@mabel griffiths

Avait-il sincèrement envie de rencontrer l’enfant de Mabel ? Non. Oui, peut-être, en réalité. Il n’en sait trop rien lui-même, mais la curiosité prend sans doute le dessus sur tout le reste. Après tout, il sait au moins qu’il pourra rentrer chez lui le soir même sans avoir le moindre enfant collé à lui, ce qui est une idée qui a toute de rassurante et d’apaisante. Il salue Mabel, prie pour que son mari soit absent, esquisse des sourires faussement comblés face à la vue d’un enfant aux joues bien trop larges pour la taille de son crâne et le tour sera joué. Rhett aura été polie, Mabel aura été comblée, et ils pourront continuer de se côtoyer comme s’il n’y avait rien de plus normal, après toutes ces années de silence et toutes ces autres de mensonges de la part de la blonde. C’est une visite de courtoisie, rien d’autre, simplement le genre auquel il ne peut réchapper lorsqu’un enfant naît dans son entourage. Joanne lui a déjà fait le coup une fois, mais fort heureusement le reste de ses amis semble aussi peu enclin que lui à fonder une famille ; et bientôt, il sera trop tard pour tout le monde.

Il n’aurait pas été capable de refuser l’invitation toute sa vie, alors autant s’y plier le plus tôt possible, une fois le choc de la naissance passé et avant que la petite chose ne devienne trop grande pour ne plus lâcher Rhett des yeux et lui balbutier des mots qu’il ne comprendra pas. Autant que possible, il souhaite éviter ce genre d’embarras, et tant que la fille de Mabel n’est qu’un bambin incapable de faire quoi que ce soit, cela lui convient parfaitement. Ainsi, c’est sur le perron de sa ville qu’il se tient désormais, se disant qu’il aurait dû lui ramener un cadeau bien différent que celui qu’il tient tant bien que mal dans une seule main, la boîte parfaitement cachée sous un papier cadeau qu’il n’a bien sûr pas fait lui-même. Ça, personne ne le saura, personne ne demandera non plus tant cela n’a aucune sorte d’importance. Le sportif a pris grand soin à Mabel de lui préciser le jour et l’heure de sa venue, tant pour s’assurer qu’il ne la dérangerait pas que pour espérer que son mari soit ailleurs, n’ayant absolument aucune envie de rencontrer l’homme avec qui elle partage sa vie désormais. Ce serait bizarre, ce serait gênant et, surtout, c’est totalement évitable.

“La nouvelle maman.” qu’il annonce lorsque la silhouette de la blonde se dégage de la porte d’entrée, l’immense ventre qu’il lui avait récemment connu ayant presque disparu. Aujourd’hui, elle ressemble bien plus à la Mabel qu’il a connue et toujours côtoyée. “Tu vas bien ?” La réponse se résumera sans doute à ‘non, mais ça en vaut la peine’, raison pour laquelle Rhett attend une réponse sincère de sa part et n’a jamais trouvé cette question aussi nécessaire. Pourtant, il ne peut s’en tenir à des mots aussi basiques et impersonnels, conscient que ce n’est pas un sourire de sa part qui saurait totalement le sortir d’affaire. “J’ai ramené ça. C’est pour elle mais du coup… bon.” Mais elle est encore bien loin d’être en âge de pouvoir ouvrir un papier cadeau et encore moins de comprendre la notion de cadeau, alors pour le moment encore c’est à Mabel qu’il tend le paquet léger comme une plume, contenant un doudou sans doute aussi grand que Rosalie.

« Rhett, je suis contente de te voir ! » Mabel s’extasie déjà alors qu’il ne se trouve encore que sur le pas de la porte, il esquisse donc un sourire aussi sincère que possible - à en juger par les circonstances, il se contente surtout de faire avec ce qu’il a sous la main. Heureusement qu’il a fait des réserves avant de venir, ayant déjà anticipé que cette rencontre aurait tout de bizarre. S’il fait autant d’efforts, ce n’est que parce qu’il sait à quel point c’est important pour son amie et à quel point cela lui fait plaisir qu’il rencontre sa fille. Ce sont deux portions de sa vie qui semblent enfin accepter de se réconcilier, sûrement, ou une connerie dans le genre. “Moi aussi.” Le brun avance donc à son tour, bien plus sur la retenue, sans pour autant avoir à lui mentir. Il est toujours heureux de la retrouver, parfois il préférerait simplement que cela ne se produise pas dans la maison conjugale. Mais puisqu’il est maintenant sur place, occupé à triturer son cadeau entre ses mains fatiguées par la pratique du sport, il ne peut plus revenir en arrière.

Alors, tout ce qu’il peut faire pour commencer, c’est au moins s’assurer que Mabel se porte bien malgré la présence nouvelle du bambin dans sa vie: entre l’accouchement en lui-même et la fatigue accumulée, en plus des biberons et des hurlements à tout va, il ne peut que se douter que les jours sont parfois compliqués. « Bien est un grand mot ! Mais Rosie a à peu près trouvé un rythme et je dors un peu mieux, donc ça va pas trop mal » Alors il hoche la tête, heureux de l’entendre autant que de rentrer chez elle, non sans prendre le temps de vérifier si son mari n’est effectivement pas dans les parages. « Et toi, comment tu vas ? » - “Bien, bien. J’ai pas de nourrisson qui pompe toute mon énergie.” Il annonce, esquissant un sourire. Il n’a jamais eu besoin de bébé dans sa vie pour être assez doué pour la foutre en l’air tout seul, à vrai dire. Au moins, être père aurait pu être une certaine excuse pour abuser d’autant plus des anti-douleurs, voire même peut-être de l’alcool aussi. Mince, il a sans doute manqué une belle opportunité, maintenant qu’il y pense.

