Je peux entendre Samuel mettre sa chambre sens dessus dessous, il fait un bordel monstre et ne cesse de soupirer alors que je m’active à ranger la cuisine pour ne pas avoir à le faire lorsque nous serons rentrés. « Je trouve plus mon vélociraptor ! » Il débarque dans la pièce en trombe, les cheveux en bataille et avec une chaussure en moins ce qui lui donne une démarche déséquilibrée qui enlève toute crédibilité à son corps qui fulmine. « Il tape peut-être la conversation à ta deuxième basket ? » Je montre son pied nu d’un signe du menton alors qu'il me fusille du regard. Sam se pince l’arrête du nez, soupire bruyamment, puis se dirige vers le meuble à chaussures. « C’est un jouet ! Il ne parle pas, Gus.» Qu’il me fait remarquer, prenant mes mots au pied de la lettre comme à chaque fois que je tente de lui enseigner le second degré. « T’es sûr ? J’aurais pourtant juré l’entendre se battre avec ton diplodocus la nuit dernière. Un débat animé sur l’importance du végétarisme ! » Mon frangin secoue la tête ce qui fait rebondir ses bouclettes. Il faut toujours que cela se passe de cette façon, qu’il fasse une fixette sur une de ses figurines au moment où on s’apprête à quitter l’appartement. Je soupire avant de fourrer mon nez dans la caisse d’objets trouvés, enfin celle qui devrait plutôt s’intituler « Objets dangereux pour les pieds » parce que ça fait mal de marcher sur les griffes d’un vélociraptor. Bingo, je brandis l’objet de ses désirs d'un geste victorieux et attrape les clés de la voiture. « Tiens, maintenant on y va parce que ma voiture n’est pas aussi rapide que ton animal préféré et qu’on risque d’être à la bourre. » Il m’arrache le dinosaure des mains et ouvre la porte pour débuter sa course dans les escaliers en dévalant les marches deux par deux, pas une de plus, ni une de moins, sinon il est bon pour tout recommencer. C’est un de ses nombreux rituels, peut-être même celui qui me fait le plus flipper car j’ai toujours peur de le retrouver en bas avec le nez cassé.
« J’ai pas envie. » qu’il m’avoue une fois installé sur le siège passager. C’est aussi ce qu’il m’a répondu le jour où je lui ai parlé du club de lecture, une activité extra-scolaire qu’il a fini par adorer jusqu’à m’en parler à longueur de journée. Je lui tends mon téléphone pour qu’il puisse choisir la musique et démarre la voiture après avoir pris soin de vérifier qu’il soit bien attaché. J’entends ce qu’il me dit et je vois bien à sa moue affligée qu’il n’est pas franchement emballé à l’idée de se rendre chez les Hurley. Pour autant, je le connais comme si je l’avais fait et je sais que son sentiment n’est que le reflet d’une peur prématurée. Il n’a jamais aimé les changements, Sam. C’est un attrait de sa personnalité que j’ai le don de partager, sauf que chez lui c’est viscéral. Tout se doit d’être programmé à l’avance ne laissant aucune place pour les imprévus, mais la vie est faite de surprises et si certaines peuvent parfois se montrer profitables, le départ du professeur Dawn fait partie de celles qu’on aurait préféré éviter. Une perte que Samuel a encore du mal à digérer parce qu’en plus d’avoir marqué la fin du club de lecture, son absence a créé un vide tant dans son emploi du temps du mercredi après-midi que dans le cœur du petit-garçon qui lui vouait un culte. J’entends les premières notes de pocket full of sunshine et je n'ai pas besoin de le jeter un coup d’œil à mon frère pour savoir qu’il n’attend qu’une chose : que je me mette à chanter. Je lève les yeux au ciel, me racle la gorge et attends le bon moment pour me lancer dans un duo avec Natasha. « La chorégraphie, Gus ! » Est-ce que je me fait mener à la baguette ? Tout à fait. Je profite du feu rouge pour me déhancher sur le siège en gueulant les paroles à travers mon micro imaginaire. Un micro que je lui tends pour qu’il se décide à me rejoindre sur le dernier refrain. « Et les chœurs, ils sont où ? » Il rit puis se met à fredonner timidement en bougeant la tête sur le rythme de la musique. Je sais pas pourquoi il se met autant de pression pour un goûter, je lui ai pourtant expliqué à de nombreuses reprises que cette rencontre ne l'engageait à rien et que c'était juste l'occasion de lui présenter les Hurley et l'environnement dans lequel il pourra prendre -ou non- ses futures leçons de piano. On finit par arriver devant le lieu du rendez-vous, je baisse le volume pour ne pas que les voisins sortent la tête par la fenêtre et quitte le véhicule pour venir lui ouvrir la portière.
Ça fait un bail que je n’ai pas remis les pieds ici, je crois que la dernière fois remonte à un peu moins de huit ans, pourtant la façade de la maison demeure inchangée. Je me souviens être venu me réfugier chez Esmée après l’enterrement du coach. J’avais dix-sept ans à l’époque et la gorge trop serrée par le départ de mon grand-père pour apprécier les pâtisseries de sa plus vieille amie. Ce dont je me souviens surtout c’est de sa gentillesse qui n’a fait qu’accroitre durant les années qui ont succédé à la mort de Sawyer ; de ses bouquets de fleurs laissés sur sa pierre tombale ; des longues discussions qu’on a pu avoir dans le café qui fait face au cimetière, mais surtout de son amitié inébranlable pour l’homme qui m’a élevé. « C’est là ? » J’acquiesce de la tête alors qu’il s’empresse d’appuyer sur la sonnette pendant un temps qui me parait être super long. Ça pour une entrée, c'est une entrée. Je grimace et lui tend le bouquet de dahlias pour qu'il enlève son doigt du bouton. Son angoisse est contagieuse et le regarder faire les cents pas devant la porte me force à desserrer le nœud de ma cravate pour ne pas succomber à la pression. C'est pas l'idée de revoir Esmée qui me stress, puisque je l'ai croisé pas plus tard qu'il y a une semaine, mais j'appréhende le fait de me retrouver nez à nez avec son petit-fils que je n'ai pas vu depuis trop longtemps. À vrai dire, je ne l'ai jamais réellement côtoyé, il m'est certes arrivé de le croiser en venant prendre un café chez sa grand-mère lorsque je n'étais encore qu'un adolescent, mais sans échanger plus que de simples banalités. Je peux apercevoir une silhouette s'approcher à travers les vitraux de la porte d'entrée ce qui, par réflexe, me pousse à reculer.
