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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

Et aujourd’hui t’en penses quoi ? Juchée sur son rebord de trottoir, elle fixe le message jusqu’à ce que l’écran du téléphone noircisse puis s’éteigne. La mâchoire tellement serrée qu’elle en est douloureuse, l’esprit encore fumant de cette pseudo confrontation par message et le cerveau ramolli par la fatigue et les saloperies ingérées ce soir, elle est plus sûre de rien. Alors plutôt que de trop se triturer les méninges, elle attend, apathique en fixant ses pieds. En fond sonore, elle distingue quelques voitures qui passent, pas beaucoup de piétons et vu l’heure qu’il est, ça n’a rien d’étonnant. Y a le temps qui passe et Blackwell ramène ses jambes contre elle avant de poser son menton sur ses genoux. Dans un coin de sa tête, sa lâcheté lui hurle de pas attendre ici comme une conne. Dans un autre coin, c’est sa conscience qui lui dit que Mac a le droit d’avoir sa discussion, qu’il est temps d’arrêter de fuir. Et au milieu, y a elle qui peut pas bouger. Elle a largué les autres depuis une bonne heure et personne semble s’en être inquiété. Encore une fois, rien d’étonnant. Ils sont probablement tous défoncés ou ivres morts quelque part, et c’est pas son problème ce qui arrive à tous ces cons.
Depuis cette nuit-là, depuis le nouvel an, Spencer ne fait que ruminer encore et encore jusqu’à s’en rendre malade. Avoir revu Mac, ça l’a secouée et ça a mis à mal toutes les prétendues bonnes résolutions qu’elle avait pourtant juré de prendre. (Regardez la chercher à justifier son propre manque de volonté, c’est affligeant.) D’une certaine façon, elle a tenu bon une semaine, puis une deuxième. Et, ce soir pourtant, aidée par ses émotions désinhibées par l’alcool et les stupéfiants, elle a craqué après plus de deux ans sans un seul message. Parce qu’elle arrêtait pas de penser que cette connasse de Margot était toujours dans le paysage après tout ce temps. Un premier message, un deuxième, puis trois, et ça fait plus d’une heure que ce cirque dure. Elle aurait bien aimé que Mac ne réponde pas, qu’elle ne voit ça que le lendemain et que ça laisse le temps à Blackwell de récupérer ses esprits pour de nouveau bloquer le numéro. Une opération simple à faire, mais désormais infaisable. Parce que Mackenzie se ramène et que Spencer a été assez conne pour accepter de se faire ramener. Ca va encore mal finir, ça va encore leur faire du mal et ça va encore empirer les choses, c’est une certitude. Techniquement, elle a encore le temps de se tirer et elle n’a pas promis de ne pas le faire, rien ne l’oblige à attendre sagement. (Si ce n’est cette irrépressible envie de la revoir, parce que ça lui a fait autant de mal que de bien, la dernière fois.) Elle pourrait appeler Callum, le presser en simulant une overdose ou une crise de panique. Parce que maintenant que Raelyn a eu son bébé, Spencer se refuse de l’appeler au beau milieu de la nuit comme elle a déjà pu le faire. Parce qu’elle a sa propre famille et qu’elle a autre chose à foutre que venir lui sauver le cul chaque fois qu’elle se met dans une situation délicate. Et elle se fait la promesse de ne pas le faire avec Sutherland non plus, c’est un jeu trop dangereux qu’elle est sûre de perdre si elle recommence à essayer d’y jouer. Lui renvoyer des messages sans aucune réflexion derrière, penser à elle, faut pas que ça redevienne une habitude.
Du coin de l’oeil, elle repère un mouvement dans la pénombre. Elle redresse légèrement le dos et vérifie qu’il s’agit bien de la personne attendue. « Hey. » qu’elle lance simplement une fois qu’elle est à distance correcte. Pas en état de réfléchir à quoi que ce soit d’autre ou de lancer les hostilités, Spencer se relève tant bien que mal, chancelant à peu près autant qu’un nouveau né. « T’étais pas obligée de venir, tu sais. » pas un reproche, juste un fait. Son ton est las, épuisé. La mine défaite, elle inspire et range son téléphone dans sa poche. Le high de sa soirée est passé et elle a juste envie d’aller s’enterrer maintenant. Blackwell aurait pu attendre ici jusqu’au matin, ça lui aurait fait les pieds. Parce que du coup, Mac a coupé sa nuit pour sa tronche, et ça ne fait qu’ajouter à son sentiment de culpabilité déjà bien trop lourd à porter. Spencer piétine dans la direction de Mac, prête à la suivre jusqu’à sa bagnole et surtout à bien fermer sa gueule tout au long du trajet pour éviter de dire de la merde qu’elle regrettera dès qu’elle aura l’esprit éclairci.

Encore une fois tu provoques un sursaut dans mon sommeil, dans ma poitrine et c'est tout mon monde qui se retrouve dérangé. Tu me parles de Margot, de tes regrets et de ton appart trop loin, tu me fous en vrac tu me retournes tout entière, j'ai l'impression d'être sur le grand huit le plus instable du monde ou peut-être une machine de torture soviétique. Il est trois heures quand je me lève pour faire passer les palpitations et quasi quatre quand je rentre dans ma voiture, des fringues de survêt enfilées à la va-vite et un bonnet machinalement vissé sur le haut du crâne, j'ai chaud mais j'ignore, je roule trop vite mais j'ignore. Tes mots tournent dans mon crâne jusqu'à ne plus rien vouloir dire et que je sois incapable d'en tirer des conclusions : j'aurais aimé savoir faire ça avec toi, aussi. Mais t'es là, sur ton trottoir, l'air hagard que je déteste en sachant parfaitement ce qu'il signifie. « Hey », je renvoie d'un ton qui se veut égal, et je carre les épaules, je fais montre de toute la nonchalance que je peux invoquer mais tu me connais suffisamment bien pour voir ma mâchoire qui tremble, mes yeux qui fuient, mon air maladroit malgré moi. Qu'importe au fond : toi, tu es défoncée et moi, j'ai le droit d'être dans tous mes états. Pour une fois, je n'ai pas envie de faire bonne figure. « Je sais. » Je sais que t'as pas besoin de moi au fond, que t'en as jamais eu besoin, que je fais ça à moitié pour ma conscience et à moitié par envie déguisée de te revoir, et surtout je sais que tu le sais alors je m'abstiens de souligner l'évidence : je n'ai rien à foutre ici, et toi non plus. Et pourtant on a décidé de s'y retrouver, pour je ne sais quel rituel masochiste qu'on a décidé de mettre en place comme résolution 2022, parce que notre relation ne peut pas se solder sur une engueulade au Nouvel An, c'est trop cliché comme fin et toi comme moi valons mieux que ça. « Mais j'allais pas te laisser dormir là. » Là, calée entre deux poubelles, ton visage trop blème posé sur des genoux trop maigres avec l'air d'attendre quelque chose sans trop savoir quoi ; la mort peut-être, j'y pense fugacement et ça me fait peur, ça suffit à me forcer à secouer la tête et à reprendre, plus fort cette fois : « Allez, dépêche, j'ai une nuit à finir. Et j'bosse demain. » Sache, Spence, que j'ai poursuivi ma vie sans toi, que j'ai un job une copine une situation, je suis une adulte accomplie et tes années d'absence ont glissé sur moi comme le temps sur Chronos. Même moi j'ai failli y croire, avant que tu reviennes et que tu brises tout. J'arrive même pas à t'en vouloir ; à croire que je n'attendais que ça. Je presse le pas jusqu'au siège conducteur, je te montre d'un coup de menton la ceinture et je passe mes mains sur mes yeux fatigués pour chasser le sommeil en moins, les larmes dépensées sur toi, l'inquiétude qui me tord toujours les traits et va me donner cinquante rides par an si tu continues. « T'as même pas répondu à mon message », je souffle, pas sûre moi même de vouloir relancer la conversation, alors je me fustige mentalement puis ajoute, comme pour masquer le reste : « Bon. T'habites où ? » J'allume le contact en sachant que si je ne pars pas maintenant, je saurai plus te laisser après.

