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Remettre les pieds à l’agence, ça avait été comme fouler les ruines d’une zone de guerre meurtrie par les bombardements ; difficile et nécessaire à la fois. Elle aurait eu toutes les raisons du monde de ne pas vouloir reprendre rapidement le travail, mais en plus d’avoir des obligations, elle avait tenu à arranger les dégâts causés par son agression — pardon, par sa chute — elle-même. Ça aussi, ça avait été difficile et plus d’une fois, elle s’était dit qu’elle demanderait à quelqu’un d’autre de s’occuper de tout ça, qu’elle déléguerait un temps en laissant Maze prendre le temps de régler quelques soucis pour elle, dont le nettoyage rigoureux de la scène de crime — elle s’obstinait à ne pas le voir comme ça, ce carré qu’elle verrait toujours en relief, ramenée à plusieurs jours de ça, coincée par la force d’un agresseur,  mais c’était bel et bien ce que c’était, n’est-ce pas ? Seulement, autant elle avait confiance en sa collaboratrice, autant elle avait eu besoin de constater par elle-même qu’elle était capable de revenir et de nouveau contrôler tout son environnement.
Et aujourd’hui, on avait l’impression que rien ne s’était passé ici. La table en verre avait été remplacée, les murs qu’elle avait barbouillé sans le vouloir de ses paumes ensanglantées avaient eux été repeints par ses soins tandis que son épaule continuait à la faire souffrir malgré le dispositif qui lui permettait de guérir et qui dans le même temps, lui donnait des airs de grandes blessés malgré, là encore, son obstination à ne pas agir comme telle. Son visage, lui, était encore bleuit à certains endroits, là où elle ne tenait pas à appliquer trop de fond de teint pour ne pas donner la sensation d’être quelqu’un d’autre, elle qui avait toujours la main légère sur le maquillage — s’enduire de plus de couches que d’ordinaire, ça aurait été plus suspect que la manière dont elle tenait à faire comme si rien ne s’était passé.

Pourtant, les questions pleuvaient encore de temps à autre, et elle répondait toujours la même chose ; elle avait eu un petit accident, mais elle allait bien, merci de demander. Vraiment ? Elle en doutait parfois, quand elle se sentait décoller à des années lumières d’ici alors qu’on s’adressait à elle et que dans la précipitation, elle tachait de remettre dans son contexte la vie qu’elle avait toujours mené jusqu’ici. Tout irait mieux une fois que son épaule serait remise, elle le savait.
Elle sursauta trop fort quand la clochette de l’agence retentit derrière elle, réveillant la douleur de son épaule aussitôt. Le regard perdu sur l’étendue nette du petit salon, l’endroit même où avait eu lieu son agression, elle s’était un instant laissé perturber par ses souvenirs. D’un coup, elle se retourna, comme craignant que quelque chose ne lui arrive de nouveau pour en fait croiser le regard doux d’une petite blond qu’elle connaissait bien pour avoir organisé son mariage il y avait déjà près de quatre mois de ça "Megan." commença-t-elle, libérant une inspiration qu’elle accompagna d’un sourire soulagé. Immédiatement, son regard se fronça quand elle se retourna complètement et lui demanda avec suspicion "Je peux faire quelque chose pour toi ?" Elle ne disait plus je peux vous/t’aider probablement par superstition, ou pour ne pas réveiller la blessure profonde qui avait été assenée, non seulement à son corps qu’elle sentait fragile ces temps-ci, mais aussi à son esprit qui tournait différemment depuis ce soir-là, quand c’était arrivé. Elle ferma les yeux sans même recevoir la réponse de la jeune fille, secouant la tête en se rappelant soudain "Notre rendez-vous. Pardon, j’ai oublié que c’était aujourd’hui que tu devais passer. Entre, fais comme chez toi." l’invita-t-elle un peu confuse, et au lieu de l’encourager à s’asseoir dans le petit salon, comme elle avait toujours eu l’habitude de faire jusqu’ici, elle ouvrit le bras qu’elle n’avait pas de blessé pour lui montrer le chemin à emprunter jusqu’à son bureau.

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Megan Monroe & @Evelyn Pearson

Les photos du mariage intéressent plus mes beau-parents que moi ou mon fiancé - mari, à présent. A vrai dire, les photos du mariage n’intéressent réellement personne si ce n’est Saül, mais simplement pour les apparences, et la vieille tante Lavina dont je n’avais jamais entendu parler avec le mariage où elle m’a tenu la jambe pendant une heure en me parlant uniquement en italien. Pourtant, c’est moi qui ait été chargée de la tâche, de la plus haute importance, d’aller les récupérer pour que l’homme d’affaires puisse certainement en mettre un dans un cadre dans son bureau, pour bien rappeler à tous qu’il a marié son fils à une jolie petite blonde. Moi, je me dis au moins qu’il y aura certainement quelques clichés magnifiques de ma robe, qui mettront en avant le travail de Shiloh et qu’elle pourra utiliser dans son book. Voir le verre toujours à moitié plein n’est pas une habitude que j’ai, mais une que je suis bien obligée de prendre depuis que je suis dans cette maison - famille - de fous. Et comme Shiloh a besoin de positif, particulièrement en ce moment puisqu’elle vient de prendre une décision compliquée, c’est de bon gré que je me dirige vers l’agence Pearson en plein milieu d’après midi. Il faut dire que, depuis le mariage, je ne sais plus trop guère comment occuper mes journées. J’ai peur que mes anciennes activités professionnelles fassent trop de vagues aux yeux de l’italien et je l’utilise comme excuse pour ne pas avouer que, sans Scott et ses tuyaux, le tout a moins de saveur. Mes anciennes activités me semblent même insipides, à ce stade.

