« Tu bouges pas d’accord… Discute pas Clément, je prends la voiture. Oui, je serais là dans vingt minutes. Okay ? À tout de suite babe. » Mon père pose un regard interrogateur sur moi tandis que je raccroche et fais glisser mon téléphone dans la poche arrière de mon short en jean. « Clément a fait un malaise chez l’ostéopathe, je vais aller le chercher. » Sauf que l’on était en train de jardiner, que j’ai les mains remplis de terre et aucune idée de l’endroit où j’ai pu laisser mes clés de voiture tout à l’heure. J’avais promis à mon père de passer l’aider pour remettre en forme son jardin. Depuis son accident vasculaire, il a du mal à reprendre des gestes qui lui était quotidien. Je sais qu’il a cessé de jouer au plus têtu et que Martin et lui s’entraide dans leur rééducation. À vrai dire, je me fais bien moins de soucis depuis qu’ils vivent l’un à côté de l’autre, parce que les deux s’entendent à merveille et j’ai entièrement confiance en mon meilleur ami pour garder un œil sur mon père qui s’entête à vouloir retrouver son indépendance. Il a su m’appeler tout de même pour gérer cet arbre qu’il voulait retirer et couper les arbustes et plans de fleurs qui avaient été laisser à l’abandon. On a pu parler de mes fiançailles et il a passé l’après-midi a me répéter à quel point il était heureux de me savoir avec Clément. C’était une bonne journée, mais l’appel de mon fiancé vient de réveiller toutes les angoisses des derniers mois dès qu’il s’agit de la santé de mes proches. « Mon grand, tes clés sont sur la table de la cuisine. » Je hoche la tête, essuyant grossièrement mes mains sur mon short, tant pis pour les traces. « Tu conduis doucement et tu m’appelles quand vous êtes rentré. » - « Oui papa t’en fais pas. » Ne voulant lui laisser un jardin en vrac, je prends le temps de ranger les quelques outils avant de revenir l’embrasser. « Et tu dis à Martin pour ton bras sinon, c’est moi qui le ferais. » Il râle, m’assure qu’il sait encore se débrouiller et que je ne dois pas oublier que c’est lui mon père et pas l’inverse. Je lève les yeux au ciel, mais j’ose espérer qu’il indiquera à mon ami le progrès qu’il semble avoir fait en termes de motricité, mais qui lui apporte une légère douleur selon ses dires. « File chercher ton fiancé ! » Et ça l’amuse tellement de dire cela que j’arrête de l’embêter et traverse la maison pour retrouver mon véhicule.

Peut-être que j’exagère légèrement sur la vitesse et il se peut que j’aie grillé une priorité, mais lorsque j’arrive devant l’hôpital, Clément est toujours là, en train de discuter avec un homme en fauteuil roulant. Je klaxonne rapidement pour lui indiquer ma présence tout en lui laissant le temps de s’excuser auprès de l’homme à ses côtés. Je suis rassuré lorsque je le vois arriver vers la voiture, il n’est pas tout pâle, il a son beau sourire et il semble alerte, mais bien sûr que je m’inquiète dès qu’il a pris place sur la place à côté. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Je me penche pour l’embrasser sans redémarrer la voiture pour le moment. Du coin de l’œil, je remarque que l’homme avec qui il discutait semble nous observer. « Tu le connais ? » De loin, je n’arrive pas vraiment à reconnaître les traits du patient et avant que je n’ai le temps d’observer plus longuement, il détourne son fauteuil pour retourner à l’intérieur.

@clément winchester

Lorsque je me détourne de Cian après avoir reconnu la voiture de Loan, je laisse échapper un discret soupire, sentant toute la pression que je ressentais face à lui qui s'évapore. Je n'aime pas prendre les gens en pitié mais merde, la vie n'a pas été gracieuse avec le soldat! Et le pire dans toute cette situation c'est qu'il se persuade de plus en plus que personne ne pourra le sauver car personne ne peut le comprendre, lui et sa vision de la chose. Hors, il se trompe. Alors que je m'avance sur le parking, je me fais la promesse solennelle d'aller voir Martin dans les prochains jours, dès fois qu'il pourra l'aider, lui, car je sais qu'il a une toute autre vision du métier que la plupart des kinésithérapeutes que je connaisse.

