Rudy n’aurait jamais pensé être le genre de père à apprécier promener son enfant dans une poussette. Jaime est encore trop petit pour profiter du paysage autour de lui, mais le mexicain est persuadé que son fils aime être bercé dans la ville. Il y a la chaleur de l'été australien, toujours, et une légère brise qui ne demande qu’à rafraîchir les habitants. Le temps est idéal pour une balade. Pourtant, Jaime se met à gesticuler et à pleurer. Les minutes sont passées à une allure folle : Rudy regarde sa montre et se rend compte qu’il est déjà l’heure de préparer son biberon. Six biberons par jour – quelques-uns durant la nuit aussi, c’est beaucoup. Il ne s’en rendait pas compte lorsqu’il s’agissait de ses frères et sœurs puisque sa mère se chargeait de presque tous. Il en donnait un de temps en temps, pour dépanner, mais n’a jamais eu à le faire durant une journée complète. Il trouve que c’est compromettant et parfois ennuyeux mais ne s’en plaint pas : il n’a pas à le faire constamment, Erika a leur fils bien plus de temps que Rudy. Lui, il profite d’une ou deux journées de temps en temps et l’a quelques soirs également. Pas de quoi s’en vanter auprès du monde entier, pas de quoi sembler être dépassé par les événements. Il a des nuits correctes, en tant que jeune père, et très peu de contraintes finalement. Celle qui ne ferme pas l’œil, celle qui se réveille avant même qu’il ne se mette à pleurer, celle qui ne peut pas travailler en ce moment c’est bel et bien Erika. Rudy n’a que les bons côtés – et les biberons, et les couches, et les régurgitations. Il soupire en regardant autour de lui et se rend compte qu’il n’y a pas de café ouvert dans le coin, pas de quoi aller demander qu’on lui réchauffe de l’eau dans un biberon. Il est dans un quartier où il connaît une adresse, qui, d’après son téléphone, n’est pas très loin d’ici. Le brun se gratte la tête un instant et regarde son fils qui n’a pas l’air ravi du tout, qui ne semble pas être d’accord pour attendre d’être rentré à la maison. Il se baisse légèrement sous la poussette pour regarder le contenu du sac à langer et soupire de satisfaction en voyant qu’il a bien tout pour faire un biberon sur place. La décision est vite prise : oui, il va aller chez Birdie. Et peu importe si ça fait deux fois qu’il l’appelle à la rescousse pour s’occuper de son gamin – elle pourra dire qu’elle est sa tata préférée, si elle veut. Le mexicain tape l’adresse dans son téléphone et se laisse guider par son GPS, qui lui indique la maison à une dizaine de minutes. Durant celles-ci, il fait de son mieux pour que son fils garde sa tétine dans la bouche et ne geigne pas trop. Il n’a pas envie de passer pour un mauvais père qui oublie constamment de le nourrir – ce n'est pas qu’il a oublié, là, c’est qu’il est forcé de repousser. A moins que son fils veuille bien de sa poudre blanche – pas la même que le père – non réchauffée, mais Rudy en doute. Arrivé face à la porte, il toque quelques coups derrière celle-ci. Quand la porte s’ouvre sur un type, il recule d’un pas, la poussette sur le côté, et fronce les sourcils. « Salut. Birdie est là ? J’ai b’soin de son micro-ondes. » Il a besoin de celui-ci même si Birdie n’est pas là, à vrai dire.

@Jordan Fisher

Une chose qui est bien à Brisbane, c’est la vitesse à laquelle le linge sèche vu le soleil qui tape fort dehors. Tu as fait plusieurs machines les unes derrière les autres. Le programme le plus court est suffisant pour la plupart et tu laisses les fringues avec des tâches pour une autre fournée. Y’a plus un seul linge dans le panier et voilà le moment d’aller récupérer le tout sur la terrasse où tu as tout étendu il y a quelques heures. C’est plus sec que sec et tu as un doux sourire aux lèvres alors que tu emportes tout avec toi jusqu’à la chambre à coucher. Tu commences à plier et ranger le tout dans ton dressing. C’est clairement ce que tu préfères, t’occuper du linge et avoir la satisfaction qu’il n’y en a plus un seul dans la panière. Tu aurais presque envie d’en profiter pour changer les draps et faire un strike sur vraiment TOUT de propre. Tu prends le temps de faire ça bien, plier, classer, ranger. Birdie a énormément de fringues et prend doucement doucement de la place dans ton dressing. Chose que tu aimes beaucoup mais il reste tout de même la plus grande partie de ses vêtements dans la pièce voisine consacré à son atelier. Tu en profites pour ranger également son placard. Elle a une capacité incroyable à foutre le bordel partout mais elle a de la chance beaucoup de chance parce que tu adores remettre les choses en ordre. Ca te donne l’impression d’avoir le contrôle sur au moins une chose concrète et c’est l’ordre dans les placards. Tu retrouves une chemise à toi roulé en boule au passage. Ca te fait sourire largement et tu la mets sur un cintre que tu places dans son placard à elle. Elle a l’air d’avoir décidé être la nouvelle proprio de ce vêtement car ça fait bien longtemps que tu ne l’avais pas vu. Tu es certain qu’elle l’a même oublié. Grâce à toi, la prochaine fois qu’elle reviendra mettre le nez dans son placard, elle en reprendra connaissance. Tu fais attention à ne pas toucher le tissu et autres accessoires de couture qui sont dans la pièce mais tu n’as besoin que du canapé pour tout réorganiser et ranger dans son grand placard incrusté. Tu as des fois envie de tourner ça en dressing car elle aime ça autant que toi. Deux dressing valent mieux qu’un.

