Travail et soirées rythmaient le quotidien de Lena depuis tellement de temps qu'elle en avait presque perdu la notion des dates. Voilà plusieurs mois qu'elle se contentait de vivre au jour le jour, au fil des projets et des rencontres sans rien prévoir d'autre que sa journée du lendemain. C'est la veille qu'elle s'était rendue compte que sa présence était requise à une soirée de marque ce soir, pour fêter la sortie d'un nouveau parfum à l'odeur révolutionnaire. Mannequins, influenceurs, quelques acteurs étaient réunis pour offrir à cette nouvelle marque une publicité digne de ce nom. Si on lui avait demandé, la blonde aurait avoué déplorer l'absence de Micah ce soir. Mais elle ne pouvait se targuer de passer toutes ses soirées avec lui, aussi elle devrait s'y faire. Alors que la soirée battait son plein entre danse, cocktails et storys instagram, Lena eut l'irrépressible envie de se prendre un coup de pouce pour supporter le reste de la soirée. Depuis trop longtemps ce genre d'évènements lui paraissaient sans saveur et lui donnaient envie soit de fuir, soit de prendre un remontant pour épicer les choses. Et si elle aurait regretté de s'en aller avant le petit matin, de rater le show final pour faire des belles photos à partager. On leur avait vendu des danseurs et des paillettes, sa décision était prise - pour des raisons futiles, mais qu'importe. Elle allait rejoindre une connaissance à elle qu'elle connaissait notamment pour ses habitudes de consommation, et trouvait auprès de lui de quoi s'amuser un peu plus pour le reste de la nuit. Il l'emmenait dans un coin de la boîte de nuit, juste à côté de l'entrée des vestiaires, à l'abri des regards. Et, juste après qu'il ait prit son rail, il tendait le billet enroulé à Lena pour qu'elle fasse comme lui. En une seconde la poudre était reniflée, une seconde après elle levait ses yeux pour croiser ceux de Primrose. Lena aurait pu avoir le réflexe de se cacher et de prétendre faire autre chose que de prendre un rail de cocaïne, mais son regard avait croisé celui de Primrose et elle avait compris qu'elle avait tout vu de la scène. Elle songerait à mieux se cacher, la prochaine fois. Pour l'heure, elle n'avait pas le temps de s'en vouloir d'avoir agit de la sorte en pleine soirée professionnelle : elle devait plutôt essayer de convaincre une peste de garder ce qui venait de se passer pour elle. J't'en prie, pas de commentaire. Son air était presque dédaigneux. Du revers de la main elle s'essuyait le nez, reniflant encore une fois pour se débarrasser de la brûlure désagréable causée par la poudre. Elle s'était fait avoir en beauté et savait que Primrose la jugerait pour ça. Non pas parce qu'elle même était parfaite, surtout pas dans ce domaine là, mais surtout parce que l'écossaise avait prétendu trop de fois l'être. C'était encore ce qu'elle vendait sur les réseaux sociaux alors même qu'en réalité sa qualité de vie, ses habitudes et son quotidien s'étaient dégradés bien vite et qu'ils n'avaient plus rien à voir avec ce qu'elle montrait au monde sur internet. Et si tu pouvais garder ça pour toi, ce serait sympa. Depuis quand, au juste, étaient-elles sympas l'une envers l'autre ? De mémoire d'homme, cela n'avait jamais eu lieu. Mais elle ne pouvait qu'essayer de faire en sorte que sa rivale garde ce qu'elle venait de voir pour elle, ou tout le travail réalisé sur l'image de marque de la toute parfaite Lena Edwards tomberait à l'eau en une fraction de seconde.