≈ ≈ ≈ {music is what feelings sound like} crédit/(stefansalvatored/tumblr) ✰ w/@Angus Sutton
L'agitation est commune au 422 Carmody Road. Plus que commune. Esmée a beau être d'un très grand âge, elle a toujours été pleine de vie, elle a toujours aimé recevoir et elle partage le même amour de la musique que toi. Ce qui veut dire qu'elle te laisse remplir votre espace commun de beaucoup d'instruments et que même si elle a fait semblant de rouler des yeux face à la harpe que tu as installée près de la fenêtre de votre salon il y a des mois de cela, l'instrument doit lui plaire vu qu'elle te demande souvent d'en jouer pendant qu'elle tricote, ou qu'elle boit du thé dans son fauteuil préféré. Tu es moins bruyant qu'elle, bon, on pourrait te reprocher de mettre le volume un peu trop fort quand ton attention est sur le petit écran, bien souvent pour regarder des comédies romantiques clichées à souhait dont tu connais la fin et la plupart des répliques... et tu aimes bien jouer du piano et chanter à tue-tête dans l'après-midi pour arracher quelques rires à Esmée, autant dire que oui, vos voisins, tous vos voisins, sont plus qu'habitué à votre petit tapage. Aujourd'hui, il est d'une toute autre nature, et tu suis les instructions d'Esmée, poussant un profond soupir avant de remonter les manches de ton pull vert et de rapprocher un des fauteuils de la télévision. Pourquoi est-ce que le meuble est aussi lourd, aucune idée et tu ne sais même pas pourquoi ta grand-mère semble vouloir changer l'agencement de votre salon, tout d'un coup."Pourquoi est-ce qu'il faut qu'on déplace le fauteuil ?" Que tu demandes finalement, quelques minutes plus tard, quand elle semble enfin satisfaite. Tu prends une profonde inspiration, te laissant retomber sur votre parquet sans aucune grâce, ton jean beaucoup trop large pour toi s'étendant devant toi. Tosser, votre chat, enfin le tien et celui de Jo, en profite pour bondir du canapé à ce moment précis, se réfugiant dans les mailles de ton pull. L'animal aussi semble paniqué face à tout ce bruit et tu tires légèrement sur les oreilles du chat, cela semble le rassurer pour une raison qui t'échappe, tandis que ton aînée reprend la parole, une main sur les hanches. "Nicholas, je te l'ai déjà dit, on a des invités aujourd'hui... et quoi qu'il en soit, si j'avais envie de refaire la décoration, hmm ?""Okay, okay... je déplace. Pas de question. Compris. Okay, chef !" Cela lui arrache un sourire et tu abandonnes le chat sur le fauteuil avant de déplacer le canapé cette fois-ci. Non, recevoir ne te surprend pas vraiment et puis tu as échangé quelques messages avec Angus pour cette raison, laissant Esmée se charger des détails. Donner des cours de piano ici ne te dérange pas vraiment, ton piano est le meilleur de toute la planète (tu es totalement objectif à ce propos) et ici, c'est l'endroit où tu te sens le mieux. Pas de jugement, beaucoup de pâtisseries et aucune raison de faire face au monde extérieur, c'est parfait et tu espères que cela conviendra à ton nouvel élève. Une fois le salon remis dans un meilleur état, tu vas déranger Esmée dans la cuisine, tu l'observes sortir des cookies du four et tu en profites pour attraper un des beignets qu'elle a cuisinés un peu plus tôt. Simplement pour te faire arrêter par ta grand-mère et son regard inquisiteur. "Non... tu ne touches à rien jusqu'à ce que Angus et Samuel arrivent." "Mais..." Ta seule réponse avant que tu ne tires la langue, une réponse acceptable pour ton âge, et tu hausses les épaules, allant t'installer devant le piano avant que vos invités arrivent. Tu t'étires, tu fais craquer tes doigts et facilement, quelques notes de musique viennent envahir le salon, tu ne joues rien de particulier, juste ce qui te passe par la tête, comme à ton habitude, tournant la tête de temps en temps vers Esmée pour voir si elle a besoin d'aide. Enfin, la sonnerie retentit et tu observes Esmée sourire, s'emparer de sa canne et se diriger vers l'entrée. Tu te lèves toi aussi, pas loin derrière et tu la laisses ouvrir la porte et saluer vos invités."Bonjour, bonjour, ne restez pas sur le pas de la porte voyons ! Rentrez..." Elle leur fait signe et quand tu fais face à Angus, tu te demandes comment tu as fait pour oublier qu'il était aussi grand. Ou alors il a gagné quelques centimètres depuis la dernière fois ? "Bonjour..." Sourire poli, petit signe de la main pour les deux invités, Esmée referme déjà la porte derrière eux et fait la conversation. Elle remercie le plus grand pour les fleurs, elle adore les dahlias en plus, un point pour Angus et elle guide déjà Samuel vers votre cuisine pour savoir quelle est sa pâtisserie préférée, persuadée d'avoir ce qu'il faut pour le régaler. Esmée fait cela tellement naturellement, prendre le pas sur tout et mettre les gens à l'aise d'un simple claquement de doigts, c'est un talent que tu n'as jamais maitrisé, c'est bien pour cela que tu observes la scène, un peu en retrait, avant de te tourner vers Angus. "Oui, elle a passé toute la matinée derrière les fourneaux pour vous... je veux dire, bonjour." Tu roules intérieurement des yeux, te maudissant d'être aussi rouillé pour ce genre d'interaction et après une légère inspiration, tu reprends de manière un peu plus posée : "Désolé, je suppose que vous veniez surtout voir Esmée, c'est elle qui s'occupe de l'animation ici." Elle connait mieux le jeune homme que toi et c'est elle qui a su le réconforter quand il est venu trouver refuge ici, après avoir perdu quelqu'un d'important. Tu te souviens encore de ce moment, tu n'as pas su quoi dire ou quoi faire à ce moment-là, alors tu as joué du violon, espérant apaiser l'humeur d'Angus à ce moment-là, ne t'arrêtant pas en voyant Esmée acquiescer. Est-ce que tu y es parvenu ce jour-là ? Tu n'en sais rien, aucun moyen de le savoir et il serait tellement bizarre de demander maintenant alors..."Tu veux quelque chose à boire ?" Que tu offres enfin, un léger sourire sur le visage.
Esmée vient nous ouvrir et Samuel, comme à son habitude, se précipite pour entrer à l’intérieur. Un paradoxe que je ne comprendrais jamais, lui qui n’est pas friand des nouvelles rencontres, n'a pourtant pas de mal à faire comme chez lui au milieu de parfaits inconnus."Bonjour, bonjour, ne restez pas sur le pas de la porte voyons ! Rentrez..." Une grimace vient déformer mon visage lorsque je vois mon petit frère foncer tête baissé vers le hall d’entrée. « Sam, tu pourrais dire bonjour. » Je me penche pour enlacer Mme Hurley en chuchotant quelques excuses pour essuyer les mauvaises manières de mon frangin. Le pire, c’est que je peux pas lui en vouloir, pas quand je sais que les codes sociaux ne font pas sens à ses yeux. Et puis, comme il le dit si bien, on peut pas savoir si le jour sera bon avant d’en avoir terminé avec la journée alors le dire, c’est un peu comme se croire plus chanceux que les autres. Le pessimisme des Sutton, ça ne s’explique pas, du coup quand il oublie pas de faire preuve de politesse, c’est salut qu’il emploie le plus souvent, mais jamais bonjour, ni bonsoir d’ailleurs. « Bonjour, merci de nous recevoir, ça sent super bon ! » Je lui tends le bouquet de fleurs alors que je m’avance dans le hall d’entrée, les mains dans les poches de mon jean et le dos courbé en avant comme lorsque je tente de me faire petit. Il existe bon nombre d’études sur la mémoire olfactive, des tas d’articles expliquant comment les souvenirs peuvent avoir une odeur et là, debout dans le hall d’entrée des Hurley, je me rends compte que celle des cookies à peine sortis du four me rappellent la fois où les murs de cette vieille maison se sont transformés en barricades pour m’offrir un refuge à la mort du coach. J’ai dix-sept ans à nouveau et rien n’a changé si ce n’est la grosse harpe près de la fenêtre du salon et le chat posé sur le fauteuil qui m’a accueilli quelques années plus tôt. Samuel observe le moindre objet, touche à quelques bibelots et se dirige vers la cuisine en suivant notre hôte sans piper mot. "Bonjour..." Je me retourne vers Nicholas et son pull à la couleur de l’herbe. Il sourit poliment et je sais pas si c’est juste une impression, mais y’a comme un malaise qui prend possession de la pièce. « Salut ! » Je lui rends son signe de la main, plus par mimétisme qu’autre chose et la remet directement dans la poche de mon jean. Il n’a pas changé et à en juger par sa tenue du jour, il a toujours le même goût prononcé pour choisir des vêtements que tout semble opposer. La voix d'Esmée résonne depuis la cuisine et je suis agréablement surpris d’entendre celle de Samuel se mêler à la sienne. D’une oreille, je l’écoute énumérer ses pâtisseries préférées, je ne peux m’empêcher de lâcher un rire quand je le devine parler la bouche pleine d’un soit disant beignet qui est, je cite :« supercalifragilisticexpialidelicious ». "Oui, elle a passé toute la matinée derrière les fourneaux pour vous... je veux dire, bonjour." Mes lèvres se pincent pour réprimander un sourire. J’hésite un instant à le saluer une nouvelle fois, aucun doute, le malaise est bien palpable même s’il réside quelque chose de drôle dans cette situation embarrassante. "Désolé, je suppose que vous veniez surtout voir Esmée, c'est elle qui s'occupe de l'animation ici." Je me souviens pourtant d’un garçon super doué en musique et qui ne manquait pas une occasion pour passer ses doigts sur les cordes d’un violon ou sur les touches d’un piano. Sa grand-mère a toujours été douée pour accueillir les gens, mais c’est Nicholas qui, fut un temps, faisait vivre la demeure en nous offrant une musique de fond qui avait le don d’apaiser les esprits, en tout cas ça fonctionnait avec moi. « Non, enfin si, mais non ? » Je grimace, passant l’une de mes mains derrière la nuque. « Je voulais te présenter à Samuel. » Ça sonne très solennel dit comme ça, c’est pas du tout ce que j’avais en tête avant d’ouvrir la bouche mais c’est le problème avec les mots, une fois prononcés, il est quasiment impossible de faire machine arrière, c’est pas comme s’ils pouvaient être effacés avec un coup de gomme. « Qu’il puisse se familiariser avec l’environnement avant d’entamer les cours de piano. Si ça te dit toujours, bien sûr.» C’est mieux, nettement plus explicite. "Tu veux quelque chose à boire ?" En parlant du loup, Sam revient la bouche pleine de sucre en compagnie d’Esmée et je ne me fais pas prier pour leur enjamber le pas jusqu’au salon. « Un jus de pomme fera l’affaire, merci. » Mes lèvres s’étirent en un sourire puis je m’installe sur le canapé tandis que mon frangin scrute le moindre instrument qui trône dans la pièce principale. « Regarde-moi ça, Gus ! » Il me montre la harpe de son doigt poudré tout en comptant les cordes. « Pourquoi y’en a des rouges et des bleues ? » Ce n’est évidemment pas à moi qu’il pose la question, mais au musicien et celui qu'il devine être l'heureux propriétaire de l'objet devant lequel il ne cesse de s’émerveiller. C’est la première fois qu’il s’adresse à Nicholas et même s’il ne lâche pas la harpe du regard, je sais qu’il attend sa réponse avec impatience.
