Deklan a dit que son frère était là, sans expression aucune dans la voix. Charlie a haussé les épaules, n’en ayant pas plus quelque chose à faire que lui, surtout alors que son occupation principale du soir se résume à boire à l'œil en souvenir de ses années de travail passées dans le bar. Et puis, si jamais l’américain ne l’entend pas de cette manière, il sait très bien qu’elle n’aura qu’à passer de l’autre côté du bar pour se servir elle-même et ne même pas faire semblant de mettre quoi que ce soit d’autre que de l’alcool dans des verres immenses. Charlie est bornée, il faut bien l’avouer, et elle l’est d’autant plus ces derniers temps puisqu’elle a l’impression de ne rien avoir à perdre. Trent a les enfants, c’est son jour de congé au travail et les animaux au loft se débrouillent parfaitement bien sans elle. En somme, c’est comme si elle était étudiante à nouveau, sans aucun poid sur les épaules si ce n’est peut-être celui de ne pas vouloir faire le chemin retour jusqu’à chez elle toute seule. Oh, que la vie était difficile dans ce temps.
Après avoir bien assez joué avec les nerfs de Deklan, elle le remercie d’un baiser affectif contre la joue avant de laisser son attention retourner vers la salle commençant peu à peu à se remplir au fur et à mesure que le soleil se couche. Le tout Brisbane se rend de nouveau au DBD, quelque peu déserté au moment de la mort de Matt et à cause de l’ambiance pesante. Désormais, les choses semblent aller mieux pour tout le monde et la vie reprend son cours, raison pour laquelle Charlie refuse de se terrer au fond de son appartement et se morfondre sur son sort. Ce n’est pas ainsi que les choses changeront et elle ne veut pas avoir le moindre point de comparaison avec Léo ; elle n’est même pas triste de ce qu’il est en train de se passer entre eux, ce n’est qu’une vue de l’esprit. Si les choses se passent ainsi alors c’est qu’il y a une raison à cela, et pour une fois la jeune femme n’a rien à se reprocher.
Alors, elle va de l’avant. Charlie est jeune et a une vie à vivre, ce n’est pas Léo qui saurait l’en empêcher. Si elle ne porte pas le même regard sur les choses qu’avant, cela ne l’empêche pour autant pas de profiter d’un rien, raison pour laquelle le simple verre coloré qu’elle garde en main suffit à la laisser garder un large sourire sur le visage. Ce dernier ne meurt toujours pas lorsqu’elle se rapproche d’un inconnu à l’air renfermé, assis dans un coin légèrement reculé du café. “Est-ce que tu viens de te faire larguer ou est-ce que c’est la tête de quelqu’un à qui on vient de poser un lapin ?” Généralement, les personnes se réfugient dans des bars pour ces deux seules et uniques raisons, alors c’est par expérience que Charlie propose un champ de possibilités aussi réduit. Son sourire dénote de l’attitude de l’inconnu à qui elle s’intéresse avec sincérité, et non pas par curiosité maladive. Laissant ses mèches blondes retomber dans son dos au lieu de ses épaules, elle continue de ce même ton enjolivé. “Tiens, c’est uniquement de la vodka. Et un peu de sirop, pour les couleurs, et pour les apparences.” Dit-elle en lui concédant son propre cocktail qu’elle fait glisser sur la table avec précaution. Les apparences, pour ne pas avoir l’air d’un parfait alcoolique tournant à la vodka pure ou bien les autres apparences, pour ne pas avoir l’air d’un débile avec son verre à cocktail rempli uniquement d’eau - ce que l’odeur aurait rapidement trahi. Finalement, attendant une réponse de sa part, la jeune femme se laisse retomber mollement dans le fond de la banquette.
Les derniers mois ont loin d’avoir été faciles pour Cameron qui n’accepte toujours pas la perte de sa jambe. Malgré le temps qui passe et le désir d’aller mieux, il ne sait pas par où commencer alors que ses anciennes passions ne le font plus vibrer depuis sa sortie de l’hôpital. Encore aujourd’hui, sa guitare prend la poussière dans un coin de sa chambre et il n’a toujours pas osé aller faire un tour sur son voilier sur lequel il a passé d’innombrables soirées à fêter, écrire et gratter sa guitare. « Tu as des plans pour ce soir Cameron? » Techniquement, non, mais il sait que s’il reste un soir de plus enfermé dans sa chambre d’adolescence, sa mère sera sur son dos et il n’a pas envie de se battre une fois de plus avec elle. Ses parents ont été patients avec lui depuis qu’il est emménagé chez eux un mois après son accident et Cameron prend peut-être un peu trop pour acquis ce qu’ils font pour lui alors qu’ils pourraient très bien l’obliger à retourner vivre dans la maison qu’il possède toujours avec Willow, la mère de sa fille. « Je sors avec Angus. » ment-il en rangeant son calpin et des crayons dans son sac à dos sans même daigner la regarder. « C’est vrai?! » Elle est contente sa mère, trop contente, et il lui adresse un sourire tandis qu’il se dirige vers elle d’une démarche boiteuse. « Oui, on va aller prendre quelques bières. T’inquiète pas, je vais appeler un taxi si jamais j’ai trop bu. » précise-t-il avant même qu’elle n’ait le temps de prononcer le moindre mot tandis qu’il la voit ouvrir la bouche. « Je ne sais pas à quelle heure je vais rentrer, bonne soirée. » Il se sent mal de mentir à sa mère, mais voir la déception dans son regard est de plus en plus difficile.
“Est-ce que tu viens de te faire larguer ou est-ce que c’est la tête de quelqu’un à qui on vient de poser un lapin ?” C’est la tête de quelqu’un qui a tout sauf envie de se faire embêter, mais ça, Cameron se retient de le dire à la blonde qui prend le risque de se faire rembarrer en allant faire la discussion à un inconnu. Le brun n’a pas particulièrement envie d’être ici ce soir, et probablement qu’il aurait mieux fait de se rendre sur son voilier où il aurait eu la paix, mais il essaie de se forcer à sortir comme s’il va miraculeusement retrouver l’ancien lui quelque part et qu’il pourra reprendre sa vie comme avant, comme si une prothèse ne se cachait pas sous son jeans. « Deuxième choix. » répond-il sans l’ombre d’un sourire tout en agitant entre deux ses doigts le crayon qu’il tient. « En attendant j’essayais de trouver l’inspiration pour un livre, mais les gens sont tellement déprimants. » ajoute-t-il en déposant son crayon à côté de la feuille blanche à laquelle il fait face depuis au moins une heure. Cameron n’a sans doute pas la tête d’un romancier, bien qu’il sache très bien manier les mots, mais c’est plus facile de mentir en s’inventant une vie que de dire à la jeune femme qu’il tente de se remettre à écrire des chansons et de lui expliquer pourquoi il n’y arrive pas. “Tiens, c’est uniquement de la vodka. Et un peu de sirop, pour les couleurs, et pour les apparences.” Il pose son regard sur le verre qu’elle fait lentement glisser dans sa direction. Devrait-il se méfier? Il ne la connait pas du tout et qu’est-ce qui lui dit que ce n’est pas une groupie un peu débile qui tente de le saouler pour lui faire faire tout ce qu’elle veut? « Hum, merci. » Il porte prudemment le verre à ses lèvres sans quitter la blonde des yeux et il prend le temps d’en sentir le contenu avant d’en prendre une petite gorgée. « T’étais vraiment sérieuse. » dit-il en haussant les sourcils, une grimace étirant ses traits. De l’alcool, il en a souvent bu dans les nombreuses fêtes qu’il a organisées sur son voilier, mais il faut dire qu’il n’en a pas consommé depuis son accident en juillet dernier. Il n’est pas convaincu que ce soit une très bonne idée de prendre le risque que sa seule jambe fonctionnelle devienne molle sous l’effet de l’alcool, mais pour une fois, il a envie d’oublier un peu son handicap qui l’empêche d’avancer depuis des mois. « Est-ce que tu viens de te faire larguer ou c’est ce que boit quelqu’un à qui on vient de poser un lapin? » L’esquisse d’un sourire apparait au coin de ses lèvres tandis qu’il lui retourne sa question.