@Spencer Blackwell

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

Difficile de dire combien de temps a passé entre le moment où Mac a annoncé arriver, et le moment où elle l’a fait. Trop longtemps, pas assez, tout est une question de point de vue. En son for intérieur, Spencer a juste hâte de la revoir. Parce que, même dans des conditions hostiles où elles ressemblent à des étrangères, c’est mieux que rien. Mais c’est aussi pire que tout. Parce que ça veut dire affronter son regard, se souvenir des larmes versées par sa faute et c’est amplement suffisant pour la faire paniquer de nouveau. Pourquoi elle s’accroche à ce point là, Mac ? Tout serait pourtant si simple si elles se détestaient vraiment. Malgré toutes les conneries de Spencer, Sutherland vole encore à sa rescousse comme si c’était la bonne chose à faire. « T’aurais pu. » peut-être même qu’elle aurait dû. « J’ai l’habitude, c’pas si terrible. » qu’elle souffle sans trop réfléchir. Elle connaît des spots dans le coin et elle sait comment faire pour ne pas être emmerdée. En revanche, il lui faut un moment pour se rendre compte de ce qu’elle vient plus ou moins d’avouer. Merde. Elle plisse le nez dans une grimace et presse un peu le pas, se dépêchant en conjurant toute sa motricité pour ne pas trébucher sur le moindre obstacle qui croiserait sa route sur les quelques mètres les séparant de la voiture. « Pardon. » Spencer bougonne, désolée d’avoir coupé sa nuit de la sorte. Désolée de la voir débarquer là alors qu’elles ne devraient même pas s’adresser la parole. Désolée de lui faire subir tout ça encore et encore. Sans grande surprise, elle a des choses à faire le lendemain et il aurait été préférable qu’elle continue à dormir pour être en forme. Non sans difficulté, Spencer s’installe sur le siège passager, résignée à passer le trajet dans le silence le plus lourd qui soit. Et ça vaut sans doute mieux pour toutes les deux. Blackwell galère à boucler sa ceinture et fronce les sourcils, agacée. C’est donc une petite victoire quand, enfin, elle réussit miraculeusement. Alors elle célèbre à sa façon en s’enfonçant dans le siège et en fermant les yeux, presque prête à s’endormir ici et maintenant. C’est aussi et surtout une manière d’éviter de porter son attention sur Mac et de potentiellement croiser son regard. Alors lorsqu'elle parle de son manque de réponse au message, Spencer se tend. Elle pince les lèvres et secoue la tête. « Je croyais que tu voulais pas continuer cette conversation maintenant ? » la voix légèrement éraillée, elle est tout de même assez lucide pour esquiver une nouvelle fois la question potentiellement gênante. Elle soupire doucement et rouvre les yeux pour jeter un oeil à l’extérieur de la voiture. « Et que j’devais rien dire pendant l’trajet. » parce que Spencer écoute les directives seulement quand ça l’arrange. Comme c’est le cas ici. « C’est quelque part dans Mary Street, j’te dirai quand on sera devant. » le numéro exact, elle n’a pas pris le temps de l’apprendre. La rue en question n’est pas extrêmement éloignée non plus, peut-être un bon quart d’heure en voiture. Et bien sûr, ça implique qu’il va falloir qu’elle reste éveillée jusqu’à ce qu’elles arrivent. « Tu fais quoi maintenant ? » qu'elle demande sans même lui adresser un regard, parce que si elle le fait elle a la conviction qu'elle va se mettre à chialer.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland

On retourne à la voiture, l’une plus facilement que l’autre, et ma mâchoire travaille autant que mon cerveau alors que je me demande ce que je fous là, pourquoi je t’ai encore récupérée, est-ce qu’au fond c’est pas moi qui cherche la merde, j’aurais mieux fait de me rendormir putain. Tout en moi est un désordre sans nom que tu brouilles à chaque fois que je me rappelle de ta présence ; t’avais l’intention de m’oublier alors pourquoi je suis revenue, j’ai besoin que t’admonesties Margot jusqu’à ce que je sois convaincue que c’est une bonne idée de la larguer, j’ai surtout besoin de retourner dans mon lit et de t’oublier t’oublier t’oublier parce que toi tu t’es jamais gênée pour le faire. « Non, mais comme t’as pas l’air motivée à l’avoir plus tard… » C’est tout ce que je retourne à ton constat, un reproche bien senti à ton départ soudain, à tes intentions claires de te barrer une nouvelle fois sans rien me dire, en m’abandonnant avec des questions plein la tête et aucune piste pour y répondre. Pourquoi Margot pourquoi toi pourquoi un retour pourquoi maintenant. Pourquoi c’est fini, aussi, parce que cette soirée a tout le goût d’un adieu. Je t’ai demandée de te taire mais si proche de la fin, la perspective de ton silence m’est insupportable. « C’est bon, j’ai eu le temps de me calmer. » Toi aussi, apparemment, parce que tu t’es engoncée dans ton siège et que les diatribes sur Margot, moi qui vaux mieux, sur tes regrets ont cessé presque immédiatement. J’en suis presque déçue, j’ai encore les crocs de ces non-dits et de ces conversations jamais terminées, ça me frustre et ça m’use de ne pas savoir et ça me fait vibrer tout autant. Je hais ce que tu me fais. « Mary Street, hm ? » que je siffle, entre admiration et incrédulité. Depuis quand t’as un appart au coeur du CBD, et pourquoi ? « Je travaille dans un vignoble. Je fais la communication et tout, genre des flyers, je redéfinis les campagnes de pub, j’axe le truc sur un public plus jeune, enfin tu vois le genre, rien de très glorieux mais bon, c’est sympa, parfois ça me fait un peu chier. » J’hésite, mais ajoute quand même : « Et toi ? » Parce que pour avoir un appart dans le quartier des affaires et préférer quand même dormir dehors, c’est bien que t’as un truc, t’as forcément un truc, t’as toujours des combines incroyables et audacieuses, je t’ai toujours un peu envié ça d’ailleurs, ton aisance à passer d’un milieu à l’autre. T’es un caméléon quand moi je suis un éléphant, tu te fonds partout alors que je me contente de sagement suivre un chemin tout tracé sans me poser de questions embarrassantes. Je me mords la lèvre inférieure, le regard fixé sur la route alors qu’un feu rouge dure un peu trop longtemps. Le silence se fait de trop, moi je compte les secondes et mes respirations, elles deviennent un peu trop erratiques, je vais étouffer si je ne dis rien : « Pourquoi t’es revenue, Spence ? » Ca me brûle les lèvres en sortant. J’ai l’audace, un bref instant, de m’imaginer que c’est pour moi, rien que moi, parce que je te manquais autant que moi je crevais sans toi. « Pourquoi maintenant ? Et pourquoi tu m’as écrit, même ? C’est ça que je comprends pas. T’as eu deux ans pour le faire, mais tu choisis maintenant », maintenant que j’arrive enfin un tant soit peu à tourner la page et à me faire à ton absence, après deux années de torture à me demander si t’étais au fond d’un caniveau ou si t’avais trouvé un mari riche qui te rendait heureuse, « qu’est-ce que tu fous ? » Là c’est le moment où j’ai besoin que tu me dises que je t’ai trop manqué, que t’as bien réfléchi et t’as été conne et tu me demandes pardon, on envoie Margot se faire foutre et tu me dis que tu vas rester, pour moi, et qu’à partir de maintenant tout ira bien. Ca ne viendra jamais, alors j’appuie un peu trop fort sur l’accélérateur quand on passe au vert comme pour laisser la pensée loin derrière moi.