≈ ≈ ≈ {music is what feelings sound like} crédit/(stefansalvatored/tumblr) ✰ w/@Angus Sutton
Il faut le dire, recevoir n'est pas/ ton fort. C'est Esmée qui excelle dans la discipline et depuis que tu l'as rejoint ici, depuis tes 7 ans donc, il y a toujours quelqu'un qui vient taper à votre porte. Toujours avec un sourire aux lèvres, toujours avec une anecdote ou deux et toujours pour voir Esmée et avoir un semblant de conversation avec elle. Plus jeune, tu trouvais cela impressionnant, tu étais caché dans les genoux de ta grand-mère, à regarder les grands faire et à glaner quelques bribes de conversation çà et là. Au fil des années, tu as fini par aller t'installer automatiquement devant le piano, servant d'accompagnement musical, et de jukebox vivant sans qu'on te le demande. Maintenant, tu ne peux pas tout simplement faire cela, tu n'es plus un adolescent qui peut se cacher derrière son humeur changeante, tu es un adulte et tu fais de ton mieux pour offrir un sourire à Angus. Qui malgré sa grande taille, il te dépasse de plusieurs têtes et c'est une instance assez rare pour être remarquée, est aussi sur la réserve que toi. Tu peux le comprendre, il s'agit d'un environnement tout nouveau pour Samuel et d'après ce que tu as compris, il prend son rôle de grand frère très au sérieux... aussi sérieux que tu prends ton rôle de petit-fils, donc vraiment, tu peux le comprendre sur ce point-là et tu le rassures aussitôt, avec un léger hochement de tête. "Bien sûr que je suis partant, je ne dis jamais non à un élève de plus..." C'est ta politique depuis que tu as commencé à donner des cours de piano et ce même si tu dois faire le tour de Brisbane dans ton véhicule. Tu n'es pas fier au point de refuser et tu aimes bien ce métier et il faut dire ce qui est, tu as des factures à payer. Ce n'est pas le genre de boulot stable où tu connais tes horaires et il y a toujours des annulations, quelqu'un qui est soudainement disponible ce jour-là et pas un autre, ce que tu comprends parfaitement."Okay, je m'en occupe..." Un autre hochement de tête de ta part, tandis que tout le monde, sauf toi, bouge vers le canapé, tu te diriges vers la cuisine et tu décides que ce sera jus de pomme pour tout le monde, Angus, son frère et même pour Esmée et toi. Les verres sont remplis facilement et mis sur un plateau avant que tu rejoignes la conversation rapidement. Tu mets le plateau sur la petite table du salon et face à la question de Samuel, tu portes ton regard bleuté sur ta harpe, prêt à donner des explications. "Oh ça c'est parce que je suis encore en train d'apprendre à jouer de l'instrument. Cela me permet de distinguer les cordes graves, des cordes aigues et de ne pas me tromper…" Que tu expliques, une expression sereine sur le visage. L'instrument est imposant, prend de la place près de la fenêtre et après des mois d'entraînement constant, tu as fait des progrès, assez pour identifier toutes les notes et reproduire des mélodies populaires. Pas assez pour composer des mélodies originales, mais cela viendra avec le temps, tu le sais. "Ce n'est pas le seul instrument avec plusieurs couleurs, le piano aussi..." Tu as un coup de tête pour ce dernier, espérant piquer la curiosité de Samuel et qu'il s'y intéresse aussi. Quoi que, si tu devais lui donner des cours de harpe, cela pourrait être amusant et un très bon défi pour toi et aucun doute que vous apprendrez ensemble, Samuel. "Il ne faut pas hésiter." Que tu conclus et tu es content quand Esmée ajoute un : "Nicky a raison, c'est lui le professeur, mais je peux te montrer quelques petites choses..." guidant déjà le petit garçon vers les touches et le petit fauteuil installé devant. Esmée est modeste pour rien, elle se débrouille très bien devant l'instrument et si elle a perdu un peu de sa dextérité avec l'âge, cela n'enlève absolument rien à son expertise, et oui, chez vous, la musique, c'est de famille. "Il pose déjà des questions, c'est une bonne chose, non ?" Tu t'adresses à Angus, t'installant à côté de lui sur le canapé, les jambes croisées et les mains de nouveau cachées dans les mailles de ton pull. Tu ne veux pas passer outre les règles de politesse et tu sais qu'il est important que Samuel soit à l'aise ici, en présence d'Esmée, mais pas que."Et à quelle fréquence tu voulais que je lui donne des cours ? Tu as mentionné être pris par le boulot, donc je peux être flexible."