Les lumières et les couleurs tapent la rétine dans un processus infernal. Qui dit gratuité dit abus. Ce n'est pas de ma faute, ce n’est qu’un enchaînement de conséquences que je ne maitrîse pas plus que je ne maîtrise mon existence. Je suis à peu près sûre que je commence à voir le lieu où je suis bougée et je reconnais les symptômes d’une prise un peu trop intense d’éthanol dans mes veines. Les coupes traversent la salle par des pieds de mannequins tout aussi attrayants les uns que les autres mais ce n’est que le breuvage que je vois. Faire la conversation avec des inconnus me demande une force inouie mais c’est pour la bonne cause alors je mets de l’eau dans mon vin (pas littéralement, ahem) et me voilà en train de me prendre pour la personne la plus intéressée et intéressante de la soirée. Je suis intéressée, oui, mais intéressante, beaucoup moins. Quand on me voit élevée sur des plateformes hautes que sont mes moccassins Gucci, dans une robe saillante qui épouse parfaitement chaque forme que la nature m’a donné avec le minimum syndical requis, on ne pourrait pas se douter que j’ai saigné mon compte en banque pour paraître de la haute. Vous me direz que j’ai pourtant ce qu’il faut dans ma garde robe pour m’apprêter, à force de craquer beaucoup trop souvent, mais non car ceci n’est pas un évènement lambda. Les soirées évènementiels où l’on m’appelle pour représenter et faire office de vitrine sur les réseaux ne sont jamais anodines, je les prends au sérieux et j’ai jugé que j’avais bien le droit de me faire plaisir puisque la vie a décidé de ne pas le faire pour moi. Alors, je ne peux peut-être pas mettre du beurre dans les épinards à la colocation mais si tout ceci fonctionne parfaitement, je pourrai acheter aussi bien le beurre, les épinards que la porcelaine pour les manger. Mes ambitions me prennent à la gorge mais si je n’ai plus ça, je n’ai plus rien.

Faire bonne figure est une chose, savoir tenir son alcool en est une autre. Il est certain que je réussis à peu près le premier, mais le deuxième est un grand problème. J’aurai pensé que ma tolérance serait élevée sachant que je ne suis pas la dernière pour taper dans une bonne bouteille (ou pas, d’ailleurs). Mais non et dans un moment de lucidité éphémère, je me dis que je devrais peut-être grignoter quelque chose. Mon estomac se révolte et je sens que je ne vais pas passer cette fin de soirée dans les meilleures conditions. J’ai mal au pied car je me suis laissée entraîner sur la piste de danse après une énième conversation qui n’a servi qu’à me rendre compte à quel point je n’ai rien à dire. Je vais pour me diriger vers les toilettes mais je crois que je me trompe ; au lieu de trouver un endroit dans une qualité de nettoyage douteux, je me retrouve proche de l’entrée. Penchés se trouvent deux personnes, un type que je ne connais pas et… Lena ? J't'en prie, pas de commentaire. oui, c’est visiblement bien Lena Edwards, une des reines des abeilles des réseaux sociaux, celle que je suis, que j’envie, que j’admire, que je déteste car elle a tout ce que je n’ai pas - et même de la drogue dans le pif, visiblement. Et si tu pouvais garder ça pour toi, ce serait sympa. je suis choquée par ce que je viens de voir. Si notre dernière rencontre remontant à des mois m’avait démontré que Lena avait un moment de mou, il est clair que j’ai une preuve encore plus frappante devant moi que Lena n’est pas si parfaite et healthy qu’elle peut le laisser apparaître. Je regretterai presque de ne pas avoir mon téléphone de sortie, celui-là même qui a pourtant mitraillé la soirée sous tous ses angles, même les plus inutiles. “Si mentir à tes abonnés ne te posent pas de problème de conscience, ce n’est pas mon souci.” je suis mal placée pour dire ça car je mens aux miens aussi - à moitié, car mes talents de pâtissière sont bien réels, je ne mens pas sur ça. Mais je suis affligée de voir Lena tomber aussi bas. J’ai la tête qui tourne, ma main allant se poser sur le premier mur qu’elle croise alors que l’autre passe sur mes yeux pour calmer les vagues en moi.

