Les jours avaient été longs depuis cette soirée à l’hotel. La fin n’avait pas été celles qu’ils avaient escomptés. Ni lui, ni elle. Les paroles étaient difficiles à encaissées, dépassant sans doute la pensée. Owen s’était montré dur envers la Pearson et il regrettait ses mots à mesures qu’il les alignait. Mais il avait le sentiment qu’il n’avait pas d’autre chose. Freiner avant que tout n’aille trop loin, seulement, la limite n’avait-elle pas déjà été dépassée ? Bien sûre que si.
Un geste de trop, un regard de trop, le passage à l’acte, des échanges complices sous les yeux de tous, l’attirance avait été impossible cacher, ils n’avaient trompé personne. Au stade, à l’église, à l’hôtel, leur petit jeu n’en était plus un. Rattrapés par une réalité qu’ils avaient voulu niés. Owen Galloway, le prêtre de Redcliff et Evelyne Pearson, la fille Pearson, comment cela aurait-il pu passer à la trappe ? Une photo, puis deux, elles ne voulaient pourtant rien dire mais les titres en disaient trop. Owen avait pourtant pensé avoir tout baliser, tout arrêter avant la fois de trop, mais il n’était pas allé suffisamment vite. Il n’avait pourtant qu’une seule envie, la retrouver.
Seulement, il avait d’autres chats à fouetter. Convoqué par l’Evêché son diocèse, il avait passé un sale quart d’heure. Comment avait-il pu oser un tel blasphème, aux yeux de tous. Comment avait-il pu trahir à ce point son camp ? Trahir celui pour qui il avait  juré fidélité. L’article sous les yeux, la sanction pour le prêtre était sans appel : il ne pouvait plus rester à Brisbane et d’ici deux semaines, il sera affecté au diocèse de Toowomba, là où sa famille résidait toujours. Son père et sa mère seraient donc les nouveaux fidèles qui suivraient ses cérémonies religieuses. Non négociable, il n’avait pas son mot à dire, à prendre ou à laisser. Tous les sacrifices que le prêtre avait réalisés pour atteindre cette place ne valaient sans doute pas d’être pris à la légère. Il savait qu’il avait été détourné de ses intentions première, vivre pour l’amour du Seigneur et lui accorder absolument toute son énergie, rependre sa parole et son amour parmi les Hommes. C’est ce à quoi il est destiné, ce sur quoi il doit se concentrer et pour ça, une femme ne peut à elle seule attirer toute son attention. Pas même Evelyn Pearson. Il avait fini par accepter la proposition, savant qu’il ne lui restait plus qu’une chose à faire : faire ses cartons, faire ses aurevoirs et partir sans faire de vague.
Cet appartement qu’il connaissait si bien, qu’il avait cherché à fuir durant des semaines entières pour ne pas attirer l’attention. C’est sans doute sans se cacher de venir à la rencontre d’Evie que leur manège aurait pu être moins flagrant. Plus c’est gros, plus ça passe il parait, pourquoi chercher à se retrouver dans un hôtel quand un appartement semble l’endroit le plus approprier pour deux amis, pour se rencontrer ? L’absurdité les avait dépassés. Il frappait à la porte, un goût déjà nostalgique entre les lèvres, son cœur battait déjà la chamade, il n’y avait qu’Evelyne Pearson pour lui procurer telles sensations.

@Evelyn Pearson

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S’installer avec Lara avait été la meilleure décision de la vie d’Evie. Partir à la recherche du bien immobilier le plus adéquat pour cohabiter, le trouver, et s’y nicher confortablement, ça lui avait permis de s’occuper l’esprit et de prétendre avoir mieux à faire que d’affronter les jugements sévères de sa mère. Elle n’y était pas allée par quatre chemins pour lui parler de son histoire avec Owen, et si elle avait anticipé de cette façon, cherchant à la mettre au courant de tout ça avant que la plèbe ne vienne encore une fois lui faire savoir quel genre de cas avide d’attention était sa fille, c’était parce qu’elle avait un instinct suffisamment aiguisé pour savoir que, dans quelques mois tout au plus, cette histoire ne deviendrait plus privée. Elle s’y préparait, elle le redoutait avec une dignité qui était la sienne, et qui d’une certaine façon, l’aidait à relativiser sur le moment présent. Il n’y avait rien de grave, elle tachait de s’en convaincre elle-même, mais il y avait quelque chose qui lui donnait mal au ventre. Elle avait entendu des bruits de couloirs, des ragots qui mettaient en avant l’imminence d’autre chose de plus difficile à ignorer.
