Il regarde l’enfant dans le berceau. Ses mains s’agrippent au rebord et il souffle longuement comme pour tenter de reprendre le contrôle de ses émotions. Il n’est pas prêt à être père, pas prêt à être responsable de quique ce soit. Encore moins prêt à rester quand il a fui tout attachement et toute responsabilité depuis toujours. Une part de lui hait ce bébé pour tout ce qu’il est. Un lien à une personne qu’il déteste. Mais aussi un lien entre lui et Chloé, un lien auquel il ne pourra jamais échapper.
Il hait ce bébé car il ne serait jamais resté avec quique ce soit, parce que se marier, avoir des enfants, fonder une famille n’avait jamais fait partie de ses plans. Il hait ce bébé qui lui donne envie de boire, de s’oublier complètement dans ses vieux travers. D’aller chercher la cocaïne qui traîne certainement quelque part dans cette villa. Mais il hait aussi ce bébé pour lui donner envie d’aller jeter la cocaïne, ce bébé qui l’empêche de prendre un verre en le regardant. Il hait cet enfant qui le rend incapable de partir, incapable de l’abandonner et de fuir. Parce que la fuir serait devenir tout ce qu’il a toujours détesté. Il n’en est pas capable de l’abandonner, pas capable de la rendre à Zoya et de ne plus jamais se préoccuper d’elle, de la mettre derrière lui et de continuer sa vie.
« Je peux pas. » murmure-t-il en regardant l’enfant qui le regarde en gazouillant dans le berceau. « Je peux pas. » il ferme les yeux. Il ne peut pas être père et pourtant il ne peut pas l’abandonner. Il ne peut pas être père et pourtant il ne peut pas la rendre à Zoya. Il ne veut pas l’aimer mais il est terrifié à l’idée de la laisser derrière lui.
Il sort son portable pour regarder les messages de Zoya, les appels manqués. Il les a ignorés, n’a pas passé noël avec ses parents, il n’a rien fêté cette année, s’est contenté de se battre avec tous ses démons qui le pousseraient à se noyer dans ses fêtes pour éviter de faire face à la réalité. Et lorsqu’elle est venue chez lui pour tenter de voir Chloé, il n’a pu que lui claquer la porte au nez, incapable de lui parler ou de la voir, incapable de la laisser voir l’enfant.
Freddy est père et ne peut rien y changer. Il ne peut pas l’abandonner, ne peut pas fuir, pas cette fois. C’est sa sœur qui a réussi à calmer assez sa colère pour qu’il envisage de parler de nouveau à Zoya, de l’écouter cette fois, peut être aussi de tenter de comprendre. Sa sœur qui l’a secoué assez pour qu’il range son verre de rhum au placard et arrête de fuir en lui laissant la petite.
Avoir les coordonnées du prochain photoshoot de Zoya n’aura pas été difficile, son réseau l’ayant aidé. Quelques appels et il a obtenu la localisation, le parc dans lequel elle va rester plusieurs heures en ce début janvier. Adossé à un arbre il observe le tournage un moment avant de s’approcher. Il l’observe elle et ses longs cheveux bruns, son visage pale. Il ne peut s’empêcher d’espérer qu’elle souffre, comme si cela pouvait compenser le fait qu’elle ait abandonné l’enfant qu’elle lui a caché. Il attend qu’elle ait terminé, attend qu’elle ait pris une pause avant de s’approcher, enlevant ses lunettes de soleil pour être plus identifiable.
Il lui tend un café glacé pour contrer la chaleur de l’été, tout sourire absent de son visage. « On peut discuter ? » Il fait au mieux pour garder son calme, au mieux pour calmer la rage qui nait instantanément quand il la voit. « Si tu veux. » La balle est dans son camp et lui fait du mieux qu’il peut pour contrôler ses émotions. Il ne lui a pas pardonné, ne sait pas s’il en sera capable un jour. Il ne sait même pas en vérité pourquoi il est là, quand il n’a aucune intention de lui rendre Chloé. Sa sœur a réussi à le convaincre d’aller lui parler et lui ne sait pas si ça sera pire ou mieux.
Début janvier 2022. Zoya se trouve là par défaut quand elle préférerait être cloîtrée chez elle après cette énorme erreur qu’elle a pu faire. Cette décision qu’elle a prise un mois plus tôt - ces jours qu’elle ne manque pas de barrer à l’encre rouge, tel un prisonnier dans sa cellule - en laissant Chloe dans les bras de son père qui, jusqu’alors, ignorait sa paternité. Elle a cru faire ça pour le bien de sa fille mais voilà qu’elle regrette amèrement son choix quand le dit-père, répondant au doux nom de Freddy Mulligan, semble s’être trouvé une nouvelle vocation en plus de celle qui est déjà sienne, c’est-à-dire être un piètre acteur. Zoya s’en veut de lui avoir confié leur fille, elle s’en veut même d’avoir effleuré ses lèvres ce soir de mai un an et demi plus tôt, quand il est parvenu à la faire tomber enceinte alors qu’elle n’était pas censée avoir d’enfants. Pourtant, ce dernier regret n’est ressenti que dans les instants où la colère voire la haine prend possession d’elle, parce qu’elle ne regrette pas, pour autant, la naissance de sa fille… Elle regrette juste l’identité du père, aurait préféré que ce soit un autre plutôt que lui. Et même si elle est lamentable dans son rôle de mère, même si depuis la naissance de la petite, elle est incapable d’être à la hauteur, fuit ses responsabilités et estime que Chloe mérite mieux qu’elle comme parent, elle ne regrette pas une seule seconde son existence.
Elle aimerait pouvoir retourner en arrière, à ce soir où, devant la villa luxueuse du Mulligan, elle est passée à l’acte. Elle aimerait pouvoir revenir en arrière pour revenir sur sa décision et partir dans le sens opposé, avec sa fille qui gazouillait dans son siège auto… Sa présence lui manque, lui déchire un peu plus le cœur chaque jour qu’elle ne passe pas avec elle, ses petits cris, son odeur alors qu’elle la serrait contre elle… Son appartement est bien trop vide désormais, bien trop silencieux, et bien que des proches soient venus lui rendre visite pour l’aider à trouver des solutions ou lui tenir compagnie, rien n’y fait. Zoya est au bord du gouffre, ne sait plus quoi faire pour récupérer Chloe quand elle se retrouve face à un mur. Freddy ne veut pas lui rendre la petite, ne daigne même pas répondre à ses appels ou ses messages, et se contente de lui claquer la porte au nez quand elle se présente devant chez lui. Les excès de colère où les objets ont fini par valdinguer partout dans l’appartement, la rage l’habitant alors qu’elle s’est sentie impuissante ont été nombreux, la jeune femme ayant vrillé avant de s’écrouler, les regrets et les remords prenant le dessus… Elle ne peut que se blâmer, elle ne peut que s’en prendre à elle, parce que cette décision, finalement, il n’y a qu’elle qui l’a prise, personne ne lui ayant mis le couteau sous la gorge pour le faire.
