« Je sais pas maman. » Tu as l’impression que ça fait déjà dix fois que tu lui réponds ça et elle, elle continue avec son interrogatoire sur un sujet dont tu ne maîtrises aucunement les informations. La paternité d’Isaac vous est tombée sur la tête de la plus brutale des façons et si tu sais que c’est bien plus difficile à gérer pour lui qui doit composer avec le fait qu’il a manqué les trois premières années de la vie de son fils, toi tu ne parviens plus à voir le futur, pas même votre futur rapproché. Ta grossesse se fait de plus en plus visible avec chaque semaine qui passe et en un claquement de doigt, la vision que tu te faisais de la prochaine année s’est envolée, ne laissant que doutes, incertitudes et questionnements sur son passage. « Je suis pas certaine de comment Isaac va gérer tout ça, il vient d’apprendre la nouvelle, je lui laisse le temps de digérer tout ça avant de le mitrailler de questions comme tu le fais avec moi. » Si tu parviens à échapper un léger rire, ça ne change en rien le poids de la boule que tu ressens dans le fond de ton ventre depuis des jours maintenant. « J’imagine mal Isaac être le genre de mec à faire envoyer un huissier chez Lucy et juste faire des demandes sans essayer de lui parler. On verra maman. » Au bout du fil, Kerrie Stringer continue sa tirade d’émotions et de questions sur la situation actuelle, te demandant à de multiples reprises comment tu te sens au travers de tout ça sans que tu ne sois capable de lui donner une vraie réponse. Parce que tu ne sais pas du tout, comment tu te sens. Les rues de la ville défilent sous tes yeux fatigués, tu dors mal depuis votre retour de voyage et ta concentration n’est plus au rendez-vous. Tu sursautes d’ailleurs, quand ta voiture se met à faire un bruit d’enfer, toi qui ignores involontairement le bouton allumé qui indique un problème quelque part dans le véhicule depuis quelques jours. Tu n’y connais rien, en voiture, mais quand tu vois de la fumée sortir de sous le capot, tu sais que quelque chose ne va vraiment pas. Tu as à peine le temps de te garer sur le bord de la rue, raccrochant abruptement la ligne avec ta mère qui se lançait dans un nouvel interrogatoire et voilà que s’ajoute un problème de plus à la longue liste des choses avec lesquelles tu n’as pas envie de gérer.

La remorqueuse ne met pas longtemps à venir et on t’avise que ça pourrait prendre quelques heures avant que tu ne puisses récupérer ta voiture. Tu te retrouves donc à pied au centre-ville, et tu décides de voir ça comme un signe que tu as besoin de te changer les idées. Sans trop réfléchir, tu pars dans ce qui devait être une virée de magasinage pour toi, mais tout ce que tu as envie d’acheter, ce sont des vêtements pour petit garçon, des jouets qui pourraient peut-être plaire à Jude ou n’importe quoi que tu pourrais lui offrir. Il ne sort pas de ta tête, le petit blond aux grands yeux pétillants, les mêmes que son père. Ça te paraît complètement insensé de penser que tu connaissais le fils d’Isaac avant lui. Insensé que tu l’aies vu grandir dans les dernières années alors qu’Isaac ignorait absolument tout de son existence. C’est un appel du garage pour t’annoncer que ta voiture est prête qui te sort de tes pensées et c’est à bord d’un taxi que tu te rends finalement chez Mécanor. C’est la fin de la journée est l’endroit semble pratiquement désert quand tu mets les pieds dans le garage. « Allô? » que tu appelles, ton regard se posant partout à la recherche d’un garagiste ou de la présence de qui que ce soit. « On m’a appelé y’a une demi-heure pour me dire que ma voiture était prête. » Et puis sortant soudainement de sous une voiture, il y a un homme qui se lève et c’est le choc total quand tu reconnais bien trop aisément les traits de celui qui te fait nouvellement face. « Hunter? » Évidemment que c’est Hunter. Ça a beau faire un peu plus de six mois depuis votre dernier tête-à-tête, il n’a pas vraiment changé ton cousin et toi non plus d’ailleurs, si ce n’est ton ventre qui s’arrondit tout doucement. « Je savais pas que t’étais toujours à Brisbane. » que tu annonces d’une petite voix, réellement surprise de le croiser ici aujourd’hui.

12 janvier 2022. Installé à Brisbane depuis près de huit mois maintenant, Hunter avait retrouvé ses marques. Il vivait une double vie dont peu de personne était au courant. Et c’était mieux ainsi. Le dealer rendait était rentré voir sa mère pour Noël lui laissant une liasse de billets sur la table pour qu’elle puisse se faire plaisir et subvenir à ses besoins. Toutes les semaines, il prenait soin de lui envoyer une enveloppe et sa mère ne posait plus de questions. Elle se doutait qu’il ne devait pas faire que mécanicien dans un garage pour ramasser autant d’argent mais elle préférait se convaincre que son fils était sur la voie de la guérison.