Owen était sur le départ, congédié par sa hiérarchie qui avait eu vent de ça elle aussi. Grand bien lui faisait. Ils ne s’étaient pas vraiment dit au revoir, ils avaient chacun été assez clairs l’un envers l’autre tandis que la fin de leur idylle leur avait éclaté à la figure comme un pétard mouillé. Elle y pensait parfois, avant de se rappeler que ça ne servait à rien de ruminer sur un échec qui n’en était pas vraiment un, s’en voulant seulement de ne pas avoir eu assez de jugeote pour éviter une déroute pareille, charmée par la nostalgie que lui insufflait le lien qui l’unissait au jeune homme, et que le bien ça lui faisait de se raccrocher à quelque chose qui lui paraissait bêtement acquis. Elle avait été naïve, elle s’en voulait. Son histoire, ou qu’importe comment elle devait décrire tout ça, c’était celle d’un naufrage annoncé, et quand bien même elle avait été celle forcée de sauter en premier, elle avait eu bien du mal à remonter à la surface. Maintenant que c’était fait, elle préférait se monter prudente, et si ça l’avait gênée de devoir passer aux aveux devant sa propre mère, elle savait qu’elle pouvait compter sur elle pour éviter qu’elle ne soit traînée sur la place publique à un moment donné. Elle échouerait, et Evelyn en souffrirait plus qu’elle ne saurait l’admettre dans ce futur proche qui l’attendait, trop fière pour s’offusquer du traitement injuste auquel la presse et l’opinion publique la logerait de nouveau. Mais pour l’heure, elle avait assez confiance en elle, en ce génie de la communication qui l’avait élevée, pour ne pas s’inquiéter davantage et reprendre le cours de la vie qu’elle avait construite ici.

Elle s’apprêtait à partir, tenant à profiter de sa soirée de libre pour se rendre à une exposition dont lui avait parlé un client qu’elle avait eu au téléphone dans la journée, et qui mordu de peinture, ne tarissait pas d’éloges sur cet artiste qu’il avait découvert par un concours de circonstances ; quand trois coups à la porte se rappelèrent à elle, et qu’elle sut immédiatement de qui il s’agissait. Emergeant de la pièce à vivre, la tête inclinée sur le côté pour faciliter ce qu’elle était en train de faire, elle était occupée à enfiler la paire de boucles d’oreilles discrètes qu’elle avait choisi pour parfaire sa tenue, plus décontractée qu’à l’accoutumée. Mais soudain, arrivée dans le hall d’entrée, elle marqua un temps d’hésitation. C’était de cette manière qu’elle laissait savoir à Owen que c’était elle quand il se retrouvait à leur hôtel de prédilection. Il y avait peu de chance que ne soit quelqu’un d’autre que lui, aussi ses tergiversations étaient justifiées, et pendant qu’elle se sommait de continuer ce qu’elle faisait, sécurisant ses boucles d’oreilles en y glissant leurs fermoirs avec habilité, elle fixa un instant encore la porte à laquelle elle faisait face avant de se décider.
Elle prit une profonde inspiration avant d’actionner la poignée de la porte, balayant le long rideau de ses cheveux lisses d’un seul coup d’épaule "J’étais sur le point de partir." laissa-t-elle savoir au jeune homme sans vraiment le regarder, lui accordant seulement une œillade de bienséance quand il lui apparut à l’encadrement de la porte de l’appartement qu’elle partageait avec sa cousine. Les doigts serrés autour de la poignée, elle raffermit cette prise en sentant quelque chose gonfler dans sa poitrine. Il n’y avait qu’Owen Galloway pour lui procurer telle sensation.

Pas certain qu’elle soit réellement là, il avait tenté, sans prévenir de sa présence. Elle avait une vie bien remplie Evie, son travail lui tenait à cœur, toujours chez un client, à trouver les meilleurs collaborateurs, de l’or entre les mains, elle savait s’entourer des meilleurs. Il le savait parce qu’elle avait participé à l’organisation de mariages de mariés que le prêtre avait uni. Il savait aussi que sa vie privée et sociale étaient tout aussi chargées et que la jeune femme avait rarement du temps pour elle. Alors la retrouver dans cet appartement à cette heure ci était sans doute comme miser un coup de poker, mais qui ne tente rien à rien.
