L’italien arrivait en trombe devant la crèche de Lucia. Il n’arrêtait pas d’appuyer sur la sonnette à l’entrée mais rien, personne ne venait lui ouvrir et aucune lumière ne semblait s’allumer soudainement, signe que quelqu’un était bien présent. La panique commençait à envahir le Marchetti qui s’excitait contre la porte et marmonnait en italien de bien vouloir s’ouvrir. En des termes peut acceptables dans un lieu comme celui-ci, mais personne n’allait le comprendre. Katherine allait le tuer s’il l’appelait pour lui dire qu’il était arrivé en retard à la crèche et que personne ne lui ouvrait. Et si personne ne lui ouvrait, la question était : Mais où était Lucia ?

Un numéro d’urgence était inscrit sur la porte de l’entrée, en cas de besoin ne pas hésiter à le contacter, peut être qu’ils pourraient le renseigner. Lorsqu’il tapait les numéros sur son vieux Nokia, l’italien était tremblant avait fini par laisser tomber son téléphone au sol. Quand il le ramassa, c’est une petite tête blonde qu’il vit de l’autre côté de la route, en train de jouer sur une aire de jeu pour enfant. C’était Lucia qui grimpait sur une toute petite échelle pour aller s’élancer sur un toboggan à peine plus haut qu’elle. Il ferma les yeux un instant, souffla, se redressa et regarda à nouveau derrière la route pour être sûre de ne pas avoir confondu sa fille avec n’importe quelle autre enfant du même âge. Il semblait bien qu’il l’avait reconnu pour de bon, il passa sa main sur son visage, gratta sa barbe mal rasée et s’assura qu’il n’y ait pas de voiture pour traverser en sécurité.

Il se demandait qui en avait la surveillance et là, il priait pour que Kath n’ait pas été appelée par la crèche pour qu’elle arrive en urgence et vienne récupérer leur fille. Pour le coup, c’était sûre qu’elle ne lui ferait plus confiance, il avait bien ses preuves à faire encore. D’autant plus depuis son accident de voiture, où il avait participé à une course clandestine et qu’il avait fini à l’hôpital. La jeune femme avait appelé à sa responsabilité, lui sommant de ne plus penser qu’à lui, qu’à présent, il avait aussi une fille. L’italien avait promis de se reprendre et de faire des efforts. Ce qu’il faisait mais parfois, c’était pas si simple. Sa nature et son caractère tête en l’air le rattrapait, comme aujourd’hui lorsqu’il s’était dit qu’une sieste de trente minutes devait bien être suffisante avant d’aller chercher sa fille… elle l’aurait été s’il n’avait pas doublé son temps de sommeil.

« Lucia. » un coup d’œil à droite, un coup d’œil à gauche, puis derrière le toboggan, pas de grande blonde en vue. Mais avec qui sa fille pouvait-elle bien être arrivée jusqu’ici ?

@Trent Higgins

« T’es sûr Trent? Je peux appeler Kath, c’est pas elle qui devait passer ce soir, mais… »
« Arrête Sophie, je m’occupe de Lucia. Je vais attendre son père au parc en face. »

L’éducatrice ne semblait pas complètement convaincue par ton plan, mais comme elle t’avait vu de nombreuses fois avec Katherine et que tu avais déjà dépanné l’infirmière par le passé en ramenant Lucia à la maison avec toi le temps que sa mère gère avec une urgence, elle finit par hocher de la tête et par te confier la petite qui n’hésita pas un seul instant avant de t’offrir sa petite main. Si tout le monde semble plutôt fatigué de leur journée à la crèche, l’excitation est à son comble quand tu traverses la rue pour mener les trois enfants au parc et ça ne prend que quelques secondes avant que les trois bambins ne prennent la direction des différents airs de jeux qui s’offrent à eux, sous ta supervision et avec ton aide pour grimper les modules plus difficiles d’accès, surtout pour les jumeaux qui sont plus jeunes et considérablement plus petits que Lucia qui elle, prend rapidement ses aises.

