois des poils sur mon menton. » qu'il lit lorsque son doigt s'arrête sur une phrase en particulier. Un sourire apparaît automatiquement sur tes lèvres alors qu'il partage un tel souvenir avec toi. Oui, bien sûr, c'est complètement banal, mais l'enfance (ou l'adolescence plutôt) peut en révéler beaucoup sur une personne. « Je suis enfin un homme, regarde Lily… ! » Sa voix chantonne alors qu'il mime la voix d'un jeune Joseph encore innocent - ou était-il déjà trop tard ? À quel moment ça a basculé pour lui ? Ton rire se mêle rapidement au sien, alors que ton menton se pose dans la paume de ta main en attente de la suite de la lecture. « Désolé. J’m’emporte. J’me souviens de tout dans les détails, et c’est sympa, mais ça fait mal aussi. Parce que Lily m’a ensuite dit que j’ressemblais à un rat nu avec cette minuscule moustache. » - « Oh. » que tu t'exclames en étouffant un rire qui menace de vouloir s'échapper. L'amour vache entre frère et sœur, jamais facile pour personne. Surtout pas à cet âge là. « Paraît que les petites soeurs sont spécialement créées pour embêter leur aîné. » que tu ajoutes avec un sourire amusé au visage. Petite soeur, petit frère du pareil au même. Enfin, poursuivons. Il tourne quelques pages avant de s'arrêter de nouveau. « Tien, le jour où j’ai pu m’acheter des chaussures magnifiques avec ma première paye ! J’bossais dans une supérette sur le bord de l’autoroute. J’avais dix-neuf ans. » Voilà un souvenir un peu plus joyeux que le précédent. Dix-neuf ans, vraiment ? Tu aurais juré que Joseph aurait fait son entrée sur le marché du travail bien avant ça… à moins que ce soit son premier emploi légal. « On a jamais parlé. Pas vraiment. À mes yeux, t’es l’ex d’Alfie. Et tes yeux, j’suis son ex-ami. C’est dommage. On est plus que ça, pas vrai ? » La surprise peut se lire rapidement sur ton visage. Si tu t'attendais à un tel revirement de situation. Bien sûr que tu es plus que l'ex d'Alfie. Et il est évidemment plus que son ancien ami lui aussi. « On est plus que ça, oui. » que tu répètes après lui. Ce que vous êtes désormais l'un pour l'autre ? Pour l'instant, sûrement rien. Mais pourriez-vous devenir amis à votre tour ? Peut-être bien, peut-être pas. L'avenir vous le dira. « Je suis désolé que tu sois partie de l'appartement à cause de moi. » Enfin, Joseph n'était quand même pas blanc comme neige là dedans lui non plus. Mais… « J'aurais pas dû insister. » Sans quoi la discussion n'aurait pas aussi mal tourné. Va savoir où il a passé les jours qui ont suivi sa fuite. Dans la rue sûrement. « J'espère que tu as réussi à te retrouver rapidement un nouvel endroit où vivre !? » Il a sûrement un toit sur la tête depuis toutes ses années, non ? Sa vie est-elle toujours aussi instable qu'elle l'était ? Il a encore des "problèmes" ? |
| | | | (#)Lun 25 Avr 2022, 21:46 | |
| « Elle est bavarde ta soeur. » L’alléchant cercle vicieux se présente à lui comme une assiette de délicieux beignets poudrés. Jules a parlé à Lily. Il a envie de chercher plus d’informations à ce sujet mais Joseph se contente de fermer les poings sur la table en inspirant. Oublier Alfie, c’est un combat qu’il mène tous les jours et, même si la bataille semble perdue d’avance, il continue à espérer que la page se tournera un jour. Peut-être en même temps qu’il tournera de dernière de son carnet de notes qu’il remplit de toutes les anecdotes de son enfance qui arrivent encore à le faire sourire. Alfie qui tombe dans la rivière en tentant de faire le malin près des gros rochers glissants. Leurs sorties le soir juste avant que la supérette ne ferme, l’achat de toutes ces friandises qu’ils ne partageront jamais avec Lily car elle est une fille, et les filles restent loin des garçons. Les fous rires, les plans machiavéliques, les regards entendus, les mots échangés en silence. Il écrit tout et il rogne la majorité en jurant. Ils ne sont plus amis. Il n’a plus rien à dire sur lui. « Et j’imagine que c’est pas ton rôle d’me tenir à jour à son sujet, à elle. » Une façon contournée de lui dire qu’il aimerait en savoir plus sur Lily et sur la raison derrière laquelle elle héberge aujourd’hui celui qui a mis le feu à tout, mais qu’il ne mérite peut-être pas de savoir. Il ne fait pas d’efforts de son côté. Elle est venue le chercher à sa sortie de cure et il lui a claqué la portière au nez sans lui laisser le temps de le raisonner. Il pourrait blâmer sa santé mentale fragile pour son impulsivité mais il sait très bien qu’il aurait réagi de la même façon à n’importe quel autre moment. Elle l’a jeté en dehors de chez elle. Sa propre sœur. Les Keegan ne sont plus.
