Si on lui avait dit qu’il se sentirait aussi complet en lui mettant un bébé dans les bras, il aurait ri au nez de la personne et serait parti vaquer à ses occupations. Rudy n’a pas la fibre paternelle et le sait depuis le début de son adolescence : il a été poussé dans ce rôle lorsque que Sergio l’a déserté. Dès lors, il s’est dit qu’il ferait un très mauvais père et qu’il ne voulait pas fonder sa propre famille. Il a changé d’avis lorsqu’il est tombé amoureux de Lena, quand il a cru pouvoir composer avec elle pour le restant de ses jours. Le destin – sa colère et sa jalousie, plutôt – a fait qu’ils n’ont pas pu vivre leur histoire paisiblement et qu’il a dû tirer un trait sur tous ses espoirs. En renouant avec elle l’année passée, il s’est surpris à y penser une seconde fois avant de se dire définitivement qu’il ne pourrait pas faire semblant aussi longtemps. Ils se sont séparés, elle a continué sa route et il est resté sur place, là, à attendre. Avec ses sentiments partagés en deux, son cœur brisé de la même façon ; d’un côté il pensait à Erika, de l’autre il ne voyait que Lena. C’est finalement la première qui a réalisé ses vieux souhaits en tombant enceinte de lui, en décidant de garder cet enfant. Mais en ne l’imaginant pas une seule seconde dans le tableau familial. Il a fait du mieux qu’il a pu pour s’imposer, pour lui dire qu’il comptait assumer son fils et qu’elle ne pouvait rien y faire. Si elle a d’abord refusé, elle a fini par ne plus avoir le choix et a laissé le Gutiérrez la possibilité de s’immiscer dans la vie de son fils, à peine né. Il l’a pris dans ses bras alors qu’il n’avait que quelques secondes et s’est juré à lui-même de tout faire, toujours, pour que cet enfant soit heureux. Il a appris il y a deux semaines qu’il allait avoir un enfant et aujourd’hui, il est là : Jaime Gutiérrez, c’est ainsi qu’ils ont décidé de l’appeler. Aujourd’hui, il a demandé à Erika s’il pouvait le prendre avec lui pour aller le présenter à sa famille. Sa mère doit apprendre qu’elle est grand-mère, ses frères et sœurs doivent accepter l’idée qu’ils ont désormais un neveu. Lui-même a du mal à se dire que ce petit être est son fils, c’est pour ça qu’il y tient à ce point : il se dit qu’en voyant les autres autour de lui, il l’acceptera peut-être plus facilement. Il a réussi à revendre sa moto il y a une semaine de cela et a racheter une voiture. Elle n’a rien de grandiose mais a la possibilité d’y mettre un siège pour Jaime, ce qui n’est vraiment pas négligeable. Assis dans la voiture, garé devant chez les Gutiérrez, Rudy observe son garçon en train de dormir. Il se dit qu’il ne mérite pas cette nouvelle chance, il se dit également qu’il n’a pas le droit de la gâcher, celle-ci. Il sait ce que ça fait que de grandir avec un père qui déçoit, un père qui s’absente. Il ne peut pas se permettre de faire vivre une telle galère à son enfant, lui. Il ne veut pas être un Sergio aux yeux de son gamin. Il ne va pas fuir le pays car il a trop merdé, il ne va pas décider de l’abandonner parce qu’il n’assume pas son rôle. Non, il va tout faire dans les règles de l’art. Il caresse sa joue du bout des doigts puis se décide à sortir de la voiture, pour la contourner et ouvrir la portière côté passager. « Salut toi. » Qu’il dit à Jaime, qui dort encore paisiblement. Dans une heure ce sera l’heure de son biberon, Maritza aura tout le loisir de le lui donner. « J’ai quelques personnes à t’présenter. Si jamais tu les entends gueuler ou dire que j’suis qu’un con, ça ira. C’est pas d’ta faute à toi, ok ? C’est juste moi. » Jaime n’est pas à regretter, aux yeux de Rudy. Et même s’il aurait préféré avoir un enfant différemment, il ne veut pas s’entendre dire qu’il a fait une connerie. C’est la plus belle chose qui ait pu lui arriver et il espère que sa fratrie l’acceptera. Il détache son fils de son siège auto et le prend dans ses bras pour, enfin, rejoindre l’appartement des Gutiérrez. Le petit toujours endormi dans un bras, il referme la porte d’entrée de sa main libre et s’avance dans le couloir. « Y a quelqu’un ? » Qu’il demande, en avançant. Il a une pression monstrueuse sur les épaules, c’est d’ailleurs la première fois que ça lui fait cet effet-là. Il n’a absolument pas prévenu de son arrivée imminente et n’a pas mentionné son fils, ils croiront donc peut-être qu’il a juste volé un bébé ou qu’il s’est proposé de le garder. Il a hâte d’affirmer fièrement que non, ce petit être est bel et bien son fils, qu’il y a un nouveau Gutiérrez dans la famille.

@Sara Gutiérrez  @Cesar Gutiérrez

Encore une journée où je me dis que j’ai hâte de me barrer de cette maison. Les petits n’arrêtent pas de courir partout et Sara est restée enfermée dans la salle de bain pendant au moins une heure avec la musique à fond. Je me demande vraiment ce qu’elle peut foutre pour passer autant de temps dans là-dedans, c’est peut-être juste pour le plaisir de me faire péter les plombs. J’en ai aucune idée mais j’en ai marre de devoir attendre une heure devant la porte pour prendre une douche. Alors j’ai hâte de me barrer et d’avoir enfin mon espace où je peux faire ce que je veux, sans personne pour me taper sur les nerfs et en silence. Elle sort enfin de la salle de bain et je lui dis « T’as qu’à faire plus long la prochaine fois. » Et je claque la porte de la salle de bain avant de lui laisser le temps de me répondre, j’ai pas envie de parler avec elle je veux juste pouvoir prendre une douche tranquille. Quand je sors de la salle de bain je croise Maman qui me dit qu’elle part faire des courses avec les petits mais qu’elle n’en a pas pour très longtemps. Je la regarde partir et pendant ce temps je m’assieds sur le canapé et je profite du calme pour scroller un petit peu sur instagram.

J’entends la porte s’ouvrir et ça m’intrigue parce que je sais que Maman est partie il y a à peine 10 minutes pour aller aux courses et ça m’étonne qu’elle soit revenue si vite. Elle a peut-être oublié quelque chose j’en sais rien. Elle est assez distraite en ce moment donc ce ne serait pas étonnant. Je me dirige vers la porte pour voir si elle a besoin d’un coup de main ou que je lui fasse passer quelque chose, son portefeuille ou quelque chose dans le genre. « Y a quelqu’un ? » Je me rapproche de la porte et sans le voir je reconnais la douce voix de Rudy. Oh non pas lui. c’est la première pensée qui me passe par la tête. Ils se sont vraiment tous passé le mot pour me faire chier aujourd’hui. Je n’ai aucune envie de le voir, je sais qu’avant ici c’était chez lui mais il est parti depuis longtemps et c’est mieux comme ça. La dernière fois qu’il est passé il m’a humilié alors je n’attends qu’une chose c’est me pointer devant lui et lui demander de dégager. Je n’oublie pas non plus son absence complète de compassion quand j’étais dans la merde à cause de mon post sur Instagram. Depuis qu’il est sorti de prison il se comporte comme une ordure avec moi et j’en ai plus qu’assez alors s’il vient pour encore se foutre de ma gueule je ne vais pas me laisser faire. Il est quand même gonflé de revenir après ce qui s’est passé et sans prévenir encore une fois. Sara me suit de près mais quand je vois Rudy dans le couloir je n’en reviens pas. « Rudy ? » Mon regard est tout de suite attiré parce qu’il tient dans ses bras, c’est bien un bébé que je vois ? Non je ne rêve pas : il vient chez nous avec un bébé. J’ai un énorme bug et je n’arrive pas à comprendre pourquoi et surtout à qui est ce gamin. J’espère que ce n’est pas encore une de ses magouilles il en a assez fait comme ça. Je regarde Sara et je vois qu’elle est aussi perdue que moi. Pour une fois elle est aussi surprise que moi et elle n’a pas l’air d'être complice ou au courant de la situation pour une fois. « Mais qu’est-ce que tu fous avec un bébé ? » Si j’attends qu’il m’explique de lui-même je pense que je peux attendre longtemps alors je pose la question sans détours. Il a intérêt à avoir une bonne explication à tout ça parce que là c’est la dernière chose que j’imaginais voir aujourd’hui.