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

Elle a envie de rouler jusqu’à son lit maintenant. S’y cacher et n’en ressortir que dans dix ans. Un bon plan bien peu réaliste. Elles s’installent, Mac brisant le silence la première. Pas étonnant. « Ça changerait quoi d’en reparler maintenant ? » c’est un peu trop tard pour revenir sur ce genre de décisions. « C’est pas comme si t’allais dire okay et oublier tout c’que j’ai fais. » elle marmonne sans grande conviction. Pour l’heure, autant se concentrer sur la destination et ne pas évoquer les sujets qui fâchent. « Hm, c’un endroit temporaire où on m’laisse rester un peu. J’sais pas si c’est pour longtemps. » tout n’est qu’incertitude et brouillard permanent. Ca fait un peu plus d’un mois qu’elle crèche là et, déjà, elle s’est fait à l’idée que d’une manière ou d’une autre, elle va foutre en l’air ce qu’elle a entamé avec Raelyn. C’est qu’une question de temps et d’opportunité. Et une fois que ça sera fait, il ne lui restera plus que ses jambes pour courir. Encore. Pour l’heure, Spencer écoute et se surprend à sourire un peu, appréciant simplement le fait que cette fois elles ne se crient pas dessus. Pour l’instant. « Un vignoble ? C’est pas qu’des vieux qui travaillent dans ces trucs là ? » sans doute des vieux riches. Ca peut valoir le coup d’en toucher deux mots à Murphy. « En c’moment… J’bosse dans un casino. » sans doute ne devrait-elle pas en parler, c’est trop d’indices pour la retrouver et elle risque de regretter ensuite. Pourquoi. C’était pas tellement prévu, en vérité. C’était plus facile que Mac la pense loin et injoignable. Elle a bien foutu la merde en se rendant à cette soirée avec Oliver. A croire que le destin voulait absolument lui forcer la main. Reste à savoir si c’est pour réparer les pots cassés ou pour finir d’écraser les morceaux. Spencer rumine un peu, cale son coude sur le rebord de la fenêtre et son poing vient soutenir sa mâchoire. Le regard obstinément fixé à l’extérieur, elle refuse toujours tout contact visuel avec sa voisine. Elle souffle un coup et plisse le nez sans vraiment savoir quoi répondre ou comment y mettre les formes. « Ils ont retrouvé Maureen au milieu d’ses bouteilles vides. » c’est sans doute la seule excuse qu’elle peut utiliser à ce moment-là. Y a un fond de vérité, mais c’est bien évidemment pas la vraie raison de son soudain retour à la vie. La génitrice a toujours été un sujet sensible. Elle n’en parlait pas, ne voulait pas en entendre parler et refusait d’avoir quoi que ce soit à voir avec elle. « Elle était claquée depuis presque une semaine et personne en avait rien à foutre. C’est la voisine qui a appelé parce que ça puait. » si elle fait en sorte de garder un air détaché, si elle essaye de se convaincre que c’est pas une grande perte et qu’elle était la première à en avoir rien à carrer, l’événement lui a tout de même laissé un goût amer en bouche. Plus que de la tristesse, c’est de la colère qui lui reste. Cette bonne femme n’a jamais rien apporté de bon, dès qu’elle ouvrait la bouche c’était pour sortir tout un tas d’âneries ou d’injures. « J’sais même pas si y avait des gens à son enterrement. » implicitement, ça implique qu’elle, sa propre fille, n’a pas pris la peine d’y foutre les pieds. Ce qui enrage le plus Spencer dans toute cette histoire, c’est qu’elle n’a aucun doute sur le fait qu’elle va très certainement partager le même sort que la vieille Maureen. Disparaître dans l’indifférence la plus totale sans avoir jamais rien accompli. Pourquoi, pourquoi, pourquoi. Elle aimerait vraiment bien savoir, aussi. « Je sais pas, Mac. Je sais vraiment pas. » Spencer s’est toujours laissée porter par les événements. Même si souvent, elle se retrouvait plutôt emportée par eux sans rien contrôler du tout. « A la base… J’crois que je voulais m’excuser de t’avoir fait pleurer l’autre coup. » le souvenir de cette vision lui retourne encore l’estomac. Y a un millier de choses dont elle devrait s’excuser auprès de Mac, mais fallait bien commencer quelque part. Enfin, ça a pas été une franche réussite. « Et puis j’en sais rien, j’ai repensé à elle et j’ai pas réfléchis. » parce qu’elle les imagine ensemble, tous les jours. Que la simple idée de ça lui donne envie d’éclater des trucs contre les murs. Ce qu’elle aurait fait en temps normal, mais là elle était bien trop amortie par les stupéfiants ingérés. « J’réfléchis pas bien quand t’es là. Tu m’embrouilles tout l’temps. » elle bougonne comme une enfant qui boude de ne pas avoir eu ce qu’elle voulait.  

