La soirée de la veille avait été difficile, le réveil le lendemain avait été encore pire. Les paupières lourdes et la bouche encore pâteuse je me suis réveillé avec la sensation que ma tête était devenue un refuge pour pic-vert hyperactifs. J’ai une migraine horrible et je n’avais pas eu une gueule de bois comme ça depuis longtemps. J’ai perdu le fil de la soirée, j’ai arrêté de compter les verres que j’ai enchaîné mais il y a une chose dont je suis presque sûr : j’ai envoyé des messages à Eden. J’attrape mon téléphone et la luminosité de l’écran me fait plisser les yeux. Je déverrouille l’écran et je regarde mes conversations sms. C’est pire que ce que je pensais. Je me souvenais vaguement lui avoir envoyé des messages et m’être inquiété mais je ne me souvenais plus du contenu exact de ces messages. Je fais défiler les messages et la seule pensée qui me vient c’est « merde mais qu’est-ce que j’ai encore fait. » En lui envoyant des messages j’ai remué le couteau dans la plaie. J’avais pourtant promis à Max que j’allais le laisser tranquille et c’est aussi une promesse que je m’étais faite et j’avais failli à cette promesse -comme d’habitude-. Je trouve mes messages pathétique, mais qu’est-ce que j’espérais en lui envoyant des sms complètement bourré en pleine nuit ? J’avais été bête et naïf de croire que deux pauvres sms suffiraient à me faire pardonner. Ca n’avait pas marché et pire encore j’avais à nouveau blessé Eden et il avait énormément bu aussi. Le déroulé de la soirée me revient petit à petit en lisant les messages, je n’avais plus de batterie et ce n’est qu’en rentrant chez moi que j’avais pu découvrir les sms d’Eden qui m’avaient énormément inquiété. J’en étais même arrivé à envoyer un message à Max pour m’assurer que son colocataire allait bien. Je décide d’envoyer un message à Eden pour savoir s’il va bien pour dissiper mes angoisses. La réponse se fait un peu attendre et pendant ce temps là je commence à me faire des films. J’ai peur qu’il soit malade ou qu’il lui soit arrivé quelque chose. Je sais que c’est à cause de mon message qu’il a fini dans cet état et je culpabilise énormément. Mon cœur bat la chamade quand je reçois son message où il me propose une discussion face à face. Il en a besoin et moi aussi, même si je sais qu’il me déteste j’ai besoin de le revoir. Mon cœur rate un nouveau battement quand il me dit qu’il doit me parler. Je m’attends au pire, à ce qu’il me dise qu’il ne veut plus jamais me revoir et qu’il décide de me rayer complètement de sa vie. Même si je comprendrais son choix, je suis déjà étonné qu’il n’est pas bloqué mon numéro après toutes mes erreurs et surtout mes excuses ratées d’il y a quelques semaines.

