| White wine in the sun [Jake / Muiredach #1] |
| | (#)Jeu 6 Jan - 4:12 | |
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11 décembre 2021 Dans un peu moins de quatorze jours, je célébrerais Noël pour la quatrième fois consécutive au boulot. Ce que je n’avais jamais fait avec mes enfants. J’avais toujours fourni des efforts monstrueux pour m’assurer que mes enfants puissent bénéficier de cette période des fêtes magiques. Il était certain que le 25 décembre quand je serais en train de bosser, j’aurais une nette pensée pour mes enfants. Il y aurait naturellement cet appel du samedi soir, qui resterait fort probablement sans aucune réponse. Et même si je savais que mes enfants étaient définitivement rendus trop grands pour que je puisse les acheter à grand coup de cadeaux, je ne me voyais pas oublier de leur donner des présents pour mettre sous le sapin. Sauf que le problème, c’était qu’en quatre Noëls offrir des cadeaux qui seraient adaptés à leurs goûts était de plus en plus difficile. J’avais pourtant respecté la tradition que j’avais toujours suivie (comme si je n’étais pas assez prévisible). Deux livres pour chacun de mes enfants seraient naturellement emballées. Et ça avait été plus ou moins facile de les choisir, même si bon, je n’avais pas vraiment un moyen de savoir si ça leur plairait vraiment.
Je ne voulais pas simplement laisser deux bouquins sur le pas de la porte. J’aurais naturellement pu tenter d’appeler mon ex. Honnêtement, je préférais aller sur mon cardiologue que de parler pendant quinze minutes avec mon ex pour savoir les intérêts de mes enfants. La solution avait alors été bien simple : Le Queen Street Market les petits artisans locaux qui sauraient sans doute me fournir quelque chose qui m’aideraient sans doute à trouver un petit complément, une petite pensée pour mes enfants qui au moins les feraient sourire.
La foule éparse me permettait de m’attarder dans certaines des boutiques et je me retrouvais bien vite dans une boutique de produits pour le corps dont les produits semblaient particulièrement intéressants, mais l’odeur était définitivement étouffante. Je ralentis le pas devant des produits à la vanille pour me faire aborder par une demoiselle de vente dans la jeune trentaine qui semblait bien trop heureuse de le lire « Oh! Je vois que vous êtes intéressé par nos produits pour le corps à la vanille. Ils sont véritablement faits en infusant des gousses de vanille malgache. Très plaisant pour une femme. » Je figeais pendant un bref instant. Ma grande avait bien beau avoir 25 ans et correspondre trait pour trait à une femme, ça me donnait quand même un coup de vieux de me faire dire que ce genre de parfum correspondait à celui d’un adulte. Je bafouais donc en reculant : « Oui… euh… non. Je ne crois pas que cela conviendrait. » et je sortis de la petite boutique en accrochant quelqu’un.
Instinctivement, j’échappais un « Pardon. » avant de croiser brièvement le visage oh combien familier du propriétaire du corps que je venais d’accrocher. Il me revient en tête ces trop nombreuses fois où j’avais fait envoyer ses appels sur ma boîte de messagerie parce que je bossais… ou si je voulais être honnête parce que je n’avais aucune envie de parler du désastre qu’était ma vie en ce moment avec mon plus vieil ami. Je n’avais pas vraiment le choix non? Je ne pouvais pas faire comme ce que j’avais fait depuis les 31 derniers mois et le repousser (comme j’avais fait avec trop de mes proches) en reconnaissant ma qualité d’ami en carton. Je me raclais la gorge pour venir dire : « Jake. Oh. Ça fait longtemps. Je jure que je voulais te rappeler. » J’étais un menteur de merde. Une saleté de menteur. Je me mordis la lèvre intérieur et continuais avec une question dont je ne voulais pas la réponse « Tu vas bien? » @Jake Vaughan |
| | | | (#)Dim 23 Jan - 5:41 | |
| Les rues commerçantes sont encore plus belles en cette période de fêtes. Les décorations sont plus ou moins les mêmes, tous les ans, mais plaisent toujours autant à Jake. Il aime sortir en ville et se promener seulement pour les admirer. Sans penser à acheter quoi que ce soit, sans chercher quelque chose en particulier : juste admirer la vue, les illuminations : l’esprit de Noël. Il est toujours là, chaque année, peu importe ce qu’ont vécus les uns et les autres au cours de l’année. S’il doit faire un bilan annuel, Jake pense avoir passé une belle année. Elle a démarré normalement et s’est terminée d’une manière inespérée : lui qui désespérait de ne pas avoir de famille à l’approche de ses cinquante ans a finalement hérité d’un fils. Il savait son existence, il n’avait simplement pas le droit de s’y mêler. Jusqu’à l’appel du centre de soins, jusqu’à sa décision sur un coup de tête, jusqu’à toquer à sa porte. Désormais, Melchior vit chez lui pour une durée encore indéterminée. Il a pu s’expliquer avec son ex petit ami et lui expliquer les raisons de leur rupture – sortie de nulle part, à l’époque – et se concentrer davantage sur l’homme qui l’intéresse. Oui, cette année a été belle et non, 2022 ne l’effraie pas. Il y voit de l’amour, de la reconnaissance, de la bienveillance. Tout ce qu’il a eu cette année, donc, en plus intensifié, sur une plus longue durée. C’est perdu dans ces pensées-là qu’il ne voit pas l’homme qui sort d’un magasin, sur sa droite, et qui lui rentre dedans. De quoi faire reculer l’infirmier de deux pas, qui s’empresse de regarder dans la direction de l’individu pour s’assurer qu’il n’y ait eu aucun dommage : la droite, il se la prend de manière imagée. C’est Muiredach. Il ne l’avait pas vu depuis… trop de temps pour véritablement compter. « Pardon. Jake. Oh. Ça fait longtemps. Je jure que voulais te rappeler. Tu vas bien ? » Il a l’air aussi surpris que lui, sûrement gêné également : s’il n’y a plus eu de nouvelles d’un côté, Jake, lui, a essayé d’en prendre régulièrement. Il ne lui en veut pourtant pas, loin de se dire qu’il faut passer le plus clair de son temps avec quelqu’un pour nourrir l’amitié. Tant que les sentiments affectifs restent au cours des années, ça lui suffit, à l’infirmier. « Je n’ai pas essayé de prendre de nouvelles depuis quelques semaines. » Il dit ça pour essayer de dédramatiser la situation et ne pas tout mettre sur le dos de son ami qui, semblerait-il, préfère s’enfoncer dans des mensonges qu’admettre avoir eu besoin de respirer pour lui, sans être entouré. « Je vais bien. Même très bien. Et toi, qu’est-ce que tu deviens ? » Il lui demande avant de regarder autour de lui, puis de regarder le magasin duquel est sorti le quarantenaire. « Tu faisais des achats ? Tu veux que je t’accompagne ? On aura le temps de rattraper le temps perdu, en même temps. » De quoi engager une discussion tout en rentabilisant son temps. « Je ne faisais que de me promener, personnellement. » Il a déjà fait ses achats de Noël et pour les manquants, il ira courir dans tous les sens le vingt-quatre. « Qu’est-ce que tu recherchais ? » Il connaît peut-être les magasins idéaux selon les recherches. Jake connaît cette ville comme sa poche et a, habituellement, toutes les adresses enregistrées. S’il le voulait, il pourrait se reconvertir en GPS. |
| | | | (#)Lun 31 Jan - 3:13 | |
| Je ne suis pas certain de bien comprendre les raisons qui m’ont poussé aussi fermement à repousser toutes les personnes qui me sont proches depuis l’affaire Hemingway. Jake était pourtant mon plus vieil ami, une de ces rares personnes qui toléraient l’ensemble de mes rigidités, de mes limites. De cette rentrée scolaire de mes quinze ans à aujourd’hui, il y avait quoi? Presque trente-cinq ans d’amitié. Assez pour accorder aveuglément sa confiance en l’autre en un sens. Pas assez en même temps. J’aurais dû quand le sol de mon univers avait commencé à se dérober sous mes pieds me retourner vers lui. J’aurais dû chercher sa présence, plus lumineuse et moins morose que la mienne, pour contrebalancer le trou noir dans lequel j’avais commencé à m’enfoncer quand j’étais entré dans le bureau de mes supérieurs pour prendre entier le blâme de la bavure.
Mais non. Je m’étais plutôt laissé sombrer. Et puis Jake justement me connaissait trop bien. Même s’il n’était pas le genre de personne qui jugeait, il aurait nécessairement fini par comprendre des choses ou pire encore par poser des questions dérangeantes dont je ne voulais pas dire les réponses à voix haute. Parfois, simplement parce que je ne les avais pas ces réponses. Je vivais dans cet univers de « si » dont les réponses n’étaient pas celle que je voulais. S’il apprenait que j’étais malade, il voudrait sans doute que je me soigne.
La solution facile? Le fuir… tout simplement. Les fuir tous… … sauf ceux qui peuvent donner un aperçu sur la vie de mes enfants, comme Cisco et la petite Suárez.
Bref, j’avais une certaine vague de honte de ce comportement enfantin que j’avais. Ne pas renvoyer des appels pendant des semaines en espérant presque que Jake en oublie ma présence. Visiblement, le karma se chargeait de m’ancrer les deux pieds dans la réalité. Parce que mon plus vieil ami semblait déterminé à fermer les yeux sur ce silence radio de ma part. Je déglutis lentement pourtant en admettant : « J’aurais quand même aussi pu faire un effort. » Parce qu’une amitié, ce n’était pas un chemin à sens unique à la fin. J’avais aussi ma responsabilité (et une tendance nette à les assumer mes responsabilités dans les échecs de ma vie sociale. Je n’avais jamais vraiment été très doué pour me faire des amis. Parce qu’il y avait trop de règles à respecter et qu’elles n’étaient ni claires ni constantes.
Ce qui en venait à l’inévitable question sur mon état, question à laquelle je n’avais pas envie de répondre. Technique numéro 1 d’évitement : comme un magicien, rediriger l’attention sur lui après un bref « Je m’en tire. » qui en cachait bien plus que ce que je voulais admettre, enchaîné avec un « Qu’est-ce qui fait que tu vas si bien? ». En espérant qu’il ne cherche pas à gratter un peu pour découvrir ce qui se cachait sous le « s’en tirer ». J’étais en mode survie.
Je jetais un coup d’œil vers la boutique dans laquelle je n’avais pas l’intention de remettre les pieds et je soupirais. « Ça serait peut-être apprécié. Ça devient difficile de trouver des cadeaux pour Isla et Alistair. Ils vont recevoir des livres… Je ne te surprends pas. Mais je ne veux pas leur donner que ça. Cependant… disons qu’on ne se parle plus beaucoup et… » Mon dieu que je me montrais pour une rare fois loquace. Je baissais les yeux, gêné par l’aveu que je ne connaissais même plus assez mes propres enfants pour leur offrir quelque chose de personnaliser. Le restant de la phrase prise dans ma gorge |
| | | | (#)Mar 1 Fév - 0:41 | |