La musique s’est arrêté depuis une demi heure et c’est aisément que tu entends qu’on frappe à la porte. Tu t’arrêtes dans ton pliage du linge de ton oiseau et descend jusqu’à la porte d’entrée. « Salut. Birdie est là ? J’ai b’soin de son micro-ondes. » Comme il a prononcé le nom de ta chère et tendre tu n’as pas le temps d’être intrigué par cette personne sous ton nez. Même s’il te dit vaguement quelque chose. Très vaguement. Tu ne t’attardes vraiment pas longtemps sur cette pensée. Tu vois qu’il a une poussette, donc un enfant certainement mais tu n’as pas le bon point de vue pour vérifier s’il y a bien un mioche là dedans. « Elle est pas là non. » Tu sais pas quand elle va revenir. « T’as besoin de son micro onde? » Car tu comprends pas vraiment, c’est assez random comme requête. Tu te demandes s’il vient pour littéralement débrancher le micro onde et l’embarquer. « Sur place ou à emporter ? » Que tu ajoutes à la suite. Ca sonne con comme ça mais t’es plutôt très sérieux dans ta question. Tu sais pas tu demandes. Tu cherches à comprendre.

Il est embêté que ce ne soit pas Birdie à l’intérieur de la maison. Il n’a pas vraiment envie de faire la causette avec le premier type venu. Mais il se rend bien compte que, aux yeux de ce gars-là et du monde entier en voyant cette scène, ce n’est pas le blond l’étranger. C’est lui, Rudy. Alors il prend sur lui et lui demande directement si la blonde est dans les parages, en lui expliquant ce dont il a besoin. Un micro-ondes. Rien qui ne va lui bouffer tout son temps ou toute son électricité. Que quelques tours de plateaux, au maximum, pour avoir de l’eau tiède dans le biberon qu’il doit donner à son fils. Rien de plus. « Elle est pas là non. » Il grimace légèrement. « T’as besoin de son micro onde ? Sur place ou à emporter ? » Il plisse légèrement les yeux, sans trop savoir ce qu’il entend par là. « Bah, euh… Sur place, branché ? » Ce qui lui semble être le plus logique. Il tourne très légèrement sa poussette pour que le type puisse apercevoir le bébé à l’intérieur. « J’ai b’soin de réchauffer l’eau pour son biberon. Et j’sais que Birdie vit dans l’coin, j’ai nulle part d’autre où aller… Bref, j’ai besoin de son micro-ondes. » Et non, il n’a pas l’intention de dire qu’il va se débrouiller autrement car elle n’est pas dans les parages. Il va insister, s’incruster. C’est d’ailleurs pour ça qu’il sort le sac à langer de sous la poussette pour le tendre au type. « Le biberon est dedans. Mais ça m’arrangerait si j’pouvais entrer et lui donner à l’intérieur parce que là, en pleine rue, ça va pas être pratique. Puis il est tout p’tit, j’préfère pouvoir m’appuyer sur une chaise ou un canapé. » La peur de le faire tomber est toujours aussi présente qu’au premier jour. Plus le temps passe et plus il prend ses aises avec son fils, certes, mais ça n’est pas encore totalement acquis. Il fait attention à tous les détails, le geste n’est pas encore routinier. Ça viendra, il le sait. Plus il passe du temps avec lui, plus il développe un lien qu’il ne pourra jamais oublier – et des aptitudes qu’il n’osera jamais délaisser. Et si Jaime était le premier d’une fratrie ? Pas avec Erika, évidemment. Mais s’il renouvelait l’expérience, à un moment donné dans sa vie, de devenir papa ? De la grossesse jusqu’au terme, du premier jour à la fin de sa vie : il veut des enfants, maintenant qu’il sait ce que ça fait avec lui. Il regarde le blond quelques instants et puis fronce les sourcils. « Dis-moi, on s’est pas déjà croisés ? » Parce que sa tête lui parle. Ça doit être les tatouages qui lui font se souvenir : Rudy a toujours adoré ça, lui qui voulait être tatoueur à une époque. Alors s’il n’était pas physionomiste en général, l’art sur le corps, lui, il ne l’oublie jamais. Il a déjà vu tout ça quelque part, impossible de dire où, impossible de dire quand. Et ça ne se peut pas que ce soit lié à Birdie car quand il l’a connue, elle, elle était célibataire.

« Bah, euh… Sur place, branché ? » Une première bonne nouvelle car tu ne comptais pas céder le micro onde aujourd’hui. Tu as un peu de mal à comprendre pourquoi ce gars là se déplace jusqu’à chez Birdie pour utiliser un micro onde. En même temps, Birdie est imprévisible alors tu te dis qu’il doit forcément y avoir une logique pour elle derrière. C’est peut être une chasse au trésor qu’elle fait avec des amis des checkpoints incluant un micro onde. Tout. Est. Possible. « J’ai b’soin de réchauffer l’eau pour son biberon. Et j’sais que Birdie vit dans l’coin, j’ai nulle part d’autre où aller… Bref, j’ai besoin de son micro-ondes. » Mais voilà que le gars sous tes yeux s’explique plus clairement en montrant qu’il y a bien un marmot dans sa poussette. C’est pas juste histoire de pouvoir empiler ses courses et avoir une meilleure place dans le bus. « Le biberon est dedans. Mais ça m’arrangerait si j’pouvais entrer et lui donner à l’intérieur parce que là, en pleine rue, ça va pas être pratique. Puis il est tout p’tit, j’préfère pouvoir m’appuyer sur une chaise ou un canapé. » Il est en train de te faire tout un argumentaire pour plaider sa cause et il n’avait pas besoin d’aller si loin dès lors que tu as compris. Bébé et biberon. Tu hoches la tête comprenant que le bébé est encore vraiment petit par dessus le marché. « Entre. Juste y’a des escaliers pour arriver à la cuisine. Tu veux qu’on monte la poussette ou tu la laisses en bas? » C’est une connaissance de Birdie et tu vas bien évidemment le dépanner. Ca coule de source. Même si quelque chose te dit que c’est le gars qui a été en prison pour agression. C’était y’a pas longtemps que ta moitié a dû faire un saut dans son hôtel pour l’aider avec son gosse. Celui ci qui est sous tes yeux.