C'est toujours un peu l'angoisse à chaque fois que je dois présenter Samuel à de nouvelles personnes et j'ai beau me dire que ça ne devrait pas être le cas, je peux pas m'empêcher d'avoir la boule au ventre, pour lui. Des connards, on en a connu, Sam et moi. Ça grouille les rues et si j'ai fini par me faire aux regards en biais, aux chuchotements et aux pointages de doigts en veux-tu, en voilà lorsqu'il lui arrivait de se comporter autrement que ce que la société exige d'un enfant de neuf ans. Il n'en reste pas moins que j'ai toujours peur qu'on se moque de lui, le rabaisse ou qu'on lui fasse comprendre qu'il n'est pas comme les autres tout simplement. Je suis souvent sur la défensive tandis qu'il vit sa vie sans réellement prendre conscience des méchancetés gratuites qu'il peut parfois se prendre en pleine gueule. Je l'observe se diriger dans la cuisine en compagnie d'Esmée, une vision qui m'arrache un sourire nostalgique. Tout comme moi, Samuel n'a pas eu la chance de connaitre ses deux grands-mères et si ce n'est le coach, il n'a jamais vraiment été en contact avec des personnes-âgées alors de l'entendre discuter de façon aussi naturelle avec celle de Nicholas ne peut que me rappeler à quel point j'aurais aimé qu'il puisse grandir à leurs côtés. "Tu donnes des cours à beaucoup d'élèves ?" Je relève les yeux vers le brun, sans savoir s'il fait partie de ces gens qui ne savent pas dire non ou si c'est parce que son emplois du temps lui permet d'ajouter un créneau de plus à l'une de ses journées. Samuel risque de lui demander beaucoup plus de patience que ses autres élèves et je voudrais pas qu'il s'engage dans cette situation par peur d'avoir à décevoir sa grand-mère. "Te sens pas forcé. Il faut que tu saches qu'il y aura des séances qui seront plus compliquées que d'autres." Non pas que je ne le pense pas à la hauteur, je le connais pas vraiment, Nicholas. Je sais juste que s'il a réussi à m'apaiser avec sa musique y'a de ça quelques années, il saura certainement aussi le faire avec Sam. En parlant du loup, je profite du retour de mon frangin et de celui d'Esmée pour les suivre en direction du salon tandis que Nicholas s'éclipse dans la cuisine pour aller nous chercher de quoi nous désaltérer. Sam, comme à son habitude, ne peut s'empêcher de poser des questions. Questions, qui font que je me couche toujours avec plus de connaissances que ce j'avais la veille. Je remercie le musicien lorsqu'il dépose le plateau sur la table et attrape l'un des verres pour le porter jusqu'à mes lèvres. Le boule au creux de mon estomac commence peu à peu à disparaitre, pour le moment tout à l'air d'être sous contrôle. Samuel a délaissé sa mine boudeuse pour un air plus enjoué, il s'approche de la harpe tout en tendant une oreille pour écouter les explications de son futur professeur de musique. " Plus t'es vieux et plus c'est difficile d'apprendre de nouvelles choses. Le temps de réaction est plus long, la mémoire moins fiable et la perception sensorielle peut-être altérée." Je fais les gros yeux, pas loin de m'étouffer avec ma gorgée de jus de pomme. "Quoi ? C'est vrai !" Il hausse les épaules et détourne son attention vers le piano. Parfois, je me demande où il peut tirer toutes les informations qu'il stock dans son cerveau, mais celle-ci, je sais d'où il la tient et le fait qu'il en parle encore aujourd'hui me prouve que la dégradation de l'état de santé du coach a laissé des traces indélébiles dans son esprit. Je me penche pour déposer le verre sur la table basse du salon et essuie d'un revers de la manche, les gouttes de jus expulsées par inadvertance sur mon pantalon. Nicholas s'en sort bien, pour une première rencontre, il met tout en œuvre pour le mettre à l'aise. "Tu devrais faire attention à ce que tu dis, si tu lui donnes le droit de toucher à tout, il risque d'en profiter." Je me pince les lèvres lorsque Sam se retourne les yeux plissés. C'est la vérité, s'il y a bien quelqu'un qui prend tout au pied de la lettre, c'est lui. Je voudrais pas le voir mettre ses mains sur des objets ayant une quelconque valeur sentimentale car si Esmée semble avoir une gardée une certaine dextérité, c'est pas toujours le cas de Samuel. "Y'a un truc qu'elle ne sait pas faire ?" Je chuchote à son petit-fils, le sourire aux lèvres, ma voix étant à peine plus audible que la douce mélodie du piano. Nicholas se lève pour me rejoindre sur le canapé et par réflexe, je me décale pour lui faire de la place. Sa question ne fait qu'étirer un peu plus le rictus qui borde le rebord de mes lèvres. "C'est bon signe, oui. J'espère que t'es du genre à avoir réponse à tout parce que c'est sûrement pas la dernière qu'il te posera." Oh que non, c'est même la première d'une longue, très longue série. J'observe un instant le garçon qui se tient à mes côtés, il ne fait pas semblant, Nicholas ou peut-être que si et qu'il ne essaye de se montrer courtois devant sa mamie, mais les questions qu'il pose me pousse à penser le contraire. Elles trahissent une volonté de vouloir bien faire et une bienveillance qui est propre aux Hurley. " Une fois par semaine, le mercredi après-midi si possible ? Son club de lecture est tombé à l'eau et Bonnie... je baisse le ton pour ne pas qu'il m'entende prononcer le nom qui a le don de l'énerver. 'sa baby-sitter' n'est disponible qu'en fin d'après-midi." Je retiens un rire lorsque j'entends Samuel faire une fausse note, puis une deuxième et me retourne vers Nicholas. "C'est quand ton anniversaire ? Que je saute sur l'occasion pour t'offrir des boules quies." Je murmure à nouveau, cachant mes lèvres à l'aide de ma main. Le sourire de Samuel déteint sur mon visage, son rire se mêle à celui d'Esmée et j'ai beau adorer la sonorité d'un piano, y'a rien de mieux que de l'entendre rigoler. "Tu gagnes ta vie en donnant des cours de piano ou tu fais autre chose à côté ?"
≈ ≈ ≈ {music is what feelings sound like} crédit/(stefansalvatored/tumblr) ✰ w/@Angus Sutton
Angus a l'air à moitié détendu. A moitié seulement, son attention est toujours sur Samuel mais elle dérive de temps en temps sur toi et quelqu'un d'autre se laisserait sûrement avoir et se dirait que le jeune homme est dans son élément... cependant, tu reconnais les signes, tu navigues dans ces eaux-là depuis trop longtemps pour te faire avoir, tu sais exactement où regarder et il a beau être assis sur le canapé avec toi, son regard dérive tout de même et de temps en temps vers son frère. Il ne fait pas la conversation que par politesse, tu le sais, vos regards se croisent souvent et il a l'air tout de même intéressé, mais l'anxiété est là et plutôt que de le lui faire remarquer ou de lui faire une réflexion déplacée, tu lui offres un sourire qui se veut rassurant. "C'est une dizaine d'élèves maintenant, la liste s'agrandit de jours en jours, ce qui est une bonne chose donc bon..." Et, ce que tu n'ajoutes pas, tous tes nouveaux élèves ne décident pas de continuer après quelques leçons, tu as eu quelques parents qui t'ont remercié de tes efforts avec un chèque, une expression désolée et qui sont passés à autre chose avec leur progéniture. Jugeant que ces derniers n'auraient pas de futur en tant qu'artiste, et si tu trouves cela idiot et dommage de mettre autant de pression sur un enfant, tu ne l'as jamais fait remarquer, ce n'est pas ton genre, tu es juste là pour partager ce que tu sais et repartir. Dans ce cas précis, avec Samuel, vous allez être chez toi et c'est encore mieux, il te semble bien qu'Esmée a mentionné que le petit avait une condition, mais tu loges tout le monde à la même enseigne. Si le Sutton a besoin de plus d'attention ou qu'il apprend d'une façon différente, tu t'adapteras et c'est tout, tu ne serais pas un très bon professeur si tu n'étais pas flexible... du moins, c'est ton opinion. "Oui, Esmée l'a mentionné, mais on sera là tous les deux, je veux qu'il se sente à l'aise et pour le moment, ça se passe bien ?" Tu ne sais pas pourquoi ta phrase sonne comme une question, tu ne veux pas mettre des mots dans la bouche du jeune homme et quand tu jettes un coup d'œil à l'échange entre Samuel et Esmée, tout se passe bien. Et le petit garçon a raison, il y a des années de cela, apprendre à jouer de la harpe t'aurait pris quoi ? Un ou deux mois ? Six mois plus tard, tu ne peux pas encore dire que tu as maitrisé l'instrument et ce malgré tes meilleurs efforts, tu te débrouilles bien, tu le sais, mais bien n'est pas assez pour le perfectionniste que tu es, c'est certain. Tu hausses les épaules, la réflexion n'a pas été prise personnellement, tu as une carapace assez épaisse... ou alors c'est juste que tu laisses tout le monde te marcher dessus, tu n'as pas encore décidé, mais quoi qu'il en soit, il en faut beaucoup pour véritablement t'offusquer et ce n'est pas encore le cas présentement. C'est juste une après-midi en très bonne compagnie pour le moment. "Okay je note, le mercredi après-midi... j'ai de la place et un cours de piano prévu dans la soirée mais je peux toujours le déplacer et me libérer pour Samuel, histoire de ça ne me dérange pas." Tu as sorti ton téléphone des tréfonds de tes poches en disant cela et tu consultes le calendrier sur ton smartphone, oui, tu as bien un cours dans la soirée mais c'est avec quelqu'un d'arrangeant alors aucun souci à se faire, il comprendra, tu ne te fais pas de soucis à ce sujet. "Il peut rester ici et diner avec nous et tu peux venir le chercher quand ça t'arrange, qu'est-ce que tu en penses ?" Cela te parait être la meilleure solution, Angus aurait l'esprit tranquille, Esmée aura de la compagnie et tu auras un élève, c'est parfait dans un sens et tu sais déjà, sans lui demander, que ton aînée sera d'accord avec ton plan. Tu fronces cependant les sourcils aux prochains mots d'Angus, il n'a pas besoin de t'offrir quoi que ce soit pour ton anniversaire. "Tu ne me dois rien du tout Angus hein, tu vas payer pour les cours comme tout le monde et ça sera largement suffisant." Que tu fais remarquer, Samuel sera un élève de plus, encore une fois, tu ne veux pas que le petit comme le grand frère voient ceci comme une occasion exceptionnelle, ou faire encore plus remarquer la différence de Samuel. Il s'agit juste de cours de piano. Ni plus, ni moins. "Principalement du piano, j'ai deux ou trois petites choses à côté mais..." Tu hausses les épaules en répondant à ses questions, tu joues bien le jukebox humain au vignoble de Dani de temps en temps, tu aides Vance à chaque fois qu'il veut monter sur scène, que ce soit dans un club ou juste en plein milieu d'une rue, tu composes toujours sur ton temps libre... tout ceci ne t'aide pas à payer les factures à la fin du mois, les cours de piano et tes économies si. "Il y a autre chose qu'on doit savoir ? N’hésite pas hein, je suis là pour te rendre la vie plus facile donc vas-y." Tu poses la question avant de prendre une autre gorgée de ton verre, ton regard bleuté posé sur Angus et attendant même à ce qu'il tire une liste des poches de son pantalon à lui. Cela ne t'étonnerait même pas à dire vrai.