De son côté, Hunter avait trouvé son rythme et s’était remis de son agression en octobre dernier. Cette altercation l’avait quelque peu traumatisée, et maintenant il faisait plus attention que jamais. Le mécanicien se faisait tout petit, que cela soit au garage ou la nuit quand il enfilait son sweat noir à capuche pour accomplir des choses dont il ne parlait à personne. Il s’était installé dans un bel appartement sur Fortitude Valley, où il se sentait la plupart du temps plutôt seul. Toutefois, de nature solitaire, Hunter ne s’en plaignait pas vraiment. Il menait une routine qui lui convenait ainsi.

Aujourd’hui sa routine allait être chamboulée par l’arrivée d’une voiture qui appartenait à sa propre cousine. Il fit les réparations lui-même, les mains dans le cambouis appréciant toujours autant faire ce taf de main d’œuvre. Il ne s’attendait pas à ce que cela soit Penny qui débarque pour récupérer sa bagnole. « Allô ? » entendit-il alors qu’il était sous la voiture serrant les derniers boulons. « On m’a appelé y a une demi heure pour me dire que ma voiture était prête. » Il reconnut sa voix à la seconde où il l’entendit. Il s’extirpa de la voiture en roulant sur sa planche pour finalement se faire voir auprès de la cliente – qui le reconnut aussitôt. « Hunter ? » Il acquiesça venant attraper un chiffon pour s’essuyer les mains. « Penelope. » dit-il simplement, comme une évidence. « Je savais pas que t’étais toujours à Brisbane. » Il fronça les sourcils, un sourire presque narquois au visage il rétorqua : « Pourquoi ? Tu pensais pas que j’allais y arriver ? » Hunter était toujours aussi piquant mais le sourire qu’il avait sur les lèvres révélait le sarcasme qu’il avait toujours eu en lui et envers tout le monde – cousine ou pas cousine. Il jeta le chiffon un peu plus loin pour attraper les papiers du véhicule, et y jetait un œil une dernière fois. « Elle est réparée. Par contre, tu devrais penser à faire la vidange de ta voiture une fois de temps en temps et éviter d’attendre qu’elle claque toute seule au bout d’un certain nombre de kilomètres. » Il leva enfin la tête pour croiser son regard et lui tendit les papiers en ajoutant : « J’ai remplacé une pièce, il faudra que t’ailles payer à l’accueil avec cette facture. » Hunter mit les mains sur les hanches en la regardant plus attentivement. Il remarqua alors un baby bump encore discret mais vu la taille fine habituelle de l’actrice, cela ne trompait personne. « Alors c’est vrai, t’es enceinte. Félicitations, j’imagine. » finit-il par dire d’un ton neutre.

 

Après avoir rapporté le désastre de ta première – et unique – visite chez Hunter il y a plusieurs mois de cela, ta mère ne t’avait plus jamais demandé de prendre des nouvelles de ton cousin pour savoir comment il allait. Tu avais assumé que c’était sans doute parce qu’il téléphonait plus souvent à sa mère, ou alors peut-être qu’il était retourné auprès d’elle à Toowomba, tu ne saurais dire. Tu pensais souvent à ton cousin toutefois, même si tu évitais d’en parler autant que possible parce que tu détestais l’état de votre relation et le fait que ni lui ni toi ne sembliez être en mesure de passer par-dessus vos égos démesurés pour envisager un jour être en mesure de faire la paix. Tu espérais qu’il allait bien et que peu importe où il se trouvait, tu souhaitais qu’il soit bien entouré et heureux. C’est tout ce qui importait à tes yeux, même si tu te savais incapable de lui dire de telles choses, ayant laissé votre relation dégradée trop intensément et trop rapidement pour avoir l’impression que vous seriez un jour en mesure de réparer les dégâts. Il ne restait plus grand-chose à sauver de votre complicité d’antan, comme si vous aviez des nématodes qui s’en prenait à la fondation de votre relation et venait tout détruire sur leurs passages. Tu avais compris lors de votre dernier échange que ton cousin n’avait pas envie de rebâtir quoique ce soit avec toi, ou était-ce que tu n’avais pas été en mesure de lui expliquer clairement ce que tu voulais, jamais en mesure de complètement lui faire savoir à quel point tu étais désolée de ne pas avoir su tenir ta promesse, toutes ces années passées?