Alors, sûrement parce que c’est toujours mieux que d’être encore une journée entière chez elle à tourner en rond, elle se trouve dans ce parc à Logan City pour un tournage. C’est surtout parce que ce tournage est programmé depuis des mois qu’elle se trouve là et qu’elle n’a eu d’autres choix que d’honorer son engagement. Zoya use de sourire depuis qu’elle est arrivée dans la matinée, échangeant quelques mots quand il le faut mais elle reste tout de même en retrait, elle qui, d’habitude, est toujours avenante et sociable avec tout le monde. Elle se contente de remplir sa mission, met du cœur à l’ouvrage parce que la photographie reste une passion et qu’elle aime ce qu’elle fait. Une pause dans le tournage l’amène à aller se mettre dans un coin où son premier réflexe est de sortir son téléphone de sa poche arrière, sûrement dans l’espoir d’avoir eu un appel ou un message de la part de Freddy… Mais rien. Elle inspire profondément, bien qu’elle ressente une boule se former dans son estomac, et tente de ne pas craquer en se focalisant sur son appareil en faisant défiler les différents clichés qu’elle a pu prendre.
Des bruits de pas se font entendre derrière elle, ce qui la fait se retourner et relever son regard. « On peut discuter ? ». Zoya manque de lâcher son appareil photo, alors qu’un regard surpris doit être perceptible sur son visage. Freddy. Elle qui attendait un signe de sa part quelques minutes plus tôt, voilà qu’il est là, devant elle. Il lui tend cette cup, dont elle ignore le contenu, tel un signe de paix, ce qui ne manque pas de lui faire arquer un sourcil « Si tu veux ». Elle met du temps à réaliser, et si elle ne se saisit pas tout de suite du contenant, c’est parce qu’elle a son regard qui la cherche… La photographe cherche désespérément du regard sa fille, qui devrait être avec lui mais il semblerait qu’il ne l'ait pas amené avec lui. « Où est Chloe ? ». C’est la première question qu’elle lui pose, les premiers mots qu’elle lui adresse tout en se saisissant du café glacé qu’il lui offre. Elle porte celui-ci à ses lèvres sans le quitter du regard. « Tu es venu pour me dire quoi, Freddy ? Me dire que je ne la récupérerai pas, une fois de plus ? Pour venir enfoncer le couteau dans la plaie, c’est ça ? ». Elle lui en veut d’avoir pris cette décision de la priver de sa fille, d’avoir décidé qu’elle ne méritait plus de l’avoir quand elle lui a tourné le dos un mois plus tôt… Zoya laisse échapper un soupir, ses épaules se détendant quelque peu alors qu’elle ajoute, un peu plus calmement : « Je veux bien… » amorce-t-elle en spécifiant « … qu’on discute ». Elle est à bout de force, elle souffre de l’absence de sa fille, de cette situation et elle est prête à tout pour la récupérer… jusqu’à mettre de l’eau dans son vin envers cet homme qu’elle déteste par-dessus tout…
(c) ANAPHORE
Dernière édition par Zoya Lewis le Dim 16 Jan 2022 - 20:03, édité 1 fois
Pourquoi est-il là à tenter de créer une conversation avec une femme qui ne le mérite pas ? A une femme qu’il déteste ? Comment peuvent-ils être parents d’une enfant tous les deux ? Les questions le tourmentent, l’empêchent pourtant de faire demi-tour. Il a promis qu’il essaierait de lui parler. Ils n’ont fait que s’insulter toutes les fois où ils se sont vus et Freddy a du mal à comprendre comment ils sont passés d’une nuit plus qu’agréable à cette situation.
Zoya est surprise de le voir, ne s’attendait pas à ce qu’il débarque sur son tournage et il voit son regard chercher l’enfant quelque part. Dans ses bras, dans une poussette, n’importe où. Mais il ne lui aurait pas donné ce plaisir-là, il n’aurait pas pris le risque de la perdre. La pensée lui est étrange, a-t-il vraiment peur de perdre Chloé ? Il chasse l’idée de son esprit, il n’est pas fait pour être père et ne l’a jamais été.
« Où est Chloé ? » Ca te regarde pas, a-t-t-il envie de répliquer dans la plus grande hypocrisie. Après tout cette femme n’est-elle pas la mère de l’enfant ? Non lui estime qu’elle a perdu le droit de savoir en la laissant derrière elle. Les doigts de l’acteur se resserrent contre le verre en plastique qu’il tient. Il force son visage à ne pas montrer d’expression, à ne laisser aucun sourire sarcastique déformer ses traits car cela n’aidera pas la conversation il le sait. « Pas là. » C’est tout ce qu’il offre comme réponse. Elle n’apporte rien mais cela reste la seule chose dont il est capable. « Tu es venu pour me dire quoi, Freddy ? Me dire que je ne la récupérerai pas, une fois de plus ? Pour venir enfoncer le couteau dans la plaie, c’est ça ? » Cette fois un rictus déforme ses lèvres. Comment peut-elle lui en vouloir quand elle est la seule responsable de cette situation ? L’unique coupable qui lui a caché un enfant et qui quand elle n’en a plus voulu l’a finalement déposé dans ses bras. « C’est ça et je me suis dit que ça passerait mieux avec un café, parait que c’est cicatrisant. » Il n’a pas pu s’en empêcher, les mots marmonnés entre ses dents, l’ironie cinglante et provocatrice. Mais il est là après tout, malgré tout ce qu’elle prétend. Il lui avait claqué la porte au nez la dernière fois, il n’avait donc aucune raison de revenir et de tenter une offre de paix. Enfin, si on pouvait véritablement appeler ça une offre de paix quand la paix ne faisait pas partie de son vocabulaire du jour. « Je veux bien…qu’on discute. » Les épaules de l’acteur se détendent. Peut-être arriveront-ils à parler assez longtemps pour ne pas finir par se hurler dessus.