J'ai à peine le temps de m'installer sur la place passagère de la voiture, que Loan me demande directement ce qui s'est passé. Je me prend toutefois encore le temps pour répondre pleinement à son baiser avant de me reculer contre le dossier et attraper ma ceinture  « J'en sais rien» haussais-je les épaules  «Un coup ça allait très bien et la seconde d'après, pouf, trou noir, plus de force et je me suis évanoui pendant quelques secondes » je secoue doucement la tête et pose mon regard sur Loan qui m'observe avec son expression inquiète  « Mais ça va ! John m'a dit que c'est assez normal comme réaction vu qu'il a travailler en viscéral sur mes reins et mon foie, » je soupire doucement alors que mon corps est secoué d'un frisson  « Il m'a dit de me mettre au frais devant une série et de me reposer, mais je crois que je vais plutôt me mettre au chaud sous la couverture hein» reprenais-je en me frottant les bras dénudés.

 « Enfin, oui, je le connais celui, avec qui j'ai discuté» je lance un coup d’œil derrière moi vers l'entrée mais remarque que Cian est déjà reparti à l'intérieur  «on a un jour échangé nos valises à l'aéroport et comme il avait sa tenue de travail je me suis dit qu'il en aurait besoin rapidement, donc on s'est retrouvé au starbucks et on a retrouvé chacun nos propres valises » expliquais-je rapidement  «C'est aussi le meilleur ami de l'ex d'Allan » reprenais-je, me surprenant, presque, moi-même, combien je n'arrive plus à prononcer le mot 'père' quand je parle de lui  «Enfin, il a eu un sacré accident de moto l'année dernière et les conséquences sont assez désastreuses. Je pense que je reviendrais le voir dans les prochaines semaines » j'observe un instant le dashboard devant moi avant de relever mon regard sur mon fiancé  «ça va toi sinon ? C'était bien le jardinage ? » demandais-je en désignant, amusé et un peu moqueur, les mains encore sales qui agrippent le volant.  «il va bien James ? »

Dès l’instant où mon regard se pose sur Clément, je ne m’en détache plus. Il semble allait parfaitement bien tandis qu’il s’avance vers ma voiture, mais j’ai cette tension dans le bas du ventre, cette angoisse qui ne me quitte plus vraiment depuis de nombreux mois désormais. À croire que mes proches se doivent tous de passer un sale moment, que le sujet de la santé est devenu épineux au point que même un simple rendez-vous de routine pouvait se transformer en catastrophe. J’en viens à me demander si cette fichue femme aux poupées, n’avait pas lancé une malédiction sur ma personne, à devoir supporter la maladie des êtres qui me sont chers sans savoir quoi faire. Je déteste me sentir aussi impuissant face aux aléas de la vie, j’ai de plus en plus de mal à supporter cette pression qui me laisse croire qu'un claquement de doigts tout pourrait basculer bien trop rapidement. Jamais je n’ai eu la prétention de ne pas craindre la mort, mais elle s’amuse bien trop souvent autour de mes proches ces derniers temps.

Dès l’instant où il s’installe à mes côtés, Clément me rassure tout en prenant le soin de m’expliquer ce qui s’était réellement passé. Je lui fais confiance, je sais qu’il ne déguise pas la vérité, qu’il a juste eu une légère absence et que je ne devrais pas m’en faire autant. « Je te ramène à la maison. » Chez nous, dans ce cocon où rien ne pourra lui arriver. « Et crois-moi on va suivre ses conseils à la lettre. » C’est-à-dire pas de folie, pas de balade imprévue avec le chien et pas l’ombre du moindre effort pour sa personne. Je lui adresse un tendre sourire, tout de même rassuré de le voir aussi actif, malgré le frisson qui semble le parcourir. Ma main vient glisser sur son bras avant que je ne reprenne ma place derrière le volant.