Cesar avait beau tambouriner contre la porte ça ne changerai pas le fait que je n’allais pas me presser plus qu’à l’habitude dans la salle de bain pour ses beaux yeux. Finissant tranquillement mon brushing je savais très bien qu’il attendait derrière la porte que je daigne enfin de sortir. Une fois coiffée et maquillée, j’ouvre la porte de la salle de bain et il se précipite presque dedans « T’as qu’à faire plus long la prochaine fois. » Il me claque la porte au nez mais ça n’allait pas m’empêcher de rester là sans rien dire ou faire « Je t’emmerde Cesar ! » Notre mère passe non loin à ce même moment et me demande à ce qu’on nous calme un peu tous les deux. Je soupire sans rien répondre et vais alors ranger mes quelques affaires que j’avais dans les bras dans ma chambre. Si seulement j’avais les moyens de pouvoir me prendre mon propre appartement et ne plus à avoir à subir la moindre remarque de Cesar ou ses regards voulant tout dire à mon propos sans même qu’il n’ouvre la bouche. M’enfermant quelques instants dans ma chambre je m’assois sur le rebord de ma fenêtre pour me fumer une cigarette au calme afin de me détendre un peu. Ma mère arrive quelques minutes plus tard alors que je termine ma clope me disant qu’elle allait faire quelques petites courses avec les petits qu’elle n’en avait pas pour longtemps. J’hoche la tête pour lui faire comprendre que j’avais compris, et j’écrase ma cigarette et attend quelques instants à ma fenêtre le temps que ma chambre soit assez aéré avant de ne la refermer. Entendant mon estomac gargouiller, je me décide d’aller prendre un truc à grignoter dans la cuisine. Téléphone en main j’en profite par la même occasion de répondre à quelques sms et même de scroller sur mes réseaux. Fouillant un peu dans les placards j’en sors du pain de mie et de la pâte à tartiner pour me faire un sandwich hyper équilibrer. Croquant dedans, je fini par entendre la porte d’entrée, je trouve que ma mère a été très rapide pour faire les courses surtout avec les petits avec elle. Intriguée je me dirige donc vers la porte et je vois que Cesar a eu la même idée que moi. Je lève un peu les yeux au ciel mais pour ma mère je fais un effort et ne dit rien « Y a quelqu’un ? » La voix qui me parvient aux oreilles alors n’est autre que celle de l’aîné de la famille Rudy. Croisant le regard de Cesar il ne semble pas ravi que notre grand frère arrive, est-ce que moi je le suis ? En soit pas vraiment puisqu’il passe lui aussi son temps à m’ignorer. Ca allait être sympa avec les deux dans les parages, je risque vite d’aller m’enfermer dans ma chambre pour éviter à les subir les deux en même temps. « Rudy ? » lance alors Cesar alors qu’on arrive face à lui qui referme la porte. Se trouvant face à nous notre grand frère, un bébé dans les bras. J’avoue que je n’y comprenais absolument rien, je fronce les sourcils, voyant que ce bébé était vraiment très jeune. Qu’est-ce que Rudy avait bien foutu pour se ramener ici avec un bébé dans les bras. « Mais qu’est-ce que tu fous avec un bébé ? » La question de Cesar ne pouvait pas être plus juste. Mon regard allait alors de ce bébé au visage de Rudy et faisait des allers-retours. Cet enfant était bien trop calme dans les bras de son frère pour que ce soit un mauvais coup de la part de notre aîné. J’essaye de réfléchir à toute sorte de possibilité pour que Rudy ne vienne ici avec un bébé dans les bras mais je ne trouvais aucune raison valable ou possible, il allait devoir vraiment éclaircir la situation. « Me dit pas que c’est ton gosse ? » Je ris alors nerveusement en disant ça, j’en rigole car je ne pense pas que ça soit possible qu’il ait mis une nana enceinte sans nous en parler et surtout si c’était le cas, il a intérêt de tous nous balancer.

Cesar et Sara ne seront pas les premiers à rencontrer Jaime. Rudy a eu le plaisir de tomber sur Sergio et Alma, à la maternité ; Erika a plus de relations qu’il ne l’imaginait. Il ne pensait pas que deux membres de sa famille se déplaceraient pour la visiter dans cet endroit et rencontrer son enfant, mais si, c’était bel et bien le cas. Il a été obligé d’assumer sa paternité sans l’avoir préparé, chose qui ne sera pas le cas aujourd’hui : s’il emmène son fils avec lui, c’est qu’il est prêt à le présenter au reste de sa famille. Il sait que sa mère ne va pas comprendre et que les petits vont vouloir le porter. Ce qu’il ne sait, pas en revanche, c’est comment les deux plus grands vont réagir. Ils sont un mystère à ses yeux, en ce moment. Il se sentait pourtant bien plus proche d’eux que d’Alma et de Diego, à une époque. D’ailleurs, il devra prendre le temps de tenir au courant ce dernier de la situation. Il ne risque pas de le croiser dans le salon, lui, puisqu’il ne vit plus ici depuis bien longtemps. « Rudy ? » Cesar arrive le premier dans l’entrée et le regarde de haut en bas, comme s’il avait fait quelque chose de mal. « Mais qu’est-ce que tu fous avec un bébé ? » Son crime, c’est lui. Rudy baisse les yeux vers Jaime qui dort encore dans ses bras, puis regarde sa sœur qui arrive, à son tour. « Me dit pas que c’est ton gosse ? » Elle a entendu la question de Cesar et surenchéri dans un rire. Rudy ne rigole pas, lui. Il avance dans l’entrée, oblige Cesar et Sara à se pousser pour qu’il puisse entrer entièrement dans l’appartement. Il se dirige vers le salon, ses yeux sur son fils. « Maman est pas là ? » Il demande. Il trouve que c’est bien trop calme : Alejandro n’est pas en train de jeter ses voitures contre le mur et Maria n’est pas en train de chanter une chanson à ses poupées. Ils ne sont pas là, il n’y a qu’eux. Il se retourne donc vers Cesar et Sara, une fois dans le salon, et va s’asseoir sur le canapé. Il en est encore au stade où il a peur de le casser, s’il le tient trop longtemps. Peur de le faire tomber, peur de faire un geste brusque, peur d’être de trop pour lui. « Tu devrais pas l’dire en rigolant. » Il dit, alors qu’il pose son regard sur Sara. « Jaime. » Il dit, alors que ses yeux bleus se posent de nouveau sur son fils. « Il s’appelle comme ça. » Il hoche légèrement son visage pour approuver ses propres dires. C’était son idée, ce prénom. Et il en est fier. « Jaime Gutiérrez. » Pour lever tous les doutes : oui, il s’agit bien de son fils. « Et avant d’me jeter quoi que ce soit à la gueule, j’suis au courant que depuis deux semaines. J’étais en prison pendant la grossesse, j’ai pu profiter d’rien. » Sa voix se brise presque quand il dit ça. Il aurait aimé être le genre de père qui murmure au ventre en espérant que l’enfant l’entende, à l’intérieur. « Vous connaissez pas la mère. » Il préfère le préciser tout de suite. Non, il ne s’agit pas de Lena. Et non, il ne compte pas leur dire de qui il s’agit. Erika n’est que la mère de son fils, elle n’est pas sa petite amie, pas son amie. Elle est presque une ennemie, à ce stade. Alors non, il n’a pas l’intention de parler de leur histoire – surtout quand on sait que c’est à cause de tout ça qu’il est parti en prison. Il relève les yeux vers eux, regarde l’un, puis l’autre. « J’vous présente votre neveu. » Qu’ils le veuillent ou non : Jaime fait partie de leur famille, désormais. Et s’ils n’aiment pas le père, ils devront accepter le fils. Parce que Rudy n’a pas l’intention de regarder son enfant se faire mettre de côté à cause de ses erreurs à lui.