Ton regard se perd un instant sur les enfants, puis le suivant sur l’immeuble où se trouve la crèche, guettant ainsi l’arrivée du père de Lucia. Tu ne le connais que de prénom, et tu ne sais de lui que ce Katherine a bien voulu te raconter par le passé. C’est une relation compliquée, et peut-être que c’est parce que tu te retrouves toi-même dans un bordel sans nom avec Charlie que t’as un peu de compassion pour Nino qui ne voit que très rarement sa fille – du moins, c’est ce que Kath a laissé sous-entendre une fois. Tu sais que la blonde se trouve présentement à l’hôpital et qu’un appel de la crèche aurait réellement été difficile à gérer pour elle. Tu décides donc d’attendre une demi-heure au parc et si ce Nino n’arrive pas, tu ramèneras Lucia à la maison, t’assurant de laisser un message à sa mère pour qu’elle ne s’inquiète pas. « Papa, papa! » s’exclame Aaron, cherchant ton attention alors qu’il descend le long d’une des glissades. Tu lui fais un signe de la main pour lui témoigner que tu le regardes, et ça doit être à ce même moment que Nino arrive puisque tu n’as rien vu ni entendu avant de sentir une présence non loin de toi. « Lucia. » La petite entend la voix de son père et se dirige vers lui en courant. Alors que Lucia saute dans les bras de celui que tu devines être son père, tu t’approches de lui, un air aussi bienveillant que possible sur le visage. « Nino, c’est ça? » Tu lui tends une main, bien qu’incertain que l’homme allait la prendre. « Moi c’est Trent. Je suis un ami de Katherine, mes jumeaux vont à la même crèche que Lucia. » Tu pointes ensuite en direction de tes deux petites têtes blondes toujours en train d’essayer d’escalader maladroitement le module de jeu. « L’éducatrice a eu une urgence, elle devait partir. Elle m’a dit que c’est toi qui devais récupérer la petite, alors je me suis permis de l’emmener ici en attendant. Je pense pas que Kath aurait été contente de recevoir un appel. » Tu tentes l’humour, même si ça sonne comme un reproche. Tu te contentes de regarder Nino, soudainement incertain s’il allait te remercier ou t’envoyer chier sur le coup…

En traversant la route, il se demandait si sa fille était en compagnie d’un salarié de la crèche, peut être qu’ils avaient préféré attendre sur l’air de jeu plutôt qu’enfermer à l’intérieur, vu le beau temps, c’était plus logique de profiter de l’extérieur. Il était soulagé de savoir sa fille toujours dans les parages et l’idée même que Katherine pouvait être au courant de son retard s’était volatilisé. Non, personne ne l’avait appelé, hm ? Sa fille dans les bras, il jeta tout de même un regard autour d’eux pour voir qui pourrait être en charge de sa fille, aucune femme ne s’était précipitée vers lui et aucun visage connu de la crèche n’était à proximité. « Nino, c’est ça? » il pivota légèrement vers la droite, fronçant les sourcils en voyant qu’un homme s’adressait à lui. Il ne savait pas qu’il n’y avait pas que des femmes à la crèche. Il regarda la main qu’il lui tendait et fini, après une seconde d’hésitation, par la saisir à son tour. « C’est ça. » « Moi c’est Trent. Je suis un ami de Katherine, mes jumeaux vont à la même crèche que Lucia. » merde. Un ami de Katherine, c’est là que c’est moins marrant. Est-ce qu’elle avait déjà eu droit à son sms pour dire que Trent gérait Lucia ? Les derniers espoirs de Nino s’envolèrent en fumée, à l’instant. « L’éducatrice a eu une urgence, elle devait partir. Elle m’a dit que c’est toi qui devais récupérer la petite, alors je me suis permis de l’emmener ici en attendant. Je pense pas que Kath aurait été contente de recevoir un appel. » les muscules de l’italien se détendirent aussitôt. « Ok. » il souffla. « Donc, Kath est pas au courant ? » ça en avait l’air hein. « Si elle apprend que j’suis en retard, je confirme, elle va pas être contente. » est-ce qu’il allait pouvoir jouer la carte de la solidarité masculine avec ce brun qu’il ne connaissait même pas et qui était déjà dans le camps de la blonde ? Lucia gigotta dans ses bras « J’veux jouer. » l’italien hocha la tête et déposa à nouveau sa fille au sol. « Pas longtemps… » pas qu’il était pressé mais … nan, il n’avait rien à faire, en réalité. « J’suis un idiot. » qu’il lâche en se redressant et regardant Trent. « Merci d’avoir pris le relai. » il passa ses deux mains sur son visage, se frottant les yeux qui aussitôt la vue rendue, se posèrent sur sa fille qui grimpait sur une petite échelle. « j’me suis juste assoupi sur le canapé, j’pensais pas avoir besoin d’un reveil… » qu’il cherchait à se justifier. « Enfin, j’espère que du coup, tes plans sont pas ruinés. » qui sait peut être que lui avait d’autres choses à faire, à la base.