« Megan. Je peux faire quelque chose pour toi ? » Je pousse doucement la porte et le carillon, pourtant discret, fait sursauter la wedding-planner qui ne m’a pas vue arriver. Il est temps d’arrêter le café, Pearson. Amusée, j’affiche pourtant un sourire de rigueur : discret, poli, mais resplendissant puisque je viens de passer une lune de miel avec celui qui est supposé être l’homme de ma vie. « Evelyn, bonjour. » Elle semble avoir oublié notre rendez-vous, mais l’étourderie est de courte durée puisqu’elle ne me laisse pas le temps de le lui rappeler. « Notre rendez-vous. Pardon, j’ai oublié que c’était aujourd’hui que tu devais passer. » - « Si le moment est mal choisi, je peux repasser… On habite à quelques minutes à pied seulement, Damon et moi. » Et je ne suis pas la femme la plus occupée de Brisbane, ces derniers temps. « Entre, fais comme chez toi.  » Je n’insiste pas - j’ai malgré tout hâte d’être débarrassée de la corvée - et je fais quelques pas dans l’agence pour m’installer sur l’un des sofas du petit salon dans lequel elle m’a reçue à chacune de mes visites.

« Je suis désolée, je serais passée plus tôt mais, à vrai dire, après ce qu’il s’est passé au mariage, personne n’avait trop l’esprit à la fête. » Personne n’aurait eu envie de regarder les photos de la cérémonie même sans le drame, à vrai dire, mais plus d’effort aurait été mis dans le fait de maintenir les apparences. Sauf que lorsque l’oncle du marié se fait tirer dessus et est retrouvé mourant au petit matin, l’ordre des priorités change. « Damon et moi avons dû repousser la lune de miel, en attendant que son oncle soit tiré d'affaires, et je t’avoue qu’avec tout ça plus les préparatifs ça m’était sorti de la tête. » Pour une fois, cela n’a rien d’un mensonge : j’avais d’autres préoccupations que de savoir si mon joli sourire avait bien donné le change sur les clichés pris lors de la cérémonie et de la soirée. « Mais j’ai hâte de voir le résultat. » Et en professionnelle dans le domaine, je suis certaine que je trouverai tout un tas de choses à critiquer dans le travail du photographe chargé de couvrir l’événement. « Oh mais, votre oeil ! » Ce que je n’avais pas remarqué avant avec un joli travail de fond de teint et une luminosité plus basse me saute à présent aux yeux : Evelyn est bien amochée. « Que s’est-il passé ? » Curieuse et sans gêne ? Je suis les deux.

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Inutile de dire que la proposition de Megan de repousser ce petit rendez-vous passa à la trappe, et qu’en grande professionnelle de l’esbroufe en tout genre, Evie ne se risqua même pas à considérer ça comme une bonne idée de repousser. Ce qui était fait n’était plus à faire, c’était une bonne façon de se motiver pour exécuter les taches ingrates. Encore qu’elle ne voyait pas l’accueil de la petite blonde comme telle, mais à dire vrai ces temps-ci, tout avait des airs de corvées qu’elle s’obstinait à vouloir terminer le plus vite possible.
Le petit chemin qu’elles empruntèrent, il lui permit de remettre son esprit à l’endroit, et d’opérer quelques secondes de mise en condition sur laquelle elle compta pour retrouver toute sa volonté à bien faire son travail, et à donner à Megan ce qu’elle lui avait promis. Et plus encore, puisque sa tradition personnelle voulait qu’elle donne un petit cadeau aux nouveaux mariés dès la fin de la cérémonie. Malheureusement, elle n’avait pas été en mesure de pouvoir respecter ce rituel lors de celui de Damon et Megan puisqu’il s’était terminé sur une touche on ne peut plus tragique; elle qui pensait que sa famille était la seule à vivre dans une bulle de mélodrame, elle se fourvoyait plus que moins.