De là où elle était, Lena pouvait entendre parfaitement la musique résonner dans les couloirs dont les murs vibraient sous l'effet des basses. Voilà ce que recherchaient tous ceux qui venaient dans ce genre d'endroit : sentir un peu de vie grâce à la musique, grâce à l'alcool qui les enivrait, aux lumières qui virevoltaient sur la piste de danse et aux rencontres qui donnaient au monde présent l'impression de se sentir entouré. La différence avec l'écossaise, c'est qu'elle avait compris, enfin, que tous ces détails n'étaient que des artifices foncièrement inutiles à la joie humaine. Qu'ils n'étaient que des détails d'apparat, qu'en réalité, tout ce qui faisait le bonheur était plus pur, plus vrai. L'avoir compris ne voulait pas dire qu'elle y avait accès, alors elle se perdait aisément dans les méandres de ce monde de faux semblants, de danse et d'alcool, tant que, juste pour une nuit de plus, ça lui permettait de se sentir en vie, de se sentir vibrer. Tant pis si tout ça ne lui était plus accessible sans une aide extérieur. C'était de la nature humaine, selon elle, d'en vouloir toujours plus. Alors elle estimait qu'avoir besoin d'un coup de pousse pour voir la beauté du monde n'était qu'une pauvre conséquence du fait de vivre dans le luxe et la luxure un peu trop souvent. Cela ne deviendrait un problème que si ses secrets venaient à être livrés sur la place publique, si son image encore fragile en venait à être définitivement brisée. Si mentir à tes abonnés ne te posent pas de problème de conscience, ce n’est pas mon souci. Dans le genre hypocrite, Lena avait rarement vu plus douée que Primrose, à ses yeux. Elle ne se cachait pas de ses pensées, levant les yeux au ciel en soufflant fortement à peine sa concurrente venait-elle de finir sa phrase. Elle pouvait garder ses jugements : de ce qu'elle avait entendu entre deux rumeurs bien gardées, Prim ne valait pas mieux. Oh, wow, que t'oses me juger sur ce que je dis à mes abonnés c'est vraiment l'hôpital qui se fou de la charité. Primrose faisait partie de celles qui, depuis toujours, se vantaient d'avoir un quotidien parfait alors qu'elles étaient loin de l'avoir. Celles que l'écossaise avait tout fait pour ne pas imiter, mais dont elle avait totalement repris toutes les habitudes désormais. Elle faisait partie de celles qui prônaient des fausses amitiés entre influenceuses alors qu'elle marchait sur les pieds de ses consœurs dès que l'occasion s'en présentait pour être juste un peu plus sur le devant de la scène. Lena n'a jamais eu confiance en elle, que ce soit justifié ou non. Mais ce soir, elle ne pouvait se permettre de rester sur des piques et une haine clairement affichés : le risque qu'elle parle était trop grand. Non mais sérieusement.. s'il te plaît, gardes ça pour toi. Devait-elle la supplier ? Devait-elle lui avouer à quel point elle traversait une mauvaise passe, à quel point elle ne savait plus de quelle façon se sortir d'une vie dans laquelle elle ne se reconnaissait même plus ? Sans doute que non, d'autant plus qu'elle venait déjà de lui dire qu'elle n'en avait que faire de ses petits secrets honteux. Il fallait pourtant que la blonde s'assure qu'elle garderait cette information pour elle, trop honteuse de savoir que ses petites habitudes peu saines pourraient fuiter sur les réseaux. Ça lui apprendra à faire ça dans des endroits pas si discrets que ça.

La main est vide de tout verre qu’on aurait pu lui offrir et elle s’en retrouve attristée, le manque grattant presque son ventre déjà alourdi d’un éthanol qui coule joyeusement dans ses veines à l’heure actuelle. Peu encline à danser, Primrose trouve cependant là un courage certain pour parler avec ses pairs, ceux qui mènent la vie dont elle rêve, qu’elle idôlatre, qu’elle fantasme. Même si ce n’est pas forcément la réalité, même si c’est souvent un mensonge de luxe pour camoufler une réalité terrible, il n’empêche que ça reste mieux de pouvoir sécher ses larmes et son amertume dans une villa en bordure de plage que les abonnés financent aux moyens de likes et de retours sur un investissement conséquent. La jolie brune doit se contenter d’un appartement en colocation, où chaque jour elle doit vaciller entre Will avec qui elle a couché et Théo qui est loin d’être une crème ambulante. Son alliée la plus fidèle Adèle est partie, sur un coup de tête, surtout sur un coup de coeur en manque d’amour et totalement à la dérive et voilà que c’est la Anderson qui dérive joyeusement aussi. Peut-être qu’elle aurait dû faire comme elle, elle aussi. Prendre la tangente, tout plaquer et partir. Pas là où son amie est car Adèle est généreuse donc Adèle est partie aider la population sud américaine qui ont toujours besoin de petites mains altruistes comme elle. Mais Primrose n’est pas altruiste, elle est égoïste et si elle part, ça ne sera que pour le confort d’une autre ville, un autre lieu pour faire naître ses envies et ses désirs - oui mais à Brisbane, y’a déjà tout et elle connaît déjà tout et si elle est égoïste, elle est aussi très nerveuse du monde. Ironique pour une gamine qui vit et respire au gré d’opinions et de nombre d’abonnés d’inconnus sur un réseau social. Via un écran, c’est tout de suite plus facile, c’est bien connu.