C’est finalement avec une certaine appréhension que l’australien fait glisser le cadeau entre les mains de la jeune mère, lui expliquant qu’il est bien plus pour sa fille que pour elle en réalité. A vrai dire, elle s’en rend rapidement compte à l’instant même où elle ouvre la boîte pour découvrir une simple peluche, de taille raisonnable et sans la moindre fioriture. Pour une fois, Rhett a estimé que la simplicité était la meilleure solution, et cela n’a rien à voir avec une envie de sa part d’offrir un cadeau de piètre qualité à la nouvelle née. « Elle est adorable cette petite peluche ! J'ai hâte de voir Rosie jouer avec ! Quoi qu'il va peut-être falloir qu'elle gagne en force d'ailleurs. » Sans doute, oui, mais il a préféré lui acheter un jouet qui lui servira plus longtemps et avec lequel elle pourra tisser un certain lui plutôt qu’un bout de tissu ou Dieu sait quoi encore qui ne lui aurait servi que quelques semaines tout au plus. “Et quand elle commencera à se carapater de partout, tu regretteras qu’elle ait gagné autant de force.” Tous les parents voudraient pouvoir figer leur progéniture à un certain âge pour éternellement profiter de leur mine ronde et leurs grands yeux curieux - et surtout d’une bouche qui ne profère ni insultes, ni reproches. C’est quelque chose que tout un chacun sait parfaitement, n’allez pas croire que Rhett se soit réellement renseigné sur le sujet. “C’est un dragon, la peluche. Pas un serpent ou une connerie dans le genre.” Parce qu’elle a été un peu aplatie pendant l’emballage, mais il tient à préciser qu’il a choisit la plus jolie de tout le rayon - et la moins possiblement effrayante pour un esprit d’enfant aisément manipulable. « Merci beaucoup ! Tu n'étais pas obligé, mais c'est adorable d'avoir choisi un cadeau pour elle ! » Il esquisse un sourire poli, ne se voyant pas tirer plus de mérite de ce simple cadeau. De toute façon, il ne se serait pas imaginé arriver les mains vides, et une peluche est ce qui lui a paru le plus sensé à offrir. “J’en ai reçu une à ma naissance. Un chien. Je te laisse deviner pourquoi j’ai rendu fou mes parents pour qu’on en adopte un vrai dès que j’ai su parler.” Le sourire, cette fois-ci, se veut bien plus amusé. Au moins, Rosalie ne devrait pas risquer de lui demander d’adopter un dragon. Normalement. Après tout, Ruben était bien assez borné et stupide pour vouloir adopter un rat, et Rhett a toujours pensé que ce n’était pas par amour pour l’espèce ni même pour les films Harry Potter mais bien parce qu’il voulait faire des expérimentations dessus. Rhett, lui, n’a jamais réellement abandonné l’idée d’avoir un chien, jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge adulte et se rende compte de toutes les responsabilités que cela pourrait impliquer: finalement, il vit tout aussi bien sans le moindre animal à ses côtés.

« Je dois t'imaginer dans un magasin de jeux, à comparer toutes les peluches pour choisir la meilleure ? T'es un super tonton pour les bébés de ton entourage ! » - “Je fais des efforts parce qu’elle est ta fille, mais ni Ruben ni Ethel n’ont encore eu l’idée d’avoir des enfants.” Alors Dieu soit loué, il n’est pas tonton, et avec un peu de chance cela n’arrivera même jamais. Pourtant, il craint déjà que Ruben ne mette à mal son plan pourtant si parfait, là où Jackson avait déjà décidé de donner naissance à une fille, faisant de Riley une sortie de demie-nièce, dans la mesure où il n’avait qu’un seul parent commun avec son père. Une demie-nièce, c’est déjà bien assez de problèmes à gérer ; et une demie-nièce dont le père est mort subitement, n’en parlons pas. “Mais mon frère s’est fiancé, alors ça veut peut-être dire que sa copine est déjà enceinte.” Il a un rire mauvais, nécessaire dès qu’il est question de son cadet trop parfait. “Tu pourras lui donner quand elle sera un peu plus grande, si tu as peur que la peluche ne soit pas adaptée pour le moment encore.” Le brun propose, ne voulant pas s’imposer et encore moins rendre Mabel mal à l’aise si elle craint pour le bien-être de sa fille, pour une raison ou une autre. Au fond, ce n’est peut-être qu’une excuse pour découvrir où se trouve le bambin, mais ne le pensez pas trop fort non plus.