C’est avec beaucoup d’appréhensions que je grimpe dans le bus pour rejoindre notre lieu de rendez-vous. Les écouteurs vissés sur mes oreilles je monte le son plus fort à mesure que le bus se rapproche de l’arrêt où je dois descendre, un moyen d’essayer d’oublier mon anxiété qui grandit à mesure qu’on se rapproche. Alors je suis presque arrivé je reçois un nouveau sms où il m’indique être déjà arrivé et ça suffit pour que mon cœur batte un peu plus vite et un peu plus fort. J’ai peur, peur de ce qui pourrait se passer ou de ce que je pourrais dire. J’ai peur de le blesser à nouveau comme je l’ai fait dans les vestiaires l’autre jour en voulant m’excuser. Je suis un boulet pour trouver les bons mots et pour exprimer clairement ce que je ressens. J’ai très longtemps culpabilisé du mal que je lui ai fait. J’ai passé de nombreuses heures à ressasser le passé et quelques soirées moins glorieuses à boire pour au final finir en train de pleurer toutes les larmes de mon corps assis sur un trottoir parce que blesser les autres c’est ma plus grande peur dans la vie. Je me dirige vers le point qu’Eden m’a indiqué avec la boule au ventre, les mains légèrement moites. Je peux discerner sa silhouette dans l’obscurité, je le vois assis sur le sable et je me dis que c’est trop tard et que je ne peux plus reculer. " Oh, Mel ! Bonjour. " Il se lève pour me saluer et je le salue en retour avec un petit sourire timide. Eden se rassied et je l’imite. Je m’installe à ses côtés et je lui demande "Comment tu vas ? Pas trop mal à la tête ? J'ai l'impression que la mienne va exploser" Je peux deviner aux cernes qu’il a sous le yeux que la nuit et surtout le réveil ont été difficiles pour lui.  "Ha ha, ma tête est lourde mais l'air marin commence à me faire du bien." J’inspire un grand coup profiter des effluves de l’océan et je dois avouer qu’il a raison. C’est très agréable comme odeur et le bruit des vagues en arrière-plan fait l’effet d’une berceuse. Je sais que l’océan a une place très particulière pour Eden alors je suis content pour lui s’il se sent mieux ici. « C’est vrai qu’on se sent bien ici. C’est calme et apaisant. » Un léger silence s’impose, il est clair que nous cherchons tous les deux à éviter cette discussion difficile. Je prends une grande inspiration avant de me lancer pour briser la glace qui est en train de s'installer. « Je suis désolé de t’avoir envoyé ces messages hier, je sais que ça t’a fait du mal et c’était pas du tout mon but de te faire souffrir une nouvelle fois. » Mais je n’ai pas pu m’en empêcher, parce que je suis toujours complètement dingue de toi.

J’essaie de noyer le poisson et de briser la glace en lui posant des banalités mais je n’arrive à tromper personne : je suis stressé à l’idée d’avoir cette discussion avec Eden. Le malaise a l’air réciproque puisque un silence gênant s’installe entre nous. J’hésite un petit peu et je me décide à prendre la parole pour lui servir à nouveau des excuses. Cette fois de manière plus habile et sans lui remettre involontairement la faute dessus comme un vrai connard. Je pèse mes mots et je lui parle sincèrement. « Finalement... Ce n'était peut-être pas si mal. Si c'est ce qui nous a permis de nous décider à parler. Je t'ai envoyé des messages stupides sous le coup de l'émotion, l'alcool a juste aidé. Mais si nous n'avions pas bu, on aurait peut-être pas essayé de se voir. Je sais que je n'aurais pas osé... C'est con parce que ça fait un moment que je veux te parler et que je sais pas le faire. Ironique quand je vois ton premier message qui dit que je ne voulais plus te parler, hein ? " Je crois qu’il a raison, on avait besoin de cette discussion. Notre discussion ou plutôt notre dispute dans les vestiaires était une erreur. La blessure de tous ces événements était trop fraiche et je n’avais pas le recul nécessaire pour m’excuser correctement. J’étais toujours perdu dans