Elle mime parfaitement la joie, Charlie, s’étant sans doute elle-même convaincue qu’elle était parfaitement heureuse dans la configuration actuelle de sa vie. Cela lui permet d’apporter son cocktail d’un endroit à l’autre du bar avec un immense sourire scotché au visage, lui permettant de gagner quelques pommettes moindrement accentuées. Cédant son verre sans trop de peine, elle dodeline la tête pour détailler l’inconnu sous tous les angles, ne cherchant même pas à s’en cacher. Elle est curieuse et loin, très loin d’être en fonction, alors elle n’a aucune raison de cacher ses véritables intentions ; lesquelles ne vont pas bien loin, de toute façon. Sans doute pour faciliter l’échange (à sa façon) et ne pas les laisser tourner autour des sujets importants pendant une éternité, Charlie ne lui offre que deux raisons quant à sa venue ici: il vient de se faire larguer, ou de se faire poser un lapin. Dans un cas comme dans l’autre, il n’existe absolument rien d’enviable à sa vie, et ne pas envier quelqu’un est sans doute une chose dont la jeune femme a terriblement besoin dernièrement. « Deuxième choix. » Elle hoche la tête, fait la moue sans pour autant s’attarder davantage. “Pas cool.” Pas cool, mais après tout c’est le jeu. Il a sûrement rencontré la femme en question sur une connerie du genre Tinder, alors il ne peut pas dire que ce soit totalement une surprise. C’est bien dommage, pourtant, parce qu’elle aurait au moins pu voir qu’il est aussi mignon en vrai qu’il l’est sûrement sur les photos postées. Après tout, ce n’est pas perdu pour tout le monde.
« En attendant j’essayais de trouver l’inspiration pour un livre, mais les gens sont tellement déprimants. » Et la seule réponse à une page blanche ne peut être qu’un verre entier de vodka, n’est-ce pas ? Aux yeux de Charlie, en tout cas, il n’existe pas meilleur remède, mais elle le pense sans doute parce qu’elle n’a jamais rien écrit de sa vie et ne connaît personne dans ce cas de figure non plus. “C’est parce que je manquais à ta vie que tu peux dire ça.” La blonde s’amuse d’un rien, étant loin d’avoir véritablement une aussi haute estime d’elle-même. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’il y aurait sans doute de nombreuses choses à écrire à son sujet, et il n’y aurait pas même besoin de beaucoup les romancer pour en venir à la conclusion que ses aventures vendraient quelques milliers d’exemplaires d’un livre simple, écrit d’une plume fluide qui n se perdrait pas en figures de style. Et déjà, elle imagine qui pourrait prendre son rôle à l’écran pour la future adaptation cinématographique alors qu’elle n’en est encore qu’au moment où elle lâche le verre des doigts pour lui laisser le choix de le goûter ou non. “T’écris quel genre d’histoire ? J’aurais pas vraiment cru qu’un bar serait un repère d’écrivain.” Elle les imagine dans des immenses bibliothèques, seuls avec leurs pensées, une sorte de musique d’opéra dans les oreilles pour appuyer un peu plus encore le cliché de l’écrivain (avec un ‘e’ majuscule, calligraphié). « Hum, merci. » Il entoure le verre de ses doigts maigres et soucieux comme si elle avait bien pu mettre de la mort aux rats à l’intérieur. S’il s’appelait Léo et était son mari, peut-être qu’elle l’aurait effectivement fait, mais dans la configuration actuelle des choses il ne devrait rien avoir à craindre. « T’étais vraiment sérieuse. » Pourtant, après avoir senti le verre, il aurait dû s’y attendre. Le visage de dégoût qu’il esquisse laisse la jeune femme à rire, elle qui s’attendait plutôt à ce qu’il sa la joue grand garçon et agisse comme s’il venait réellement de boire un simple verre d’eau. Avoir eu tort, pour cette fois au moins, ne la dérange pas le moins du monde. “Toujours quand il s’agit d’alcool.” Toujours, mais uniquement quand ça l’arrange.
Et pour la première fois, à son tour, l’homme face à lui vient esquisser un sourire, signe qu’elle ne peut-être pas une présence aussi dérangeante qu’il voudrait le faire croire. « Est-ce que tu viens de te faire larguer ou c’est ce que boit quelqu’un à qui on vient de poser un lapin? » A son tour, elle sourit volontiers à cette réplique, posant ses coudes sur la table et ses deux mains liées sous son menton. De ses grands yeux bleus, elle examine l’inconnu sans pour autant en venir à aucune conclusion, se contentant de laisser les secondes défiler de façon étrangement agréable. “Deux lapins de posés dans le même bar et à la même heure, je suis certaine qu’on devrait s’allier, ou quelque chose dans le genre.” Ou simple s’assoir l’un face à l’autre pour ne pas avoir l’air aussi pathétiques qu’ils le sont sans doute en réalité ; quand bien même Charlie, elle, n’a jamais été oubliée intentionnellement par un rendez-vous ou un autre, et Dieu soit loué. “Je travaillais ici à une époque, je peux commander à l'œil, c’est au moins l’avantage.” A l'œil, et aussi avec quelques modifications sur la carte ; comme le cocktail devenu sien et qui ne se compose finalement que d’alcool. En somme, elle représente une certaine ruine pour le DBD, mais heureusement elle sait au moins retenir les clients - quand elle ne leur offre pas des verres, à eux aussi. “Écris sur la personne que t’aurais dû rencontrer. Grossis ses mensonges, parce qu’on ment toujours pendant les premiers messages, et fais en quelqu’un.” Avec sérieux, elle pose désormais ses yeux dans les siens, cherchant à sa façon à lui remonter le moral ou, tout du moins, tenter de le faire penser à autre chose que l’absence d’une Jane Doe à la place de Charlie. “Et si elle est pas là ce soir, c’est sans doute parce qu’elle est une agente infiltrée du KGB ou bien qu’elle est sur la piste d’un des Oeufs de Fabergé disparus ?” Ça, c’est le genre d’histoire qu’elle veut entendre. Le genre qui n’arrivera jamais, pas comme le fait que son mari puisse la tromper avec un homme de deux fois son âge et absolument dégoûtant.
“C’est parce que je manquais à ta vie que tu peux dire ça.” Finalement, ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée que ça de venir ici ce soir, malgré la première heure qu’il a passée seul à fixer la page blanche posée devant lui. Rien qu’à voir la blonde aller, il devine qu’elle n’en est pas à sa première consommation et ça lui est égal, il la trouve rafraîchissante et l’estime qu’elle lui montre l’amuse. Tous les proches de Cameron espèrent qu’il redevienne comme avant, qu’il retrouve son éternel sourire et qu’il recommence à vivre comme il le faisait dans le passé alors que, psychologiquement, il ne se sent pas prêt. Comme la jeune femme ne fait pas partie de son entourage, il ne ressent pas cette pression avec elle, il n’a pas cette certitude qu’il la décevra parce qu’il ne fait pas ce qu’il devrait faire et il ne déteste pas l’idée de pouvoir être ce qu’il désire ce soir et de ne pas avoir à la repousser comme il le fait avec tous les autres. « Ta vie est remplie de plein de péripéties qui mériteraient de se retrouver dans un livre? » Sa curiosité est piquée même s’il se doute qu’elle ne risque pas de lui raconter toute sa vie étant donné qu’ils ne se connaissent pas. Malgré ça, il espère se tromper, persuadé que d’entendre ses problèmes à elle lui ferait un peu oublier les siens. “T’écris quel genre d’histoire ? J’aurais pas vraiment cru qu’un bar serait un repère d’écrivain.” Il se trouve con, Cameron, alors qu’il n’a pas du tout pensé à cette information lorsqu’il a cru bon de se faire passer pour un écrivain. La vérité, c’est qu’il ne s’y connait pas du tout en la matière et qu’il risque fort probablement de dire des conneries s’il ne trouve pas un moyen de changer rapidement de sujet. Ce n’est que depuis son accident qu’il a commencé à lire, se contentant au lycée de lire les résumés en ligne lorsque ses professeurs leur donnaient des livres à lire. « Des histoires d’horreur, je ne suis pas sûr que tu ferais long feu. » répond-il parce que la blonde est toujours la première personne à mourir dans ce genre d’histoires. « Plus sérieusement, des histoires d’aventure. Et ce n’est peut-être pas pour rien que je ne trouve rien d’intéressant à écrire, peut-être que je devrais me tenir ailleurs qu’ici. » Il hésite à prendre une gorgée du poison qu’elle lui tend, mais il finit par le faire, sans doute un peu poussé par son orgueil en plus de cette envie de se laisser aller pour une fois. Il est surpris par le goût prononcé d’alcool même si elle l’avait préalablement prévenu. “Toujours quand il s’agit d’alcool.” Il lève le verre à sa santé avant d’en prendre une autre gorgée. « Qu’est-ce que tu veux boire? » Qu’est-ce que je te paie, aurait-il pu lui demander parce que l’intention est là.
