We find the light on darker days. We seize the joy through all the pain. We feel the love, won't hesitate, take every chance that comes our way. The little things, we appreciate. We fight for truth, a heavyweight and every win, we celebrate
Un nom et un récit pathétique. C’était tout ce qu’Albane avait en main, tout ce qu’elle trouvait de réel depuis la mort de sa grand-mère. La lettre qu’elle avait reçue, l’héritage éclaté, les secrets de famille enfin dévoilés. Son père, cet homme qu’elle avait toujours trouvé trop froid, trop strict, trop austère, mais pas moins aimant, n’était pas son père. Sa mère, cette femme qu’elle pensait pourtant amoureuse des valeurs de la famille et de son époux, avait non seulement fauté, mais en plus donné naissance au plus gros mensonge de sa vie. De Brisbane, Albane n’avait pas été capable de suivre tout le déroulement de l’affaire en temps réel. Il avait suffi d’une lettre pour faire exploser sa vie en mille morceaux, achever de briser cette famille déjà essoufflée. Pour le reste, tout n’était que bribes d’histoires racontés par sa mère, par une cousine, par un oncle, par le notaire même. Un puzzle qu’elle avait dû reconstruire pour comprendre comment à quinze mille kilomètres de là, tout s’était effondré. Les faits étaient finalement rapides à résumer. Il y a vingt-huit ans de cela, sa mère avait fait un voyage en Australie, un cadeau de récompense pour la fin de ses études. Deux mois dans une famille d’accueil à pratiquer son anglais et à parcourir le Queensland en long, en large et en travers. L’expérience d’une vie pour la jeune femme à l’époque qui a fini par rencontrer un homme, Thomas Chapman. Il était plus âgé, marié, il n’aurait jamais dû se passer quoique ce soit entre eux. Mais cela ne les avait pas empêchés de partager une idylle aussi intense que temporaire. Les sentiments ont fini par s’en mêler de son côté, et naïve comme elle était à l’époque, elle avait cru à tous les mensonges qui pouvaient bien franchir les lèvres de son australien. Jusqu’au jour où elle a appris être enceinte. Elle en était à quatre semaines quand elle le lui a annoncé. Sans surprise, elle ne l’a jamais revu. Quand elle est rentrée en France, elle a fait mine de ne rien savoir, a patienté deux mois supplémentaires afin de pouvoir attribuer la paternité à son fiancé. Puis, le secret a été enterré. Mais Mamie Dumas n’a jamais été dupe, elle, reconnaissant bien tôt les symptômes de grossesse. Les motivations qui l’avaient poussée à ne jamais rien dire, Albane ne les connaissait pas. En revanche, sa grand-mère qui ne l’était donc pas réellement, elle non plus, semblait avoir décidé de ne pas emporter ce secret dans la tombe.
Cela avait été plus que suffisant pour la garder éveillée la nuit, pour qu’elle ait passé des nuits blanches à se tourner et retourner en essayant de trouver quoi faire. Blanche d’abord, puis sa grand-mère, celui qu’elle pensait être son père. Sans qu’elle ne le voie venir, elle avait été amputée des personnes qu’elle aimait le plus sur terre. A ce stade, la jeune femme était juste terrorisée à l’idée d’être seule. Elle avait besoin de savoir d’où elle venait réellement. Et c’était probablement stupide, inutile, injuste envers l’homme qui l’avait élevée. Elle partait à la recherche d’un inconnu qui n’avait même pas cherché à connaître son enfant. Et pourtant, à l’heure où sa famille tombait en morceaux, la perspective d’avoir peut-être d’autres personnes de son sang à qui se raccrocher animait un espoir inexplicable dans sa poitrine. Elle avait passé des heures à explorer les tréfonds d’internet, à examiner chaque profil de Thomas Chapman qu’elle pouvait bien trouver dans le Queensland. Le nom était malheureusement répandu, et à force d’éliminer les profils selon leur tranche d’âge, leurs origines, leur historique de vie, Albane en était arrivée à deux conclusions : les gens partageaient bien trop d’informations sur leurs réseaux sociaux, et son père biologique n’en faisait pas partie. Elle n’était pas une super-héroïne avec des ordinateurs dignes de la CIA, n’avait pas accès à une base de données nationale, ne pouvait pas actuellement se permettre d’employer un détective privé. Ce qu’elle avait en revanche, c’était un accès illimité aux dossiers médicaux des patients de l’hôpital. Le nom de Thomas Chapman était ressorti trois fois ici, mais seulement un dans la bonne tranche d’âge. Pas de dernière adresse connue, des impayés. Tout ce que la française avait réellement eu à se mettre sous la dent, c’était le nom de son fils, Eliot. Qui lui, contrairement à leur père -peut-être-, était facile à trouver. Si les informations étaient à jour, elle n’aurait que 3km à faire pour le rencontrer.