| « J’aurais quand même aussi pu faire un effort. » Oui, il aurait pu. Mais Jake n’a pas l’intention de le blâmer ou de le lui dire. Il ne pense pas que les amitiés ont besoin d’être nourries constamment pour continuer d’exister. Muiredach – et n’importe qui d’autre – pourrait disparaître durant des années et réapparaître en plein milieu de la nuit que Jake ouvrirait ses portes et ferait comme s’il n’y avait eu que quelques heures entre les retrouvailles et le dernier échange. L’infirmier lui-même trouve cette aptitude étrange. Elle est différente en amour : il a besoin de quelque chose de constant, lorsqu’il est amoureux. En amitié, il peut donner sans recevoir, cela lui importe peu. Ses amis font appel à lui quand ils ont besoin de rire, de pleurer, de tuer le temps ou de déménager. Qu’importe la raison, qu’importe le pourquoi, qu’importe que ce soit motivé ou non : il est là pour eux. « Ce n’est rien. » Il le répète pour que son ami l’intègre : il aurait pu, il ne l’a pas fait. Et alors ? Jake lui demande comment il se sent, à son tour, après lui avoir dit que tout allait très bien de son côté. « Je m’en tire. Qu’est-ce qui fait que tu vas si bien ? » Il fronce les sourcils sur la première réponse, se positionne plutôt sur la question. « Mon fils vit avec moi. Je t’avais raconté l’histoire avec Adélaïde, j’ai fini par le rencontrer. Il a eu quelques soucis avec sa petite amie et a décidé de rester chez moi, depuis novembre. La cohabitation se passe très bien. » Jake a toujours dit à Muiredach rêver d’avoir un enfant, même s’il avait décidé de ne pas assumer – avec la complicité de son amie – l’enfant qu’ils ont conçu ensemble. Bien des années plus tard, Jake a finalement pu rencontrer ledit enfant et est aujourd’hui très proche de lui. « Tout va pour le mieux de mon côté, donc. Mais toi, tu t’en tires ? » Il pose la question sans pour autant creuser. Il veut qu’il lui explique mieux, oui, mais il n’a pas envie d’insister. Il parlera lorsqu’il sera prêt à le faire. Ils sont tombés l’un sur l’autre par hasard, son ami ne l’a pas appelé exprès pour lui donner des nouvelles. S’il n’y avait pas eu cette rencontre au milieu de la rue, peut-être n’auraient-ils pas parlé avant bien des semaines encore. Il préfère ne pas y penser et lui demande si son ami a besoin d’aide pour ses cadeaux, vu qu’il semble en train de faire des achats. « Ça serait peut-être apprécié. Ça devient difficile de trouver des cadeaux pour Isla et Alistair. Ils vont recevoir des livres… Je ne te surprends pas. Mais je ne veux pas leur donner que ça. Cependant… disons qu’on ne se parle plus beaucoup et… » Il baisse les yeux, Jake devine le reste. « Ils sont gourmands ? » Il demande. « Parce que généralement, la nourriture fait toujours plaisir à être offerte. Ou un soin dans un institut, pourquoi pas. » Quelque chose qui n’est pas matériel, donc, et qui est pour soi. On ne peut pas se tromper quand on offre du temps et de l’attention à quelqu’un. « Et si tu veux leur offrir un objet, fouille dans tes souvenirs. Trouve quelque chose qui vous lie. Animer la mémoire est parfois un beau cadeau, une aide précieuse pour reprendre contact et renouer le dialogue. » Il ne sait pas vraiment pourquoi il ne parle plus à ses enfants, mais il sait que ça le rend malheureux. « Je te suis où tu veux aller, dis-moi seulement quelle catégorie t’intéresse le plus. » Nourriture, soins, souvenirs ? C’est à lui de choisir, non à Jake.
@Muiredach MacLeod |
| | | | (#)Dim 6 Fév - 9:15 | |
| Devenir parent pouvait profondément changer quelqu’un. Je m’étais découvert une patience pour mes enfant dont je n’avais pas l’habitude de faire preuve. J’avais toléré des phrases interminables de leurs premières années et leur vitesse différente pour marcher et courir. J’avais répondu aux mêmes questions en boucle des milliers de fois. J’avais tenté de faire de mon mieux pour les élever avec des valeurs qui étaient mienne : honnêteté, droiture et respect. Dans les faits, certaines de ces valeurs semblaient en avoir pris pour leur rhume dans mon divorce même si elles me faisaient encore avancé.
Je savais que Jake était devenu père des années plutôt. Enfin, père en un certain sens. Je n’étais pas certain d’avoir entièrement compris les tenants et aboutissants de sa relation avec Adélaïde. Comme bien des relations interpersonnelles ça me semblait… complexe à comprendre. Je sais que je n’aurais pas été capable de faire un enfant avec quelqu’un pour ne pas le voir grandir et franchir toutes ces étapes importantes. Mes enfants n’en avaient presque plus des premières fois importantes à franchir quand mon mariage avait volé en éclat. Et je trouvais quand même à me demander constamment comment ils allaient, ce qui se passait dans leur vie, s’ils manquaient de quoi que ce soit.
J’étais donc fort heureux que mon ami ait enfin la chance d’apprendre à connaître son garçon. Et, faisant preuve de civisme, je m’intéressais à ce qui l’avait mené là : « C’est formidable pour toi d’avoir enfin la chance d’apprendre à le connaître. Il a quel âge déjà ? Je suis certain que tu dois être un père exceptionnel. » Il avait toujours eu cette grande intelligence émotionnelle qui m’aurait sans doute été utile pour raisonner mes enfants du temps où ils étaient petits et que les sautes d’humeurs qui jalonnait le doux passage du temps vers la vie adulte : des crises de colère à la douce rébellion de l’adolescence que je n’avais pas réellement vécu mai.
Tout ça pour en venir au fait qu’il revint sur ma réponse évasive sur laquelle ne n’avait pas nécessairement envie de m’épandre sur le sujet. « Je travaille probablement un peu trop mais ça me va. » Si je le répétais assez souvent que ça m’allait, que l’état actuel de ma vie m’allait… Je finirais peut-être par y croire et par ne plus avoir peur.