ma tête à ce moment là, il était bien trop tôt pour avoir une vraie discussion à tête reposée. Eden avait raison encore une fois, l’alcool nous avait aidé à faire le premier pas et à prendre notre courage à deux mains pour parler calmement et essayer de démêler le bordel qui s’était installé dans nos vies depuis la soirée d’Halloween. J’ai une drôle de sensation dans le ventre quand il me dit qu’il voulait me parler depuis un moment, des genres de papillons parce que d’un côté je suis content qu’il ne m’ait pas oublié. Je sais que c’est égoïste comme pensée, il serait bien mieux sans moi et toute la souffrance que je peux lui apporter. Alors que je m’apprête à lui répondre il m’interrompt." Attends. Avant de dire quoi que ce soit. J'ai une question. Je vais peut-être regretter de te l'avoir posée mais maintenant que tu es sobre... " Je jette un coup d’œil rapide dans sa direction et je remarque qu’il glisse ses mains dans ses cheveux. Ce qui me rappelle automatiquement la douceur de ses cheveux et leur parfum qui m’avait obsédé ce soir là et qui continuait de le faire. Mon cœur rate à nouveau un battement quand il mentionne sa question. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et suspendu à ses lèvres j’attends de savoir ce qui peut bien lui passer par la tête. " Tu as dit que tu étais dingue de moi, c'est vrai ? " Il fuit mon regard et je fais de même, le regard planté sur les vagues de l’océan sa question me frappe comme une lame de fond. Je n’hésite pas pour lui répondre, ce soir il aura le droit à toute la vérité et je suis prêt à lui ouvrir mon cœur même si ça m’effraie. « C’est vrai oui. » Je me tourne vers lui, à la recherche de son regard avant de développer un peu mes pensées. « J’arrive pas à t’oublier t’es dans ma tête tout le temps. » Ma vie est comme sur pause depuis que je l’ai rencontré, toutes mes pensées tourne autour de lui et depuis cette soirée ça me rend complètement fou parce que je sais que je ne pourrais pas le récupérer. Rien ne pourra effacer ce que j’ai fait et il a trop souffert par ma faute, le mieux à faire pour lui est de m’oublier et de trouver quelqu’un de bien, quelqu’un qui le méritera vraiment. De mon côté l’oublier c’était aussi le plan, parce que la situation me fait énormément souffrir mais je n’y arrive pas, tout simplement parce que je ne le veux pas vraiment. Je tourne à nouveau ma tête pour fixer l’océan, sentant l’émotion monter à moi comme un crescendo : lentement mais sûrement. Toutes les émotions et la souffrance que j’ai vécues depuis deux mois remontent à la surface et je sais qu’elles me submergeront bientôt. « Mais en fait je crois que j’ai pas envie de t’oublier. Je sais que c'est égoïste et que je devrais te laisser tranquille parce que je t’ai déjà fait beaucoup de mal et que tu ne mérites pas de souffrir comme ça. » Comment est-ce que je pourrais avoir rationnellement envie d’oublier la personne qui m’avait fait me sentir vivant pour la première fois en 25 ans de vie ? « Mais voilà c’est plus fort que moi j’y arrive pas. » Cette fois je ne suis pas assez fort et une larme roule sur ma joue, je l’essuie d’un revers de la main.

Des larmes commencent doucement à rouler sur mes joues, en silence sans un sanglot. C’est trop d’émotions et je ne suis pas assez fort pour encaisser tout ça. Encaisser que je suis tout prêt de lui en sachant que je l’ai brisé et qu’après ma tirade il me dira sûrement que j’ai raison et qu’on doit passer à autre et ça me détruit d’avance. Parce que mon super pouvoir dans la vie c’est de tout faire foirer plus vite que la vitesse de la lumière et de bien sûr être incapable de rattraper le coup en m’excusant correctement. Mes larmes sont sincères, je ne pleure pas pour l’apitoyer ou essayer de me faire pardonner. J’espère qu’il sent que je suis sincère et que je lui ouvre mon cœur même alors que c’est difficile pour moi. Je traine