« Oublie ça. Je devrais arrêter de ressasser le passé. » C’est ce que tous les deux devraient faire plutôt que de se lamenter sur ce qui aurait pu arriver si les choses s’étaient déroulées autrement. Ils ne feront plus un seul pas vers l’avant s’ils gardent les yeux rivés vers l’arrière. « J’vais t’emprunter ce conseil, moi aussi. » Il conclut avec un léger sourire. Du moins, il empruntera ce conseil une fois qu’il aura terminé de remplir son carnet de souvenirs dont il ne pourra jamais se débarrasser. Alfie a été plus chanceux que lui lorsque son crâne a percuté l’évier : il a oublié les choses qui font aujourd’hui souffrir Joseph jusque dans la moelle de ses os. Si seulement il s’était vengé sur Joseph avec un peu plus de volonté et de hardiesse. Il n’aurait aujourd’hui pas qu’un œil éteint ; sa conscience le serait aussi, et dans un univers utopique, il pourrait recommencer à zéro. Obtenir cette seconde chance qu’il a toujours frôlée du bout des doigts sans s’en emparer.
Quand Joseph a la chance d’énumérer les souvenirs bons de son enfance, il saute sur l’occasion. La vérité, c’est qu’il n’a pas l’impression d’avoir partagé de tels détails à voix haute avec quiconque. Et pourtant, ce sont les seules histoires innocentes et apaisantes qu’il peut raconter sur lui. Avant que sa vie ne bascule, il était presque un garçon normal. Il se rendait tous les matins à l’école en traînant des pieds, il avait le béguin pour son enseignante et ses jolies lunettes rondes, il se faisait ami avec les grenouilles, il chassait les petits poissons à pieds nu dans le cours d’eau près de chez lui et s’exclamait fièrement lorsqu’il en recueillait un dans ses paumes. « Paraît que les petites soeurs sont spécialement créées pour embêter leur aîné. » Et Lily qui lui tirait les cheveux quand il ne fermait pas la bouche en mangeant. « Certainement. » Il bredouille en esquissant un sourire avant de relever les yeux vers Jules pour l’interroger : « Tu connais ça ? » Elle a des frères ou des sœurs ? Il n’a jamais su. Mais, encore, il ne sait rien sur elle. Jusqu’à présent, ils s’étaient contentés d’avoir une connaissance en commun. Et puis, Alfie n’est plus là pour intimer à Joseph de cacher la personne qu’il est. Non, il n’est pas parfait, loin de là. Il a commis des crimes, s’est fait punir, a recommencé, mais n’a jamais voulu blesser personne. « On est plus que ça, oui. » Mais quoi ? « Je suis désolé que tu sois partie de l'appartement à cause de moi. » Il secoue aussitôt la tête de droite à gauche. Il n’a jamais pensé que c’était sa faute. C’était lui l’intrus dans l’histoire. Aucun couple n’aurait aimé voir débarquer le vieux pote d’enfance qui n’est pas fiable et qui transporte probablement des puces comme un chien errant. « J'aurais pas dû insister. » « T’étais curieuse, c’est tout. » Il dit pour l’empêcher de prendre le blâme plus longtemps. « J’aurais fait la même à ta place. On vient de deux mondes différents ça nous intrigue, c’est comme ça. » Et elle aurait aimé savoir si Alfie venait du même monde que lui. Un peu, oui. Mais pas tout à fait. Deux idiots bien différents. Con à leur manière. « Moi j’comprendrai jamais comment on peut bosser toute la semaine au même endroit, dans le même environnement, avec les mêmes collègues, les mêmes patrons… » La vie d’un citoyen qui emprunte le chemin qu’on lui présente dès sa naissance. Bosser, recevoir un salaire, partir en vacances deux semaines par année, élever des enfants, adopter un chien, acheter une plus grosse maison pour rivaliser avec les voisins. Un monde que Joseph est