Elle s’assit doucement, prudemment "Je comprends, ne t’en fais pas. Ce n’était pas nécessaire de se presser de toute façon. Comment va Auden ?" lui demanda-t-elle poliment, s’installant en face d’elle avec révérence, non sans avoir du mal à ne pas faire comme si tout son corps ne soufrait pas toujours de ce qu’elle avait vécu; à ça était venu s’ajouter de l’anxiété qui s’était amassée dans chacun de ses nerfs, et qui rendait un peu plus compliqué le fait de suivre les codes de l’élégance à laquelle elle se cantonnait. Mais elle savait bien faire semblant, Evelyn "Et comment s’est passé votre lune de miel ?" C’était toujours délicat comme question. Elle avait côtoyé des jeunes mariés qui aimaient particulièrement rentrer dans les détails, mais elle avait assez côtoyé Megan pour savoir qu’elle se contenterait d’explorer en surface ce qu’ils avaient vécu, elle et Damon. Elle lui avait toujours semblé très amoureuse, Megan. Elle était aussi assez réservée sur ses émotions, de quoi la rendre assez difficile à lire et un peu intrigante aux yeux de celle qui avait organisé son mariage avec accès illimité à la carte bleu de beau-papa. Evelyn lui sourit "Tu me laisses un petit instant pour aller chercher tout ça, je n’en ai pas pour lon…" La réalisation de la jeune femme face à son visage encore un peu tuméfié laissa Evie sans voix le temps de quelques secondes. Et puis son bras rabattu contre sa poitrine par l’écharpe qu’elle portait toujours en journée se rappela à elle pour qu’elle se figure davantage que, malgré tous ses efforts pour faire comme de rien n'était, elle paraissait encore bien fragile. Avec un temps de retard, elle laissa un rire filer, et une secousse de la tête accompagner le peu d’intérêt qu’il y avait à porter à tout ça "Oh, rien qu’un petit accident sans grande importance. C’était bien pire il y a encore quelques jours. Je suis désolée de devoir t’accueillir dans cet état — je reviens tout de suite." lui fit-elle en se détournant de l’endroit où elles s’étaient posées pour aller récupérer l’album-photos du mariage de la jeune femme, ainsi que le wedding journal sur lequel elle avait travaillé tout le long des préparatifs.
Ce n’était pas grand-chose au final, juste le résumé détaillé du parcours qu’ils avaient accompli durant les quelques mois les séparant du jour fatidique, avec détails minutieux, morceaux de tissus choisi, dessins faits à la main des compositions florales pour l’évènement, et croquis stylisés des robes de la jeune femme, ainsi que quelques notes prises par l’organisatrice de mariage pour mieux s’immerger dans cette aventure; un album-souvenir que Damon et Megan pourraient feuilleter pour se remémorer tout ça, qu’ils pourraient même montrer à leurs enfants si le cœur leur disait. Il lui fallut manoeuvrer pour récupérer les deux gros volumes d’une seule main, et ça lui permit de songer à autre chose qu’à ce qu’elle avait vu sur le visage de Megan. Elle parvint à le faire en grognant à peine, et se dirigea de nouveau vers la jeune femme pour lui tendre ce qui lui appartenait désormais "Le plus gros, ce sont les photos. J’en ai regardé quelques-unes pour être sûre de la qualité. J’ai commencé à les classer par ordre du déroulé de la journée, mais je me suis dit que tu aimerais peut-être le faire toi-même. Je crois qu’elles vont te plaire, elles sont magnifiques." Elle lui sourit en faisant fi de ne pas craindre que le regard de la jeune femme se pose un peu plus longtemps sur son visage, et avec adresse, elle la fit s’intéresser au deuxième volume — plus petit — qu’elle lui posa sur les genoux "Et ça, c’est un cadeau. Ce n’est pas grand-chose, et j’aurais dû vous le donner juste avant votre départ pour votre lune de miel, mais avec les circonstances." Elle ne dit rien de plus, et alla de nouveau s’installer en face de Megan avec un peu moins de confiance en elle qu’un peu plus tôt, soudain mal à l’aise de paraître aussi peu à son avantage face à quelqu’un qui l’avait connu moins… abîmée.

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« Je comprends, ne t’en fais pas. Ce n’était pas nécessaire de se presser de toute façon. Comment va Auden ? » La question que tout le monde pose mais à laquelle j’ai de plus en plus de mal à répondre sans me remémorer toutes les confessions de Damon, ce jour-là, à l’hôpital. Est-ce que les gens prendraient la pleine mesure du drame qui s’est produit le jour de notre union s’ils connaissaient les secrets les plus inavouables de la famille que j’ai épousée ? S’ils savaient que Auden n’est pas l’oncle mais bel et bien le père biologique de mon jeune époux et qu’il ne l’a découvert qu’à l’âge adulte ? Se diraient-il au contraire que je suis folle d’avoir mis les pieds dans ce genre de famille ? « Il parle de recommencer à peindre. Et quand on le connaît, on sait que c’est bon signe. » C’est même tout ce qui compte pour l’artiste controversé, de pouvoir peindre. « Je sais que c’est sûrement égoïste et je ne devrais rien ressentir de plus que du soulagement à l’idée qu’il s’en soit sorti, mais j’ai vraiment été touchée. J’aurais voulu que Damon et moi puissions garder un autre souvenir de ce jour-là. » Aussi hypocrite soit la situation, je pense en partie ce que je dis. Quelles que soient les circonstances, elle était à nous, cette journée. Ou tout du moins, elle aurait dû l’être.

« Et comment s’est passée votre lune de miel ? » - « Bien mieux que la cérémonie ! » Je réalise que je me suis exprimée avec une spontanéité peut-être un peu heurtante, pour l’organisatrice de la cérémonie en question. « Enfin je ne veux pas dire que… Tout était parfait. Mais compte tenu des circonstances… » ”L’oncle” du marié que l’on retrouve à moitié mort dans les vignes au petit matin, blessé par balle, ça fait mauvais genre dans un livre d’or. « Mais c’était formidable. On est allés à New York pour assister à la remise des diplômes de Damon, avant de s’envoler pour l’Europe. On a passé dix jours à Grenade, dans la villa qu’Elise Williams nous a offerte en cadeau de mariage… » Plus à Damon qu’à moi, je ne me fais aucune illusion sur ce qui me reviendrait en cas de divorce. « … Et puis deux semaines en Italie, pour que je découvre le pays natal de Damon. » Et j’ai apprécié chaque instant, aussi surprenant que cela puisse paraître étant donné les circonstances particulières autour de notre rencontre et notre union. J’ai aimé apprendre à découvrir Damon, et j’ai aimé pouvoir le faire loin du reste du monde - et principalement de Saül Williams.

« Tu me laisses un petit instant pour aller chercher tout ça, je n’en ai pas pour lon… » Je hoche la tête poliment mais, lorsqu’elle se redresse et que la lumière effleure différemment son visage, je réalise qu’il est tuméfié. Elle l’a dissimulé derrière une couche de maquillage, mais elle semble avoir été battue ou pire, et si j’ai toujours été curieuse de nature c’est avec sincérité que je m’étonne. « Oh, rien qu’un petit accident sans grande importance. C’était bien pire il y a encore quelques jours. Je suis désolée de devoir t’accueillir dans cet état — je reviens tout de suite. » Je fronce les sourcils, hochant la tête sans rien ajouter mais en me promettant de revenir à la charge. Je la laisse disparaître en m’interrogeant : ces blessures, elles ne ressemblent pas à celles causées par un petit accident sans importance. Et j’ai croisé assez de gamins battus en foyers et en familles d’accueil pour reconnaître un visage passé à tabac.