cette souffrance et ce déni de moi depuis toujours et le poids de ses années à refouler qui je suis vraiment rend le sujet très sensible pour moi. Alors là sur cette plage je me mets à nu et je lui dis la vérité sans détours, chose que je n’ai jamais réussi à faire avec quelqu’un d’autre. J’ai bien parlé de la situation avec Ade mais ce n’est pas pareil, si j’ai réussi à admettre à voix haute avec elle que je n’étais pas hétéro parler de mes sentiments pour Eden est une étape supplémentaire. Parce qu’avec lui c’est plus que de l’attirance, il y a quelque chose, une alchimie particulière qui a été instantanée dès la première fois où nous nous sommes vus. Si mon corps est ailleurs mon esprit lui est toujours bloqué en partie dans ce bar. Je me sens idiot de l’avoir planté comme un idiot alors qu’il me proposait de boire un verre, tout ça parce que j’étais trop perturbé par le moment que nous venions de passer. Ce soir-là j’avais gâché l’occasion de passer un peu plus de temps avec lui et d’apprendre à le connaître. Je regrette beaucoup de choses mais j’espère ne pas regretter de lui avoir dit ce que je pensais. Ma main désormais humide revient se poser sur ma cuisse et aussitôt celle d’Eden la remplace. Je tourne ma tête vers lui, toujours en train de pleurer. Je suis surpris de sentir sa main frôler ma joue et je suis suspendu à ses lèvres. " Ne m'oublie pas alors. " Il murmure ces mots et mes larmes ne s’arrêtent pas. Je suis très ému de sa réaction alors que je m’attendais à un rejet -que j’aurais tout à fait compris-. Je n’en reviens pas, comment après tout ce que je lui ai fait il trouve encore la force de me pardonner ? Après la soirée d’Halloween tout le monde se serait enfui, j’aurais été insulté de tous les noms avant d’être bloqué. Mais pas avec lui, malgré tout il est resté. Je me sens plus que chanceux d’avoir droit à une seconde chance et je soutiens son regard. J’aimerais l’embrasser mais j’ai peur que ce soit trop tôt et je crois qu’en réalité ce dont j’ai besoin c’est d’être dans ses bras. « Est-ce que je peux te prendre dans mes bras ? » Je préfère lui demander, je n’ai pas envie de m’imposer à nouveau, s’il préfère qu’on garde encore nos distances je comprendrais. J’essaie de sonder son regard à la recherche d’une réponse qui ne vient pas. A place il se blottit dans mes bras et à ce moment-là mon cœur explose à nouveau et je pleure dans ses bras. « Merci de m’avoir pardonné, je sais pas comment te remercier. » Cette scène est irréelle, là assis sur la plage dans les bras d’Eden j’ai l’impression de respirer à nouveau.

Je viens de lui ouvrir mon cœur en lui avouant que je suis très sérieux quand je dis que je suis fou de lui et je n’en reviens pas quand il se rapproche de moi en me disant de ne pas l’oublier. Je pleure un peu parce que je suis très surpris et je lui demande si je peux le prendre dans mes bras. Une fois blotti contre lui je le remercie d’être revenu et mes larmes coulent un peu plus à chaque seconde. J’ai beaucoup pleuré pendant ces deux derniers mois mais là c’est différent, je ne suis pas triste mais submergé par l’émotion. Je sens que je ne suis pas le seul à être ému et qu’Eden est aussi en train de pleurer. Mon épaule est trempée et son t-shirt est aussi imbibé par mes larmes. Vue de l’extérieur ça doit être très étrange comme scène : deux personnes sur la plage en pleine nuit en train de pleurer ensemble. Mais nous nous sommes embrassés la première fois en étant habillés en tacos et en t-rex alors je suppose qu’on ne fait rien comme les autres. Et puis à ce moment-là le regard des autres je m’en fiche pas mal il n’y a qu’Eden qui compte. Je passe ma main dans son dos et je la bouge en douceur, j’espère que mes caresses pourront l’apaiser un peu. " Mel ? " Je relève la tête pour le regarder et ça me fait de la peine de voir son regard brouillé par les larmes. "Je... " Il m’inquiète