Une chose était certaine, tu ne t’attendais pas à le voir ici aujourd’hui. Si la surprise se lisait facilement sur tes traits, Hunter lui, arborait toujours ce visage aussi neutre, ta présence n’étant qu’un élément de plus dans le décor qui ne semblait lui faire ni chaud ni froid. « Penelope. » Même la façon dont il prononçait ton prénom te rappelait que quand il était question de toi, il n’avait plus aucune opinion. Qu’un restant de rancœur qu’il ne se gênait pas à te remettre sous le nez dès que la moindre tentative de conversation entre vous était prise. « Pourquoi? Tu pensais pas que j’allais y arriver? » Tu secoues légèrement la tête. « Non, c’est pas ça. Je suis juste surprise, c’est tout. » Surprise que vos chemins ne se croisent pas avant aujourd’hui ou surprise que ce soit finalement le cas, tu n’étais pas certaine. « Tu travailles ici depuis longtemps? » que tu lui demandes, sans trop savoir s’il oserait te donner des détails. Tu n’osais pas trop lui demander comment il allait, craignant qu’il ne réponde qu’avec sarcasme et désintérêt. « Elle est réparée. Par contre, tu devrais penser à faire la vidange de ta voiture une fois de temps en temps et éviter d’attendre qu’elle claque toute seule au bout d’un certain nombre de kilomètres. » Tu hoches vaguement de la tête, signifiant que tu avais compris et que tu ferais attention la prochaine fois. Il te tend les papiers nécessaires et tu ne peux t’empêcher de l’étudier du regard quand vos yeux se croisent enfin, comme si tu cherchais des réponses à des questions que tu n’osais pas lui poser. « J’ai remplacé une pièce, il faudra que t’ailles payer à l’accueil avec cette facture. » « D’accord. » que tu souffles doucement. Tu ne voulais pas partir sans rien dire, et pourtant, tu ne savais jamais comment débuter quoique ce soit avec Hunter. Comme s’il était lui-même un véhicule dont tu ne connaissais absolument rien sur le fonctionnement. « Merci. Pour la voiture. » que tu rajoutes donc, prête à faire demi-tour, mais c’est ton cousin qui te surprend cette fois alors que ses yeux se posent sur ton ventre qui se fait de plus en plus arrondi avec les semaines qui passent. « Alors c’est vrai, t’es enceinte. Félicitations, j’imagine. » Un mince sourire vient habiter tes lèvres alors que ta main libre se glisse naturellement contre ton ventre. « Merci. J’imagine que ça veut dire que tu vas bientôt devenir un oncle, en quelque sorte. » Non, Hunter n’était pas ton frère, mais pendant longtemps, tu l’avais considéré comme tel que c’était tout comme. Ça te brisait le cœur d’ailleurs, de penser que ton enfant n’aurait sans doute jamais l’occasion de le connaître, si vous ne parveniez pas à recoller les pots cassés. « Toi, y’a du nouveau dans ta vie? » que tu oses finalement, le regard au sol, devinant qu’il y avait bien plus de chances pour qu’il t’envoie promener que d’avoir une réponse honnête de sa part, mais il te fallait au moins essayer, même si c’était bien maladroit tout ça.

12 janvier 2022. Hunter avait passé les dernières semaines à mettre en place toute une stratégie pour réussir, et se faire un max de blé. Il voulait réussir seulement pour le bien de sa mère, il n’y avait plus qu’à elle qui devait des comptes. Le jeune dealer n’avait plus vraiment d’amis sur qui compter et il faisait juste en sorte d’avance un jour après l’autre. Il n’avait plus eu de nouvelles de sa cousine, et supposait que les appels qu’il donnait à sa mère étaient à présent assez fréquents pour la rassurer. Hunter avait pu lire certaines choses, et il s’était facilement rassuré du fait qu’elle semblait être passée à autre chose vis-à-vis de son agression. Il ne l’avouerait jamais mais il s’inquiétait toujours pour elle mais il avait la dent dure et c’était plus fort que lui, il ne savait pas mettre des mots sur ses émotions.