Tandis que je redémarre, Clément m’explique qu’il connaît plutôt bien l’homme avec qui il était en train de discuter. J’écoute son sourire avant de frémir à l’entente de l’accident qui semble l’avoir paralyser dans un fauteuil roulant. C’est sans demander mon reste que je nous éloigne de cet hôpital avec le bon espoir de ne pas avoir à faire une nouvelle visite avant plusieurs années. Cependant, mon fiancé semble déterminer à revenir voir son ami. « Peut-être qu’un peu de visite pourrait lui faire du bien. » Je ne connais pas cet homme, mais je sais lire l’inquiétude sur le visage de Clément qui se veut bien plus présente que n’importe quelles autres émotions même à l’évocation du prénom de son père. Je préfère ne pas lancer la conversation dans cette direction, sachant pertinemment qu’il ne veut plus en entendre parler. Il préfère évoquer mon propre père et l’activité qu’il a su m’imposer toute l’après-midi. « Mon passe-temps favori. » Le sarcasme est plus que détectable dans mon ton amusé, j’adore les plantes, je voudrais en avoir partout dans la maison, mais je ne sais pas les tenir en vie, qu’importent les conseils que l’on me donne ou les tutoriels que je trouve sur le net. « Il va bien, il est RAVI que j’ai accepté ta demande. » Et encore, le mot ne couvre pas réellement tout ce que mon paternel a su exprimer à propos de la nouvelle. « T’étais déjà son favori, mais là t’a gagner la première place à vie, tout le quartier est déjà au courant que l’on va se marier. » Je me moque un peu, mais c’est un véritable soulagement que mon père ait toujours été ainsi, il n’a jamais jugé ma sexualité, n’a jamais essayé de me faire changer quoi que ce soit et le voir aussi fier de parler de notre mariage, c’est quelque chose que je n’oublierais pas. « Je crois qu’il est juste très fier et heureux pour nous. »

Je sais que je pourrais toujours compter sur Loan. Peu importe ce qui m'arrive, de mauvais ou de bien, il sera là, à mes côtés. Depuis plus de 2 ans de relation, l'Australien est passé maître dans l'inquiétude, mais aussi dans le fait de s'occuper de moi tous les jours. Même s'il se perd un peu trop souvent dans sa gentillesse et sa bonté, il est la meilleure chose qui ait pu m'arriver et rien que cela, je ne l'en remercierais jamais assez. Alors, lorsqu'il me dit qu'il va me ramener à la maison et que 'nous' suivront les conseils de John à la lettre, c'est un doux sourire reconnaissant qui s'affiche sur mes lèvres, mon regard, lui, se posant sur mon fiancé qui s'installe au volant. « Merci» dis-je encore simplement en serrant gentiment son genou avant de me lancer dans une explication sur le pourquoi du comment je connais l'homme avec qui je discutais. Loan me confirme le fait qu'un peu de visite de lui ne fera pas de mal et, dans un hochement de tête, je me promets de revenir le plus vite possible.

Le sujet de discussion dévie, finalement, vers l'activité de l'après-midi de Loan : du jardinage avec son père. J'en profite pour lui demander des nouvelles de James et j'apprends avec joie que l'homme va bien. Lorsqu'en plus l'amour de ma vie précise que son père est plus que ravi que son fils ait accepté ma demande en mariage, je laisse échapper un rire amusé, n'ayant aucun mal à imaginer James être encore plus excité que Loan. Il finit par me dire que j'ai gagné la première place dans son cœur et que toute la rue est au courant de notre futur mariage. « Eh ben dis-donc ...» Soufflais-je, amusé « Je l'imagine bien n'avoir pas perdu une seule seconde pour passer plein de coup de fils » je rigole à nouveau, ayant en tête l'image d'un James qui se cours partout et criant sur tous les toits -littéralement- que son fils va se marier. Quite à se prendre des remarques des éventuels voisins homophobe, il serait carrément aussi du genre à leur parler pour changer leur idées reçues «C'est vraiment cool » reprenais-je, sincère. J'ai peut-être perdu un père avec le départ d'Allan, mais j'en ai retrouvé un avec James et au moins, je sais avec exactitude que lui ne partira pas.