La tension montait devait la porte de la brune. Owen allait se conforter dans l’idée qu’il n’allait peut-être pas pouvoir lui dire au revoir avant de partir et en serait bien contrarié. Il se savait avoir mal agit, il savait que son attitude n’avait rien de ce qu’il devait représenter. Le gentleman avait laissé place à un bourreau, mis face à ses démons, il avait préféré rejeter la faute sur elle plutôt qu’assumer. Aujourd’hui, il s’en mordait les doigts. Evelyn méritait au moins des excuses, avant qu’il ne s’efface pour de bon. Quand il fit un pas en arrière, prêt à faire demi-tour, la poignée de la porte s’agita. C’est le bruit qui retint son attention et le fit se tenir à nouveau droit comme un piquet devant cette entrée. « J’étais sur le point de partir. » toujours en coup de vent, il n’allait pas s’éterniser. Il n’avait que quelques mots à lui dire, puis, il la laisserait s’en aller. « Je serai pas long. » qu’il prévient tout en glissant une main sur la poignée de la porte à son tour. Elle n’oserait pas la refermer sur son nez, il le savait. « J’ai tenté un coup de bluff en venant ici, sans savoir si tu étais vraiment là. T’aurai sans doute fait en sorte de pas être disponible si j’avais cherché à te prévenir non ? » c’était peut-être une forte accusation qu’il faisait là, mais il y aurait mis sa main à couper. « J’suis venu pour m’excuser Evie. » il baissait le regard un instant pour venir planter ses pupilles dans celle de la jeune femme. Il n’était pas question de ne pas assumer ces excuses. « Et aussi pour te dire que j’vais quitter Brisbane. » s’il y a une personne qui devait bien le savoir, c’était elle. Il n’avait pas envie qu’elle ait des pensées erronées à son propos. Elle pourra bien le détester autant qu’elle veut ensuite, au moins, il aura ce sentiment d’avoir fait les choses correctement, pour une fois. « On va dire que j’y suis contraint. » Il jete un œil derrière lui, pas tellement certain d’avois envie de faire ça en coup de vent sur un pallier de porte. « Tu me laisses entrer ? » il se pince les lèvres quand son regard se pose sur une boucle d’oreille qu’elle portait, il remarqua ensuite sa tenue, toujours aussi ravissante, toujours aussi classe et apprêtée. Il attendait son approbation pour faire sa place à l’intérieur, en attendant, il tenait toujours fermement cette poignée pour s’assurer que la porte ne se referme pas sur lui sans qu’il ne l’ai vu venir.

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"Belle entrée en matière." s’amusa-t-elle sans sourire, remarquant juste le geste qu’il venait de faire en posant sa main sur la poignée de la porte, lui aussi. Leurs mains étaient chacune opposée à l’autre, elle à l’intérieur, lui à l’extérieur, mais elle pouvait distinctement sentir la tension au travers du bois épais. Ça la força à raffermir sa prise, ses doigts crissant sous son geste. Une entrée en matière digne de lui, c’est ce qu’elle se dit en évitant d’expliciter ce qu’elle venait de lui dire, se rappelant trop bien du jeu de reproches qu’il avait initié lors de leur dernière conversation et d’où ça les avait mené. Elle n’appréciait toujours pas la manière qu’il avait de vouloir anticiper ses réactions, encore que celle qu’il lui prêtait à ce moment-là était juste, elle ne pouvait pas le nier. Ça, ça prouvait qu’il la connaissait assez bien pour lui faire du mal sans même essayer et c’était difficile à accepter. Son cœur bondissait par intermittence dans sa poitrine, et son regard ne savait pas où se poser sans donner l’impression qu’elle le contemplait comme toutes ces fois où ils avaient été confortables l’un avec l’autre, ceints dans des étreintes ardentes, et qu’elle avait été proche de confirmer qu’elle avait toujours été amoureuse de lui. Là, elle ne savait plus vraiment ce qu’elle ressentait pour lui.

Pour couper court à ses propres pensées, Evelyn avala sa salive, et puis elle cligna des yeux en se sommant de le regarder pour de bon lorsqu’il reprit la parole, sans pour autant chercher à se laisser atteindre par ce qu’elle pouvait lire sur son visage. Mais c’était Owen qu’elle avait en face d’elle, c’était une entreprise vouée à l’échec, et ça non plus, ce n’était pas simple à accepter. Quand ses pupilles trouvèrent les siennes avec synchronisation, ses doigts crièrent grâce, ainsi contractés autour de la poignée de la porte. Elle ne bougea pas d’un iota. Elle savait endiguer ses propres émotions, Evie, c’était ça qui la rendait si difficile à lire. Elle était stoïque pendant qu’à l’intérieur d’elle, elle se laissait engloutir par la volonté d’Owen à faire ce pourquoi il était là ; lui présenter ses excuses. Elle serra les lèvres et initia une légère inclinaison de la tête sans lui laisser deviner si oui ou non elle les acceptait. Elle préféra s’intéresser à ce qu’il ajouta, et à quoi cette fois, elle répondit sans faire plus de mystère "Je sais. Je ne suis pas retournée à l’église, mais les rumeurs vont vites." En l’occurence, le terme rumeur n’avait plus lieu d’être puisqu’il lui confirmait ici la nouvelle sans faire dans le suspens dramatique. Son départ était imminent, et elle eut du mal à ne pas se dire que ce n’était que la suite logique d’une situation qu’ils avaient tous les deux mal gérés. Aurait-elle dû s’excuser en retour ? Elle marqua un temps mental, redressant la tête pour laisser son regard trouver de nouveau celui du jeune homme.