« C’est ça. » Tu n’en doutais pas vraiment à voir la réaction de Lucia, mais tu étais tout de même rassuré de l’entendre. S’il était facile de croire que tu pourrais juger le jeune homme vu ta relation d’amitié avec Katherine, ce n’était pas le cas. Tu ne connaissais pas grand-chose de l’histoire entre la blonde et l’italien, sachant simplement qu’ils avaient un passif complexe et que c’est l’infirmière qui s’occupait de la petite Lucia plus souvent qu’autrement. S’il y avait bien une chose que tu comprenais toutefois, c’est qu’il y avait souvent plus que ce que l’on pouvait voir au premier coup d’œil entre deux parents séparés. Alors non, tu ne jugeais pas Nino. Ni pour son retard cet après-midi, ni même pour les commentaires que la Beauregard avait pu faire par le passé le concernant lui ou son absence, lui ou son manque d’engagement dans la vie de leur fille. Ça, ça ne te regardait pas, c’était entre eux et tu avais bien l’intention de faire tout en ton possible pour rester bien loin de leurs embrouilles. Tu avais bien assez des tiennes avec Charlie à gérer. Tu tentas de le rassurer en lui expliquant pourquoi tu avais pris la petite sous ta charge en l’attendant, en espérant qu’il serait soulagé de comprendre que la mère de Lucia n’était pas au courant de ce qui s’était passé. « Ok. Donc, Kath est pas au courant? » Tu secoues la tête de gauche à droite. « Si elle apprend que j’suis en retard, je confirme, elle va pas être contente. » « C’est pas moi qui vais lui dire, t’inquiète. » Oui Katherine était ton amie, mais rien n’était arrivé et c’était le genre de petits détails qui risquaient de foutre la merde pour rien quand au final, Nino avait moins d’une demi-heure de retard et tu n’avais rien de mieux à faire de toute façon. Quand la gamine demande à jouer, son père semble hésité pendant quelques secondes avant de capituler pour quelques instants supplémentaires. De ton côté, les jumeaux étaient encore bien occupés à se courir après, à babiller des mots qu’eux seuls semblaient en mesure de comprendre. « J’suis un idiot. Merci d’avoir pris le relai. » « T’inquiète, ça peut arriver à tout le monde. » Il n’y avait pas de guide du parents parfaits, et puis même si telle chose existait, tu étais persuadé que personne ne saurait réellement s’y tenir. Être père était le truc le plus difficile qui te sois arrivé jusqu’à présent et si tu n’échangerais pour rien au monde ce rôle et la présence des jumeaux dans ta vie, tu te demandais comme tu faisais pour être encore sain d’esprit aujourd’hui. « J’me suis juste assoupi sur le canapé, j’pensais pas avoir besoin d’un réveil… » « Ah, erreur de débutant. Les siestes sont toujours traitresses. » Que ce soit une sieste trop tard des gamins qui les gardent réveiller une partie de la nuit ou une sieste des parents qui créent des retards, rares étaient les siestes sans conséquences. « Enfin, j’espère que du coup, tes plans sont pas ruinés. » « Non, j’dirais même que tu fais le bonheur des jumeaux. Ils disent jamais non à du temps supplémentaire au parc. » Suffisait de les voir aller, tes petites têtes blondes s’émerveillant devant rien. « Ça se passe bien la garde partagée, avec Kath? » Ce n’était pas ton problème, et pourtant, tu ne semblais jamais complètement capable de ne pas mettre ton nez dans les affaires des autres, toujours à vouloir aider les autres même quand ils ne demandent rien.