« Au fait... » Dis-je finalement après quelques instants de silence « J'ai revu Diane. Tu sais, ma mère biologique» expliquais-je rapidement « Elle m'a dit que j'ai parlé, sans le savoir, avec mon père. Enfin, mon géniteur» je pince les lèvres et détourne le regard « Tu sais, lors de la première de ma pièce, t'étais en train de discuter avec Charles et en voulant vous rejoindre, j'ai renversé ma bière sur Antone. Je t'en avais parlé rapidement » je hausse les épaules « turns out Diane a eu une brève aventure avec lui et 9 mois après ... Me voilà» je me passe la nuque et affiche un sourire contrit « Je sais pas maintenant si je dois aller le voir et lui parler de tout ça ou si je dois rester en retrait et oublier» je soupire doucement « Sachant que ce sera impossible pour moi d'oublier une telle information» cela dit, je me doute fortement que Loan me conseille de laisser couler et de ne surtout pas prendre contact avec Antone. De toute manière, qui pourrait le blâmer ? Il a bien vu l'état dans lequel je me suis mis au départ d'Allan et, ne connaissant absolument rien du professeur, il n'est pas exclu qu'il fasse le même coup.

Ce n’est pas comme si on avait de la famille tout autour du ventre pour expérimenter différents types d’annonce quant à nos fiançailles, mais il faut dire que mon père fait le travail pour tous les absents. Je savais qu’il serait le plus heureux, sa réaction n’a pas démenti mon pressentiment. Depuis toujours il a su me soutenir dans mes choix et jamais il n’a remis en question mon orientation, bien au contraire. Lorsque je passais mon temps à douter de tout et surtout de mes choix, il a été le premier à me rappeler que je ne devais pas me laisser mener par l’avis des autres, mais plutôt suivre le chemin qui me rendrait le plus heureux. La route fut longue et parsemée d’embûche, mais aujourd’hui me voilà fiancé à un homme assez exceptionnel, il faut bien le reconnaître. « Il veut qu’on aille dîner chez lui la semaine prochaine. » Clément ne saura refuser une telle demande, parce que dans toute cette histoire ce qui me ravie peut-être le plus, c’est qu’il s’entende aussi bien avec mon père. « Parce que tu comprends que moi, je lui raconte notre voyage, c’est cool, mais il veut ta version des faits aussi. » Avec exagération, je lève les yeux au ciel cherchant à démontrer un quelconque ennui quand la réalité se trouve bien ailleurs.

Tandis que je m’insère à nouveau dans le trafic pour nous ramener chez nous, je sens que Clément s’agite de plus en plus sur son siège. Ce n’est jamais bon signe lorsqu’il hésite autant à aborder un sujet, mais pourtant, je le laisse faire préférant ne rien forcer. C’est toujours pareil, il hésite un instant, mais finit par sauter dans le vide sans prendre de détour. Je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’il me parle de sa mère biologique et encore moins du déroulé qu’il est en train de m’exposer. Je n’ai aucun souvenir d’avoir croisé un homme portant le prénom Antone, mais je me rappelle avoir passé du temps à discuter avec Charles sans que Clément ne soit dans les parages. Qu’il est renversé, sa bière n’a rien de particulièrement étonnant, qu’il est retrouvé son père biologique ainsi, me laisse un peu plus réservé cependant. « Clément… » Mes doigts se resserrent autour du volant, conscient que je vais devoir choisir mes prochains mots avec beaucoup d’attention. Je comprends sa quête de vérité sur ses origines, je serais bien mal placé de lui reprocher sa curiosité lorsque la mienne ne cesse de me titiller, mais il a essuyé tant de déceptions par le passé. Je n’oublierais jamais l’épisode Allan et si ce dernier devait un jour se pointer en ville à nouveau, il ne serait pas déçu du voyage. « Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée babe. » En douceur. Cet homme a eu une aventure d’une nuit avec Diane, rien de plus. Autrement dit, il n’est probablement au courant de rien et va se retrouver comme par magie avec un grand garçon de 27 ans sur les bras. On ne sait pas comment il pourrait réagir. « Tu ne sais rien de cet homme. » Est-il quelqu’un de bien ? Serait-il prêt à accueillir Clément dans sa vie ? « Est-ce qu’il au courant de ton existence au moins ? » Sans savoir qu’il s’agit de Clément en particulier, mais sa mère avait-elle mis au courant cet homme de sa grossesse ? Si c’est le cas, il n’a jamais cherché à rencontrer son fils… S’il s’avère qu’elle n’avait jamais rien dit, Clément pourrait en venir à détruire une famille en débarquant ainsi.