« Le plus gros, ce sont les photos. J’en ai regardé quelques-unes pour être sûre de la qualité. J’ai commencé à les classer par ordre du déroulé de la journée, mais je me suis dit que tu aimerais peut-être le faire toi-même. Je crois qu’elles vont te plaire, elles sont magnifiques. » J’attrape le premier volume entre mes doigts avant de le regarder, sans l’ouvrir dans un premier temps. « Selon le déroulé, ça me semble parfait. » Elle n’a pas fini, et je me retrouve avec un autre album dans la main puis sur les genoux. « Et ça, c’est un cadeau. Ce n’est pas grand-chose, et j’aurais dû vous le donner juste avant votre départ pour votre lune de miel, mais avec les circonstances. » Je lui retourne une grimace polie, avant de déposer l’album photo pour feuilleter le second livre, plus mystérieux. Lorsque je découvre son contenu, je suis touchée par l’attention. Certainement pas autant que doivent l’être les vraies mariées, mais assez pour me faire la réflexion que Shiloh adorera ça, et qu’il en faut au moins une. « C’est une délicate attention. Je le découvrirai plus en détail avec Damon, en rentrant. Merci Evelyn. » J’attrape le second ouvrage pour l’ouvrir. Il contient une pochette avec toutes les photos, à classer et organiser. J’imagine que quelqu’un le fera. Je les découvre une par une, m’arrêtant sur celles de l’église. « La robe est magnifique. C’est possible de commander des copies de certains clichés ? Shiloh, mon amie qui a fait la robe, sera ravie d’en avoir quelques-unes. » Pour son book ou garder une image de son travail. Elle y a passé des jours entiers pour que je la porte quelques heures seulement, après tout, elle mérite tous les honneurs. « Et la seconde me va vraiment bien. » Un sourire amusé autant que fier - voir suffisant - étire mes lèvres en découvrant les clichés de la seconde partie de soirée, et de ma robe réellement provocatrice pour l’occasion. « Qu’est-ce que vous avez pensé de cette seconde robe ? » Hormis Damon et moi, personne ne l’avait vu avec le grand jour.

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Elle ne connaissait pas Auden autrement que sous la place qu’il tenait au sein de la famille Williams, alors elle ne pouvait que faire confiance au jugement de Megan qu’il lui affirmait qu’il allait bien, qu’il envisageait déjà de reprendre ses activités. Grand bien lui faisait, ça démontrait une certaine force chez lui, même si là encore, elle ne pouvait que pencher vers des supputations abstraites, sur lesquelles elle ne se s’attarderait pas plus que ça. Tout ce beau monde, aussi charmant avait-il été avec elle, ce n’était que des clients qu’elle ne reverrait sans doute jamais. Cette espèce d’entretien qu’elle tenait avec la dernière recrue du clan serait sans doute le dernier d’une longue série. C’était toujours comme ça, c’était pour cette raison qu’Evie s’obstinait à ne pas s’attacher et à seulement faire ce qu’on attendait d’elle: son travail, avec un professionnalisme rare et une bienveillance qui l’était tout autant.
"Je comprends. Ce que je vais te donner va t’aider à remettre les choses dans son contexte et à te souvenir combien ce mariage était fabuleux. Je crois te l’avoir déjà dit, mais ça ne fait pas de mal de se répéter; vous étiez sublimes, je suis si heureuse pour vous." Et on pourrait croire que dans la bouche d’une organisatrice de mariage de son pédigrée, ce n’était qu’une phrase-type qu’elle déblatérait à qui était prêt à avaler ses couleuvres, sauf qu’en l’occurence, outre son besoin vital de se distancer qu’elle gérait d’une main de maître d’ordinaire, cette fois-là elle s’était prise d’une réelle affection pour ce petit couple. Elle s’était désolée de l’événement malencontreux qui s’était déroulé dans la foulée des festivités, et comme elle venait de le dire à la jeune femme, elle comprenait le sentiment qu’elle ressentait à ce moment-là et ne pouvait que se réjouir que leur lune de miel se soit mieux passée; elle se risqua d’ailleurs à la commenter "Tu viens de signer pour des années de Dolce Vita. Ça donnerait presque envie de sauter le pas." Presque. Peut-être que là, elle en faisait un peu trop, mais personne ne lui en tiendrait rigueur et surtout pas Megan qui semblait flotter sur un petit nuage fait de bons souvenirs et d’expectatives; le meilleur restait à venir, c’était ce qu’elle aurait dû ajouter, mais elle ne le fit pas tout de suite, déjà prête à passer à autre chose.