Ne pas rencontrer ses idoles ; c’est ce que sa tête lui murmure quand elle voit Lena. Lena penchée, Lena avec un peu de poudre dans le nez, Lena qui lui donne presque envie - et non pas pour la tenue pouponnée dans laquelle elle est habillée (quoique, si, elle sera toujours jalouse et envieuse quoiqu’il arrive) - mais pour ce qu’elle a pris. C’est derrière elle, maintenant elle a choisi les verres - ou plutôt, ce sont les verres qui viennent à elle, n’est-ce pas ? Oh, wow, que t'oses me juger sur ce que je dis à mes abonnés c'est vraiment l'hôpital qui se fout de la charité. L’éthanol peut la faire parler mais là, Lena lui fait tellement pitié qu’elle lui accorde son propos ; alors elle hausse les épaules mollement avec un air abstrait et détaché. “C’est le métier qui commence à rentrer.” elle a appris des meilleurs sans même s’en apercevoir. Mais Lena a l’air misérable, ce n'est pas la première fois et la jolie brune voit la place qui commence à se libérer. Si Edwards est déchue, il restera plus d’espoir pour elle, non ? Petite idiote aux rêves de gamine du nouveau siècle, il serait temps de te réveiller et de laisser ressortir ton humanité plutôt que tes ambitions stupides et sans saveur. Non mais sérieusement…s'il te plaît, gardes ça pour toi. la rose la scrute, la rose s’approche et la rose croise les bras. “Je gagne quoi en échange de mon silence ?” oh Primrose. L’union fait la force, oui, mais elle a décrété qu’écraser pour mieux régner, c’est plus intéressant. C’est le monde dans lequel elles évoluent ; un château avec une couronne que tout le monde envie et convoite. Personne ne peut reprocher à Primrose de ne pas prendre à cœur ses idéaux, aussi superficiels soient-ils. “Tu dois vraiment toucher le fond pour en arriver là.” je sais de quoi je parle, mais ça, même enivrée, la brunette ne le dira pas. Elle n’a pas encore assez bu pour être aussi stupide.

Elle aurait eu d'autres moyens de terminer cette soirée sans s'ennuyer à la mort, l'alcool coulant à flots il lui aurait été facile de s'enivrer. Force est de constaté que Lena avait délibérément choisi de se tourner vers la poudre plutôt que vers l'alcool, quoi qu'elle était déjà bien imbibée aussi. C’est le métier qui commence à rentrer. La blonde soupirait, exaspérée de ce sourire en coin calé sur le visage de Primrose. Je fais ça depuis plus longtemps que toi, je crois que je me passerais de tes conseils. Qu'elle lançait, acerbe. Si parfois elle avait eu la sensation de partager quelque chose avec elle, une impression de pouvoir l'apprécier pour un geste ou une parole volés, elle comprenait bien à cet instant que rien ne pourrait jamais les rapprocher et que Primrose serait pour toujours ce que Lena détestait le plus : une compétitrice qui donnerait tout pour écraser ses adversaires, peu importe le prix, peu importe si cela devait détruire la vie de quelqu'un. Il fallait que Lena empêche ça : personne ne devait savoir. Je gagne quoi en échange de mon silence ? L'écossaise aurait dû se douter que son silence aurait un prix, que les choses ne pourraient pas toujours se dérouler si facilement que prévu. Elle s'était faite avoir à son propre jeu et regrettait déjà d'avoir reniflé ces quelques grammes de poudre, d'autant plus qu'elle ne profiterait pas de ses effets comme elle l'espérait, son esprit trop paniqué par cette entrevue. J'en sais rien, tu veux quoi ? De l'argent, des contacts, de la pub ? Rarement son air n'avait été aussi dédaigneux qu'à cet instant précis. Lena haïssait Prim. Chaque cellule de son corps était dégoutée de cette personne et de son comportement. Et si elle pensait jusqu'ici la détester parce qu'elle représentait tout ce qui l'horripilait, elle se rendait compte que c'était surtout qu'elle reflétait bien trop la partie d'elle même qu'elle refusait d'accepter. Lena