« Alors, quoi ? J'suis foutu ? » Aller, serait temps d’arrêter de répondre. Emmerdeur, mais pas suicidaire, y a qu’à voir la tête qu’elle fait et le regard qu’elle m’a jeté. Code rouge ? Aucune idée mais le terrain a l’air d’être bien trop glissant. Y a bien une raison pour laquelle j’suis vraiment resté, si l’emmerder en fait partie, y a autre chose et c’est cette chose que j’ai pas envie de foutre en l’air pour autant. C’est bien parce qu’au fond, je tiens à elle bien plus que c’que j’suis capable d’admettre. Et que j’utilise sans doute son jeu à la con pour trouver une excuse de pas partir vraiment. Toujours en colère et pour autant, y a quelque chose qui me retient ici. C’est pas chez moi que j’veux être, même si finalement, on sait tous les deux que c’est la que j’devrais être actuellement, parce que la soirée risque de pas se passer comme on l’avait pensé en se réveillant ce matin. Ça peut pas finir bien mais on peut au moins limiter la casse.
Première info, c’est du scoop. C’est pas forcément croustillant, c’est plutôt anecdotique, mais c’est le bas de l’échelle. J’vais bien voir comment ça va prendre en niveau ensuite. Ca va surtout dépendre d’elle. Elle a pas l’air de me croire, personne me croirait de toutes façon, moi-même, je croirais personne qui viendrait me dire qu’il voulait être curé. J’me dis que forcément, ces mecs là, ils doivent avoir un problème au fond d’eux pour rechigner aux plaisirs charnels. Quel idée de vouer sa vie au Seigneur et faire promesse du célibat éternel. Enfin, promesse du célibat éternel, c’est pas l’problème, le problème c’est de faire une croix sur tout le bonus qui va avec : les femmes. « Pourquoi ? » et pourquoi pas ? « j’ai entendu dire que le vin était bon. » ma première motivation avant même d’avoir goûté une seule goutte de vin. Et croyez-moi que la première fois que mes lèvres avaient trempés dans l’alcool, je m’étais juré de plus jamais y regoutter. Ca aurait pu être une excellente excuse pour changer de choix de carrière. «ma mère est croyante et pratiquante. J’voulais sans doute lui faire plaisir. Et la puberté est arrivé, ça m’a fait changer d’avis. J’ai vite compris à côté de quoi j’pouvais passer. » les femmes, toujours les femmes. J’me demande pourquoi j’en viens à répondre aussi sérieusement avec ce jeu ? Peut être que j’avais envie d’avoir mes réponses. Maintenant, c’est son tour. « J'voulais une grande famille et un mari qui m'déteste pas trop. » raté, non ? c’est ça, le plus grand regret d’sa vie ? De pas avoir dix gamins autour d’elle qui la couvre de cadeaux à Noel ? J’ai du mal à capter que ça puisse devenir le but de toute une vie. « Aucun de nous deux n'a eu ce qu'il voulait. » peut être que si elle y mettait plus du sien, elle pourrait être avec quelqu’un qui ne la déteste pas trop. Pour la première partie de la réponse, trop tard. Elle a envie d’être piquante Elise ce soir, j’le vois à sa façon de parler, à sa façon de me regarder.« À toi. » elle joue un mauvais jeu, j’ferai sans doute mieux d’arrêter maintenant. Serait temps de finir ce verre. « encore un truc que j’voulais, que j’ai pas fini par avoir. » le vin termine directement dans l’œsophage, ca mérite pas d’être dégusté. Je claque le verre contre le plan de travail. Qu’est-ce que c’est mauvais. « j’voulais être libre comme l’air, une promesse de moi à moi, que j’me laisserai jamais guider par personne. » j’avais dis que j’partais, qu’est-ce que j’fous encore là à dire ces conneries ? J’dois être vraiment crevé pour avoir la sensation, que l’alcool fait déjà effet. « et j’me dis que j’aime bien mon appartement… » bon, puisque cette bouteille est ouverte, autant la finir, même si c’est pas bon. « Mais que j’suis d’accord, qu’il est mal foutu, trop petit, trop sombre. » mon verre à nouveau rempli, je m’occupe d’en versé dans celui d’Elise. « à toi. »