Elle donnait l’impression d’avoir hâte de lui apporter ce pourquoi elle était venue, repoussant par la même occasion l’attention que lui avait porté Megan qui s’était brièvement inquiétée de l’état de son visage. Elle savait y faire Evelyn, pour se départir de ce genre de choses, aussi elle ne pouvait pas prétendre ne pas être indisposée par ce qui planait entre elles à l’instant où elle revint avec les albums. Quand elle s’installa de nouveau, elle le fit plus précautionneusement encore, la tête légèrement inclinée vers l’avant pour ne pas donner à l’éclairage l’occasion de souligner davantage les ombres sous ses yeux, et esquissa un sourire de façade quand la jeune mariée reprit la parole après quelques instants de contemplation "Ça me fait plaisir. Et si ça peut t’aider à adoucir les derniers instants de votre journée, j’en suis très contente." Elle n’ajouta pas qu’elle avait laissé quelques pages vides pour leur permettre d’apposer leurs propres souvenirs, Megan s’en apercevrait bien assez tôt, et opina à sa question "Bien sûr, si ça peut étoffer son book, elle aurait tort de se priver de ces cliches-là." Qui là encore, était d’un goût aussi pointu que le reste; tout avait été très chic dans ce mariage. Un sourire moins franc, et elle ajouta "J’ai une planche numérotées avec les miniatures dans mon bureau. Tu n’auras qu’à cocher celle que tu veux avoir en double, et je passerai la commande aussi vite que possible." Elle ne bougea pas tout de suite, attendant au cas-où Megan aurait d’autres requêtes à lui faire.
Elle eut un sourire plus sincère quand elle lui demanda son avis sur sa seconde robe "Je l’ai préférée à la première, même si entendons-nous, tu étais magnifique dans les deux." Elle avait rarement vu une aussi belle mariée, et c’était quelque chose quand on savait le nombre de mariées qu’elle avait côtoyé tout au long de sa carrière. Probablement pour se défaire encore un peu de l’attention de la jeune femme, c’est les sourcils très légèrement froncés, et un sourire en demi-teinte au coin des lèvres, qu’elle finit par lui demander avec une pointe de curiosité "Comment a réagi Elise d’ailleurs?" Lors de leur tout premier entretien, Megan avait été sincère sur ce que ça lui faisait de devoir traiter avec l’intention de sa belle-mère à garder la mainmise sur tout ce qui se passerait lors de ce mariage; la seconde robe n’était pas son choix, et parce qu’elle avait eu mieux à faire que gérer les conflits de famille lors de la cérémonie, Evelyn était passée à côté des impressions des invités quand la jeune femme avait fait son entrée dans cette robe un tantinet provocatrice sur laquelle elle avait jeté son dévolu. C’était pousser la connivence de se placer de son côté, mais elle avait toujours tendance à mieux accorder son crédit à ceux qui scellaient leur destin sous sa supervision; alors c’était un excès de curiosité de sa part, au pire une entourloupe pour que Megan cesse de la regarder comme elle le faisait, mais elle tenait vraiment à connaître les impressions d’Elise.

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Megan Monroe & @Evelyn Pearson

« Je comprends. Ce que je vais te donner va t’aider à remettre les choses dans son contexte et à te souvenir combien ce mariage était fabuleux. Je crois te l’avoir déjà dit, mais ça ne fait pas de mal de se répéter; vous étiez sublimes, je suis si heureuse pour vous. » Remettre la cérémonie dans son contexte. Elle est loin de se douter dudit contexte, la wedding-planner. Elle est loin de se douter que ce qu’il est arrivé à Auden n’est pas l’immense drame venu tâcher un bonheur parfait, mais plus la suite d’une longue liste. J’ai dû gérer la frustration de n’avoir presque aucun proche pour me soutenir, celle de voir que Damon lui ne s’était pas privé d’inviter le garçon qu’il fréquentait avant toute cette histoire, la boule au ventre de devoir remonter l’allée sans un père ou une mère à mes côtés - si notre histoire avait été un conte de fée, c’est mon beau père qui aurait servi de substitut mais plutôt mourir - le jugement sur le visage d’Elise et j’en passe. Sauf que j’ai un rôle à jouer. Et il nécessite que je remercie la brune poliment et que j’affiche un air comblé sur mon visage, alors je m’exécute. « Tu viens de signer pour des années de Dolce Vita. Ça donnerait presque envie de sauter le pas. » Signer. Si seulement elle savait à quel point notre union a en effet tout d’un contrat. « Pourquoi ne jamais l’avoir fait après toutes ces années à organiser des cérémonies plus belles les unes que les autres pour tes clients ? » Là-dessus, tout le monde s’est accordé sans mal : la cérémonie était une vraie réussite et organisée avec goût et style.

« Ça me fait plaisir. Et si ça peut t’aider à adoucir les derniers instants de votre journée, j’en suis très contente. » - « J’espère simplement qu’avec les années, ce drame passera au second plan. Qu’on se rappellera juste la cérémonie, la soirée et toutes les émotions qui vont de pair avec. » En parfaite marionnette de la famille Williams, je délivre mes lignes poliment. Lorsque je demande une copie des photos pour Shiloh en revanche, c’est avec authenticité. Je suis réellement ravie que mon mariage lui ait donné l’occasion de briller et d’obtenir, je l’espère, un peu de reconnaissance. La robe qu’elle a conçue était magnifique. « Bien sûr, si ça peut étoffer son book, elle aurait tort de se priver de ces clichés-là. J’ai une planche numérotée avec les miniatures dans mon bureau. Tu n’auras qu’à cocher celle que tu veux avoir en double, et je passerai la commande aussi vite que possible. » - « Merci beaucoup. Je ferai une sélection avec elle. » Et je suis certaine que la blonde pourra ainsi se vanter d’avoir cousu la robe de cette cérémonie digne d’un conte de fée et avec des étoiles dans les yeux.

« Je l’ai préférée à la première, même si entendons-nous, tu étais magnifique dans les deux. » - « Damon a dit la même chose que toi. » Aussi surprenant que ce soit, c’est la stricte vérité. La nuit de noce ne s’est peut-être pas déroulée comme tout le monde l’imagine, mais l’Italien m’a réellement complimentée et trouvée magnifique dans la tenue, autant en novembre que lorsque nous avons choisi la robe chez ce petit tailleur italien. « Comment a réagi Elise d’ailleurs ? » Je lui sers ma plus belle imitation d’Elise Williams : une grimace et le nez plissé comme si elle sentait constamment une odeur qui lui déplait. « Je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’échanger avec elle. Après le repas il y a eu le gâteau, puis la première danse, et quand Damon et moi avons quitté la piste de danse elle avait quitté le vignoble. » Et son ex-mari n’a fait que transmettre des excuses polies et dénuées de détail. « Je pensais que son attitude envers moi changerait quand elle comprendrait que je suis une fille sérieuse, et que mes sentiments envers son fils le sont tout autant, mais force est de constater qu’elle ne m’apprécie pas plus qu’au premier jour. » Ai-je honte de profiter de la situation pour enfoncer ma belle-mère ? Pas le moins du monde.