Il se dirige naturellement vers un banc, s’y asseyant et s’attendant à ce qu’elle fasse de même. « Elle va bien. Elle ne manque de rien. » murmure-t-il sans la regarder. Non la petite est gâtée et entourée, sa famille ayant pris les choses en main et n’ayant pas abandonné le jeune homme à son rôle tout nouveau de père. Mais elle n’a pas sa mère et a pour un père un inconnu qu’elle découvre à peine. « Tu me connaissais pas. Je veux dire, pourquoi t’as attendu janvier pour tenter de m’en parler Zoya ? » Il n’arrive toujours pas à la regarder, comme si poser son regard sur elle serait suffisant pour déclencher de nouveau la colère qu’il ressent envers elle et qu’il fait tout pour garder sous contrôle. Bien sûr il y avait sa réputation, il ne s’était jamais caché dans les médias d’être un homme aux relations éphémères, mais une grossesse aurait dû être une information assez importante pour qu’elle lui en parle. Il n’accepte toujours pas qu’elle se soit arrêtée à cette soirée de janvier, cette soirée où lui n’était pas dans son état normal, où il a été la pire version de lui-même. « Si je méritais pas de savoir pourquoi c’est à moi que tu l’as abandonné ? » Le mot pique il le sait, elle ne l’a pas laissée temporairement à ses yeux, elle a abandonné tout droit sur la petite.
Début janvier 2022. « Pas là ». Et la réponse n’est même pas nécessaire parce qu’elle s’en rend compte bien trop vite. En le voyant, elle a eu l’espoir de l’entrevoir dans sa poussette, assoupie. Voir son petit minois qui lui manque tant, voir à quel point elle a dû grandir alors que cela fait un mois qu’elle ne l’a plus vu. Et que le constat lui déchire un peu plus le cœur quand elle se dit qu’elle a manqué un mois de la vie de sa fille, surtout à cette période là où elle grandit bien trop vite. Dans un peu plus d’un mois, Chloe aura un an, et elle espère que Freddy aura, d’ici là, retrouver la raison. Et, pour le moment, Zoya en doute fortement quand elle voit comment il se comporte avec elle, même s’il a cette tasse de café comme offrande ou elle ne sait quel signe temporaire de paix à son égard. « C’est ça et je me suis dit que ça passerait mieux avec un café, parait que c’est cicatrisant ». Il veut lui parler et pourtant il est mauvais avec elle. Il a cette remarque désobligeante, cette ironie qui lui est propre, le faisant passer pour un mec qui n’a pas de cœur. Pour elle d’ailleurs, il n’en a pas, parce qu’il n’hésite pas à lui faire du mal, encore et encore, par son comportement et par ses dires. Il est la pire personne à ses yeux, il est la pire personne à qui elle a pu confier sa fille, bien qu’il en soit le père. Elle le regrette, a cru bien faire, et quand elle le voit ainsi, devant elle, cinglant dans ses paroles, Zoya ne peut que s’en mordre les doigts. Elle se mord la langue pour ne pas répliquer sur le même ton, elle s’abstient fortement parce qu’elle se dit qu’elle perdra alors toute chance d’une quelconque discussion qu’il accepte de lui offrir. Alors, elle accepte de lui parler, après avoir pris une profonde inspiration pour ne pas lui coller sa main dans sa tronche.
Ils prennent place sur un banc, un peu éloigné du lieu du tournage où tout le monde profite de la pause pour se restaurer ou boire un café. Ils sont à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes qui pourraient potentiellement trainer pour écouter leur conversation. « Elle va bien. Elle ne manque de rien ». Zoya pivote sa tête vers Freddy alors qu’il la rassure à propos de Chloe. Elle va bien… C’est tout ce dont elle a besoin d’entendre, c’est tout ce qu’elle lui demandait parfois à travers les nombreux messages qu’elle a pu lui envoyer. Qu’il la rassure en lui disant qu’elle allait bien. Les mots font du bien à entendre parce que Zoya ne supporterait pas apprendre qu’elle aille mal et que le manque de sa mère se fasse ressentir alors qu’elle la laissait dans les bras d’un étranger. C’est tout ce qu’elle recherchait lorsqu’elle lui a laissé, c’est tout ce qui lui importait, qu’elle soit bien. Mais ce n’est plus suffisant désormais, quand le manque de sa fille se fait ressentir et que la photographe s’est rendue compte que cette décision qu’elle pensait être la meilleure pour sa fille était, en réalité, la plus stupide. La jeune femme se retient d’en demander davantage, préférant se contenter d’acquiescer bien que l’acteur n’ait pas trouvé son regard. « Tu me connaissais pas. Je veux dire, pourquoi t’as attendu janvier pour tenter de m’en parler Zoya ? ». Elle comprend alors qu’il a besoin qu’elle lui donne des réponses, notamment sur le fait qu’elle attendait leur enfant, le laissant dans l’ignorance de sa paternité. Un soupir s’échappe d’entre les lèvres de la jeune femme, alors que son regard se porte devant elle « Parce que je me suis fiée à cette image qui te colle à la peau, celui de coureur de jupons, de mec qui termine dans un état second à chacune des soirées mondaines à laquelle il assiste, à cette image pas toujours glorifiante qui t’es attribué dans les journaux ». Elle ne lui apprend rien, il la connait bien cette image, par cœur même, puisque, qu’il le veuille ou non, c’est lui qui se la donne « Et de ce fait, je me suis dit que je ne pourrais pas compter sur toi pour être présent pour notre fille. Alors ça ne servait à rien que je te le dise… ». Elle est honnête, lui donne la raison qui l’a poussé à ne rien lui avouer pendant tout ce temps, jusqu’à ce début de mois de décembre « Si je méritais pas de savoir pourquoi c’est à moi que tu l’as abandonné ? ». Elle n’aime pas qu’il utilise le mot abandonner, qu’il semble aimer lui balancer encore et encore à la figure mais ne s’y attarde pas, prenant à nouveau sur elle « Parce que j’estimais qu’elle devait être avec un de ses deux parents, même si, dans mon entourage, je ne manque pas de personnes à qui je pouvais la confier les yeux fermés » Trent, ses parents, Deklan, Cameron… « J’ai pensé à elle. Même si j’ai mes réserves à ton sujet, je me suis dit qu’elle ne méritait pas d’être privé de son père… qu’elle méritait de te connaitre… ». Elle marque une pause « Et j’ai pensé aussi à toi, à ton droit de la connaitre… et d’avoir tes chances en tant que parents avec Chloe… ». Il peinera sûrement à la croire, mais elle est sincère quand elle dit ça. Et ce qui va suivre lui est compliqué à confesser alors qu’elle déglutit difficilement, incapable de regarder Freddy dans les blancs des yeux « J’en suis arrivée à un point où j’ai estimé que tu serais mieux que moi, parce qu’à ce moment-là, je pensais être la pire personne qu’il soit ». Elle se retient de ne pas craquer, ne cherche pas à ce qu’il ait pitié d’elle, et se doute qu’il n’aura aucun scrupule envers elle pour autant. Mais puisqu’il est venu chercher des explications, c’est ce qu’elle décide de faire en jouant la carte de l’honnêteté. Tant pis s’il ne la croit pas, tant pis s’il lui rit au nez. Il ne pourra pas lui reprocher de mentir. Une larme s’échappe le long de sa joue, qu’elle rattrape aussitôt de sa main qu’elle passe sur le visage, le regard toujours sur l’horizon.