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland

J’entends la lassitude et le renfrognement dans tes mots et j’ai envie de gueuler, de te secouer : tout, Spence, ça changerait tout, ça effacerait peut-être pas toute ma rancoeur mais ça la gommerait en partie, ça justifierait les questions que je me pose depuis deux ans sans savoir où chercher les réponses, ça montrerait que t’en as un tant soit peu quelque chose à foutre et que t’as pas juste disparu sans égard pour moi. Qu’importe ce qui se passe après, cette page-là sera au moins tournée, et j’en ai besoin sous peine de tourner en boucle sur ce passage à vide que je ne contrôle pas, que j’ai jamais contrôlé. Mais je réponds « hmm », un bougonnement contrôlé et pensif. Tu as raison : c’est impensable d’oublier tout ce que tu as fait, ou ce que justement tu n’as pas fait, mais ça ne veut pas dire que je ne veux pas essayer. T’as même complètement tort, je damnerai tout jusqu’à mon chien si ça pouvait te ramener rien qu’un peu. « Et moi j’croyais qu’il y avait que des vieux richous dans les casinos. » C’est gratuit mais c’est léger, ça a le mérite de détendre la conversation une fraction de secondes et de me renvoyer dans les frasques de notre complicité d’antan. Impossible de savoir où elle est partie, je te regarde et je ne vois qu’une contemplation haineuse et indécise sur tout.
Tu parles de Maureen et je me demande si tu te vois à travers elle parfois, si de temps à autres tu t’imagines clamsée au milieu de tes seringues comme moi j’ai pu le faire, si tu la détestes parce que c’est plus facile que de te détester toi-même, mais je ne dis rien. Ton deuil t’appartient et je n’ai plus rien à y faire, je n’ai plus rien à faire nulle part alors je la ferme et je te laisse parler. Je t’écoute comme si tu me récitais l’évangile et j’ose à peine respirer de peur que ça t’interrompe. « Désolée », je marmonne et je m’arrête là. Ma mère, c’était tout sauf une Maureen, c’était davantage une Mulan ou je ne sais quelle héroïne de guerre, une femme entourée de fleurs et d’amour et de croyances parfois un peu débiles, mais auxquelles j’ai appris à tenir fort, moi aussi. J’aurais aimé que tu la connaisses. Qu’elle t’apaise un peu comme elle a su m’apaiser moi. Mais plus tu parles et plus je te vois lasse, moins je te vois énervée, j’ai l’impression que toute ta verve est restée à Sydney, ou au fond des bouteilles de Maureen, dérobée par une seringue. Tu es une coquille et si je tournais la tête, aucun doute que je verrais des yeux vides. Je donne un coup de l’arrière de ma tête contre l’appuie-tête, pour me réveiller, pour ravaler les larmes. Il m’aura fallu deux minutes et demi avant d’ouvrir les vannes, magnifique.  « Je suis censée faire quoi de ça, moi, Spence ? » Une main fatiguée passe sur mon front. Je te le demande sincèrement parce que je sais pas quoi dire, ni quoi faire, ni ce que tu attends de moi. « Putain, y a genre trois secondes je te pensais morte et là tu débarques et tu me dis ce que j’attends d’entendre depuis des années. » Je jette un oeil en ta direction, je sais pas ce que je suis censée faire, m’arrêter te virer du véhicule t’embrasser te foutre une baffe te pleurer sur l’épaule jusqu’à ce que tout disparaisse. Te supplier de rester, sûrement, parce que je saurais pas faire avec un nouveau départ : je le sais déjà. « Le pire c’est que je suis sûre que même si je la larguais ça changerait rien pour toi, hein ? » Y a un fond de bile dans ma bouche alors que je dis ça, il me fait grimacer et serre ma gorge comme par réflexe de survie, j’ai même pas besoin de poser la question mais je le fais quand même par désespoir que tu me contredises, même un tout petit peu. Mes yeux s’attardent encore un peu sur toi, j’ai la rage au ventre et des millions de regrets qui éclosent alors que je les pensais morts, toi aussi tu me retournes, de toutes les façons, les pires comme les meilleures et je ne sais plus quoi faire ni de moi ni de mes résolutions. « Tu peux plus disparaître comme ça, tu sais ? » Je m’humecte les lèvres et je resserre le volant entre mes doigts, anxieuse d’arriver trop vite à destination, que tu t’évanouisses comme t’es revenue et que tout s’arrête là encore, un mauvais rêve qui reste trop longtemps en bouche. « Tu fais c’que tu veux, tu repars demain même, mais j’ai besoin que tu me le dises, j’supporterais pas que tu repartes comme ça, j’vais clamser je te jure. »

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

Blackwell ricane, presque amusée par l’échange sur leurs jobs respectifs. Et ça lui rappelle à quel point c’était facile de juste discuter et plaisanter avec Mac et surtout, à quel point elle lui manque chaque jour depuis son lâche abandon. « C’est l’cas. Ils arrêtent pas d’essayer de mettre des mains au cul c’est chiant. » bon, pas vraiment vu le type de clientèle qui fréquente l’établissement. Mais plaisanter un peu, c’est pas désagréable en vu de la situation. Même si ça ne fait qu’ouvrir des opportunités pour baisser sa garde. Au moins en évoquant Maureen, elle n’a pas à feindre l’hostilité ou le désintérêt. C’est réel et bien ancré. « Y a pas à être désolée pour elle, c’était qu’une connasse. » et ça l’énerve tellement de lui ressembler autant. Une connasse qui a foutu sa vie en l’air pour quelques regrets transformés en colère brute. Spencer, elle… Bein elle suit l’exact même tracé. Elle ne s'empoisonne pas de la même façon, mais ça ne fait aucun doute sur le fait qu’elle court vers la même destination. « Elle a rien laissé d’autre qu’encore plus de dettes. » qu’elle ne prendra pas la peine de payer, bien évidemment. De toute façon ils ont déjà saisi l’appart et les trois conneries qu’elle possédait, y avait rien à sauver non plus de ce côté là. Revoilà Margot qui fait son retour dans la conversation. Toujours entre elles, elle doit avoir les oreilles qui sifflent la pauvre fille. Spencer ferme les yeux et pince les lèvres.  « Arrête avec ça… » qu’elle geint en conjurant toutes ses forces pour ne pas lui dire de le faire là, tout de suite. Elle passe une main sur ses yeux épuisés et qui commencent à lui brûler. « Si tu le fais maintenant, ça va rien t’apporter de plus. » ce n’est pas comme si elles allaient magiquement réparer ce que Spencer a pris son temps à détruire, ce n’est pas comme si elles avaient un quelconque avenir digne d’une comédie romantique niaise à en vomir. Ce n’est pas comme si Spencer méritait la moindre chance supplémentaire. « Elle est là pour toi et ça devrait être suffisant. » et même si la jalousie l’étouffe, elle préfère savoir Mac en compagnie de quelqu’un qui peut prendre soin d’elle plutôt que seule et misérable. « Faut que t’arrêtes d’attendre après moi, tu vaux tellement mieux que ça. » quelle erreur ça a été, ces messages, ce nouvel an. Tout. Mais ce n’est jamais simple avec Spencer, surtout quand ça concerne Mac. « J’ai aucune idée de ce que je fais ou d’où je vais. » comme d’habitude, elle essaie de justifier son comportement. Sutherland a gagné bien trop de terrain en trop peu de temps et ça lui fout les jetons. A ce rythme là, elles vont de nouveau se croiser régulièrement et rien de bon n’en résultera jamais. « Tu sais c’que j’ai fait, ces deux dernières années ? » la voilà prête à presque tout déballer, nourrissant presque l’espoir que la mise en lumière de ce nouveau mensonge suffise à mettre Sutherland assez en colère pour qu’elle arrête la voiture ici et la jette dehors avant de partir sans se retourner. « Rien du tout. La belle vie à Sydney c’était du flan, j’y ai jamais foutu les pieds. » la respiration légèrement saccadée par le rire nerveux qui lui échappe, elle tourne enfin la tête vers Mac, le visage contorsionné dans une expression peinée. C’est la première personne à qui elle dévoile son mensonge à ce sujet là. « J’ai été virée d’mon boulot, j’ai perdu l’appart et j’ai passé deux ans à faire tout un tas de saloperies en ville juste pour gagner quelques dollars et pouvoir continuer à me défoncer. » et la voilà qui renifle. Putain, elle dit pas ça pour se plaindre. Elle veut juste que Mackenzie comprenne qu’il n’y a rien à gagner à continuer à s’accrocher comme elle le fait. « J’me suis dit que peut-être, ça allait finir par s’arranger, mais c’est pas comme ça qu’ça marche. » elle inspire et colle son front sur la vitre, prenant un moment pour ravaler sa honte avant de continuer. « Et tous les jours j’me disais que si ça s’trouve la semaine suivante j’serai crevée dans le fond de la rivière et que de toute façon personne remarquera rien. » et même ça elle était infoutue de réussir. « Et t’avais pas besoin d’assister à tout ça. » elle l’a assez déçue à répétition pour ne pas vouloir recommencer encore et toujours le même cinéma. Couper les ponts, ça a été la chose la plus dure qu’elle ait jamais faite. Parce que Mac, c’était tout pour elle. La main à laquelle se raccrocher, le phare dans la nuit, toutes ces belles comparaisons clichées peuvent s’appliquer. Seulement voilà, en restant dans le sillage de la Blackwell, c’était un coup à la noyer pour de bon. « Arrête la voiture, j’vais rentrer à pied. » qu’elle dit soudainement, déjà prête à virer sa ceinture et à sauter en marche s’il le faut.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland

