Raser les murs, c’est ce qu’on lui disait depuis plus d’un an à présent. Se faire petit et surtout ne pas se faire remarquer. Pour autant, on ne lui avait jamais vraiment interdit de se rendre à Brisbane, après tout, qui pourrait bien se permettre de lui interdire d’aller et venir comme il l’entend ? Il y avait ses amis, sa famille – sa sœur, surtout – qu’il n’avait jamais voulu laisser tomber. Owen était parti dans un moment très critique, sans en avoir vraiment le choix, mais si Autumn avait été abandonnée par l’être qu’elle aimait sans doute le plus, lui s’était refusé d’en faire autant. Il avait tenté de tenir sa parole autant que possible, il venait la voir quand il le pouvait – pas tant que ça en réalité, la vie d’un homme de foi était prenante, rare étaient les périodes de repos. Il n’avait ni weekend, ni vacances, ni pont, ni jour de congés. Il vivait au rythme du calendrier chrétien, des morts et des naissances, des mariages, pas de repos pour les bonnes et les mauvaises nouvelles. De temps en temps alors, il prenait sa moto pour faire ces centaines de kilomètres et passer du temps avec Autumn. Elle était changée, ces derniers temps, comme perturbée. Elle avait fini par cracher le morceau. Kieran était dans les parages et actuellement, il se trouvait à l’hôpital. Elle était affectée par une telle nouvelle, inquiète aussi d’en connaitre les raisons. Qui pourrait bien lui vouloir du mal ? La question semblait si innocente. Bien sûre que Kieran devait avoir des centaines de raisons pour qu’on lui veuille du mal. Le prêtre lui-même ne lui souhaitait rien de bon.  Dès lors qu’il avait su où se trouvait Kieran, il avait décidé de lui rendre une petite visite de courtoisie. Il serait bien facile pour lui de se rendre dans sa chambre dès lors qu’il avait décidé de porter son col romain – à vrai dire qu’il portait rarement en civil – mais qui faisait toujours bon genre. Est-ce qu’il culpabilisait d’user de son autorité d’homme d’Eglise alors que ses intentions étaient toutefois mauvaises ? Absolument. A vrai dire, Owen détestait absolument l’homme qu’il était dès lors qu’il pensait à Kieran. La sensation de destruction presque maladive qu’il ressentait envers son ex beau-frère le mettait mal à l’aise et pourrait lui donner des nausées et une forte envie de régurgiter son repas, tant cela représentait tout ce qu’il combattait au quotidien. Mais c’était plus fort que lui. Le mal fait à sa sœur lui était impardonnable. Personne ne pouvait se moquer ainsi d’Autumn, personne. Aujourd’hui, il devait assumer le mal qu’il avait rependu. « La chambre de Kieran Halstead, s’il vous plait ? J’ai un hostie à lui remettre. » si le Seigneur devait se manifester à ce moment précis, il lui brûlerait sans doute les paumes des mains pour une telle offense. On lui indiquait à présent le numéro de la chambre où le Halstead se trouvait dans le service de traumatologie et si pour le prêtre, les raisons de sa présence à l’hopital étaient encore flou, le savoir dans un tel service semblait confirmer que quelqu’un d’autre devait aussi lui en vouloir. Si non, Autumn lui aurait parlé d’un accident, si ça avait été le cas.
« tu peux avaler quelques chose avec la mâchoire défoncée ? » se serait peut être le moment de lui enfoncer son hostie dans la gorge et le regarder agoniser avec cet étouffe chrétien.

@Kieran Halstead

@"OWEN GALLOWAY" & KIERAN HALSTEAD ⊹⊹⊹ And all the kids cried out, "Please stop, you're scaring me", I can't help this awful energy, God damn right, you should be scared of me, Who is in control?

(TOOWONG, ST VINCENT'S HOSPITAL). Si Kieran Halstead devait illustrer une expression, ce serait sans aucun doute « être au mauvais endroit, au mauvais moment ». Aussi triste que cela puisse paraître, il semblerait que ce soit un résumé de sa vie toute entière. Il n’est pas né dans la bonne famille, ou en tout cas pas au bon moment. Il s’est attaché à des gens au mauvais moment ; il était au mauvais endroit durant cette soirée de juin 2020 durant Race of Australia. Il l’était aussi ce soir de novembre 2021, lorsqu’un cambrioleur a fait irruption dans la maison qu’il considérait, jusqu’ici, comme un refuge.
Et puisque Kieran est inconscient à cet instant, assommé par plusieurs savant mélanges de médicaments visant à diminuer la douleur de sa plaie au flanc autant que de ses os cassés, il me revient le rôle de vous raconter ce qu’il s’est passé ce soir-là. Ça tombe bien, car je doute qu’il s’agisse d’un événement dont il désire se souvenir, même s’il ne pourra pas le nier : il s’en rappellera toujours. J’ai juste appris à connaître son fonctionnement et à anticiper le déni dont il fera preuve, dont il a déjà fait preuve durant les quelques moments où il a repris conscience entre deux sommeils (pas si) réparateurs.