« Parce que je me suis fiée à cette image qui te colle à la peau, celui de coureur de jupons, de mec qui termine dans un état second à chacune des soirées mondaines à laquelle il assiste, à cette image pas toujours glorifiante qui t’es attribué dans les journaux » Il ne dit rien, la presse à scandale avait toujours favorisé la publicité de ses films et de sa carrière. Sa mauvaise image compensée par ses actions de mécénat, le tout, un acte bien ficelé pour se faire de la publicité et se faire aimer malgré tout. Lui avait toujours eu une attitude ambivalente face aux médias. La capacité à n’accorder aucune importance à l’opinion des autres et donc aux scandales qui favorisaient sa notoriété, mais également le besoin malgré tout d’être aimé, adulé.
« Et de ce fait, je me suis dit que je ne pourrais pas compter sur toi pour être présent pour notre fille. Alors ça ne servait à rien que je te le dise… ». A ça sa mâchoire se serre à ce qu’elle implique, au fait qu’il aurait été capable d’abandonner un enfant. Mais la question demeure, n’aurait-il pas fui si elle lui avait dit il y a des mois de ça ? N’aurait-il pas essayé de la convaincre d’avorter pour ne pas se retrouver dans cette situation ? Il aimerait pouvoir affirmer qu’il n’aurait pas fui, mais au fond il n’en sait rien. Tout ce qu’il sait en réalité, c’est que maintenant que ce bébé est là dans sa vie, qu’elle est la sienne, il est incapable de détourner le regard comme si de rien n’était. Alors il ne peut s’empêcher de répliquer avec froideur : « J’aurais jamais abandonné un gosse. » Il appuie sur le mot jamais, son regard perçant s’ancrant dans le sien. Car de ça il en est sûr, il en aurait été incapable. Peu importe s’il est prêt ou non, peu importe l’impression qu’il a aujourd’hui de se noyer à l’idée d’être père, jamais, il n’aurait pu laisser un enfant derrière lui, ça n’aurait fait que le ramener des années en arrière à une vie qui n’est plus la sienne, avant d’avoir eu un nom de famille et des parents aimants.
Il ne comprend pas comment elle a pu penser tout ça de lui et lui laisser malgré tout l’enfant comme si de rien n’était. C’est ça qu’il est incapable de comprendre ou de pardonner. « Parce que j’estimais qu’elle devait être avec un de ses deux parents, même si, dans mon entourage, je ne manque pas de personnes à qui je pouvais la confier les yeux fermés. » Sa justification, il se reteint de lui renvoyer à la figure, de la couper dans son explication quand c’est lui qui lui a demandé de s’expliquer. Mais il doit se battre avec chaque fibre de son corps pour rester silencieux alors qu’il l’observe, posant le café sur le banc à côté de lui.
« J’ai pensé à elle. Même si j’ai mes réserves à ton sujet, je me suis dit qu’elle ne méritait pas d’être privé de son père… qu’elle méritait de te connaitre… Et j’ai pensé aussi à toi, à ton droit de la connaitre… et d’avoir tes chances en tant que parents avec Chloe… » A ça il se lève pour allumer une cigarette, pour s’éloigner un peu et pour tenter de calmer la colère qui menace de revenir. « Mieux vaut tard que jamais hein comme on dit ? » il crache avec venin. Parce qu’il ne connait pas cette femme et que pour lui elle n’a pas pensé à lui, ni à sa fille, elle n’a pensé qu’à elle et a cherché à se débarrasser de l’enfant. Après tout si elle l’avait laissée à lui qu’elle détestait, quand elle aurait pu le laisser à des proches aimants qui auraient pu l’aider dans son rôle de mère, c’était bien qu’elle n’avait pensé qu’à elle.