J’apprends la mort de ta mère avec la même froideur que celle que tu dégages ; elle me laisse indifférente, c’est surtout toi que je plains, ton enfance sans amour parental et tes carences affectives que je trouve béantes depuis que j’ai appris à te connaître sans jamais bien comprendre comment les combler, t’es une espèce d’animal apeuré et blessé qui attaque dès qu’on l’approche et si moi j’arrive à ne pas me faire bouffer la main, je n’ai toujours pas réussi à te soigner. Me vient brièvement l’idée que ce n’est pas de mon ressort, et je repousse mon impuissance avec violence et rage. Margot, en revanche, j’y peux quelque chose, et je me rappelle ton premier message et ta question, et moi qui y résistais connement : non, je ne pourrais pas la larguer si tu me le demandais, parce que je suis plus réfléchie que ça, parce que Margot et moi c’est quatre ans ensemble à se serrer les coudes et à se supporter, malgré tout, et putain, ça veut dire quelque chose, face à toi qui t’es barrée sans prendre de nouvelles. Pourtant je sais que si tu reposes la question, là, si cette fois et une fois pour toutes tu me disais que t’avais envie d’être avec moi, elle sortirait de ma vie sans que je n’y pense une demi-seconde. C’est ce qui m’effraie autant que je le guette ; mais non, tu demanderas pas, je te connais suffisamment pour le savoir pertinemment, je rêve les yeux ouverts et ça ne nous avance à rien. « Putain, Spence, je suis une adulte responsable et toi t’es tout sauf un livre de développement personnel, alors arrête d’essayer de me dire ce que je vaux ou ce qui est bien pour moi. » Ton indécision me frustre et ton envie de bien faire encore plus, parce qu’elle rend impossible le fait de te détester. Je ne sais pas de quoi tu veux me préserver alors que je suis moi-même une tour branlante qui va se péter la gueule au moindre souffle, je ne sais pas quel couple t’essaies de sauver quand je trompe Margot à la première occasion qui se présente pour mieux oublier l’ennui et la tristesse, que je pense à toi à chaque fois et que je finis par me mettre tout le monde à dos parce que j’en deviens violente et rêche ; je suis en roue libre, je n’ai de pansements pour rien, celle que tu t’obstines à mentionner et voir partout n’est plus là non plus. Peut-être que sa diligence devrait suffire mais elle suffira jamais, c'est toi qui me fais vibrer, pas elle, rien que ta présence suffit à éclipser nos quatre ans de relation et j'aimerais que tu le vois, ça et tout ce que tu me fais. Ça ne doit pas t’impressionner tant que ça, ce que je te dis, ni faire grand effet, parce que tu reprends, inlassable, comme si t’avais besoin de me convaincre absolument de ta léthalité.
Tu lâches ton mensonge comme une évidence pieuse, tu sais parfaitement ce que tu fais, tes inflexions sont molles mais le discours est maîtrisé. Tu me fous une énième claque dans la gueule avec la plus grande des désinvoltures ; t’es pas partie, jamais, on a pu se croiser des millions de fois alors que je faisais mon deuil, et l’affront n’en est que mille fois pire. « Quoi ? » je souffle, hébétée, et y a peut-être un manuel qui explique comment réagir mieux, de manière appropriée, comment retrouver son souffle aussi, mais je le trouve pas, je trouve rien, sinon mon volant auquel me raccrocher et mon désespoir à transformer en rage. Je suis livide, et toi tu poursuis, t’arrives à la magnifique conclusion que je suis mieux sans toi, que ta déchéance n’avait pas besoin de public, et tout ce que j’entends, c’est : j’étais pas là pour te retenir, j’ai pas su t’empêcher de tomber, tu m’as pas laissée faire parce que t’as préféré m’épargner quelque chose, le spectacle de ta chute peut-être. Je reste interdite, je conduis au radar alors que tu termines ta litanie et automatiquement, je verrouille les portes : non, tu ne descends pas ici. L’habitacle retombe dans le silence et je sais qu’un autre mot de ta part conduira assurément à des larmes qui ne sauront plus s’arrêter.
« Et du coup, tu m’emmènes où là, on va chez ton dealos ou y a vraiment un appart dans lequel tu résides ? » Je t’en veux. Je t’en veux je t’en veux je te déteste et je sens que les mots vont dépasser la pensée, à moins qu’ils n’atteignent exactement sa hauteur. « C’est le tien d’appart, même ? Ou tu l’as volé à quelqu’un ou c’est, j’sais pas, un centre de désintox ou un abri pour la nuit ? » Je t’en veux de m’avoir menti, mais surtout je m’inquiète, je suis à ça de faire demi-tour et de te ramener chez moi à la place : « Puis merde, je t’emmène pas là-bas. » Je n’ai plus aucune confiance en ce que tu vas dire. Je fais un U-turn à chier bien énervé dans un endroit où les U-turns sont strictement prohibés et je trace jusqu’à chez moi, direction Toowong, vingt minutes de plus dans les dents, suffisamment pour que j’ai tout le loisir de t’assaillir de questions. « Donc t’as disparu pendant deux ans parce que t’estimais que j’avais pas à assister à ça. » C’est un grossier résumé mais c’est ce que j’en tire, et soudain ta trahison ne me paraît que plus immense. « Qu’est-ce qui a changé depuis ? » En filigrane, une autre question, bien plus importante ; est-ce que tu veux changer, est-ce que t’as décidé de te bouger avant de clamser de l’aiguille de trop, est-ce que t’as encore décidé de me tenir à distance au cas où ce soit trop douloureux de rester et te voir disparaître peu à peu.