Quoi que sa seule présence fît que je m’ouvrais presque autant que les rares fois où Sisco réussissait à me tirer hors du poste pour me faire parler un peu. Preuve de ça, l’espèce de discours que je laisse échapper lorsqu’il me demande ce que je cherche dans ma tournée des magasins si près de Noël. Mais je ne regrette pas d’en avoir dévoilé autant. Je suis à court d’idée puisque je n’ai jamais été particulièrement doué dans le fait de trouver les présents pour qui le mérite. Les deux premières suggestions me touchent. La troisième par contre me fait un peu plus sourciller. Des souvenirs ? De plus de trois ans. Je n’ai jamais été très fort sur les photos et je le regrette un peu. J’avais des vagues souvenirs de mes enfants dans des sentiers de randonnés, de coucher de soleil teintés de leur rire… mais pas beaucoup qui pouvaient être redonner. Et puis, il y avait la colère. Je secouais donc la tête : « Il faut attendre que leur colère se calme pour qu’ils acceptent de rétablir le contact. Ils n’acceptent pas encore ce qui s’est passé entre leur mère et moi. » Je déglutis lentement, gardant sous silence les différents appels que j’avais eu avec eux. « Donc je ne crois pas que d’offrir un souvenir soit une bonne option. » Je passais une main, plus nerveux que ce que je voulais dans ce fond de barbe mal rasé. Je me négligeais probablement un peu. « Par contre, Alistair était gourmand la dernière fois que je l’ai vu. Mais c’était peut-être l’adolescence. Je commencerais donc par ça. » Il avait toujours été moins difficile d’un point de vue alimentaire que moi. « Tu bosses toujours à l’hôpital ? » demandais-je. @Jake Vaughan |
| | | | (#)Dim 27 Fév - 5:31 | |
| « C’est formidable pour toi d’avoir enfin la chance d’apprendre à le connaître. Il a quel âge déjà ? Je suis certain que tu dois être un père exceptionnel. » Un père exceptionnel n’aurait jamais accepté de concevoir un enfant pour l’abandonner ensuite. Et si Melchior ne le lui reproche pas, si ce dernier n’a jamais manqué de rien, ça reste dans les pensées de Jake constamment. Quand il le regarde manger, quand il l’observe se préparer, quand il l’écoute lui parler : il se demande où et comment il a appris toutes ces choses. Ses premiers pas, ses premiers mots, ses premières blessures, ses premiers exploits ; ils auraient dû être deux à les partager avec lui, sa mère et son père. En respectant les volontés de sa meilleure amie et en s’enfonçant dans son travail, il l’a privé de ça. Il dit avoir fait avec et ne pas lui en vouloir, c’est vrai – et jusqu’alors Jake ne s’en voulait pas non plus. Mais les temps ont changé et Jake va souffler sa cinquantième bougie ; il n’y a personne pour l’applaudir, si ce n’est ce fils qu’il n’a jamais connu. Il aurait peut-être moins ressassé le passé s’il avait su construire sa propre famille, après la naissance de Melchior. Avec des si on refait le monde, et celui que Jake imagine est plus qu’idéalisé. « Vingt-cinq ans. » Il répond finalement. « La moitié de mon âge, tu te rends compte ? J’étais aussi grand que lui quand j’ai accepté de le concevoir. » Il espère de tout son cœur que son fils ne refera pas la même erreur. Et s’il doit avoir un enfant, il aimerait qu’il apprenne à le connaître, qu’il ne laisse pas la mère de celui-ci lui envoyer des photos de temps en temps. Ne pas assumer son propre sang, ça n’a pas le moindre sens désormais, pour Jake. « Je ne pense pas être exceptionnel. J’espère être à la hauteur de tout ce qu’il a pu s’imaginer en étant petit. » Parce que les enfants ont cette capacité d’imaginer tout et n’importe quoi, lorsqu’on ne leur précise pas exactement ce qu’il en est. Jake n'a jamais perdu cette aptitude, en grandissant : il continue de s’emporter, toujours plus haut et toujours plus loin, quand il n’est pas sûr de ce qui l’attend. C’est comme ça qu’il a déjà tracé tout son parcours de vie avec Marcus, avant même que ceux-ci ne partagent leur premier baiser. Assez parlé de Melchior et de lui, Jake préfère encore poser une question sur l’état de santé de son ami. Si les deux hommes ne se sont pas vus et entendus depuis autant de temps, c’est parce que l’inspecteur a préféré mettre une distance entre eux. Il cherche une justification quelque part et, déformation professionnelle, c’est sur sa santé qu’il se penche en premier. « Je travaille probablement un peu trop mais ça me va. » Ah, ça. « Je ne peux pas te blâmer. » Jake est marié à son travail. Il porterait une alliance gravée au St Vincent Hospital si celui-ci lui en avait offert une, clairement. « Mais fais attention à toi quand même. » Une surcharge est vite arrivée et, par la suite, c’est le burn out qui guette. Il a déjà vu des gens arriver aux urgences, déshydratés ou juste désorientés, parce que le travail avait pris le dessus sur tout le reste. Et après cette piqûre de rappel, Jake essaie de trouver des idées pour les cadeaux qu’il doit faire à ses enfants. S’il connaît très bien Isla, il est un peu moins proche du fils de Muiredach. Mais dans tous les cas, il ne peut pas lui mâcher totalement le travail : il donne des pistes, balance des thèmes, n’ira pas lui acheter le cadeau à sa place. « Il faut attendre que leur colère se calme pour qu’ils acceptent de rétablir le contact. Ils n’acceptent pas encore ce qui s’est passé entre leur mère et moi. » Tout ce qui se passe dans une famille peut être compliqué. Jake n’a pas l’intention de pointer qui que ce soit du doigt. Il y a toujours plusieurs versions à une histoire, et plusieurs réactions à chacune de ces versions. « Donc je ne crois pas que d’offrir un souvenir soit une bonne option. Par contre, Alistair était gourmand la dernière fois que je l’ai vu. Mais c’était peut-être l’adolescence. Je commencerais donc par ça. » Il hoche son visage. « La nourriture ne peut que plaire. Si tu connais un minimum ses goûts et ses convictions, lance-toi. Je t’accompagne. » Les coffrets dégustations sont toujours une bonne idée. « Tu bosses toujours à l’hôpital ? » La question est étrange car la réponse est évidente. « Bien sûr. La retraite est encore loin. » Et même lorsqu’elle pointera le bout de son nez, Jake n’en voudra pas. « Je n’imagine pas faire autre chose. » Il est infirmier aux urgences depuis des décennies et compte bien battre le record de longévité de l’hôpital. C’est un chirurgien qui le détient actuellement. Jake est souvent complimenté pour ses traits et cette impression que le temps n’a aucun effet sur lui : à 90 ans, il sera toujours là pour accueillir ses patients. « Pourquoi, tu as besoin de quelque chose ? » Il peut lui organiser un rendez-vous en quelques secondes, s’il a le moindre problème ou la moindre question à poser à un professionnel de santé. |
| | | | (#)Lun 7 Mar - 13:15 | |
| Ce que je voulais dire quand j’affirmais que Jake avait l’étoffe d’un bon père, c’était qu’il avait de multiples qualités nécessaires pour qu’un enfant lui ouvre ses bras et son cœur. Beaucoup de qualités que je n’avais pas nécessairement : il accueillait les autres à bras ouverts, savait se montrer doux, patient et généreux. Il savait prendre soin des autres sans jugement aucun. Autant son métier que la manière dont il m’avait accueilli à nouveau à l’instant (malgré mon silence des derniers mois) en étaient des exemples criants de vérité. Pour ma part, mes enfants avaient su faire ressortir partiellement ces qualités et ce cœur que je cachais probablement un peu trop au fond de moi. Ils avaient toujours été mon point faible : même à Alistair, cet enfant turbulent et énergétique, j’aurais donné le bon Dieu sans confession.