Cette soirée n’aurait pas dû se passer ainsi ; toutes les histoires les plus tragiques commencent par ces quelques mots. Mais c’est la vérité, Kieran n’avait pas anticipé le déroulé de la soirée. Lorsqu’il avait accepté de veiller sur la maison des Cornwells, cette ancienne famille d’accueil qui est devenue la vraie par défaut, il pensait que les choses se dérouleraient comme d’ordinaire lorsqu’il remplit cette mission. Vous savez, il n’y a pas beaucoup d’endroits où Kieran se sent à l’aise (et certainement pas dans son propre esprit d’ailleurs) et je sais à quel point cette maison a toujours représenté un refuge pour lui. Il a peut-être été malmené par un ou deux gamins (plus, en réalité) au cours de son séjour là-bas, mais il a aussi appris à grandir et à moins se détester. Ce n’était pas gagné, mais les Cornwells ont eu la patience suffisante pour un gamin comme lui, perturbé et effacé, qui n’accordaient sa confiance à personne et encore moins à lui-même. Il a appris beaucoup de choses, il a surtout appris qu’on pouvait avoir un foyer aimant et chaleureux, duquel il ne s’est jamais vraiment éloigné, où il prenait plaisir à se rendre, peut-être même un trop souvent.

Jusqu’à ce fameux soir. Quand cet homme s’occupait de lui faire du mal comme jamais personne auparavant, Kieran a eu le temps de réfléchir. Et c’est peut-être le plus triste, si vous voulez mon avis ; il n’avait pas peur de mourir, contrairement à ce que cet homme a pu croire. C’est la douleur qui était insupportable, alors même qu’il y est habitué ; mais celle-ci était physique, infligée par quelqu’un d’autre que lui, sur laquelle il n’avait aucun contrôle. L’idée de mourir dans ce salon, elle, était presque réconfortante. Et ce sont aussi des choses que je me permets de vous raconter aujourd’hui car il est hors de question que ce sentiment se rappelle à notre protagoniste ; oh que non. Il pense bien trop souvent à la mort pour qu’il se conforte dans l’idée qu’elle lui est acquise et à portée de mains ; et pire encore : il n’en a pas peur.

Un cambriolage. Ce sera la version officielle, celle qui permettra aux autorités de classer l’affaire aussi vite qu’elle a été ouverte, car rien n’indique le contraire ; et même si Kieran faisait preuve d’honnêteté, son état physique n’est pas assez préoccupant pour justifier que l’on consacre plus de temps qu’il n’en faut à cette affaire. Au mauvais endroit, au mauvais moment, voilà ce qu’il s’est passé. Il a mis le son de ses écouteurs bien trop fort pour entendre l’intrusion au rez et il a eu faim au moment le moins importun. Si vous lui demandez, je peux anticiper sa réponse sans difficulté : il se sentira aussi coupable que ce type, sous prétexte qu’il aurait dû être plus vigilant. Garder une oreille de libre pour entendre ce qu’il se passe autour de lui, simuler une présence, ne pas s’enfermer dans le noir, avoir des réflexes de survie qui visent à se défendre ou à fuir plutôt qu’à rester tétanisé, comme il l'a fait. Oh, je le connais suffisamment pour savoir qu’il se flagellera bien plus que ce type. Que les faits sont les faits ; il est descendu au rez, il a surpris un cambriolage, l’homme s’est défendu sous la panique, l’a tabassé et lui a infligé un coup de couteau. Il n’a rien fait pour éviter cela ; il est forcément en partie responsable. Mais eh, ça tombe bien, la dose de médicaments à assommer un cheval et le traumatisme de l’événement lui permettent de n’en garder aucun souvenir, oh, elle a bon dos la mémoire sélective chez notre protagoniste. Surtout qu’il s’agit d’un énième mensonge, à croire qu’il ne s’en lasse pas.

Il voulait jouer. Ce type voulait jouer. Il voulait s’exercer, il voulait découvrir la sensation d’ôter une vie ; et si la sienne était susceptible de devenir ainsi plus palpitante. Et il a joué. Oh, il n’a pas paniqué, non, au contraire. Il a profité. Il a apprécié chaque moment, chaque couinement d’angoisse de Kieran, chaque larme versée, chaque soupir de douleur et chaque tentative de supplication. Il a pris son temps comme un chasseur chasse sa proie, il est même sûr qu’il a pu l’imaginer sourire tant sa voix semblait réjouie. Il a pris son pied, il a pris du plaisir dans ces sensations visant à décupler, puis à éteindre, celles de Kieran.

Et peut-être qu’Owen n’est pas si éloigné de cet homme quand il fait irruption dans sa chambre alors qu’il se réveille avec difficulté, suppliant déjà de se rendormir pour éteindre autant les spasmes électriques qui continuent de lui traverser le corps que les pensées écrasantes dans sa boîte crânienne. Oh, j’essaie de les chasser, Kieran, je t’assure. Mais dans le fond, c’est toi qui les rappelle. Et pas par dépit ; mais par envie. Si seulement il n’y avait que tes pensées qui débloquent, là-haut, Halstead. « Tu peux avaler quelques chose avec la mâchoire défoncée ? » Par automatisme, sa tête bouge légèrement de gauche à droite pour lui signifier que ce n’est pas le cas. En réalité, il n’en sait rien, Kieran, car je ne suis moi-même pas certain de ce qui fonctionne encore et de ce qui est brisé – et ça vaut autant pour le corps que pour la tête. Et peut-être que s’il en avait conscience, si nous en avions conscience, le dessinateur ne s’épuiserait pas autant à chercher le bouton d’appel posé à côté de sa main aux doigts cassés, qu’il ne trouve pas et sur lequel il ne peut de toute évidence pas appuyer pour l’aider à sortir de cette rencontre encore plus inquiétante que celle avec le cambrioleur.