La pièce sent le bébé. Personne ne le dit jamais, ça, que les enfants ont une odeur particulière (et promis, ce n’est pas une façon de dire qu’il faut changer leur couche). Rhett ne saurait dire si elle le rassure ou lui donne une furieuse envie de s’enfuir, mais c’est sans doute quelque chose entre les deux, un état d’esprit sur lequel il n’arrive pas à poser de mot et ne cherche pas à le faire non plus: de toute façon, il ne voit pas assez d’enfants pour s’y habituer. Ce qui lui importe surtout, c’est de savoir si Mabel se porte bien ; ou tout du moins le mieux possible, à en juger par les circonstances. « Je dirai que... Un nourrisson ne fait pas que pomper de l'énergie. Je suis fatiguée, hein, je vais pas dire le contraire. Mais la sentir se lover contre moi quand elle a fini de manger, ou se calmer directement quand elle me voit. Pardon, je sonne comme une mère gaga, non ? » Il esquisse un sourire poli, ne pouvant que comprendre la première partie de ses explications et certainement pas la seconde. Avoir un nourrisson contre soi, c’est prendre le risque de le faire tomber, qu’il vomisse, qu’il se mette soudainement à pleurer sans aucune raison, qu’il ait de la morve sortant du nez, soit autant de raisons ne laissant pas l’australien avoir la moindre envie de ressentir ce genre d’instants privilégiés. Il sait bien sûr qu’elle ne voit pas les choses de la même manière, Olivia étant son enfant et la chair de sa chair, mais pour sa part il ne se veut pas animé d’aucun instinct paternel. “Comme une mère tout court.” Il la rassure quant à l’image qu’elle donne, son sourire en coin étant cette fois-ci bien plus sincère. Le chemin qu’elle emprunte ne le fait pas l’envier, c’est certain, mais s’il convient à Mabel et la comble alors c’est sincèrement tout ce qui lui importe. Il repense à leur histoire passée avec un point de vue différent, maintenant, voilà tout. “Tu te diras bien vite que ça en valait la peine.” Tout ce sommeil perdu qu’elle ne retrouvera jamais, parce qu’aux pleurs nocturnes se subtiliseront bien rapidement les escapades de l’enfant devenue adolescente, perpétuellement occupée à braver les interdits.

Mabel ouvre le cadeau sous ses yeux, laissant la peluche (sans doute un peu démesurée) se dévoiler petit à petit. « Si elle demande à adopter un dragon, je te laisserai gérer ! Moi, je voulais d'un Mushu quand j'étais gamine, et j'ai été triste d'apprendre qu'il n'existait pas en vrai... » Le sportif rigole bien volontiers, doutant pourtant sincèrement que ce soit une bonne idée de le laisser en face à face avec un enfant pour lui expliquer que la vie n’est pas semblable à ses rêves. Il serait trop dure, et ne parlons même pas de tous les exemples qu’il pourrait lui déballer volontiers pour prouver son point. Il n’est pas comme Hassan qui laisse les têtes blondes gagner des points sur le terrain simplement pour leur faire plaisir ; ils apprendront tôt ou tard que personne ne le fera de cadeau dans la vie, alors autant que ce soit tôt. “Je serais prêt à teindre un chien avec les mêmes couleurs pour lui faire plaisir.” Et pourtant, c’est aussi vrai que toutes les pensées qu’il a eues dernièrement: il n’aime pas les enfants, mais jamais il ne souhaiterait leur malheur. Après tout, il a aimé jouer son rôle de grand frère auprès de Ruben et d’Ethel, quand ils n’étaient encore qu’hauts comme trois pommes et pas contrariants. “Même si ça veut dire vous donner un chien aussi, et je suis pas sûr que ce une si bonne idée que ça au final.” Pas qu’ils ne sauraient pas s’en occuper, mais bien parce que c’est le genre de cadeau empoisonné dont elle devrait s’occuper quotidiennement pour les dix années à venir. Un peu plus contraignant qu’un bouquet de fleurs, en somme, mais toujours moins qu’un gamin collé à ses basques jusqu’à la fin de ses jours. « Au moins, c'est pas un serpent... Je déteste ces bestioles, quand ça se cache dans les fourrés et que tu trébuches dessus au dernier moment. » - “C’est sûr que c’était moins un problème, à Londres.” Il reprend, amusé, le regard brillant. Ils peuvent critiquer l’Australie autant qu’ils le veulent, n’en reste pas moins que cette terre les a vu grandir et qu’elle les retrouve aujourd’hui.

« Il paraît qu'il ne faut pas de peluches dans le lit tant qu'ils n'ont pas la capacité de pouvoir la repousser. Mais rien n'empêche de jouer avec sur les temps d'éveil. Et c'est tout coloré, ça va attirer son regard ! » Autant de choses qu’il ne savait pas, bien sûr, mais il hoche la tête comme si ces mots coulaient de source. Une part de lui admire toutes les informations que doivent assimiler les parents à la naissance d’un enfant, et tout autant au long de sa vie et son évolution. “Faudra qu’elle lui donne un nom, un jour.” Dans… un an ? C’est l’âge à partir duquel peuvent parler ces petites bêtes, alors Rhett espère bien que son cadeau l’intéressera toujours d’ici là et qu’elle l’aimera assez pour lui faire l’honneur de porter un nom. Ce sera un nom stupide, comme tous ceux donnés par des enfants, mais même lui serait capable de s’attendrir face au choix proposé.