J'observe Samuel prendre ses marques dans un endroit qui a absolument tout pour l'aider à se sentir à l'aise même en compagnie de deux personnes qu'il n'a jamais rencontré. Un foyer chaleureux qui se trouve être à l'opposé de l'endroit dans lequel nous vivons. La maison des Hurley est à l'image de ce que j'aimerais lui offrir, un cocon où il ferait bon d'y vivre et dans lequel il n'aurait pas à croiser le corps inerte d'une mère qu'il essaye de réveiller à chaque fois qu'il pousse la porte d'entrée. J'aimerais pouvoir avoir les talents d'Esmée pour la pâtisserie et troquer les plats congelés contre des cookies tout chauds qui sortent d'un four laissé à l'abandon. "Tu dois te taper de sacrées migraines après chaque leçon, non ?" Le piano c'est magnifique mais seulement quand on sait en jouer et, sauf erreur de ma part, je doute que ses élèves arrivent en ayant l'étoffe d'un Mozart. Samuel est doué dans toutes les choses qu'il affectionne, beaucoup moins dans celles dont il a horreur. Il peut citer tous les noms de dinosaures et parler de leurs caractéristiques pendant des heures durant, mais n'a aucune idée de ce qu'est le second degrés. Je me demande comment fait Nicholas pour gagner sa vie, c'est pas avec une dizaine d'élèves qu'on peut se payer un loyer et de quoi manger. Je ne pourrais pas me retrouver dans une situation aussi précaire même si ça doit être plaisant de pouvoir créer son emploi du temps et gérer ses journées sans avoir de compte à rendre à la hiérarchie. Être son propre patron, ça donnerait presque envie et c'est sûrement la voie que je choisirais si j'étais le seul à profiter du salaire à la fin du mois. Or, je peux pas me permettre de vivre dans l'insécurité et de ne pas savoir combien d'argent finira sur le compte à la fin du mois. "Tant qu'il parle, c'est que ça se passe bien." C'est lorsqu'il se mure dans un silence ou qu'il commence à tirer sur ses boucles que ça se gâte. Ça fait des années que les crises se font beaucoup moins présentes, si ça arrive deux fois par mois, c'est le bout du monde. Pourtant, les derniers temps n'ont pas été simples, mais Samuel ne s'emporte plus aussi facilement qu'avant. Il arrive désormais à contrôler ses excès d'émotions. Je sais que cela doit lui coûter énormément d'énergie en plus de toute celle qu'il utilise pour arriver à comprendre les spécificités d'une société qui a tendance à favoriser une tolérance zéro quant à la moindre différence constatée. L'homme qui se tient à mes côtés a pris de l'âge, c'est un fait et même si je peux retrouver des similitudes avec le garçon que j'ai pu rencontrer dans le passé, il a tout de même l'air d'avoir gagné en maturité. Il suffit que quelqu'un possède un peu de barbe pour que Samuel le prenne pour un vieux, c'est sans doute pour cette raison que je n'ai jamais eu droit à de tels propos de sa part. Nicholas n'a pas l'air d'avoir mal pris sa réflexion et je suis heureux de constater qu'il lui en faut plus pour arriver à le vexer. Ce n'est malheureusement pas le dernier commentaire déplacé qu'il recevra du bouclé.
Le professeur sort son portable de l'une de ses poches pour jeter un coup d'oeil à son calendrier. Un point commun que nous partageons puisque toutes mes journées se doivent aussi d'être planifiées à la minute près."T'en penses quoi Sam ?" Je lui demande, car c'est bien lui le premier concerné et prendre une décision sans en avoir eu son consentement mènerait tout droit vers un échec. "Seulement si je peux apprendre you're my sunshine pour pouvoir la jouer à maman ! Et le générique de pat patrouille pour l'apprendre à Lee." Sa première raison m'arrache un pincement au cœur. C'est la chanson qu'avait pour habitude de nous chanter notre mère quand ça n'allait pas, aujourd'hui c'est à peine si elle sait ce qu'on fait de nos journées. "Pour le diner, il faut savoir que Sam fonctionne par code couleur donc ça risque d'être compliqué. Je veux pas ajouter des soucis à ta grand-mère." Même si je n'aurais pas dit non à une soirée de libre dans la semaine, le problème c'est que le mercredi c'est la journée du jaune et que je me vois mal demander à Esmée de se plier aux tocs de mon petit-frère alors qu'elle est déjà bien gentille d'accepter qu'il vienne faire ses cours de piano à leur domicile. "Mais je veux manger chez Esmée, elle est plus douée que toi pour cuisiner et puis je pourrais l'aider, j'ai des tas d'idées. S'te plait Gus ! " Des tas d'idées qu'il n'arrive pas à trouver quand c'est moi qui doit lui préparer ses plats. À tel point que j'ai fini par ne plus faire preuve d'originalité. Le mercredi soir c'est pâtes au beurre et smoothie à la banane, le seul truc qui peut parfois changer c'est la forme des féculents. "Ok, mais je tiens tout de même à participer aux frais des repas." Payer les cours, c'est une chose, mais s'ils perdurent dans le temps, je veux pas qu'ils aient à payer en plus pour offrir un repas par semaine à Samuel. Je sais que les fins de mois peuvent être difficile, Nicholas ne doit pas gagner des mille et des cents avec ce boulot quant à Esmée, elle doit toucher une misère avec sa pension de retraite. J'essaye d'en apprendre un peu plus sur les occupations du garçon qui ne semble pas avoir envie de s'éterniser sur le sujet, me laissant ainsi avec une phrase à trou que je m'efforce de ne pas combler à ma guise. Je l'imagine bien vendeur dans une friperie ou bosser dans un magasin d'antiquité, le genre d'endroit où j'adore aller pour dénicher des choses que d'autres ont fait le choix d'abandonner. Je décide de ne pas insister, préférant me contenter des deux boulots que je viens de lui inventer. Je me relève pour sortir un post-it de ma poche arrière que je lui tends avant de reprendre place sur le canapé. "C'est mon numéro d'urgence et y'a aussi celui de sa baby-sitter." Dans le cas où il y aurait un problème, je doute que ce soit le cas puisque j'ai confiance en Esmée et que son petit-fils m'a l'air sérieux, mais rien n'est jamais sûr avec Samuel. "Pour le reste, je crois que j'ai à peu près tout dit. Le plus important c'est de ne surtout pas hésiter à m'appeler au moindre souci." Je réponds, sans avoir le courage de sortir la liste que j'avais préparé pour l'occasion. Il risque de me prendre pour un fou et c'est la dernière image que j'ai envie de lui donner. Pourtant ça me démange de glisser mes doigts dans la poche de mon pantalon pour extirper la feuille de papier pliée en quatre. Y'a des tas de choses à savoir sur Samuel, mais en énumérer ne serait-ce que la moitié ne ferait qu'accroitre le fossé qu'il peut y avoir entre ses camarades et lui. Alors je me retiens en croisant les doigts pour que tout se passe bien. Mes doigts viennent trouver le verre de jus de pommes que j'attrape pour en boire une gorgée. "Tu donnes aussi des cours aux adultes ou c'est seulement réservé aux enfants ?" Non pas que je sois intéressé, mais il parait que cela apporterait des bénéfices sur le cerveau, mais surtout sur la mémoire.