@Cesar Gutiérrez @Sara Gutiérrez

Je jette un coup d’œil à Sara après avoir posé ma question comme pour lui demander « tu sais quelque chose toi ? ». Puisque ça a l’air d’être une habitude chez elle de faire des coups en douce et de nous mettre au courant beaucoup trop tard. Mais je vois bien dans son regard que cette fois elle est tout aussi paumée que moi.  « Me dit pas que c’est ton gosse ? » Elle accompagne sa question d’un rire nerveux et ça tombe bien, c’est la prochaine question que je comptais lui poser. Je regarde Rudy s’avancer et je me décale pour le laisser passer. C’est surréaliste comme scène. J’ai déjà vu Rudy porter des bébés, il s’est énormément occupé de Maria et d’Alejandro donc ce n’est pas nouveau. Mais je n’ai aucune idée de qui est ce bébé, comme à son habitude Rudy n’a pas prévu de sa venue et je jette des regards plein de questions à Sara. On se regarde avec des yeux de merlans frits en attendant que Rudy se décide à nous donner quelques explications qui s’imposent. « Maman est pas là ? » Rudy a sûrement dû trouver la maison trop calme pour que Maman et les petits soient présents et il a raison. Il se dirige vers la canapé et j’en profite pour lui répondre. « Elle est partie faire des courses mais elle en a pas pour longtemps. » Elle devait juste acheter de quoi faire le repas de ce soir et elle est déjà partie depuis dix bonnes minutes, il n’aura pas à l’attendre très longtemps. « Tu devrais pas l’dire en rigolant. » Oh merde. Donc Sara avait raison, c’est bien son enfant. Je dois faire une tête bizarre quand il nous balance ça parce que c’est une immense surprise. « Mais non ? C’est ton… fils ? Wow. » J’ai un bug au moment de dire ton « fils » parce que c’est tellement fou de me dire que mon frère est devenu papa. J’avais jamais vraiment pensé au moment où mes frères et sœurs décideraient d’avoir des enfants mais si j’avais dû miser sur lequel d’entre eux serait devenu parent en premier je n’aurais jamais pensé à Rudy. C’est peut-être l’aîné mais je ne l’imaginais pas vouloir fonder une famille ou quelque chose dans le genre. Ce n’est pas comme Alma où je sûr qu’elle rêve de pouvoir être maman un jour. Ou même Diego, il est très mature et réfléchi alors ça ne m’aurait pas choqué plus que ça, mais Rudy c’est différent. La transition avec la dernière fois où l’on s’est vus est radicale. Il y a un mois il me traitait de petit con en me menaçant physiquement et aujourd’hui je le vois dans notre salon avec un bébé dans les bras et une mine apaisée. J’ai l’impression de ne pas le reconnaître ou d’avoir raté plus qu’un épisode, comme si j’avais raté 10 ans de vie et de prise en maturité chez Rudy. « Jaime. » Je regarde à mon tour le bébé et je répète ce prénom en boucle dans ma tête. « Il s’appelle comme ça. Jaime Gutiérrez. » La famille s’est agrandie -encore- et même si j’ai déjà été grand frère deux fois avec Maria et Alejandro là tout est différent. Et puis il y a la différence d’âge, j’étais tout petit quand les deux petits sont arrivés. Là en regardant Jaime je vois les choses différemment et même si je ne le montre pas je suis ému de voir ça. « Et avant d’me jeter quoi que ce soit à la gueule, j’suis au courant que depuis deux semaines. J’étais en prison pendant la grossesse, j’ai pu profiter d’rien. » Je ne comptais pas lui faire de remarques mais c’est vrai que je me posais pas mal de questions vu qu’on était au courant de rien. Il fait bien d’anticiper en nous donnant -enfin- quelques explications. Même si je déteste toujours autant Rudy parce qu’il m’a fait énormément de mal, ce bébé n’a rien fait et une naissance c’est toujours beau. Et au-delà de ça on reste une famille, donc même si je suis toujours en colère contre Rudy je dissocie ce qui nous oppose en ce moment et ce qui nous lit encore plus aujourd’hui. Les liens du sang sont plus forts que les conflits et je ne peux pas être en colère contre lui, pas aujourd’hui. Je garde le silence et je hoche la tête, le regard fixé sur le bébé qui dort paisiblement. Je sens que lui aussi est ému quand il dit regretter de ne pas avoir pu être là pendant la grossesse. Même si on en parle jamais je sais qu’il a trop souffert de l’absence de Sergio et que ne pas avoir été là pendant la grossesse ça doit le ronger. « Vous connaissez pas la mère. » Et vu qu’il ne nous donne pas plus d’explications je pense que ça doit aussi vouloir dire qu’il vaut mieux qu’on ne la connaisse pas. Je ne pose pas plus de questions et je lui réponds simplement « Ok. » Pas un « ok je m’en fous » comme j’ai l’habitude de le faire mais plutôt un « c’est pas grave si t’as pas envie d’en parler c’est pas important ». « J’vous présente votre neveu. » Je suis tonton et j’ai toujours du mal à le réaliser. J’ai l’impression de prendre un énorme coup de vieux parce que je pensais que ça arriverait beaucoup plus tard. « Ah bah ça pour une surprise. » Je reviens un peu de mon mutisme et j’ai un léger rire nerveux. « J’aurais jamais imaginé te voir avec un bébé dans les bras à la maison. » Je m’approche à mon tour du canapé et je m’assieds à côté de lui. Je regarde Jaime et ce qui me frappe c’est la manière dont Rudy le regarde, il a l’air si apaisé, heureux et fier de son fils. « Je peux le prendre ? » Même si je râle beaucoup après Maria et Alejandro parce que la maison n’est jamais calme au fond j’aime bien être grand frère, m’occuper d’eux alors même s’il est encore tout petit et fragile j’ai envie de faire connaissance avec le nouveau membre de la famille. « Il est né quand ? » La surprise est toujours présente mais elle a fait place à la curiosité.