« Ton visage Evelyn… Ça ne ressemble pas vraiment à un accident sans importance… » Je fais mine d’être sur la retenue, discrète et timide, mais préoccupée. « Je ne veux pas être indiscrète mais… Est-ce que tout va bien ? Vous êtes certaine ? » Chassez le naturel ; il revient au galop. Je ne peux m’empêcher de mettre mon nez là où il n’a vraiment rien à faire.

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"Pourquoi ne m’être jamais mariée ? C’est ça ta question ?" répéta-t-elle à la suite de la question de Megan, un peu surprise par la manière dont elle rebondit sur ce qu’elle lui disait à cet instant précis. Elle eut un léger rire et ses yeux opérèrent un court voyage vers le plafond de l’agence, clignant pendant une seconde ou deux. On lui posait trop souvent cette question pour qu’elle ne soit pas en mesure de lui accorder une réponse dans la foulée. Aussi elle s’accorda à la regarder de nouveau, et dans une délicate inclinaison de tête, elle lui dit "J’ai l’habitude de dire que je suis comme l’assistante du magicien: je connais tous les trucs, ça a tendance à briser un peu le mythe." Elle opina pour marquer son point, et ajouta sur la même lancée "Et puis il faut trouver la bonne personne, je ne t’apprends rien. Ça ne court pas les rues, c’est une quête longue et fatigante, et je suis un peu paresseuse." avoua-t-elle sans en dire davantage, n’appréciant pas ce genre de conversations.
C’était contradictoire, de vouloir préserver sa vie privée quand elle passait son temps à mettre son nez dans celle des autres, pour la bonne cause mais tout de même. Ça restait important pour elle, de ne pas mélanger les affaires et le reste, encore que Neal la contrarierait sur ce point. Certains diraient que c’était d’autant plus contradictoire qu’on avait jamais vu un pâtissier dégoûté par l’idée même de goûter ses pâtisseries, mais Evelyn Frances Pearson était une femme pleine de contradictions et de mystères après tout, ça ne surprenait personne qu’elle soit capable d’exceller dans son métier, quand dans sa vie privée, elle n’avait pas eu de relation sérieuse depuis trop longtemps pour qu’elle soit à l’aise avec l’éventualité d’y apposer un chiffre.

Et puis le sujet n’était pas là. Megan était ici pour récupérer l’album-photos de son mariage et discuter un peu avec celle qui avait fait de ses noces une journée inoubliable, même si quelqu’un avait voulu agrémenter le tout d’un plot twist digne des meilleures séries télévisées. Pour les invités, il marquerait leurs mémoires jusqu’au prochain, mais pour Damon et Megan, il ferait partie intégrante de leur histoire, et c’était dommage que la vie conjugale de ce petit couple sympathique eut commencé de cette manière. Elle ne pouvait qu’adoucir le tout avec des jolis mots et des cadeaux, et c’est ce qu’elle s’efforça de faire, ne lésinant pas sur son discours pour permettre à Megan de penser à autre chose et d’envisager ses souvenirs avec plus de gaieté "On dit que le manque d’objectivité vient avec l’amour. Je crois que ton destin est lié à celui d’un homme très, très amoureux. Tu as de la chance." lui fit-elle quand elle mentionna que l’avis qu’elle avait sur les robes de la jeune femme, Damon le partageait. Le jeune homme ne manquait pas vraiment d’objectivité cela dit, et les compliments qu’elle lui donna était vraiment sincères.
Elle aurait aimé que tous le soient, lors de la cérémonie, et que chacun se félicite de faire partie d’une aventure comme celle-ci, dans laquelle deux jeunes gens s’élançaient, la fleur au fusil. Mais elle savait que l’opinion d’une partie des invités n’était pas aussi bienveillante, et c’est ce qui la mena à mentionner la belle-mère de la jeune femme. Elle devait avouer aussi que détourner le sujet pour que Megan cesse de l’observer de cette façon, c’était le seul moyen acceptable qu’elle avait trouvé sur le moment "Les mamans ont toujours besoin de temps avant de faire confiance à celle à qui elles confient leur rejeton." Freud en aurait des choses à dire sur les mamans. Mais Freud était un phallocrate de la pire espèce, alors forcément "Votre histoire est solide, vous êtes mariés, elle comprendra bien assez tôt que c’est à elle de mettre de l’eau dans son vin. Tu auras l’impression que ça prend une éternité, mais tu sais ce que tu vaux, tu sais aussi que Damon tient à toi, c’est à ça que tu dois te raccrocher." C’était important d’être aimé par sa belle-famille, ce était pourtant pas le secret d’un mariage heureux. Enfin qu’en savait-elle après tout, elle n’était qu’une wedding planner célibataire.
Une wedding planner célibataire qui avait des choses à cacher qui plus est, elle cochait toutes les cases de l’infréquentable de service; encore plus parce qu’elle faisait peine à voir, et que Megan n’adoucit pas l’effet que ça lui faisait de la voir dans un état comme celui-ci alors qu’elle s’évertuait à paraître aussi bien que d’habitude. Elle aurait dû avoir la main plus lourde sur le fond de teint. Elle se sentit se raidir, mais elle laissa un sourire filer quand ses yeux rencontrèrent ceux de la jeune femme "Pourtant, ça en est un. Je suis tombée juste ici, sur la table en verre qui précédait. Je suis parfois un peu maladroite, surtout passée une certaine heure." Elle s’obstinait dans son mensonge, elle s’obstinait aussi à ne pas s’attarder sur l’endroit qu’elle avait désigné d’un signe du menton, et elle le faisait sans ciller, mais sa voix manquait cruellement de conviction à quelques moments. Elle le sentait, que personne n’y croyait vraiment, sauf qu’elle ne devait d’explications à personne — peut-être à Rhett, et simplement parce qu’elle l’avait égoïstement happé dans cette histoire sans même lui demander son avis, ce qu’elle regrettait toujours aujourd’hui — et surtout pas à une cliente, aussi adorable qu’elle était. Elle se braqua un tantinet, elle ne se départit pas de son calme et de sa politesse cependant "Bien sûr que tout va bien, ne t’en fais pas pour moi. On m’a conseillée de lever un peu le pied sur le travail, mais j’ai eu un retour de conscience quand je me suis mise à penser tout ce que ça impliquait, alors je suis passée outre les recommandations du médecin." Qu’elle n’avait revu qu’une fois soit dit en passant "Je fais peine à voir, et je te présente encore une fois mes excuses, mais je t’assure que ça ne me rend pas moins compétente." Elle n’avait plus besoin de l’être à l’intention de la blondinette dans tous les cas, pour autant elle tint à ce qu’elle comprenne que malgré l’image qu’elle lui donnait à ce moment-là, elle gérait sans aucun problème.