Sans savoir où ça le mènera, il embarque dans le petit jeu de la jeune femme en lui retournant sa question. Lorsqu’elle laisse planer le mystère, il se contente de l’observer attentivement sans cesser de sourire. “Deux lapins de posés dans le même bar et à la même heure, je suis certaine qu’on devrait s’allier, ou quelque chose dans le genre.” Certaines personnes croient que rien n’arrive pour rien, mais Cameron ne croit pas vraiment au destin. « Ou s’acheter un billet de loto. » N’est-ce pas ce que les gens font habituellement quand quelque chose d’inhabituel se produit? Quoique, avec Tinder, ça ne doit pas être si rare que ça qu’une personne change d’avis avant de se rendre à son rendez-vous ou rebrousse chemin en se rendant compte que l’autre personne ne ressemble peut-être pas tout à fait à la photo de son profil. “Je travaillais ici à une époque, je peux commander à l'œil, c’est au moins l’avantage.” Peut-être qu’elle a encore son rabais d’employée pour commander des boissons aussi concentrées en alcool, pour ne pas dire qu’elles ne contiennent que ça. « Qu’est-ce que tu recommanderais à quelqu’un qui n’a pas l’habitude de venir ici? » Parce que même si Deklan travaille ici, Cameron n’a pas l’habitude de faire exprès de tomber sur le membre de sa fratrie dont il est le moins proche. Il était jeune lorsque son ainé est déménagé aux États-Unis et il a depuis l’impression que son frère est un étranger. L’accident du cadet aurait pu les rapprocher étant donné que l’ainé a dû mettre une croix sur sa carrière de surfeur, mais Dek traversait lui-même une période difficile avec le décès de Matt. Même s’il ne le dira probablement pas, Cameron aurait aimé que Deklan persévère avec lui et qu’il ne prenne pas ses distances aussi facilement lorsqu’il l’a repoussé l’été dernier. “Écris sur la personne que t’aurais dû rencontrer. Grossis ses mensonges, parce qu’on ment toujours pendant les premiers messages, et fais en quelqu’un.” Sauf qu’il n’attendait personne ce soir et il se retrouve donc à devoir écrire sur un fantôme, sur quelqu’un qui n’existe pas réellement. Cameron a toujours été meilleur pour mettre ses émotions sur papier, à parler de son vécu plutôt que de créer des histoires de toutes pièces. “Et si elle est pas là ce soir, c’est sans doute parce qu’elle est une agente infiltrée du KGB ou bien qu’elle est sur la piste d’un des Oeufs de Fabergé disparus ?” Son sourire s’étire tandis que son regard se fixe au sien. « On tient le prochain best-seller, inspiré d’Arsène Lupin et de Chuck. L’idiot qui aurait pu se retrouver au milieu d’agents, c’est moi en fait. » Il reprend le crayon pour l’agiter entre ses doigts pendant qu’il réfléchit, le posant ensuite sur son oreille. « Il y avait une mission spéciale ce soir et alors que je croyais rencontrer quelqu’un que pour passer la soirée, c’était en fait pour m’évaluer et rien qu’en me voyant, elle a jugé que je n’étais pas un bon candidat pour le travail. » Il se prête au jeu et dit tout ce qui lui passe par la tête, même s’il n’est pas du tout convaincu que l’histoire qu’il est en train d’imaginer aurait du succès. « Sauf qu’elle s’est fait suivre jusqu’ici par des concurrents et une espionne blonde est maintenant sur mon cas, pour savoir si je sais quelque chose de cette histoire. Ruby. » Et ça c’est elle. Il porte son verre de vodka à ses lèvres en grimaçant, il a bien fait de ne pas devenir écrivain. « Est-ce qu’elle devrait retenir les services de l’idiot même s’il ne semble pas du tout avoir les compétences pour ce contrat? »
Les yeux brillants, amusés, voilà déjà Charlie prise d’une nouvelle passion pour cet inconnu qu’elle ne connaît ni d’Eve ni d’Adam et qu’elle a de grandes chances de ne jamais croiser à nouveau durant toute son existence. Peu importe, puisqu’elle est habituée à s’attacher au moment présent et à ne jamais s’inquiéter ni du passé ni du futur. Il y a déjà bien assez de choses à faire avec ce qu’elle vit en temps réel, surtout avec le train de vie qu’elle mène sans doute bien malgré elle. Ces rencontres impromptues sont pour elle un moyen comme un autre de déconnecter, comme certains iraient peut-être au cinéma. Charlie, elle, a sa propre façon de faire, sûrement sujette à amélioration. « Ta vie est remplie de plein de péripéties qui mériteraient de se retrouver dans un livre? » La réponse de n’importe qui devrait être un ‘non, bien entendu’ et si Charlie sait ne rien avoir avec un astronaute ou un explorateur aux milliers d’anecdotes, elle pourrait peut-être être le personnage annexe d’un roman ancré dans le réel. Elle attiserait l’empathie du public et sans nul doute l’agacement, de quoi en faire un personnage remarqué mais pas remarquable ; rien de bien glorieux pour qu’elle gagne le droit d’être l’héroïne. Peu importe, cela ne l’intéresse pas. “Peut-être. Qui suis-je pour en juger, c’est toi l’écrivain.” La blonde reprend donc dans un sourire, portant brièvement le verre à ses lèvres une nouvelle fois alors qu’elle ancre son dos à la banquette pour observer l’inconnu d’un angle plus large. Et si elle savait apprendre de ses erreurs, elle dirait qu’il semble bien trop parfait pour que cela ne cache pas quelque chose.
Elle aurait trouvé de quoi le questionner peu importe son métier, mais il faut avouer qu’elle est particulièrement intéressée par le sien et cette capacité à inventer tout un univers, toute une histoire, de quoi donner au lecteur l’envie de tourner la page, encore et encore. Elle a de l’imagination, Charlie, mais ce ne sont que les rêves d’une gamine devenue adulte par la force des choses et qui cherche à modeler le monde comme elle aimerait qu’il soit. Rien qui ne donnerait un livre digne de ce nom. « Des histoires d’horreur, je ne suis pas sûr que tu ferais long feu. » Un sourire en coin, elle encaisse la remarque sans broncher, n’ayant aucun mal à en comprendre le sous-entendu très peu voilé: les blondes comme elle ne font pas long feu. Elles couchent avec le sportif du groupe et meurent avant même qu’ils découvrent le grimoire sacré à ne surtout pas ouvrir sous aucun prétexte. “Tu pourrais changer ça. Je suis sûre que les gens aimeraient que la population blonde ait une durée de vie de plus de cinq minutes.” haussant les épaules, Charlie ne fait que proposer l’idée, sans doute un peu trop impliquée dans un livre qui n’est en rien le sien. Il pourrait écrire une flic blonde qui vient sauver les derniers survivants, peut-être, qui sait. Elle ne demanderait même pas à ce que cette dernière porte son nom. « Plus sérieusement, des histoires d’aventure. Et ce n’est peut-être pas pour rien que je ne trouve rien d’intéressant à écrire, peut-être que je devrais me tenir ailleurs qu’ici. » Elle se mord l’intérieur de la joue lorsqu’il porte enfin son propre verre à ses lèvres. Déjà, la blonde regrette de lui avoir fait remarqué que le bar n’est pas un repère d’écrivains en règle générale. Cela ne signifiait en rien qu’elle lui montrait la porte, bien au contraire. “Attends encore un peu. Les gens bourrés ont toujours tout un tas d’histoires à raconter, en plus d’une imagination débordante. Tu trouverais sûrement ton bonheur.” Autant de mots pour lui demander de rester, bien qu’elle ne soit qu’en train de statuer une certaine vérité: après avoir entendu toutes sortes d’anecdotes au cours des dernières années, elle sait d’expérience que certains clients auraient de quoi alimenter de nombreux livres. Il n’aurait plus qu’à arranger le tout et donner à ses récits l’impulsion d’une jolie plume. Ecrire un livre est aussi simple que ça, non ?