Au fond de tout, nos enfants nous en apprenaient presque autant que nous. Et les miens étaient en train de me donner toute une leçon de patience. On avait beau avoir été présent pour tous ces moments que Jake regrettait d’avoir raté avec son fils, ça ne changeait pas qu’ils pouvaient encore nous surprendre. J’eus un de ces rares éclats de rire lorsqu’il s’étonna que son fils avait la moitié de son âge, l’âge qu’il avait quand il était conçu. Je ne pouvais pas m’empêcher le parallèle avec ma fille du même âge. « Je sais. Ça donne tout un coup de vieux. Je suis passé par là cette année. Al a eu dix-huit ans cette année et Isla vingt-cinq. Le coup de vieux de savoir que ma fille a presque la moitié de mon âge et que mon fils peut aller dans un bar. » Je me rappelais encore ce message que j’avais laissé sur la boîte de message de mon fils pour son anniversaire. Ça m’avait tellement semblé confus, parce que mon cadet était maintenant un homme libre de ses choix. Et je m’étais senti vieux. Si vieux.
Et si incompétent. Quand on regardait l’état de ma vie familiale dans les trois dernières années (presque quatre), je pouvais vraiment me permettre de penser que d’être présents quand ils étaient petits n’était pas suffisant. « Pour qu’il se retourne vers toi, il faut quand même que tu sois à la hauteur. Je sais que tu l’es sans doute plus que moi. » Une légère pointe d’amertume flottait dans ma voix. Je trouvais sincèrement ça super pour lui, et j’aurais vraiment payé cher pour avoir la même chance que lui.
Et la conversation découla vers la santé indirectement, plus vers comment j’allais d’une manière plus directe. Et j’esquivais la question. « T’inquiète… Je prends un peu de temps pour moi. » Ô, mais quel beau mensonge blanc c’était ce que je venais d’affirmer d’une voix un peu trop rapide. Combien d’heures avais-je passées au travail? Combien de repas avais-je sautés parce que j’étais trop coincé dans une enquête pour me laisser distraire par quelque chose d’aussi futile que la plainte à demi-silencieuse de mon estomac. Ce n’étaient pas vraiment mes nombreuses heures à marcher en solitaire, à écouter de la musique ou à dévorer tout ce que je pouvais lire qui constituait réellement un « temps pour moi » acceptable. C’état faux. Il y avait aussi ces quelques soirées où après avoir préparé une comparution en cours ou discuté d’une affaire en cours, un jeu de société avait suivi avec Charlotte… Admettons que ces soirées étaient plutôt rares. Mais c’était déjà digne de mention. Je savais qu’il voulait simplement m’éviter de me retrouver en surmenage. Mais je n’allais pas lui apprendre que ce qui me guettait était un peu plus dramatique qu’un simple épuisement professionnel (même si j’en avais vu des flics surmenés prendre des mois, presque des années, avant de revenir au travail comme si de rien n’était). Il avait après tout pour mon père. Et je crois même que je l’avais croisé à l’enterrement de mon frère, même si le souvenir de cette soirée était couvert d’un bien étrange voile.
Je n’avais jamais été vraiment très aventurier d’un point de vue alimentaire. Même si bon, j’appréciais de nombreux repas. Il y avait aussi une liste interminable d’aliments que je refusais pratiquement de manger pour une raison X ou Y. J’avais au moins la chance de ne pas avoir passé ça à mes enfants. Et j’y pensais en prenant le chemin d’un kiosque. « Je ne sais pas s’il aime l’alcool, mais ça aurait été une belle touche sinon… non? Une bonne bouteille de whisky. C’était ce que mon père m’avait fait à mes dix-huit ans. » Il l’avait fait venir tout droit d’Écosse pour que ce ne soit pas de la piquette. Ce souvenir me fit sourire. Mais ce n’était pas parce que ça me rappelait de bons souvenirs que ça allait plaire.
Sur le point du boulot, Jake me ressemblait aussi terriblement. Le seul moyen pour que je quitte cet emploi serait que je meure probablement ou que je me retrouve à me rendre à la retraite. Sauf que je ne pus m’empêcher d’avoir un peu peur. Peur que mon état cardiaque n’ait pas en s’améliorant et qu’il soit l’infirmier à mon chevet. C’était peut-être pour cette raison que j’avais posé la question. Je haussais les épaules à sa question en repoussant mon inquiétude : « Non, ne t’inquiète pas. Je voulais juste savoir si tu n’avais pas plaqué l’adrénaline des urgences pour un dispensaire ou quelque chose du genre. » @Jake Vaughan |
| | | | (#)Mer 23 Mar - 6:07 | |
| « Je sais. Ça donne tout de suite un coup de vieux. Je suis passé par là cette année. Al a eu dix-huit ans cette année et Isla vingt-cinq. Le coup de vieux de savoir que ma fille a presque la moitié de mon âge et que mon fils peut aller dans un bar. » C’est encore différent pour Muiredach. Lui, il a vu ses enfants grandir. Est-ce que ce que tous les parents disent est vrai ? Est-ce qu’on ne se rend pas compte des mois qui passent, des années qui s’écoulent ? Est-ce qu’un bambin devient un adulte en un clignement d’œil ? Jake ne le saura jamais. Il n’a pas élevé son garçon et, à ce stade, il est persuadé qu’il n’arrivera plus à fonder une famille. Petit à petit – et très difficilement – il se fait à l’idée, il tente de tirer une croix sur toutes ses espérances. Devenir père était le but de sa vie. Il se l’est dit il y a quelques mois et n’a de cesse d’y penser, depuis. Il l’est avec Melchior. Ce n’est pas ce qu’il voulait, il aimerait recommencer, donner un réel sens à tout ça. Se faire appeler papa, être un modèle, suivre l’évolution de son enfant. Pas disparaître et réapparaître vingt-cinq ans plus tard, vingt-cinq ans trop tard. Non, ça ne lui ressemble pas, ça. « Ils ont l’âge d’avoir les leurs, maintenant. » C’est surtout ça qu’imaginait Jake en relevant l’âge de Melchior. Il peut prendre la même décision que lui, procréer et ne pas assumer son gamin. Jake sera là pour lui dire que c’est une grossière erreur, qu’il vaut mieux s’investir et être quelqu’un qu’accepter une place fantomatique. Il regrette la sienne, il veut tout faire pour que son fils n’ait jamais à subir ça. Mais vue ses relations amoureuses – assez compliquées – il imagine que son fils n’en est pas là. Et n’en sera pas là avant un bon moment. Devenir grand-père avant de réellement devenir père, ce serait compliqué à encaisser pour l’infirmier. Compliqué mais pas impossible, il est prêt à tout pour lui. « Pour qu’il se retourne vers toi, il faut quand même que tu sois à la hauteur. Je sais que tu l’es sans doute plus que moi. » Il ne dit rien suite à ça. Il ne veut pas se comparer à son meilleur ami, surtout sur ce sujet-là. Ils n’ont pas du tout le même parcours. Melchior n’a rien à lui reprocher parce qu’il n’était pas là. Peut-être que Jake et lui ne se parleraient plus s’il l’avait assumé dès sa naissance, qui sait.