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

Les petites plaisanteries auront bien vite cessé. Au moins, ça aura été bien le temps que ça a duré. Sans que ni l’une ni l’autre ne fasse d’effort particulier, la tension monte d’un cran et l’apathie dont souffrait Spencer semble laisser place à sa nervosité habituelle, celle qui met tout le monde à cran et lui fait prendre les pires décisions qui soient. « C’qui est bien pour toi c’est d’arrêter la voiture, de me laisser descendre et de rentrer chez toi. » puisque visiblement elle ne veut toujours pas comprendre et continue à s’obstiner. Faut bien lui reconnaître qu’elle est tenace. « Arrête la caisse j’ai dit ! » et la voilà qui utilise la centralisation pour verrouiller le véhicule de l’intérieur, un peu comme si elle avait deviné le prochain mouvement planifié par Spencer. « Sérieusement ? » elle lance un regard incrédule vers Mac qui ne semble pas décidée à la laisser sortir de si tôt. Putain, elle aurait dû sauter quand elle en a eu l’occasion. Elle aurait dû ne jamais accéder à sa demande et lui dire où la trouver. Écouter son instinct et fuir plutôt que prendre en considération son irrépressible envie de la voir. Dans un souffle rageur, elle sort son téléphone, prête à vraiment appeler Callum ou n’importe qui. Même Seth ferait l’affaire. Mais, pour son plus grand malheur, l’écran s’allume, signale le pourcentage minable de la batterie, puis s’éteint pour ne plus se rallumer. « Merde. » qu’elle jure en laissant tomber son portable vide de batterie sur le sol de la voiture. Si elle le garde à portée, elle va finir par le balancer dans le pare-brise et c’est un coup à les tuer toutes les deux. Ne prenant donc pas la peine de le ramasser, elle croise les bras et s’enfonce dans son siège, image typique de l’ado boudeuse et un peu rebelle (mais pas trop) qui vient de se disputer avec sa mère et qui a l’interdiction de sortir ce week-end. « C’est pas un appart craignos et je l’ai pas volé non plus.. » mais qu’importe ce qu’elle dira maintenant, Mackenzie ne semble plus décidée à l’écouter ou à croire quoi que ce soit qui sorte de sa bouche. « C’est un vrai endroit avec un vrai verrou et surtout mes putains d’affaires. » elle insiste encore, en vain. Si proches du but c’est terrible. Elle est à peu près sûre qu’il restait à peine quelques minutes avant d’arriver dans la rue visée. Encore une preuve qu’elle aurait mieux fait de rester sur sa première idée et de fermer sa gueule. Alors qu’elle s’attend à passer la dernière partie du voyage dans un silence morbide, Sutherland semble changer d’avis sur la route à suivre. « Mais putain Mac, tu fous quoi ?! » ça y est, elle lui a fait perdre l’esprit ou une connerie du genre. Il lui faut quelques secondes pour se remettre de ce demi-tour un peu trop abrupt à son goût, et quand c’est fait, encore quelques autres pour se rendre compte que la voiture s’éloigne dans la direction totalement opposée à la destination initiale. « Fais pas chier, ramène moi chez moi ou laisse moi descendre, j’suis crevée. » comme si la brune ne l’était pas à devoir supporter toutes ses conneries. De nouveau, elle essaie d’ouvrir la porte (sur un malentendu ça passe) et, devant ce nouvel échec, soupire en posant les paumes sur ses propres yeux. « C’était ma propre merde à gérer, ça regarde que moi. » et qu’est-ce qu’elle avait bien géré ça. Vraiment de quoi impressionner la galerie. Le résumé est incomplet, mais au moins elle a saisi le gros de l’idée. « J’ai pas envie de savoir que si je saute d’un pont t’es prête à le faire derrière moi. » elle continue, agacée par sa propre incapacité à pouvoir régler ses problèmes comme une adulte. Elle a jamais été foutue de faire les choses bien et simplement, faut forcément que ça soit toujours des situations à la con qui drainent tout le monde. Et en réalité, y a pas grand chose qui a changé. Jusqu’à il y a peu, en tout cas. « J’ai rencontré quelqu’un qui m’aide et qui pose pas tout le temps des questions. » elle râle, ne prenant pas la peine de vraiment développer plus que ça. Parce que jusqu’à maintenant, Raelyn n’a pas porté de jugement ou ne lui a pas forcé la main pour lui faire changer de mode de vie. « Elle m’a filé un boulot et l’appart, même en sachant… En sachant c’que je fais et d’où je viens. » et elle a besoin de temps pour s’acclimater à tout ça. Le changement que ça peut entrainer se fera pas en un claquement de doigts.

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Je roule comme une dérangée en centre ville, façon Jason Statham avant que la vieillesse ne lui prenne tout son charme, le moteur fait des embardées alors que mon cerveau essaie toujours de faire sens de tes aveux ; tout va trop vite, je comprends rien, j'entends juste les mensonges qui me filent la nausée et leur pan de vérité plus grand encore qui me donne le tournis. T'es pas partie, jamais, tu m'as pas abandonnée mais c'est tout comme, t'étais là à deux mètres et t'as pris toutes tes précautions pour ne plus jamais me voir. Si le départ pour Sydney m'avait brisé le cœur, cette idée-là me retourne encore plus. « Arrête, si tu penses vraiment ça c'est que t'as rien compris, si j'vais sur le pont avec toi c'est pour t'empêcher de sauter, ou vérifier que tu te sois pas trop fait mal à la rigueur, j't'ai jamais demandée d'être responsable de mon bonheur ou une connerie comme ça, et heureusement. » Heureusement. Je sens la migraine poindre alors que le mot de trop est sorti mais je n'ai pas pu, ni voulu l'empêcher : j'ai envie de te blesser à mon tour, aussi puérile que ce soit, parce que moi je suis restée j'ai attendu j'ai espéré pendant que tu te la taillais douce dans le même quartier en simulant ta mort ou ton départ. Au fond, c'est pareil. « J'te ramène chez moi, au moins j'suis sûre que tu vas pas te perdre pendant trois ans ou accidentellement tomber sur une aiguille laissée remplie par ton coloc », je te réponds, le ton dur et sterne, tu ne me feras pas changer d'avis cette fois et toute affection, toute tendresse à ton encontre sont partis pour de bon, soufflés par ta trahison. Je crois que je ne t'en ai jamais voulu autant, même quand tu m'as envoyée chier pendant notre dernière vraie conversation. Toi, tu continues, tu te justifies sur l'endroit où tu vis, ton ton s'adoucit, tes mots s'équilibrent et moi je perds pied en appuyant davantage sur l'accélérateur, encore.
T'as rencontré quelqu'un. Tu lâches ça et bêtement, mon cerveau s'arrête là, je suis prise d'un tournis face à l'idée et les mots s'éloignent autant que la route. T'as rencontré quelqu'un qui te fout la paix et t'aide sans demander son reste et peut-être que c'est ce qu'il te faut, ce qui te convient, l'opposé parfait de moi, qui suis trop sur ton dos et toujours inquiète que tu te sois plantée quelque part dans la nature. Dans ma tête les mots tournent et retournent, s'impriment dans un silence de mort, j'ai même pas écouté la fin de ta phrase alors je bégaie un petit « ah » de perdue, je sais pas s'il veut dire que je m'avoue vaincue et que je vais refaire une embardée avec la voiture pour te ramener à bon port, si je comprends enfin la leçon et que je décrète pour moi-même de te foutre la paix, si je suis complètement perdue face à cet aveu alors qu'il y a deux secondes je me foutais à poil en te disant que je lâcherais tout pour toi. « Cool. » Je ne trouve rien de mieux à dire et je me demande si c'est ça, que t'as ressenti, quand je t'ai parlé de Margot – non, sûrement pas, ça c'est bien plus insidieux, ça attaque par la gorge et ça descend jusqu'à la poitrine pour mieux y enserrer tous mes organes vitaux, c'est un flux acide qui s'injecte tout en moi et me laisse une sale sensation de douche froide. « C'est bien que t'aies trouvé une raison pour rester. » Je me fous de ma puérilité à présent, je suis blessée et je ne te le cache pas. Ma mâchoire se crispe alors que je serre les dents, et en un battement de cœur ou presque on est à Toowong, en bas de chez moi, et je ne sais même plus quoi faire parce que te regarder semble trop compliqué, t'affronter me paraît impossible. « Reste ici ce soir », je demande et c'est davantage une supplique qu'un ordre : je suis bien incapable de te retenir si tu décides de partir malgré tout et on le sait toutes les deux. « Juste cette nuit. Demain tu fais ce que tu veux mais juste ce soir, j'ai pas envie que t'ailles n'importe où. » N'importe où ou avec elle, qui qu'elle soit, pour ce que ça change à mes yeux. C'est toujours trop loin de moi, trop loin de nous.