Il ne répond pas à ta question et ça a le don de t'énerver plus qu'autre chose. On sait tous que s'il ne répond pas, c'est parce qu'il a rien de très gentil à répondre. « Qu'est-ce tu fais encore là si tu penses que j'suis une cause perdue ? » Une question à laquelle il n'est sûrement même pas capable de répondre lui-même. « j’ai entendu dire que le vin était bon. » Quel idiot. Surtout: ne pas sourire. « T'es sérieux ??? » On dirait oui. Bien sûr que ses raisons de devenir curé n'avait rien de très sain. Devenir curé pour prendre un coup. Quelle idée stupide. «ma mère est croyante et pratiquante. J’voulais sans doute lui faire plaisir. Et la puberté est arrivé, ça m’a fait changer d’avis. J’ai vite compris à côté de quoi j’pouvais passer. » « J'veux même pas savoir. » Tu prends les devants avant qu'il n'entre dans les détails. Ça va t'as compris. Il a choisi le sexe plutôt que la religion. Tu te demandes combien il a eu d'amantes dans toute sa vie. En même temps que tu te poses la question, tu sais déjà que tu ne veux pas connaître la réponse. Tu détestes déjà toutes les potentielles femmes qu'il a eu dans sa vie.  Même si tu es la seule à avoir dépassé les limites, tu les détestes toutes quand même. Un petit je t'aime de rien et il semble d'avoir vouloir se pousser à l'autre bout du monde. C'est pas gagné. Ce ne le sera sûrement jamais.

« encore un truc que j’voulais, que j’ai pas fini par avoir. » Quoi encore ? Il termine son verre cul sec - c'est pas comme ça qu'on est supposé boire du vin. Pourtant, tu copies sur lui en terminant ta coupe d'un trait avec la grimace qui vient avec. Tu pousses ta coupe vers lui pour qu'il la remplisse après avoir fait de même avec la sienne. Après ces deux coupes là, y'aura déjà une bouteille de vidée. La soirée s'annonce bonne et courte. « j’voulais être libre comme l’air, une promesse de moi à moi, que j’me laisserai jamais guider par personne. » Tu lèves les yeux au ciel, noie tes lèvres dans l'alcool. Et puis, quoi ? Tu ne vas quand même pas t'excuser pour ça. Tu l'as forcé à rien. Il avait juste à se tirer avec ses papiers de divorce quand il était encore temps. « et j’me dis que j’aime bien mon appartement… » Oui, ça aussi tu l'as compris. Son appartement minable comme il l'a si gentiment nommé. « Mais que j’suis d’accord, qu’il est mal foutu, trop petit, trop sombre. » Stop. Arrêt sur image. Il est en train de dire quoi là ? Les insistances de sa mère ont-elles porté fruit ? Ton regard se porte sur lui dans l'attente qu'il explique ses paroles. « à toi. » Non, non, non. Pas à toi. Encore à lui. Il n'a pas fini. Ça ne voulait rien dire ce qu'il vient de dire. Mais s'il attend une confidence de toi… « J'voudrais bien que t'aies envie de vivre ici. » C'est une proposition d'emménager ensemble dans une discussion passive-agressive ? Carrément. T'as dit que ça ne faisait rien qu'il n'en ait pas envie. Son monde, le tien. Tu comptes bien tenir parole, mais ça ne peut pas t'empêcher d'en avoir envie quand même. « J'ai peur que tu flippes et que tu fasses une connerie. » J'ai peur que tu m'brises le coeur. Voilà ce que ça veut dire. Tu sais pas trop si ça compte comme une info sur toi, mais c'est quand même comment tu te sens. « Ton tour. » que tu ajoutes en détournant le regard vers le fond de ton verre.

« Qu'est-ce tu fais encore là si tu penses que j'suis une cause perdue ? » Je soupire, pourquoi elle insiste comme ça ? Je pense pas qu’elle soit une cause perdue, j’ai juste pas envie de répondre en réalité. Parce que j’ai pas non plus envie d’être le mec le plus bienveillant ce soir. C’est comme ça, y a des jours avec et des jours sans. Devinez dans quel jour on est là ? Mais bon, le sujet semble esquiver avec mes histoires de curé et de vin. Je le vois, le mini rictus qui s’apprête à se dessiner mais qu’elle retient. Ah, l’histoire de vin, ca a l’air de lui plaire, elle est même curieuse. « T'es sérieux ??? » je hoche la tête, heureusement, j’avais appris à apprécier le vrai vin au fur et à mesure que les années passaient et celui-ci, pour sure que jamais je l’aurai classé dans mon top cent. La suite semble moins lui plaire. « J'veux même pas savoir. » bah, bien sûre. Elle sait bien que jusqu’ici, j’ai jamais été l’ange gardien que j’aurai pu être en prétendant vouloir devenir prêtre. J’ai bien changé et si j’étais encore célibataire endurcis il y a quelques mois, c’est que mes motivations étaient aussi charnelles. J’aime les femmes et j’ai aussi à pouvoir regarder qui je veux, que je le veux et surtout, pouvoir toucher sans retenus, sans frustrations. Les femmes qui sont passées sous mes doigts sont bien nombreuses et je serais bien incapable d’en donner un chiffre approximatif. Même l’arrondit à la dizaine supérieure me semble compliqué à fournir, mais elle s’en doute et elle a raison, elle n’a pas besoin de savoir ça. On s’en fou pas mal de toutes façons.