L’italien ne faisait déjà pas le malin en voyant porte clause, arrivé devant la crèche, la pression était un peu redescendu quand il avait reconnu Lucia dans ce parc, mais maintenant qu’il savait qu’elle était avec un ami de Katherine, oh, un frisson lui parcouru l’échine. Cela ne lui valait rien de bon. Il se demandait déjà pourquoi Katherine ne l’avait pas encore appelé d’ailleurs. Elle devait surement être au courant que c’était lui qui gardait Lucia, puisque son père n’avait pas été foutu d’être à l’heure.  Mais, rapidement, comme s’il avait senti que c’était nécéssaire de le préciser, le jeune homme en face du Marchetti lui fit comprendre que la blonde n’en avait pas eu vent. L’italien avait demandé confirmation et insista sur le fait que Kath ne devait rien savoir à propos de ce retard. « C’est pas moi qui vais lui dire, t’inquiète. » C’est quoi ? Une sorte de solidarité naturelle entre jeune père ? Peu importe pourquoi le brun n’allait pas le dire à la Beauregard, Nino se contentait de souffler et de vouloir le remercier. Lucia quitta les jambes de son père pour se diriger à nouveau vers les jeux, en compagnie de ses deux petits copains. « T’inquiète, ça peut arriver à tout le monde. » avec de fortes probabilités pour que ça arrive régulièrement à l’italien tout de même et quitte à être un looseur, autant que ce soit en plus à cause d’un reveil qu’il n’avait pas pensé bon programmer. Toutes les chances de son côtés pour être à l’heure ,c’est sur. « Ah, erreur de débutant. Les siestes sont toujours traitresses. » encore plus depuis qu’il avait passé la trentaine. D’ailleurs, il ne savait pas ce qu’était une sieste avant d’avoir trente ans. Mais c’est surtout que la vie à Scampia ne le permet pas vraiment. « Non, j’dirais même que tu fais le bonheur des jumeaux. Ils disent jamais non à du temps supplémentaire au parc. » Lucia avait l’air de faire partie de leur même team. L’italien regardait autour d’eux, se demandant combien d’autres parents se trouvaient dans le parc. Ils n’étaient surement pas les seuls mais c’était surtout des femmes qui étaient assisent sur les bancs à proximité. Même, ils étaient les seuls hommes ici présents. « Ça se passe bien la garde partagée, avec Kath? » le Marchetti reporta son attention sur son sauveur du jour, une petite grimace sur le visage. « Si on peut appeler ça une garde partagée. » oh non, il ne se plaignait de rien, l’italien. « Katherine me laisse Lucia surtout quand ça l’arrange. » et inversement. « Mais ça va ouais. Ca m’convient très bien comme ça. » il hoche la tête. Il n’y avait pas d’histoire d’un weekend sur deux, de moitié de vacances, de ci ou ca. Non, c’était toujours un peu à l’arrache, ces fois où Nino devait s’occuper de sa fille. « On fini par mieux s’entendre, ca n’a pas toujours été le cas… » mais la petite blonde avait su leur faire mettre de l’eau dans leur vin, à tous les deux. « Leur mère est pas dans l’coin ? »