aussi mentait sur sa vie, maintenant. Lena aussi voulait bien se faire voir, en voulait toujours plus. Et Lena détestait cette part d'elle même. De la coke ? A tenter le diable elle s'en mordrait probablement les doigts, mais il fallait bien qu'elle essaie toutes les échappatoires possibles. Et, des rumeurs qui lui étaient déjà arrivées aux oreilles, Prim n'était pas la dernière pour s'amuser un peu. Tu dois vraiment toucher le fond pour en arriver là. Aïe. Oui, clairement, c'était ce qu'elle ressentait. Elle avait la sensation d'être tombée au fond du trou et de ne pas cesser de creuser depuis. Où était passée la jeune écossaise avide d'une nouvelle vie en Australie, un plan de carrière déjà ficelé et des rêves d'amour et de beauté plein la tête ? Lena n'avait plus rien de cette jeune femme qu'elle était à peine quelques années auparavant, elle le savait et devait s'accommoder de cette réalité jour après jour. Mais l'entendre de la bouche d'une autre - et particulièrement de cette bouche ci - l'énervait au plus haut point. Non, il n'était pas arrivé le jour où la parfaite Edwards avouerait ses failles à une vipère. Arrête, tu sais que c'est faux. Tout le monde à besoin d'un petit remontant parfois, y'a rien de grave à ça. Elle mentait autant qu'elle se mentait à elle même, mais sa fierté l'empêchait d'y voir clair. Se voiler la face était un programme bien plus attrayant à ses yeux bien qu'au fond, elle se savait en tort. Que faire d'autre, de toute manière ? Se mettre à pleurer pour implorer une pitié qu'elle savait inexistante ? J'aimerais juste pas entacher ma réputation pour une connerie, mais si t'es pas capable de te taire, je m'en sortirais comme je l'ai toujours fait. Il faudrait bien qu'elle accepte le fait que non, elle ne se sortirait pas toujours de ses problèmes à grands battements de cils. Si déjà par deux fois dans le passé elle avait subi des déchéances professionnelles avant de remonter la pente, une troisième la détruirait. Ça non plus, elle ne l'avouerait pas ici, son égo bien trop fier pour se montrer vulnérable.

Je fais ça depuis plus longtemps que toi, je crois que je me passerais de tes conseils. ce n’est pas faux. Tu devrais ne pas t’en préoccuper. Après tout, est-ce que c’est si surprenant que cela de voir Lena s’étouffer de farine blanche ? Pas vraiment. Mais elle fait partie des gens que tu idéalises tellement que de voir leur côté plus sensible, plus humain, avec les failles et les défauts, ça te fait quelque chose. Malgré ce que tu veux montrer en jouant des gros bras avec tes petits muscles, tu n’es pas sans cœur. Mais il se trouve que tu enfiles une nouvelle apparence depuis que tu fréquentes ce type de soirées et que la gentille Primrose devient plus carnasière, plus mesquine, plus égoïste. Parce que tu te dis que tout le monde l’est et que si tu veux atteindre le niveau haut de ce milieu, celui de Lena par exemple, il faut bien que tu sortes les griffes et les crocs. Ou au moins prétendre d’en avoir. Il ne faudrait pas sous-estimer tes capacités à répliquer mais pour cela, encore faudrait-il que tu réussisses à prendre sur toi et à avoir du courage. C’est à ça que servent les verres que tu portes et enchaînes en main, toujours en essayant de naviguer entre la petite euphorie qui donne suffisamment de boost et de courage mais pas trop pour ne pas finir complètement pêtée sur le sol. Après tout, il ne faudrait pas nuire à ta réputation grandissante. Mais des conseils, tu n’as clairement pas à en donner à Lena, tu en as conscience ; mais si tu restes silencieuse, tu préfères te dire que juste parce qu'elle n'en vaut pas la peine. Ce qui est dommage parce que tu pourrais apprendre beaucoup d’elle. Mais il faut croire que même Primrose Anderson a de la fierté, et sûrement plus qu’on ne peut le soupçonner aux premiers abords.