La surprise était donc réciproque quand il vit que la propriétaire de la voiture sur laquelle il avait passé l’après midi était celle de sa cousine. Pourtant, il ne transparaissait aucune émotion face à elle, il continuait comme si de rien était et ne s’étonnait même pas qu’elle puisse croire qu’il avait échoué. « Non, c’est pas ça. Je suis juste surprise, c’est tout. » Il haussa les épaules, sa réponse ne l’avait pas convaincu mais il n’allait pas cherchée la petite bête. « Tu travailles ici depuis longtemps ? » La bouche entrouverte, il ne savait pas s’il avait envie de se lancer dans ce small , après un moment d’hésitation, il finit par dire : « Depuis plus de six mois, oui. » Toujours aussi neutre mais tout de même fier de pouvoir dire qu’il avait réussi à trouver un taf stable et dans lequel il s’épanouissait – bien sûr il gardait secret l’autre partie de sa double vie. Il ne valait mieux pas que Penny soit au courant. « D’accord » Et voilà sa voiture était réparée ils allaient pouvoir reprendre le cours de leur vie. « Merci. Pour la voiture. » « C’est mon job. » se contenta-t-il de dire, avec un demi sourire au visage. C’était déjà un début de quelque chose et il aurait pu ne rien dire, néanmoins, le brun fit tout de même une remarque sur sa grossesse, quelque chose qu’il avait pu lire sur les réseaux. « Merci. J’imagine que ça veut dire que tu vas bientôt devenir un oncle, en quelque sorte. » Il ne put s’empêcher d’avoir un rire qu’il retint au fond de la gorge. Un oncle ? Hunter n’était clairement pas le genre d’oncle que quelqu’un voulait avoir en exemple. « Et bien je le plains. Ou.. la plains. » répondit-il sur une petite pointe d’humour. « Et tu es heureuse de cet événement ? » finit-il par demander, curieux de savoir si c'était prévu ou non dans les plans de sa cousine.  « Toi, y’a du nouveau dans ta vie ? » A part qu’il se soit fait agresser ? et passé à côté de la mort ? Non, tout allait bien. Le dealer secouait négativement la tête, doucement avant de répondre : « Absolument rien. C’est le calme plat. On n’est pas tous une star de cinéma. » dit-il, essayant d’être taquin mais il était conscient que sa nonchalance pouvait être traduite par un reproche de sa part.
 

Avec tout ce qui s’est passé dans ta vie au courant des six derniers mois, tu dois admettre que tu n’as pas souvent pensé à ton cousin depuis votre désastreux dernier tête-à-tête. Tu es véritablement surprise de savoir qu’il est resté en ville depuis tout ce temps, non pas parce que tu le croyais incapable de subvenir à ses besoins dans la grande ville comme il le laisse sous-entendre, simplement parce que tu peinais à comprendre ce qui pouvait le rattacher encore à Brisbane, lui qui avait si longtemps maudit l’endroit après la mort de son père. « Depuis plus de six mois, oui. » Wow. Tu es contente pour lui, vraiment. Tu sais que devenir mécanicien n’était pas l’aspiration d’une vie pour lui, qu’il avait toujours eu un côté artistique lui aussi, qu’il avait délaissé aux dernières nouvelles, mais il semblait plutôt bien dans ce boulot. Ou était-ce seulement ce que tu voulais te faire croire pour calmer ta culpabilité qui ne t’avait jamais vraiment quitté pendant toutes ces années? « C’est mon job. » Tu hoches doucement la tête. « J’en connais qui aurait profité de l’occasion pour se venger d’une façon ou d’une autre. » que tu souffles sur une voix qui se veut pleine d’humour, même si ton sourire est plus triste qu’autre chose. Tu ne savais pas trop si Hunter cherchait à se venger de toi, de ce qu’il jugeait avoir été une trahison quand tu avais passé le test sans lui dire, ou bien s’il avait tout simplement tourné la page, sans jamais vouloir renouer avec toi, se disant peut-être que sa vie était mieux sans ta présence dans celle-ci.

Tu es surprise lorsque Hunter mentionne ta grossesse, même si cette dernière commence à se faire de plus en plus visible. Tu te demandais si Hunter allait jouer un quelconque rôle dans la vie de ton enfant. Tu aimerais que oui, mais tu n’étais vraiment pas certaine que lui soit prêt à revenir sur ses positions, après tout ce temps. « Et bien je le plains. Ou… la plains. » Un léger sourire vint habiter tes lèvres. « On va le savoir le mois prochain, si c’est un garçon ou une fille. » Du moins, vous alliez avoir la possibilité de découvrir le sexe à ce moment-là. Vous n’aviez toujours pas discuté avec Isaac à savoir si vous vouliez l’apprendre ou garder la surprise pour la naissance. En ce moment, tu penchais plutôt pour le découvrir aussi vite que possible, vos quotidiens étant déjà remplis d’assez de surprises comme c’est là. « Et tu es heureuse de cet évènement? » Tu commences à être habituée à cette question. C’est celle que l’on te pose normalement quand on réalise à quel point ton couple est récent et que clairement, cette grossesse n’était pas désirée. Mais Hunter, il ne sait pas, il pose la question simplement parce qu’il n’a pas la moindre idée d’où ta vie personnelle peut se trouver en ce moment. « Oui, surprise mais contente. » Alors tu restes honnête avec lui. Après tout, qu’as-tu à gagner à lui faire des cachettes? Surtout que tu n’as pas honte de ton histoire avec Isaac. « Ça ne fait pas très longtemps, avec mon copain, mais ça va bien. On le veut tous les deux. » Et c’est vraiment tout ce qui compte, au final. « Absolument rien. C’est le calme plat. On n’est pas tous une star du cinéma. » « Oh tu sais, c’est plutôt calme de ce côté-là. » Tu ne travailles pas des tonnes depuis plusieurs mois, si ce n’est la sortie d’une série il y a quelques mois et tu ne sais pas quand est-ce que tu vas remettre les pieds sur un plateau. « Est-ce que tu fais toujours de la photo? » Tu oses poser la question parce que pour une fois, la conversation semble couler sans être trop forcer, mais est-ce que ce sera la question de trop, celle qui changera à nouveau la donne entre vous?