un peu, j’ai peur qu’il ait changé d’avis et qu’il se soit rendu compte que me pardonner est une mauvaise idée. " Tu es sûr ? Tu ne regretteras rien ? Je... Je ne veux plus que tu partes mais, je te laisse une dernière chance de fuir... Fais moi taire tout de suite si tu restes. " Je ne peux pas lui mentir en lui disant que je suis sûr que tout ira bien entre nous maintenant et que je suis prêt, c’est faux. Je suis sûr de ressentir quelque chose d’extrêmement fort pour lui, je lui ai déjà dit il me rend dingue et je n’ai jamais été aussi déprimé que qu’après la soirée d’Halloween. Mais j’ai peur parce que c’est quelque chose de totalement nouveau. J’ai l’impression de découvrir à 25 ans qui je suis vraiment et c’est difficile à accepter. Je sais que je vais devoir accepter cette nouvelle facette de moi et c’est un grand saut dans l’inconnu. Et l’inconnu c’est angoissant. Je ne connais pas le passé amoureux d’Eden mais d’après ce que j’ai vu et compris il est très à l’aise avec ça et il a réussi à accepter tout ça. Je sais que mes proches me soutiennent mais je vais avoir besoin de temps pour apprivoiser cette découverte et je préfère être honnête avec lui sur ça. « J’ai plus envie de partir. Mais il vaudrait peut-être mieux qu’on y aille doucement, petit à petit. Tu sais c’est nouveau pour moi tout ça. » Je sais qu’encore une fois je lui en demande beaucoup. Après lui avoir fait vivre un enfer pendant deux mois, lui avoir brisé le cœur maintenant je lui demande d’être patient. J’ai peur que ça soit trop à accepter pour lui et je comprendrais qu’il ait envie d’être avec quelqu’un qui est à l’aise avec tout ça et qui soit prêt à s’engager dans une relation. J’ai besoin de temps pour apprendre à aimer, m’aimer comme je suis, l’aimer lui comme il le mérite. « Et j’ai pas envie de te blesser à nouveau. Je vais avoir besoin de temps pour accepter tout ça mais je suis sûr que c’est ce que je veux. Que c’est toi que je veux. » Et je lui souris, ma main vient essuyer les larmes qui coulent toujours sur sa joue parce que c’est mieux comme ça, il a déjà versé trop de larmes pour moi.

Même si ça me fait mal au cœur de le faire j’ai préféré lui demander qu’on y aille doucement. J’aurais voulu l’embrasser tout de suite, le serrer fort dans mes bras mais les blessures du mois de novembre son encore fraiches et je ne voudrais pas qu’en allant trop vite on grille des étapes et qu’on se fasse plus de mal qu’autre chose. Lui laissant du temps c’est aussi un moyen pour moi de lui laisser la possibilité de dire « on arrête tout » s’il se rend compte que finalement il ne veut pas plus avec moi maintenant que nous avons pu avoir une discussion à tête reposée. " Je... Je comprends. Je te veux aussi, plus que tu ne peux imaginer. Mais je suis aussi passé par là. Dans d'autres circonstances. Mais on peut en parler si tu en as besoin. Je... Hm. Je pense qu'on a beaucoup de choses à se dire... " Mon regard s’illumine et ses mots me vont droit au cœur. Je me sens compris et ça m’enlève un énorme poids. Même si Adriana m’a très bien accepté c’est différent, elle n’est pas passée par là alors elle ne peut pas comprendre dans quel état je suis et toute la souffrance que traine depuis que toute ma vie a été remise en question. Heureusement que j’ai pu compter sur Jake qui a est passé par les mêmes étapes avec ma mère notamment. Il a été un soutien incroyable et il m’a accompagné dans toute cette transition. Je pense que sans lui je n’aurais jamais réussi à accepter tout ça et j’aurais refoulé ma réelle identité pendant encore de nombreuses années. Qu’Eden comprenne ce qu’il se passe dans ma tête ça m’enlève un poids parce que je me dis qu’il sera certainement compréhensif face à mon comportement. « Je pense que ça me ferait du bien d’en parler oui. Peut-être pas ce soir mais une autre fois ce serait bien. » J’ai envie de tout lui raconter, de remonter