Tu ouvres plus grand la porte afin qu’il vienne à l’intérieur. « Dis-moi, on s’est pas déjà croisés ? » Tu reposes tes yeux sur lui en te concentrant un peu plus du coup. « Ouais ton visage m’a l’air familier mais j’ai une mauvaise mémoire. » T’as une mémoire sélective surtout oui. « T’es le gars qui habite dans un hôtel c’est ça? » Tu ne te souviens pas de son prénom. Mémoire sélective encore visiblement. Tu es sympa, tu n’as pas demandé s’il est le gars qui était en prison. Le fait qu’il habite dans un hôtel t’as plus choqué que le fait d’avoir fait de la prison. En tout cas s’il veut monter la poussette en haut, tu l’aideras à grimper. Tu es habitué·e ce n’est pas la première poussette à entrer entre ces murs. S’il décide de la laisser dans le hall d’entrée et porter le gosse jusqu’en haut, tu lui fileras un coup de main avec le reste qu’il doit porter. Le truc pratique serait que sa poussette se déclipse et devienne un couffin comme par magie. Dans tous les cas, tu es prêt à la configuration qui lui va pour qu’il puisse chauffer son biberon et être assis pour le donner au petit.

« Entre. Juste y’a des escaliers pour arriver à la cuisine. Tu veux qu’on monte la poussette ou tu la laisses en bas ? » Rudy vient tout juste d’acheter le matériel nécessaire pour pouvoir se déplacer avec son fils. Il s’est acheté une voiture et a acheté un siège-auto, il a trouvé cette poussette – pour pas trop cher – et a également acheté ce trop chelou, là. Une écharpe. Il paraît qu’il faut attacher le bébé contre soi en faisant on ne sait quel nœud. Il n’a pas encore tenté l’expérience, il a peur de tirer trop fort d’un côté ou de l’autre et de se retrouver avec un Jaime suspendu la tête à l’envers, sans savoir comment se défaire de cette position inconfortable. Il essaiera, c’est sûr. Mais lorsqu’il sera en bonne compagnie, quand on saura lui expliquer exactement comment faire. Avec sa mère ou sa sœur, par exemple. « On peut la monter. Tu prends l’devant, j’prends l’derrière. » Cette phrase pourrait le faire rire s’il n’était pas en train de réfléchir à quelque chose de sérieux. Il n’a jamais été très mature, Rudy, il suffit d’un rien pour le faire penser à des conneries. Mais pour une fois, il se contient et se contente d’attraper le bas de la poussette pour la monter avec Jordan à l’intérieur. Le mexicain lui demande s’ils ne se sont pas déjà croisés. Birdie ne lui a montré aucune photo de lui, lorsqu’elle est venue à l’hôtel, c’est une rencontre qu’il remonte à bien plus de temps. Il n’arrive pas exactement à le remettre et se dit que ce n’est finalement pas très grave. Il va être forcé de le connaître, désormais, s’il veut rester l’ami de la belle blonde. Et il lui a dit, à cette dernière, qu’il n’avait pas l’intention de la perdre. Il n’a pas été le meilleur des amis ces derniers mois – il ne l’a jamais été de toute sa vie – mais il veut faire des efforts. Il veut être là pour ceux qui l’ont été pour lui. Et vue les circonstances de leur rencontre, Birdie a plus été là pour lui que n’importe quel membre de sa famille. Elle a toujours cherché à le comprendre et à le rassurer, alors qu’il était déjà dépeint comme un sale type quand elle l’a connu. Il était déjà en prison, que faut-il ajouter de plus ? « Ouais ton visage m’a l’air familier mais j’ai une mauvaise mémoire. T’es le gars qui habite dans un hôtel c’est ça ? » Il hoche son visage de haut en bas. « Ouais. Enfin, je vis pas vraiment dans un hôtel, nan. J’y étais parce que la meuf chez qui j’habite sait pas encore que j’ai un gosse et j’voulais l’épargner de ramener un bébé comme ça, sans qu’elle s’y attende. » Quel bon samaritain. Il pose le sac à langer sur le premier meuble venu et en sort un biberon à moitié rempli d’eau. Il le tend à Jordan. « Tu m’sauves vraiment la vie. » Qu’il dit, sans trouver qu’il abuse : son fils a faim, il le sort de la misère en acceptant de lui faire chauffer cette eau. Ce n’est qu’un petit geste, mais ça lui fait sincèrement plaisir. De son sac, il sort également un tupperware préparé la veille. C’est une soupe de Ramen préparée la veille, chez May. Il en a laissé une portion pour elle, histoire qu’elle puisse goûter à sa cuisine. Depuis le temps qu’il se dit bon cuisinier, il voulait le lui prouver. Ça n’est pas très difficile à faire, à vrai dire. Il faut faire bouillir de l’eau, y ajouter les ramens, les faire cuire durant quatre minutes. Une fois celles-ci prêtes, il les a mises dans des bols séparés a préparé le bouillon – des cubes touts prêts, rien d’extraordinaire encore une fois. Il faut ensuite faire cuire du chou, couper les autres ingrédients ; gingembre, échalote, oignons nouveaux, coriandre. Il a ajouté un œuf dix minutes avant la fin de la cuisson. Et quand tout est découpé et le chou cuit, il n’y a plus qu’à assembler le tout et bien assaisonner, pour ensuite déguster bien chaud. Rien d’incroyable, donc. Il le tend à Jordan. « Tu peux m’chauffer ça aussi ? J’te fais goûter s’tu veux. » Il l’a embarqué sans savoir qu’il mangerait dehors, mais c’est une belle coïncidence finalement.