Le souvenir de l’hospitalisation d’Autumn étaient encore trop douloureux, les heures et les jours à se demander si elle allait s’en sortir, si un jour elle retrouverait la paix, si elle allait pouvoir apaiser ses maux. Les maux invisibles, ceux qu’on a du mal à comprendre, ceux qu’on a pas envie de comprendre aussi. Le prêtre se souvient encore cette rage en lui, sa mâchoire qui se ressert jusqu’à ne plus la sentir, ses dents qui grincent, son sang qui tamponne jusqu’au bout de ses doigts. Le blond ne saurait dire à quel point il aurait pu lâcher ses nerfs si Kieran s’était retrouvé face à lui ce soir-là. Feintant l’innocence, feintant de ne pas comprendre, feintant l’ignorance. Pour Owen, Kieran était la source de la souffrance de sa sœur. Personne n’avait voulu lui donner le fin mot de cette soirée-là. Personne ne lui avait dit, avec des mots clairs, comment ils en étaient arrivés là et il aurait sans doute pris la défense de Halstead s’il n’avait pas pris la fuite quelques temps plus tard. L’abandon d’Autumn avait été de trop, au moment qu’il n’aurait jamais dû saisir pour s’en séparer. Il avait fui, lui avait tourné le dos et pour le Galloway, il était forcément la cause de tous ses soucis, la cause de toute sa douleur et de son propre abandon. Depuis ce jour, il ressentait ce besoin de le soulever par le col, de lui faire ressentir la souffrance au plus profond de son être, si profond que les médicaments, les calmants, rien n’y pourrait y faire quoi que ce soit. Et la douleur qu’il devait ressentir dans ce lit d’hôpital n’était sans doute pas comparable à ce que le Galloway voudrait qu’il ressente réellement, mais il allait sans doute s’en satisfaire. Du moins, pour le moment. Mais il aurait sans doute donné cher de sa peau pour être celui qui aurait pu l’y conduire, dans ce lit. Trop poli pour l’admettre à voix haute, trop poli pour accepter d’y penser même, mais la réalité était là. Owen avait soif de vengeance, et tant pis qu’il était certain que rien ne pourrait rattraper le temps perdu, que rien ne pourrait guérir les blessures profondes de sa sœur.

Pas de réponse, si ce n’est ce regard qui comprend rapidement qu’il n’allait pas passer un bon moment. Comme un moment de panique, sa ré action trahissait l’innocence dont il voulait faire croire. Pourquoi paniquer quand on a rien à se reprocher ? « Surprise, hm. » qu’il lance, alors que bien sûre, il devait être la dernière personne que le jeune brun pouvait s’attendre à voir dans cette chambre. Autumn avait parlé sans doute un peu trop, délibérément ? Peut-être. Le prêtre n’avait quant à lui pas évoquer sa petite visite, parce qu’il était persuadé qu’elle l’en aurait dissuadé, au final. « Je sais pas qui t’as fais ça… mais il devait sacrément t’en vouloir. » fit-il en regardant l’état dans lequel il se trouvait, pas une once de pitié dans son regard, pas d’empathie, la foie dont il devait faire preuve sans répit, n’avait pas sa place dans cette chambre d’hôpital. « Qu’est-ce que ça fait, d’avoir mal ? » allait-il finir par lui répondre ou se contenterait-il de bouger la tête comme il venait de le faire ? Avait-il au moins la possibilité d’articuler quelques mots ? Il valait sans doute mieux pour lui, s’il ne voulait pas que le prêtre perde patience. C'est là qu'il sortie sa petite boite de sa poche, hostie précieusement rangée. Et s'il ouvrait la bouche, Halstead?