loin de connaître et qu’il ne connaîtra jamais. « J'espère que tu as réussi à te retrouver rapidement un nouvel endroit où vivre !? » Le ricanement qui s’échappe de ses lèvres est candide. « Ça fait presque vingt-cinq ans que j’mène une vie d’nomade instable alors t’as pas à t’inquiéter. J’suis habitué. C’est pas un problème pour moi d’pas avoir de toit sur ma tête parfois. » Lui, il a seulement besoin d’une famille. En plein milieu de la forêt, à la rue, dans un palace, dans un motel sale, peu importe, mais avec une famille – qu’il n’a plus aujourd’hui. « J’dors de droite à gauche et ça m’va très bien. » Il ne veut pas la rassurer. Il dit la vérité. Et, pour la taquiner un peu, il fredonne : « Je sais que l’idée est difficile à digérer pour une personne aussi casée et parfaite que toi. » C’était comme ça qu’il l’avait interprétée dès le début. Sa première impression d’elle, et il lui avait déjà fait part de celle-ci, c’était une fille bien rangée qui garde le dos droit et qui se lave deux fois par jour. Il n’a toujours pas pu se débarrasser de cette idée même, d’ailleurs, parce qu’elle ne ressemblera jamais aux autres femmes qu’il côtoie tous les jours sur son milieu de travail inhabituel.
@Juliet Rhodes |
| | | | (#)Lun 09 Mai 2022, 21:03 | |
| « Et j’imagine que c’est pas ton rôle d’me tenir à jour à son sujet, à elle. » Il le dit comme s'il espérait que tu fasses le contraire, mais il le dit aussi comme si Lily t'en voudrait que tu le fasses. Même si tu voudrais le faire, le sujet n'a pas vraiment tourné autour d'elle. Il a tourné autour de toi, mais surtout autour d'Alfie et de ses nombreux amants. C'est à rien n'y comprendre toute cette histoire. Alfie qui met Joseph en dehors sa vie et qui emménage avec sa soeur. Sa soeur qui ne lui adresse plus la parole. Qu'est-ce que ça veut dire tout ça ? « Elle avait l'air de bien aller si c'est ce que tu veux savoir. » Tu lui souris doucement. On ne peut quand même pas laisser un frère s'inquiéter pour sa soeur, n'est-ce pas ? « C'est parce qu'ils sont ensembles que vous êtes en froid ? » C'est une question qui t'a effleuré l'esprit plus d'une fois depuis ta rencontre avec Lily, sans jamais le lui demander à elle directement. Quand ton vieil ami forme un couple avec ta petite sœur, ça crée forcément un froid. « C'est pas ce qu'elle a dit. » que tu te reprends aussitôt, réalisant que tu étais peut-être en train de partir une rumeur bien malgré toi. « Je me suis juste demandé si elle… voulait pas me blesser. » En lui épargnant le nouveau couple qu'elle forme avec ton ex et lui parlant plutôt de ses nombreuses (fausses ?) aventures. Ouais, c'est peut-être pas très logique ta supposition. Tu aurais dû garder ta question déplacée pour toi. « J’vais t’emprunter ce conseil, moi aussi. » Celui de laisser le passé au passé. Plus facile à dire qu'à faire. Mais essayer, c'est déjà un bon début n'est-ce pas ? Le sourire de Joseph vient se ricocher sur le tien alors que le sujet dévie doucement vers ses écrits, vers les souvenirs d'un Joseph pré-adolescent. « Certainement. Tu connais ça ? » Tu hoches la tête de haut en bas. « J'ai un frère plus jeune. M'embêter, c'était son passe temps favoris. » que tu lui réponds en laissant échapper un léger rire. Tu as goûté de nombreuses fois au classique des cheveux de tes poupées passées accidentellement sous une paire de ciseaux et celui du jus de raisin sur ton pull préféré. Oh oui, les frères et sœurs plus jeunes sont clairement faits pour embêter leurs aînés. Heureusement que la guerre s'en va au fils des années qui passent.