12 janvier 2022. Depuis plus de six mois maintenant, l’ancien adepte de dessin et de photographie -entre autres- avait troqué ses pinceaux et crayons pour des clés Allen et des bédanes. Il avait toujours aimé la mécanique, mais plutôt dans l’espoir d’un jour pouvoir se permettre une Maserati plutôt que dans l’idée de savoir les réparer. Avec le temps, il avait fini par apprendre beaucoup de choses, surtout par les plus vieux du trailerpark où il avait fini par vivre mais aussi grandir… A sa façon. Aujourd’hui il se retrouvait à réparer la voiture de sa propre cousine avec qui il n’avait toujours pas apaisé les tensions d’ailleurs. Sa mère encore, lui priait de faire des efforts avec Penny mais Hunter avait la dent dure et il avait surtout dû mal à exprimer ses émotions. Il préférait encore ne rien dire, et simplement acquiescer aux propos de sa cousine plutôt que de faire un premier pas vers elle. « J’en connais qui aurait profité de l’occasion pour se venger d’une façon ou d’une autre. » Un simple rictus venait s’étirer sur le visage du jeune homme. Pas très expressif, encore moins envers elle. « Qui te dit que je ne l’ai pas fait ? » rétorqua-t-il sur un ton sérieux, la fixant droit dans les yeux avant de se mettre à rire. « Non rassure-toi, les freins marchent très bien. » ajouta-t-il d’un ton presque taquin, mais c’était de bonne guerre.

La discussion vint naturellement sur le ventre arrondi de la blonde. Hunter ne savait pas trop comment réagir face à cette nouvelle qu’il avait notamment appris par le biais des médias. « On va le savoir le mois prochain, si c’est un garçon ou une fille. » Il hocha la tête alors qu’il regardait avec curiosité le ventre de la demoiselle. Il ne savait pas trop quel rôle il jouerait dans tout ça en réalité. Il n’était pas sûr qu’avec la double vie qu’il menait cela soit une très bonne idée qu’il soit proche de cet enfant de toute façon. La seule chose qu’il pouvait se demander c’était si Penny était heureuse de cette nouvelle, ne sachant rien aux propos de sa réelle relation avec le papa en question. « Oui, surprise mais contente. » assura-t-elle, d’une petite voix. Hunter hocha la tête, c’était déjà un bon début alors. « Ça ne fait pas très longtemps, avec mon copain, mais ça va bien. On le veut tous les deux. » Penny s’expliquait comme si elle devait se justifier, mais Hunter s’en fichait pas mal des raisons et des explications. Le résultat était le même, Penny en était satisfaite, et comme d’habitude, la vie de Penny était faite de roses et de paillettes. C’était toujours aussi dur pour lui de constater qu’ils n’avaient clairement pas le même destin. Quand il devait lui arpenter les rues la nuit au péril de sa vie comme pouvait le prouver son agression du mois d’octobre dernier, Penny, elle, semblait avoir rencontré l’homme de sa vie et sa carrière brillait de mille feux. On pourrait presque croire à une blague. « C’est le principal, je suppose. » finit-il par constater après une seconde ou deux d’égarement. Hunter reprit la parole, venant suggérer que sa carrière devait être aussi au beau fixe. « Oh tu sais, c’est plutôt calme de ce côté-là. » Il pencha la tête, avec curiosité. « Ah bon ? » interrogea-t-il, surpris alors qu’elle semblait vouloir en savoir plus à son sujet : « Est-ce que tu fais toujours de la photo? » Il étouffa un petit rire au fond de sa gorge à cette remarque, n’aimant pas réellement parler de ça, à qui que ce soit. « A mes heures perdues. » dit-il en haussant les épaules, « Qui ne sont plus très nombreuses d’ailleurs. » ajouta-t-il en pensant au fait que cela faisait des semaines qu’il ne s’était pas perdu pour reprendre des photos en ville ou même pour dessiner. Entre ses nuits à dealer, et ses journées au Mécanor, la vie de Hunter n’était plus aussi calme et sereine en réalité.
 