Une initiative qui lui avait demandé bien trois jours avant de prendre son courage à deux mains. Elle avait travaillé de nuit exceptionnellement, toujours prête à remplacer des collègues. Il était donc dix heures quand elle se présenta face au poste, un shift de douze heures dans les pattes, probablement plus de caféine qu’il ne le faudrait dans le sang. Elle était fébrile, épuisée, incapable de réfléchir en s’engouffrant jusqu’à l’accueil pour demander à voir l’inspecteur Chapman, prétextant des raisons personnelles. La femme à l’entrée ne lui posa pas vraiment de questions, lui désignant les escaliers et l’étage. Un chemin qu’elle aurait aimé ne pas connaître, mais elle l’avait déjà emprunté trois ans plus tôt quand l’enquête avait été ouverte sur la mort de Blanche. Elle avait dû faire une déposition alors même qu’elle ne savait rien à l’époque. Son dernier passage ici remontait donc au jour où tout avait commencé à partir en vrille dans sa vie. De bons souvenirs en perspective qu’elle tenta de réfréner en marchant tête baissée. Ce qui lui coûta de manquer de percuter un homme dans le couloir. Le café qu’il tenait dans la main déborda de moitié, et ce fut de justesse s’ils eurent le réflexe de reculer pour ne pas finir ébouillantés. « Mon dieu je suis désolée… Courte nuit. » Elle releva une grimace contrite vers l’inconnu. Qui ne l’était pas tant, en réalité. Il ne portait pas de badge ou quoique ce soit, mais elle reconnaissait son visage. « Vous êtes l’inspecteur Chapman ? » Elle avala sa salive, se força à respirer pour garder contenance. « Je ne veux pas vous importuner, mais je souhaitais vous parler. Ce serait au sujet de votre père. Thomas Chapman ? » Pitié qu’elle ne se soit pas trompée, qu’elle ne fasse pas fausse route. Car le moindre signe d’incompréhension, et Albane risquait de repartir aussi brutalement qu’elle était arrivée.
Rien ne laissait présager que cette journée sortirait de l'ordinaire. Si Eliot avait mis du temps à retrouver sa routine depuis son retour à Brisbane, il se sentait enfin à sa place et était d'une humeur remarquablement joyeuse au fil des jours qui s'avançaient. Savoir que Sawyer n'avait pas prévu d'intenter à sa vie ou de lui faire physiquement du mal y comptait nul doute pour beaucoup, il ne s'en cachait pas. Mais s'il avait traversé une période difficile, Eliot se sentait enfin sur une bonne pente, il avait enfin réussi à entrevoir l'espoir de jours meilleurs, et ça, ça valait tout l'or du monde. C'était loin d'être le cas de la jeune femme qui venait d'éviter de justesse de lui tomber dessus avec un café bouillant, coupant son élan décidé. Mon dieu je suis désolée… Courte nuit. Un simple regard jeté à ses vêtements suffit à l'inspecteur pour comprendre qu'il avait échappé aux tâches de café sur son costume, et c'était une assez bonne nouvelle pour qu'il se décide à sourire à cette jeune femme d'une manière très chaleureuse - alors qu'il aurait pu facilement s'énerver sur elle si elle était tombée sur un de ses mauvais jours, ne le cachons pas. Y'a pas de problème, aucun dégât à déplorer. Qu'il s'amusait à commenter pour dédramatiser la situation. Il s'apprêtait à continuer son chemin mais elle l'interpellait avant qu'il n'ait le temps de le faire. Vous êtes l’inspecteur Chapman ? Surpris qu'elle connaisse son identité alors qu'il avait la certitude de n'avoir jamais vu son visage, il affichait une moue étonnée. C'est bien moi, oui. Je peux vous aider ? Elle avait piqué sa curiosité. Je ne veux pas vous importuner, mais je souhaitais vous parler. Ce serait au sujet de votre père. Thomas Chapman ? Eliot fronçait les sourcils. Il n'avait pas entendu ce nom depuis bien des années. Lorsque sa mère et lui avaient fui cet horrible personnage, ils avaient coupé tout contact avec lui ou toute sa famille pour reprendre une vie plus saine loin de la violence qu'il leur faisait subir. Eliot était jeune lorsqu'ils étaient partis de la maison qui l'avait vu grandir dans ses premières années de vie, pourtant il se souvenait de chaque détail de ce qu'il y avait vécu. Ceux qu'il aurait aimé pouvoir garder comme de bons moments étaient tous ternis par une noirceur difficile à effacer une fois qu'elle était présente dans son esprit, et s'il avait mis toute sa force dans la construction d'une vie meilleure pour lui même comme pour sa mère, il lui avait suffit d'entendre le nom de son père pour se replonger dans un lointain passé un peu trop douloureux. Suivez moi s'il vous plaît, on va aller s'installer dans mon bureau. Il ne pouvait pas entamer une discussion à propos de Thomas dans les couloirs du commissariat, aussi il préférait se cacher des regards indiscrets pour comprendre ce qui amenait la jeune femme dont il ne connaissait rien à venir lui parler d'un fantôme de son passé. Il lui emboîtait le pas et refermait la porte une fois qu'ils en eurent tous les deux passé le seuil. Rapidement il indiquait une chaise visiteur d'un geste de la main à la brune avant d'aller s'asseoir de son côté du bureau. Un soupir las restait suspendu un instant, et Eliot prit enfin son courage à deux mains. Je vous écoute, qu'à fait Thomas pour gâcher votre vie ? Car il ne pouvait en être autrement qu'ainsi : si quelqu'un venait lui parler de lui, c'était forcément négatif.