Son insouciance s’envole à la seconde même où des pleurs se font entendre dans le babyphone, lui rappelant bien malgré lui qu’ils parlaient d’un bébé bel et bien présent. Le bout de sa chaussure tape doucement contre le sol alors qu’il attend seul pendant quelques secondes, sans doute désolé de déjà devoir dire adieu à ce tête à tête avec Mabel. Pour peu, il ressemblerait à un adolescent intimidé à l’idée de se rendre à son premier rendez-vous amoureux, si on omet le fait qu’il n’y a pas le moindre détail qui s’y rapproche, pas même le fait qu’il ait déjà été intimidé par une telle chose. « Voici ma petite merveille » Et enfin, il laisse ses yeux bleus remonter dans ceux du bambin, tout aussi clairs pour le moment encore. Le sourire qu’il lui tend n’est pas aussi assuré que l’est généralement Rhett, mais il a au moins le mérite d’être sincère. Pour peu, il la trouverait réellement mignonne, toutes proportions gardées étant donné que tous les enfants se ressemblent à cet âge. « Je te propose pas de la prendre ? » Il ouvre la bouche, la referme, prend plutôt le temps de réfléchir aux mots qu’il pourrait partager avec la jeune mère qu’il regarde déjà à nouveau. “Elle se remettrait à pleurer.” En d’autres termes: non. Parce que Rosalie sentirait son mal-être, parce qu’il ne la tiendrait pas comme il faut, parce qu’il n’a certainement pas la même odeur rassurante que sa mère. Alors non, en effet, il vaut mieux qu’elle ne lui propose rien. “Tu veux t'asseoir ?” Mabel est peut-être chez elle, mais cela ne l’empêche d’inverser momentanément les rôles et de lui proposer le canapé du salon d’un signe de la main. Après tout, elle n’a rien à gagner à porter sa fille debout. “Elle a l’air adorable.” Il annonce enfin, se rendant compte après de longues secondes qu’il n’a pas fait le moindre commentaire à propos de l’arrivée de l’enfant et que ce n’est sûrement pas bien vu. Après tout, il n’a rien contre elle et ne voudrait pas que Mabel commence à le penser - pas alors qu’ils font déjà du mieux qu’ils peuvent pour passer outre une histoire difficile. “Elle doit vous rendre gaga, avec ton mari.” Rhett s’avance donc, tentant sans doute par la même occasion de savoir si l’homme en question est aussi ravi que l’actrice à l’idée d’accueillir un nouveau membre dans leur foyer. "Il sait que je suis là, d'ailleurs ? Ou je le saluerai une autre fois ?" Les conseils d'Hassan ; le voilà qui les applique enfin, mine de rien, trouvant l'excuse de vouloir saluer son mari pour en apprendre plus à propos de leur relation.

Les souvenirs australiens de la jeune femme le laissent songeur. C’est une vie à laquelle il s’est habituée en grandissant et laquelle il n’a pas été choqué de retrouver en rentrant au pays, mais il ne peut que comprendre le genre de situation qu’elle décrit, ne gardant pourtant pas pour lui un certain sourire moqueur. « Mais je crois que Londres ou ailleurs, il n'y a nulle part ailleurs qu'en Australie où tu peux te retrouver avec des reptiles dans tes toilettes et des kangourous bagarreurs sur ta pelouse ! » - “Bon point.” La circulation, le mauvais temps, l’accent incompréhensible de ses habitants et la pollution de Londres continuent pourtant de lui manquer, c’est plus fort que lui. L’odeur de l’herbe mouillée, les maillots, les coupes, les gradins, l’ambiance des stades. En somme, tout ce qui n’est plus d’actualité aujourd’hui et tout ce qui n’a pas sa place dans ses pensées alors qu’il passe un peu de temps avec Mabel.

Leur activité principale consistant en un géant puzzle à faire à deux pour combler les non-dits de leur relation et les difficultés de cette dernière, Rhett fait de son mieux pour y ajouter un petit sourire en coin qui se veut sincère. Ce dernier se fige lorsque les cris de sa fille se font entendre et il renaît artificiellement seulement lorsqu’elle la lui présente finalement dans ses bras, nourrisson semblant pourtant infiniment minuscule en cet instant. Déclinant poliment l’invitation à la tenir contre lui, l’australien préfère encore proposer à la jeune mère de se reposer autant que possible et ainsi s’asseoir contre le canapé de son propre salon. Il observe le duo d’un sourire sans doute attendri et quand bien même il n’a jamais été du genre à prendre soin aux détails, il n’a jamais observé Mabel prendre autant de soin pour simplement se poser contre un canapé. Avec sa fille entre les bras, tout est différent désormais. « Tu sais, tu as le droit de dire qu'elle ressemble à tous les enfants. Je sais que pour toi, ils deviennent intéressants quand ils sont majeurs et autonomes » Mabel plaisante peut-être, mais il est encore largement réticent à l’idée de s’engager dans la même voie qu’elle: seules les mères peuvent se moquer de leur enfant, il n’est pas stupide au point de ne pas l’avoir compris. “J’ai pas vraiment d’enfants dans mon entourage, tu sais, alors je risque pas de la comparer à qui que ce soit.” Il a les enfants de Joanne, il a les neveux d’Hassan (sans doute qu’ils commencent déjà à être loin de son quotidien, déjà). Et c’est sans doute tout, à vrai dire. Tant mieux, sans nul doute. Il aime les enfants cités parce qu’ils sont proches de ses meilleurs amis, plus ou moins la chair de leur chair selon la personne, et c’est sûrement la seule et unique raison pour laquelle Rhett ne se sent pas totalement perdu en leur présence. Avec eux, c’est différent ; avec Rosalie, cela reste à voir.