« T’inquiète… Je prends un peu de temps pour moi. » Inutile d’insister et Jake le sait. Son ami n’est pas du genre à appeler à l’aide. La preuve en est avec ce long silence, avec ces mois sans la moindre nouvelle. Il a sa propre conception de l’amitié et seul lui est capable de dire s’il va bien ou non. Jake est infirmier mais pas devin, il ne peut pas le sonder en l’observant de haut en bas et déceler une anomalie. S’il ne veut pas en parler, c’est qu’il n’y a rien à dire. Ou alors que ce n’est pas encore le moment. Dans tous les cas, le flic ce n’est pas Jake ; il ne compte pas l’interroger plus longtemps. Les deux hommes se dirigent vers un kiosque en cherchant une idée pour Alistair, d’abord. « Je ne sais pas s’il aime l’alcool, mais ça aurait été une belle touche sinon… non ? Une bonne bouteille de whisky. C’était ce que mon père m’avait fait à mes dix-huit ans. » Jake hoche son visage. « T’as une touche, oui. » Il est plus que d’accord avec l’idée. « Déjà parce que ton père l’avait fait. Ça appelle les souvenirs, c’est ce dont je te parlais tout à l’heure. Même si ce ne sont pas les tiens et ceux d’Alistair, c’est dans la famille, ça a son importance. Et tous les garçons sont heureux de devenir des hommes face à leur géniteur, peu importe ce qu’il s’est passé auparavant. » Jake se souviendra toujours du moment où il est devenu un homme aux yeux de son père : il venait de lui en foutre une et lui a intimé de se barrer de chez lui. Il ne cherchait plus à le recadrer, il le jugeait assez grand pour qu’il s’en aille. Quel honneur. « Non, ne t’inquiète pas. Je voulais juste savoir si tu n’avais pas plaqué l’adrénaline des urgences pour un dispensaire ou quelque chose du genre. » L’infirmier a déjà pensé à ça, c’est vrai. « Je ne pense pas terminer ma carrière aux urgences. » C’est une phrase qu’il prononce pour la première fois de sa vie. « Peut-être essayer autre chose. Rester infirmier, évidemment, mais quelque chose d’un peu plus posé. J’en ai déjà bien trop vu. » Il hausse ses épaules, ne sait pas. Il a encore le temps d’y réfléchir. « Je pense qu’un bijou pourrait plaire à Isla. Un bracelet, un collier, des boucles d’oreilles. Pas quelque chose tape à l’œil. » Ce n’est pas son style, mais ça Muiredach le sait. « C’est un cadeau qui ne l’engage à rien. Elle peut autant le garder dans sa boîte à bijoux et penser à toi en tombant dessus que le porter pour se dire que tu es avec elle. Un cadeau qu’elle peut prendre le temps d’accepter sur un bon bout de temps, plutôt que juste de devoir l’encaisser là, quand tu lui donneras. Qu’est-ce que tu en dis ? » Une idée comme une autre. Jake connaît sa filleuile mais n'est pas certain lorsqu'il s'agit d'elle et de son père.
@Muiredach MacLeod |
| | | | (#)Lun 11 Avr - 3:45 | |
| La phrase de Jake résonne dans ma tête. Ma file est à l’âge d’être parent. Elle est même un peu plus vieille que l’âge à laquelle sa mère et moi l’avons conçue. Bien sûr qu’elle a l’âge d’être une mère ! Cependant, ce n’était pas parce que j’étais capable de le faire ce calcul que j’admettais la réalité de sa trentaine qui pointerait le bout de son nez beaucoup trop tôt à mon goût. Ces dernières années m’avaient fait regretté de ne pas être particulièrement doué avec les ordinateurs. Absents des réseaux sociaux depuis toujours, ce n’était pas les rares nouvelles que mon ex-femme daignait bien me donner qui allaient faire toute la différence. Il n’y avait que les rares photos prises par ma mère qui me servaient de point de repère. Aussi con que ça pouvait le sembler, ça m’aurait fait mourir un peu, une petite mort douce-amère, que de savoir qu’un de mes enfants allait devenir parent sans que je sois à leur côté.
Le but n’était pas de comparer la douleur de l’absence qui se vivait à différents moments. Jake devait réaliser ce qu’il avait manqué. Moi, je n’arrivais pas à estimer tout ce que j’étais en train de manquer : en quoi ma fille étudiait-elle? Avait-elle choisi sa spécialité? Jake le saurait probablement considérant qu’elle avait toujours été proche de lui. Mais de là à prendre mon courage à deux mains pour poser la question? Non. Comme pour beaucoup de choses relativement faciles à faire, je n’arrivais pas à me décider, à parler, à avouer que c’était en train de me ronger lentement, mais sûrement l’intérieur de la tête. La preuve se trouvait dans le fait que je trouvais complètement anxiogène d’essayer de trouver un cadeau de Noël qui ne serait pas quelque chose qui finirait dans l’oubli le plus intersidéral ou qui ne manquerait pas purement et simplement la note.
L’idée qui me traverse la tête pour mon fils fait probablement écho à ces souvenirs de mon passage dans la vie adulte qui s’est fait sans drame pour moi. En partie, car j’ai eu la chance de grandir dans une famille relativement progressiste pour l’époque avec une mère sur le marché du travail qui avait traîner de force son mari et ses fils à l’autre bout du monde pour un poste qu’elle n’avait quitté qu’à sa retraite. J’avais encore cette bouteille de whisky, vide depuis des années, bien en évidence sur une des étagères de ma bibliothèque. Je n’étais pas du genre qui m’attachait à des objets de manière générale, mais ce souvenir avec un sens précieux surtout depuis que mon père avait été emporté trop tôt. Beaucoup trop tôt par un malaise cardiaque.