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

C’est bien ça le problème dans leur relation, surtout aujourd’hui. Elle sait très bien qu’elle n’est pas responsable du bonheur de Mac. Au mieux elle fait même l’inverse, surtout vu l’état dans lequel elle se met avec la simple présence de Spencer. Quasiment toujours collées l’une à l’autre dès le jour où la blonde s’est ouverte, c’est à se demander comment elles faisaient pour juste respirer avant leur rencontre. Et comment elles ont continué après l’abandon. Blackwell se déteste tellement de lui faire subir toutes ces choses. « J’ai pas de coloc. » de tous les reproches faits, c’est le seul qu’elle choisit de réfuter. Pour le reste, à quoi bon même essayer ? Elle a visé juste. En plein dans la cible, même. Seule chez elle après une énième conversation comme ça, elle aurait sans doute erré jusqu’au matin dans les rues. Et si par miracle elle avait réussi à rentrer jusqu’à son appart, elle s’en serait foutu plein les veines avant de s’endormir complètement ailleurs. Juste histoire d’essayer d’oublier et d’atténuer toutes ces émotions qui mettent son coeur à mal. Si elles continuent à se croiser et à se détruire comme ça à chaque fois, elle est pas sûre de l’état dans lequel elle va terminer ce premier mois de l’année. Spencer parle de Raelyn sans préciser leur lien de parenté. De l’aide apportée, sans pour autant promettre que ça allait véritablement changer quoi que ce soit. En toute honnêteté, elle s’attendait à ce que Mac se mette à critiquer les choix quant à son nouvel entourage. L’espèce de silence qui suit interpelle Spencer qui tourne la tête pour l’observer. Mac semble résignée, pleinement concentrée sur sa conduite alors que son visage semble se crisper par moments. Ah. Cool. C’est tout ce qu’elle a à répondre à ça, elle qui n’hésite pas à déblatérer et argumenter sur tout et n’importe quoi ? Blackwell s’attarde un peu trop dans ses contemplations, ne détournant le regard que lorsque Mac parle de nouveau. Et c’est alors que Spencer réalise, qu’elle comprend que sa tournure de phrase prête peut-être à confusion. J’ai rencontré quelqu’un, c’est ce qu’on dit quand on veut parler d’un début de relation. Elle pourrait clarifier la situation tout de suite, mais elle est épuisée par cette dispute qui dure, par la soirée qui a été longue… Le silence, aussi pesant soit-il, est presque bienvenu. Et il les accompagne le reste du trajet, comme un troisième passager qui vient de s’immiscer entre elles et qui prend soudain toute la place. Mac gare la voiture, et rompt finalement le silence pour lui demander de rester ce soir. La mine défaite, elle n’a plus l’air d’avoir d’énergie pour se battre. Bien. Comme ça elles sont deux. Spencer déglutit et considère la demande un instant. Elle est trop crevée pour repartir à pied et elle a pas l’argent pour appeler un Uber ou un taxi maintenant. « Ouvre la porte déjà. » elle souffle, la lassitude reprenant le pas sur tout le reste. Elle lève le nez pour regarder s’il y a de la lumière à l’une des fenêtres de l’immeuble. Est-ce que l’autre est en-haut à attendre après Mac ? « Elle est là ? » la question ne lui brûle pas les lèvres bien longtemps, elle a besoin de savoir avant même de songer à monter. « Je reste pas si elle là. » le deal est simple. Elle peut bien rester pour dormir, mais si elle doit affronter Margot dès le réveil elle préfère encore remonter toute la ville à pied.

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On arrive à bon port, mais au port opposé de celui initialement prévu parce que j'ai pas envie de te déposer je ne sais où, je sais même pas si je peux te faire confiance sur l'existence de cet appartement, et surtout parce que je n'ai pas envie de te ramener à un ou une autre et d'assister à vos retrouvailles. La simple idée m'obstrue la gorge suffisamment fort pour me fermer le clapet tout le reste du trajet ; tu dois apprécier, ça change, en tout cas tu n'ajoutes plus rien. Est-ce qu'un jour on aura une conversation qui se soldera autrement que sur un malaise et cinq cœurs brisés, je me le demande. « Je vis toute seule », je précise, parce que ça me paraît important que tu le saches, « y a personne. » Y a pas Margot, y a pas non plus une inconnue de passage, d'ailleurs y a rien qui n'appartienne à personne sinon à moi, aucune trace d'une partenaire dans ma vie parce qu'elle a du rentrer dans ce putain d'appart cinq fois en deux ans et qu'elle n'y a même pas sa place. Y a peut-être un truc ou deux oubliés par Leo, mais c'est du détail, il suffirait d'un regard noir de ta part pour que je les balance par la fenêtre en les enflammant façon molotov. « Enfin, si, y a Marlon », mon chien, mais t'es habituée, il va te sauter dessus, se blottir contre toi et glorieusement m'ignorer pour le reste de la nuit, secrètement je suis à peu près sûre qu'il t'a toujours préférée à moi et que c'est un peu plus ton chien que le mien.
Ça ne rate pas, quand j'ouvre la porte Marlon entre dans une boucle infinie de zoomies et tapisse mon paillasson de ses mictions émerveillées pour fêter ton retour. « Putain, c'était sûr. » Je soupire, un soupir agacé mais soulagé, quelque part, parce qu'il te rappellera peut-être que tu as ta place ici, toi plus que quiconque, et que lui au moins ne t'en veux pas de ton départ. Une caresse et tout est pardonné : la vie d'un cabot me semble très enviable. Blasée, je ramasse le tapis et le fous direct dans la machine : on verra demain. Le tour du propriétaire est rapide : « Là t'as la salle de bains, le placard à serviettes est à côté tu te sers », poc, poc, je rythme les présentations d'un coup sur chaque objet, « là t'as la cuisine, si t'as faim y a de quoi faire un mac and cheese, et y a des tupperwares ramenés par ma tante », elle te passe sûrement le bonjour et sera ravie que t'aies dégusté ses latkes, me demandera de tes nouvelles et je mentirai en bafouillant le premier truc qui me vient, « et là bas t'as la chambre. J'vais refaire le lit. » Bien sûr, tu prends la chambre ; moi je vais comater sur le canap' jusqu'au réveil dans une heure et demie, comme trop souvent. Pause : « Ah mais, t'es déjà venue, non ? » J'ai le vague souvenir d'une crémaillère où t'avais fini par terre, comme tant d'autres fois. « Bref. Fais comme chez toi. » Je finis mon job : je fais le lit, j'invite Marlon à se coucher sur mes pieds quand je m'enfonce dans le canapé et je mets la première série policière du siècle dernier qui passe avec le volume coupé, prête à entamer ma nuit sans demander mon reste, presque sûre que tu vas disparaître sitôt que t'en verras l'occasion. Je me rappelle vaguement d'une soirée d'engueulade, une des nombreuses, t'es venue chez moi et on a pas parlé parce que c'était trop frais, trop compliqué ; mais t'es venue te blottir dans mes bras, sur le canapé, et on a dormi comme ça, et le lendemain rien n'allait mieux mais on a fait comme si. Je préfère ne plus espérer, pour ce soir.