Je laisse échapper un rire lorsque Loan me dit que son père souhaite que nous venions dîner avec lui la semaine prochaine, car il souhaite avoir ma version des faits concernant notre voyage. «Du grand, très grand, James » dis-je amusé, secouant doucement la tête « Tu lui diras que je ne viens que s'il prépare ses pizzas maisons, sinon je met pas les pieds chez lui» reprenais-je avec ironie et humour, car je sais que Loan sait que je ne pourrais pas refuser une invitation à dîner de la part de son père. «Enfin ...Même s'il prépare une salade verte, tu sais bien que j'accepterais de venir dîner chez lui » reprenais-je en posant une main sur la cuisse de mon fiancé.

En parlant de père, je fini par avouer à Loan quelque chose dont j'aurais dû lui parler depuis quelques jours déjà. Ainsi, je lui annonce avoir apprit l’existence de mon géniteur qui n'est personne d'autre qu'Antone Sisco, l'homme sur qui j'ai renversé ma bière lors de la première de ma pièce. Évidemment, Loan réagit avec une réelle retenue, voire carrément une certaine aversion, ne comprenant sans doute pas pourquoi je m'évertue autant à vouloir trouver ma famille biologique alors que mon père adoptif m'a tant de fois déçu. Je le comprends totalement et pourtant, c'est plus fort que moi : depuis que je sais que je suis adopté mon rêve le plus précieux c'est de connaître l'identité de mes géniteurs. Et maintenant que Diane m'a parlé d'Antone, je sais que je ne peux pas faire machine arrière.

«Il connaît mon existence en tant que personne, mais pas en tant que fils» dis-je en haussant les épaules «Et si, je sais qu'il est professeur d'économie à l'université. Ce n'est pas 'rien' non plus ! » dis-je avec une certaine ironie dans la voix avant de pousser un soupire « Je ne sais pas quoi faire» dis-je en me reculant contre le dossier du siège «Je veux dire, d'un côté, j'ai vraiment envie de le connaître et de savoir ce qu'il pense de toute cette situation, d'un autre côté je ... » Je soupire «J'ai pas non plus envie de m'imposer dans sa vie, tu vois ? Je ne lui demanderais absolument aucune compensation financière non plus. Je ...Je sais même pas pourquoi j'ai si envie de le connaître  » je pose mon regard vers l'extérieur «qu'il soit ou non dans ma vie ne changera rien à ce que j'ai vécu et ce que je suis maintenant et pourtant … j'ai cette envie assez folle de connaître mes origines » je prends une profonde inspiration et pose mon regard sur mon fiancé « Tu crois vraiment que c'est une mauvaise idée ?»

« Il suffit qu’il t’envoie un message pour que tu rappliques. » Je le taquine, mais dans le fond, j’espère que Clément a conscience que je lui en serais à jamais reconnaissant d’accepter ainsi la présence de mon père dans nos vies. Je sais qu’il ne force absolument rien et que leur complicité est tout ce qu’il y a de plus naturel. Ils n’ont pas besoin de moi pour entamer une conversation et ils savent déjà très bien faire équipe pour me rendre dingue. J’ai conscience de ma chance à chaque fois que Clément plaisante sur la situation. C’est encore complexe avec Martin, mais les deux hommes font des efforts conscients et je ne vais pas imposer plus que cela. Je suis chanceux que Clément se soit si bien intégrer à ma vie, lui qui semble être la pièce manquante que j’ai cherché pendant des années.

En parlant de pièces manquantes, Clément, ne cesse de jongler avec les siennes. Depuis les premiers temps, j’ai compris que sa situation familiale était bien plus complexe que la mienne. J’étais aux premières loges pour observer les allées et venues d’Allan et leurs conséquences désastreuses. Je pensais que l’on en avait fini avec tout cela, que Clément avait fait la paix avec l’absence de son père adoptif et qu’il s’était résolu à se construire sa famille autrement. Jamais je n’aurais pensé qu’il s’était lancé dans la quête de son père biologique ou que tout du moins que ce dernier est débarqué dans sa vie par le fruit du hasard. Je prends des précautions dans chacune de mes paroles pour ne jamais blesser mon conjoint, tout en l’invitant à ralentir la cadence. Je le connais par cœur mon futur mari, il va s’emballer en se créant tout un tas d’idées avant d’être déçu par les actions d’un homme qui ne reste qu’un pur étranger. Il cherche à me convaincre de mon erreur, j’entends dans sa voix que mon avis compte peu et qu’une fois encore, il n’en fera qu’à sa tête, ce qui m’échappe un soupir. « Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise idée. » Si je prends le chemin de la négation fermée, Clément va se braquer. « Je voudrais juste que tu… J’aimerais que tu fasses attention, Clément. » Parce que je me souviens parfaitement de la dernière déception, de la dépression que cela a entraîné et à quel point cela a failli nous mener vers la rupture. « J’ose imaginer que ça ne va pas être simple pour lui d’apprendre du jour au lendemain qu’il a un grand garçon de 27 ans. » Ce n’est pas rien, on ne parle pas d’un bambin. J’ai déjà vu ce que cela avait pu faire à Martin et Eliott n’avait que 6 mois à l’époque, il n’était pas un adulte avec une personnalité construite et tout un passé. Je profite d’un feu rouge pour me tourner pleinement vers mon fiancé. « Promets-moi que tu vas te préserver et y aller doucement… » S’il te plaît Clément.