Owen est un homme de foi. C’est la pensée à laquelle Kieran se raccroche, étendu sur ce lit dans un état de semi-conscience qui le laisse à la merci de son ancien beau-frère. Il ignore quelle version de la fin de son histoire avec sa sœur il a pu avoir et, dans le fond, ça n’a aucune importance. La famille prime et, inévitablement, Owen s’est rangé du côté d’Autumn comme Sawyer s’est rangée du côté de Kieran. Et si Kieran tend à vouloir croire aux meilleurs scénarios, je suis obligé de souligner que, dans la réalité, ce sont bien souvent les pires qui s’expriment à son égard. Et si l’on refait l’historique de son histoire avec Autumn et plus particulièrement des derniers mois les ayant mené jusqu’à la rupture suite à l’hospitalisation de la jeune femme, le portrait qu’elle a pu dresser de lui n’est guère valorisant ; pour quelle raison Owen aurait-il eu le droit à une autre version ? Évidemment qu’il le déteste ; Kieran se déteste lui-même parce qu’il croit à la version de la jeune femme. À ses yeux, il est évident qu’il a mené Autumn à sa perte et il ne contredira personne tenant un tel discours. C’est dommage, Halstead, que la vérité ne soit pas aussi simple. C’est dommage aussi, que tu refuses toujours d’écouter ma version des faits. Mais Owen est un homme de foi, qu’il se répète. C’est un homme de foi et peu importe la version qu’il a pu avoir, peu importe les horreurs dont il le croit capable ou la fuite dont il assurément coupable, il ne fera rien pouvant le blesser ou lui faire du mal, parce que ce n’est pas ce qu’un homme de foi peut se permettre. Et puis, il y a suffisamment de passage dans les couloirs de cet hôpital pour ne pas qu’Owen ne se retrouve vraiment seul avec lui. L’infirmière de garde vient vérifier à intervalles réguliers que tout se passe bien pour lui – elle va forcément arriver sous peu et il pourra glisser, l’air de rien, qu’il est fatigué et elle s’empressera d’écourter les visites pour lui. Est-ce que tu es vraiment aussi naïf, Kieran ? « Surprise, hm. » C’en est pas une bonne, cette surprise et le visage de Kieran l’exprime avant même qu’il ne soit en mesure d’ouvrir les lèvres. « Je sais pas qui t’as fais ça… mais il devait sacrément t’en vouloir. » Oh, merci pour ce constat, Galloway, vraiment. C’est exactement ce dont il avait besoin, que tu rajoutes un peu d’acide sur les blessures. « Je sais pas non plus. » Il finit par ouvrir la bouche, Kieran et je ne suis pas sûre que ce soit la chose à dire. Je ne suis pas non plus sûre de savoir comment interpréter cela. Ce n’est pas une défense, est-ce une accusation malgré lui ? Oh, en voilà une option, à laquelle il commence à songer. Il se souvient du visage du type l’ayant conduit ici, mais à aucun moment celui-ci ne lui a semblé familier. Est-ce qu’il l’est aux yeux d’Owen ? Est-ce qu’un homme de foi peut se permettre une telle dérogation, à refiler la sale besogne à d’autres pour prétendre avoir les mains propres ? « Qu’est-ce que ça fait, d’avoir mal ? » C’est rien, Owen. La douleur physique, ce n’est rien en comparaison des questions sans réponses. « C’est superficiel. » Ce n’est que superficiel. Ce n’est pas un état grave, ni un état critique ; bien qu’en réalité, Kieran n’en sache rien. Il n’est pas médecin et n’a aucune foutue idée de la catégorie dans laquelle on a rangé son dossier, tout ce qu’il sait, c’est qu’il n’a pas si mal que ça – mais eh, Kieran, est-ce que tu as vu la poche de calmants reliées à ton bras ? « L’infirmière va bientôt revenir. » Alors tu n’as pas vraiment d’intérêt à rester, Galloway. Mais Kieran est bien naïf de croire que cela sera suffisant pour dissuader son aîné de tourner les talons ; nulle doute qu’il profite allègrement du fait qu’on lui donne le bon Dieu sans confession. « C’est Autumn qui te l'a dit ? » Qui l’a prévenu de son séjour ici ? Qu’est-ce qu’elle a bien pu lui dire d’autres ?