C’est à Elise de continuer, c’est à elle de grimper l’échelle un peu plus loin. J’attends alors que ce deuxième verre est toujours aussi mauvais et que ça passe toujours aussi mal. Mais ça passe quand même et ça ne s’arrête pas. On doit bien faire pitié, là, tous les deux à se descendre une mauvaise bouteille qui est surement bouchonnée. On fait pitié à avoir besoin de ça pour se dire les choses hein. « J'voudrais bien que t'aies envie de vivre ici. » c’est pas c’que j’ai dit. Si elle pense que c’est la suite logique de ma révélation. Elle est juste censée dire un autre truc, sur elle, nan ? Pas me répondre directement. J’ai même pas compris les règles de son jeu. Ou je comprends plus tout court. Pourquoi j’me suis pas contenté de me barrer quand j’ai décidé d’le faire plutôt que de jouer au plus con en revenant m’installer sur cette foutue chaise. « c’était à toi non ? » je me penche un peu plus contre la table, les coudes pliés, en appuie dessus. « J'ai peur que tu flippes et que tu fasses une connerie. » de quel genre de connerie elle parle ? « Ton tour. » définitivement rien compris. Encore du vin. « J’crois que t’as passé ton tour. » mes yeux se lèvent vers elle alors qu’elle a le regard fixé au fond de son verre, comme si elle cherchait à y lire un truc. « tu lis l’avenir la dedans ? » c’est pas dans le marre de café, qu’on peut prédire des choses ? « t’as peur de quoi ? » il m’énerve son jeu. « de quel genre de connerie tu m’crois capable ? »

Ces paroles te surprennent. Tu ne t'attendais pas à ça, mais, on dirait que t'as pas bien compris ce qu'il voulait vraiment dire. « c’était à toi non ? » Ah. Pour une fois que c'est pas toi qui donne la douche froide. Pourquoi est-ce qu'il est allé sur ce terrain si c'est pour rebrousser chemin dans la même seconde ? Qu'est-ce que ça voulait dire si ce n'est pas ça qu'il voulait prétendre ? Quoi, il veut juste que lui files le numéro d'un bon agent pour vendre son appartement et s'en trouver un mieux pour pas trop cher, mais toujours en solo ? C'est quoi son foutu problème pour créer de tels espoirs ? C'est de vivre dans une maison comme la tienne le problème ou c'est de vivre avec toi tout court ? Peu importe. S'il s'était presque acheté la paix, il venait de déjà la reperdre, idiot. Ta mâchoire se contracte, mais le vin réussit tout de même à trouver le chemin jusqu'à ton estomac. Encore heureux. « J’crois que t’as passé ton tour. » Quoi ? Ce que tu lui dis ne lui plaît pas ? Pourtant, c'était intime et sincère. Il faut croire que Dinis n'est absolument pas réceptif et qu'il vaudrait mieux abandonner ça pour aujourd'hui. Ça va finir en engueulade. Encore. « T'as dit que ton appartement c'est de la merde. Toi aussi t'as passé ton tour. » que tu le reprends. C'était pas un secret pour personne qu'il avait un appartement trop petit et trop sombre. Demandez à Rita, elle vous dira.