J'en sais rien, tu veux quoi ? De l'argent, des contacts, de la pub ? tu fais une petite moue songeuse parce que tout ça te tenterait bien, pour être honnête. Tu as besoin de tout ce qu’elle vient de lister et pourtant, tu ne dis toujours rien. Tu préfères lui rendre compte à quel point elle paraît assez pathétique à cet instant-là. Ce qui te rappelle naturellement votre entrevue il y a des mois de cela, où déjà la Edwards n’était pas dans une forme et un mental brillant. Tu lui avais demandé pourquoi elle continuait à venir si elle ne s’épanouissait plus et visiblement, tu viens de trouver une réponse à ta question. De la coke ? tu mords ta lèvre parce que ça, ça ne te fait pas trop rire. “Je m’en passerai volontiers.” la coke est derrière toi. Tu as tiré un trait sur tout cela l’an dernier. Tu n’es plus dans une boîte de striptease mais dans une Fondation qui vient en aide aux gens. Tu commences à avoir de plus en plus de visiblité sur les réseaux. Certes, tu as vécu une rupture brutale et non consentie mais tu as su te relever malgré tout. Sans coke. Elle peut se la garder pour elle toute seule, Lena. Arrête, tu sais que c'est faux. Tout le monde à besoin d'un petit remontant parfois, y'a rien de grave à ça. oh, tu la connais, cette phrase. C’est exactement ce que tu dis à chacune des soirées quand tu flirtes avec le bar. J'aimerais juste pas entacher ma réputation pour une connerie, mais si t'es pas capable de te taire, je m'en sortirais comme je l'ai toujours fait. tu fermes les yeux un bref instant, tes bras toujours croisés avant de soupirer légèrement. Tu ne vas pas pouvoir t’en empêcher, n’est-ce pas ? “T’as pas besoin de ça, Lena.” personne n’a besoin de ces conneries. “Un petit remontant devient la pire des addictions.” pourquoi tu veux te la jouer Saint Mère tout d’un coup ? Parce que malgré tout, tu ne lui souhaites pas de toucher ce fond là. Encore une fois, tu n’es pas sans cœur. “T’as envie de tout perdre juste pour un petit remontant ? C’est ce que tu cherches ?” mais après, c’est sa vie, ses choix. Si elle ne veut pas t’entendre, tu auras au moins la conscience claire d’avoir essayé. On ne peut pas sauver quelqu’un qui ne veut pas être sauvée. Au pire, tu pourrais lui parler de la Fondation si elle a besoin de soutien, non ?

Elle faisait de la peine, l'influenceuse connue pour sa droiture, à essayer de corrompre Prim de garder le silence en échange de tout ce qu'elle pourrait lui offrir. Elle faisait de la peine et ne s'en rendait pas même compte, tant l'urgence de la situation était en train de faire monter une sacré dose de stress en elle. Il était hors de question que certaines de ses plus mauvaises habitudes ne soient mises en lumière au grand public, surtout pas par l'une de ses rivales. Mais le pire était probablement cette sensation de honte qu'elle aura ressenti à l'instant où Primrose lui avait répondu. Je m’en passerai volontiers. A cette phrase, Lena eut la sensation d'être inférieure à elle. Comme si soudain, elle était une moins que rien. Comme si, à l'instant, elle venait de tomber un peu trop bas pour réussir à s'en relever plus tard. Elle essayait de répondre comme elle le pouvait, affirmant qu'elle s'en sortirait de toute manière, peu importe sa décision de garder ou non son petit secret. La réalité était toute autre, et la suite de son discours eut l'effet d'agacer la blonde plus que tout. Lena était perdue, ça se voyait. Les substances qui parcouraient ses veines n'aidaient pas non plus. T’as pas besoin de ça, Lena. Les nerfs et les émotions à vif, Lena s'emportait soudain. Tu sais pas de quoi j'ai besoin, tu sais rien. Son ton, en plus d'être froid, ne cachait désormais plus la colère qu'elle avait pourtant essayé de dissimuler depuis le départ. Elle avait levé la voix pour la première fois de cet échange, ce qui semblait la rendre plus vulnérable, puisqu'elle venait de prouver à l'Anderson qu'elle voyait juste la concernant. Elle détestait cette sensation. Un petit remontant devient la pire des addictions. Elle secouait la tête de gauche à droite, refusant d'entendre ces mots, refusant d'affronter le fait qu'elle ne maîtrisait pas les choses comme elle le pensait. Je suis pas accro, je fais attention. Je sais me gérer, t'en fais pas pour moi. Qu'elle lançait après avoir prit une longue inspiration pour se calmer et s'empêcher de s'énerver complètement contre Prim. Une ou deux lignes en soirée pour tenir ne signifiait pas être une toxico. Boire un verre en rentrant ne signifiait pas être une alcoolique. A moins qu'elle ne devrait revoir quelques définitions.. ? Non, il était impossible pour elle d'admettre qu'elle avait tort. T’as envie de tout perdre juste pour un petit remontant ? C’est ce que tu cherches ? Encore une fois, machinalement, la tête de Lena bougeait de gauche à droite, en réponse négative aux questions de la jeune femme. Je perdrais rien du tout si tu sais la fermer. Et je cherche rien. Ça arrive à tout le monde de faire des écarts, c'est tout. Fermer les yeux sur la vérité derrière ce comportement aidait Lena a penser que tout finirait par s'arranger tout seul. L'essentiel ici n'était pas de parler d'elle ou de ses habitudes, l'essentiel était de s'assurer que ce que Primrose avait vu ne sortirait jamais de sa bouche. Ni à d'autres personnes, ni sur les réseaux, ni jamais nul part. Donc, est-ce que tu peux garder ça pour toi, s'il te plaît ? A deux doigts de la supplier, elle détestait sa position dans cette situation. Mais elle tenterait de faire tout ce qu'elle pourrait pour éviter qu'un peu de poudre ne vienne ruiner toute sa réputation.