Je sentais bien dans le regard que me lançais Cesar qu’il pensait que j’étais une fois de plus au courant de tout ce qui se tramait dans cette famille. Cette fois-ci j’étais autant paumée que lui. Mon rire, nerveux de voir mon frère avec un bébé dans les bras, s’arrête aussi rapidement qu’il avait commencé quand je vois que ça ne fait pas vraiment rire Rudy lorsque je pose ma question et qu’il passe entre Cesar et moi pour entrer un peu plus dans l’intérieur de l’appartement. Le suivant aux côtés de mon petit frère, je tentais de comprendre la situation, et si je n’avais pas tort dans le fond « Maman est pas là ? » Je secoue simplement la tête, un peu comme si j’avais perdu ma langue, chose qui arrive très peu en temps normal « Elle est partie faire des courses mais elle en a pas pour longtemps » répond alors Cesar à Rudy qui s’installe tranquillement dans le canapé, tenant bien contre lui ce petit être sans défense. Mon regard était toujours porté sur eux deux à tour de rôle, cherchant à savoir si j’avais visé juste en ma question quelques secondes plus tôt. Il ne fallut pas longtemps pour que l’aîné ne reprenne la parole en me regardant « Tu devrais pas le dire en rigolant » Ecarquillant mes yeux, je me mets ma main devant ma bouche, choquée d’avoir visé juste. « Quoi ? » Je n’en croyais pas mes yeux et mes oreilles surtout et il semblerait que Cesar soit autant surpris que moi d’entendre Rudy nous annoncer cette nouvelle « Mais non ? C’est ton… fils ? Wow. » Je n’étais pas choquée négativement par l’annonce, simplement surprise de savoir Rudy papa. Lui qui a toujours été adepte des soirées dans lesquelles je m’incrustais toujours aujourd’hui se trouvait à devoir s’occuper d’un bébé. « Jaime » Son regard envers ce bébé, son bébé, parlait pour lui, je ne connaissais que trop bien Rudy pour comprendre à quel point ce petit être avait changé énormément de chose dans sa perception de la vie aujourd’hui. « Il s’appelle comme ça. Jaime Gutiérrez » Il avait dorénavant une toute nouvelle priorité dans la vie, cet enfant et de la manière dont il a eu à devoir gérer le rôle d’homme de la famille, d’aîné de la fratrie, je savais à quel point il sera un père génial pour ce bébé. Je pense qu’à cet instant précis, j’avais plus confiance en lui que lui-même n’avait confiance en lui. « C’est un super prénom » dis-je alors petit sourire aux lèvres avant de venir prendre place à côté de lui sur le canapé observant d’un peu plus près ce petit être sans défense. Et même si je savais que Rudy m’en voulait pour avoir ramené Sergio dans nos vies, il savait dans le fond à quel point je l’aimais lui et à quel point ce petit garçon j’allais le porter dans mon cœur comme chaque membre de cette famille si complexe. « Et avant d’me jeter quoi que ce soit à la gueule, j’suis au courant que depuis deux semaines. J’étais en prison pendant la grossesse, j’ai pu profiter d’rien. » Je regardais Rudy alors quand il nous balance cette information et forcément que j’allais lui demander pourquoi on ne l’a pas su plus tôt cette grossesse, je vois bien que ça le touchait de ne pas avoir su être présent lors de la grossesse. Il ne voulait pas répéter les erreurs qu’avait pu commettre notre père c’était certains et c’est pour ça que je savais que Jaime allait être vraiment chanceux avec Rudy comme papa. « Vous connaissez pas la mère. » Au moins nous aurons les réponses aux questions basiques que nous aurions pu lui poser du genre qui est la mère, pourquoi on ne le découvre que maintenant, il avait élucidé toutes ces questions avant même qu’on ne lui demande sachant très bien qu’il allait y avoir le droit. « Ok. » Cesar sort finalement de son mutisme et mon regard se pose sur lui, toujours debout à regarder Rudy et le bébé de loin, très certainement à encore réaliser toute cette situation « J’vous présente votre neveu. » Un sourire se dessine alors plus large sur mes lèvres et je reporte mon attention sur Jaime « Enchantée Jaime… Je suis ta tante Sara » dis-je alors en caressant délicatement sa joue de bébé encore bien endormie et apaisé dans les bras de son père. Même s’il n’avait pas pu être présent pendant la grossesse, il semblerait que Jaime ait tout de même compris que Rudy était son père et était vraiment apaisé dans les bras de son père. « Ah bah ça pour une surprise » Mon regard se pose sur Cesar que je n’avais pas vu ainsi depuis tellement de semaine. Ca me faisait plaisir dans le fond de nous voir tous les trois ainsi, ce petit bébé avait chamboulé la vie de Rudy c’est sûr, mais il allait je pense chambouler nos vies à tous. « J’aurais jamais imaginé te voir avec un bébé dans les bras » Enfin Cesar fini par nous rejoindre sur le canapé, s’approchant enfin du bébé « Je peux le prendre ? » Il était si beau ce bébé, je n’avais pas peur de le prendre mais il était si petit, si fragile que ça me faisait un peu peur quand même, Maria et Alejandro quand ils sont nés c’est pareil, j’ai eu énormément peur de les prendre. Je préfère de loin laisser Cesar ou n’importe qui d’autre le prendre ayant bien trop peur de lui faire mal, je ne suis pas celle qui est la plus à l’aise avec les bébés, mais pour Rudy et surtout pour Jaime je serai prête à faire des efforts. « Il est né quand ? » Mon regard était toujours posé sur ce bébé, ayant quand même un peu de mal à réaliser la situation, à réaliser qu’un nouvel enfant était parmi nous, une nouvelle génération de Gutiérrez était en train de prendre vie, espérant que cette génération ne subisse pas autant que nous.  « Ça veut dire que maman n’est pas au courant non plus ? » Réalisant qu’il faudrait peut-être la préparer au moment où elle passera le pas de la porte de la maison pour qu’elle ne nous fasse pas un arrêt cardiaque en nous voyant tous les trois aussi calme avec un bébé dans les bras. « Diego ou Alma sont au courant ou pas ? »