« T’étais curieuse, c’est tout. » Il te dédouane immédiatement des remords que tu ne devrais pas avoir. Son départ n'est aucunement de ta faute même si tous les signes semblent tendre vers cela. Une conversation désastreuse et il était parti le lendemain. Mais, oui, c'était bien la curiosité qui t'avait poussé à être aussi intrusive. Si ce serait à recommencer, tu ne le ferais pas. Mise à part te choquer avec d'horribles mensonges, cette conversation n'avait apporté rien de bon. « J’aurais fait la même à ta place. On vient de deux mondes différents ça nous intrigue, c’est comme ça. » Donc tu l'intrigues autant qu'il t'intrigue, c'est ça ? Lui aussi, il doit se demander comment une personne comme toi a pu faire partie de l'entourage d'Alfie un jour. « Moi j’comprendrai jamais comment on peut bosser toute la semaine au même endroit, dans le même environnement, avec les mêmes collègues, les mêmes patrons… » Et tu angoisses à la seule pensée de ne pas avoir cette stabilité. C'est peut-être lui le plus chanceux de vous deux. Ou peut-être que ses angoisses sont simplement ailleurs et que, finalement, c'est du pareil au même. « Ça fait presque vingt-cinq ans que j’mène une vie d’nomade instable alors t’as pas à t’inquiéter. J’suis habitué. C’est pas un problème pour moi d’pas avoir de toit sur ma tête parfois. » Il a l'air totalement l'air totalement sincère, mais tu as du mal à y croire. Comment une personne peut-elle vraiment se priver du confort d'une maison ? Comment dormir à la rue dans les froideurs ou par les nuits pluvieuses peut ne pas être un problème ? Il a beau te dire de ne pas t'inquiéter, tu es incapable de faire autrement. « J’dors de droite à gauche et ça m’va très bien. » Il doit sûrement le voir dans ton visage que tu as du mal à comprendre, voir même à accepter qu'il dise vrai puisqu'il prend le temps d'ajouter; « Je sais que l’idée est difficile à digérer pour une personne aussi casée et parfaite que toi. » Évidemment que c'est ça la fin de sa phrase. C'est quand même un sourire qui se glisse sur tes lèvres malgré l'étiquette de la petite fille parfaite qui devient de plus en plus lourde à porter. « Tu as sans doute raison. Je comprendrais jamais. » C'est sûrement peine perdu de comprendre la vie de l'autre. Tu vas chercher un bout de papier et un stylo qui traîne dans ton sac à main. « Mais tu sais, si jamais tu as une nuit difficile- » Pour une raison que tu ne veux sûrement même pas savoir. Tu glisses le papier avec ton numéro et ton adresse vers lui. « - tu peux venir. N'importe quand. » Le sourire que tu lui offres est plein de bienveillance. Il ne prendra sûrement pas l'offre au sérieux, ne t'appelera sûrement jamais même s'il en a besoin. Mais l'offre est lancée et ça suffit à moins t'inquiéter. « C'est bien aussi de savoir qu'on est pas tout seul. » Parce que sans Alfie et Lily, tu as des doutes qu'il soit vraiment bien entouré. Il doit avoir un cercle peu fréquentable. |
| | | | (#)Lun 27 Juin 2022, 22:31 | |
| Il a presque l’impression que tout est normal. Tout va bien. Il n’a pas envie de fuir. Il n’a pas envie de chercher une ruelle dans laquelle faire une énième crise existentielle. Il n’a pas envie de s’arracher la peau non plus. Il pourrait presque avoir l’impression qu’il ne ressent plus assez d’émotions et que son quotidien est devenu trop calme. Mais, pour le moment, il en profite, de cette quiétude, car il ne saura jamais quand la tempête le décollera du sol à nouveau.