à mon adolescence et à toutes les fois où je me sentais sale et fou d’oser poser les yeux sur mes camarades de classe. Ou même lui parler de ma très grosse crise d’adolescence où j’ai longtemps cherché qui j’étais sans savoir que j’étais perdu. All this time I was finding myself, didn’t know I was lost. Mais pas ce soir, j’ai envie de profiter de la beauté de ce moment pour simplement discuter avec lui, ma séance d’introspection devra attendre. « Ce soir j’aimerais qu’on en profite plutôt, qu’on profite du calme, d’être ensemble, je sais pas ce que t’en dis. » Je lui souris parce que je suis sincèrement heureux d’être là et de vivre l’instant présent, comme si tout le fardeau de culpabilité et de mal-être que je trainais depuis plusieurs mois s’était envolé. " Quand je t'ai proposé de venir, je voulais te dire tellement de choses. J'ai encore envie de te les dire mais... J'ai surtout envie de rester dans tes bras et... Savoir si tu as quelque chose à me dire aussi... J'ai eu tellement peur que tu ne viennes pas. " Il pique ma curiosité, j’aimerais savoir ce qu’il a sur le cœur et qu’il tenait tant à me dire mais il a raison ça devra attendre. Je peux comprendre qu’il ait eu peur, j’avais fui le premier soir au bar quand il m’avait invité à boire un verre et globalement je m’étais défile au ras le bol, repoussant toujours à plus tard les discussions qui fâchent. « Et moi j’avais peur de ce que tu me demandes de te laisser tranquille et d’arrêter de t’envoyer des messages. » J’étais persuadé que c’est ce dont il voulait qu’on parle parce que j’avais clairement abusé en lui envoyant des messages comme ça. « Qu’est-ce que tu voulais me dire ? Si tu veux me dire ou me demander quelque chose en particulier je pense que c’est le moment pour qu’on mette tout à plat. » La curiosité est trop forte et puis j’aimerais qu’en rentrant à la maison il n’y ait plus de non-dits. Ce soir nous posons les bases d’un nouveau départ que nous devons totalement construire mais je n’ai plus peur et j’ai comme l’impression que c’est quelque chose de beau qui nous attend. Après la pluie le beau temps.

" Hm... " Il écoute mes explications en silence et son silence m’inquiète un peu. Je lui demande s’il a quelque chose en particulier qu’il souhaite me dire, c’est le moment ou jamais pour ça. " Hm... Je vais essayer de m'exprimer au mieux... Je ne suis pas l'orateur le plus censé qui soit et depuis la crémaillère, c'est un bordel dans ma tête. " Je souris à sa remarque parce que je me dis qu’il est un bien meilleur orateur que moi. Il a la parole facile, toujours quelque chose à exprimer et ce que j’aime chez lui c’est qu’il n’hésite pas à dire ce qu’il a sur le cœur.  "Vas-y ne t’en fais pas, prends le temps dont t’as besoin.” C’est une chose que j’ai du mal à faire par moments et un de mes pires défauts c’est ma maladresse. Je pense que je fais partie du top 10 des pires orateurs de la décennie. J’ai été extrêmement maladroit dans mes paroles lors de notre discussion et mes excuses se sont transformées en reproches envers Eden. Il ne pourra jamais faire pire que moi ce jour-là, j’ai un talent pour tout faire foirer. " Par quoi commencer ? Je t'en ai beaucoup voulu, bien sûr. Mais, je m'en suis encore plus voulu. Oui... Ce n'était pas ma faute. J'ai mis du temps à le comprendre. Adriana a un peu été un déclic. Tu sais qu'on a parlé elle et moi ? Bon, si tu ne savais pas, elle est venue, espérant te trouver, elle est tombée sur moi. Une chouette fille, je comprends mieux pourquoi tu me disais qu'elle était importante. La première fois je l'avais mal pris, enfin bref. " Je l’écoute silencieusement, je ne veux pas l’interrompre et qu’il perde le fil de sa pensée. C’est déjà suffisamment difficile d’ouvrir son cœur alors je n’ai pas envie de lui compliquer à nouveau la tâche. Je hoche la tête quand il parle d’Adriana. Je sais qu’ils se sont vus, elle