@Owen Galloway

C’est quoi la dose d’antidouleurs qui passent dans ses veines pour qu’il soit aussi shooté alors que tout son corps cri que ça doit être terriblement douloureux. Cette arcade qui a triplé de volume, son œil qu’on voit presque plus sous sa paupière gonflée, les ecchymose sur ses clavicules, et tout ce que le blond ne voyait pas sous la couverture. Même les phalanges étaient boursoufflées. Impossible de ne rien ressentir sans avoir les médicaments qui coulent dans son sang. C’était d’ailleurs peut être ça qui l’empêchait d’aligner deux mois ou d’avoir une réaction face à la présence du prêtre dans cette chambre. Par qu’il savait très bien qu’il aurait mieux fait de ne pas croiser sa route s’ils étaient dehors. Le prêtre avait ce regret, ce pincement au cœur de ne pas avoir ce courage de frapper aussi fort Kieran, pour le mettre lui-même dans cet état. Ce courage qui lui manquait mais cette voix qui lui disait toujours de foncer. Une retenue liée à toutes ses valeurs, tout ce pour quoi il s’était engagé, pour la paix, pour l’amour de l’autre, la générosité et l’entraide. Tout ce qui allait à l’encontre d’un esprit de revanche, de toucher là où ça fait mal dans le seul but de faire mal. Ces sentiments négatifs qui se nourrissaient de Galloway à mesure qu’il avait Kieran sous les yeux. « Je sais pas non plus. » ah tien, il parle donc. A peine audible, mais il parle. Peut être pas suffisamment shooté alors. Une pression sur ses côtes devraient lui faire ressentir quelques choses non ? Le prêtre posa sa main sur le lit, juste à côté du bras de son ex beau frère, a quelques millimètres seulement. Non, il ne l’avait pas -encore – touché.
C’était presque regrettable de se dire que ca pouvait être un inconnu qui l’avait mis dans cet état… gratuitement ? « Au mauvais endroit, au mauvais moment, c’est ca ? » comme par hasard, il fallait toujours que ça arrive aux même personnes. « T’as le don, hein. » il se souvient bien de cette émission dans laquelle il avait participé. Cette fois où il était lamentablement tombé du rafting, pour se donner en spectacle devant l’Australie. Est-ce que ça fait aussi mal ? Quand c’est quelqu’un qui vous frapper et que vous ne comprenez pas ce qu’il vous arrive ? « C’est superficiel. » un rictus apparu sur le visage du prêtre. Sa main se décala sur le bras de Kieran, là, juste sur cet hématome. Superficiel. « L’infirmière va bientôt revenir. » Il haussait les épaules. Une infirmière ferait quoi en voyant un prêtre qui est venue se déplacer pour faire la prière à un pauvre malade ? Qu’elle vienne l’infirmière. « C’est Autumn qui te l'a dit ? » nouveau haussement des épaules. « Tu sais, elle a du mal à tenir sa langue. » ses yeux parcourent l’ensemble du corps, dissimulé sous le drap blanc. La couleur d’un drap pour les morts. « c’est fou, parce qu’elle continue d’être inquiète… alors qu’elle devrait juste en avoir plus rien à faire d’un raté comme toi. » et s’il allait s’assoir sur le fauteuil, Owen ? Il retira sa main du bras refroidi d’Halstead et alla s’installer à sa droite. « Tu sais ce qui est difficile à accepter ? » c’est la double peine pour le prêtre. La double sentence pour lui. « Cette envie irrésistible de vouloir te briser. » il se pencha doucement au-dessus de sa tête. « c’est trop simple en même temps, de te voir là… » terminé le jeu du chat et de la souris ? Aucune saveur quand y a pas le plaisir de chasser. « C’est fatiguant de lutter contre soi-même. Aimez vous les uns les autres, pardonnez à votre prochain… » les clichés qu’on entend, ces mêmes phrases que le Galloway répète encore et encore chaque dimanche. « je pourrais jamais pardonner. » qu'est ce qui est plus dur dans tout ça ? La déception venant d'une personne qu'il considérait même comme son frère ? Le couteau dans le dos, ce sentiment de trahison qu'il avait lui même ressenti... il avait accordé sa confiance aveuglément envers Kieran. et voilà le résultat.