désoléééééééeeeeeeeeeee

Un simple coup d’œil aux alentours permettait de constater sans trop de difficulté que vous étiez les deux seuls hommes dans les environs, même s’il y avait bien une dizaine d’enfants sans compter les vôtres qui couraient entre les divers modules de jeux. C’était pour la plupart des mamans qui amenaient les petits au parc en fin de journée, avant de rentrer pour le dîner et la traditionnelle routine du dodo. Tu le savais parce que tu avais discuté avec assez de mamans pour savoir que les routines se voulaient assez semblables de foyer en foyer, tout comme tu avais toi-même tes petites habitudes avec les jumeaux pour assurer un déroulement des plus optimal avant de les mettre au lit. Si tu savais ne pas avoir le monopole des pères ayant la garde complète de leurs enfants, tu savais que le schéma inverse était bien plus commun. Tu étais d’ailleurs un peu surpris d’apprendre que c’est Nino qui devait prendre la petite puisque la grande majorité du temps, Katherine avait Lucia à sa charge, ou elle avait l’habitude de se relier sur l’un des membres de sa famille, ce qui n’était au fond pas tellement différent de ce que toi tu avais dû mettre en place de ton côté. Surpris, mais content d’enfin pouvoir mettre un visage sur l’italien dont tu avais beaucoup entendu parler, pas toujours à son avantage, mais de ça, il devait bien se douter. « Si on peut appeler ça une garde partagée. » Non, ce n’est certainement pas le meilleur terme pour décrire leur arrangement, mais tant que ça convient à tout le monde, c’est ce qui compte, non? « Katherine me laisse Lucia quand ça l’arrange. Mais ça va ouais. Ça m’convient très bien comme ça. » Tu hoches la tête. La présence de la gamine dans sa vie avait peut-être été une surprise comme les jumeaux l’avaient été dans la tienne. Tu n’étais certainement pas là pour juger du temps qu’il souhaitait ou non passer avec sa fille. « Lucia avait hâte de te voir. » que tu lui relates, la fillette mentionnant son papa à quelques reprises avant que celui-ci n’arrive enfin. « On fini par mieux s’entendre, ça n’a pas toujours été le cas… » Et ça, tu peux facilement le comprendre, non seulement parce que tu vis une situation similaire avec ton ex, mais aussi parce que tu connais le caractère parfois buté de la Beauregard. « Vous avez été longtemps ensemble? » que tu finis par lui demander, curieux. Peut-être ne cherche-t-il pas à se faire des amis, ni même à entretenir une quelconque conversation avec toi, mais tu te dis qu’il te le fera savoir assez vite si ce n’est pas le cas. « Leur mère est pas dans l’coin? » Ça a bien l’air que tu n’es pas le seul à être curieux, tout compte fait. « Elle est dans les parages, mais c’est moi qui les ai à temps plein. » Une bataille que tu n’étais pas certain de gagner lorsqu’il a fallu aller débattre de la question en cour d’ailleurs. « C’est compliqué. On s’est pas exactement laissé sur les meilleurs termes, nous non plus. » C’est le moins qu’on puisse dire.