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Elle avait envie de partir en courant. C’était un sentiment qu’elle tentait de réfréner de toutes ses forces, elle essayait de garder une allure détendue quand à l’intérieur, tous les signaux étaient à l’alerte rouge. Elle était venue ici, avant eu le courage de se présenter face à ce fameux Eliot, mais d’un autre côté, avait-elle vraiment envie de savoir ? Il pourrait être son demi-frère, ils pourraient être de la même famille. Mais en même temps, c’était un parfait inconnu. La française ne pouvait pas s’empêcher de penser à l’homme qu’elle avait toujours pensé être son père, à ce qu’il penserait de la savoir déjà à la recherche de sa famille paternelle même pas quelques semaines après avoir appris la nouvelle. Elle aurait aimé l’appeler, aurait aimé qu’il décroche, qu’ils puissent avoir une discussion. Il avait toujours été un homme relativement froid, à éviter le sujet des sentiments. Mais il n’avait jamais manqué d’amour envers ses enfants et plus que jamais, Albane en avait cruellement besoin. Elle aurait aimé que Blanche soit là, aussi. Comment aurait-elle réagi ? Au fond, tout cela n’avait aucune importance. La brune était vouée à elle-même ici, responsable des décisions et des mots qui allaient se prononcer dans les prochaines minutes. C’était à peine si elle se souvenait de respirer tant elle retenait son souffle. L’intimité du bureau n’arrangeait rien en réalité, son regard cherchant une échappatoire plutôt que d’affronter celui du Chapman. Elle détestait cet étage et tous les souvenirs encore trop vivides qui y étaient accrochés. Ses mains sur ses cuisses s’emmêlaient l’une à l’autre, trahissant sa nervosité. Mais finalement, l’homme réussit à attirer son attention avec sa réflexion. Gâcher sa vie ? « Non, il n’a pas… » L’information fit le tour du cerveau, et c’était alarmant. Il ne plaisantait pas du tout, s’attendait forcément à du négatif quand il s’agissait de son père. C’était un très mauvais début qui eut le don de désespérer la jeune femme encore davantage. Elle ne savait pas à quoi elle s’attendait ou comment est-ce qu’elle serait accueillie. Naïvement, elle avait imaginé que les Chapman seraient une famille parmi tant d’autres, avec des parents divorcés. Une version bien plus glorieuse qu’un père infidèle. De toute évidence, le tableau n’était pas aussi rose. Elle n’aimait pas imaginer une réalité où sa propre famille aurait explosé pour qu’elle n’ait rien en retour, aussi égoïste que cela semble être. « Je… je ne le connais pas. C’est juste que… » Elle se mordit la langue un peu trop violemment, puis décida de fouiller fébrilement dans son sac pour en sortir son téléphone, parcourir les discussions avec sa mère laissées sans réponse de la part de la brune. Jusqu’à tomber sur cette photo qui datait d’il y a vingt-huit ans maintenant. Elle était jeune à l’époque, remplie de candeur et de naïveté. Il était plus âgé, mais avait l’air d’un type parfaitement normal. « Il y a beaucoup de Thomas Chapman dans le Queensland et je fais certainement fausse route alors… Vous sauriez me dire si c’est bien lui ? » Elle guetta sa réaction, ses tripes lui donnant la sensation de se tordre dans tous les sens. Pitié, dites non.