« On peut la monter. Tu prends l’devant, j’prends l’derrière. » Tu confirmes d’un mouvement de tête que vous êtes déjà en train de monter la poussette sans grands efforts dans les escaliers. Une fois en haut, ta porte d’entrée est déjà ouverte et c’est aisément que le petit retrouve le sol sur ses quatre roues. Toi t’es déjà en train d’aller jusqu’à la cuisine alors que tu questionnes le type. « Ouais. Enfin, je vis pas vraiment dans un hôtel, nan. J’y étais parce que la meuf chez qui j’habite sait pas encore que j’ai un gosse et j’voulais l’épargner de ramener un bébé comme ça, sans qu’elle s’y attende. » Ooof. Y’a du lourd là dessous. En quelques phrases t’as compris que le gars a pas une situation facile. Tu prends un torchon qui traine sur l’îlot central et tu le plies machinalement. « Ouais normal. » Genre. Comme si ça t’étais déjà arrivé. Tu réponds ça naturellement car au fond, tu comprends tout à fait sa démarche. Moi par contre je comprends pas comment t’es en train de déplier de nouveau le torchon que tu viens de plier, pour le replier mais mieux. On sent que tu étais en train de ranger le linge avant que le type et son bébé n’arrivent. « Tu m’sauves vraiment la vie. » Sincèrement tu comprends ce sentiment et tu vas jusqu’à lui déjà la main tendu vers lui pour récupérer le biberon qu’il te donne. « Y’a pas de problème. » Surtout qu’au final il va pas te l’embarquer ton micro onde. Tu pianotes sur l’appareil en le mettant en route. « Je sais pas combien de temps tu veux, juste appuie sur stop quand c’est bon pour toi. » Tu lui laisses le pouvoir de décider.

« Tu peux m’chauffer ça aussi ? J’te fais goûter s’tu veux. » Alors celle là tu ne l’avais pas vu venir. Y’a peut être effectivement une chasse au trésor avec des check point où il faut manger chez les gens en s’y invitant. « Merci mais j’ai mangé déjà. »  Mensonge. Mais tu aimes déjà pas manger toute la bouffe qui est dans ton frigo c’est pas pour manger des trucs qui viennent d’ailleurs. Tu préfères faire de la place dans ton congèle. « Je te laisse gérer le micro onde. » Tu lui montres en l’indiquant de ton menton.

Tu restes dans la cuisine, appuyé sur le plan de travail, t’as pas la vue sur le gosse mais y’a une chose certaine c’est qu’il fait pas de bruit. Tu bouges de place pour aller ouvrir un placard de la cuisine et en sortir deux verres. « Un verre d’eau ? » Que tu proposes comme tu vas t’en servir un et qu’en plus tu as bien vu que le gars il va manger son repas au calme. Qu’il ait quelque chose à boire. « Il est calme ton gosse. » Vous l’avez bien trimballer dans les escaliers ça aurait pu le secouer mais au final, peut être qu’il a kiffé. Une sorte de rollercoaster fait maison.

« Ouais normal. » Cette situation est tout sauf normale, à vrai dire. Cette remarque fait sourire Rudy, cependant. Il n’a pas l’air d’être dans le jugement, ce gars-là. Il va bien avec Birdie, du coup. Quand on sait qu’elle et lui se sont connus lorsqu’il était en prison, on peut se dire qu’elle a un côté très ouvert. S’il est pareil, c’est qu’ils sont faits pour être ensemble. De toute manière, Rudy ne cherche pas à analyser le type, il a clairement autre chose à faire. Il est juste content, d’un côté, que la blonde ait quelqu’un qui lui corresponde. Tomber sur un gars complètement fermé, qui aurait répondu non dès la porte d’entrée, ça aurait été très étrange. Et sûr qu’il s’en serait prise une, au passage. « Y’a pas de problème. » Le mexicain le remercie – un peu trop chaleureusement – et le type continue d’être sympa. Il a envie d’en savoir un peu plus, du coup. Comment ils se sont connus, depuis quand ils sont ensemble, si tout va bien. Des questions basiques que les gens basiques posent, oui. Rudy ne l’est pas, non, mais il paraît qu’il faut faire des efforts pour rentrer dans un moule qui ne nous correspond pas. Père de famille, ami attentionné. Et puis quoi, après ? Vivement qu’il se décide à devenir le mari de quelqu’un, ce sera la blague de l’année. « Je sais pas combien de temps tu veux, juste appuie sur stop quand c’est bon pour toi. » Lui non plus, il ne sait pas combien de temps il faut exactement. Erika lui a montré quelle était la température parfaite et depuis, il teste de l’atteindre à chaque fois. Il soupire quand c’est trop chaud et prend son mal en patience pour que ça refroidisse. Et quand c’est trop froid hé bien, il rajoute quelques secondes, rien de plus simple. Rudy lui demande également s’il peut chauffer une soupe préparée plus tôt. Ok, ça ne se fait pas. Mais c’est chez Birdie, aussi, et c’est sa pote. Donc ça se fait un peu, non ? Il lui propose même de le faire goûter, pour montrer que ce n’est pas juste déplacé de sa part. « Merci mais j’ai mangé déjà. Je te laisse gérer le micro onde. » Il place le biberon dedans et le réchauffe quelques secondes. Pour vérifier que le lait n’est pas trop chaud, il en fait glisser une goutte sur son poignet. Ça lui semble bon, donc il le repose sur le plan de travail à côté. « Un verre d’eau ? » Il se sert, donc autant accepter. Il hoche son visage. « Ouais, merci. » « Il est calme ton gosse. » Rudy se penche vers la poussette pour regarder Jaime, qui a les yeux grands ouverts. Il attend sagement son biberon, la faim n’a pas encore commencé à l’agacer. « J’pense qu’il fait son max pour être l’inverse d’son père. » Il le sort de la poussette pour le prendre dans ses bras et attrape le biberon. « J’mange après, du coup. J’peux me caler dans le canapé ? » Il demande, ce sera bien plus confortable que sur une chaise ou quoi. « Vous vous connaissez d’où, avec la blonde ? » Birdie. La blonde. Ouais, il l’appelle comme ça des fois. « J’viens juste d’apprendre qu’vous étiez ensemble. Bon, on était plus trop en contacts mais… C’est cool, j’suis content pour elle. Ça fait combien d’temps ? » L’inspecteur Gutiérrez, bonjour.