Alors, quitte à ne pas être maître de la situation et à détester les sujets abordés, Rhett préfère encore pouvoir décider de ce dont il est question, raison pour laquelle il aborde le sujet de son mari grâce aux conseils de son ami professeur. « Bien sûr qu'il sait. Pourquoi je le lui aurait caché ? » A question franche, réponse franche. “Parce que je me dis qu’à sa place, j’aurais pas apprécié que je rencontre ta fille.” Et qu’il la retrouve, elle. A sa place, il n’aurait pas apprécié grand chose, en réalité, sans doute bien peu axé sur les sentiments et l’idée de vouloir faire ami-ami avec ses ex. Il hausse les épaules, ne cherchant pas davantage à continuer la discussion. Si son mari n’y voit pas d’inconvénient, Rhett serait bien le dernier à vouloir créer le moindre problème. « Tu voudrais le rencontrer ? » De gros yeux, voilà ce qu’il finit par afficher face à la jeune femme, après s’être à son tour posé contre le canapé. “Honnêtement ? J’imagine que je manque aussi peu à sa vie que lui à la mienne.” Il serait cordial s’il en venait à l’avoir face à lui, mais loin de lui l’idée de vouloir le rencontrer. C’est un concept stupide, que de présenter artificiellement ses proches les uns aux autres, surtout alors que Rhett a justement perdu le statut de ‘proche’ il y a de nombreuses années de ça. Qui plus est, il ne veut pas savoir ce que son mari sait de lui, tout comme il ne veut pas être celui qui aurait à lui expliquer quoi que ce soit de sa vie. Mabel connaît bon nombre de ses aspects les plus sombres, il ne veut pas croire qu’elle aurait pu lui en toucher quelques mots. “Je veux bien faire des efforts et y aller pas à pas, mais ça serait trop me demander.” Il confesse finalement, toujours honnête. Pour faire simple: non, il n’a aucune envie de rencontrer l’homme avec lequel elle partage désormais sa vie. “On se croisera peut-être à un événement.” Et ils se diront bonjour pour finalement passer à autre chose ; voilà le genre de rencontre que Rhett a envie de connaître. Rien de plus.

Peut-être que l’idée d’Hassan n’était pas si génialissime, au final. Ou peut-être que Rhett aurait dû y mettre quelques formes supplémentaires - ce qui, là non plus, n’aurait pas été une mauvaise idée, il y pense simplement un peu trop tard. Il voudrait bien dire qu’il apprend de ses erreurs et fera mieux la prochaine fois mais il ne fait pas l’un, ni l’autre. Pitié, qu’il n’y ait jamais de prochaine fois, d’ailleurs. « On se fait confiance » Tant mieux pour eux, sûrement. Le journaliste ne voulait pas sous-entendre le contraire ; et quand bien même c’était le cas, les problèmes de couple de son ex ne le regardent en lien. Surtout quand il l’appelle ‘son ex’, justement, cela ne fait que souligner davantage le fait qu’il devrait se tenir loin de cet aspect de la vie de Mabel. Que les choses se passent bien ou non pour elle, cela ne le regarde pas le moins du monde. « Je ne sais pas si vous vous croiserez un jour. » Il avait énoncé la possibilité d’une rencontre hasardeuse sans grande conviction à son tour, et demandez lui si cela le chagrine le moins du monde: la réponse est non, absolument pas. S’il promet de ne pas vouloir en coller une à son mari (a-t-il un nom, cet homme ?) au premier coup d'œil, Rhett est aussi d’avis de ne pas provoquer le Destin pour autant. Ce n’est pas l’âge qui le fait revenir sur cette certaine tendance qu’il a à réagir abruptement. “On verra bien.” On verra bien, soit trois mots pour tenter de faire des efforts alors que leur discussion ne dure pas assez longtemps pour déjà avoir le droit de dégénérer, ce qu’elle est lentement mais sûrement en train de faire.