« Au mauvais endroit, au mauvais moment, c’est ca ? » Kieran ne répond rien, restant silencieux. C’est une question rhétorique, de toute évidence. « T’as le don, hein. » Quelqu’un qui serait capable de réflexion dans un état comme le sien ou qui n’aurait aucune gêne à porter ses opinions (ce qui n’est donc pas son cas) n’hésiterait pas à lui demander ce qu’il sous-entend par là. Kieran, lui, reste passif. Ce n’est même pas qu’il ne veut pas réagir, c’est qu’il a intégré l’idée selon laquelle ce genre de situation est voué à lui arriver. Il était au mauvais endroit, au mauvais moment, parce qu’il ne peut en être autrement que son existence dérange autant le monde tout entier autour de lui ; il s’en est persuadé et rien ne pourra le persuader du contraire. Owen, lui, ne fait qu’accentuer ce sentiment. Et l’illustrateur finit par relever les yeux vers son ancien beau-frère pour contempler la bonhomie sur son visage. Tu prends ton pied, Galloway, pas vrai ? De le voir ainsi allongé parce que tes testicules te disent que c’est ton rôle de grand-frère viril de protéger ta petite sœur et d’admirer l’état dans lequel il se trouve. Il a fait du mal à Autumn, c’est normal que quelqu’un lui en fasse. Est-ce que t’as eu toute l’histoire, Owen ? Est-ce que t’as questionné la version de ta sœur ? Non, évidemment que non. Il s’agit de ta propre sœur, pourquoi tu le ferais ? Tout ça, Kieran ne le dira pas et je me contente de m’agacer silencieusement contre l’homme de foi qui vient admirer l’œuvre étendue sur ce lit. Ce n’est même pas lui, l’artiste, c’est d’autant plus tordu de prendre autant son pied quand on est même pas concerné. Alors je refuse qu’il en prenne plus que nécessaire ; les blessures sont superficielles, c’est une information qu’il aura puisqu’elle diminuera sûrement son petit plaisir. La manière dont il est encore dans les nuages n’est pas représentative de la gravité de la situation, désolé Owen. Pourtant, c’est bien un cri étouffé qui s’échappe d’entre ses lèvres pour traduire de la douleur que lui inflige le prêtre en appuyant sur l’un de ses hématomes, alors qu’il est bien incapable d’avoir la force nécessaire pour l’obliger à retirer sa main. Il n’a d’autres choix que de subir et quand bien même cette fois-ci Kieran n’est pas totalement seul avec son bourreau, ses yeux s’humidifient en songeant à la manière dont la situation est amenée à se répéter. Un homme de foi, ouais, c’est ça. Un homme de foi doublé d’un connard, peut-être, ça, c’est une perspective que je veux bien accepter. C’est quoi le plan, Owen ? Venir appuyer sur chaque plaie juste pour te soulager parce que la loi t’interdit d’utiliser ta main droite et que tu trouves du plaisir là où tu peux ? C’est pas un péché, de faire du mal à son prochain ? Je ne suis pas plus religieux que Kieran, mais je suis à peu près certain que c’est un aller sans retour pour l’enfer, un tel geste quand on a un tel statut. « Tu sais, elle a du mal à tenir sa langue. » Il le sait, oui. Il sait aussi qu’elle ne réfléchit pas toujours à ce qu’elle dit et que, souvent, ça a des conséquences. Pourquoi il faut toujours que ce soit lui, la conséquence ? « c’est fou, parce qu’elle continue d’être inquiète… alors qu’elle devrait juste en avoir plus rien à faire d’un raté comme toi. » Cette fois-ci, si ses yeux s’humidifient, ce n’est même pas à cause de la main d’Owen qui continue d’appuyer littéralement là où ça fait mal, mais de ses mots qui, finalement, ont le même effet. T’es un raté, Kieran. Il n’a pas besoin que ce soit la voix d’Owen qui le dise pour en être convaincu : la sienne suffit. Un soupir de soulagement s’échappe d’entre ses lèvres quand Owen retire sa main ; le soulagement est de courte durée alors qu’il prend place à ses côtés. « Tu sais ce qui est difficile à accepter ? » Qu’Autumn ait détruit sa vie et que Kieran soit celui qui en paie le prix ? C’est ça que tu veux dire, Owen ? « Cette envie irrésistible de vouloir te briser. » Il ferme le yeux un instant, craint que la colère d’Owen puisse s’abattre à nouveau sur lui. Ce n’était peut-être qu’une pression, mais venant d’un homme dont il n’aurait jamais supposé un geste qui est loin d’être anodin compte tenu de son métier, il s’attend au pire. « c’est trop simple en même temps, de te voir là… » Il ne le fera pas. C’est ce qu’il sous-entend, n’est-ce pas ? Il ne le fera pas. « C’est fatiguant de lutter contre soi-même. Aimez vous les uns les autres, pardonnez à votre prochain… » Et tu crois quoi, Owen ? Qu’il ne le sait pas, ça ? Qu’il ne lutte pas constamment contre lui-même, pour des raisons certes différentes, mais pour un ressenti et un sentiment d’impuissance qui sont similaires ? « je pourrais jamais pardonner. » Lui non plus, si tu veux tout savoir. Alors qu’il est pourtant celui qui n’a rien à se reprocher. Mais ça, tu veux pas le comprendre, hein ? « Je... je te demande pas de le faire. » Il ne demande à personne de le faire. Même Autumn peut bien penser ce qu’elle veut de lui, ce ne sera jamais pire que ce qu’il pense constamment de lui-même. « Je sais que j’ai merdé. » Et c’est peut-être le seul point sur lequel j’accepte qu’il se flagelle. Il a merdé, oui, en quittant la jeune femme par lettre. Pour autant, je sais aussi que c’était sa seule opportunité de se détacher d’elle, il n’aurait jamais eu le courage de lui dire toutes ces choses si elle avait été face à lui ; et il ne serait jamais sorti de là. « Et je le regrette. Je voulais vraiment qu’elle puisse aller mieux, tu sais. » Il l’avait espéré si fort, il l’avait supplié pour que ce soit le cas, mais il en était arrivé au point où il avait enfin compris, pour une fois dans sa vie, qu’il avait lui-aussi le droit au bonheur et qu’il devait prendre ce droit. « Je sais pas ce qu’elle t’a dit, mais... mais c’était pas aussi simple. » Et c’est le problème, peut-être. Ça semblait l’être aux yeux du monde, alors que ce n’était qu’une mascarade ; et maintenant, personne ne pourra croire à la vérité qui se cachait derrière ce cinéma. « Elle est mieux sans moi, non ? C’est ce que tu te dis, n’est-ce pas ? » Sa voix n’est pas agressive, c’est même une supplication. Dis-moi qu’elle est mieux sans moi, que je puisse enfin comprendre que je suis mieux sans elle.