Tu sais pas de quoi j'ai besoin, tu sais rien. C’est vrai. Je ne connais que la Lena que le monde connaît. Je sais aussi que les temps ne sont pas forcément tendres pour elle - mais pour moi non plus. Seulement, j’arrive mieux à le camoufler qu’elle. Lena fut un modèle mais maintenant, à chaque fois que l’on se croise, j’ai l’impression qu’elle vrille et tombe de plus en plus. C’est désolant à voir et, dans le fond, j’ai de la peine pour elle. Je serre un peu plus mon verre entre mes doigts, ma bouée de sauvetage dans tout cet univers. Est-ce que je veux devenir une Lena, moi aussi ? Oui, je veux être la belle, brillante, populaire Lena. Mais je ne souhaite pas être aussi misérable, avoir l’impression que tout le poids du monde fait mal entre les côtes et qui perd pied peu à peu. Oh, je n’en suis pas loin. Je suis passée par-là. Je suis paumée moi aussi, constamment. Inquiète sur tout. Ce n’est pas pour rien que j’apprécie l’alcool quand je peux en avoir ; ça éteint tout et ça fait du bien. Je peux me concentrer sur les vraies choses, comme juger silencieusement mon environnement. Et Lena qui essaie de rester droite alors que son corps n’a visiblement qu’envie de se courber. J’en sais rien. Elle me fait de la peine. Ça, c’est sûr. Je suis pas accro, je fais attention. Je sais me gérer, t'en fais pas pour moi. Je ne suis pas un monstre. Voir une personne en détresse n’est jamais agréable. Je sais que Lena parle par fierté. Elle ne veut pas admettre qu’elle ne va pas bien. Que la route qu’elle prend n’est pas la bonne. Et puis, si la scène que je viens de voir m’apprend quelque chose d’autre, c’est que ses sens sont complètement fourvoyés. Elle se croit forte alors qu’elle ne l’est pas. Je peux ruiner toute sa carrière en un clic sur instagram. Je le sais et elle aussi. “Bien sûr.” Je vais dans son sens mais je n’en pense pas moins. Je n’ai pas envie de me battre contre le vent.

Par contre, j’ignore pourquoi je reste. Sûrement par bonté d’âme. Par une sympathie que j’ai au fond de moi. Lena reste une figure. Je l’ai souvent croisé et même si amitié ou chaleur ne sont pas les mots qui règnent entre nous, je ne me vois pas la laisser seule dans cet état. Je perdrais rien du tout si tu sais la fermer. Et je cherche rien. Ça arrive à tout le monde de faire des écarts, c'est tout. Je ne dirai pas que prendr de la coke est un simple écart. C’est un poison, cette merde. Une fois dans les veines, c’est difficile de l’y déloger. Mon dieu, Lena ne maîtrise absolument rien. Donc, est-ce que tu peux garder ça pour toi, s'il te plaît ? Je soupire légèrement en regardant autour de moi. Il n’y a personne, heureusement. “Je suis pas une garce, contrairement à ce que tu peux penser.” Je veux juste ma part de gloire moi aussi. “Je dirai rien. Sans rien en retour parce que je ne veux pas être trempée dans ces histoires-là.” Il ne manquerait plus que je sois complice de la prise de drogue de Lena. Je mords ma lèvre en tapotant mes doigts contre mes bras, hésitant une ou deux secondes. “Ça va aller ?” Pour ce soir notamment. Est-ce qu’elle va tenir ? Est-ce qu’elle ne risque rien ? Elle a besoin d’assistance ? “Tu as quelqu’un pour te ramener ?” J’ai déjà connu cette trajectoire. Tout comme j’ai déjà vu des personnes dans cet état-là. Je ne peux pas la laisser comme ça sans rien faire. Enfin, à part si elle me rejette totalement. Je ne pourrai rien pour elle dans ce cas-là.