soon you’ll get better
Megan Monroe & @Evelyn Pearson

« J’ai l’habitude de dire que je suis comme l’assistante du magicien: je connais tous les trucs, ça a tendance à briser un peu le mythe.  » J’esquisse un sourire et, surprise, je fronce également les sourcils. L’ironie, c’est que de mon mariage - du nôtre, à Damon et moi - elle croît connaître les coulisse mais ne sait rien de ce qui se cache sous la surface. Comme au reste du monde, nous avons vendu à Evelyn l’image d’un jeune couple fougueux et peut-être un peu trop pressé, mais résolument fous l’un de l’autre. Sommes-nous les seuls à l’avoir berné ? Est-ce ça qu’elle tente de me dire lorsqu’elle parle des astuces du magicien, que toutes les situations sont loin d’être roses ? « Et puis il faut trouver la bonne personne, je ne t’apprends rien. Ça ne court pas les rues, c’est une quête longue et fatigante, et je suis un peu paresseuse. » - « Tu ne vas pas me faire croire que tu n’as jamais rencontré de prétendant qui tienne la route ? » La flatterie, lorsqu’elle est utilisée avec subtilité et sans en faire trop, est toujours une bonne alliée. Mentir éhontément ne m’amènerait nulle part, mais Evelyn est une belle femme, qui vient d’une bonne famille et qui a réussi dans la vie. N’importe qui s’attendrait à ce qu’elle ait l’embarras du choix, lorsqu’il est question de choisir l’homme pour se tenir à ses côtés.

« On dit que le manque d’objectivité vient avec l’amour. Je crois que ton destin est lié à celui d’un homme très, très amoureux. Tu as de la chance. » - L« Le manque d’objectivité ? Je pourrais presque me vexer ! » Je plisse le nez mais, finalement, je me laisse aller à un rire. Je ne suis pas piquée et, au contraire, je suis ravie de voir que Damon et moi n’avons laissé paraître aucune faille. « Les mamans ont toujours besoin de temps avant de faire confiance à celle à qui elles confient leur rejeton. » - « Avec Elise Williams, j’ai peur qu’il soit question de principe. D’origine et de condition sociale, plutôt. » Au cas où l’allusion ne serait pas assez claire, j’ajoute. « Je suis une photographe et je ne suis personne. J’ai peur qu’à partir de là, je ne puisse pas faire grand chose pour la convaincre. » Et ce que je dis, j’y crois. Je pense sincèrement que, même dans des circonstances différentes, je n’aurais jamais récolté l’aval maternel à cause de ma basse extraction. « Votre histoire est solide, vous êtes mariés, elle comprendra bien assez tôt que c’est à elle de mettre de l’eau dans son vin. Tu auras l’impression que ça prend une éternité, mais tu sais ce que tu vaux, tu sais aussi que Damon tient à toi, c’est à ça que tu dois te raccrocher. » - « Oh, oui, je le sais. Damon est un vrai fils à maman, mais ni lui ni moi n’avons besoin de son assentiment pour être heureux. » Le seul qui compte de toute façon au sein du clan Williams, c’est celui du patriarche. Et puisque cette union est le fruit de ses machinations, il a mis un mouchoir sur mon origine, mon métier, ou quoi que ce soit susceptible de le déranger.

« Pourtant, ça en est un. Je suis tombée juste ici, sur la table en verre qui précédait. Je suis parfois un peu maladroite, surtout passée une certaine heure. » La table qu’elle désigne du menton est neuve en effet : elle était différente la dernière fois que je suis venue. Sauf que ce genre d'excuses, je les connaîs. Aucun être humain de taille adulte peut se blesser au visage en trébuchant et tomber sur une table basse. Ou alors, un qui souffrirait d’une malchance épique. Non, pour avoir brisé la vitre, elle a plus vraisemblablement été poussée par quelqu’un. Cependant, un coup d'œil dans sa direction m’indique que quel que soit l’effort que je mets à la tâche, elle n’avouera rien. « Bien sûr que tout va bien, ne t’en fais pas pour moi. On m’a conseillée de lever un peu le pied sur le travail, mais j’ai eu un retour de conscience quand je me suis mise à penser tout ce que ça impliquait, alors je suis passée outre les recommandations du médecin. Je fais peine à voir, et je te présente encore une fois mes excuses, mais je t’assure que ça ne me rend pas moins compétente. » - « Oh, mais non, ne t’excuse pas. » Je pare mon visage du plus bel air horrifié que j’ai en réserve. « Ce n’est pas ce que je voulais dire. Tu as simplement été si douce et attentionnée avec moi pendant la préparation de la cérémonie que je voulais te renvoyer l’ascenseur. » Tu parles. Je suis frustrée de ne pas avoir une belle histoire à vendre. Des une photo et des rumeurs suffiront cependant à une feuille de chou à scandale, même si cela ne me rapportera pas grand chose. Mais est-ce sain ? Evelyn a réellement été adorable avec moi. Alors non, peut-être, mais c’est qui je suis. « Je détesterais savoir que tu t’es faite agresser ou qu’on a levé la main sur toi, et ne pas tenter de t’aider, ou ne pas essayer de t’inviter à m’en parler. » Il y a peu de chance que la candeur fonctionne, mais je suis tenace : je n’abandonne pas avant d’avoir tout essayé pour arriver à mes fins.