« J’en suis arrivée à un point où j’ai estimé que tu serais mieux que moi, parce qu’à ce moment-là, je pensais être la pire personne qu’il soit ». C’est la larme qui roule sur sa joue et qu’elle essuie tout aussi rapidement qui manque de le faire flancher, qui malgré tout le fait hésiter. Mais il se reprend vite. « Ca justifiera jamais de l’avoir laissée. » Il dit froidement, en tirant sur sa cigarette. « Tu sais ce que je pense ? Je pense que justement tu aurais pu la laisser à des gens sur qui tu pouvais compter les yeux fermés. T’as pas pensé à elle. Me fait pas croire que t’as pensé à moi, t’avais aucune attention de me le dire. Tu lui aurais dit quoi dans dix ans quand elle aurait demandé qui est son père hein ? Donc va pas me faire croire que t’as pensé à moi sinon tu me l’aurais dit quand t’as appris que t’étais enceinte. Et si t’avais pensé à elle, putain, si t’avais pensé à elle tu l’aurais pas laissé dans les bras d’un mec que tu ne connais même pas sous prétexte que c’est mieux pour elle. T’as pas pensé à elle Zoya. T’as pensé qu’à toi, à toi et à ta petite personne. Je me prétends pas père putain j’ai jamais voulu l’être, mais je sais que toi t’as rien d’une mère. »
Début janvier 2022. « J’aurais jamais abandonné un gosse ». Ce sont les mots qu’il ne cesse de lui balancer, le reproche qu’il ne cesse de lui faire à chacune de leur rencontre, comme s’il devenait le porte-parole de Chloe, qui n’est pas en âge de s’exprimer pour lui reprocher son acte : l’abandon. Parce qu’elle peut dire tout ce qu’elle veut Zoya, c’était quand même ça le plan… Elle a juste ouvert les yeux en passant trois semaines loin d’elle. Elle s’est rendue compte qu’elle lui manquait, elle s’est rendue compte que même loin de Brisbane et de leur quotidien, ce petit être créait un vide immense en elle, par son absence. Une absence qui n’était évidemment pas du fait de la petite, mais uniquement de celui de la photographe. Si ce manque ne s’était pas fait ressentir, elle n’aurait surement jamais fait marche arrière et ne serait pas là, assise sur un banc, à côté d’un Freddy qui semble contenir sa colère pour qu’ils parviennent à échanger quelques mots aujourd’hui, même si le reproche est toujours présent, cinglant et cruel dans ses mots. Elle reste stoïque d’ailleurs, ne répond rien quand elle ne peut nier mais est incapable aussi d’approuver et de lui dire qu’il a raison. Non pas parce que sa fierté serait entachée, mais parce qu’elle a honte. Honte de prononcer les mots à voix haute, honte de dire qu’elle a cherché à abandonner sa fille sans un regard en arrière…
« Mieux vaut tard que jamais hein comme on dit ? ». Il s’est levé du banc, Zoya le suit du regard parce qu’elle craint qu’il puisse partir à nouveau et que toutes chances de revoir sa fille, de le convaincre de lui laisser même ne serait-ce que l’étreindre quelques secondes contre elle, s’envole à nouveau. Et même si la phrase pourrait être rassurante - quand il semble presque la pardonner sur le fait qu’elle ne lui ai jamais parlé de sa paternité avant ce début de mois de décembre où elle a pris la pire décision de sa vie – elle ressent aussi une certaine ironie qui ne l’aide pas à s’apaiser. Mais en réalité, Zoya s’en fiche qu’il puisse lui reprocher encore et encore de ne pas lui avoir laisser l’opportunité d’être dans la vie de sa fille. Parce qu’elle sait qu’il lui reprochera sûrement toute sa vie, et qu'elle a beau justifier par tous les moyens les raisons qui l’ont poussé à le laisser dans l’ignorance, il ne voudra rien attendre. Pourtant, elle se raccroche à ces quelques mots qu’il prononce, acquiesce doucement d’un signe de tête alors que son regard est triste lorsqu’elle trouve le sien.
Elle se justifie. Elle justifie son choix, celui de lui avoir laissé leur fille malgré toutes les réticences qu’elle pouvait avoir – et qu’elle a toujours - à son égard. Au point d’avouer la faible estime d’elle-même, le manque total de confiance qu’elle a pu ressentir ces derniers mois sur sa propre personne, au point où elle a pris cette décision en pensant que Freddy serait sûrement plus apte qu’elle dans ce rôle de parent… « Ça justifiera jamais de l’avoir laissée » « Je LE SAIS, Freddy ! Arrête de me le répéter ! ». Elle ne peut s’empêcher de réagir cette fois alors que les larmes roulent sur ses joues et qu’un certain énervement se manifeste en elle. Zoya s’en veut suffisamment sans qu’elle n’entende encore et encore les mêmes mots qui soulignent cet acte de lâcheté dont elle a fait preuve. « Tu sais ce que je pense ? Je pense justement que tu aurais pu la laisser à des gens sur qui tu pouvais compter les yeux fermés. T’as pas pensé à elle. Me fait pas croire que t’as pensé à moi, t’avais aucune intention de me le dire. Tu lui aurais dit quoi dans dix ans quand elle aurait demandé qui est son père hein ? Donc va pas me faire croire que t’as pensé à moi sinon tu me l’aurais dit quand t’as appris que t’étais enceinte. Et si t’avais pensé à elle, putain, si t’avais pensé à elle tu l’aurais pas laissé dans les bras d’un mec que tu ne connais même pas sous prétexte que c’est mieux pour elle. T’as pas pensé à elle Zoya. T’as pensé qu’à toi, à toi et ta petite personne. Je me prétends pas père putain j’ai jamais voulu l’être, mais je sais que toi t’as rien d’une mère ». Elle se prend en pleine figure une vague de colère, des paroles d’une véracité sans pareille, quand il a simplement raison… La laisser à ses proches aurait pu être la solution de repli, mais elle les a bien trop sollicités. Elle n’a pas voulu les alarmer, elle n’a pas voulu avouer qu’elle n’allait pas bien et à préférer fuir. Et Freddy l’a très bien compris et c’est sûrement ce qui l’agace le plus quand il ne la connaît pas. Ils ne se connaissent pas, l’unique discussion qu’ils ont pu avoir avant de se glisser ensemble dans les mêmes draps a été superficielle et inintéressante, au point qu’il n’a pu deviner la personne qu’elle était. Alors, ça l’énerve Zoya, évidemment, d’entendre un type qui n’est qu’un inconnu à ses yeux, un type dont elle ne connaît que le portrait qui est dépeint de lui dans les magazines et qui ne peut prétendre la connaître elle en retour lui balancer des vérités que seul des proches de Zoya seraient capable de lui dire. Des vérités pourtant qu’elle n’a pas entendu de la bouche de ceux qui sont au courant de ce qui se trame actuellement, alors qu’elle a perdu sa fille. Elle se lève à son tour, parce qu’elle n’aime pas cet ascendant qu’il prend soudainement sur elle « Tu ne sais strictement rien sur mes capacités à l’être, Freddy. Tu me juges uniquement suite à cette stupide décision que j’ai prise en te la laissant et en l’abandonnant dans tes bras », le mot passe pour la première fois la barrière de ses lèvres et elle ne semble même pas s’en rendre compte « Mais tu n’as pas été là ces derniers mois, dans NOTRE quotidien, pour voir comment j’étais avec elle. Je n’ai pas été qu’une mauvaise mère, je lui ai offert tout l’amour que j’avais à lui offrir, je l’ai cajolé plus d’une fois la nuit alors qu’elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. J’ai accouru plus d’une fois chez le médecin dès l’instant où je sentais qu’elle souffrait. Elle n’a jamais manqué de rien, je ne l’ai jamais laissé dans un coin, même dans les pires moments où je ne savais plus comment la calmer et que j’étais à bout. Alors oui, j’ai fui le temps d’une soirée, d’une nuit ou plus car j’ai ressenti le besoin de souffler. Crois-moi que mes proches n’ont pas manqué de me le reprocher et que je m’en veux de les avoir déçus, que je m’en veux encore de le faire quand je suis incapable de leur dire que le PUTAIN de père de Chloe refuse de me la rendre ». Elle s’est approchée alors qu’elle pointe son index sur lui, sans pour autant le toucher « Si tu peux me reprocher cette décision et le fait d’avoir fui, je t’interdis pour autant de juger ma capacité à être mère ! ». Son regard s’est planté dans le sien, peinant à retrouver son souffle, guettant cependant les alentours espérant que personne ne puisse entendre leur échange avant d’ajouter « Et toi qu’est-ce que tu vas dire à Chloe quand tu la prive désormais de retrouver sa mère, hein ? ». Elle le défie du regard, scrute celui-ci comme si elle pouvait y entrevoir une ébauche de sa réponse.