Elle le sentait tendu. Et cette tension qu’elle sentait déjà très épaisse, elle la laissa l’atteindre assez fort pour flancher et desserrer ses doigts de la poignée lorsqu’il lui demanda si elle le laissait entrer. Elle ouvrit davantage la porte pour le faire, sans même y réfléchir à deux fois "Juste une minute, je ne peux pas me permettre d’arriver en retard." Elle le pouvait tout à fait, sauf qu’elle ne voulait juste pas qu’il puisse s’imaginer qu’il soit privilégié dans l’ordre de ses priorités.
C’était le cas dans le fond, pas vrai ? Evelyn ferma la porte derrière lui en ne répondant pas à cette question intime qu’elle se posa, et ne l’invita pas à entrer ailleurs que dans le vestibule. Restant près de la porte, elle s’y adossa tout de suite après s’être tournée vers lui. Elle croisa les bras sur sa poitrine, son langage corporel parlant pour elle et attestant qu’elle était prête à se protéger des blâmes éventuels sous lesquels il serait tenté de l’enterrer "C’est pour bientôt ? Tu as une idée d’où tu vas aller ?" lui demanda-t-elle après une seconde ou deux de flottement durant lequel elle sentit quelque chose se former dans le creux de sa poitrine. Elle s’entendit parler, d’ailleurs. Sa voix avait été trop aigüe quand elle avait appuyé son interrogation, et ça ne pouvait dire qu’une seule chose : qu’elle se souciait encore beaucoup trop de ce qui pouvait lui arriver même si elle prétendait le contraire après avoir été profondément blessée par la manière qu’il avait eu de la rendre responsable d’un risque qu’ils avaient pris tous les deux. Qu’il le veuille ou non.

Il avait comme l’impression qu’elle ne lui céderait rien. Owen n’allait pas mettre un seul pied dans cet appartement et elle lui refermerai la porte devant le nez dès lors qu’il aura présenté ses excuses. Après tout, c’est tout ce qu’il méritait, pas plus d’attention de sa part et elle l’avait mis au parfum, elle n’avait pas le temps. Il avait pourtant été clair, il regrettait de ne pas avoir gardé le contrôle, il regrettait de ne pas s’être rendu compte plus tôt que tout ceci les mènerait dans un mur. Le mur le voilà. Peut être qu’il gardait encore en travers qu’Evie lui avait confié qu’elle aurait choisi son travail si les rôles avaient été inversés, peut être qu’il avait encore du mal à avaler l’ensemble de leur dernière conversation. Alors qu’il était empli de doute, il avait eut l’impression d’être précipité au bord du mur et dans la panique, dans les vertiges, il s’était emporté, laissant ses paroles dépasser ses pensées. Il s’était montré dur et sa volonté aujourd’hui, c’était de faire comprendre à Evie qu’il ne lui en voulait pour rien au monde, qu’il regrettait de partir ainsi et que s’il fallait trouver un fautif à tout ça, elle l’avait devant lui.
Une fois ses excuses présentées, il lui était toujours impossible de percer les émotions de la jeune femme. Evie avait une telle capacité à tout garder pour elle, le bon, comme le mauvais. "Je sais. Je ne suis pas retournée à l’église, mais les rumeurs vont vites." Il hocha la tête, affirmant qu’elle avait sans doute intérêt à ne pas s’approcher trop de la demeure du Seigneur, elle risquait d’en entendre de belles à son sujet, elle n’avait pas à subir ça. Owen avait déjà entendu des expressions comme : aguicheuse, femme à homme, menthe religieuse… il n’en acceptait aucune, mais pour autant, il n’y avait omis aucune objection. Il préférait ne pas envenimer la situation, se justifier n’arrangerait rien à la situation. Pour autant, il n’en était pas fier.