m’a un petit peu raconté, sans trop rentrer dans les détails et je suis impressionné par la capacité qu’elle a eu à discuter avec Eden alors que c’est avec lui que je l’ai trahie. Bien sûr Eden n’y est pour rien mais Adriana aurait tout à fait été légitime à en vouloir à Eden. Je pense que dans cette situation la très grande majorité des gens à la place d’Adriana et d’Eden m’aurait mis une claque et ne m’auraient jamais pardonné. Et ils auraient sûrement raison, ce que j’ai fait est impardonnable. " Désolé, je t'avais dit que c'était pas organisé dans ma tête et que j'avais beaucoup à dire. Bref, je t'en ai voulu, à moi encore plus, j'ai beaucoup plus pleuré que tu peux l'imaginer parce que je... Je voulais déjà plus avec toi dès le premier soir où je t'ai vu. Cette nuit là, je me suis endormi en ne pensant qu'à tes yeux. Mon dieu, j'en dis trop, tu vas me prendre pour un taré... " Mon cœur se serre quand il parle de toutes les larmes qu’il a versé à cause de moi. C’est précisément l’inverse de ce que je voulais. J’ai toujours voulu faire sourire les autres, pas les détruire comme je l’ai fait en étant complètement égoïste et idiot. Mais quand il reparle de la soirée celtique je ne peux pas retenir les papillons qui envahissent mon estomac et je ne peux pas retenir un petit sourire. Moi non plus je n’ai pas oublié ses yeux, l’étincelle dans son regard quand nous tournions au rythme des violons. Et je crois qu’au fond de moi même si je ne voulais pas me l’avouer je voulais plus aussi. Sinon pourquoi aurais-je été gêné au point de fuir si je l’avais juste trouvé sympa ? " Je... Ces derniers mois, j'ai ressenti de la tristesse, de la déprime même, de la colère, de la frustration... J'ai ressenti tout un tas d'émotions mais c'était la première fois que j'avais si mal pour quelqu'un que j'... Je sais pas si je peux utiliser ce mot sans te faire peur. Qu'est-ce que... Ah oui... Quand tu as voulu me parler dans les vestiaires... Ce n'était pas que je voulais pas te parler... Mais j'étais trop dans le mal. Tu as vu mon casier ? J'ai failli casser ma table basse le même jour. Alors... Qu'on soit bien d'accord, je ne dis pas ça pour te culpabiliser, je pense que ces derniers mois, tu as bien compris qu'un baiser peut faire plus de mal dans certains contextes. Mais quand j'ai été distant et froid, sache que ça m'a fait beaucoup de mal de l'être. Désolé, je suis un moulin à paroles mais là, c'est surtout tout ce que je n'ai pas pu te dire pendant plus de deux mois... " Mon cœur rate un battement quand il me dit de manière implicite qu’il m’aime. Je suis plus qu’ému parce que c’est la première fois que je ressens des sentiments aussi forts pour quelqu’un et surtout que ces sentiments sont partagés. L’émotion de cette déclaration à demi-mots s’estompe très rapidement quand il me parle du casier et de la table basse. Je me sens mal de l’avoir fait souffrir au point de le blesser physiquement. “Non non t’en fais pas, ne t’arrête pas.” Son regard fixe désormais l’horizon et je fais de même et je me concentre sur sa voix, le regard perdu dans les vagues. " Ce fut si long... Une torture. Puis y'a eu Adriana et ma mère. Elles m'ont fait réfléchir à certaines choses. Je voulais déjà te parler mais elles ont rendu les choses plus faciles. Et puis, y'a eu tes messages hier. Sans ça, peut-être que j'aurais encore attendu. J'étais perplexe, je dois bien avouer. J'aurais pas cru que tu m'enverrais des messages et encore moins bourré. Du coup, en sachant ça, je me suis dit que tu passerais à autre chose ce matin. Le fait que tu arrêtes de me répondre m'a frustré. Clairement si j'étais torché après, c'est un peu... Non c'est totalement à cause de ça. Penser H24 à toi et à me dire que c'était foutu puis ces messages qui arrivent pour vite s'arrêter, j'avais besoin de noyer la douleur si on peut dire ça. Autant te dire que... Et tu as vu mes