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{soon you'll get better}
crédits gif & code fiche/ (noirflavouredgifs & malibu) ✰ w/ @Megan Williams

Devoir parler de sa vie sentimentale avec une cliente, ce n’était pas la première fois qu’elle y était confrontée. Evelyn éludait à chaque fois, malgré les sous-entendus, malgré les tentatives de recevoir des conseils aussi, parfois accompagnées par un numéro ou deux glissés sous le manteau, parce que l’ami de l’amie d’un ami cherchait quelqu’un, quelqu’un comme elle; elle se demandait toujours ce que voulait bien pouvoir dire ce quelqu’un comme elle, mais il y avait eu un moment dans sa vie où elle avait cessé de chercher à mettre le doigt sur le mystère de cette dénomination. Elle connaissait ses qualités, elle connaissait encore plus ses défauts, et elle ne tenait pas à les imposer à qui que ce soit. C’était ça le vrai fond du problème avec Evie, cette propension qu’elle avait à paraître si sûre d’elle quand elle savait qu’elle pouvait briser des cœurs parce que le sien avait fini par devenir hermétique à tout un tas de choses auxquelles elle ne préférait plus songer. Comme à sa vie privée, et ce n’était pas si mal que ça. Elle s’accommodait de son choix de demeurer célibataire, elle n’avait pas envie de s’engager; l’avait-elle seulement déjà fait? Dans sa jeunesse, elle avait été une petite-amie fidèle et amoureuse, elle l’avait tellement été, qu’une quinzaine d’années après, un regard avait suffi à le refaire tomber dans le panneau. Elle n’était pas plus maline qu’une autre quand il s’agissait de ce genre de choses, mais elle aimait faire croire le contraire à cause de la crainte qu’elle ressentait à l’idée d’être de nouveau bafouée par ses propres émotions.
Elle n’était pas paresseuse, elle était transie par l’idée qu’elle finissait toujours par tout gâcher "Tout le monde n’a pas ta chance, Megan." répondit-elle à la jeune mariée avec un sourire, préférant se cacher derrière la chance plutôt que d’admettre la vérité; qu’elle prenait toujours peur parce que tomber amoureux, c’était perdre le contrôle, et qu’elle ne supportait pas ça "Ce n’est pas ce que je voulais dire. Tu étais, et tu es, vraiment très belle." se rattrapa-t-elle face à la réaction de la jeune femme à propos du potentiel manque d’objectivité de son mari. Elle était fatiguée, elle s’en apercevait parce qu’elle faisait ce genre de bourdes alors que d’habitude, elle savait y faire pour caresser ceux qui en avaient besoin dans le sens du poil. Heureusement, Megan n’était pas susceptible; encore que sa belle-famille, sa belle-mère en particulier, lui aurait donnée toutes les excuses pour le devenir. Elle s’en sortait admirablement bien, se dit-elle en l’écoutant lui répondre à propos des griefs d’Elise à son sujet "Si l’argent et les apparences étaient un gage de noblesse, ça se saurait. Mais je viens de ce milieu-là, je sais comment ceux qui en font partie pensent et régissent… je suis désolée que tu doives supporter ça, mais c’est tout à ton honneur de prendre sur toi pour Damon." Elle devait beaucoup l’aimer, c’est une pensée qui lui traversa l’esprit quand, la tête penchée sur le côté, Megan lui assura combien ils espéraient vivre heureux sans avoir besoin d’obtenir l’assentiment de maman Williams.

C’était tant mieux, elle en était franchement ravie; en revanche, elle l’était moins face à l’obstination de la petite blonde à lui tirer les vers du nez, et alors qu’elle prenait sur elle pour déblatérer son mensonge sans faillir, Evelyn sentit son cœur lui tomber dans l’estomac quand elle observa que, peut-être, sa réponse avait été un peu trop sèche pour la délicate Megan. Elle s’inquiétait juste pour elle "Je.." commença-t-elle sans savoir par où exactement, quand elle remit les choses qui lui tournaient dans la tête dans le bon sens et que la secouant, elle reprit dans un léger rire emprunté "Je prends quelques médicaments pour atténuer la douleur de mon épaule et je ne dors pas très bien non plus. Je suis un peu sur les nerfs, mais bien sûr, je te remercie de t’inquiéter pour moi, c’est adorable." Une autre forme d’excuse qu’elle prononça d’un petit ton qui ne cachait pourtant pas son agacement à l’idée d’être mise ne porte-à-faux.
Elle remua sur son siège, alternant la position de ses jambes, le regard ne se posant pas directement sur Megan quand elle lui dit "Je suis bien entourée, et je prends soin de moi. Ce n’est qu’une question de temps avant que je retrouve une allure plus fidèle à celle que tu connais déjà. J’espère simplement que tu ne garderas pas ce souvenir de moi." Elle fit mine de ne pas se sentir mal à l’énonciation d’une agression par la jeune femme, et lui sourit avec plus de franchise quand elle osa enfin affronter son regard "Je vais bien. C’est tout ce que tu dois savoir, Megan." finit-elle par lui dire, et alors qu’un court silence s’installa entre elles, elle prit l’initiative de le rompre quand, se levant de son siège avec toute l’élégance que sa chute ne lui avait pas retirée, elle enchaîna "Je crois que c’est le moment de se dire au revoir."

rp terminé.