« Qu’est-ce que tu veux boire? » “T’es mignon mais je suis une grande fille.”
Mais notons tout de même qu’il est mignon. Notons aussi que le besoin d’indépendance de Charlie est accru depuis quelques années déjà, au point de refuser qu’on lui offre un verre. Oh, sans doute que cela a à voir avec le fait qu’elle n’en paie aucun dans ce bar, en effet. Sinon, grande fille ou pas, elle n’aurait jamais dit non à un Sex on the beach, éternel souvenir de Léo oblige et ce peu importe à quel point les barmen en ont marre de faire ce cocktail encore et encore. Et alors qu’elle tente de jouer d’ironie sur le fait qu’il ait lâchement été abandonné par un date, l’inconnu trouve encore mieux à lui répondre, à sa grande surprise. « Ou s’acheter un billet de loto. » C’est sans doute la première fois qu’elle obtient ce genre de réponse, laquelle n’est pas pour lui déplaire. “On peut toujours acheter un billet de loto et revenir pour observer les buveurs invétérés dans leur état naturel.” Autrement dit, ils se dépêchent de trouver où acheter un billet de loto, se perdent dans les rues, et reviennent à l’heure de la fermeture pour écouter les déboires de chacun et leurs histoires abracadabrantes qui ne feront guère de sens. Aux yeux de Charlie, voilà qui semble prendre la forme d’une soirée plaisante, sans queue ni tête. « Qu’est-ce que tu recommanderais à quelqu’un qui n’a pas l’habitude de venir ici? » Tout est bon, ici, et elle ne pense pas ça seulement parce qu’elle a toujours observé Matt et sa passion avec des yeux émerveillés. “Tu vois le barman là bas ?” Elle pointe Deklan du doigt sans aucune gêne, ne cherchant pas à se montrer discrète. “Tu peux lui dire tes goûts préférés et il te sortira un cocktail personnalisé. Tu pourras même lui donner ton nom, si tu veux.” Autrement dit, elle ne prendrait jamais le risque de recommander une boisson plutôt qu’une autre. Pas au DBD, pas alors qu’elle n’y a toujours pas passé assez de temps pour se vanter de connaître toute la carte.
Pourtant, quand ils en viennent tous deux à jouer d’une histoire impossible mêlant KGB et écriture de son livre, Charlie ne peut que se prendre au jeu. Tout ce qui dénote de la réalité l’attire, il faut le dire. « [...] Sauf qu’elle s’est fait suivre jusqu’ici par des concurrents et une espionne blonde est maintenant sur mon cas, pour savoir si je sais quelque chose de cette histoire. Ruby. » Bien plus que ses mots, c’est la façon qu’il a de jouer avec le crayon de bois qui attise la curiosité de la jeune femme, sans véritable raison. Puisqu’il vient de parler avec insistance de sa couleur de cheveux pour la seconde fois de la soirée déjà, elle serait à ça de jouer la psychologue du dimanche et de lui inventer une histoire d’amour douloureuse avec une femme capillairement semblable. Mais avant cela, elle préfère encore s’amuser de ses mots autant que de la façon dont il grimace encore en buvant son verre. « Est-ce qu’elle devrait retenir les services de l’idiot même s’il ne semble pas du tout avoir les compétences pour ce contrat? » - “L’idiot a sans doute des progrès a faire mais du potentiel, j’imagine.” Par contre, Ruby, en voilà un affreux prénom. “Je suis inspectrice, pour de vrai. Tu vois, tu te moques mais finalement tu vises pas si loin des choses. De quoi faire pâlir Tolkien.” Ou n’importe quel écrivain de ce monde, il en va de soi. Même King et ses histoires d’horreur ne feraient finalement plus le poids face à son don de clairvoyance. “Charlie. Ruby, c’est vraiment celle qui meurt dès le premier chapitre.” Elle en vient finalement à annoncer son prénom, le préférant largement à celui qu’il vient de lui inventer. “Je te trouve un truc moche aussi ou le tien te convient ?” Si oui, il serait sans doute temps de le partager, même si elle peut se montrer relativement patiente dans un tel contexte.
Alors que Cameron n’avait jamais été de ceux qui mentent sur la personne qu’ils sont pour se rendre plus intéressant, s'inventer une vie lui avait semblé une bonne idée lorsque Charlie l’avait rejoint à sa table quelques minutes plus tôt. Le musicien avait tout sauf envie de se faire prendre en pitié ou même de simplement aborder le sujet de son amputation. Pour une fois, il voulait se sentir normal, comme avant, et si pour ça il devait mentir le temps d’une soirée, ainsi soit-il. Il gèrerait les conséquences de ses décisions plus tard. “Peut-être. Qui suis-je pour en juger, c’est toi l’écrivain.” Il l’observa silencieusement pendant de longues secondes en plissant les yeux comme s’il tentait de percer son mystère, mais il n’y parvint évidemment pas. Il finit par redresser son dos bien droit contre la banquette en haussant les épaules, sa curiosité piquée. « Vas-y, distrais-moi, je m’ennuie à mourir ce soir de toute façon. » S’attendait-il vraiment à ce qu’elle lui livre tous ses états d’âme et qu’elle partage avec un inconnu les détails les plus croustillants de sa vie? Certainement pas, mais même un refus suffirait à mettre un peu de piquant dans sa journée et il était persuadé que la blonde ne serait pas gênée de le remettre à sa place s’il dépassait les bornes avec elle.
À défaut d’écrire un livre sur l’histoire de plusieurs personnages fictifs, c’est la sienne qu’il réécrit ce soir et jusqu’à maintenant, la jeune femme ne semble pas remettre en question ses réponses. Pourquoi le ferait-elle considérant qu’ils se connaissent depuis aussi longtemps que survivrait la blonde dans un film d’horreur? “Tu pourrais changer ça. Je suis sûre que les gens aimeraient que la population blonde ait une durée de vie de plus de cinq minutes.” Il acquiesça d’un mouvement de tête en riant, un index levé. « Pas bête! Mes lecteurs seraient tous surpris, c’est le cas de le dire. Pour faire changement, il faudrait que la blonde soit le mastermind. » Ou encore l’héroïne qui arrive à sauver les quelques rares sur qui le tueur n’aurait pas réussi à mettre la main. “Attends encore un peu. Les gens bourrés ont toujours tout un tas d’histoires à raconter, en plus d’une imagination débordante. Tu trouverais sûrement ton bonheur.” Il rit en portant son verre à ses lèvres. Si on continuait de lui servir des consommations aussi concentrées en alcool, c’était lui qui allait avoir tout un tas d’histoires à raconter. « Tu dois tellement avoir entendu n’importe quoi en travaillant ici. C’est quoi la pire chose que tu as entendue? » demanda-t-il avec un sourire en coin avant de lui demander ce qu’elle désirait boire. “T’es mignon mais je suis une grande fille.” Il prit son temps pour terminer sa gorgée tout en secouant négativement la tête, une lueur espiègle dans le regard. « J’en comprends que je suis petit? » D’un geste de la tête il désigna son verre qu’il venait tout juste de redéposer sur la table devant lui, ce verre qu’elle lui avait offert, rappelons-nous en. « J’ai la tête d’un gars qui est incapable de se payer à boire? » Il était vrai que tous les écrivains ne roulaient pas sur l’or.