Les mots de Jake me rassurent sur le fait que ça pourrait lui plaire. Un léger sourire frôle mes lèvres pendant une fraction de seconde. « Je crois en plus que je lui ai raconté cette histoire quand je l’ai appelé pour son anniversaire. Je ne sais pas s’il a écouté le message, mais bon… C’est donc réglé pour Al. » dis-je en me concentrant sur le petit kiosque qui se trouvait devant nous. Je savais que j’aurais peut-être mieux fait de la baisser ma garde et de lui parler de mes ennuis de santé. Mais je ne voulais pas lui transférer la responsabilité de ce secret. Je remettais donc à un peu plus tard cette discussion que l’on aurait en préférant m’informer de sa carrière en ce moment.
Le haussement d’épaules était désinvolte. Rester infirmier, mais quelque chose de plus posé. C’était compréhensible surtout que les urgences étaient parfois à rivaliser avec l’action au poste. « J’avoue que parfois on se lasse d’en voir de toutes les couleurs. Tu y penses sérieusement? Je peux te dire qu’après presque trois ans dans un village où il ne se passe pas grand-chose… On va me retirer de l’action uniquement à ma retraite, probablement forcée. », avouais-je avec un éclat de rire amer. Bien dans mon déni de la gravité de mon état de santé, je préférais croire que mon cardiologue trouverait la bonne combinaison de traitement médicamenteux qui ferait en sorte que je n’aurais pas besoin du défibrillateur.
L’idée qu’il me suggère pour Isla fait comme un déclic. Oui. Un bijou c’est moins envahissant qu’un parfum ou un produit pour le corps et Jake connaît bien Isla. Probablement mieux que moi depuis quatre ans puisqu’aucun mot n’a franchi ses lèvres dans ma direction depuis presque trois ans. « Je crois que c’est toi qui tiens le filon pour ça. Tu peux m’aider à le choisir? Je ne suis plus certaine de son style… » @Jake Vaughan - Spoiler:
Je m'excuse pour le délai d'attente et pour la réponse qui n'ouvre pas beaucoup je trouve.
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| | | | (#)Jeu 21 Avr - 3:57 | |
| « Je crois qu’en plus je lui ai raconté cette histoire quand je l’ai appelé pour son anniversaire. Je ne sais pas s’il a écouté le message, mais bon… C’est donc réglé pour Al. » Plus qu’un enfant à satisfaire, donc. « S’il ne l’a pas écouté, ça te donnera une nouvelle occasion de raconter cette histoire. Il pourra la posséder à son tour. » Comme un flambeau qui passe de père en fils. Peut-être qu’Alistair en fera de même, dans bien des années, avec son propre garçon. Le sujet n’est pas là et Jake ne préfère pas insister à ce niveau-là, il a bien vu que ça n’aidait pas Muiredach à réfléchir. Ses enfants peuvent devenir parents, à l’heure actuelle, mais il préfère ne pas y penser. L’infirmier le comprend parfaitement, lui non plus n’est déjà pas prêt à voir Melchior accueillir un bambin. Il ne le verra pas grandir, c’est certain, mais il veut profiter de tous les instants où il peut l’imaginer un peu plus jeune que son âge. Rattraper vingt-cinq ans en quelques mois, c’est quelque chose d’inédit, il faut prendre chaque instant, tous les chérir jusqu’au dernier. Maintenant qu’ils doivent réfléchir à Isla, ils prennent le temps de s’arrêter sur un autre sujet : la carrière de Jake. Celui-ci confie pour la première fois qu’il ne pense pas finir ses jours professionnels à l’hôpital. Il y est depuis le début et n’ira pas jusqu’à la fin. Rien n’est sûr pour le moment mais l’idée commence doucement à naître dans ses pensées. Il a besoin d’un peu plus de douceur dans son quotidien, de ne plus frôler la mort constamment, de ne plus avoir de bras de fers douloureux avec la souffrance. Ses patients lui manqueront, c’est sûr. Mais il y en a d’autres, partout en ville, qui ont également besoin de ses soins. Il n’y a pas que ce service, bien heureusement. « J’avoue que parfois on se lasse d’en voir de toutes les couleurs. Tu y penses sérieusement ? Je peux te dire qu’après presque trois ans dans un village où il ne se passe pas grand-chose… On va me retirer de l’action uniquement à ma retraite, probablement forcée. » Et cet aveu ne l’étonne pas de son ami. « Je n’en attends pas moins de toi. » Il espère qu’il réussira à aller au bout de sa carrière sans qu’il n’y ait d’incidents. Inspecteur à la brigade criminelle, ça a ses avantages mais également de gros défauts. C’est toujours inquiétant pour les proches, cette histoire. « Je ne vais pas aller me perdre dans un petit village, dans tous les cas. Je ne quitte pas Brisbane. Je peux me rendre disponible à domicile, par exemple. S’il faut aller changer des bandages, faire des piqûres, toutes ces choses-là. » Et ne plus subir la pression constante des urgences. « Ce n’est qu’une idée, pour le moment. Je n’en ai parlé à personne, je me contente d’y songer. Je ne sais pas de quoi demain est fait. » Mais l’idée l’effleure et, il le sait déjà, finira par mûrir complètement. Pas tout de suite, mais elle finira par le séduire. Le sujet revient aux cadeaux et Jake propose à Muiredach d’offrir un bijou à sa fille. « Je crois que c’est toi qui tiens le filon pour ça. Tu peux m’aider à le choisir ? Je ne suis plus certain de son style… » Il peut, bien évidemment. « Elle qui est entourée de fleurs, je me dis qu’une bague à l’effigie de l’une d’entre elles pourrait être plaisante. Ou une gourmette dans ce même genre. Le choix final te revient mais on peut se diriger vers ça, déjà. Il y a une bijouterie non loin d’ici, il me semble. » Ils peuvent y aller et, une fois devant, Muiredach aura peut-être un coup de cœur qui parlera à sa place. |
| | | | (#)Sam 14 Mai - 4:47 | |
| Je n’osais pas nécessairement expliquer à Jake que mon cadeau serait simplement déposé sur le pas de la porte de la maison avec l’accord de mon ex qui donnerait le cadeau en mon nom à mon fils. Que s’il n’avait pas écouté le message que j’avais laissé sur sa boîte vocale, je n’avais aucune manière de le savoir, aucune manière de vérifier qu’il l’avait entendu! Admettre la portée de mon échec ne me tentait pas particulièrement. C’était peut-être en partie pour cette raison que j’avais tant de difficulté à admettre que mes enfants avaient presque l’âge d’être des parents (mon fils n’avait après tout que dix-neuf ans). Je n’étais pas en mesure de m’imaginer que mes enfants pourraient passer ces grandes étapes de la vie sans que je sois à leur côté pour les voir faire ces pas dans une vie d’adulte. Je m’abstins donc de tout commentaire sur cette réalité un peu particulière d’un parent que les enfants avaient délaissé.