« tu lis l’avenir la dedans ? » Il te fait lever les yeux au ciel, même si ce serait franchement pratique de pouvoir lire l'avenir. À savoir si tout ça est une perte de temps où si l'histoire en vaut la peine. « t’as peur de quoi ? » Et lui ? Il a peur de quoi ? Il ne te le dira jamais. À quoi bon ? Ce n'est pas le bon moment. « de quel genre de connerie tu m’crois capable ? » Il veut vraiment jouer à l'idiot à ce point ? Il sait très bien de quelle connerie tu parles: aller voir ailleurs parce qu'il en aura marre d'une vie monogame qu'il n'a jamais désiré. C'est sûrement une question de jours, de semaines avant qu'il ouvre les yeux et qu'il se tire. « Va t'en d'ici. » que tu débutes en repoussant ta coupe vide devant toi. Voilà les petits mots magiques qu'il attend depuis tout à l'heure. Maintenant qu'il part parce que c'est de ta faute, t'as pas le droit de lui en vouloir. « T'as gagné. » C'est bien loin d'être un compliment et encore moins des paroles remplies de fierté. Qu'il le prenne son golden ticket et qu'il se tire. La bouteille est vide. Tu es de mauvaise humeur. Il est de mauvaise humeur. Il a un appartement minable et solitaire qui l'attend à quelques minutes d'ici. Qu'est-ce qui le retient encore ici ? Rien du tout et certainement pas toi. Il est libre de partir. « Tu reviendras quand tu seras plus un connard. » Voilà qui devrait conclure la discussion dans la joie et l'harmonie.

« T'as dit que ton appartement c'est de la merde. Toi aussi t'as passé ton tour. » Elle a pas besoin d’en rajouter pour faire connaitre le fond de sa pensée. Je sais qu’Elise aime en rien l’appartement où j’habite, pourtant, c’est là qu’elle y passe ses meilleurs nuits, c’est là qu’elle dormait paisiblement quand elle avait besoin de fuir son quotidien de madame parfaite tirée à quatre épingle. J’en reviens toujours au même constat, ça doit lui donner la sensation de faire un safari, comme une aventure exotique, un besoin de dépaysement. Etre avec moi ca peut que être passager, elle dit qu’elle m’aime, le problème c’est que c’est elle qui veut pas accepter la réalité du monde dans lequel elle met les pieds quand elle franchit la porte de chez moi. Elle veut m’en faire sortir et alors ? C’est quoi la suite ? Notre vie de château à deux ? Que ce soit moi qui vienne chez elle changera pas le problème qu’à ses yeux, je resterai toujours ce mec pitoyable qui vient pas du même monde qu’elle. Elle a peur des conneries dont j’suis capable, ce qu’elle sait pas, c’est qu’elle est surement capable du pire.
« Va t'en d'ici. » ah, ca y est, maintenant, je dois m’en aller. Elle joue à pile ou face Elise ce soit, elle sait juste pas ce qu’elle veut, en réalité. Elle ferait mieux de toujours réfléchir avant de parler, semblerait qu’elle pense pas vraiment ce qu’elle dise. « T'as gagné. » c’était son jeu, pas l’mien. J’ai rien gagné du tout ce soir. De toutes façons, j’ai pas l’impression que la victoire qu’elle m’octroie soit quelques chose de très glorieux, de sa bouche. « Tu reviendras quand tu seras plus un connard. » en on vient toujours à ce fameux connard égoïste hm. « Faut savoir c’que tu veux. » j’vais pas le finir son verre de vin, parce que j’vais juste m’exécuter et faire ce qu’elle veut. « du coup, si j’veux partir quand ça devient compliqué, j’dois pas revenir. Par contre, me foutre dehors parce que ça devient compliqué pour toi, là, ça change la donne. » voilà pourquoi ce serait absolument pas une bonne idée d’aménager ici. « C’est quoi l’idée derrière tout ça ? » elle serait surement trop surprise de voir que comparé à elle, je garde mon calme. « Laisser mon appartement pour venir m’installer ici et quand ça devient trop compliqué, t’as l’idée de me jeter dehors ? » et d’être sans toit sur la tête ? « Ou tu te le permets parce que j’ai de quoi faire ? » tu m’diras, ma mère est là maintenant, ce sera toujours le bon plan d’aller pleurer chez elle, Elise aurait les oreilles qui sifflent et moi, juste à m’faire choyer, profiter, c’est comme à l’hotel. L’interrogatoire en plus. Non, j’veux pas vivre ça. « Le jour où on devra habiter ensemble, c’est ni chez toi, ni chez moi. » ca, y avait pas de question à se poser, je sais bien qu’elle y aurait jamais mis un pied. « Chez nous. » le jour où… si ce jour devait arriver bien sûre. C’était déjà se projeter bien trop loin à mon avis que d’émettre cette hypothèse alors qu’à l’instant même, elle me fou dehors. « j’me casse. Je sais pas si j’serai plus un connard un jour. »