« Qui te dit que je ne l’ai pas fait? » Il te regarde un peu trop sérieusement et tu échappes un rire nerveux. Tu sais qu’il se moque de toi, que jamais il n’irait jusque-là, tu ne penses pas que sa rancune envers toi soit si grande non plus. En fait, tu n’en as plus la moindre idée. Il est dur de te situer vis-à-vis de Hunter depuis des années. Le temps passe, mais rien ne semble se régler, quand s’éviter et s’ignorer à toujours su être une solution plus facile que de tenter de réparer les pots lourdement cassés entre vous. Il se met à rire à son tour et tu te sens stupide d’avoir cru ne serait-ce qu’une demi-seconde qu’il aurait pu être sérieux. « Non rassure-toi, les freins marchent très bien. » « Peut-être que je devrais te demander de venir faire un tour avec moi, juste pour être certaine. » Tu sais d’avance qu’il n’accepterait pas cette demande, qu’elle soit sérieuse ou non parce que Hunter faisait toujours tout en son possible pour minimiser le temps passer en ta compagnie et pour imposer une certaine distance, et pourtant, tu ne pouvais t’empêcher de croire que de partir ensemble, rouler sans but pour quelques minutes, quelques heures peut-être était peut-être ce dont vous aviez réellement besoin pour crever tous les abcès et repartir votre relation à neuf. Malheureusement, tu peinais à lui démontrer que c’est ce que tu souhaitais et en retour, tu n’avais pas vraiment l’impression que c’est ce qu’il désirait non plus, lui qui avait toujours crier si haut et fort depuis la mort de son père qu’il n’avait besoin de rien ni de personne. « Mais je vais te faire confiance. » que tu rajoutes sur un ton qui se veut aussi léger que possible. Ce n’est pas toi qui ne lui fais plus confiance après tout, mais bien le contraire, malheureusement.

Hunter te félicite pour ta grossesse, ce qui te fait plaisir malgré le malaise qui persiste entre vous. Comme une mauvaise habitude, tu tentes de justifier ta grossesse et cette décision de garder l’enfant alors qu’il ignore pourtant tout de ta relation avec Isaac. Tu détestais ce sentiment que tu devais t’expliquer à tout le monde alors que tu ne devais rien à personne, mais certaines rencontres et certaines réactions avaient laissé un goût amer et tu te sentais obligée de le faire. « C’est le principal, je suppose. » Tu hoches doucement la tête. Oui, et c’est tout ce qui devrait compter sans que tu ne sois contrainte de l’expliquer tout le temps. Tu baisses le regard et retiens un soupir. Tu t’ennuyais plus que jamais du temps où les choses étaient simples et fluides entre vous. « Ah bon? » qu’il questionne, surpris, lorsque tu lui apprends que c’est plutôt tranquille côté travail dernièrement « Je n’ai aucun projet qui ont abouti sauf pour une série parue récemment sur Netflix, et avec la grossesse, je ne pense pas me lancer dans quoique ce soit de sitôt. » que tu admets. Ce n’est pas exactement l’année que tu t’imaginais avoir, surtout que tu te remettais encore d’une longue pause, mais la priorité n’était plus au travail, mais bien à ta famille. « Et puis je pense peut-être me réinstaller proche de chez mes parents à Torquay, temporairement. » que tu lui expliques, sans pour autant dire que cela était lié à Isaac et la découverte récente de ce fils qui lui avait été inconnu des années durant. « À mes heures perdues. » qu’il t’apprend lorsque tu lui demandes s’il fait encore de la photo, ce qui te fait sourire. « Qui ne sont plus très nombreuses d’ailleurs. » « Tu travailles beaucoup? » que tu demandes, curieuse. « Je me souviens encore quand je te demandais sans cesse de me faire des nouvelles photos de ‘promo’. » C’était avant que tu ne sois réellement populaire, et quand tu rêvais encore de grandeur et de gloire. Toutes les raisons étaient bonnes pour te retrouver devant un appareil. « Est-ce que tu penses que l’on pourrait se voir, avant que je retourne à Torquay? » Tu demandes, sans savoir comment il allait réagir ou répondre, mais sachant pertinemment que vous aviez perdus beaucoup trop de temps déjà pour avoir envie de continuer sur cette même route.