« Je LE SAIS, Freddy ! Arrête de me le répéter ! ». Il n’arrive pas à essayer de la comprendre. Malgré l’effort qu’il a fait pour venir la voir, il n’y a que des préjugés quand il la regarde. Il l’a jugé dès le moment où elle a déposé Chloé dans ses bras et il n’est pas sûr d’être pouvoir lui pardonner. « Tu ne sais strictement rien sur mes capacités à l’être, Freddy. Tu me juges uniquement suite à cette stupide décision que j’ai prise en te la laissant et en l’abandonnant dans tes bras » Elle a raison mais il affronte son regard avec un air de défi alors qu’elle s’est levée à son tour pour être à sa hauteur. « Mais tu n’as pas été là ces derniers mois, dans NOTRE quotidien, pour voir comment j’étais avec elle. Je n’ai pas été qu’une mauvaise mère, je lui ai offert tout l’amour que j’avais à lui offrir, je l’ai cajolé plus d’une fois la nuit alors qu’elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. J’ai accouru plus d’une fois chez le médecin dès l’instant où je sentais qu’elle souffrait. Elle n’a jamais manqué de rien, je ne l’ai jamais laissé dans un coin, même dans les pires moments où je ne savais plus comment la calmer et que j’étais à bout. Alors oui, j’ai fui le temps d’une soirée, d’une nuit ou plus car j’ai ressenti le besoin de souffler. Crois-moi que mes proches n’ont pas manqué de me le reprocher et que je m’en veux de les avoir déçus, que je m’en veux encore de le faire quand je suis incapable de leur dire que le PUTAIN de père de Chloe refuse de me la rendre ».
Il essaye de la croire, de l’imaginer dans ce rôle et il se sent flancher. Ne serait-ce pas plus simple de la croire ? De lui rendre Chloe et de ne plus jamais regarder en arrière ? La petite était en bonne santé, malgré tout ce qu’elle lui a montré, il n’a pas de raison de douter qu’elle ait été maltraitée. Mais qu’en sait-il ? Comment peut-il en être sûr alors que des souvenirs qu’il cherche à oublier l’assaillissent. Le souvenir des coups sur sa peau, le souvenir des gestes inappropriés tard dans la nuit, de ces familles qui n’ont jamais ressemblés à des familles, de ce qu’il a vécu pendant six ans, beaucoup trop jeune pour tout comprendre. Il enferme les souvenirs refusant d’y repenser comme il le fait déjà depuis tout ce temps.
« Si tu peux me reprocher cette décision et le fait d’avoir fui, je t’interdis pour autant de juger ma capacité à être mère ! Et toi qu’est-ce que tu vas dire à Chloe quand tu la prive désormais de retrouver sa mère, hein ? » Elle s’est approchée de lui, pointant un index vers lui, le défiant du regard et lui ne recule pas mais se sent flancher, incapable de maintenir les apparences.
« Je sais pas Zoya. J’en sais rien. Je te connais pas. Comment je peux te croire quand j’ai aucune preuve de ça ? » La colère est toujours bien trop présente dans sa voix. Il aimerait la croire au fond, lui rendre l’enfant et ne plus jamais regarder en arrière. Oublier cet incident. Mais comment pourrait-il oublier quand le regard de Chloe si similaire au sien reste marqué dans son esprit ? Il ne réalise pas que s’il n’est pas prêt à être père, l’instinct est là. « Quand la seule chose que je sais de toi c’est que tu m’as caché que t’étais enceinte et que tu m’as laissée ta gamine dans les bras comme si elle était rien ? Tu me juges sur tout ce que tu vois de moi des médias et bah moi je te juge sur les deux trucs que tu m’as montrés. »
Comment deux inconnus se retrouvent à être parents d’une petite fille d’un an ? Cela le dépasse et lui fait peur. Il ne connait rien de cette femme si ce n’est du vague souvenir de leur nuit partagée et de toute la rage qu’elle lui a montré les dernières fois qu’ils se sont vus.
« J’suis pas prêt à être père. J’ai jamais voulu l’être putain. Tu crois que je sais pas qu’une gamine mérite mieux que moi comme père ? » Bien sûr qu’il n’est pas prêt. Mais prétendre qu’il n’a jamais voulu être père est un mensonge. Freddy a rêvé d’une famille, bien que le rêve soit diffus, effacé, enfermé. C’est un rêve qu’il n’assume pas, peut-être parce qu’il n’a jamais su aimer ou être aimé, fuyant au moindre sentiment à la moindre difficulté. Car malgré toute la confiance qu’il dégage, pendant ce court instant, toutes ses insécurités se révèlent face à Zoya sans qu’il ne puisse faire quoique ce soit. « Que je serais un père pitoyable ? » Son cœur bat trop vite, l’angoisse prenant possession de son corps alors qu’il se rapproche de Zoya. « Tu m’as pas laissé le choix putain. Tu lui as pas laissé le choix. » Il débite les mots comme des poignards, la colère encore bien trop présente malgré les sentiments bien plus difficiles à comprendre qui s’y mêlent vis-à-vis de sa fille.
« Elle mérite pas ça. » Sa gorge se serre. Car il est là le cœur du problème, de sa colère et de son amertume. C’est l’enfant qui sera blessée, l’enfant qui en partira. L’enfant qui ne mérite ni une mère comme Zoya ni un père comme lui. Surtout pas un père comme lui. Il ne sera pas à la hauteur, il ne le sera jamais et cela le terrifie. Il fuira au moindre problème, sera incapable de rester, il ne vaudra pas mieux que les parents qui l’ont laissé. Il ne sera qu’une déception.