Il osait insistait pour demander l’autorisation de rentrer, préférant presque le temps dans un lieu où les murs n’avaient pas d’oreille. Si cette fois, elle refusait, il s’en irait pour de bon, après tout, il avait tout dit, visiblement. Mais il sentie la force d’Evie faiblir à travers la poignée qui les liait. Elle baissait sa garde, inclinant un peu plus la porte pour ouvrir le logement. "Juste une minute, je ne peux pas me permettre d’arriver en retard." Il acquiesça et c’est un sourire fier et combattant qui s’afficha sur son visage, s’en rendant compte peut être un peu trop tard, il repris son sérieux, conscient qu’il n’avait pas de quoi être si prétentieux. C’est toute fois timide qu’il fait quelques pas à l’intérieur, ne voulait se croire en terrain conquis. Evie pris les devant en l’interrogeant. "C’est pour bientôt ? Tu as une idée d’où tu vas aller ?" il hocha à nouveau la tête, tout était millimétré et sous contrôle de sa hiérarchie. « Dans deux semaines. » le temps passerait très vite d’ici là. Il devait aussi annoncer la nouvelle à sa sœur, ce qu’il redoutait le plus. « Je retourne à Toowomba… » finalement, ce n’était pas si loin. «… mais on m’a bien fait comprendre de rester à distance et de raser les murs. » pour autant, il n’allait pas s’interdire de revenir à Brisbane, là où sa sœur serait toujours. Elle avait, aujourd’hui, besoin de lui plus que jamais. Etre écarté de Brisbane allait sans doute aussi lui permettre de calmer sa soif de vengeance envers Kieran. Il l'espérait. « Autumn est à l’hôpital en ce moment, j’vais passer les deux prochaines semaines avec elle et je partirai. Je ne pense pas revenir à Brisbane si régulièrement… » et elle savait comme lui qu’il était sans doute inutile de dire à voix haute qu’ils ne se reverraient plus. « contrairement à ce que j’ai pu dire… sache que je regrette pas. » c'est en plongeant son regard dans le sien qu'il assumait ces paroles. Ce qu’il regrettait, bien sûre, c’était cette fin sous contrainte, mais après tout, il restait persuadé que ca ne pouvait se passer autrement et qu’à présent, c’était pour la Gloire de Dieu et uniquement pour cela qu’il devait se reprendre et se remettre sur le droit chemin. Il avait eu des doutes mais maintenant qu’il avait frôlé la mise au placard voir, la porte, il savait pourquoi il avait choisi cette voie, il ne voulait pas en être écarté. « Mais tu mérites bien mieux qu'un homme qui a juré fidélité à Dieu, notre Seigneur. » fit-il avec sincérité.

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"Je t’ai connu moins docile." fit-elle en gardant son attention dirigée droit vers lui, même si ça faisait s’affoler tous ses signes vitaux, tandis qu’elle accusait le coup de la réponse qu’il venait de lui donner. Deux semaines, c’était le temps qu’il restait au prêtre pour régler ses affaires. Elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle en faisait partie. Il se devait de faire le ménage avant de s’en aller, de ne pas seulement se contenter de cacher la poussière sous le tapis, mais bel et bien de passer au Karcher toutes les erreurs que sa hiérarchie lui reprochaient sans aucun doute. Après tout, ils savaient y faire dans ce domaine, étouffer les scandales pour mieux paraître lisses et pleins de bonne volonté.
Elle l’avait connu moins docile, en effet. Et c’était exactement pour cette raison qu’elle avait été charmé. Le Owen de son adolescence, il dégageait quelque chose à une époque où elle-même paraissait faire moins bon-chic bon-genre quand en réalité, elle répondait entièrement au cliché de la fille de bonne famille qui ne cherche qu’une seule chose : mettre sa mère en rogne. Le temps était passé, elle avait évolué sur cette question, elle s’était forgée une carapace qui lui permettait de ne plus tendre vers les extrêmes, et elle n’était pas la seule. Owen avait choisi d’entrer dans les ordres, il savait ce qui l’attendait, et il n’avait pas reculé parce que ça lui avait fait du bien de se raccrocher à cette constante pour mieux appréhender sa vie. Elle, n’avait jamais été vraiment là pour lui, si ce n’était à l’époque, alors dans le fond elle comprenait que son choix n’avait pas besoin d’être mûri. Ça n’était pas moins blessant, même si elle n’avait jamais rien attendu de lui.

Elle hocha la tête, toujours à distance, les bras croisés et le regard alternant entre le sol impeccable du vestibule de son propre appartement et les yeux d’Owen qu’elle sentait posés sur elle. Brisbane paraissait immense, mais ce n’était rien de plus qu’un village, et elle savait que d’une manière où d’une autre, elle aurait toujours des nouvelles de lui. Elle se demanda un instant si c’était ce qu’elle voulait vraiment, ou si elle ne préférerait pas ne plus jamais entendre parler de lui. Elle n’eut pas le temps de répondre à cette question, et elle releva immédiatement la tête quand il mentionna sa soeur. Les sourcils froncés, elle lui demanda avec une inquiétude sincère "Autumn ? Qu’est-ce qu’il lui est arrivée ?" Est-ce qu’elle avait toujours le droit de se faire du souci pour ses proches ? Elle l’ignorait, et d’une certaine façon, elle balaya d’un revers de main cette problématique quand il reprit de nouveau la parole.