“On peut toujours acheter un billet de loto et revenir pour observer les buveurs invétérés dans leur état naturel.” Se dégourdir les jambes (pardon) la jambe lui ferait le plus grand bien, mais il serait probablement obligé d’expliquer pourquoi il boitait lorsqu’il marchait puisque la blonde semblait assez curieuse pour le questionner à ce sujet sans gêne. À ce sujet, il ne voyait pas quel parfait mensonge il pourrait lui conter et il savait qu’il serait incapable de cacher son handicap comme il le faisait actuellement en restant assis. « Ça finirait qu’on aurait juste lancé notre argent par les fenêtres. » Haussant une épaule, il préféra changer de sujet comme si de rien n’était en lui demandant une suggestion de cocktail pour poursuivre la soirée. “Tu vois le barman là bas ?” Difficile de ne pas le remarquer quand le barman qu’elle pointait n’était nulle autre que le frère ainé de Cameron. “Tu peux lui dire tes goûts préférés et il te sortira un cocktail personnalisé. Tu pourras même lui donner ton nom, si tu veux.” Il fronça le nez sans quitter Deklan des yeux. « He looks like a dick. » Dick, le surnom qu’il utilisait lorsqu’il parlait de ce frère qui n’était rien d’autre qu’un étranger à ses yeux. Il était d’ailleurs prêt à parier que ce dernier serait incapable de lui apporter sa boisson préférée s’il lui demandait. « Pourquoi je lui donnerais mon nom? » Il ne se cherchait pas un nouvel ami et ce n’est pas comme si Deklan jouait dans cette ligue de toute manière.
“L’idiot a sans doute des progrès à faire mais du potentiel, j’imagine.” Il haussa les épaules en levant ses mains de part et d’autres de ses épaules. « Ça ne peut pas être pire, l’idiot ne peut que s’améliorer. » Il fallait bien que Cameron fasse semblant d’être un autre pour faire preuve d’autant de positivisme. “Je suis inspectrice, pour de vrai. Tu vois, tu te moques mais finalement tu vises pas si loin des choses. De quoi faire pâlir Tolkien.” Les paroles de la jeune femme provoquèrent chez lui un sourire triomphant parce que jamais il n’aurait imaginé qu’elle était dans les forces de l’ordre. « Vraiment? Je n’aurais pas deviné. Peut-être que j’aurais plutôt dû devenir médium, je ne suis clairement pas dans le bon domaine. » Quoique non, il avait tout sauf envie de frauder les gens comme le faisait Jina. “Charlie. Ruby, c’est vraiment celle qui meurt dès le premier chapitre.” « True, ça fait un peu trop nom d’actrice porno pour avoir l’air sérieux. » “Je te trouve un truc moche aussi ou le tien te convient ?” Il rit en lui tendant une main pour se présenter de façon officielle tout en lui adressant son éternel sourire charmeur. « Cameron. » Pas Diaz. « Inspectrice, hein? Une branche en particulier ou? »
« Vas-y, distrais-moi, je m’ennuie à mourir ce soir de toute façon. » Elle sourit déjà, Charlie, dont le meilleur rôle qu’elle ait jamais joué en ce monde est encore sûrement celui de l’amuseuse. Elle occupe les foules et les esprits, elle prend tout l’espace qu’on lui accorde, elle parle et elle bouge pour dix personnes. C’est un rôle harassant qui la ronge de l’intérieur, exister pour autrui n’étant jamais une bonne chose à faire. Pour autant, c’est sa zone de confort à elle, c’est là où elle se sent définitivement le plus à l’aise aussi: dans la peau d’un autre. Il y a tout à parier qu’elle ne le reverra plus jamais, raison supplémentaire lui faisant accepter l’évidence: elle n’a de toute façon rien à perdre. “T’as de la chance, c’est ce que je fais de mieux.” La blonde papillonne des cils et laisse sa tête rouler contre ses épaules dans un sourire entendu. Elle ne le distraira pas en racontant sa vie en long en large et en travers, cependant, mais en se contentant d’un mic mac de tout ce qui lui passe par la tête. Face à un écrivain, ce ne sont pas les histoires impossibles qui manquent de lui traverser l’esprit, et elle d’aussitôt les partager avec son interlocuteur du moment, comme si elle y connaissait réellement quoi que ce soit en trame narrative. « Pas bête! Mes lecteurs seraient tous surpris, c’est le cas de le dire. Pour faire changement, il faudrait que la blonde soit le mastermind. » Sa tête retenue entre ses mains repliées sous son menton, elle sourit de sa réactivité autant que de sa capacité à se laisser prendre au jeu. Lui aussi est doué pour pallier à l’ennui, il ne le sait simplement pas. “Dernière survivante du massacre.” Parce que le mastermind est toujours un tueur avide de sang et de scènes qui en débordent, n’est-ce pas ? Sinon, quel serait le but de regarder de tels films d’horreur ?
« Tu dois tellement avoir entendu n’importe quoi en travaillant ici. C’est quoi la pire chose que tu as entendue? » - “Je pense que le pire, c’est surtout une cliente qui revenait plusieurs fois chaque semaine avec ses différents petits-amis. Autant te dire que chacun ignorait l’existence des autres.”
Elle commente en hochant de la tête de façon dramatique pour appuyer ses paroles et lui assurer leur véracité. C’est le genre de chose dont elle aurait elle-même été capable, elle ne dirait pas le contraire, mais personne n’oserait non plus demander une telle chose à autrui. Simplement, elle trouvait l'enchaînement des différentes situations plutôt cocasses alors que tous les hommes en question semblaient la dévorer des yeux et être prêts à tout pour elle. C’en est à se demander quel pouvait être son super pouvoir, questions que Charlie repousse à plus tard dès qu’il lui propose de lui prendre un verre et qu’elle refuse aussitôt, avec un certain mordant. « J’en comprends que je suis petit? » Parce qu’elle est assez grande pour s’en commander seule mais qu’il a accepté le verre qu’elle lui a offert, quelques minutes plus tôt à peine ? La répartie la fait sourire une nouvelle fois, elle qui ne s’attendait assurément pas à ce qu’il opte pour une telle réponse. C’est intéressant. “Ton ego d’homme fort n’est pas trop en train de pleurer ?” Elle garde son sourire, preuve qu’elle n’est en rien en train de se montrer incisive à son égard. Ce n’est qu’une remarque gratuite, enfantine. Une façon comme une autre d’esquiver le sujet, aussi. « J’ai la tête d’un gars qui est incapable de se payer à boire? » - “J’ai déjà dit que tu étais mignon, ne me fais pas trop me répéter.” Charlie annonce, les yeux dans les yeux. Elle n’a jamais été timide et ce n’est pas aujourd’hui qu’un tel trait de caractère s’installera en elle. “Mais tu as accepté le verre quoi qu’il en soit, et je pense que tu en profites bien aussi.” A son tour, elle le désigne du regard, verre en question dont le niveau a déjà largement baissé depuis le début de leur discussion.
Enfant agitée incapable de sagement rester assise autour d’une table, même avec un verre largement rempli, elle propose déjà des alternatives à leur soirée, chacune faisant un peu moins de sens que la précédente alors qu’elle est déjà en train de lui proposer d’acheter un fichu billet de loto. « Ça finirait qu’on aurait juste lancé notre argent par les fenêtres. » Et lui de contrecarrer aussitôt la moindre des initiatives de la blonde alors qu’elle esquisse une moue et se contente de replacer quelques mèches derrière ses épaules pour encaisser le refus catégorique et à peine voilé de sa part. Deklan lui sert d’excuse pour amener la discussion ailleurs (comprendre: sur sa personne) et souligner par la même occasion qu’il peut remplir ses verres à vue sur simple demande. « He looks like a dick. » - “He is.” Elle se moque volontiers mais le fait est qu’elle l’aime beaucoup trop pour réellement se moquer de l’américain et de son accent impossible. Lui aussi fait partie de la famille. « Pourquoi je lui donnerais mon nom? » Elle rigole aussitôt, sans même chercher à cacher son amusement. “Donner ton nom au cocktail, imbécile. Dek s’en moque de savoir si tu t’appelles Louis ou Albert.” Ou Dieu sait quoi encore, puisqu’elle aussi ignore totalement le nom de son interlocuteur à qui elle a pourtant déjà déblatéré tant de mots. A ses yeux, paradoxalement, ce n’est pas ce qui importe réellement.