Il passe une main sur son visage et s’éloigne pour cacher ses yeux les larmes qui noient ses yeux. « Tu m’as pas laissé le choix et maintenant elle a presque un an et je peux pas la laisser tu comprends ça ? » Il a haussé la voix en la regardant de nouveau. Il ne sait pas ce qui le pousse à être honnête, peut-être de savoir qu’elle a tout autant de défauts que lui, qu’elle non plus n’a pas assumé son rôle de mère. « Parce que ça fait trois semaines que j’ai qu’une envie prendre un avion et me casser à l’autre bout du monde, faire la fête jusqu’à ce que j’oublie que je vais être lié à toi et à cette gamine pour le reste de ma vie ! » Mais malgré toutes ses envies il ne l’a pas fait. Il ne s’est pas noyé dans l’alcool jusqu’à oublier des jours entiers. Il n’a pas pris le premier avion pour l’Europe. Il est resté.
« Je peux pas la laisser peu importe à quel point j’ai envie de me barrer à l’autre bout du monde Zoya ! » Il en est incapable et cela le terrifie, car il ne veut pas s’attacher à cet enfant, dépendre de cet enfant et que cet enfant dépende de lui. Il est bien plus heureux à fuir ses problèmes et à ne se soucier que de son bonheur.
Début janvier 2022. « Je sais pas Zoya. J’en sais rien. Je te connais pas. Comment je peux te croire quand j’ai aucune preuve de ça ? ». Il a raison, il n’a pas fait partie de leurs vies pendant ces dix derniers mois, il ignore comment elle a pu se comporter avec leur fille, et ne peut que se contenter de la croire sur paroles. Mais cette confiance est bafouée quand elle l’a laissé à l’écart et ne l’a pas inclus dans leur vie et quand, tout simplement, ils ne se connaissent pas. Elle l’a tenu à l’écart du fait de ces préjugés qu’elle peut avoir à son égard, celui d’un acteur qui a mauvaise réputation dans les magazines à scandales et parce qu’elle garde l’image du Freddy Mulligan odieux qu’elle a confronté en janvier dernier, prête pourtant à passer aux aveux sur sa paternité. « Quand la seule chose que je sais de toi c’est que tu m’as caché que t’étais enceinte et que tu m’as laissé ta gamine dans les bras comme si elle était rien ? Tu me juges sur tout ce que tu vois de moi des médias et bah moi je te juge sur les deux trucs que tu m’as montrés ». Ils s’arrêtent tout deux à leurs préjugés, ne cherchent pas à aller au-delà et c’est ce qui rend la tâche si difficile. Celle où l’un des deux acceptera de baisser les armes, acceptera de faire des concessions et d’écouter l’autre pour peut-être trouver une solution qui satisfera tout le monde. Mais le dialogue semble impossible entre eux deux, entre deux bornés qui cherchent à tout prix à avoir le dernier mot. Zoya laisse échapper un soupir alors qu’elle ne sait que lui répondre quand il a juste… raison.
« J’suis pas prêt à être père. J’ai jamais voulu l’être putain. Tu crois que je sais pas qu’une gamine mérite mieux que moi comme père ? ». Les mots la frappent alors qu’elle est désormais postée devant lui et elle a ce mouvement de recul léger, ses sourcils se fronçant face à l’affirmation « Que je serais un père pitoyable ». Ce n’est pas elle qui le lui dit cette fois quand pourtant c’est l’opinion qu’elle a encore aujourd’hui sur lui et qui l’a poussé aux mensonges à son égard. Ses mots n’ont rien de rassurant d’ailleurs, et lui font davantage regretter ce choix stupide qu’elle a fait un mois plus tôt, celui de croire qu’il serait mieux qu’elle pour s’occuper de leur fille. « Tu m’as pas laissé le choix putain. Tu lui as pas laissé le choix ». Elle baisse le regard, honteuse, consciente qu’elle n’a laissé le choix à personne alors qu’elle a décidé de son propre chef. Finalement, elle est seule coupable de cette situation et c’est peut-être pour ça qu’elle ne parvient pas à ressentir de la colère alors qu’il l’accuse de tous les maux, les siens mais aussi celui de leur fille…
« Elle mérite pas ça ». C’est son estomac qui se noue davantage face à la véracité des propos de Freddy. Il a raison, terriblement raison, elle le sait déjà suffisamment Zoya, Chloe ne mérite pas une mère comme elle, tout comme elle ne mérite pas un père comme Freddy qui est loin d’être un exemple parfait dans cette catégorie. Ils ne sont pas faits pour ce rôle, ils ne valent pas mieux autant l’un que l’autre et le constat est frappant. Ils font preuve d’une telle immaturité et d’un égoïsme tel que Chloe mérite clairement des parents bien mieux qu’eux deux. Surtout qu’ils prouvent qu’ils sont incapables de s’entendre et lui font subir leurs choix quand elle n’a strictement rien demandé. Lui en la privant de sa mère, et elle en l’ayant abandonné lâchement, et ça a plusieurs reprises… C’est une Zoya qui baisse alors le regard face à ce constat qu’il fait et qu’elle ne peut contredire, la tristesse s’emparant d’elle alors que son cœur se serre davantage.