@Owen Galloway

Faites c’que j’dis, pas c’que j’fais, les grandes valeurs, les paradigmes auxquels le Galloway avait imposé sa pâte pour s’engager et répandre la bonne parole. C’est toujours plus simple de donner des conseils et puis, de dire aux autres comment ils devraient réagir. Mais ces dernières années, le grand blond s’était donné quelques libertés. Que ce soit sur sa capacité à contenir ses pulsions d’homme, qui rappelons le, sont plutôt proscrites pour un homme d’Eglise, ou encore, plus récemment avec Kieran, cette envie grandissante de vengeance. Comme si l’homme qui était devant lui dans ce lit d’hôpital était la seule et unique cause du mal être de sa sœur. Owen voulait sans doute voir ce qu’il voulait bien comprendre, sans chercher à creuser davantage, mais c’est le lien fraternel et complice qu’il a toujours eut avec Autumn. Même sang, même chair, même veine. Rien ne sera jamais plus fort et plus aveuglant que ce lien qu’il a avec elle et le jour où tout lui viendra au visage, ce jour sera sans doute le plus difficile à vivre jusqu’à présent. Bien au dela de celui où il a vu mourir sous ses yeux son vieil ami, plus encore que ce jour où Kaya avait disparu. « Je... je te demande pas de le faire. » Alors quoi ? Ils en restent là, Kieran ayant le droit d’être droit dans ses bottes, vivre sa vie comme il l’entend alors qu’Autumn est toujours paralysée par cette séparation brutale ? Facile, trop facile. « Je sais que j’ai merdé. » Il se fou bien de l’entendre de sa voix, il peut lui dire tout c’qu’il veut, le retour en arrière est impossible. « Et je le regrette. Je voulais vraiment qu’elle puisse aller mieux, tu sais. » Il n’avait pas envie d’en entendre davantage, ses doigts se crispaient encore sur la peau bleutée de Kieran. « Je sais pas ce qu’elle t’a dit, mais... mais c’était pas aussi simple. » Oh, ça il le voit bien, que rien n’est simple. Penché au-dessus de son visage, le prêtre fini par à nouveau s’adosser au fauteuil prenant une profonde inspiration. Il levait les yeux au ciel, comme cherchant un signe, comme cherchant la légitimité de sa présence ici. Avait-il la bénédiction de son Seigneur ? Surement pas. Pouvait-il avoir dérogation ? Il attendait le signal. Il ne viendrait surement jamais. Il n’avait attendu aucune bénédiction, aucun signal pour donner de sa chair à Evie. Et si finalement, il avait choisi le libre arbitre ? Encore trop tôt pour en avoir le cœur net, le prêtre prenait sur lui, tiraillé entre le bien et le mal, un pas de côté trop à droite, un pas de côté trop à gauche, le juste milieu lui semblait difficile à cerner.  « Elle est mieux sans moi, non ? C’est ce que tu te dis, n’est-ce pas ? » Un sourire étira les lèvres du Galloway, sourire qui n’avait aucune bonne intention, sourire nerveux et accusateur. « Elle sera sans doute mieux sans toi, le jour où tu seras vraiment plus là. » car avec un spectre dans les parages, bien sûre qu’Autumn ne sera jamais mieux. Trop hantée par un passé commun. « A savoir combien de temps ça va encore durer… » Son regard se posait à nouveau sur Kieran, laissant un doute planer. Ses paroles étaient ambiguës, laissant place à une interprétation sans limite. Son seul but étant de mettre le doute, de lui faire terriblement peur, laissant la menace flotter au-dessus d’eux. « T’as pas passé bien loin de cette fin, on dirait. » Le prêtre se leva, avec un besoin de détendre ses muscles bien trop crispée depuis son entrée dans cette chambre. La tension était palpable, l’ambiance lourde de cette chambre n’avait rien à voir avec la tristesse de voir un ami dans un lit d’hôpital en piteux état.
La porte s’ouvrit, sans sommation, même pas quelques frappes sur la porte pour prévenir d’une entrée. Les yeux du blond se posèrent sur l’infirmière qui venait d’entrer sans y être invitée. « Monsieur Halstead, c’est l’heure de vos traitements. » elle s’arrêta nette en voyant l’homme de l’autre côté du lit. Comme si elle avait absorbé les ondes agressives de la pièce. « Je suis désolée, les visites sont terminées. » ca ressemblait plutôt à un ordre de quitter la chambre, plutôt que de réelles excuses. Le blond hocha la tête, regardant sa montre, il feinta la surprise. « Ah, déjà ! J’ai pas vu l’heure passer. Je vais vous laisser. » un regard rapide vers Kieran. « Prend soin de toi, je serai jamais très loin. Compte sur moi. » fit-il alors en quittant la pièce sous le regard glaciale de l’infirmière.