« Ouais, merci. » Vu comme il fait comme chez lui pour se faire à manger et faire le biberon de son gamin, autant qu’il ne meurt pas étouffé au passage. De l’eau, une valeur sûr. Ça fera du bien pour son organisme autant que le tiens car oui, tu te sers également. « J’pense qu’il fait son max pour être l’inverse d’son père. » Le père a donc de la chance car déjà avec un gosse calme, il a l’air pas mal en galère alors si en plus le petit était difficile. « J’mange après, du coup. J’peux me caler dans le canapé ? » Le gosse dans ses bras, tu hoches la tête. « Ouais tu peux. » Car ouais, le gosse est vraiment petit, il serait bête que ta maison devienne le lieu où le petit est tombé des bras de son père. Ca peut être tragique ces choses là.

« Vous vous connaissez d’où, avec la blonde ? » La blonde. Ça te fait sourire la façon dont il qualifie Birdie. Tu avales ta gorgée d’eau. « J’viens juste d’apprendre qu’vous étiez ensemble. Bon, on était plus trop en contacts mais… C’est cool, j’suis content pour elle. Ça fait combien d’temps ? » Ca te fait sourire un peu plus de l’entendre s’intéresser autant. Tu te demandes si elle l’a baisé lui aussi. Si ce n’est pas le cas, elle aurait dû. Il est hot af. Tu ne dirais pas non. « On se connait d’une soirée. Plusieurs soirées. » Vous vous êtes croisés plusieurs fois car à un moment vos groupes de potes respectifs se voyaient régulièrement. Sa deuxième question est plutôt vague mais tu connais la réponse à peu près. « Un an par là. » Ça lui donne une idée même si c’est pas tout à fait ça au fond. Tu vas pas non plus lui faire un plan détaillé. Il est en train de faire bouffer son gosse, qu’il se concentre là dessus plutôt. Il a pas l’air d’être un expert, tu doutes que le multitasking soit une bonne idée. « Et toi avec ma blonde ? Ca fait combien de temps ? » Le petit possessif qui fait plaisir à dire. Elle est ta moitié. Et puis oui tu demandes parce que t’es curieux aussi. T'as pas eu tous les détails car t'as pas demandé mais comme il demande, tu relances de la même chose. Tu bois ton verre d’eau appuyé sur la table de salon. Tu as une vue imprenable sur le canapé avec ses deux occupants temporaire. « …Que vous vous connaissez. » Tu ajoutes au cas où ça n’avait pas été clair dans ta question.

« Ouais tu peux. » Rudy ne se fait pas prier, donc, et va s’installer dans le canapé avec Jaime dans ses bras. Il lui cale la tétine dans la bouche et vérifie que celui-ci tète bien. Personne ne lui a appris à donner un biberon, il a dû se débrouiller par lui-même. Erika n’avait pas l’air de vouloir lui apprendre. En fait, elle voulait quitter la pièce le plus tôt possible lorsqu’ils étaient tous les deux à la maternité. Fragile à ce moment-là, ça ne peut que se comprendre. On ne veut pas être à la merci de la personne qui nous a fait tant de mal, même si elle est pleine de bonnes intentions sur ce coup. Bref. Pendant qu’il donne le biberon à son fils, Rudy s’intéresse un peu à Jordan et à la relation qu’il partage avec Birdie. Ça semble être nouveau. Enfin, il y a quelques mois, le mexicain et la blonde étaient deux paumés. L’un venait de sortir de prison – et pensait ne pas tarder à y retourner – et l’autre vivait avec ses propres démons. Tout était compliqué. Si on leur avait dit qu’un an plus tard l’un serait père et l’autre en couple, ni l’un ni l’autre n’y aurait cru. « On se connaît d’une soirée. Plusieurs soirées. Un an par là. » Rudy hoche sa tête. Il n’a pas à commenter, en vrai, il demande juste pour savoir. C’est cool pour eux. Ça fait longtemps qu’il n’a pas rencontré quelqu’un, lui. Erika était programmé et la dernière en date, sinon, c’est Lena. Et c’était en 2014. Vachement longtemps, ouais. « Et toi avec ma blonde ? Ça fait combien de temps ? » Il entend bien ce petit ‘ma’ qui a toute son importance. Au moins, le type ne parle pas d’elle comme si elle était totalement acquise, d’une manière délaissée. Il se montre possessif, c’est bien. Rudy est le type le plus jaloux et possessif de l’univers, c’est pas lui qui va chercher à dire que ça ne se fait pas. « Que vous vous connaissez. » Il ajoute, quand même. Un sourire se dessine sur ses lèvres. Non, il ne comptait pas lui dire quand est-ce qu’ils ont passé la nuit ensemble. Il est sage, Rudy. Il regarde son fils puis relève ses yeux sur Jordan. « Quand j’étais en prison. » Est-ce qu’il sait qu’il était en prison ? Il l’a déjà dit plus tôt ? Il ne sait plus, en fait. « Y a des programmes avec les prisonniers pour envoyer des lettres et en recevoir, là. Elle a fait ça, j’sais même pas pourquoi. On a échangé plusieurs courriers, elle est venue m’rendre visite. » Elle était son rayon de soleil quand tout lui semblait pourri, autour. « Elle m’a beaucoup apporté, vraiment. » Parce que sa famille ne voulait plus entendre parler de lui, parce qu’il avait repoussé tous les proches qui essayaient de lui apporter le moindre soutien. « Du coup… On s’est revus quand j’suis sorti et voilà, ça dure d’puis c’temps là. Deux, trois ans j’dirais. » Il ne sait pas exactement, il a perdu le compte. Les années s’enfuient trop vite depuis qu’on lui en a volé deux et demi.