« Tu m’as pas laissé le choix et maintenant elle a presque un an et je peux pas la laisser tu comprends ça ? ». Zoya relève le regard alors qu’elle détecte dans les mots du Mulligan un attachement à Chloe. A leur fille. Et peut-être que cela la rassure quelque part parce que si lui peut lui reprocher ignorer comment elle peut être dans son rôle de mère, en la tenant éloigné de sa fille et surtout en ne lui donnant pas de nouvelles à son propos, elle ne peut savoir comment il est, lui, dans son rôle de père. Alors, elle aussi doit se contenter de le croire sur parole. Mais, ce qui la frappe davantage c’est ses yeux humides et ses larmes qu’il tente de camoufler. Il est bien trop toucher par tout ça et Zoya s’en rend compte, même si elle n’en saisit pas les raisons. Et c’est peut-être ce qui marquera le début d’un apaisement de son côté en tout cas, car le voir ainsi la touche malgré tout. « Parce que ça fait trois semaines que j’ai qu’une envie prendre un avion et me casser à l’autre bout du monde, faire la fête jusqu’à ce que j’oublie que je vais être lié à toi et à cette gamine pour le reste de ma vie ! ». Ils sont similaires. Le constat est probant à cet instant par les mots qu’il prononce et c’est tout ce que Zoya retient, bien qu’il exprime clairement ne pas vouloir être rattaché à elle et Chloe… « Je sais ce que c’est Freddy… » laisse-t-elle alors échapper dans un murmure, sur un ton qui se veut calme, son regard planté dans le sien. Elle est passée par là, par cette sensation, plus d’une fois et il le sait très bien puisqu’elle est passée à l’acte quand, lui, ne l’a pas fait… pas encore tout du moins « Je peux pas la laisser peu importe à quel point j’ai envie de me barrer à l’autre bout du monde Zoya ! ». Elle acquiesce alors que des larmes perlent à son tour sur ses joues, comprenant plus que quiconque ce qu’il peut ressentir. « J’ai cru que c’était la meilleure solution… » avoue-t-elle alors, honteuse « Mais je me suis trompée, Freddy. Je me suis plantée, royalement ». Passer aux aveux lui coûte, beaucoup, alors qu’elle s’approche de lui « C’est la pire erreur que j’ai pu faire… Elle me manque… Elle me manque cruellement ». Son sourire, son regard d’un bleu perçant que lui rappelle Freddy à cet instant alors que leurs regards se croisent et qui lui fait ressentir un pincement de plus au cœur. Ses gazouillis et même ses pleurs lui manquent quand l’absence se fait bien trop ressentir depuis qu’elle est revenue, un quotidien qui n’a plus la même saveur sans elle. Les larmes se font plus nombreuses, elle étouffe difficilement ses sanglots et pourtant poursuit « Je ne te demande pas de la laisser, Freddy… » La pause est nécessaire pour reprendre le dessus et se calmer, après un profond soupir « Je te demande de me laisser reprendre ma place de mère… ». Elle le supplie alors qu’à nouveau elle trouve le courage d’affronter son regard « Et je te promets que je ne te laisserai plus à l’écart … tu fais partie de sa vie désormais… Tu as sa place auprès d’elle… ». Elle marque une pause supplémentaire « Elle a besoin de nous deux… », plus que jamais et surement qu’ils ont besoin aussi de s’épauler l’un l’autre, mais le reconnaitre serait déjà un grand pas pour eux qui ne pense même pas à cette nécessité.
Zoya ne lâche pas le regard de Freddy, espérant que ses mots vont lui faire entendre raison, quand elle a l’impression que le sol se dérobe sous ses pieds, tant elle ne supporte plus l’absence de sa fille dans sa vie. « Je t’en supplie, Freddy… Laisse-moi retrouver Chloe… ». Son regard est suppliant tout comme le ton qu’elle emprunte, alors que les larmes reviennent à la charge.
« Je sais ce que c’est Freddy… »Elle savait et il devrait l’écouter, comprendre qu’ils n’étaient pas si différents elle et lui et que si quelqu’un pouvait comprendre ce qu’il ressentait aujourd’hui c’était elle qui n’avait pas les épaules assez larges pour être mère.
« J’ai cru que c’était la meilleure solution… Mais je me suis trompée, Freddy. Je me suis plantée, royalement C’est la pire erreur que j’ai pu faire… Elle me manque… Elle me manque cruellement ». Il ressentait la honte dans son ton, mais ne parvenait pas à se défaire de sa colère. Comment avait-elle pu croire que c’était la meilleure solution ?
« Je ne te demande pas de la laisser, Freddy… » Mais Chloe aurait-elle encore besoin d’un père comme lui quand elle retrouverait sa mère ? N’était-il pas qu’un simple inconnu ? « Je te demande de me laisser reprendre ma place de mère… » Il détourna le regard en voyant les larmes roulaient de plus belle sur ses joues, en entendant les sanglots dans sa gorge. Quelle était sa place de mère quand elle avait laissé son enfant dans les bras d’un inconnu ?
« Et je te promets que je ne te laisserai plus à l’écart … tu fais partie de sa vie désormais… Tu as sa place auprès d’elle… ». Il ferma les yeux une demie seconde pour forcer les larmes à disparaître, pour reprendre le contrôle de ses émotions. La panique était bien trop présente. Non il n’avait pas sa place, non il ne serait pas un bon père. Et qu’est ce qui l’empêcherait de le mettre à l’écart une nouvelle fois ? Ou bien qu’est ce qui lui prouverait qu’elle ne laisserait pas Chloe une nouvelle fois à la prochaine difficulté. Il n’avait pas confiance, prisonnier de ses préjugés qui empêchaient toute communication entre eux.
« Elle a besoin de nous deux… » Il secoua la tête. Non elle n’avait pas besoin d’eux deux. A vrai dire il avait le sentiment que Chloe aurait été sans doute mieux sans Zoya et sans lui, qu’ils feraient pire que mieux.
« Je t’en supplie, Freddy… Laisse-moi retrouver Chloe… » Il savait qu’il avait tort. Profondément viscéralement. Il savait que la priver de sa fille quand elle avait commis une seule erreur, quand elle était revenue, serait quelque chose qui ne pourrait que mal finir. Elle n’avait pas encore appelé les flics, mais il voyait déjà l’esquisse du tribunal se dessinait au loin. Il aurait dû lui rendre, quand il se sentait flancher plus les secondes passaient, son regard humide ne lâchant pas le sien, alors que son cœur battait trop douloureusement, alors que son empathie prenait malgré tout le dessus sur la colère qu’il ressentait.
Mais en cet instant il était trop fier, bien trop fier pour accepter, bien incapable de laisser tomber les armes pas quand elle aurait dû être la coupable de cette histoire. Celle qui avait menti et qui lui avait laissé un enfant. Celle qui n’avait pas assumé son rôle de mère et qui maintenant s’en mordait les doigts. Oui il était trop fier pour admettre que peut être qu’elle avait raison, que Chloe avait besoin de sa mère, que Zoya éatit une bonne mère.
C’est sa fierté qui le fit reculer alors que son visage se ferma, toute émotion disparaissant aussi vite qu’elles étaient apparues. Il avait tort et au fond le savait parfaitement. Mais Freddy était fier et Freddy avait peur et il n’était pas prêt à l’admettre. Alors il secoua la tête, reculant d’un pas puis de deux. « Non. T’es pas une bonne mère. Tu l’as laissée. » Les mots étaient durs trop durs, mais surtout ils sonnaient faux quand il n’était pas en mesure de juger, quand elle lui avait prouvé aujourd’hui et les fois précédentes qu’elle souhaitait réellement retrouver sa fille. « Reviens plus chez moi Zoya. C’était une erreur de venir. » Il se sentait sur le point de craquer et c’est pour ça qu’il fit soudainement demi-tour, lui tourna le dos sans un regard et s’échappa loin des mots de Zoya qui ne cessaient de raisonner dans son esprit. Il avait tort, terriblement tort et le pire était sans doute qu’il en était parfaitement conscient.