« Elle est partie faire des courses mais elle en a pas pour longtemps. » Ce sera donc une annonce en deux temps. Rudy se dit que c’est peut-être mieux ainsi, finalement. Il n’a pas de très bons rapports avec Cesar et Sara, en ce moment. Sa sortie de prison ne l’a pas aidé à voir les choses différemment et pour lui, ses deux frangins restent des enfants gâtés qui prennent les mauvaises décisions. Ils pourront revenir là-dessus plus tard mais aujourd’hui, le sujet est différent. Et Sara a essayé de deviner en lui demandant si c’était son gosse, elle ne pensait pas si bien dire. « Quoi ? » « Mais non ? C’est ton… fils ? Wow. » La bombe est lancée, elle n’explose pourtant pas : Sara et Cesar restent là, bouche bée, mais ne commencent pas à lui crier dessus. Il imaginait une réaction bien plus excessive que celle-ci. Il se dit que si Jaime n’était pas dans ses bras à cet instant, s’il avait annoncé sa naissance sans lui, la réaction aurait pu être totalement différente. Ce petit bout l’apaise lui, d’abord, mais a aussi un effet positif sur les autres Gutiérrez. « C’est un super prénom. » Un léger sourire traverse son visage quand il l’entend complimenter le prénom. Il est heureux d’avoir pu le choisir, tout comme il est fier qu’il ait pu lui donner son nom. Erika ne voulait pas qu’il fasse partie de sa vie et finalement, ce gamin a tout de son fils : reste à voir s’il aura ses yeux clairs et ses traits – et sa taille, parce que ce serait dramatique qu’il ait celle de sa mère. Il prend les devants en leur disant qu’ils ne la connaissent pas. Sergio et Alma savent qui elle est mais eux, ils n’ont jamais eu à la rencontrer. Du moins, il l’espère. Moins les gens savent et moins il y a de risques que sa tentative de chantage soit révélée au grand jour. « Ok. » Cesar acquiesce, Sara est venue s’asseoir à côté de lui. Personne ne s’énerve, personne ne pose de questions dérangeantes. Est-ce qu’il est en train de rêver ? « Enchantée Jaime… Je suis ta tante Sara. » Elle caresse sa joue du bout des doigts et Rudy ne bouge pas. Il est content qu’elle puisse le rencontrer de la sorte. Jaime dort encore mais ne va pas tarder à ouvrir ses yeux : Rudy le sent légèrement bouger entre ses doigts, signe que son sommeil est de plus en plus fragile. Les déplacements et les voix ne doivent pas aider. « Ah bah ça pour une surprise. J’aurais jamais imaginé te voir avec un bébé dans les bras. » La remarque fait rire l’aîné, qui relève ses yeux vers lui. « Moi non plus. » Il avoue. Il y a pensé, oui. Mais il ne croyait pas que ça allait réellement se réaliser – et pas aussi tôt. « Je peux le prendre ? » Il s’attendait à cette question. Il repose ses yeux sur son fils et hausse très légèrement ses épaules. Il y réfléchit réellement. Parce qu’il a peur de le casser, lui, mais il a encore plus peur de le confier à quelqu’un qui pourrait le blesser. Il sait que Cesar n’est pas malveillant et qu’il fera de son mieux, mais ça l’effraie. Pour une fois, Rudy ne pense pas qu’à lui-même et se surprend à être très protecteur envers son enfant. Mais il s’agit de son frère et s’il ne peut pas avoir confiance en lui, en qui le peut-il ? « Oui. Mais t'fais gaffe à sa tête. » C’est une phrase que tous les jeunes parents répètent un milliard de fois après la naissance de leur enfant. Il se tourne légèrement sur le canapé pour être correctement incliné vers Cesar et, délicatement, il pose Jaime dans ses bras. « Il est né quand ? » « Ça veut dire que maman n’est pas au courant non plus ? » Rudy se lève du canapé et recule de quelques pas pour pouvoir encrer cette scène quelque part dans son crâne. Sa sœur et son frère côte à côte, avec son fils dans les bras de l’un des deux. C’est une scène émouvante, même pour un type comme lui. « Diego ou Alma sont au courant ou pas ? » Il secoue son visage et se décide enfin à répondre aux questions. « Il est né le 17 Janvier. » Une date qu’il ne devra jamais oublier. Tous les anniversaires seront plus impressionnants les uns que les autres, il s’en fait déjà la promesse. « Maman ne sait pas, non. J’espère qu’ça va pas lui faire un choc quand elle va rentrer. Si l’un de vous peut gérer les petits le temps que j’lui parle, ça m’arrangerait. » Alejandro et Maria n’en auront rien à faire, eux, que Rudy ait un enfant. Ils ne se rendent pas compte de qui est réellement leur grand frère et ne comprendront donc pas à quel point c’est quelque chose d’étrange. « Alma sait. Elle connaît la mère, elle. » Il ne veut pas donner plus de détails. « Et Sergio la connaît aussi, donc j’l’ai croisé à la maternité. Ça a été l’premier à savoir. » Il soupire. « J’sais pas trop c’que je veux vis-à-vis de lui, mais on a tous l’même nom, j’suppose que j’vais faire un effort. » Si Sergio veut être dans la vie de Jaime, Rudy s’efforcera de l’accepter. « Et Diego ne sait pas, non. J’l’ai cherché à l’hôpital quand on était à la maternité mais j’crois qu’il était en congé. J’vais lui envoyer un message. » Il a répondu à tout. Ses yeux se posent de nouveau sur son fils qui, lui, a ouvert les siens. « Ça y est, c’est l’moment où il vous rencontre vraiment. » Et ça le fait sourire bêtement, Rudy, de voir son fils découvrir son oncle et sa tante.