Elle marqua un temps de silence, et puis se mordant l’intérieur de la joue pour se soumettre au calme olympien qui faisait sa réputation, elle prit un instant pour mieux considérer les choses. Quand enfin, décroisant les bras, et chassant ses cheveux à deux mains pour les coincer derrière ses oreilles, elle lui dit "Tu n’es pas seulement venu pour me faire des excuses. Tu es surtout venu pour me dire au revoir, hmm ?" Il n’aurait pas eu besoin de se donner cette peine. Cette pensée en particulier, elle lui fit réaliser que si elle tentait de minimiser l’effet qu’avait toute cette histoire sur elle, elle lui avait fait assez de mal pour qu’elle lui en veuille au plus profond de son être. Elle rit à ses prochaines paroles, secouant la tête à la négative avant de se caler plus confortablement contre la porte, les mains croisées dans son dos ; ses doigts devinrent pâles tant elle les entremêla entre eux, devenant de plus en plus douloureux "Et tu as attendu d’être mis au pied du mur pour venir me le dire. Qu’est-ce que je suis supposée faire avec ça ?" lui demanda-t-elle, les yeux plantés dans les siens à distance. Ce qu’elle sentait déjà grossir dans le fond de sa gorge, elle eut l’impression que ça l’étouffait quand elle reprit la parole, les traits froncés, et la voix moins assurée que ce qu’elle aurait souhaité "C’est une sorte d’absolution que tu me donnes, ou tu essaies juste de te donner bonne conscience de me laisser gérer les retombées de tout ça ici, pendant que ta hiérarchie te met gentiment au vert pour protéger leurs arrières ?" Elle ne lui enlèverait pas la sincérité qu’elle avait décelé dans son ton, mais elle ne pouvait pas accepter qu’il attende d’être forcé de s’en aller pour quoi, lui dire que ce n’était qu’une erreur malgré tous les regrets qu’il lui disait ne pas avoir, et qu’elle méritait mieux que de s’amouracher d’un curé ? Elle rit une nouvelle fois, et détourna le regard en se sentant de nouveau dans le rôle de la vilaine de l’histoire "Tu n’aurais pas dû venir." murmura-t-elle plus pour elle-même que pour lui, discernant mal ce qui était dans son champ de vision, puisque ses yeux se remplirent doucement de larmes.

C’est surement facile d’être moins docile quand les enjeux ne sont pas aussi important et qu’on a l’impression d’être plus fort, intouchable. Ca n’avait pas été le cas, le prêtre était mis nu et maintenant qu’il était sous les projecteurs, il faisait bien moins le malin. Il avait commencé à perdre pied quand il s’était rendu compte qu’il n’était à l’abris de rien, il avait commencé à douter et à remettre la source de ses angoisses sur Evelyn quand il avait compris qu’il pourrait être pris sur le fait accompli à chaque instant. Croiser des habitués de l’église à chaque coin de rue, les personnels des lieux qu’il fréquentait, les passants dans les rues où il se promenait, ils étaient partout et c’était normal, comme lui, ils étaient des habitants de son quartier. Forcément, il n’était à l’abris d’aucun regard et quand on est une figure reconnue comme lui, on attire bien plus l’œil, on est forcément l’objet des rumeurs, des qu’en dira-t-on. Ça n’avait pas loupé. Alors, tout d’un coup, il se montrait bien plus docile, évidement.
"Autumn ? Qu’est-ce qu’il lui est arrivée ?" par où commencer ? Le prêtre n’avait même pas de réponse exacte à lui offrir. Autumn était à l’hôpital car elle n’était pas bien, plongée dans une dépression, elle avait vrillé, sans trop savoir comment ni pourquoi. Il se contentait d’être spectateur. Voir sa sœur, lui rendre visite, alors qu’elle est bourrée de médicament pour tenter de contrôler ses états d’âme. Elle est là, sans être là. Ailleurs, sans savoir où. Il se contenterait de répondre qu’elle aurait besoin de se reposer, de penser à elle, se recentrer. Il pourrait dire ça si Autumn n’était pas à nouveau retombée après que Kieran l’avait lâchement largué. Déceptions en déceptions, mais il n’était pas là pour évoquer tout ça. Il n’avait pas envie d’en parler à vrai dire, parce que c’était bien trop confus pour lui et qu’il avait cette impression que ça lui échappait également. Il ne maitrisait rien et quand il ne maitrise plus, il s’égare lui-même. Il avait préféré se concentrer sur les raisons de sa venue, faire ses excuses, un mea-culpa, n’avoir aucun regret finalement, puis s’en aller.