Eliot n'a jamais eu trop l'habitude de parler de son enfance, de son passé, de sa vie familiale en général. Pour tout son entourage, il a toujours été le globe trotteur, l'impulsif, l'inspecteur de police fier de ses valeurs et de la vie qu'il avait pu se construire au fil des années. Peu étaient au courant de sur quelles bases il avait tout construit. La première quinzaine d'années de sa vie s'était concentrée sur des douleurs, des incompréhensions et un sentiment d'injustice constant. Pourquoi lui n'avait pas le droit de faire quoi que ce soit d'autre que de rester auprès de son père pour apprendre et pouvoir reproduire les mêmes gestes que lui quand l'heure serait venue de reprendre l'élevage familial ? Eliot aimait les animaux, mais jamais il n'avait eu pour objectif d'en faire son métier, à l'instar de toutes les générations précédentes qui n'avaient cessé de se repasser le flambeau, génération après génération. Il ne supportait pas non plus la violence dont son père faisait preuve auprès de sa mère, jour après jour. Il avait vu les regards mauvais se transformer en mots déplacés, puis en gestes violents. Nombre de fois, le jeune adolescent qu'il était aurait rêvé de remettre son paternel devenu quasi alcoolique à sa place. Il n'avait rien dit, trop longtemps. Et heureusement pour elle comme pour sa mère, ils avaient réussi à fuir lorsque ça avait dépassé certaines limites : Eliot aurait parfois préféré qu'ils fuient plus tôt que ça encore. Eliot n'avait que peu raconté cette histoire, car il détestait générer de la pitié dans le regard des autres. Alors il avait enfoui ces détails bien profond dans son esprit, préférant ne pas repenser à tout ça. Le fait qu'on évoque aujourd'hui face à lui le nom de son géniteur avait fait remonter tout un tas de détails dans son esprit : il détestait cette sensation. Et peu importe si depuis tout ça son père s'était reconstruit de son côté, s'il avait changé, s'il s'était amélioré : il n'avait aucune envie d'avoir de ses nouvelles. Pourtant, le fait qu'une inconnue vienne parler de cet homme interpellait l'inspecteur. Non, il n’a pas… Il regardait la jeune femme, surpris, inquiet de savoir ce qu'elle pouvait bien lui vouloir. Je… je ne le connais pas. C’est juste que… Son regard était désormais inquiet, il était prêt à tout entendre. L'avait il arnaquée, volée, violée ? Qu'avait-il bien pu faire à cette innocente ? Les pires pensaient lui venaient en tête, mais Eliot n'arrivait pas à mettre le doigt sur ce qui aurait pu l'amenée ici. Il y a beaucoup de Thomas Chapman dans le Queensland et je fais certainement fausse route alors… Vous sauriez me dire si c’est bien lui ? Elle lui montrait une photo qu'il n'avait jamais vue, une photo qui devait dater de quelques temps après leur départ, à sa mère et lui, car il avait visiblement perdu du poids - et qu'il ne l'avait jamais vu dans une telle forme. Il lui ressemble, oui. Il a dû faire un régime entre la dernière fois où je l'ai vu et le moment où cette photo à été prise, mais c'est bien lui. Il était prit d'une soudaine curiosité, après avoir vu cette photo. Qui est la femme qui est avec lui ? Qu'il demandait sans détour, la question sous entendue étant : et qui êtes vous, vous, pour avoir cette photo ?
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Cette histoire était encore surréaliste dans l’esprit d’Albane. Elle comprenait la gravité de la situation, avait conscience de ce que cela impliquait de chercher sa famille paternelle biologique, et pourtant, ses émotions avaient du mal à suivre. Le malaise qui l’habitait alors qu’elle était plantée sur une chaise, en face de celui qui pourrait être son demi-frère, lui donnait juste envie de disparaître dans le sol. Il avait l’air bienveillant, serviable. Mais il n’avait pas besoin de raconter une histoire entière pour avoir déjà fait savoir ce qu’il pensait de son paternel. Et ça, c’était inquiétant pour la française qui n’était plus certaine de vouloir savoir. Elle en était encore à accuser le coup après avoir appris que l’homme qui l’avait élevée n’était pas son vrai père, souffrait profondément du traitement silencieux injuste qu’il lui offrait depuis. Tout ça pour quoi ? La laisser avec pour remplaçant un homme qui n’était pas une bonne personne ? Albane aurait aimé lire de l’indifférence dans le regard d’Eliot quand il observa la photo, aurait finalement été soulagée qu’il lui dise qu’elle faisait fausse route, qu’il n’avait jamais vu cet homme. Mais ironiquement, les talents de détective semblaient prospérer dans la famille. Elle ne s’était pas trompée sur la personne. Pire encore, si elle comprenait bien, Thomas n’était plus dans le portrait familial depuis longtemps. Une famille brisée, un contact coupé. Jusqu’à récemment, Bane n’avait jamais été familière avec ce genre de drame. Cependant, elle avait rencontré assez de gens pour lui raconter des histoires toutes aussi tordues les unes que les autres pour justifier pourquoi des parents étaient sortis de leur vie. Ce n’était jamais beau à voir. A quoi s’attendait-elle, de la part d’un homme qui n’a jamais cherché à la contacter, même en sachant qu’elle existait ? Elle récupéra son téléphone, tête baissée, observa la photo encore un instant plutôt que d’affronter le regard du brun. Personne ne la retenait. Elle pouvait partir, laisser la question sans réponse, plonger la tête dans le sable et faire comme si cette matinée n’avait jamais existé. « C’est ma mère. » Une femme à laquelle elle refusait de parler aujourd’hui et contre laquelle Albane sentait la rancœur monter de jour en jour. Les mots restaient coincés dans sa gorge, ici. Elle n’avait pas parlé à qui que ce soit de cette histoire familiale. Elle avait eu le temps de consommer un tas de substances, de manquer de perdre son boulot, de partir à Bali pour fuir la réalité, de revenir. Peu importe le nombre d’amis qu’elle avait fréquenté, ce poids n’avait jamais été partagé. Ironiquement, c’était à cette inconnu auquel elle était liée par le sang que l’histoire aurait le plus de sens. « Il y a vingt-huit ans, elle a passé quelques semaines en Australie à profiter de ses vacances après son diplôme. Elle a rencontré un homme et quand elle est rentrée, elle était enceinte. Il s’en est bien moqué, et elle a décidé de prétendre que c’était le bébé de son fiancé de l’époque. Celui que j’ai appelé papa toute ma vie. » Ses doigts se tordaient entre eux, son regard observant chaque élément sur le bureau plutôt que d’affronter celui d’Eliot. Elle avait envie de pleurer. « Je l’ai appris récemment et… Je sais que c’est vrai. Mais je refuse d’y croire. » Elle continuait d’espérer se réveiller de ce mauvais rêve. « Pourquoi est-ce que vous ne lui parlez plus, à votre père ? » Qu’elle sache s’il valait mieux faire demi-tour maintenant avant qu’ils ne puissent plus s’offrir le luxe du bénéfice du doute.