≈ ≈ ≈ {music is what feelings sound like} crédit/(stefansalvatored/tumblr) ✰ w/@Angus Sutton
Angus semble se détendre de secondes en secondes et cela fait naitre un sourire sur tes propres traits, parce que tu sais que c'est ce qu'Esmée souhaite. Que tout le monde se sente à l'aise entre ces murs, dans votre foyer et ce même si cela prend du temps. Cela t'a pris du temps personnellement, quand tu as passé les portes de la demeure, où il y a beaucoup de fouillis et de bric-à-brac dans les armoires, sur les murs, tu as été intimidé et tu as passé plus de temps dans ta chambre qu'ici. Persuadé que tu devais faire de ton mieux pour ne pas qu'Esmée te renvoie vivre avec ta mère, ce qui aurait été un sort encore plus terrible c'est certain, mais non, tu as eu de la chance, ta grand-mère a veillé au grain, de même qu'Angus est en train de le faire pour son petit frère. Il a toute ton admiration rien que pour cela et tu sais que cela ne doit pas être facile à gérer, mais il suffit de voir la façon dont Samuel lui parle, toute la confiance dans les yeux du petit garçon et tu sais que leur lien est fort et qu'Angus n'échangerait sa place pour absolument rien au monde. Et qui pourrait le blâmer vraiment ? Cela se passe bien et tu as un léger sourire quand il te demande si tu ne finis pas avec des migraines, avant de répondre : "On pourrait croire que oui, mais je suis quelqu'un de plutôt patient. Okay, de très patient, et je ne reprocherai jamais à quelqu'un de débutant d'avoir des difficultés... je suis passé par là moi aussi." On t'a même qualifié d'un peu trop faible, il est vrai qu'il est très facile de te marcher sur les pieds et que tu n'aimes pas confronter qui que ce soit. Ce sont même des interactions que tu détestes et de ton vécu, il est bien mieux de prendre une grande inspiration et de repartir de zéro dans tous les cas. Tu suis de ton regard bleuté l'échange entre le grand et le petit frère, c'est attendrissant et tu reconnais immédiatement le morceau dont Sam fait référence. "Je la mets sur la liste des chansons à travailler alors !" Tu te fais une note mentale, te disant que ce sera un bon moyen d'avoir son attention et qu'il fasse des progrès. Toujours commencer par des chansons que les élèves préfèrent, il est vrai que certains ont besoin d'apprendre avec une méthode un peu plus académique, mais comme tu l'as déjà dit à Angus, tu sais t'adapter et tu es flexible. Et plus que cela, tu aimes transmettre ta passion pour le piano et pour la musique en général, c'est un sujet que tu connais, que tu maitrises, tu es dans ton élément, la panique et l'anxiété sont rangés bien loin dans ces cas-là. Tu es intrigué quand il te parle du régime alimentaire de Sam, curieux même mais bien persuadé qu'Esmée peut s'adapter à tout sans aucune hésitation. "Oh si tu crois qu'Esmée te laissera participer aux frais du repas, bon courage, mais on en reparlera plus tard." Tu as un haussement de tes sourcils, tu connais déjà la réponse de ton ainée, votre cuisine est un peu ouverte à n'importe quelle âme en peine qui passe la porte, Esmée est de ceux qui font passer leur amour et leur affection avec un repas chaud et une assiette bien remplie. Cela marche totalement dans ton cas mais tu as bien conscience que tout le monde ne fonctionne pas de cette manière-là.
"On va les laisser régler les détails, laisse-moi te montrer le reste de la maison, sauf la chambre de Nicholas, personne n’a le droit d'y rentrer." Tu entends la voix d'Esmée et tu lui tires la langue la seconde suivante, parce qu'elle te ferait presque passer pour une personne maniaque qui ne veut pas partager son espace... ce qui est un peu le cas, oh, ça et le fait que ta chambre soit un fouillis sans nom que personne, surtout pas vos invités ne devraient voir. Tu la regardes tendre la main à Sam et disparaitre vers la salle de bain et tu te tournes vers Angus, tu enregistres son numéro d'urgence et celui de la baby-sitter, ce qui peut toujours être utile. "C'est enregistré..." Et si cela le rassure lui alors, tu ne risques pas de refuser. "Je donne également des cours aux adultes et crois-moi, ce sont eux qui se découragent plus facilement que les plus jeunes. Cela ne m'étonne pas vraiment en réalité." Que tu confies, tu t'étires légèrement sur le canapé, avant de retourner ces questions à l'autre homme. "Et toi ? Tu as un boulot prenant ? Ça va de gérer tout ça et Samuel ?" Il s'occupe de son petit frère mais vraiment, qui s'occupe de lui ? Tu supposes que personne ne le fait et si Angus te ressemble vraiment, il doit se contenter d'intérioriser tout cela, ce qui n'est pas très saint, c'est vrai. "Non parce que si tu as besoin, on est là, l'emploi du temps d'Esmée est plutôt libre et elle se fera une joie de garder Samuel au besoin." Pas besoin de vous prévenir ou quoi que ce soit, entre les cours de piano et tes passages au vignoble de Dani et l'association où tu donnes des cours, il te reste pas mal de temps libre. Il est en général passé avec Esmée, devant la télé ou dans la cuisine. "Et puis même si tu veux faire une pause, tu peux venir te réfugier ici." Que tu ajoutes en hochant la tête, ton sourire toujours bien en place sur ton visage. "Tu as déjà mon numéro, donc hésite pas, tu te rendras rapidement compte que je n'ai pas des horaires conventionnels, et j'ai besoin de peu de sommeil donc... n'hésite pas."