L’italien n’aurait jamais pensé devoir assumer le rôle de père, du moins, pas si tôt et encore moins de cette manière. Oh, il la voulait, sa vie de famille, il la voulait sa petite femme, sa routine en rentrant le soir, embrasser son enfant sur le front, embrasser sa femme sur les lèvres, faire comme si tout allait bien et n’avoir aucun problème au quotidien. La vie qu’il n’avait jamais connu et d’ailleurs, qui connaissait cette vie là ? On parle d’une vie sans problème. Il y en a toujours, quoi qu’on en dise. Nino était du genre à vouloir calquer les traditions. Du genre à ne jamais vouloir reproduire les erreurs de ses propres parents. Mais surtout du genre à ne pas être capable de prendre un autre chemin. Une mère, deux frères, trois pères différents. Il était le seul de la fratrie à avoir eu des liens avec son père, les autres étaient inconnus au bataillon et il s’estimait un peu chanceux dans l’histoire. Pour autant, il n’avait jamais habité avec lui, il le voyait de temps en temps, lors des vacances, jusqu’à ce que Nino avait décidé que de rester cloitré dans son quartier à Scampia était mieux que d’aller rendre visite à son père. Jusqu’à ce qu’il décide qu’il ne voulait plus vraiment le voir, parce qu’il en avait assez d’entendre son plus vieux frère qu’il était qu’un minable, qu’il n’avait pas besoin de lui, qu’il pouvait très bien s’en sortir seul. Nino et ce complexe d’infériorité qu’il semble avoir besoin de compenser en prouver que ca ne le concernait pas. Oui, Nino faisait le fier, le malin, l’idiot et pourtant, ca ne lui ressemblait pas. Sa mère lui manquait mais il ne la rêverait jamais, elle n’était plus de ce monde. Son père lui manquait et pourtant, il avait encore la possibilité d’être en contact avec lui, il avait choisi de ne plus le faire.
Est-ce qu’il voulait être ce père pour Lucia ? Ce père absent, qui pense à elle de temps en temps ? Non, pourtant, ce fonctionnement instauré avec Katherine lui convenait, et il peut être sans vouloir l’admettre, il reproduisait exactement ce schéma. A l’exception que le père de Nino n’était jamais venu le chercher à la sortie de l’école. Mais le reste ? Sensiblement similaire. Par contre, il vous dira une chose ; c’est que lui, il aime Lucia plus qu’il n’a jamais aimé personne. Et il est bien persuadé que son propre père ne l’a jamais aimé comme lui aimer sa fille. Comment pouvait-il bien le savoir quand ni l’un ni l’autre n’avait jamais abordé le sujet ? Trop pudiques ? Sans doute. « Lucia avait hâte de te voir. »  et c’est pour entendre ces choses-là, que Nino au final, n’avait aucun regret. D’ailleurs, c’est un sourire fier qui s’afficha sur son visage alors que ses yeux se posèrent sur la petite tête blonde. Sa fierté. C’était bien pour cette raison qu’il avait mis de l’eau dans son vin avec Katherine et de manière général, il lui était d’une éternelle reconnaissance. « Vous avez été longtemps ensemble? » Ses yeux devinrent ronds et quittèrent Lucia pour regarder l’ami de Katherine. « On a jamais été ensemble. » et pourtant… « ca complique tout, du coup. » l’accident. Le fameux. Celui qui n’aurait jamais du arriver, ni pour l’un ni pour l’autre, mais à nouveau, aujourd’hui, il n’avait aucun regret. Juste parce qu’il pouvait ressentir tout les effets positifs que Lucia avait apporté à sa vie, bien qu’il avait encore beaucoup à travailler.
L’italien déporta le sujet sur Trent, plutôt, sur la mère de ses enfants. « Elle est dans les parages, mais c’est moi qui les ai à temps plein. » l’italien le voyait alors tout de suite comme un de ces sur-homme mais à la fois partagé avec l’envie de lui dire qu’il avait sans doute mieux à faire, que ce n’était pas le rôle d’un homme de supporter toute cette charge. Pourquoi pas la mère ? « C’est compliqué. On s’est pas exactement laissé sur les meilleurs termes, nous non plus. » il souffle, souriant doucement derrière sa barbe et passa sa main sous son menton, tant il était un peu mal à l’aise. « T’es l’homme au foyer alors. » ça sonnait presque comme une moquerie et en même temps, comme une flatterie. « moi, j’ai l’mauvais rôle dans l’histoire, toi, t’es l’genre de super héros. C’est ça ? »

Le téléphone de l'italien se mise alors sonner, rapidement, il dégaina son vieux nokia et un sourire apparu à nouveau sur son visage quand Maze tentait de l'appeler. « excuse moi » qu'il fit en direction de Trent avant de faire un pas de côté pour s'entretenir avec son amie. En quelques secondes, la discussion était terminée et il revint alors vers son sauveur du jour. « j'vais pas pouvoir rester! Merci encore pour Lucia, j'te revaudrai ça. La prochaine fois, je paie ma tournée de jus de fruit au bar à côté! » et pourquoi pas une tournée de bière s'il laisse aussi ses enfants à la fameuse mère qui rode dans l'coin.
Nino allait récupérer Lucia qui trainait des pieds, sans l'envie de quitter ses amis et fini par disparaître, sa fille dans les bras.