@Jordan Fisher

Tu bois ton verre tranquille de ton côté et tu observes Rudy s’occuper de son gosse comme si tu étais en train de mater un épisode d’une série. C’est le divertissement du moment. La réalité c’est surtout que tu ne comptes pas le laisser tout seul dans ton salon alors que tu ne le connais pas plus que ces quelques minutes et ce que Birdie t’a dit de lui. « Quand j’étais en prison. » Et ce point ci étant un important également. Tu ne sais pas pourquoi il a été en prison, mais tu es du genre anxieux et jamais tu ne laisseras ton propre bébé sans surveillance. Ton bébé à toi c’est ta maison. Ta fierté. Réellement. Je n’exagère même pas. « Y a des programmes avec les prisonniers pour envoyer des lettres et en recevoir, là. Elle a fait ça, j’sais même pas pourquoi. On a échangé plusieurs courriers, elle est venue m’rendre visite. » Ah oui voilà elle t’avait parlé des lettres. « Elle m’a beaucoup apporté, vraiment. » Si y’a eu un tour dans le parloir conjugal tu imagines bien qu’elle a beaucoup aidé. La beauté de Birdie a dû le changer des crados pervers qui sont derrières les barreaux. Il a dû en avoir plein des propositions indécentes Rudy avec sa belle gueule. Tu aimerais bien savoir un peu plus de sa vie incarcérée. Tu n’as jamais été jusque là toi. T’es sage. Tu fais des conneries mais pas assez pour avoir de la prison ferme.

« Du coup… On s’est revus quand j’suis sorti et voilà, ça dure d’puis c’temps là. Deux, trois ans j’dirais. » Tu hoches la tête pour confirmer que tu as entendu, qu’il a toujours ton attention même si t’es silencieux. « Je peux te poser une question indiscrète ? » Car ça te brûle les lèvres et puis tu te dis que le gars est quand même bien installé chez toi, ça fait de vous deux des gens un peu plus intime que la normal non? Oui, t’as envie de croire que oui. « Pourquoi t’as été en prison ? » Que tu ajoutes alors que tu es à présent appuyé contre la table du salon. Tu es toujours debout, tu as une très belle vue sur le show familiale qu’est Rudy avec son petit qui est en train de boire son biberon. « Il a une bonne descente ton gosse. » Que tu dis un peu comme pour ouvrir une porte de sortie s’il n’a pas envie de répondre à ta question d’avant. Ouais t’as pas envie de le foutre mal à l’aise. C’est un ami de Birdie mais t’es aussi très curieux et ça t’aidera un peu plus à te faire une idée du genre de personne qu’il est. Tu as des amis qui ont été en prison aussi. Tu vas pas le juger même avec ces informations supplémentaires. Une chose qui est bonne c’est qu’il n’est plus en prison, c’est qu’il a appris de son parcours.