Eliot n'a jamais été du genre trop rêveur. Il est plutôt de ceux qui songent à une idée une seconde seulement avant de la mettre en pratique, de ceux qui sont impulsifs et qui n'ont pas envie de réfléchir aux conséquences de leurs actes car ce serait juste une perte de temps. Alors l'inspecteur n'a jamais été non plus du genre à se perdre dans ses pensées, rêvant de la vie de famille unie à laquelle il n'a jamais eu droit. Le passé doit rester au passé, il ne pourrait rien y changer même avec toutes les bonnes intentions du monde : alors à quoi bon y songer, à quoi bon se perdre dans une folle nostalgie pour rien du tout ? Dans le même ordre d'idées, Eliot ne s'est que rarement posé des questions sur la vie qu'a mené son père après que lui et sa mère l'aient fui. Il valait mieux, d'après lui, garder ce fantôme du passé dans un souvenir lointain. Il a fait ça pour se reconstruire, mais pour réussir à se sentir en sécurité aussi, surtout pour se convaincre qu'il ne pourrait plus l'atteindre, d'une quelconque manière. Mais ça, c'était avant qu'il ne s'étouffe en entendant les mots qui venaient de sortir de la bouche de cette jeune femme. C’est ma mère. Il aurait peut-être dû s'y intéresser, finalement. Les liens s'étaient faits rapidement dans l'esprit du Chapman, qui avait du mal à croire ce qu'il venait pourtant de comprendre. Son père et la mère d'Albane paraissaient proches sur cette photo. Et si elle avait fait l'effort de partir à la recherche de cet homme, c'est qu'il devait être d'une importance capitale pour la brune. Il restait bouche bée, ses yeux fixés sur elle. Il y a vingt-huit ans, elle a passé quelques semaines en Australie à profiter de ses vacances après son diplôme. Elle a rencontré un homme et quand elle est rentrée, elle était enceinte. Il s’en est bien moqué, et elle a décidé de prétendre que c’était le bébé de son fiancé de l’époque. Celui que j’ai appelé papa toute ma vie. L'histoire était surprenante, la réaction de Thomas pas du tout. Et s'il devait admettre que les faits qu'il venait d'entendre avaient l'air véridiques, son esprit critique avait bien du mal à se faire à l'idée qu'il partageait des gènes communs avec cette parfaite inconnue débarquée de nul part. Je l’ai appris récemment et… Je sais que c’est vrai. Mais je refuse d’y croire. Il aurait pu essayer de la rassurer, de se montrer bienveillant, d'avoir de l'empathie pour elle. A la place, Eliot venait de se dissocier de ses émotions pour se protéger, préférant garder son sang froid face à cette nouvelle difficile à avaler. Comment pouvez vous être certaine que cette histoire est vraie ? Il lui fallait des preuves, à l'inspecteur. Des preuves irréfutables, plus tangibles encore qu'une simple photographie. Pourquoi est-ce que vous ne lui parlez plus, à votre père ? Son regard vide, il eut un moment de réflexion avant de répondre. Lui et ma mère se sont séparés, ça s'est mal passé. Difficile désormais de continuer à crier sa haine pour son paternel alors même que la situation venait de se compliquer encore. J'ai vécu avec elle après ça, et nous n'avons jamais cherché à avoir de ses nouvelles. Lui non plus, d'ailleurs. Ça paraissait dramatique, raconté ainsi. Le pire, c'est que la vraie version l'était encore plus. Vous comprendrez donc ma surprise en vous voyant débarquer ici.