Au plus il sourit et au plus j'arrive à me détendre. Je me suis connu plus bavard, c’est pas que je ne me sens pas à l’aise en sa compagnie, mais je vois les cours de piano comme une enjeu bien trop important pour pouvoir me permettre de faire mauvaise impression. Alors, moins j’en dis et plus j’ai de chance de ne pas tout faire foirer. Je préfère le savoir Sam ici, un après-midi par semaine que chez quelqu’un que je viendrais tout juste de rencontrer. C’est un peu le cas avec Nicholas, car la première fois qu’on s’est vu remonte à des années et c’est à peine si nous avions échangé deux mots à l’époque. Pour autant, je sais que mon grand-père serait heureux de voir Samuel passer du temps avec Esmée et son petit-fils. Il me parlait beaucoup d’elle étant en vie, un ange, c’est comme ça qu’il la voyait. Ça n’avait rien de romantique, pas dans sa bouche, ça faisait juste partie des faits qu’il avait constaté à force de la côtoyer. C’est la bienveillance d’Esmée qu’il aimait le plus ainsi que sa générosité. ‘J’espère qu’un jour tu trouveras une amie comme Esmée, car c’est de personnes comme elle dont il faut s’entourer.’ Qu’il m’avait dit un jour après lui avoir rendu visite. Finalement, je n’ai pas eu besoin de chercher une quelconque ressemble parmi mes proches, je n’ai eu qu’à venir la trouver ou alors c’est elle qui m’a trouvé assis devant la tombe de celui qui fut un jour notre dénominateur commun. Peu importe, le fait qu’aujourd’hui on est ici, chez elle et que je peux pas m’empêcher de penser à lui. Parce que c’est ok, d’y penser, chez les Hurley. Quand j'y pense, je me dis que c'est pas un hasard si Esmée est apparue ce jour là et que c'est forcément lui qui l'a mis sur ma route. Mes lèvres s’étirent en un petit sourire amusé lorsque Nicholas fait référence à l'une de ses qualités. Je ne serais pas contre un peu de patience en plus, les seules fois où je sais me montrer conciliant, c’est en présence de Samuel. Pour le reste, j’ai la fâcheuse tendance à faire preuve d’impulsivité. Je m’énerve moins que y’a quelques années, mais il suffit d’un évènement indésirable pour que mes efforts partent en fumée et que je retombe dans les vices d’une colère démesurée. « Une qualité qui se fait de plus en plus rare. C’est quoi la première chanson que tu as joué au piano ? » Samuel se retourne pour donner ses deux conditions, l’une concerne la chanson préférée de celle qui l’a mise au monde et l’autre est en rapport avec le dessin animé préféré de son meilleur ami. Deux personnes que tout oppose, mais qui ont un point en commun non négligeable : celui d’avoir touché le cœur de mon petit-frère. Je l’entends murmurer un petit cri de victoire en souriant quand le brun plaide en sa faveur. Je me retourne vers lui, c'est à mon tour de poser mes conditions, enfin une seule : participer à tous les frais supplémentaires que la présence de Samuel pourra leur coûter. Je vois pas d’inconvénients à ce qu’il mange chez eux le mercredi soir, je trouve ça même plutôt pas mal si on considère le fait que cela favorisera ses échanges et ses interactions sociales. Je lâche un rire en tournant la tête vers sa grand-mère, je sais qu'elle ne me laissera pas lui donner un centime. Ouais, bon, peut-être qu’elle ne sera pas facile à convaincre et loin de moi l’idée de vouloir l’offenser, mais je trouverai bien une façon détourner de la rembourser cela soit sous forme d’espèces, de fleurs ou encore de chocolats. Les bons comptes font les bons amis, si y’a bien un proverbe qui est vrai, c’est celui-ci. L’argent, ça finit toujours par poser souci et puis de toute façon, j’ai déjà ajouter les frais au tableau budgétaire que j’ai dans le cerveau. « Je n’ai pas dit mon dernier mot. La suite au prochain épisode ! » Je souris, elle est têtue, mais je suis bélier et nous ne sommes pas réputés pour laisser tomber aussi quand on a eu une idée en tête, on ne l'a pas ailleurs. "On va les laisser régler les détails, laisse-moi te montrer le reste de la maison, sauf la chambre de Nicholas, personne n’a le droit d'y rentrer." Hurley se met à lui tirer la langue et j’ai l’impression de voir Samuel. C’est une de ses mimiques préférées et celle qu’il utilise toujours en présence de Penny car elle a tendance à céder facilement, contrairement à moi qui essaye désespérément de lui montrer qu’il n’est pas possible d’avoir tout ce qu’on veut dans la vie et qu’il faut parfois savoir faire des compromis. C’est ce que je tente de faire sur le papier, en vérité je suis pas friand de la négation, mais je me force quand même parce qu’il a encore du mal avec la frustration et que mis à part notre cercle d’amis, personne d’autres ne lui fera de cadeau dans la vie. Je veux qu’il soit prêt pour ce qui l'attend et qu’il puisse faire face à toutes les situations. Esmée tend la main vers mon frangin, une grimace vient déformer mon faciès tandis que je baisse la tête pour ne pas avoir à être témoin du vent qu’il est sur le point de lui mettre. Il jauge la main un moment, puis commence à avancer vers la salle de bain, j’espère qu’elle ne verra pas sa désapprobation comme un manque de respect. Sam déteste le contact humain et même si parfois j’aimerais pouvoir le prendre dans mes bras pour le réconforter ; le féliciter avec un high five ou simplement ébouriffer ses petites bouclettes pour le chamailler comme le font les fratries que je peux voir lorsque je l’accompagne au parc, j’ai appris à faire sans. « Tu caches pas un alien dans ta chambre, si ? » Je le regarde amusé, tandis que j’écoute d’une oreille mon frangin qui est semble être en pleine discussion sur les pommeaux de douches. Pauvre Esmée qui doit écouter toute l’histoire sur le pourquoi du comment nous nous sommes retrouvés avec un pommeau en forme de micro vintage. Je lui file mon numéro d’urgence, sur lequel je lui demande de m’appeler en cas de problème, petit ou gros, même si j’espère qu’il n’aura jamais à en faire usage. Bien, je crois qu’on peut dire que ça fait officiellement de lui, le nouveau professeur de musique de Samuel. Je vais devoir mettre un peu plus de côté parce que je vois venir le jour où il me suppliera de lui offrir son tout premier piano. Le sujet de la conversation dévie vite sur les adultes, j'écoute son expérience en acquiesçant. Je suis d'accord avec lui, les adultes n'ont plus aucune patience. Les enfants ont la chance de ne pas être encore habitués à pouvoir tout avoir dans la minute ou presque. Aujourd’hui, tout est fait pour que l’on n'est plus à attendre. Il est possible de recevoir un objet ou un habit en une journée, il suffit d’un texto pour pouvoir avoir des nouvelles d’une personne même lorsqu’elle se trouve à l’autre bout du monde. En bref, on a plus le luxe de pouvoir se languir et si certains ne regrettent pas le temps d’avant, il m’arrive parfois d’avoir envie de retourner à l’époque ou j'avais hâte de voir le facteur passer. Je suis pas prêt à me ridiculiser devant lui, mais je garde quand même cette information dans un coin de la tête sait-on jamais si la peur de voir ma mémoire défaillir prend un jour le dessus sur celle d'avoir à lui casser les oreilles. Je détourne le regard et passe mes mains sur mes genoux pour défroisser mon jean quand il me questionne sur mon boulot. « Oui, je bosse chez Michael Hills et je fais quelques petits trucs en freelance pour mettre de la crème dans les épinards. » Payer les rendez-vous médicaux de Samuel et ceux de ma mère, entre autre. « En gros je fais miroiter aux gens les bienfaits d'une union pour pouvoir augmenter les ventes de bijoux. » Parce que c'est ça, mon job. Aussi détestable que ça puisse être, je passe mes journées à me casser la tête pour pouvoir incruster des idées toutes faites dans le cerveau de potentiels acheteurs. Je joue sur les sentiments, sur les valeurs de l'amour et de la famille alors que je suis peut-être le dernier à y croire. C'est ce que je sais faire de mieux, analyser, mentir, c'est devenu mon quotidien et même s'il m'arrive de ne pas en être fier, c'est ce qui me permet de subvenir aux besoins de mon foyer. Je n'ajoute rien par rapport à Sam, c'est pas facile tous les jours, mais c'est pour lui que je me lève le matin. « C'est sympa, merci.» Ça me rassure de savoir qu'il y aura toujours des gens pour prendre soin de lui. Je préfère pas penser au pire, mais y'a des fois où ça m'angoisse de me dire qu'il n'a plus que moi et que s'il m'arrivait un truc, il finirait sûrement dans une famille d'accueil. La plupart du temps ça m'arrive juste après l'avoir bordé ou alors quand un con me fait une queue de poisson et qu'on frôle l'accident. En fait, ça m'arrive souvent, trop souvent et dans ces moments là il m'est impossible de respirer comme si ma cage thoracique se mettait à se resserrer sur mes poumons. J'en ai jamais parlé à personne, je veux pas qu'on pense que je ne suis pas à la hauteur ou que c'est trop pour moi et qu'on décide de nous séparer. Et puis aller voir un psy, ce serait pas bon pour mon dossier. « Je ne dirais pas non à quelques soirées musique. » À l'écouter jouer du piano autour d'une boisson chaude ou à parler de tout sauf des responsabilités.« Ça nous fait un point commun pour le sommeil. Et pareil pour vous, si jamais un jour vous avez besoin d'un service et que c'est dans mes cordes. » Parce que je vois pas comment je pourrais les aider ou leur rendre la pareille. J'ai aucun talent pour la musique et pas d'appartement assez joyeux pour pouvoir les inviter.