Rudy lui explique comme il a rencontré la blonde. Une amitié originale, qui a commencé de manière originale. Ça ne pouvait pas être autrement avec une nana comme Birdie. Il en est content, Rudy, parce qu’il ne voit pas sa vie sans elle désormais. Même s’ils ne se voient pas tous les jours, même s’ils échangent assez rarement, il sait qu’il pourra toujours compter sur elle. L’inverse n’est pas forcément vrai, Rudy a de grandes chances d’être dans une galère sans nom le jour où Birdie appellera à l’aide. Mais il fera de son mieux si ça devait arriver, parce qu’elle est importante pour lui. « Je peux te poser une question indiscrète ? » Il la sentait venir, celle-là. Mais c’est normal. Il n’a encore jamais rencontré quelqu’un qui n’est pas piqué par la curiosité lorsqu’il parle de ses incarcérations. Il sait qu’il doit arrêter de mettre le sujet sur la table s’il n’a pas envie d’en parler. « Pourquoi t’as été en prison ? » C’est bien ça, le mexicain ne s’est pas trompé. Jordan est le copain de Birdie, il peut se permettre de l’ouvrir sans prendre trop de risques. « Il a une bonne descente ton gosse. » Rudy baisse les yeux vers Jaime qui, effectivement, boit ses biberons plus vite que les autres bébés. « Tel père tel fils. » Sa connerie le fait rire lui-même, mais c’est vrai. Rudy, du temps où il pouvait encore boire de l’alcool – avant d’être obligé d’arrêter, donc – avait une bonne descente. « J’ai frappé un mec dans un bar. » Il l’a plus que frappé, en vérité. « Défiguré, tout c’que tu veux. » Il le dit d’une manière détachée. Il sait que c’est grave, il sait aussi que l’autre type n’a jamais pu passer à autre chose et que cette altercation lui a coûté deux ans de sa vie. Mais il est détaché parce que s’il devait le refaire, il le referait. Il trouve toujours qu’il a eu ce qu’il méritait, peu importe les conséquences. « La première fois. » Parce qu’il est allé en prison deux fois, oui. « La seconde c’est parce que j’ai voulu faire chanter quelqu’un pour d’la thune. » Il peut le dire maintenant que les charges ont été abandonnées. Et puis Jordan ne l’enregistre pas et n’ira pas répéter ce qu’il a entendu, il a foi en ça. Il le dit également d’une manière détachée, tout en serrant légèrement son fils contre lui. Il parle de sa mère, quand même. « J’suis pas un sale type, j’ai juste ma façon d’voir le monde. Tant pis si ça plaît pas. » Autrement dit, le type peut le juger s’il le souhaite, Rudy s’en fiche. Il relève les yeux vers lui. « J’vais pas y retourner, j’ai lui maintenant. Et j’compte pas le laisser tomber. » Il peut abandonner le monde entier, il ne peut pas se permettre de le faire avec son propre enfant. Ce serait aller à l’encontre de tous ses principes. Et même si Rudy n’a pas beaucoup de valeurs, il a au moins celle-ci. « T’en as déjà fait, toi ? » Oui, il ne demande que par rapport aux tatouages. Parce que la légende est vraie : Rudy a croisé pas mal de gars tatoués de la tête aux pieds, là-bas, dans les cellules.

« Tel père tel fils. » Il a de l’humour aussi. T’aimes bien sa réponse à ta connerie qui était une sorte de perche s’il a pas envie de répondre à ta question juste avant. « J’ai frappé un mec dans un bar. » Mais il ne se défile pas et il te répond. C’est vraiment pas très original comme réponse par contre t’es presque déçu.e. « Défiguré, tout c’que tu veux. » Ah oui un peu plus croustillant d’un coup là. Not bad. T’es bizarre Jordan. « La première fois. » Oooooh. C’est que ça devient encore plus intéressant. Il a toute ton attention, comme si tu étais en train de regarder une série télé. C’est le feuilleton qui se déroule sous tes yeux. « La seconde c’est parce que j’ai voulu faire chanter quelqu’un pour d’la thune. » Damn. Toi aussi tu voudrais baiser un mec qui a fait de la prison qui est aussi honnête sur ce qu’il a fait pour en arriver là. Tu peux vraiment pas blâmer Birdie - car oui, t’es certain.e.s qu’ils ont baisé, tu commences à bien connaître l’oiseau qui couche avec tout ses amis because why not. Tu es presque un peu allumé de l’entendre être si transparent parce que c’est un de tes trucs à toi ça. L'honnêteté brute. On te pose une question tu y réponds généralement. Ca dépend les sujets mais y’en a bien 90% où t’as aucun problème à avouer tes faiblesses et autres travers de ton passé. « J’suis pas un sale type, j’ai juste ma façon d’voir le monde. Tant pis si ça plaît pas. » Tu hoches la tête comprenant ce qu’il veut dire par là. Et puis clairement avec le portrait qu’il dépeint à ce moment avec son baby dans les bras tu peux le croire aisément. Il n’empêche que les apparences sont souvent trompeuses et tu ne le connais pas tant que ça. C’est un ami de Birdie. Ça suffit pour te dire qu’il n’est pas un fils de pute. « J’vais pas y retourner, j’ai lui maintenant. Et j’compte pas le laisser tomber. » Et ça vraiment, c’est tout à son honneur. Tu n’es pas surpris que la venue au monde de son fils changent bien des choses pour sa vie et ses ambitions. Preuve supplémentaire que c’est vraiment pas un sale type. « Vraiment très honorable. » Car toi tu as eu un père et il t’a laissé tombé dans tous les sens du terme même s’il n’est pas allé en prison. Y’a des jolis fils de pute sous des beaux masques et des bons gars sous des airs de fils de pute, comme Rudy. Comme toi. Hmmm.

« T’en as déjà fait, toi ? » Il te sort de tes songes plutôt sombres et tu te déplaces dans la cuisine pour venir t’installer sur une chaise de la table non loin d’où se trouve Rudy. « Pas vraiment non. Pas de la prison ferme. Juste une nuit au poste ici et là… » Tu hausses une épaule. « Des bastons dans des bars pour la plupart. Shoplifting… » Et quelques autres trucs liés à la drogue que tu n’as pas envie de mentionner. « J’ai aussi arrêté les conneries pour quelqu’un plus que pour moi même si… » Tu fais un geste vague dans l’air. « … c’est aussi pour moi au fond. » C’est bon d’avoir une motivation extérieur. La motivation de ne pas revoir la déception dans le regard d’une personne qu’on admire, qu’on aime, qui nous aime aussi. « Elle est où sa mère ? » Damn tu continues avec les questions indiscrètes. Il est pas obligé de répondre. Mais tu profites tant qu’il le fait ouaip.