12 janvier 2022. Retrouver sa cousine sur son lieu de travail était quelque peu étrange. Il ne se dévoilais à personne, même pas à son entourage. Depuis qu’il était à Brisbane on ne pouvait pas dire qu’il avait élargi son cercle social, il restait fidèle à lui-même ; assez mystérieux, solitaire, bosseur et renfermé. Sa relation avec sa cousine était peut-être un poil plus adouci car maintenant ils arrivaient à se parler plus de deux minutes sans que l’un ou l’autre ne claque la porte. Et même si le Stringer n’était pas de nature rancunière, Hunter l’avait toujours été envers sa cousine. Pourquoi ? Peut-être parce qu’il l’avait considérée comme une sœur et qu’il s’était senti trahi dans une période où il était déjà au plus mal… Un couteau dans le dos qui avait fini par l’achever. Toutefois, il savait être professionnel et sa voiture était réparée sans encombre. « Peut-être que je devrais te demander de venir faire un tour avec moi, juste pour être certaine. » Il écarquilla les yeux, la défiant presque de le faire même s’il serait probablement incapable de rester plus longtemps avec elle. « Mais je vais te faire confiance. » Au moins l’un d’eux pouvait le faire, clairement Hunter n’était pas prêt à lui refaire confiance de sitôt. « Tu peux » déclara-t-il avec un certain sérieux car il connaissait ses capacités, et savait qu’il n’avait rien merdé dans sa voiture.

Pour éviter un moment de malaise plus longtemps, Hunter fit un commentaire sur sa grossesse, la félicitant sans vraiment se montrer plus intéressé. Il faisait la discussion pour essayer de ne pas paraître trop froid, c’étaient quand même pas mal d’efforts pour lui. « Je n’ai aucun projet qui ont abouti sauf pour une série parue récemment sur Netflix, et avec la grossesse, je ne pense pas me lancer dans quoique ce soit de sitôt. » Il acquiesçait doucement de la tête, ce n’était pas lui qui allait la plaindre… « Et puis je pense peut-être me réinstaller proche de chez mes parents à Torquay, temporairement. » Cette nouvelle était d’autant plus étonnante. « Carrément ? Dis-donc, c’est du changement tout ça. » déclara-t-il en la regardant, mais il n’arrivait pas pour autant à se  réjouir pour elle, il restait toujours sur la réserve et n’arrivait jamais à exprimer ses émotions. Mais il voyait bien que Penny souhaitait prolonger ce moment privilégié. « Tu travailles beaucoup ? Je me souviens encore quand je te demandais sans cesse de me faire des nouvelles photos de ‘promo’. » Un léger sourire vint sur son visage même si ses yeux exprimaient encore de l’indifférence à cette période de sa vie, qu’il tentait de réprimer au plus profond de lui. Sans commentaires, il avait dû mal de parler de ses souvenirs avec elle, c’était une autre vie. « Est-ce que tu penses que l’on pourrait se voir, avant que je retourne à Torquay? » Il haussa les épaules, peu convaincu du but de cette démarche. « Pourquoi faire ? Tu crois qu’on a vraiment des choses à se dire ? » demanda-t-il dans une petite voix, il n’était pas du tout agressif ou méchant, mais il voulait comprendre pourquoi elle voudrait le revoir, il n’était pas sûr qu’ils aient réellement des choses à se dire…
 