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Plus les minutes passaient, moins Albane avait envie d’être là. Elle sentait sa détermination fondre comme neige au soleil et le doute s’insinuer en elle tel un poison nocif. Elle ne faisait pourtant rien de mal. Se présenter à cet Eliot, celui qu’elle supposait être son demi-frère était quelque chose de relativement naturel vu la situation. Mais avait-il vraiment besoin de cela ? Avait-elle le droit de se pointer comme une fleur au risque de chambouler une partie de sa vie ? Quel bien est-ce que cela leur ferait, au final ? La française avait toujours apprécié l’importance des liens du sang. Pourtant, l’homme en face d’elle était un total inconnu. Ils ne se connaissaient pas, ne se connaîtraient probablement jamais comme ils l’auraient dû. Les mots glissaient de sa bouche avec une rationalité claire, ce qui ne l’empêchait pas de se sentir absolument ridicule. Y avait-il seulement une bonne réaction à avoir ? Elle aurait aimé être capable de lire dans ses pensées, de savoir ce qui se tramait dans son esprit. Il ne laissait rien filtrer, sa première sympathie s’étant muée en quelque chose de parfaitement neutre. Était-ce de l’indifférence ou juste de la réserve ? Sa nature habituelle ou quelque chose qu’il lui réservait à elle, l’inconnue qui venait de débarquer de nulle part avec des informations qu’il ne voulait probablement pas entendre ? Sa question lui fit ouvrir la bouche sans qu’aucun mot n’en sorte. Elle devait ressembler à un poisson privé d’eau. Avait-elle encore suffisamment confiance en sa mère pour vouer une totale véracité à cette histoire ? « Je ne sais pas pourquoi elle aurait menti. Elle était déjà mise face à ses erreurs. » Il marquait un point, ceci dit. Elle aurait pu raconter n’importe quoi et pourtant, elle avait opté pour une version que sa fille pouvait possiblement vérifier. « J’habitais déjà à Brisbane. Je n’ai pas parcouru le globe juste pour venir vérifier les faits. » soupira-t-elle, comme si cela pouvait la dédouaner. Elle ne l’aurait certainement pas fait si son prétendu père avait été sur un autre continent. Car finalement, c’était tout ce qu’elle faisait, vérifier.
Un divorce chaotique et un père qui n’en avait visiblement pas grand-chose à faire de sa progéniture. C’était ce qu’elle aurait en rechange. Une nouvelle qui eut le don de lui miner le moral encore davantage. Elle ne connaissait pas toute l’histoire d’Eliot, ne pouvait que supposer qu’il y avait bien plus qu’il ne voulait bien le dire. Pour elle, cela suffisait à savoir qu’il serait probablement mieux pour elle de garder ses distances. « C’est une bonne chose que je vous ai trouvé plus rapidement que lui, alors. » S’il n’avait rien à faire de l’enfant qu’il avait eu avec son épouse, elle imaginait déjà d’ici l’accueil qu’elle recevrait elle, l’accident d’une amourette de passage. Et maintenant quoi ? « Je suis désolée. J’avais conscience que venir ici pouvait être une mauvaise idée. J’ai pas mal repoussé le moment, pour être honnête. » Des semaines entières à tourner autour du pot à ne pas savoir si elle ferait le premier pas. Elle était encore divisée. Faire demi-tour et enterrer cette information à tout jamais, ou en avoir le cœur net. C’était une bonne chose que la décision finale ne lui revienne pas complètement. « Est-ce que vous avez envie de savoir ? » Un oui et elle se pointerait avec un kit ADN un de ces jours, de quoi les mettre bien mal à l’aise. Un non, et elle serait heureuse de ne plus jamais revenir ici. La fuite lui réussissait toujours mieux que la vérité.