@Cesar Gutiérrez @Sara Gutiérrez

J’encaisse doucement cette nouvelle pour laquelle je n’étais absolument pas préparé. La douceur du petit m’aide dans cette transition, il est si calme. Tout ceci semble complètement irréel mais maintenant je peux mettre un prénom sur ce nouveau membre de la famille surprise. « C’est un super prénom » Je hoche la tête, c’est un beau prénom elle a raison. Je ne connais pas la mère mais je suis contente que le petit porte un prénom qui rappelle nos racines. Jaime c’est un prénom est beaucoup plus classe que Dylan ou Kevin. Pendant que j’essaie de me faire à l’idée de ce prénom Sara s’approche du bébé. « Enchantée Jaime… Je suis ta tante Sara » J’en avais presque oublié les présentations. « Et moi je suis tonton Cesar. » C’est très bizarre pour moi de me dire que je suis tonton et ça l’est encore plus de le dire à haute voix. Je fais part à Rudy du fait que je n’aurais jamais imaginé le voir avec un bébé dans les bras. « Moi non plus. » Je regarde Rudy qui a un sourire béat devant Jaime et ça me fait plaisir de le voir dans cet état. Rudy s’est toujours occupé de nous mais je ne pensais pas le voir devenir papa. Je pensais que toutes les années qu’il avait passées à se casser le dos pour nous l’auraient dissuadé à vouloir fonder à son tour une famille. Visiblement ce n’était pas prévu mais voulu ou non on s’en fiche tant qu’il rayonne comme ça. « Mais bon c’est une bonne surprise. T’as l’air heureux. » J’imagine Rudy papa et plus j’y réfléchis et moins je me dis que c’est une catastrophe et une mauvaise idée. Il a toujours tout fait pour nous même quand on ne le lui rendait pas. Je repense à un de mes premiers souvenirs, je devais avoir 4 ans, ce qui doit remonter à 2005. Je me souviens vaguement être avoir désobéi à Rudy en montant sur une table et être tombé. Même s’il m’avait sûrement prévenu une dizaine de fois il a quand même pris le temps de sécher mes larmes et de soigner mes égratignures. Si le souvenir est un peu flou je me souviens très distinctement qu’il a été là pour moi, et ce n’étai que le début d’une très longue série. Alors finalement Rudy a peut-être fait des choix complètements stupide, il est aussi loin d’être parfait mais s’il y a bien une chose qu’il sait faire c’est prendre soin des gens qu’il aime. Je lui demande si je peux prendre Jaime dans mes bras et je sens bien qu’il hésite. « Oui. Mais t'fais gaffe à sa tête. » Je peux comprendre son hésitation, je sais qu’on devient toujours parano avec les bébés, je n'interprète pas du tout ça comme une marque de défiance ou quelque chose comme ça. « T’inquiètes. » J’ai déjà porté des bébés ce ne serait pas une première fois, mais le temps où je portais Maria dans mes bras ça commence à remonter. Rudy me met Jaime dans les bras et le cale dans mes bras avec beaucoup de douceur. « Ça veut dire que maman n’est pas au courant non plus ? » Bien sûr que non Maman ne sait rien, elle n’aurait jamais pu garder une information comme celle-là pour elle, elle nous en aurait forcément parlé. Quand elle rentrera tout à l’heure ça risque de lui faire un énorme choc. J’imagine déjà la scène « Salut mamie » et son regard plein d’interrogations avant de découvrir Jaime. « Diego ou Alma sont au courant ou pas ? » « Il est né le 17 Janvier. » Il y a quelques jours seulement donc et une semaine après mon anniversaire. Je mémorise cette date qui deviendra spéciale pour nous tous. « Maman ne sait pas, non. J’espère qu’ça va pas lui faire un choc quand elle va rentrer. Si l’un de vous peut gérer les petits le temps que j’lui parle, ça m’arrangerait. » Elle va avoir du mal à encaisser la nouvelle c’est certain mais je m’occuperais des petits, ça lui laissera du répit pour discuter avec elle et pour qu’ils ne gâchent pas cette première rencontre. « Je le ferai. Mais ça va lui faire un gros choc de savoir qu’elle est grand-mère. » J’ai tout autant de mal à me dire que ma mère est aussi une grand-mère maintenant que me dire que je suis un oncle. « ça fait très bizarre de dire grand-mère d’ailleurs. » « Alma sait. Elle connaît la mère, elle. » Je suis plutôt surpris qu’Alma soit au courant et pas nous. D’habitude on se dit tout -ou presque-, je suis très proche d’Alma alors c’est bizarre que je ne sois au courant de rien. « Ah bon ? » « Et Sergio la connaît aussi, donc j’l’ai croisé à la maternité. Ça a été l’premier à savoir. » J’essaie de refreiner un soupir quand il mentionne Sergio, il est vraiment partout. « Non mais qui est-ce qu’il ne connaît pas celui-là. » Ponctué d’un soupir parce que Sergio m’agace énormément et que plus le temps passe et moins je tolère sa présence. « J’sais pas trop c’que je veux vis-à-vis de lui, mais on a tous l’même nom, j’suppose que j’vais faire un effort. » Mouais. Je ne suis pas vraiment convaincu. Ce n’est pas parce que je porte son nom que je lui dois quelque chose alors qu’il n’a jamais été là pour moi et qu’il nous a abandonnés. Même si c’est difficile je ravale ma fierté, ce n’est ni le lieu ni le moment de critiquer Sergio. « A toi de voir. » Chacun est libre de lui parler ou non, il n’y a qu’à voir Sara qui elle a décidé de toujours le considérer comme un père idéal et elle est bien la seule à être assez naïve pour croire ça. « Et Diego ne sait pas, non. J’l’ai cherché à l’hôpital quand on était à la maternité mais j’crois qu’il était en congé. J’vais lui envoyer un message. » Je n’ai pas vraiment de nouvelles de Diego depuis un moment déjà alors je ne pourrais pas lui en dire plus. « Tu sais on le croise plus beaucoup non plus, il doit être occupé. » Même si je n’ai jamais été très proche de Diego parce qu’on est bien trop différents ça me manque de le croiser et ça m’a rendu un peu triste de voir que la table de noël n’était pas complète sans lui. « Ça y est, c’est l’moment où il vous rencontre vraiment. » Je me contente d’écouter, je préfère regarder Jaime et même si je ne l’avouerais pas forcément je suis déjà un peu gaga. « Il est beau. » Je relève la tête et je regarde Sara et Rudy, le temps passe vite, trop vite et c’est dans ces moments-là que je me dis qu’on grandit. Je pense à Alejandro et Maria et je sais qu’ils seront bientôt grands, là aussi ça me fera un coup de vieux. « J’en reviens pas que ce soit le début d’une nouvelle génération. Je crois qu’on devient vieux ça y est. » J’ajoute avec un petit rire mais il y a un fond de vérité, aujourd’hui les Gutiérrez s’est agrandie avec une nouvelle génération et même si tout n’est pas rose nous grandissons avec elle.

« Et moi je suis tonton Cesar. » Même s’ils se prennent souvent la tête, dans cette famille, il n’y a plus uni qu’eux. C’est ce que se dit Rudy en regardant son frère et sa sœur se présenter l’un après l’autre auprès de son fils. Ils ne sont pas d’accord sur tout, peut-être qu’ils ne l’ont jamais été sur quoi que ce soit en réalité. Mais ils s’aiment, même s’il est difficile de le montrer ou de le dire. Et c’est au travers de moment comme celui-ci qu’ils arrivent à se le prouver : personne ne le prend mal, tout le monde est calme, détendu. C’est apaisant, suffisamment rare pour être souligné. « Mais bon c’est une bonne surprise. T’as l’air heureux. » Il ne sait pas s’il est réellement heureux. Il aurait aimé épouser la mère de ses enfants, il sait déjà que ça ne se fera jamais avec Erika. Une part de lui l’aime encore, l’autre la déteste complètement. Il veut bien faire l’effort de la croiser pour le bien-être de son fils mais ne sera jamais capable de lui pardonner les mois qu’elle lui a volé auprès de sa petite sœur. « Ouais, p’t’être bien qu’ça ressemble à ça. » Le bonheur. Il n’en sait rien, il ne se rappelle pas de l’avoir déjà vécu sincèrement. « Le plus important c’est qu’ce soit lui. J’le veux heureux. » Il veut lui donner tout ce dont il a besoin, de ses premiers jours jusqu’à la fin des siens. Parce que c’est ce qu’un père est supposé faire avec ses enfants – ne pas prendre exemple sur Sergio, donc. Sara et Cesar lui demandent quand il est né et qui est au courant. Il leur avoue que leur mère ne sait pas encore – il ne se voyait pas l’invité à la maternité et la faire croiser Erika – et qu’il devra donc lui en parler quand elle rentrera. L’idéal serait qu’il puisse le faire sans avoir les petits dans les pattes. Eux qui, de toute manière, n’en auront un peu rien à faire de ce nouveau-né. Ils n’ont pas le recul nécessaire pour comprendre à quel point c’est exceptionnel de voir leur grand frère devenir père. « Je le ferai. Mais ça va lui faire un gros choc de savoir qu’elle est grand-mère. Ça fait très bizarre de dire grand-mère d’ailleurs. » Un sourire se dessine sur le visage de Rudy ; il imagine sa mère être appelée ainsi. « Elle aura un peu d’répit, j’pense pas qu’il s’mette à parler dans l’immédiat. Et la connaissant, elle va trouver une manière détournée d’se faire appeler. » Leur mère est encore jeune, magnifique ; elle est de ces femmes qui n’ont pas envie de vieillir. Elle voit les années passer au travers de ses enfants, oui, mais ne compte plus les bougies sur ses gâteaux d’anniversaire. Elle ne se fera pas appeler mamie, c’est sûr et certain. Si leur mère ne sait pas encore pour ce nouveau membre de leur famille, Alma et Sergio sont au courant. « Ah bon ? Mais qui est-ce qu’il ne connaît pas celui-là. » C’est une bonne question. Il semblait transparent, inexistant, et finalement les Gutiérrez se rendent peu à peu compte que leur père est quelqu’un d’important. Avec beaucoup de connaissances, beaucoup de pouvoir, beaucoup d’argent. L’homme insignifiant et perdu qu’ils s’inventaient pour se rassurer est mort, laissant place à un quelqu’un de totalement différent. Est-ce que ça donne un peu plus envie de le connaître ? Sûrement pas, c’est encore pire. Il a construit sa vie sans se soucier d’eux, jusqu’au bout. L’imaginer à la rue et pitoyable était un moyen de se réconforter : même ça, il n’a pas su leur laisser. Rudy avoue quand même à ses frangins qu’il ne sait pas ce qu’il est supposé faire avec lui. « A toi de voir. » Il soupire, se perd dans ses pensées une seconde. « J’regrette vachement qu’on en soit tous arrivés là. J’le contrôle évidemment pas, c’était son choix à lui.Et j’suis pas du genre à me poser des questions et à regarder en arrière mais ça, ouais, j’pense que c’est mon plus grand regret. Qu’il se soit barré, qu’on ait pas su former une famille. Jaime mérite pas d’grandir dans un truc toxique comme ça. J’veux pas lui imposer mes décisions et j’veux pas que d’autres le fassent. S’il veut connaître son petit-fils, il pourra. S’il le veut pas, qu’il aille s’faire foutre. Mais j’me dis que si ça avait été différent, s’il avait été toujours là, ça aurait été cool. On aurait pu être une famille vraiment… différente. C’est lui qui a tout envoyé en l’air, c’est lui qui essaie maintenant de tout raccommoder. J’dis pas que j’vais le laisser faire, juste que j’vais y réfléchir. Après tout, j’vous demande aussi beaucoup d’secondes chances. »  Il est impossible de comparer sa situation à celle de Sergio mais effectivement, dans les deux cas, les deux hommes doivent ramper pour récupérer l’amour et l’acceptation de leur famille. Ils ont la même, n’est-ce pas le moment de se serrer les coudes ? Rudy lui-même en doute, il tente quand même de parler, de se convaincre lui-même. Jaime ouvre ses yeux et fait oublier toutes ses questions au mexicain, qui regarde ce moment précieux : celui où son fils découvre enfin, pour la première fois, son oncle et sa tante. « Il est beau. J’en reviens pas que ce soit le début d’une nouvelle génération. Je crois qu’on devient vieux ça y est. » Rudy se pince les lèvres en regardant son petit frère. « Tu commences à peine à marcher, calme-toi. » C’est ainsi qu’il le voit, c’est ainsi qu’il le verra jusqu’à la fin de ses jours. « Moi j’approche d’la trentaine. C’est dingue. » Il avait l’âge de Cesar hier encore. Il faisait des conneries hier encore. Il n’avait pas la moindre responsabilité hier encore. Où sont passées leurs années ?