Contre son torse, sa fille s’agite doucement, laissant Rhett comprendre sans le moindre mal qu’il est sans doute coupable de cette réaction naturelle et instinctive. Son ton de voix a changé depuis qu’il est arrivé dans leur maison, et à défaut de comprendre beaucoup de choses, elle l’aurait sûrement décelé. « C'est juste que je suis surprise que tu en parles, alors que les fois précédentes, tu semblais plutôt mal à l'aise à évoquer ma vie actuelle. » - “Parce que le seul mari que je connais un tant soit peu dans mon entourage, j’ai absolument rien de positif à dire sur lui et voir la moindre photo à son sujet me donne envie de l’éclater au sol. Et c’est la même chose dès qu’on se voit en face à face, d’ailleurs, ce qui est donc aussi rare que possible.” Il énonce calmement, ne précisant pas le prénom de la personne dont il parle: elle sait qui est Joanne, elle sait qui est Jamie. Elle n’écoute pas souvent ce qu’il dit mais ça, il sait en avoir bien trop parlé pour que même elle puisse décemment l’ignorer encore. Mais il fait des efforts, Rhett, regardez: il n’est pas en train de virer au rouge et ne sèche pas ses mains moites de rage contre son pantalon. “Ecoute, il est père, frère, mari, directeur d’une fondation à la con, riche comme Crésus et de bonne famille. Tu vois, l’homme parfait en apparence. Et pourtant c’est bien loin d’être la vérité, parce que c’est facile de donner une bonne image le temps d’une interview mais ça n’a pas à refléter la personne qu’on est réellement. Il est profondément mauvais, et j’ai juste pas envie que tu vives avec une personne du même genre.” Quand bien même il n’a aucune raison de penser qu’elle soit dans une relation abusive, quand bien même rien ne le laisse présumer que leur relation ait quoi que ce soit de négatif non plus. Il s’en fait pour elle, tout simplement, parce qu’il n’a jamais su lire les moindres signes de la vie mais souhaite tout de même toujours le meilleur à ses proches, même ceux qui ont un don certain pour le faire souffrir. Une bonne poire et une cinquième roue du carrosse, voilà ce qu’il est. « J'essaye juste de comprendre tes questions, je suppose. » Il n’y a rien à comprendre, justement. C’est Rhett. Il agit instinctivement parce qu’il ne sait faire que ça, et ce n’est qu’ensuite qu’il observe les conséquences de ses actes et s’occuper de réparer les pots qui peuvent encore l’être.
« Tu pensais que je te voyais dans son dos ? » Mabel est bien trop calme alors qu’elle profère une accusation dans le genre. Le sportif, lui, étouffe un rire qui n’a pourtant rien d’amusé. Sans doute est-il plus outré qu’autre chose, en réalité. Ce n’est pas comme s’il avait un jour été doué pour poser des mots sur ses sentiments, de toute façon, et encore moins dès qu’ils se rapprochent de près ou loin de la jeune femme blonde. « Je sais que j'ai de mauvais côtés, mais je n'aurai pas revu un ex sans lui en parler. Et surtout, je ne t'aurai pas invité chez nous sans qu'il ne le sache. » - “Ça va, ça va, arrête tes jérémiades. C’est pas ce que je dis.” Il roule des yeux, n’ayant toujours pas gagné la moindre once de patience depuis toutes ces années. Qu’elle insinue qu’il aurait le mauvais rôle dans toute cette histoire ne fait qu’agacer l’aîné Hartfield. “Je fais que poser des questions, c’est tout. C’est pas comme si j’avais aucune idée de comment fonctionne votre couple.” S’ils sont heureux, s’ils prévoient déjà un autre marmot, s’ils ont des projets d’avenir. Et il ne sous-entend pas qu’il voudrait en savoir davantage, simplement qu’il n’a rien sur quoi se reposer pour savoir ce à quoi ressemble le quotidien de son amie. “Pourquoi tu m’as invité ? C’est tout ce que je me demande, au fond.” Est-ce qu’elle cherche à lui donner de nouveau une place dans sa vie, aussi infime soit-elle ?

Assez parlé de Jamie à ses yeux, Rhett ne relève donc pas les commentaires que la jeune femme ajoute de nouveau à son sujet. Il n’y a rien à dire de plus, ce n’est pas non plus un sujet de discussion nouveau au sein du duo, anciennement couple. Fut un temps où ils n’avaient que ça à faire, justement, se raconter des choses. « Hey, du calme, je comprends que tu aies pu être inquiet pour moi, et c'est une douce attention. » Il ne l’aurait pas dit comme ça et il ne le dira jamais comme ça non plus, justement, mais sans doute n’ira-t-il pas contre le fond de sa pensée non plus. Bien sûr qu’il continue de s’en faire pour elle, même si certains de ses amis étaient d’avis qu’elle méritait de brûler vive sur un bûcher - et qu’il l’a lui aussi pensé, fut un temps, il faut bien l’avouer. Aujourd’hui, Rhett se veut bien plus en paix avec leur histoire, à défaut de l’être avec son passé. Pour autant, les paroles suivantes ont tout pour le prendre de court, et pour peu il en aurait oublié le franc parler de Mabel qui s’applique même aux sentiments: une chose que lui ne connaît pas ; sans doute parce qu’il peine à déjà poser un mot sur ces derniers dans son propre esprit. « Ah, je ne pensais pas être si mystérieuse, ou que cette question te turlupine autant. Bêtement, je pensais que notre relation se dirigeait vers de l'amitié. Et en bonne mère un peu gaga de sa fille, j'ai aussi envie de la présenter à tout le monde. » L’émotion s’entend dans la voix de la jeune mère alors que Rhett ne sait pas quoi en faire, ayant sans doute un peu trop l’impression de devoir gérer une patate chaude entre les mains. Elle ne l’a pas habitué à s’ouvrir autant à lui, encore moins aussi soudainement - et surtout pas alors qu’il est question de son enfant. “C’est de l’amitié.” Il annonce alors, faisant fi de tout le reste mais tenant tout de même à clarifier les choses: il n’y a rien d’autre que de l’amitié dans ses mots, et certainement pas la moindre envie de reconquête. Qui plus est, elle est mariée et mère, ce qui sont sans doute des preuves assez suffisantes qu’elle est allée de l’avant et n’en a que faire d’un ex collé à sa chaussure tel un vieux chewing gum.