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

C’est rare que Mackenzie soit si silencieuse. Ce n’est pas agréable et d’une certaine façon, ça lui fait un peu peur aussi. Blackwell préfère presque quand elle lui gueule dessus. Elle dit toujours vivre seule. Spencer a du mal à comprendre pourquoi elle et Margot ne se sont toujours pas installées ensemble depuis tout ce temps, ça paraît absurde, même. Elle ne se plaint pas, bien au contraire. Ça la rassure même de savoir que certaines choses ne changent pas, que même Marlon est toujours là. Alors elle acquiesce, cédant à la demande de rester cette nuit. Au moins, elle n’aura pas à traîner dans la rue jusqu’au lever du soleil et à devoir se démerder pour retourner à l’autre bout de la ville. D’un pas lent et parfois chancelant, elle la suit jusqu’à l’appartement. A peine la porte ouverte, le petit chien se met à faire le fou, visiblement heureux de revoir sa maîtresse mais également Spencer. Forcément, l’attitude de l’animal lui arrache un bref sourire qui se transforme bien vite en grimace lors de l’incident. La situation gérée, Mac entreprend d’énumérer tout un tas de choses et Blackwell n’écoute pas vraiment. Toute son attention est pourtant tournée vers la jeune femme qui finit par disparaître pour aller préparer la chambre avant que son invité ne puisse émettre la moindre protestation. Spencer s’occupe les mains en offrant un peu d’attention au chien parfaitement inconscient de la réalité de la situation. Elles semblent être passées en mode pilote automatique et fonctionnent au radar. Blackwell s’éclipse un instant dans la salle de bain, au moins le temps de boire un peu et de se passer un coup d’eau sur le visage. Elle prend un moment pour contempler son reflet et se déteste un peu plus encore en y voyant l’image renvoyée.
Assise sur le bord du lit, elle contemple la lumière dansante de la télévision qui filtre par l'entrebâillement de la porte. Obstinément, elle refuse de s’allonger et de simplement s’endormir en sachant où elle est et qui est dans la pièce d’à côté. Ça vaudrait mieux, pourtant. Après une éternité ou peut-être deux, Spencer se traîne en silence jusqu’à la pièce de vie, s’installant à même le sol à côté de Marlon, le dos calé contre le canapé. Elle reste là, les yeux rivés sur l’écran muet, comme hypnotisée par les images qui défilent. Sa main retrouve la tête de l’animal dans un geste machinal et elle ne sait pas quoi dire pour apaiser les maux de son hôte. Elle ne sait pas comment le dire ou si même il y a quoi que ce soit à dire. « Mac… » elle souffle finalement après ce qui semble être au moins un siècle de silence. Elle se tord le cou et porte son regard à moitié endormi sur la concernée et elle déteste l’expression qu’elle y voit. Elle se déteste d'en être la principale raison de ce foutu merdier et elle se déteste de ne pas savoir comment tout effacer pour de bon. Elle aimerait revenir à des jours plus simples et plus heureux, des instants où elle n’avait pas encore tout foutu en l’air par pur égoïsme et peut-être un peu par peur d’aller vraiment bien. Tous ses soucis et ses états d’âmes sont là depuis tellement longtemps qu’elle a l’impression que s’ils partent, il ne restera plus rien. Ils sont des vieux compagnons dont elle ne sait se débarrasser alors qu’ils lui bouffent la vie. Sans Mac, elle n’a pas grand chose à quoi se raccrocher. Certes, il y a bien Raelyn mais elles ne partageront sans doute jamais plus qu’un nom et un géniteur. C’est encore une voie sans issue dans laquelle il n’y a pas de place pour Spencer et tous ses problèmes. « J’voulais pas tout foutre en l’air comme ça. » qu’elle marmonne de manière presque incompréhensible en reposant sa tête contre les coussins avant de refermer les yeux. Elle se sent partir, le sommeil gagnant petit à petit la bataille. Pourtant, dans son état de semi-conscience, elle continue de murmurer. « Et j’aime pas voir tout c’que j’te fais. » tout son corps se fait plus lourd et sa tête roule sur le côté, son front venant se poser contre le genou de Mac. « J’veux pas finir comme Maureen… » seule et détestée de tous. A ce rythme là, c’est pourtant exactement ce qui va arriver dans un futur pas si lointain. Elle en a conscience et c’est bien ce qui la terrifie. Les confidences se taisent et le sommeil l’embarque enfin. La position n’est pas la plus confortable mais au moins pour une fois, elle n’est pas seule ou avec un étranger et c'est peut-être un bon début.

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Deux salles, deux ambiances : mon corgi pisse par terre de joie de retrouver sa meilleure amie pendant que moi, blasée, je le jalouse vaguement tout en te faisant un tour dépassionné du propriétaire. Je me doute que tu vas foutre le camp avant que le jour ne se lève, que tu vas profiter d'une seconde d'inattention pour t'éclipser, et peut-être que t'en profiteras pour bloquer mon numéro et l'oublier définitivement, mais c'est hors de ma portée. J'ai épuisé toutes mes ressources, tout ce qu'il me semblait possible de faire et je n'ai plus d'énergie à employer pour toi, pour nous sauver nous, pas sans réciproque, alors je me laisse choir dans le canapé, prête à somnoler et à prétendre ne pas entendre quand t'ouvriras silencieusement la porte d'entrée pour disparaître à nouveau. Pas de Sydney, donc. Sydney était un mythe et ça rend l'idée de te voir partir encore plus difficile.
Mais qu'importe : Hercule Poirot m'aspire, je te laisse faire ta vie dans la salle de bain, t'entend rejoindre la chambre et j'ajoute rien, ne réappuie pas la proposition de bouffer, je te laisse t'éloigner sans un mot, encore trop hébétée de la soirée, de tes aveux, de là où ma vie en est, deux ans après ton départ ; la boucle est difficile à faire en t'imaginant sur mon lit, l'air penaud, c'est tout sauf là que t'aurais dû être. Ou alors, tu n'aurais pas dû y être toute seule. J'ignore si tu lis dans mes pensées, mais tu viens t'installer silencieusement au pied du canapé, donnant tous tes égards à Marlon Brando et zéro à moi, et bien vite le chien te rend l'attention. Je devrais me sentir seule, mais ça me fait du bien de t'avoir là. J'aurais pu m'en contenter, mais tu hèles mon prénom, loin d'avoir dit ton dernier mot. J'attends, j'écoute, j'encaisse. « Putain, tu me fais encore chialer, t'es chiante. » Je renifle un bon coup viril histoire de faire passer les larmes, et ça ne marche bien évidemment pas ; j'ai jamais su me contenir, encore moins quand t'es en cause. « Je sais », je dis et ça recouvre tout ; je sais que t'es désolée, je sais que tu t'en veux d'être revenue comme ça, de m'avoir fait pleurer au Nouvel An, d'avoir cédé pour que je te rejoigne ce soir, que je t'aie trouvée dans cet état ; je sais surtout que tu te blâmes pour tout et rien, que tu t'imagines irrécupérable, que pour toi ta vie vaut si peu que tu ne prends pas la peine de changer ton mode de fonctionnement. Je sais, et ça ne me plaît pas, mais je sais que je dois faire avec, parce que te changer toi n'a jamais fonctionné. « Tu finiras pas comme elle, ok ? Promis. » Tu ne me crois peut-être pas mais c'est dit. Le reste suivra. Timide, ma main vient caresser tes cheveux, aussi légère que le frôlement d'un spectre. « J'suis là », j'ajoute, je m'en fous que tu ne veuilles pas de moi, je veux plus que tu t'éloignes pour m'épargner ou pour t'éviter de te voir en face. Je t'aime, c'est légèrement terrifiant et extrêmement pathétique, mais ça suffit à expliquer le tout. Je tape légèrement ton épaule pour te réveiller, attend que tu te manifestes d'un soupir avant de poursuivre. « Viens là », je lâche, d'une voix blanche et endormie, tapotant la place à côté de moi, t'ouvrant les bras pour que tu t'y installes. Si c'est la dernière fois qu'on se voit, toi et moi, autant faire ça bien. « J'v'pas qu't'partes », je susurre dans un demi-sommeil avancé, mon réveil va sonner dans trente minutes et je vais sûrement pas l'entendre, mais je me laisse bercer à ton contact, tâchant en vain d'imprimer la sensation dans mon cerveau et dans tous mes membres. « Arrête de penser que tu me fais du mal. » Tu m'en fais, et je m'en fous. « Y a qu'toi. » On s'en calanche de Margot, du reste, de la bienséance, de tes problèmes de santé. « Mmmk ? » Je m'endors la bouche ouverte. T'aurais peut-être mieux fait de partir quand t'en avais encore le temps.