@Cesar Gutiérrez

« Ouais, p’t’être bien qu’ça ressemble à ça. » Voir Rudy heureux c’est quelque chose de nouveau, et même si la naissance de Jaime ne règle pas tous les problèmes de notre famille je vois bien que Rudy est fier de son fils et c’est tout ce qui compte. « Le plus important c’est qu’ce soit lui. J’le veux heureux. » Rudy a beaucoup de défauts mais on ne peut pas lui enlever ça : il se bat toujours pour sa famille. Il l’a fait quand Sergio s’est barré et il continue de le faire avec Jaime aujourd’hui. Il a tout fait pour qu’on ne manque de rien et pour qu’on ait une enfance normale dans le bordel qu’est notre famille et l’entendre parler du bonheur de son fils avant le sien ça me confirme qu’il n’a pas changé. “ça va te changer la vie tout ça.” Il s’est peut-être occupé de toute la fratrie mais Jaime est son fils, ce sera forcément différent et ça sera une énorme responsabilité pour lui. Sara demande si Maman est au courant, et évidemment qu’elle n’est pas au courant, elle n’aurait pas pu garder un secret pareil. Je propose de m’occuper des petits pendant qu’il ira lui parler, je pense qu’il a beaucoup de choses à lui dire et elle aura besoin de temps pour encaisser la discussion sans interruptions d’Alejandro ou Maria. « Elle aura un peu d’répit, j’pense pas qu’il s’mette à parler dans l’immédiat. Et la connaissant, elle va trouver une manière détournée d’se faire appeler. » Je hoche la tête. “Ah ça c’est clair, je pense que j’ai intérêt à pas l’appeler abuelita, elle va se vexer sinon.” Je l’imagine déjà me faire les gros yeux si je commence à l’embêter en l’appelant mamie. Et la discussion dévie sur Sergio, qui lui était au courant pour Jaime, comme d’habitude Sergio sait tout sur tout le monde. Rudy me fait part de ses hésitations sur le fait de le laisser entrer dans la vie du bébé ou non, de mon côté je ne suis pas convaincu. « J’regrette vachement qu’on en soit tous arrivés là. J’le contrôle évidemment pas, c’était son choix à lui. Et j’suis pas du genre à me poser des questions et à regarder en arrière mais ça, ouais, j’pense que c’est mon plus grand regret. Qu’il se soit barré, qu’on ait pas su former une famille. Jaime mérite pas d’grandir dans un truc toxique comme ça. J’veux pas lui imposer mes décisions et j’veux pas que d’autres le fassent. S’il veut connaître son petit-fils, il pourra. S’il le veut pas, qu’il aille s’faire foutre. Mais j’me dis que si ça avait été différent, s’il avait été toujours là, ça aurait été cool. On aurait pu être une famille vraiment… différente. C’est lui qui a tout envoyé en l’air, c’est lui qui essaie maintenant de tout raccommoder. J’dis pas que j’vais le laisser faire, juste que j’vais y réfléchir. Après tout, j’vous demande aussi beaucoup d’secondes chances. » Rudy qui s’ouvre et qui se confie sur ce qu’il ressent c’est très rare alors je le laisse parler, je ne veux pas l’interrompre. C’est si rare qu’on arrive à discuter calmement, j’ai pas envie de gâcher ce moment : la communication chez les Gutiérrez, ça a toujours été extrêmement compliqué. Je suis d’accord avec lui, les tensions et les épuisant. Je suis devenu fort en psycho en rassurant ma mère dans la cuisine jusqu’à 4h, elle me parle toujours des mêmes histoires de famille à force je les connais toutes déjà par coeur. Et j’en ai assez de cette situation, j’aimerais qu’on puisse vivre normalement. “Ouais j’aimerais que ça se passe bien entre nous tous. Je rêve d’un repas où on est tous ensemble et où tout se passe bien, comme une famille normale quoi.” L’inverse de ce qui s’est passé à l’anniversaire d’Alma et une ambiance qui ne serait pas bizarre comme à noël où s’il n’y avait pas eu de disputes l’atmosphère était électrique. “Je comprends pas toujours tes choix, mais j’aurais pas dû te dire tout ça l’autre jour, j’ai été con.” Les torts sont partagés, je lui en veux toujours de ne pas croire en moi et d’essayer de casser mes rêves à chaque fois et d’avoir été violent physiquement avec moi mais je sais que de mon côté j’ai été dur avec lui. Je regarde Sara et je lui dis en rigolant qu’on commence à se faire vieux puisque Jaime est le premier d’une nouvelle génération de Gutiérrez. « Tu commences à peine à marcher, calme-toi. » Je souris à sa remarque. “S’cuse nous l’ancien” Je le charrie à mon tour mais je comprends ce qu’il veut dire, j’ai pas vu Maria et Alejandro grandir non plus. « Moi j’approche d’la trentaine. C’est dingue. » “ça passe trop vite c’est fou.” J’ai 21 ans et j’ai l’impression que l’enfance est déjà bien loin pour moi. Malgré tous les problèmes qu’on a eu je me souviens qu’on était heureux quand même. Enfin c’est mon point de vue, en tant qu’enfant tout allait bien, Maman, Rudy et un petit peu Alma prenaient soin de moi et ça me suffisait. Je repense encore à ce souvenir quand j’étais encore tout petit, un souvenir attendrissant du lien qui nous unissait mon frère et moi. “Quand j’étais petit c’est toi qui me consolait. Je me souviens d’une fois, je devais avoir quatre ans quelque chose comme ça, je suis tombé d’une table et je me suis un peu ouvert l’arcade. Tu t’es tout de suite occupé de moi et t’as pris soin de moi.” Aujourd’hui tout est différent, on ne se comprend plus, la discussion calme et à cœur ouvert qu’on a maintenant relève du miracle, cela faisait bien longtemps que ce n’était pas arrivé. “Alors je m’inquiète pas pour lui. T’as toujours été là pour nous, t’as été plus qu’un frère pour moi alors je comprends que ça te fasse flipper mais je sais que tu feras tout pour qu’il soit heureux.” Et cette relation me manque, parce que malgré tout ce qu’il s’est passé, ce qu’on a pu dire sur le coup de la colère ou les erreurs qu’on a faites, Rudy reste mon frère et la famille c’est sacré.