« Faut pas le prendre mal ou quoi, mais tu es redevenu un membre de mon entourage, et j'ai du mal à cataloguer notre relation actuelle... » C’est de l’amitié qu’il serait prêt à répéter, n’en croyant pourtant pas un mot. Non pas qu’il ait soudainement changé d’avis et décider en vouloir plus, mais bien parce que justement il ne sait même pas s’ils peuvent réellement être qualifiés d’amis. Après tout, c’est à peine s’ils trouvent de quoi parler sans que cela ne risque de virer au drame, pour une raison ou pour une autre. Elle est une vieille connaissance avec qui il tente de renouer le lien, voilà tout. Mabel ouvre pourtant la Boîte de Pandore de sa propre initiative, rappelant à Rhett qu’elle s’est longtemps jouée de lui et continuant ainsi à enfoncer le couteau dans une plaie déjà béante. Celle de Jenna se trouve juste à côté, sans doute, lui rendant la tâche impossible dès lors qu’il s’agit même de tenter d’esquisser un sourire pour tenter de garder les apparences intactes. “J’ai lu dans un vieux bouquin pourri un truc qui m’a fait penser à toi, un jour. Quelque chose comme l’âme n’a pas de secret que la conduite ne révèle.” Parce qu’aussi étonnant soit-il, même les sportifs ont un jour appris à lire, et cela ne lui sert pas seulement à lire l’inscription inscrite sur le socle des coupes qu’il collectionne dans son appartement. “Je trouve ça ironique, parce que j’ai jamais su voir quoi que ce soit dans ta conduite, justement. Pour moi, t’avais simplement une façon particulière de montrer ton affection, mais c’est pas pour autant qu’elle n’existait pas.” Parce que Mabel ne l’écoutait pas, parce qu’elle avait constamment l’esprit ailleurs, parce que les soirées en tête à tête étaient rares. Parce que Rhett est bien plus romantique qu’on ne pourrait le croire à vue d’oeil, et pourtant elle avait toujours une excuse ou une autre pour s’éclipser des rendez-vous - quand elle daignait s’y montrer. Amer, il continue pourtant, le visage inexpressif. “Je crois que j’ai jamais voulu voir qui tu étais vraiment, parce que je voulais croire que ça pourrait marcher entre nous deux. J’ai pas essayé de voir ton âme au travers de ta conduite, ou j’sais pas quoi encore.” A la façon Hartfield, c’est ce qui se rapproche le plus d’excuses. Elle était une petite amie atroce, mais il n’était pas bien mieux non plus, péchant à son tour dans ses propres domaines. “J’aurais même pas écouté ce proverbe chinois si on me l’avait refilé dans un restaurant.” Dans ces trucs qu’il faut casser en deux pour y trouver un papier supposé éclairer la personne sur son avenir ; même là, il aurait tout nié en bloc, légèrement têtu quand il s’y met. “Ce que ça me fait penser, c’est qu’on aurait pu être meilleurs des deux côtés. Même si pour ma défense, t’étais quand même la pire de nous deux.” Le sourire est forcé mais il a au moins le mérite de répondre présent, sans doute. « Le fait est que ce n'est peut-être pas le bon moment d'en parler » Ce sur quoi il ne peut décemment pas aller contre son avis, n’ayant à son tour pas la moindre envie de s’épancher davantage, surtout alors qu’il garde l’impression d’être jugé à chaque seconde par les grands yeux curieux du bambin dirigés en sa direction. Il ne voit sûrement qu’un mbre floue, alors pourquoi s’obstine-t-il ?« Grands dieux, on a jamais été doué pour les discussions à cœur ouvert et les confidences… Faudra qu'on y réfléchisse et qu'on s'en reparle. Infiniment compliqué pour nous, je sais. Toujours est-il que j'espère qu'on pourra être amis... » Rhett, lui, ne comprend simplement pas de quoi ils devraient réfléchir, ni même le sujet qu’ils devraient aborder dans de plus amples détails. Ils se sont déjà tout dit. Maladroitement, certes, mais il n’y a à ses yeux rien à ajouter. “J’ai rien à ajouter pour ma part.” Il tranche donc sans émotion, ne cherchant pourtant pas à froisser la jeune femme. Ce n’est là que l’éternelle franchise du sportif, souvent qualifiée à raison de brute de décoffrage. “Et je pense que t’auras bien assez de quoi faire pour les vingt-cinq années à venir, alors c’est peut-être pas nécessaire de revenir sur le passé encore une fois.” Du regard, il désigne le bambin comme coupable sans en prononcer le nom, ne voulant finalement que son bien: peu importe qu’elle n’arrive pas à capter l’émotion de Rhett, elle mérite au moins toute l’attention de sa mère.