Il ne s’est rendu compte que trop tard que la précipitation avec laquelle il a quitté Autumn, autant que la lâcheté avec laquelle il l’a fait par le biais d’une lettre, accentuaient sa culpabilité et sa responsabilité dans cette rupture. Oh, inutile de mentir, Kieran est responsable de celle-ci, parce qu’il n’y a pas plus clair qu’une disparition en bonne et due forme, quelques mots explicites sur une feuille de papier et qu’en ce sens, oui, il est parfaitement responsable et il ne s’en cache pas (même si l’assumer relève d’une autre histoire). L’ambivalence vient du fait qu’il est parfois difficile de se sentir seul coupable de tout ceci, alors qu’il y a eu un enchaînement de comportements, de part et d’autres, qui ont mené à cette rupture. Mais parce qu’il se devait de quitter la jeune femme pour sa propre survie, Kieran n’a réalisé que trop tard qu’il lui donnait tous les arguments pour accentuer ses fautes, pour qu’un seul responsable ne soit désigné. Son silence, autant que son absence dans la vie de leurs amis communs n’a fait que confirmer tout ce qu’Autumn pouvait bien raconter – parce qu’il n’est pas aussi ignorant qu’il veut le faire croire et qu’il a eu vent de quelques détails qu’elle a partagé. Des détails qui n’en sont pas vraiment, en réalité et qui, pourtant, sont la seule vérité qu’il tend à accepter. Parce qu’elle l’a décidé, comme elle a toujours tout décidé au cours des derniers mois, à l’exception de cette décision de mettre fin à cette relation qui vient de lui et uniquement de lui, la décision la plus conséquente de leur (ex) vie de couple et qui fait de lui le plus grand des coupables, qu’il le veuille ou non. Alors ce n’était qu’une question de temps avant que la version d’Autumn ne remonte aux oreilles de son frère et que ce dernier ne retrouve la trace d’un Kieran qui est à sa merci. Et il en vient à craindre son ex beau-frère bien plus que l’homme qui l’a envoyé ici en premier lieu, parce qu’Owen n’est pas supposé être ainsi, parce que la violence ne doit pas couler dans ses veines et que, pourtant, en quelques mots et tout autant de regard, il est parvenu à glacer le sang de Kieran et à immobiliser l’ensemble de ses muscles plus que ce n’était le cas en résultat de l’agression, autant qu’à se satisfaire de lui-aussi laisser ses marques sur la peau du dessinateur alors que ses doigts se crispent autour de celle-ci à mesure que le plus jeune essaie de s’expliquer, de se justifier, de se faire pardonner – il ne sait pas vraiment parce que je lui interdis l’un autant que l’autre. Tu n’as pas à te justifier, Kieran, encore moins à t’excuser. Bien sûr, il est sincère quand il souligne qu’il souhaite vraiment que son ancienne fiancée puisse aller mieux, mais pas au point de regretter son départ. Ou plutôt, je ne veux pas qu’il le regrette, alors qu’il persiste à ne pas pouvoir la reléguer au passé. Elle est encore partout, il lui l’a dit, elle est dans ses veines, dans sa tête, dans son cœur, elle ne lui laisse jamais aucun répit alors même qu’elle est si loin de lui. Owen finit par marquer la distance et Kieran s’autorise à nouveau à respirer, bien que son angoisse ne soit pas diminuée pour autant, toujours dans la crainte de ce que le prête pourrait lui faire, lui qui ne semble plus vraiment respecter son engagement auprès de Dieu depuis qu’il est entré dans cette pièce. Si même le tout puissant n’est plus une limite suffisante pour ne pas déverser sa colère contre lui, il a toutes les raisons de craindre pour sa vie. « Elle sera sans doute mieux sans toi, le jour où tu seras vraiment plus là. » Et je le déteste. Je déteste Owen pour mettre en avant cette vérité à laquelle Kieran croit déjà sans qu’on ait besoin de le lui verbaliser. Et ce n’est même pas tant concernant Autumn, que le reste du monde ; Kieran est persuadé que celui-ci s’en portera bien mieux une fois qu’il aura disparu, qu’il aura vraiment disparu comme le dit Owen. C’est ça qu’il attend, n’est-ce pas ? C’est ça qu’Autumn attend pour que les comptes soient à égalité – qu’il souffre autant qu’elle, qu’il disparaisse pour qu’elle puisse enfin être heureuse ? Et vous savez le pire dans tout ça ? C’est qu’il en serait capable. Il serait capable de provoquer sa propre fin seulement pour rendre heureuse Autumn, seulement pour qu’elle accède enfin à ce qu’il aurait voulu lui donner et qu’il n’a jamais réussi à lui offrir. « A savoir combien de temps ça va encore durer… » Ses yeux croisent le regard froid et dur d’Owen pendant une seconde avant qu’il ne détourne les prunelles. Une seconde bien suffisante pour voir les intentions derrière les paroles du prêtre et pour lui confirmer que le serment à Dieu n’a plus aucune valeur quand il empêche de protéger sa propre famille. Et lui, bien sûr, n’a personne pour le protéger ; il ne s’en surprend pas, il réalise seulement qu’il sera à la merci d’Owen autant de temps qu’il voudra jouer avec lui. « T’as pas passé bien loin de cette fin, on dirait. » Mais il n’a pas aussi peur qu’il le voudrait, Owen, parce qu’il a raison : il n’est pas passé loin de cette fin. Et il a aimé ça, peu importe si j’essaie de lui enlever cette idée de la tête, peu importe s’il a conscience que c’est terriblement déraisonnable. Il a aimé cette perspective et il s’est avéré déçu de ne pas connaître la finalité qu’il espérait au moment où l’homme enfonçait le couteau dans sa chair. Il a aimé ça et dans un sens, il est prêt au jugement dernier offert par Owen si tel est sa volonté ; qu’il cesse seulement de jouer avec lui.

Et lorsqu’une infirmière les interrompt, le brun est aussi rassuré qu’il n’est déstabilisé – ne sachant toujours pas comment se positionner quant à ce qu’Owen semble prévoir pour lui. « Monsieur Halstead, c’est l’heure de vos traitements. » Incapable de détourner la tête d’un Owen qu’il continue de surveiller bien malgré lui, il n’écoute que d’une oreille l’infirmière. « Je suis désolée, les visites sont terminées. » Et malgré tout, il est légèrement apaisé par la perspective de voir Owen disparaître, et de retrouver une certaine sérénité – pour quelques heures seulement et avec l’aide du traitement que l’infirmière s’apprête à lui offrir. « Ah, déjà ! J’ai pas vu l’heure passer. Je vais vous laisser. » Amen. « Prend soin de toi, je serai jamais très loin. Compte sur moi. » Il ravale sa salive, son regard qui ne quitte pas son ancien beau-frère quand il quitte la pièce ; et cette sérénité qu’il espérait retrouver quelques heures ne dure en réalité que quelques secondes.

@Owen Galloway