Jugeant qu’ils ont assez joué, Charlie décline enfin son identité et, avec elle, son métier dont elle est plus que fière. « Vraiment? Je n’aurais pas deviné. Peut-être que j’aurais plutôt dû devenir médium, je ne suis clairement pas dans le bon domaine. » Elle hausse les épaules. Naïve, elle l’est, mais certainement pas au point de croire à ce que pourraient débiter des diseurs de bonne aventure. “Tu vaux mieux que ça.” Elle tranche rapidement, ayant déjà une assez haute estime de l’homme qui lui semble être bon sous tous rapports. Écrivain, c’est un bien meilleur métier. Vendre du rêve plutôt que de l’espoir, c’est bien plus sain. « True, ça fait un peu trop nom d’actrice porno pour avoir l’air sérieux. » Elle l’a échappée belle, alors. “T’as pas vraiment de filtre, pas vrai ?” La réponse à cette question semble évidente, lui qui était à ça de dire qu’elle est une actrice porno. Ce n’est pas un reproche et loin de là - le fait d’être franc, pas qu’il l’imagine vendre son corps devant des caméras - et bien au contraire, cela lui plait. Finalement, elle est heureuse d’enfin attraper sa main pour lui faire une poignée de main. « Cameron. » Mignon, ça aussi. C’est un prénom qui peut trouver des surnoms, ça lui plaît - il lui en faut peu, de toute façon. « Inspectrice, hein? Une branche en particulier ou? » - “Homicides.” Elle annonce du tac au tac, prenant une gorgée du verre qu’elle a dorénavant décidé qu’ils partageraient. “Ett c’est là que je plombe l’ambiance.” Charlie ajoute un sourire amusé au commentaire. Après tout, c’est son métier et il est difficilement interchangeable. “C’est loin de tout ce qui est généralement écrit dans des livres, sache le.” Et c’est comme si elle le prévenait, finalement, qu’elle lui interdisait de fantasmer sur les corps en décomposition qu’elle pourrait parfois retrouver et des enquêtes haletantes étant les siennes. Elle en est loin, bien loin, et est sans doute la première déçue d’une telle chose. “Comment on devient écrivain ? C’est pas un métier que papa-maman accepte de laisser son enfant faire, pas vrai ?” Il n’y a pas de formation, il n’y a pas de voie dorée. Il n’y a même aucune bonne façon d’y parvenir, raison pour laquelle elle pose la question et souhaite, de façon sous-entendue, en savoir plus sur son histoire de façon générale.
“Je pense que le pire, c’est surtout une cliente qui revenait plusieurs fois chaque semaine avec ses différents petits-amis. Autant te dire que chacun ignorait l’existence des autres.” Il ne put s’empêcher de rire en imaginant ces pauvres hommes qui se faisaient mentir sans même s’en douter. « Wow, sérieusement? C’est ballsy de tous les amener au même endroit en croyant qu’ils ne se croiseront jamais. Elle s’est fait prendre? » Il avait besoin de connaître la fin de cette histoire. La jugeait-elle? Un peu, mais il savait au fond qu’il était mal placé pour le faire alors qu’il avait lui-même été infidèle par le passé. Seulement une fois, mais une fois de trop et il n’avait même pas essayé de se cacher et l’histoire avait été exposée au monde entier dans la presse. Il n’en était pas fier. “Ton ego d’homme fort n’est pas trop en train de pleurer ?” Il fit mine de réfléchir avant de répondre à son sourire. « Ça va, je suis persévérant. » En d’autres mots, il était assez confiant avec la façon dont la conversation se déroulait pour penser qu’elle accepterait qu’il lui paie un verre un peu plus tard. Peut-être. “J’ai déjà dit que tu étais mignon, ne me fais pas trop me répéter.” Le coude posé sur la table, il appuya son menton contre son poing sans la quitter des yeux. « Sinon quoi? » Depuis son amputation, Cameron n’aimait plus son corps et il vivait difficilement la façon dont les gens le regardaient maintenant. Les compliments de la jeune femme lui faisaient du bien même s’il était persuadé que son opinion serait différente si elle avait une vue d’ensemble. “Mais tu as accepté le verre quoi qu’il en soit, et je pense que tu en profites bien aussi.” Il haussa les sourcils en portant le fameux verre à ses lèvres pour en prendre une gorgée. « En effet. On verra demain si je regretterai ou pas. » Pour le moment, il ne regretterait rien, il espérait seulement que son frère ne le reconnaitrait pas. “He is.” Si Deklan l’apercevait et qu’il venait lui parler, Charlie risquait de comprendre qu’il n’était pas qui il prétendait et il n’était pas pressé de retrouver sa solitude. “Donner ton nom au cocktail, imbécile. Dek s’en moque de savoir si tu t’appelles Louis ou Albert.” Son rire se mélangea à celui de la jeune femme lorsqu’il comprit enfin où elle voulait en venir. Il tapa son front à l’aide de sa paume tellement il se sentait stupide à l’instant. « D’ACCORD, ça fait tellement plus de sens maintenant! » Ça aurait sans doute pu l’intéresser à une autre époque, mais pas aujourd’hui alors qu’il souhaitait se fondre dans la masse et qu’on l’oublie.
La vie que Cameron s’inventait aujourd’hui, il ne l’aura jamais. Devenir écrivain l’intéressait autant que de frauder les gens comme le faisait Jina en prétendant pouvoir prédire leur avenir, c’était seulement le premier métier qui lui était passé par l’esprit pour justifier le syndrome de la page blanche dont il était victime depuis des mois. “Tu vaux mieux que ça.” La surprise se lisait sans difficulté dans les iris du jeune homme. Il fallait dire que ça faisait changement de ses proches qui le traitaient sans cesse d’abruti, une insulte qui s’insinuait de plus en plus sous sa peau à force de la recevoir. « Vraiment? Tu ne me connais même pas. » Il n’allait certainement pas se plaindre d’avoir quelqu’un de son côté pour une fois, mais il se demandait sur quoi elle basait son opinion considérant qu’ils ne discutaient que depuis quelques minutes à peine. « Je ne ferais pas un bon médium de toute façon, je ne peux même pas prédire ce que je mangerai pour le petit déjeuner demain. » Tout ce qui était spirituel ne l’avait jamais intéressé et son petit doigt lui disait que ce n’était pas près de changer. “T’as pas vraiment de filtre, pas vrai ?” Il se mordilla la lèvre inférieure en secouant vivement la tête. « Pas vraiment et ce n’est rien pour m’aider. » répondit-il en levant son verre dont il prit une gorgée. « C’est une mauvaise chose? » Ça ne semblait pas la déranger plus que ça et, à vrai dire, ça l’importait peu qu’elle réponde par l’affirmative. Ce soir, il n’avait pas envie de faire attention en se retenant de dire ce qu’il pensait. Il ne connaissait pas la blonde de toute manière alors s’il venait à la froisser et la faire fuir, so be it. Si la jeune femme devait en avoir vu de toutes les couleurs pendant qu’elle travaillait au Death Before Decaf, ça ne devait être rien à côté de ce qu’elle avait dû voir avec son métier actuel. “Homicides. Ett c’est là que je plombe l’ambiance.” Un sourire en coin, Cameron haussa les épaules en secouant la tête. « Pourquoi? Je m’en fou. Ça a tendance à faire fuir les gens? Je n’ai pas tué personne alors… » Ça lui donnait un air badass qu’il ne détestait pas du tout. “C’est loin de tout ce qui est généralement écrit dans des livres, sache le.” Il n’avait pas de mal à le croire, les histoires étaient toujours embellies dans les livres. « Je note. Si jamais l’envie d’écrire un roman policier me prend, je sais qui aller voir. » Un prétexte pour la revoir si l’envie se présentait, simplement. “Comment on devient écrivain ? C’est pas un métier que papa-maman accepte de laisser son enfant faire, pas vrai ?” Les mains posées sur leur verre, il sourit en plongeant son regard dans le sien. « Ça dépend des parents j’imagine. Les miens m’ont toujours poussé à aller vers mes rêves sans remettre en question mes choix. » Et contrairement à tout ce qu’il avait bien pu dire sur lui jusqu’à maintenant, sur ce détail il ne mentait pas. Ana Maria et Harrison Lewis avaient toujours encouragé leurs enfants à faire ce qu’ils voulaient dans la vie, même Ezekiel et ses mille et une idées farfelues qui ne donnaient jamais rien. « Sinon il faut savoir se démarquer et surtout ne pas avoir peur des refus. C’est facile de se décourager quand on cherche à faire publier son œuvre et peu arrivent vraiment à en vivre au final. » Comme en musique et ça il en savait quelque chose. Son groupe avait vu le jour dans le garage de ses parents et il se comptait chanceux aujourd’hui d’avoir réussi à percer sur la scène internationale avec ses amis, une chance que beaucoup n’ont pas. « Et toi? Comment tes parents ont réagi quand tu leur as dit que tu voulais être inspectrice? Qu’est-ce que t’a attiré dans ce domaine? » demanda-t-il curieusement, imaginant sans difficulté les embûches qu’elle avait dû rencontrer dans ce métier qui attire en général plus d’hommes que de femmes.