"Tu n’es pas seulement venu pour me faire des excuses. Tu es surtout venu pour me dire au revoir, hmm ?" il restait immobile, face à cette remarque, son regard un peu paumé, n’était-il pas censé venir lui dire aurevoir ? Il aurait donc du s’en aller sans même passer la voir ? Le scénario lui semblait moins correcte que celui-ci, même si, ça aurait sans doute été plus simple.  "Et tu as attendu d’être mis au pied du mur pour venir me le dire. Qu’est-ce que tu je suis supposée faire avec ça ?" la différence, c’est que s’il n’avait pas été au pied du mur, il n’aurait sans doute pas pris cette décision-là. Enfin, non, ce n’est pas lui qui avait pris la décision, on l’avait prise pour lui. Il avait du mal à comprendre les reproches que pouvait lui faire Evie, sur sa présence, alors que pour lui, ses raisons étaient louables. "C’est une sorte d’absolution que tu me donnes, ou tu essaies juste de te donner bonne conscience de me laisser gérer les retombées de tout ça ici, pendant que ta hiérarchie te met gentiment au vert pour protéger leurs arrières ?" définitivement, le Galloway n’avait et ne trouverait sans doute jamais le mode d’emploi pour savoir comment s’y prendre avec la Pearson. « Je pensais que… » il s’arrêtait lui-même dans sa réflexion. Qu’est ce qu’il pouvait ajouter, de toutes façons ? "Tu n’aurais pas dû venir." Le cœur du jeune homme se serra dans sa poitrine alors que le ton employé par la brune traduisait non seulement de sa déception, du sentiment qu’elle pouvait ressentir pour lui, de sa tristesse. Il se savait maladroit mais il n’avait pas eu l’impression de l’être en assumant qu’il devait partir devant elle. « Je pensais faire les choses bien… » il était désolé et il avait promis qu’il ne resterait pas longtemps. La voyant baisser les yeux il avait bien l’impression de voir son regard s’embuer. Il fit un pas vers elle, comme un reflex, mais il sentie qu’il allait sans doute franchir une limite de trop à nouveau, il recula aussitôt. « J’te laisse. » il aurait pu ajouter qu’elle avait raison, qu’il n’aurait pas du venir. Mais pour lui, c’était important. « je pensais que c’était important d’avoir cette conversation avec toi. » qu’il ajouta, peu fier de lui à nouveau. Il était bien obligé de constater qu’ils n’étaient pas sur la même longueur d’onde et la question qu’il se demandait était de savoir s’ils l’avaient été un jour.

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Il n’aurait pas dû venir, c’est ce qu’elle ne cessa de se répéter en détournant la tête pour échapper à son regard. Un peu comme lui lorsque leur histoire avait commencé à faire naître des rumeurs, Evie se sentait acculée. Il n’aurait pas dû venir… sans prévenir, ajouta-t-elle dans l’intimité de ses pensées, sachant qu’elle aurait sans aucun doute mieux gérer cette conversation si elle avait pu s’y préparer quelques temps à l’avance. Elle haïssait les imprévus, encore plus quand ils mettaient en exergue son incapacité à gérer ses propres émotions. S’il s’était annoncé avant de venir, elle aurait taché de paraître moins atteinte par la manière dont il venait lui présenter des excuses, et parce que c’était la meilleure chose à faire, elle lui en aurait présenté aussi sans paraître acerbe dans la manière de le faire, en gardant cette bienveillance qu’elle lui avait toujours réservée, et qui à cet instant précis, semblait trop difficile à supporter alors qu’elle était contrainte à accepter sa décision de s’en aller — une décision qui lui était imposée, qu’elle n’avait pourtant pas l’impression qu’il tenait particulièrement à combattre, s’y pliant comme le bon petit soldat de Dieu qu’il était. Dans cette version de leurs adieux, elle lui aurait fait savoir qu’elle ne lui en voulait pas vraiment, tout en couvant tout de même une part de ressentiment qu’elle s’imputait de moitié ; ça aurait été plus facile de cette manière. Mais il s’était pointé ici, la fleur au fusil, et comme chaque fois qu’il y avait une sorte de conflit entre eux, elle avait le sentiment d’avoir le mauvais rôle.

Ce n’était qu’une grande répétition de ce qu’elle vivrait les prochains mois, n’est-ce pas ? Elle était la candidate parfaite pour qu’on fasse d’un homme comme lui une simple victime de la volonté d’une femme d’obtenir ce qu’elle voulait, et qui faisait s’offusquer les plus puritains. Et ce n’était pas juste, mais c’était comme ça. Au loin, elle entendait déjà les insultes qu’on lui réserverait, elle pouvait même anticiper les regards qu’on poserait sur elle… alors que lui serait porté en saint gardien de la faiblesse masculine. Ce n’est qu’un homme après tout, ça aussi elle pouvait l’entendre, et plus que n’importe quoi dans le fond, ça lui serrait les entrailles puisqu’elle ne pouvait pas ne pas être d’accord avec cette évidence.