C'est un air innocent que j'affiche lorsque je hausse les épaules quand Loan me dit, en rigolant, qu'il suffit d'un message de son père pour que je rapplique. Il n'a pas tout à fait tort, à dire vrai. James m'a accueilli dans leur famille et me considère depuis le début plus comme un fils que comme un beau-fils, je ne peux donc que je lui rentre la pareille, non ? J'avoue avoir, pendant quelque temps, jalousé la relation qu'ils entretenaient tous les deux avant de, finalement, l'accepter telle qu'elle et me dire que James est vraiment un père de substitution : si Allan ne peut pas m'offrir l'amour paternel que je demande, je sais que l'homme qui a vu grandir mon fiancé y arrivera.

Pourtant, dans le fond, je me demande depuis quelques jours ce que ça fait que d'avoir un vrai père. Encore plus depuis que Diane m'a annoncé l'existence de mon géniteur ! Je me décide enfin à en parler avec mon fiancé qui est tout sauf enchanté. Toutefois, il mesure ses paroles ce qui me conforte dans l'idée que cette idée que j'ai derrière la tête ne lui plaît pas, mais qui me rassure quand même un peu : peu importe ma décision, il me soutiendra tout en veillant sur moi, même s'il n'approuvera pas. Il me demande de faire attention, m'explique que ce sera, sans aucun doute, compliqué pour Antone de faire face à un fils de 27 ans, puis me supplie de me préserver et d'y aller doucement.

« Je vais y aller doucement, oui» dis-je en hochant la tête «Je ne vais pas faire de projets sur la comète ni me projeter trop vite dans l'avenir, je vais attendre et voir où les choses nous mène » hochais-je la tête « Mais j'ai envie d'apprendre à le connaître» dis-je en détournant à nouveau le regard, le posant sur la route devant nous «J'ai juste envie d'avoir le cœur net et lui proposer d'abord un test de paternité, ensuite, on verra. Peut-être qu'il finira négatif, qui sait » haussais-je les épaules « Peut-être que Diane s'est trompée et à confondu Antone avec quelqu'un d'autre qui lui ressemblait ? Je veux dire, ça fait plus de 27 ans qu'ils ne se sont vu et c'était seulement une très brève aventure le temps d'un week-end» je soupire doucement en me passe une main sur le front, me massant un peu les tempes « ça me file la migraine d'y penser et d'imaginer tous les scénarios possibles.»