« Wow, sérieusement? C’est ballsy de tous les amener au même endroit en croyant qu’ils ne se croiseront jamais. Elle s’est fait prendre? » Il s’est pris de passion pour cette histoire que Charlie aurait très bien pu inventer du début à la fin mais ça l’amuse assez en retour pour qu’elle daigne donner des détails croustillants autant que les informations générales. Elle prend le temps de l’observer une seconde entre chacune de ses réponses, ayant du mal à cerner un personnage qui semble pourtant vouloir prouver qu’il est simple et accessible. “C’est osé ou alors c’est complètement stupide.” Charlie hausse les épaules, laissant ainsi sous-entendre qu’elle penche bien plus pour la seconde proposition plutôt que la première. Elle n’est pas du genre à juger ceux et celles qui ont plusieurs relations à la fois ou les enchaînent sans réelle pause, mais tout de même il y a des limites à la façon dont cette cliente là les exposait aux yeux et à la vue de tous, c’est tout ce qu’elle dit. “Un jour, un autre de ses petits-amis est arrivé alors qu’elle passait la soirée avec un autre. On a failli appeler les flics tellement ça commençait à dégénérer.” Et elle hoche la tête, la mine grave, pour appuyer un peu plus ses propos. Heureusement, tout est plus ou moins rentré dans l’ordre rapidement et les deux hommes sont repartis chez eux avec le cœur aussi brisé que leur ego. Au moins, ils n’ont plus jamais revu la jeune femme en question au DBD depuis.
Le reste de leur conversation se résume à une série de paroles connotant un jeu et une certaine audace qu’elle découvre à l’inconnu, lui qu’elle pensait plutôt du genre à calmer le jeu plutôt qu’à mettre de l’huile sur le feu. Avoir eu tort, sur ce point là du moins, lui fait plaisir. « Sinon quoi? » La première réponse de la blonde se résume à un large sourire amusé. “Vaut mieux pas que tu le saches.” Et elle, en retour, ça lui donne tout le loisir d’imaginer le plan si jamais il la fait se répéter - chose qui arrivera forcément, parce qu’elle n’est pas du genre à garder ce qu’elle pense pour elle, surtout alors qu’il ne s’agit que de compliments sincères. Puisqu’il reprend une gorgée de son verre, elle estime qu’il est encore loin d’être traumatisé par cette pseudo-menace planant désormais au-dessus de lui. « En effet. On verra demain si je regretterai ou pas. » - “Bien sûr que tu vas regretter.” Pour l’alcool, du moins. Elle l’annonce dans un rire, l’évidence étant bien trop présente pour qu’elle tente même de la lui cacher. En retour, il a l’air d’être un homme bien trop vif et réactif pour penser deux fois à ses actions, en prouve la main qu’il vient taper contre son front, sous le regard d’abord étonné de la blonde qui se reprend pourtant bien rapidement. « D’ACCORD, ça fait tellement plus de sens maintenant! » Dans un réflexe, elle entoure sa main autour du poignet de Cameron pour le reculer de son front, comme si elle craignait qu’il réitère son geste. La seconde suivante, le voilà déjà libéré.
« Vraiment? Tu ne me connais même pas. » - “T’as l’air d’être quelqu’un de bien.” Elle ne le connaît pas et elle ne pourrait pas dire le contraire, mais elle n’arrive pas non plus à l’imaginer utiliser la crédibilité d’autrui pour son propre bien, pour se faire de l’argent, ou pour se sentir supérieur - ou Dieu sait quoi encore. Le problème n’est pas le métier de medium, mais tout ce qui en découle, et tout ce qu’elle n’arrive pas (ne veut pas) lui associer, elle qui place déjà tant d’espoirs et d’illusions en cet inconnu. « Je ne ferais pas un bon médium de toute façon, je ne peux même pas prédire ce que je mangerai pour le petit déjeuner demain. » Un point pour Cameron, donc. Et puis, tant que cela l’écarte un peu plus de ce métier que Charlie exècre, cela lui convient d’autant plus. “Tu peux prédire ton prochain cocktail ?” Parce que ça, par exemple, c’est quand même bien plus intéressant. Amusée, elle demande finalement la confirmation que le garçon face à elle n’a aucun filtre, chose dont elle ne pouvait déjà que se douter très largement, au bout de quelques minutes de discussion à peine. « Pas vraiment et ce n’est rien pour m’aider. C’est une mauvaise chose? » Une fois de plus, la première réaction de Charlie se résume à hausser les épaules. “Je sais pas. Je suis comme toi.” La réponse devrait être que non, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, mais tout dépend encore de ce qui traverse l’esprit de la personne en question autant que du contexte.
Bien moins assurée qu’à son habitude, c’est du bout des lèvres seulement qu’elle laisse échapper son travail, comme si elle en avait finalement honte. Simplement, ce n’est généralement pas dans une soirée dans un bar qu’elle partage cette information - tous ses proches sont déjà au courant et, les autres, elle ne les croise qu’au détour d’un chemin généralement. « Pourquoi? Je m’en fou. Ça a tendance à faire fuir les gens? Je n’ai pas tué personne alors… » - “Vraiment ? Tu te dédouanes bien vite pour un innocent, c’est quoi ton nom complet ? Je vais devoir mener une enquête maintenant.” Son regard est ancré dans le sien, brillant et amusé, lui prouvant ainsi une fois de plus qu’elle ne pense pas un traître mot de ce qu’elle dit. Oh oui, les premiers à se dédouaner sont bien souvent coupables mais dans son cas, elle en doute fort. Il se bat bien plus contre l’alcool de son verre que contre une possible enquête. « Je note. Si jamais l’envie d’écrire un roman policier me prend, je sais qui aller voir. » Son silence est différent, maintenant. Charlie aime l’idée qu’il ait une raison de retourner la voir et elle ne prendrait pas la peine de nier cette évidence ; simplement, elle fait aussi de son mieux pour ne pas forcer le destin, certaine que cela ne lui amènerait rien de bon. Ni à elle, ni à lui.
Curieuse de nature, elle ne se soigne pas le moins du monde et tente d’obtenir davantage d’informations sur la carrière de Cameron et surtout comment il a effectivement réussi à devenir écrivain, métier que Charlie imagine difficile à souhait. « Ça dépend des parents j’imagine. Les miens m’ont toujours poussé à aller vers mes rêves sans remettre en question mes choix. » Dérobant le verre entre les mains de Cameron, elle en prend une gorgée tout en l’écoutant déballer son histoire mot après mot. Elle est attentive mais n’a pour l’heure rien à redire ni aucune question supplémentaire à poser, laissant ses lèvres closes. « Sinon il faut savoir se démarquer et surtout ne pas avoir peur des refus. C’est facile de se décourager quand on cherche à faire publier son œuvre et peu arrivent vraiment à en vivre au final. » Elle esquisse un sourire en coin, ne pouvant que se reconnaître dans ces quelques mots et les difficultés pour parvenir à avoir ce qu’on désire dans son travail. “C’est ton cas ?” Elle se moque de son revenu annuel et du nombre de zéro sur ses chèques, elle souhaite simplement savoir s’il est heureux de la vie qu’il mène et qu’il peut joindre les deux bouts sans se ronger les ongles ou chercher comment vendre des photos de ses pieds sur Internet. « Et toi? Comment tes parents ont réagi quand tu leur as dit que tu voulais être inspectrice? Qu’est-ce que t’a attiré dans ce domaine? » Elle balaye ses cheveux en arrière, le temps de la réflexion. “J’ai foncé et ils l’ont su après. Autant te dire que j’ai pas vraiment demandé leur avis.” Et qu’elle n’est de toute façon pas proche d’eux, raison supplémentaire pour laquelle l’avis de ses parents n’a en rien compté dans son choix de carrière. “Je voulais un métier qui fait du sens.” Travailler au DBD la rendait heureuse et faire la conversation avec les clients tout autant, mais pas au point d’en faire son métier. Elle n’était utile à personne, voilà tout le nœud du problème. “Et j’avais peut-être aussi un peu besoin qu’on me donne des limites et des règles à suivre.” Elle annonce, un peu plus souriante, lui qui n’aura sûrement aucun mal à la croire maintenant. “Tu veux un autre verre ?” Promis, elle le laissera partir à un moment ou à un autre.