≈ ≈ ≈ {music is what feelings sound like} crédit/(stefansalvatored/tumblr) ✰ w/@Angus Sutton
Tu comprends bien qu'en plus d'être le grand frère, Angus est le point d'ancrage de Samuel et que l'inverse est vrai. Et il n'y a rien que le plus âgé ne fera pas pour défendre ou même aider son petit-frère, ce qui est plus qu'honorable. Ils sont proches et en dehors de leur grand-père décédé, tu en sais peu sur la vie de famille des Sutton, Esmée doit en savoir plus que toi, cependant, tu as assez de jugeotte pour savoir que cela serait complètement malpoli et maladroit de demander maintenant. C'est comme la situation avec toi et Esmée, pour certains, tu es un adulte un peu trop timide qui n'a jamais volé de tes propres ailes, pour d'autres, tu as sacrifié une partie de ta vie pour subvenir aux besoins de ta grand-mère... les deux hypothèses sont complètement fausses et pour toi, Esmée est ta famille, ni plus ni moins, et pas quelqu'un dont tu envisages de te séparer de si tôt. Tu es à l'aise ici, alors pourquoi chercher à construire ton propre nid ? C'est peut-être de la lâcheté, c'est peut-être de la peur, mais au final, cela vous correspond bien et tu t'es toujours moqué de l'opinion des autres à ce sujet. Tu supposes que c'est pareil pour Angus et Samuel et qu'Angus a prévu d'être là pour toutes les étapes de la vie de son petit frère et qu'il a bien dû mal à l'imaginer grandir... Donc non, tu ne feras pas l'affront de poser les questions à voix haute, quand dans un sens et par bien des aspects, tu comprends et respectes leur dynamique. Et tu te sens un minimum fier qu'Angus accepte de te, non de vous faire confiance de cette façon-là à Esmée et toi, c'est comme une médaille invisible qu'il vient de passer autour de ton cou et pour toi c'est une récompense qui a bien plus de valeurs que n'importe quel billet ou montant dans ton compte en banque. "Un alien dans ma chambre ? Carrément ? Si je réponds oui, qu'est-ce que tu fais ? Tu mets Samuel sur ton épaule et tu pars en courant ou... ?" Que tu rétorque très facilement à Angus, laissant échapper un léger rire. Quand vous êtes de nouveau seuls, la conversation est simple et facile et bien naturellement, tu lui demandes ce qu'il fait pour vivre. Le métier d'Angus a l'air plus compliqué que le tient, c'est certain, cela ressemble bien à un boulot compliqué où il faut s'asseoir devant un bureau plusieurs heures et il est certain que cela n'aurait pas été fait pour toi. Tu hoches la tête même si tu ne comprends pas tout mais tu saisis bien qu'il n'est pas particulièrement fier de ce métier, cela lui permet de vivre au moins et cela reste tout de même important. Il ne commente pas sur l'état de Sam et sur les montagnes qu'il doit grimper tous les jours et tu doutes qu'il le fasse, il est encore plus humble que toi et très sincèrement, tu ne pensais pas que cela était possible. "Moi je dis, du moment que tu payes les factures, c'est le plus important, non ? Il faut parfois faire des concessions, certains ne s'en rendent pas forcément compte." Que tu commentes tout simplement, tu te souviens encore du temps de 15 possible girlfriends, quand toi et Dahlia, vous étiez obligés d'accepter les requêtes et les cérémonies impossibles de certains couples. Tu as toujours aimé la musique et ton art, mais parfois, il t'a fallu penser aux factures médicales d'Esmée, à l'eau, l'électricité et le frigo qu'il faut remplir, sans compter que cette maison n'est plus toute jeune. Vous ne payez pas de loyer, elle appartient totalement à Esmée mais il faut quand même l'entretenir et cela n'est pas donné à tout le monde. Pour le moment, tu te contentes de donner des cours de piano et aider de temps en temps, au vignoble de Dani, dès qu'elle a besoin d'un changement d'ambiance et de musiciens. L'un comme l'autre, tu arrives à te faire des sous et à contribuer aux dépenses de la maison au quotidien, tu sais que tu ne vas pas pouvoir continuer de faire sur le long terme. Sinon toutes les économies faites ces dernières années vont y passer, il va te falloir quelque chose de plus stable. Quoi ? Tu ne le sais pas encore, tu te donnes encore quelques mois pour y réfléchir, et comme Angus, tu feras des concessions, tu trouveras quelque chose de solide avec une bonne paye et la musique sera mise de côté, parce que c'est ce qu'être un adulte veut dire malheureusement. Pas besoin d'y penser maintenant, pour le moment l'atmosphère est toujours légère et tu es plus que sérieux en lançant cette bouteille métaphorique à la mer et en rassurant Angus. Tu as l'impression que tu fais cela de plus en plus souvent ces temps-ci, dire aux gens de venir se réfugier dans ta petite forteresse plutôt que d'aller explorer le dehors, mais comment ne pas le faire ? Il y a des instruments, de la musique, des couvertures en laine et beaucoup, beaucoup de nourriture, et tu n'as jamais vu Esmée mettre qui que ce soit mal à l'aise, c'est même tout le contraire et à chaque fois d'ailleurs. "Les soirées musique c'est ce que je fais de mieux, n'hésite pas hein, je suis sérieux, je ne vais pas faire comme Esmée qui va te tirer les joues et te dire que notre maison est un peu un moulin et tu peux venir ici quand tu le souhaites mais..." Tu as un autre rire à la fin de ta phrase, te contentant de hausser les épaules et d'ajouter un : "Tu comprends bien l'idée." Parce que tu sais que tu ne peux pas et de toute façon, tu ne veux pas qu'il se sente forcé ou quoi que ce soit. La voix d'Esmée te parvient de loin et tu tournes légèrement pour constater qu'elle vient d'emmener Samuel dans sa chambre à elle, et qu'ils viennent de trouver ton chat, non le tient et celui de Jo, endormi sur le lit de cette dernière. L'animal trouve toujours l'endroit le plus confortable de la maison, un don qui d'ordinaire t'es réservé mais tu as passé l'âge de te réfugier dans la chambre d'Esmée après une mauvaise journée, ils n'ont pas besoin de vous et tu te tournes vers Angus. Puis vers le piano, puis vers Angus avec un autre sourire. "Et si je commençais dès maintenant ?" Tu te lèves sans même le réaliser, faisant signe à l'autre brun de te suivre et très naturellement tu t'installes devant ton piano, laissant assez de place sur le banc en cuir pour qu'il vienne s'installer à tes côtés. "Allez ne me dis pas que Samuel est le seul avec la fibre musicale dans ta famille... et puis il a été assez courageux pour poses ses questions... la première leçon est gratuite." Que tu annonces, l'après-midi se dessine devant vous et Angus apprendra rapidement que tu ne peux pas passer une heure entière sans jouer quoi que ce soit, oui, que tu te dis en lui renvoyant un autre sourire, il apprendra très vite.