« J'avais de l'affection pour toi. » Et c’est bien ça, le problème que Mabel s’évertue à ne pas comprendre: elle avait beau avoir de l’affection pour lui, cela ne rattrapera jamais le fait qu’il l’aimait profondément en retour. Alors certes, elle n’était pas sa Jenna, mais elle avait pourtant su gagner une place toute particulière dans son coeur et dans sa vie, au point où certaines fois il s’était surpris à imaginer un avenir plus concret à ses côtés. Alors non, ce n’était pas de l’affection, cela n’avait rien à voir avec le même genre de sentiment qu’on ressent pour un animal abandonné qu’on veut aussitôt sauver pour se donner bonne conscience. Il n’avait rien de semblable à ça, Rhett, à l’époque. « Je pense que ne pas savoir exprimer ce qu'on ressent, c'est un truc familial qu'on se coltine tous... Mais je t'appréciais, et je t'apprécie encore. » Voilà qui lui fait une bonne jambe. Il sourit faussement, nullement ému par toutes les marques de stress qui sont les siennes. De toute façon, il aurait dû savoir que lui rendre visite ne saurait pas arranger dix années de frictions et une vie de couple nouée autour du mensonge de la jeune femme. L’espoir lui est intrinsèque, pourtant.

Alors, tout ce qu’il sait encore faire, c’est l’écouter et prier pour que l’instant s’écourte sans doute le plus rapidement possible, pour qu’il leur dise au revoir à toutes les deux en ayant l’air le plus poli possible, pour ne pas créer davantage de problèmes encore. A l’écoute de ses excuses, il repousse pourtant son plan à plus tard, retrouvant un instant le clair de ses yeux alors qu’elle semble avoir beaucoup de choses à lui dire. La main qu’elle pose sur la sienne n’est pas repoussée, c’est à peine s’il se rend compte de sa présence en réalité. « Juste que... Je veux m'excuser de tout le mal que j'ai pu te faire, parce que tu ne mérites pas ça. Tu es une personne géniale, et je n'étais pas la personne idéale pour toi. J'ai merdé, et même des années après, je suis encore en train de vouloir comprendre mes erreurs et mon comportement de l'époque pour ne pas les reproduire. Je sais que j'étais une peste, et que je le suis sans doute encore. Mais je veux être meilleure que ça, parce que j'ai quelqu'un qui compte sur moi aujourd'hui. » Rhett entend les mots mais sûrement ne les comprend-t-il pas, l’esprit totalement ailleurs alors qu’il se perd entre leur passé et leur présent, à défaut de pouvoir aujourd’hui parler de possible futur. Au moins, seule l’absence de Jenna le blesse, et il a tout à se reprocher seul tel un adulte. Pour Mabel, c’est différent, et c’est aussi bien plus simple et plus lâche de lui laisser reposer la faute dessus, notamment parce qu’elle est loin d’être une blanche colombe dans leur histoire, tel qu’elle le raconte elle même.

Pour autant, il aurait aimé pouvoir réagir différemment, lui sourire et lui dire qu’il accepte ses excuses, qu’il est heureux qu’elle les lui ait formulées, qu’il comprend à quel point cela peut lui en coûter. Jackson en aurait été capable. Jackson n’avait aucun mal à mettre son ego de côté lorsque le besoin s’en faisait ressentir, et ça n’a jamais fait de lui quelqu’un de faible, bien au contraire. Il était le plus fort de la fratrie, il l’a toujours été il le restera, justement parce qu’aucun autre Hartfield n’est capable d’avoir sa force de caractère autant que son abnégation. Il était un modèle pour eux tous, et Rhett peut affirmer qu’il a toujours été le sien et qu’il continue encore de l’être, même dans la mort. A l’école, c’est de lui dont parlait ses travaux sur ‘une personne que tu admires’. Aujourd’hui encore, c’est ‘qu’est-ce que ferait Jackson à ma place ?’ qui occupe ses pensées lorsque le besoin s’en fait ressentir - quand bien même il prend toujours la décision inverse. Il est son grand frère et une véritable figure d’autorité, quand bien même il n’a jamais eu à hausser le ton pour se faire obéir de Garett: il n’en a jamais eu besoin. Le brun l’a toujours observé avec des yeux brillants d’admiration, avant qu’ils ne le soient de larmes lorsqu’il a jeté un dernier regard sur le cercueil qui entrait en terre.

“Merci. Je crois. Ça fait du bien à entendre.” Il hache donc sans aucun naturel, se forçant plus que jamais pour articuler ces quelques mots pourtant nécessaires. Il esquisse un sourire en demi-teinte et reprend sa main près de lui sans le moindre commentaire. “Je te souhaite d’être heureuse, Mab, c’est tout ce qui compte.” Le sourire est moins forcé, désormais, et son regard va même jusqu’à se porter sur sa fille qui s’agite doucement. Elle aussi mérite d’être heureuse, et quand bien même il n’est en rien à l’aise avec les enfants, il n’irait jamais jusqu’à souhaiter leur malheur. “Je devrais rentrer. C’est pas mal, pour une première visite.” Il annonce donc dans un rire maladroit, ne voulant sûrement pas continuer une telle discussion. Ils auront sûrement l’occasion d’en parler de nouveau plus tard, surtout maintenant qu’ils se savent dans la même ville et ont repris contact.

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