Revoir Jules dans un nouvel environnement, ça lui fait plaisir. Pas d’Alfie qui se lime les griffes et les crocs en fond. Juste eux et le son des pas feutrés des autres usagers de la bibliothèque. « Elle avait l'air de bien aller si c'est ce que tu veux savoir. » Mais Lily pourrait faire croire à n’importe qui qu’elle va bien. Elle sait comment faire taire ses émotions le moment venu. Elle s’adapte. Beaucoup mieux que lui. « Tant mieux. » Il se contente de répondre parce qu’il sait très bien que, non, Lily ne va pas aussi bien qu’elle le prétend. Tous les deux ne vont pas aussi bien qu’ils le prétendent. C’est de famille. « C'est parce qu'ils sont ensembles que vous êtes en froid ? » À cet instant, Joseph aurait bien envie de planter ses ongles dans ses genoux mais il se contient de justesse, esquissant seulement un faux sourire. « C'est pas ce qu'elle a dit. » « C’est plus compliqué qu’une simple histoire de jalousie. » Il répond, laissant toujours planer le doute, car il ne sera jamais celui qui révèlera la vérité au grand jour. Ce n’est pas son rôle à lui. Le destin s’en chargera d’une manière ou d’une autre et lui et Alfie payeront tous les deux pour leurs méfaits. Mais il a raison, l’autre garçon ; il s’en sortira bien plus facilement que lui dans tous les cas. Son nom a été sculpté dans l’or et celui de Joseph seulement gravé avec un bâton dans la terre sale. Ils ne viennent pas du même monde (ironique puisqu’ils sont né à quelques pâtés de maison l’un de l’autre) alors ils seront puni en conséquence. « Je me suis juste demandé si elle… voulait pas me blesser. » Hélas, Joseph ne pourra pas apaiser ses doutes et répondre à ses questions. « J’connais plus ses intentions. » Il admet. « En fait, j’crois que j’l’ai jamais comprise. Pas vraiment. Elle change du jour au lendemain en fonction d’la température. » Une façon plus douce de dire qu’elle change en fonction de ses intérêts. Il ne veut pas lui dresser un mauvais portrait, à Lily, alors il préfère rester vague. Elle reste sa sœur. Il tient à elle-même s’il a tapé de plein pied dans sa voiture jusqu’à en déformer le capot. Ça n’a jamais été simple.
« J'ai un frère plus jeune. M'embêter, c'était son passe temps favoris. » Confession qui le fait sourire et il se défend aussitôt : « Les frères seront jamais moins pire qu’les sœurs. » Une façon de détendre l’atmosphère et de se rappeler que son enfance avait aussi été parsemé de quelques moments heureux. Très peu, certes. Mais ils l’aidaient à se lever tous les matins même si Joseph savait qu’une punition l’attendrait dès la moindre erreur commise.
Puis Jules culpabilise. Elle se confond en excuses mais Joseph intervient aussitôt pour ne pas la laisser prendre le blâme. Elle est humaine. Elle a posé les mêmes questions que n’importe qui aurait posées à un garçon comme Joseph. Elle voulait se rassurer. Il n’est pas fréquentable selon plusieurs et, même s’il ne ferait pas de mal à une mouche, il peut parfois être esclave de certaines substances qui le font agir à sa place. Il n’est peut-être plus en prison, mais cette dernière ne l’a jamais complètement abandonné. « Tu as sans doute raison. Je comprendrais jamais. » Comme lui ne comprendra jamais la stabilité. C’est ainsi. Ils ont été sculptés par les chemins qu’ils ont empruntés. Impossible de faire marche arrière. « Mais tu sais, si jamais tu as une nuit difficile- » Il baisse ses yeux curieux vers le papier qu’elle lui tend. Il l’attrape, lit l’adresse qu’il peut évidemment positionner dans sa carte mentale de la ville, l’inscrit au fond de sa tête tout comme le numéro de téléphone, puis il la remercie en opinant du chef. Il est sincère quand il conclue : « C’est gentil, Jules. J’y songerai. » Et il ne peut s’empêcher de se dire qu’elle et Alfie s’emboîtent à la perfection. Elle a un cœur. Il n’a qu’une poitrine vide qui n’attend qu’à se faire remplir.
- Spoiler:
@Juliet Rhodes Si ça te convient, voici la conclu ! Je suis toute dispo si tu veux parler de la suite par mp !
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| | | | | | | | like an open book || joseph #1 |
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