messages d'après. Hm... J'ai fait le fou, j'ai prétendu que je m'amusais, je me suis un peu amusé oui mais, je ne pensais qu'à tes messages même quand j'étais debout sur la table... Ce sera une histoire pour plus tard ça. " Encore une fois même si je le savais ça me fait mal d’entendre que j’ai provoqué une nouvelle vague de souffrance en lui envoyant des messages hier. Je sais que j’ai remué le couteau dans la plaie mais j’étais loin d’être sobre et sur le coup j’ai cru que ce serait une bonne idée. J’ai cette sale habitude d’envoyer des messages en ayant bu. Le plus souvent c’est assez léger, j’envoie des messages incompréhensibles et drôles. Au lieu de ça, hier l’alcool m’a fait faire ce que je voulais depuis des semaines : lui parler, alors que je savais très bien que ça allait avoir des conséquences sur ma vie et surtout sur la sienne. Mais hier soir la souffrance était trop grande pendant la soirée du nouvel an après avoir subi les remarques des amis d’Ade, j’avais juste envie de pleurer sous ma couette avec le t-shirt d’Eden qui a perdu son odeur depuis bien longtemps. " Si tu me prends pour un fou, je ne serais pas surpris. Juste, tu m'as complètement... à tes pieds. Je suis devenu un fantôme sans pouvoir te parler. J'arrive pas à croire que je te dis tout ça. " Avec son hésitation j’ai eu peur qu’il me dise “tu m’as complètement détruit”. Je ne le prends pas pour un fou, au contraire. Je suis surpris qu’il veuille toujours de moi après tout ça et ça me touche qu’il se soit autant livré à moi. “Wow ça fait beaucoup à encaisser tout ça.” Pendant toutes ses explications je suis passé par une montagne russe d’émotions et j’ai besoin de quelques secondes pour me poser et organiser ma pensée. Je n’ai pas envie de refaire les mêmes erreurs en parlant avant de réfléchir. “Pour Adriana je savais, quand je t’avais parlé d’elle la première fois je ne voulais absolument pas te vexer ou te faire croire que tu n’es  pas important. J’ai été super maladroit” Je fais une petite pause avant d’ajouter avec un petit haussement d’épaules et un soupir. “Comme toujours.” Je secoue légèrement la tête et je prends une grande inspiration avant d’ajouter. “Non mais je me sens mal pour tout. J’ai bien vu que ça te faisait du mal, ça m’a fait de la peine de voir que t’as failli te péter la main avec ton casier ou que t’as essayer de boire pour oublier… pour m’oublier.” J’avais eu peur pour lui ce jour-là et j’avais eu mal de le voir s’infliger ça à cause moi et de ma maladresse légendaire. “Je me suis senti plus que mal aussi. En fait je ressentais plus rien, j’étais vide.” Un vrai zombie, je ne compte plus le nombre de fois où Jake m’a retrouvé sur le canapé à fixer le plafond et avec le regard vide et la musique de mon Ipod à fond pour tout oublier. “J’ai pas arrêté de regretter tu sais, je dis pas ça pour me donner bonne conscience ou que ça soit plus simple pour toi de me pardonner mais globalement c’était pas très drôle d’être en ma compagnie pendant ces derniers mois.” J’ai l’impression de m’enfoncer encore une fois mais au moins nous nous sommes dits ce qui devait l’être et c’est le principal. “Enfin bref, t’as bien fait de vider ton sac, et ça m’a fait du bien de vider le mien, je pense qu’il n’y avait que ça comme solution pour qu’on reparte sur de bonnes bases.” Un nouveau départ c’est ce que j’espère sincèrement, c’est même le vœu que j’ai fait pendant le passage à la nouvelle année. Quel qu’il soit j’avais envie d’avancer, mais si c’est avec Eden c’est encore mieux. “Et tu peux être sûr d’une chose, je suis fou de toi et j’ai envie de te rendre heureux, parce que tu mérites le meilleur. ” Je me mets à nu, je me rends vulnérable même si ça me fait peur, parce qu’avec lui je me sens bien, je me sens vivant et je me sens aimé, c’est ce que j’ai toujours voulu. L’année ne commence peut-être pas si mal que ce que je croyais hier soir.