Elle le sentit approcher, se confondant en balbutiements qui lui firent serrer les lèvres pendant quelques secondes, les pupilles fixées sur un point qu’elle ne voyait même pas. Elle se demanda s’il allait la prendre dans ses bras au moins une dernière fois, peut-être parce que d’une certaine façon, elle aurait voulu pouvoir le repousser comme la grande tragédienne qu’elle ignorait être, et devancer la distance qu’il allait y avoir entre eux tandis qu’il s’apprêtait à partir à plusieurs kilomètres de Brisbane. Mais il n’en fit rien, campant sur son hésitation en la forçant à tourner la tête pour le regarder une dernière fois, et lui dire sans aucune variation dans le son de sa voix "Et tu te sens mieux de l’avoir eu, cette conversation ?" Elle fronça les sourcils pour se donner bonne contenance pendant que ses yeux, revenus dans ceux d’Owen, se mouillèrent pour de bon, et qu’elle ajouta avec plus se sincérité qu’elle n’avait été capable de partager au cours des dernières années face à quelqu’un qui avait beaucoup compté pour elle — qui compterait encore ? Elle ne savait pas très bien, trop focalisée sur l’idée que c’était ça, là, avoir le cœur brisé "Parce que pas moi." Dans ses larmes, un sourire de composition pointa. Elle secoua la tête de droite à gauche, chassant l’émotion qui perlait sur ses joues avec une main leste avant de se décoller du panneau de la porte pour la lui ouvrir, consciente qu’il y avait sans doute plus grand-chose à dire, plus grand-chose à faire, pour sauver les souvenirs qu’ils avaient partagés tous les deux.

Il avait presque déjà un pied dehors, se dirigeant un peu plus vers la porte de sortie, cette aventure allait se terminer ici et sur ces paroles. Il s’était presque autorisé à penser qu’il aurait eu droit à un dernier baiser, comme dans les films qui finissent bien. Mais c’était une vision tout à fait déviante et utopiste que de penser que se terminerait bien. Un baiser ne les aiderait en rien, ni lui, ni Evie. Ca ne ferait sans doute qu’appuyer plus fort et faire encore plus mal. Mettre son doigt dans une plaie encore ouverte, qui peine à cicatriser. Non, bien sûre, c’était encore bien trop tôt et le temps, soit disant, ferait le travail. « Et tu te sens mieux de l’avoir eu, cette conversation ? » Le prêtre aurait sans doute du prévenir, se demander si ce qui lui semblait important pouvait l’être également pour Evie, visiblement, il s’était -encore – trompé. Alors qu’il plongeait une dernière fois son regard dans celui de la brune, les larmes qu’elle ne pouvait plus contenir lui donnait l’impression que quelqu’un était en train de serrer son corps avec autant de force qu’il ne fallait pour briser un verre à main nue. "Parce que pas moi." Il ravala sa salive alors qu’à son tour, il se sentie submerger par des émotions, les émotions de tristesse, de colère, de manque. Déjà le manque. Sa vision se brouilla légèrement d’un voile humide, il fermait ses yeux comme si ça allait sécher les larmes qui s’apprêtaient aussi à couler. Il les retiendrait aussi longtemps qu’il fallait pour qu’Evie n’ait pas à assister à ce spectacle. Elle lui ouvrit la porte pour l’inviter à s’en aller une bonne fois pour toute, ce qu’il allait faire de lui-même, mais il ne pouvait luter contre sa demande. Il se retrouvait cette fois bien dehors, lui adressant un dernier regard et il avait la certitude qu’il était inutile d’ajouter un seul mot de plus. Il savait qu’il faisait souvent plus de mal que de bien à parler, qu’il manquait peut être de tact ou d’éducation même, qui sait. Que ce qui lui semblait être bien était souvent perçu à mal. Ils n’avaient pas le même mode de pensées, pas la même façon de faire, cette fois ci, il allait s’en tenir à un tour dernier regard et juste le silence. Il finit par hoche la tête et poser sa main sur la porte, qu’il referma derrière lui, laissant Evie sans un mot de plus de sa part. C’était le dernier échange, le dernier regard. La dernière fois.

Insatisfait et avec un sentiment d'inachevé, plus tard dans cette soirée, il avait repris son téléphone, se contentant d'envoyer cette fois ci, un tout dernier message. Un message où il se contentait de lui demander pardon. Il n'en attendait aucune réponse et d'ailleurs, il savait bien qu'il n'en aurait pas. Un pardon pour absolument tout et son départ était inclu, tout comme sa venue du jour à l'improviste, tout comme leur premier baiser, leur première fois. Tout. Suite à ça, il savait qu'il devait oublier et qu'il fallait tourner cette page pour pouvoir se consacrer à sa vocation, rien que sa vocation.