« Je vais y aller doucement, oui. » Cette phrase, j’ai l’impression de l’avoir entendu mille fois déjà. C’est toujours la même rengaine avec Clément, le même rollercoaster qui se finit bien trop souvent par un arrêt d’urgence droit dans le mur. Je ne suis pas pour le moins du monde surpris de son engouement qu’il semble avoir tant de mal à contenir. Souvent, je me répète que je dois me mettre à sa place, que je dois essayer de comprendre ce que cela me ferait si on venait à me parler de ma mère, mais bien souvent, je laisse les souvenirs du passé prendre toute la place. La dépression qui est venue l’emporter lorsque Allan est parti, c’est bien tout ce qui m’agite. Je ne veux plus le revoir dans cet état, comme l’ombre de lui-même, incapable de savoir ce qui pourra advenir par la suite. « Je ne vais pas faire de projets sur la comète ni me projeter trop vite dans l'avenir, je vais attendre et voir où les choses nous mènent. » Les plans sur la comète, il les a tirés dès l’instant où sa mère lui a confirmer l’identité de cet homme, mais je retiens ma remarque, me mordant les lèvres pour ne pas enclencher une dispute qui s’avérera inutile. « Mais j'ai envie d'apprendre à le connaître. » - « Je crois qu’il n’y a rien de mal à cela. » Après tout, personne ne pourra venir réfréner sa curiosité. « J'ai juste envie d'avoir le cœur net et lui proposer d'abord un test de paternité, ensuite, on verra. Peut-être qu'il finira négatif, qui sait. Peut-être que Diane s'est trompée et à confondu Antone avec quelqu'un d'autre qui lui ressemblait ? Je veux dire, ça fait plus de 27 ans qu'ils ne se sont vu et c'était seulement une très brève aventure le temps d'un week-end. » Et voilà qu’il s’emballe à nouveau au point de s’en essouffler complètement. Je laisse ma main libre glisser sur sa cuisse en signe d’apaisement. « Évite de placer le test de paternité trop vite, d’accord ? » Je sais qu’il va dire m’écouter, mais qu’une fois au pied du mur, il va tout jeter dans tous les sens pour être sûr de ne rien loupé. Il est comme ça, je suis habitué, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde et j’ose imaginer que l’homme en face va se prendre une sacrée claque.

« Ça me file la migraine d'y penser et d'imaginer tous les scénarios possibles. » - « Respire babe. » Je viens garer ma voiture devant l’entrée du garage et récupère mon sac à dos sur le siège arrière. Une fois dans la maison, je regarde Clément larguer ses chaussures devant le meuble avant de filer dans le salon pour aller câliner Moana. Un soupir m’échappe, mais je range ses chaussures sans rien dire, j’ai abandonné cette bataille depuis longtemps. « Tu veux qu’on commande à manger et qu’on se fasse une soirée film ? » Je viens embrasser ses lèvres et passe dans le couloir pour aller me changer dans notre chambre. J’abandonne mon jean pour un jogging plus confortable et reviens dans la pièce à vivre pour saluer à mon tour la chienne qui m’attendait. « Tu sais à quoi je pensais ce matin ? » Je me redresse pour croiser le regard de Clément. « Faudrait que ce soit elle qui nous amène les alliances au mariage, ce serait drôle. »

Je sais parfaitement que Loan n'est pas d'accord avec moi. Je sais que tout ce qui touche ma famille est un sujet assez tabou pour lui tant il sait combien ça peut m'affecter, psychologiquement parlant. Sa retenue lorsque je lui annonce, donc, que je compte faire connaissance avec Antone, est plus que retenue et ne m'étonne guère. Toutefois, je sais qu'il acceptera mon envie de connaître mon géniteur et il sera là pour moi, peu importe ce qui se passera.

Au final, nous arrivons assez rapidement à la maison. Comme à mon habitude, je retire mes chaussures et, sans les ranger, je pars au salon, car ma priorité, c'est de câliner Moana. Celle-ci est, comme toujours, allongée sur le canapé et secoue frénétiquement la queue lorsque je m'approche d'elle. Derrière moi, j'entends Loan me proposer une soirée film et repas commandé, ce à quoi je répond positivement avec une grande joie.

Tandis que Loan va se changer, je me dirige vers la cuisine où je me prépare un grand verre d'eau avant que mon fiancé ne revienne pour me faire part de son idée pour le mariage : Moana devra être celle qui nous ramène les alliances. Je laisse échapper un rire tant je ne m'attendais pas à ce qu'il me propose cela, mais hausse les épaules «Je suis sûr qu'elle se ferait une joie de le faire » dis-je en posant mon regard sur ma chienne avant de lui grattouiller de bout de la truffe. Reposant ensuite mon verre sur le plan de travail, je m'approche de Loan et, entourant ses hanches de mes bras, je viens me blottir contre lui. Trouvant le réconfort nécessaire sous ses mains qui viennent caresser mon dos avec tendresse, je ferme les yeux et soupire, souriant doucement. « Je t'aime» ces trois mots sont, en temps normal déjà, porteur d'une puissance inouï, mais j'ai l'impression qu'aujourd'hui ils sont encore plus fort que d'habitude.