Il pose des questions et Rudy répond. Il ne sait pas trop pourquoi il le fait. Sûrement parce que Birdie est avec lui et que, du coup, ce doit être un mec de confiance. Il n’est pas elle, elle n’est pas lui mais le mexicain se dit qu’on ne se met pas avec n’importe qui. Enfin, ça, c’est vrai pour les autres. Pas pour lui. La preuve : il ne sait toujours pas pourquoi Lena a bien voulu de lui, au départ. Il ne sait toujours pas pourquoi elle a fini par ouvrir les yeux et l’envoyer bouler, non plus. Il lui explique donc pourquoi il est allé en prison, que ce soit la première ou la seconde fois. Il lui dit s’être rangé, qu’il le doit bien à son fils. Il n’a pas envie que son gamin grandisse sous les yeux des gardiens, en craignant tous les samedis après-midi quand il doit aller à la prison rendre visite à son père. Aucun môme ne devrait avoir à subir ça, surtout pas le sien. Il apprendra le passé de son père, un jour, et il choisira de le juger s’il le souhaite. Mais en aucun cas le passé de Rudy ne doit devenir le présent et le futur de Jaime. « Vraiment très honorable. » La phrase fait sourire Rudy, qui regarde toujours son fils. Le biberon est terminé, Jaime continue de téter le vide. Il le redresse légèrement et appuie son buste contre son épaule. Sa main tapote son dos, doucement. Il a compris la technique pour faire faire le rot à son fils depuis longtemps et ça le fait toujours autant marrer de l’entendre roter dans son oreille, comme ça, sans préavis. Il le fait une fois de plus et, comme d’habitude, Rudy pouffe dans son coin en se disant que c’est un gros dégueulasse. « J’aime trop. » Il avoue, en reposant son fils sur ses genoux. Il voit bien que le petit est crevé et qu’il ne va pas tarder à s’endormir. Un signe pour bientôt s’en aller, donc. Il retourne quand même la question à Jordan, à savoir s’il a fait de la prison lui aussi. « Pas vraiment non. Pas de prison ferme. Juste une nuit au poste ici et là… Des bastons dans des bars pour la plupart. Shoplifting… J’ai aussi arrêté les conneries pour quelqu’un plus que pour moi même si… c’est aussi pour moi au fond. » Il y a toujours une part pour soi, oui. « Elle est où sa mère ? » Il ne s’attendait pas à encore une question comme ça. Il relève ses yeux vers Jordan. « Chez elle, à son boulot, en train d’se faire sauter par son mec. J’sais pas. » Il hausse ses épaules, caresse la joue de son fils avec son pouce. Ça y est, il dort. Ses propos ne collent tellement pas avec ce qu’il est en train de faire. « Elle a la garde, moi j’l’ai de temps en temps. Comme là. » Il se pince les lèvres puis se dit que, de toute façon, il ne risque rien à dire ça. « Tu vois la deuxième raison pour laquelle j’suis allé en prison ? » Il pense que c’est suffisant pour que Jordan fasse le lien, mais autant le dire. « C’était elle. J’ai pas eu d’argent, juste lui. » Il fait un signe de tête vers Jaime, endormi. « J’y ai gagné, au fond, mais elle m’emmerde. » Parce qu’elle l’a envoyé en prison malgré tout. « M’enfin. » Il se lève, fait attention à ne pas trop faire bouger Jaime pour ne pas le réveiller. « J’vais le remettre dans sa poussette. Et j’vais y aller, j’vais pas t’déranger plus longtemps. »

Il a l’air de savoir s’y prendre avec son gosse. C’est étrange comme tu as réellement aucun désir d’avoir un gosse mais comme tu ne les quittes pas des yeux les deux là. Le tableau est si atypique ça en devient fascinant en fait. « J’aime trop. » Ca te fait marrer de l’entendre. Ca doit pas être la même chose quand il y a une explosion de chiasse par contre enfin, tu sais pas, tu supposes. Rudy ne fait aucune réflexion sur tes propres mini séjour au poste car ils sont clairement insignifiants à côté de ce qu’il a sur son ardoise lui. On est pas la pour comparer surtout quand tu es bien content.e de ne pas continuer à parler de toi. Comme ça que tu poses une nouvelle question indiscrète mais bon, le gars il répond, alors tu en rajoutes, t’es curieux.se. « Chez elle, à son boulot, en train d’se faire sauter par son mec. J’sais pas. » Damn. La réponse est si brute, tu aimes beaucoup trop. It’s getting hot in here. On se calme Jordan. « Elle a la garde, moi j’l’ai de temps en temps. Comme là. » Ca a l’air compliqué tout ça. « Tu vois la deuxième raison pour laquelle j’suis allé en prison ? » Ouais tu vois. « C’était elle. J’ai pas eu d’argent, juste lui. » Pourquoi t’as envie de rire Jordan ? C’est nerveux un peu nan ? « J’y ai gagné, au fond, mais elle m’emmerde. » Tu es agréablement surpris.e de l’entendre. Il aime vraiment son gosse malgré toute la situation merdique. Ca prouve que ça existe les pères comme ça. « M’enfin. » « Ouais. » Tu comprends ce qu’il veut dire par ce simple mot et tu n’as rien à y ajouter. Tu aimes avoir eu tous ces détails en plus. Il était pas obligé.

« J’vais le remettre dans sa poussette. Et j’vais y aller, j’vais pas t’déranger plus longtemps. » Tu hoches la tête appréciant qu’il ne cherche pas à rallonger son séjour dans ton salon plus que nécessaire. T’as du ménage à continuer pour ton plus grand bonheur. T’as aussi bien hâte que Birdie rentre parce que t’as chaud là. « Ravi d’avoir pu te rendre service. » Parce qu’au passage tu en sais plus à son propos et tu aimes bien ça. Surtout quand y’a des gens dans l’entourage de Birdie qui te filent une bonne vibe.