“C’est osé ou alors c’est complètement stupide.” Le DBD était devenu son terrain de chasse, visiblement, et c’était effectivement une très mauvaise idée à moins d’avoir voulu que ses différents amants se croisent, ce qui ne semblait pas être le cas selon ce que Charlie lui disait. « Oh bah là c’est sûr que ta dame c’est pas le pogo le plus dégelé de la boîte. » Ou le crayon le plus aiguisé de la boîte, ou encore le pingouin qui glisse le plus loin… bref, ce n’était pas une 100 watts. Avec du recul, il était loin d’être fier de la façon dont il avait géré l’ultimatum que lui avait posé Luke en lui demandant de choisir entre la musique et lui, mais s’il ne s’était pas caché devant les journalistes, c’était entre autres pour faire mal à son copain de l’époque, il l’avait fait exprès. “Un jour, un autre de ses petits-amis est arrivé alors qu’elle passait la soirée avec un autre. On a failli appeler les flics tellement ça commençait à dégénérer.” Il n’avait aucun mal à le croire, il suffisait de penser à la façon dont avait réagi Luke en apprenant que Cameron était allé voir ailleurs pendant sa tournée pour avoir une idée du déroulement de la soirée au DBD. Heureusement pour le musicien, des milliers de kilomètres le séparaient de Luke au moment où il était tombé sur les photos de Cameron et Meryl. « Je n’ai aucun mal à le croire. Ça devait être… quelque chose. » Ça devait avoir été humiliant pour les trois personnes impliquées et aussi très désagréable pour les employés et les autres clients de l’endroit.
“Vaut mieux pas que tu le saches.” Était-elle consciente qu’elle ne faisait que le motiver à la faire répéter rien que pour savoir ce qu’elle ferait dans un tel cas? Il était comme un enfant qui se retrouvait devant un énorme bouton rouge au-dessus duquel il serait écrit de ne pas appuyer dessus. C’était plus fort que lui, il avait envie de savoir, il devait savoir. « Tu piques ma curiosité. » dit-il le regard plongé dans sien en fronçant les sourcils. Mais il n’insista pas davantage, du moins pour le moment, histoire de lui faire croire qu’elle avait réussi à le convaincre, seulement pour revenir à la charge un peu plus tard dans la soirée. “Bien sûr que tu vas regretter.” Il n’en doutait pas une seconde, il n’avait plus l’habitude de boire depuis son accident et il savait que le réveil allait être difficile le lendemain matin. Heureusement pour lui, il n’avait rien de prévu, il allait donc avoir tout le temps nécessaire pour se remettre de sa gueule de bois. « C’est sûr que je vais le regretter. » ajouta-t-il en riant, le cœur léger. Il n’aurait jamais cru que de passer un peu de temps avec une inconnue lui ferait autant de bien. Peut-être que sa mère avait raison finalement et qu’il avait tout intérêt à sortir de sa chambre pour redécouvrir le monde.
“T’as l’air d’être quelqu’un de bien.” Ça faisait changement des insultes que sa sœur proférait à son égard chaque fois qu’elle en avait l’occasion, c’est-à-dire chaque fois qu’ils se voyaient. « Il ne faut pas toujours se fier aux apparences. » Essayait-il vraiment de la convaincre qu’il n’était pas quelqu’un de bien? Non, il aimait croire que la blonde avait raison en ce qui le concernait et qu’il ne faisait que traverser une mauvaise passe. Il savait qu’il n’avait pas été un exemple à suivre à l’adolescence, mais il faisait de son mieux pour devenir une meilleure personne depuis qu’il n’était plus sur les bancs d’école. “Tu peux prédire ton prochain cocktail ?” Il n’avait franchement aucune idée de ce qu’il était supposé faire, mais il rit en plaçant ses deux mains à plat contre la table, puis il ferma les yeux pour faire semblant d’avoir une vision. « Je nous vois tous les deux toujours assis ici et on dirait… on dirait que je bois un long island iced tea. » Il rouvrit les yeux en agitant sa tête de droite en gauche, pas du tout convaincu de se performance. “Je sais pas. Je suis comme toi.” Ça pouvait avoir du bon tout comme ça pouvait créer des flammèches entre eux si tous les deux étaient incapables de retenir certaines de leurs pensées. Pour le moment, ça ne semblait pas être un problème, mais peut-être que l’alcool qui coulait dans leur veine y était pour quelque chose.
Cameron n’était pas choqué par le métier de Charlie, il était davantage surpris parce que ce n’était pas ce à quoi il avait pensé à la voyant au départ. Il fallait bien des inspecteurs pour mettre les criminels derrière les barreaux et la blonde pouvait être fière de ce qu’elle accomplissait. “Vraiment ? Tu te dédouanes bien vite pour un innocent, c’est quoi ton nom complet ? Je vais devoir mener une enquête maintenant.” Les lèvres pincés et les sourcils froncés, il fit mine de se méfier. « Vous devez être capable de trouver cette information sans mon aide, n’est-ce pas, madame l’enquêtrice? Ce n’est pas votre métier de trouver l’information qu’on vous cache? » Elle pouvait bien tout essayé pour connaître son nom complet, ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait lui révéler, pas quand son frère était à proximité et qu’une simple recherche sur internet suffirait à lui faire comprendre qu’il avait menti toute la soirée. « Je peux te donner un indice, j’ai un nom de famille espagnol. » dit-il en portant son verre à ses lèvres. Se sentait-il mal de lui mentir? Pas vraiment, d’autant plus qu’il ne s’agissait que d’un demi-mensonge puisque sa mère était réellement espagnol, il ne portait simplement pas son nom comme les autres membres de sa fratrie.
“C’est ton cas ?” demanda Charlie lorsqu’il expliqua que peu d’écrivains réussissaient à vivre de leur travail. Avant de répondre, il reprit le verre qu’elle venait de lui dérober pour en prendre à son tour une gorgée. « Je peux maintenant en vivre, mais ça n’a évidemment pas toujours été le cas. » Ses efforts avaient été récompensés. Assez parlé de lui, il redirigea l’attention sur elle alors que son parcours professionnel l’intriguait au plus haut point. “J’ai foncé et ils l’ont su après. Autant te dire que j’ai pas vraiment demandé leur avis.” Et elle avait bien fait. Ils avaient beau rester à jamais les enfants de leurs parents, il arrivait un âge où ils devaient pouvoir prendre leurs propres décisions sans devoir demander la bénédiction de leurs parents à chaque fois. « Tu as bien fait. Ils ont été surpris? » Leur avait-elle dit seulement après coup car elle se doutait qu’ils réagiraient mal? “Je voulais un métier qui fait du sens.” Il hocha lentement la tête en l’observant attentivement, il arrivait très bien à comprendre son besoin d’avoir un métier qui faisait du sens, qui lui donnait une certaine mission. “Et j’avais peut-être aussi un peu besoin qu’on me donne des limites et des règles à suivre.” À ces paroles, il ne put s’empêcher de rire et il tenta de s’imaginer comment elle devait être il y a quelques années. « Tu devais être tout un personnage à l’adolescence, quelque chose me dit que tu as dû en faire baver à tes parents, je me trompe? » Comme lui et c’était peut-être ce sentiment de ressemblance qui lui plaisait autant chez elle. “Tu veux un autre verre ?” Il acquiesça d’un hochement de tête, le regard plongé dans le sien. « Avec plaisir. » D’un geste de la main, il fit signe à une serveuse au loin. « C’est moi qui paie. Un long island iced tea pour moi s’il vous plait et… ? » Il désigna Charlie d’un geste de la tête en lui souriant à pleines dents tout en jetant sur la table quelques billets à l’attention de la serveuse. Que la blonde le veuille ou non, il allait lui payer un verre ce soir.