Lena n'a jamais été du genre paranoïaque, à se méfier de tout le monde. Elle a toujours été plutôt ouverte, du genre à socialiser facilement et à vouloir en savoir plus sur le monde et les personnes qui l'entouraient. Pourtant, bien que Primrose semblait réellement s'inquiéter pour elle plutôt que de vouloir l'enfoncer, elle lui prêtait des intentions malveillantes. Si la situation avait été inversée, Lena aurait probablement agit de la même façon. Et le savoir la blessait profondément, tant ça lui donnait le sentiment que les rôles entre la jalouse et celle qui a réussi venaient d'être inversés. Il ne restait qu'à l'écossaise à faire face et à afficher une mine sûre d'elle, ce qui, ne mentons pas, était particulièrement compliqué pour elle. Elle craignait vraiment que son image ne se dégrade, encore. Elle craignait vraiment avoir tout gâché pour une stupide ligne de coke. Se voiler la face était sa solution, autant qu'essayer de faire croire à Prim qu'elle gérait totalement la situation. Bien sûr. Ses mots n'allaient clairement pas avec ses intentions, et c'était clair pour Lena. L'Anderson n'en pensait pas moins, et le fait qu'elle n'essaie même pas encore d'argumenter agaçait un peu plus la jeune femme. Quoi que peu importe la réponse apportée, il fallait bien avouer que rien ne lui aurait plu. Au fond, peu importe ce qu'elle pouvait bien penser d'elle : l'essentiel restait qu'elle garde ses pensées pour elle. Alors, obstinée, Lena insistait sur le fait qu'il fallait que leur rencontre du soir soit oubliée et ne ressorte jamais de sa bouche pour être entendue par quelqu'un qui pourrait utiliser l'information. Elle se rendait compte, après s'être adressée à Primrose, que ses mains tremblaient légèrement sous l'effet de l'adrénaline, mélange de colère et de la substance chimique qui se mêlait à son sang pour couler dans ses veines. Elle croisait ses bras sur sa poitrine pour essayer de cacher ces mouvements. Je suis pas une garce, contrairement à ce que tu peux penser. Elle se retenait de lever les yeux au ciel, pas en position de relancer un quelconque débat sur qui était une garce ou pas. Elle n'en pensait pas moins. Je dirai rien. Sans rien en retour parce que je ne veux pas être trempée dans ces histoires-là. La surprise se lisait sur le visage de la jeune femme. Elle ignorait si elle pouvait croire ce qu'elle venait d'entendre ; si elle pouvait faire confiance à l'une de ses rivales. Pour l'instant, elle décidait de se laisser porter et d'accepter cette promesse. Merci. Qu'elle lançait, son regard toujours plongé dans celui de Prim. Il est vrai que l'argument principal qu'elle avait apporté était de garder sa propre image intacte, mais il était inutile de le relever puisqu'elle avait atteint son objectif. Ça va aller ? Oui, oui, ça va. Son ton prouvait son agacement et elle se rendrait compte plus tard que Prim ne méritait pas d'être traitée ainsi après avoir fait preuve d'une once de bienveillance, mais elle n'aura pas pu s'empêcher de ponctuer sa réponse d'un soupir. Tu as quelqu’un pour te ramener ? Elle secouait la tête de gauche à droite, répondant par la négative. Non, pas vraiment. Je suis pas venue accompagnée. Après une seconde, elle se rectifiait. Enfin si, ça ira, je prendrais un uber. Heureusement que ce genre de services s'étaient démocratisés, ils étaient bien utiles. T'es pas si horrible que ça, quand tu veux. Lui dire qu'elle avait trouvé le soupçon d'inquiétude dans sa voix touchant aurait été de trop, mais elle voulait souligner, même maladroitement, qu'elle appréciait que Primrose ne saute pas sur l'occasion de lui pourrir un peu plus la vie.