Jamais Eliot n'aurait pu penser faire face à sa soi disant demi soeur. Jamais il n'aurait imaginé en avoir une, d'ailleurs. Si dans son métier il avait l'habitude de faire face à des situations rocambolesques, dramatiques et inimaginables, il n'aurait jamais songé en faire lui même partie de cette façon. Je ne sais pas pourquoi elle aurait menti. Elle était déjà mise face à ses erreurs. Il imaginait parfaitement la tromperie, puis les années de mensonge dans une famille avec un homme élevant un enfant qu'il ne savait pas ne pas partager son ADN. Cruel, mais au moins la vérité avait pu éclater au grand jour. Ce qu'il avait du mal à scénariser dans son esprit, c'était quels dommages avaient faits lorsque la bombe avait éclatée. J’habitais déjà à Brisbane. Je n’ai pas parcouru le globe juste pour venir vérifier les faits. Il hochait la tête, se demandant les démarches qu'elle avait déjà due faire pour tomber sur lui. Elle devait être débrouillarde, pour y être parvenue. Sans doute avait-elle pris plus de sa mère que de son père, comme Eliot, si ce qu'elle disait était vrai ; parce qu'on ne pouvait pas dire qu'il était perspicace. C’est une bonne chose que je vous ai trouvé plus rapidement que lui, alors. A nouveau, Eliot acquiesçait. Très certainement. Mais encore une fois, il se promettait intérieurement de ne pas lui révéler toute la noirceur qui appartenait à Thomas. Je suis désolée. J’avais conscience que venir ici pouvait être une mauvaise idée. J’ai pas mal repoussé le moment, pour être honnête. L'inspecteur avait du mal à déterminer si sa venue était une bonne chose ou non. Je n'ose même pas imaginer la situation dans laquelle vous êtes actuellement. Perdue entre mille vérités, doutes et inquiétudes. Tout un monde avait dû s'écrouler autour d'elle et Eliot pouvait imaginer à quel point les murs qui s'étaient effondrés lui avaient laissé des marques douloureuses. Rien qu'il n'essaierait de réparer, cependant, encore trop peu investi dans toute cette mascarade pour décider de prendre cette jeune femme sous son aile. Il lui fallait des preuves. Il lui fallait certitudes, plus probantes qu'une vieille photo laissée sans explications et qui pouvait à la fois tout signifier ou rien du tout. Mais peut-être que tout ça le concernait effectivement. Et si c'était le cas, son monde s'en verrait probablement aussi chamboulé que le siens. Est-ce que vous avez envie de savoir ? Il prit un instant pour réfléchir, jouant de ses doigts sur son bureau comme sur un piano. Je pense que nous n'avons pas le choix. J'aurais du mal à reprendre ma vie sans avoir le fin mot de cette histoire. Des mystères à résoudre, voilà tout ce qu'il aimait. Je devrais pouvoir nous arranger rapidement un rendez vous. L'avantage d'appartenir aux services de police. Enfin.. si vous en avez envie. Oui, elle était venue le voir dans le but de lui exposer leur possible lien de parenté. Mais après cette discussion et après avoir rencontré l'inspecteur, peut-être préfèrerait-elle oublier ce qu'elle avait appris sur sa famille ? Il ne lui en tiendrait pas rigueur. Vous vous appelez comment, d'ailleurs ? Peut-être était il intelligent de terminer les présentations avant de se lancer dans une telle aventure ensemble.
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Dire qu’elle était entrée dans ce poste de police avec détermination serait un bien grand mot. Cela ressemblait plutôt à ce qui se passerait quand on prend son élan, qu’on ne peut plus faire demi-tour avant la chute. Pour autant, le peu d’assurance que Albane avait pu avoir était désormais un lointain souvenir. Eliot n’était pas particulièrement bavard, relativement difficile à décrypter également. Elle n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait penser ou ressentir à son égard, si c’était de l’intérêt, de l’agacement, du dépit, de la pitié. L’unique chose dont elle était certaine était qu’il se serait certainement bien passé de la voir débarquer comme une fleur et de bouleverser un pan apparemment déjà bancal de sa vie. Et du peu qu’il parlait, la française commençait à réaliser qu’elle ne serait certainement pas heureuse de ce qu’elle trouverait au bout du chemin. Elle en était presque à espérer que sa mère ait effectivement menti ou se soit trompée, qu’elle n’ait aucune idée de qui l’avait mise enceinte à l’époque. Ce serait rester dans le brouillard peut-être à jamais, mais la brune était bien trop douée pour se monter le crâne jusqu’à la torture avec des scénarios impossible. Si Thomas était un sale type, alors qu’est-ce qu’il lui avait transmis ? Est-ce que sa génétique la pourrirait jusqu’à la moelle elle aussi, à un moment donné ? « Désolée de vous entraîner avec moi dans cette histoire. » Encore, elle s’excusait, ses doigts se tordant sur ses cuisses. Sa situation actuelle était merdique, même avec tout l’optimisme du monde, Bane ne pourrait pas le nier. Mais faire tomber quelqu’un avec elle était encore pire. Elle aurait dû creuser plus loin, remonter directement jusqu’à Thomas. Être dissuadée de vouloir se rapprocher des Chapman à ce moment-là.
Cependant, elle ne le forcerait pas. Un mot, et la française disparaîtrait sans demander son reste. Pourtant, il ne rejeta pas l’idée. Encore mieux, il se proposa pour prendre les devants avec ce rendez-vous quand elle aurait probablement juste songé à commander un kit hors de prix sur internet. Une approbation qui lui fit avaler sa salive, qui agita encore davantage son rythme cardiaque. Est-ce qu’elle en avait envie, réellement ? « Honnêtement… Pas vraiment. J’ai naïvement l’espoir que ce soit un énorme malentendu. Mais… j’aime bien dormir la nuit aussi, et ça me prend la tête depuis trop longtemps. » Qu’est-ce que cela donnerait s’ils étaient vraiment de la même famille ? Ils déjeuneraient ensemble tous les dimanches, se feraient une semaine de vacances annuelle ensemble, passeraient toutes les fêtes ensemble ? La première pensée qui la frappa fut que ce ne serait jamais comme avec Blanche. Ni de près, ni de loin. « Ah oui, pardon, j’oublie les bonnes manières… Je m’appelle Albane. » Dumas ou Chapman, cela restait encore à déterminer. Taire ce détail était très volontaire de sa part. Elle ne voulait pas qu’il la cherche, qu’il fasse ses recherches de sur qui elle était. Si les rôles avaient été inversés, c’était ce qu’elle aurait fait. « Je peux ? » Après avoir demandé l’autorisation elle se pencha sur le bureau pour attraper la pile de post-its et un stylo. Elle y inscrivit son numéro avant de le lui tendre. « On n’est pas obligé de tout précipiter mais comme ça, vous saurez où me joindre. C’est… je pense qu’on a eu notre lot d’émotions fortes pour aujourd’hui. » Et allié à la fatigue de son service, la brune avait envie de rentrer dormir et reprendre ses esprits, maintenant.