« Tu peux. » Tu étais tentée de lui demander si lui allait recommencer à lui faire confiance à un moment ou un autre, mais la dernière chose que tu souhaitais faire présentement était de faire une scène sur le lieu de travail de ton cousin et tu avais conscience que de prendre ce chemin risquait de faire monter le ton de la conversation. Tu étais d’ailleurs surprise du fait que vous étiez en mesure d’avoir une discussion sans insulte et sans cri pour plus de trente secondes, et ça venait simplement confirmer ce que tu savais pourtant depuis longtemps : ton cousin te manquait. Sa présence dans ta vie te manquait et tu avais des regrets plus que jamais de voir votre relation n’aboutir à absolument rien à cause d’une erreur que tu avais commisse dans un moment de grand stress dans votre famille. Tu profites toutefois de cette petite ouverture pour lui parler de toi, de tes projets, ou plutôt de l’absence de ces derniers vu ta grossesse et autres changements venant chambouler ton quotidien. Tu vas même jusqu’à lui avouer tes plans de te réinstaller près de chez tes parents pour quelques temps, sans mentionner la véritable raison derrière ce déplacement. « Carrément? Dis-donc, c’est du changement tout ça. » Tu hoches doucement la tête. « J’te le fais pas dire. » que tu conclues avec un léger sourire, avant de te faire un peu plus curieuse sur lui. Son silence se veut éloquent, même si tu parviens à obtenir un sourire que tu n’as pas vu sur son visage depuis des années. Elles sont loin derrière, les années où vous étiez très proches et faisiez beaucoup de choses ensemble malgré la distance entre vos deux familles, mais les souvenirs te sont toujours aussi précieux aujourd’hui, malgré l’état actuel de votre relation. D’oser lui proposer de se revoir avant ton départ était une étape que tu n’avais jamais franchie jusqu’à aujourd’hui et dire que tu appréhendais sa réaction était sans doute un euphémisme. Tu sentais ton cœur battre douloureusement contre ta poitrine alors que tu étudiais silencieusement le visage de ton cousin, en attente d’une réponse de sa part. « Pourquoi faire? Tu crois qu’on a vraiment des choses à se dire? » « Oui. Je crois qu’on a beaucoup de choses à se dire, depuis le temps. » que tu admets sans hésitation. « Je sais que les choses ne pourront jamais plus être ce qu’elles étaient entre nous, mais j’ai envie d’avoir un lien avec toi. J’veux croire que l’idée que tu puisses faire partie de ma vie et de celle de mon enfant éventuellement n’est pas complètement folle. » Un pas à la fois, un moment à la fois. Mais était-il vraiment prêt à te donner cette chance? Tu en doutais, mais il te fallait plonger, quitte à te cogner à un énième refus de sa part. « J’veux pas te déranger sur ton lieu de travail plus longtemps, mais… fais juste y réfléchir, s’il-te-plaît. » Peut-être qu’un temps de réflexion te serait favorable, tu ne pouvais que l’espérer, vraiment.

12 janvier 2022.  Ces derniers mois avaient appris à Hunter à devenir plus patient, et à aussi attendre moins des autres. Il comptait que sur lui-même, il avait accepté le coup de pouce de son ami mais maintenant il gérait tout seul son appartement, ses tafs, et même s’il n’était pas clean dans tous les sens du terme, il pouvait être fier de rentrer assez d’argent pour en donner à sa mère sans compter. Tout ce qui comptait pour lui était que sa mère soit bien, soit mieux que toutes ces dernières années. Ils en avaient assez chié. Hunter n’était plus le même, il n’était plus le petit génie aux milles idées, aux milles rêves. Il avait abandonné ses ambitions, tout ce qui comptait maintenant était qu’il finisse la journée, c’était déjà quelque chose d’énorme pour lui. Il n’était plus le cousin compétiteur, rieur et bienveillant que Penny avait connu. Il était juste ce mécano qui lui assurait que son véhicule était en état de partir, qu’elle le croie ou non. Et d’un autre côté, elle ne devait plus être aussi la fille qu’il avait connue, Penny aussi avait dû changer, évoluer, mûrir. Sans aucun doute, elle avait changé. « J’te le fais pas dire. » Des changements en vue, une grossesse, une carrière, une vie de couple, tout semblait se dessiner comme elle avait toujours voulu, et encore une fois c’était Penny qui gagnait la course – course à laquelle il avait arrêté de courir depuis la mort de son père. Tout s’était arrêté chez les Stringer quand son père était mort. Ils avaient été proches, ils avaient été comme des frères et sœurs qui se tiraient dans les pattes mais qui s’étaient toujours aimés, elle était bien loin cette époque. Toutefois il pouvait encore lire dans le regard de la blonde des regrets, des remords, des excuses sincères qu’il n’arrivait plus à entendre… De l’eau avait coulé sous les ponts, et il se demandait à quoi cela pourrait servir de recoller les morceaux, c’était du passé maintenant… Ils n’étaient que des étrangers l’un pour l’autre. « Oui. Je crois qu’on a beaucoup de choses à se dire, depuis le temps. Je sais que les choses ne pourront jamais plus être ce qu’elles étaient entre nous, mais j’ai envie d’avoir un lien avec toi. J’veux croire que l’idée que tu puisses faire partie de ma vie et de celle de mon enfant éventuellement n’est pas complètement folle. » La maternité de Penny pouvait peut-être adoucir les peines, même si Hunter ne se voyait pas dans l’entourage d’un bambin, pas avec la vie qu’il menait. « J’veux pas te déranger sur ton lieu de travail plus longtemps, mais… fais juste y réfléchir, s’il-te-plaît. » Peut-être qu’elle y croyait vraiment mais c’était seulement parce qu’elle n’avait pas toutes les vérités en sa possession. « Prends soin de toi, Penny. » dit-il finalement, car elle avait raison ce n’était ni le lieu ni le moment d’en parler. « On en reparlera à l’occasion. » Oui, à l’occasion, pas maintenant du coup. Il lui adressa un dernier sourire avant de la laisser rejoindre l’accueil pour régler sa facture. Il l'avait entendue, le temps ferait les choses...