J’étais toutefois un peu plus surpris par le fait que mon vieil ami envisageait de tourner les talons des urgences. Je me surprenais même à être presque silencieusement soulagé de la nouvelle parce que j’avais déjà envisagé quand mon cœur partait en peur de me rendre aux urgences, mais le fait d’y arriver pour tomber sur lui et le voir apprendre que je n’avais rien dit en consultant mon dossier médical qui commençait à prendre en épaisseur me terrorisait. Je souris lorsqu’il mentionna qu’il n’avait pas l’intention d’aller se perdre dans un village. « C’est vrai que c’est quand même un avantage plutôt notable d’être un infirmier à domicile. Ça permettrait une plus grande flexibilité. » admis-je avec un léger sourire. « Vivre au jour le jour, c’est aussi une très bonne option. Je suis certain que si tu te décides à plonger ce sera la meilleure décision que tu pouvais prendre pour toi. », affirmais-je avec un léger sourire. Nous étions différents sur ce point aussi. J’avais de la difficulté à ne pas planifier, à me détourner de cette routine qui était toujours si précise et claire. Oh, si mes journées au travail n’avaient rien de semblable, certains éléments étaient des piliers imperturbables auquel je tenais avec une précision désarmante. Mais que ferais-je quand mon cœur ne me permettrait plus de cacher mon état? Mystère et boule de gomme ma foi.
La discussion tourna sur le présent pour ma fille. Elle était entourée de fleur? Comment ça? Elle n’était pas encore en médecine. « [color=crimson]Elle n’est plus en médecine? [color] » demandais-je, avec un étonnement perceptible dans ma voix. Sa mère ne m’en avait pas informé. Je continuais d’avancer vers la petite bijouterie en évitant le regard de mon ami. Je savais que c’était probablement un peu idiot, mais j’étais un peu blessé que personne n’ait jugé important de m’apprendre que depuis trois ans ma fille avait à ce point changé. En même temps, si elle ne voulait pas revenir vers moi à cause de ce que j’avais fait… je ne pouvais pas réellement la blâmer. Cela n’empêchait pas que j’eusse un petit pincement au cœur. Devant la boutique, je jetais un coup d’œil sur les délicates pièces et je pointais un bracelet avec une délicate breloque qui semblait être une rose ornée d’une pierre précieuse. « Tu en penses quoi? », demandais-je. @Jake Vaughan |
| | | | (#)Sam 21 Mai - 5:11 | |
| « C’est vrai que c’est un avantage plutôt notable d’être un infirmier à domicile. Ça permettrait une plus grande flexibilité. » Infirmier aux urgences ne permet pas de l’être, effectivement. Jake sait qu’il peut être appelé n’importe quand, même lorsqu’il a fait ses heures, puisque le manque de personnel se fait toujours ressentir. Et puis il faut se l’avouer : Jake est marié à son travail, il ne peut pas s’empêcher d’aller dans les autres services même lorsqu’il a terminé sa journée. Flexible il ne l’est pas, ne le sera probablement jamais : même à domicile il trouvera le moyen de se blinder ses journées et ne pas trouver le temps pour autre chose. Qu’on ne le pense pas capable d’être fatigué – ou capable de le montrer – car non, Jake ne changera jamais. « Vivre au jour le jour, c’est aussi une très bonne option. Je suis certain que si tu te décides à plonger ce sera la meilleure décision que tu pouvais prendre pour toi. » Il y a de grandes chances, oui. « Ce n’est pas encore le projet. On en reparle d’ici quelques années. » Mois, en réalité, mais Jake ne le sait pas encore. Ce qu’ils se disent à ce moment-là finira par se réaliser quelques mois seulement après la nouvelle année. L’infirmier n’étant pas visionnaire, il ne fait aucune remarque là-dessus, n’en sait rien lui-même. C’est fou ce que la vie peut nous apporter de nouvelles opportunités au moment où on les attend le moins. « Tu seras mon patient quand tu seras trop vieux pour aller à l’hôpital. » Quand il fera ses visites à domicile, donc. Jake est plus âgé que son ami de deux mois seulement, il peut se permettre une réflexion comme celle-ci. Muiredach paraît bien plus marqué par la vie que le Vaughan ; celui-ci est toujours complimenté pour son physique, semblant ne jamais vieillir. Il imagine que la médecine ne lui fait pas pousser des cheveux blancs quand, de l’autre côté, chez les inspecteurs, on ne fait que se les tirer sur les enquêtes. Jamais simple d’être chevelu quand on est un homme de carrière, pas vrai ? Et puisque toutes ces paroles ne sont que des suppositions sur un futur encore lointain, les deux hommes retournent dans le présent pour parler du second cadeau : celui d’Isla. Jake la connaît assez bien, encore heureux puisqu’il est son parrain. « Elle n’est plus en médecine ? » Il se pince les lèvres en regardant Muiredach. « Ce n’est pas une discussion que tu dois avoir avec moi. » Ce qu’Isla a décidé de faire de sa vie – ou non – ne regarde qu’elle, en réalité. Jake ne veut pas prendre la responsabilité de révéler tout ça, il préfère que son ami en parle directement avec sa fille lorsqu’il le pourra. Il pointe un bracelet du doigt et Jake le regarde un instant. « Tu en penses quoi ? » Il est beau, oui. « Je pense que ça pourrait être parfait pour elle. » Il lui correspond, en tout cas. « Et je pense que tu as tes deux cadeaux, donc. Je vais te laisser entrer dans la boutique et aller l’acheter tout seul, il faudrait que je rentre. » Sa promenade s’est rallongée pour accompagner Muiredach mais Jake a d’autres choses à faire de sa journée, ensuite. Il ne veut pas trop tarder non plus. « J’ai été content de te revoir. » Et il espère que la prochaine fois ne prendra pas autant de temps, cette fois-ci. Que leur amitié repart pour de bon, que Muiredach ne va plus camoufler dans un silence incompréhensible.
- Spoiler:
je me suis permise de diriger ça vers une conclusion pour qu'on puisse partir sur quelque chose de plus récent
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| | | | | | | | White wine in the sun [Jake / Muiredach #1] |
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