Dans toute cette histoire, le plus surprenant pour Eliot était peut-être que son père ait réussi à se reprendre en mains ; assez pour réussir à séduire une autre femme que sa mère. Dans son esprit, cet homme resterait seul dans son élevage jusqu'à la fin de ses jours, à se ronger les os sur tous les remords qu'il aurait de sa vie. Il n'en arriverait pas à avoir de la peine pour lui cependant : il n'aurait pas mérité une seconde chance de reconstruire une famille, il restait un monstre aux yeux de l'inspecteur. Alors le fait qu'Albane ait pu profiter d'une vie entourée d'une famille, même si son père ne partageait pas ses gènes, était probablement mieux pour elle. Désolée de vous entraîner avec moi dans cette histoire. Il est vrai qu'Eliot aurait largement préféré continuer sur sa lancée de ne plus jamais savoir ce que son paternel devenait, mais il ne pouvait que comprendre la quête de la jeune femme sur les traces de ses origines. Il en aurait sans doute fait de même, après une telle découverte. Honnêtement… Pas vraiment. J’ai naïvement l’espoir que ce soit un énorme malentendu. Mais… j’aime bien dormir la nuit aussi, et ça me prend la tête depuis trop longtemps. La remarque lui esquissa un sourire en coin, avant qu'il ne réalise qu'il ne connaissait même pas le prénom de son interlocutrice. Ah oui, pardon, j’oublie les bonnes manières… Je m’appelle Albane. Eliot, enchanté. La politesse prisait sur ses réels sentiments : on ne pouvait pas dire que cette situation l'enchantait particulièrement. Je peux ? Il hochait la tête un coup pour lui indiquer de se servir du stylo comme bon lui semblait. On n’est pas obligé de tout précipiter mais comme ça, vous saurez où me joindre. C’est… je pense qu’on a eu notre lot d’émotions fortes pour aujourd’hui. Il ne cachait pas sa déception face à la réponse d'Albane, mais pouvait comprendre sa réaction. Un tel bouleversement demandait du temps pour être accepté. De son côté, Eliot aurait préféré avoir une réponse claire immédiatement, comme il avait toujours préféré arracher les pansements d'un coup sec. Mais il ne pourrait pas aller contre sa volonté. Il attrapait le papier où elle avait noté ses coordonnées pour le glisser sous un classeur posé là, refusant que quelqu'un d'autre ne tombe malencontreusement dessus. Oui je comprend. Et malgré tout, il ne voyait pas dans quelles mesures il pourrait reprendre contact avec elle. L'appeler pour lui demander si une "rencontre sympa au labo" l'intéressait paraissait un peu abrupte comme approche, mais apprendre à connaître quelqu'un qui s'avérerait finalement ne pas partager son sang serait une perte de temps à ses yeux. Il se promettait intérieurement d'enquêter sur elle dès qu'elle aurait passé le pas de la porte, mais ça, évidemment, il le gardait pour lui. A elle, il se contentait de sourire. J'imagine que c'est aussi difficile pour vous que c'est surprenant pour moi, alors si vous avez besoin de quoi que ce soit... Il ne terminait pas sa phrase, concentré à reproduire ce qu'elle avait fait un peu plus tôt, pour qu'elle aussi puisse sortir de là avec son numéro. Si c'était elle qui avait fait la démarche de venir aujourd'hui, peut-être valait-il mieux qu'il la laisse revenir vers lui lorsqu'elle serait prête à vérifier si tout ça était vrai. Et puis, se montrer empathique ne coûtait rien : même s'ils n'étaient pas liés, son équilibre à elle venait d'être chamboulé. Eliot eut à peine le temps de relever les yeux vers elle avant que son téléphone se mette à sonner. Il faut que je réponde, désolé. Les excuses paraissaient inutiles, puisqu'Albane sautait sur cette interruption pour fuir leur échange, et son bureau par la même occasion. S'il ne savait ni s'il la reverrait, ni quand, Eliot avait le sentiment que malgré toutes les incohérences que cela pouvait créer dans son esprit, cette histoire était vraie.