« Ça va te changer la vie tout ça. » Cesar ne sait pas à quel point ça lui change déjà. S’il n’avait pas été dans le ventre de sa mère au moment où il l’a retrouvée, celle-ci aurait fini avec une balle logée quelque part et Rudy, lui, serait déjà de retour derrière les barreaux. Définitivement. Oui, Jaime lui change la vie et a probablement sauvé ses deux parents d’une fin certaine en arrivant à un moment où les deux ne s’y attendaient pas. Les seuls à le savoir et à en prendre pleinement conscience, ce sont donc le mexicain et Erika. Il l’espère, du moins, ne l’ayant pas réellement confié à qui que ce soit depuis que ça s’est passé. S’il a dit qu’il était prêt à faire une connerie, il n’a pas dit laquelle et ne compte pas se pencher sur le sujet une nouvelle fois. Rudy demande à son frère et à sa sœur s’ils pourront gérer les petits quand il annoncera à sa mère être devenue grand-mère. Il sait que c’est une étape importante de sa vie, elle qui aime tant ses enfants. Ça va lui faire bizarre de voir son fils devenir père, surtout celui-là en particulier. Elle ne l’a jamais dit à voix haute mais Rudy et tous les autres le savent, elle ne pariait pas sur lui pour lui donner une nouvelle génération de Gutiérrez. Pas le premier, en tout cas. « Ah ça c’est clair, je pense que j’ai intérêt à pas l’appeler abuelita, elle va se vexer sinon. » Il sourit en l’imaginant. Il a bien raison. Leur mère n’est pas un cliché de ces femmes qui ne veulent pas vieillir mais c’est certain qu’elle ne voudra pas se faire appeler mamie tout de suite. D’autant plus qu’elle a encore des enfants assez jeunes chez elle, ce serait d’autant plus étrange. Et s’ils mentionnent la grand-mère, il faut bien parler de l’autre moitié : Sergio. Rudy est très mitigé à son sujet. Il ne sait pas s’il a envie de lui accorder sa confiance, s’il est prêt à lui laisser cette chance. Et d’un autre côté, il est conscient que son fils n’a rien demandé dans toute cette histoire et qu’il est autant en droit de connaître son grand-père que sa grand-mère, même si son père ne s’entend pas avec eux de la même manière. Les histoires familiales qu’il va devoir porter sont déjà lourdes, doit-il lui rajouter une rancœur alors qu’il n’a même pas un mois ? « Ouais j’aimerais bien que ça se passe bien entre nous tous. Je rêve d’un repas où on est tous ensemble et tout se passe bien, comme une famille normale quoi. » « Et tu inclus Sergio là-dedans ? » Parce que si ce n’est pas le cas, cette discussion ne sert pas à grand-chose. Les grands peuvent prendre sur eux pour se retrouver tous ensemble, la preuve ici : personne n’a rien dit de déplacé, tout le monde fait des efforts. Rudy a promis d’en faire avec Diego également et, depuis, ils ne se sont plus jamais pris la tête. « Je comprends pas toujours tes choix, mais j’aurais pas dû te dire tout ça l’autre jour, j’ai été con. » Si c’est une forme d’excuses, qu’il ne s’attende pas à recevoir pareil en retour. « La prison a jamais été un choix. » Il tient à le souligner. « J’y pensais déjà plus. » Si Cesar semble ressasser ce qu’il s’est passé, Rudy a préféré avancer, lui. Il ne reste pas bloqué sur d’anciennes querelles, il se prépare déjà aux suivantes. C’est comme ça qu’il a survécu presque trente ans avec les Gutiérrez. Autrement, il se serait fait bouffer. « S’cuse nous l’ancien. » Trente ans, oui. Toujours autant de mal à y croire. « Ça passe trop vite c’est fou. » Hier encore, ils étaient à Acapulco. C’est ce qu’imagine Rudy alors que non, ça date d’il y a de très nombreuses années et ce temps est plus que révolu. « Quand j’étais petit c’est toi qui me consolait. Je me souviens d’une fois, je devais avoir quatre ans quelque chose comme ça, je suis tombé d’une table et je me suis un peu ouvert l’arcade. Tu t’es tout de suite occupé de moi et t’as pris soin de moi. Alors je m’inquiète pas pour lui. T’as toujours été là pour nous, t’as été plus qu’un frère pour moi alors je comprends que ça te fasse flipper mais je sais que tu feras tout pour qu’il soit heureux. » Entendre Cesar dire ces choses-là, ça fait plaisir à Rudy. Réellement. Parce qu’il a toujours l’impression que ses frères et sœurs ne retiennent que ce qu’il a fait de négatif, en oubliant tous les moments où il a été derrière eux. Oui, il a fait des conneries. Mais non, ça n’enlève rien aux sacrifices faits pour sa famille. Lui aussi a abandonné l’école – même s’il n’avait aucunes ambitions à ce niveau-là – pour aller travailler. Lui aussi a enchaîné les travails avant de rentrer pour leur faire à manger. Tout ce qu’ils ont l’impression de faire en ce moment, il l’a fait bien avant eux. Et avoir un peu de reconnaissance à ce sujet, ça fait plaisir. « Merci. » C’est tout ce qu’il trouve à dire. Un énorme raccourci de tout ce qu’il pense. Et vu que Rudy n’est pas le genre à remercier les autres – ou à s’excuser – il sait que Cesar le prendra forcément bien. La porte d’entrée s’ouvrent et les cris des petits qui arrivent en courant résonnent déjà dans le hall. « J’te reprends mister. » Il dit, en se penchant pour prendre Jaime des bras de son frère. « J’te laisse les gérer, du coup, j’vais voir avec elle. » Il prend son fils contre lui et commence à marcher vers l’entrée. « Maman ? Viens voir, j’ai quelqu’un à t’présenter. » Et ainsi, c’est désormais à sa mère qu’il va faire découvrir sa nouvelle raison de se lever le matin.

@Cesar Gutiérrez