23 janvier 2022

Je regarde mon téléphone en attendant la réponse d’Alma. Au bout de quelques minutes il vibre à nouveau et je fais glisser la barre des notifications pour lire son message : elle est chez elle. Je lui réponds simplement que j’arrive et je monte dans le bus. Plus le temps passe et plus je me dis que je me suis très sérieusement mis dans une merde noire. Je n’aurais jamais dû cogner ce type je le sais mais je n’ai pas supporté ses remarques à la con et encore moins son air supérieur. Ce n’est pas parce qu’il a l’air de bien connaître Auden que ça lui donne le droit de prendre tout le monde de haut comme il l’a fait. Je suis sûr que c’est le genre de gars qui aime provoquer et créer d’énormes problèmes partout où il passe, un fouteur de merde pour le dire simplement. J’aurais dû l’ignorer mais en ce moment je suis très irritable, surtout depuis que j’ai appris que Rudy retournait en prison. Je n’ai plus aucune patience et ça faisait déjà plusieurs jours que j’accumulais des tensions, cette dispute ça a juste été un déclencheur de ce qui aurait bien fini par exploser dans tous les cas. Mais là je me dis que je suis dans la merde parce que ce type je ne le connais pas et je ne sais pas de quoi il est capable. J’ai bien vu qu’il ne faisait pas le poids physiquement mais j’ai peur qu’il porte plainte et que ça me retombe dessus. Je n’ai pas réfléchi aux conséquences et je n’ai pas envie d’aller rejoindre mon frère derrière les barreaux. Je sais pas trop ce que je risque mais j’ai porté le premier coup et il y a des preuves donc ça me met dans une position délicate. J’ai besoin d’en parler avec quelqu’un, qu’on me rassure en me disant que ça va aller et que je ne risque rien alors je veux voir Alma. Je sais qu’elle me fera sûrement la morale -et elle aurait raison- mais tant pis je ne peux pas rester seul pour gérer toute cette galère. Et puis Alma a déjà été mise face aux conneries de Rudy et à ses excès de violence donc je me dis qu’elle doit savoir gérer ça. Dans le bus je mets mes écouteurs et je mets la musique à fond, je redescends tout doucement en pression et j’essaie de détendre ma main qui est plus que crispée après le coup de poing que j’ai envoyé dans la gueule de ce gars. Je ne sais même pas comment il s’appelle, j’aurais tendance à dire Karen pour son côté pleurnicheur et le fait qu’il mentionne Auden comme si ça pouvait me faire changer d’avis. Auden n’est pas un Dieu, il peut me virer je m’en fiche un peu.

J’arrive devant chez Alma et je suis un peu stressé, j’ai un peu peur de son jugement mais j’ai besoin d’aide. Je toque et la porte s’ouvre. Je vois bien qu’Alma est pleine de questions et je ne sais pas par où commencer. « Salut, je peux entrer ? » Elle ouvre un peu plus la porte et je me glisse dans l’entrée de son appartement. J’ai pas envie de tourner autour du pot alors je lui explique pourquoi je suis là. « Je crois que j’ai fait une connerie et je sais pas quoi faire. » Je fais une petite pause avant d’ajouter « J’ai frappé un gars à la galerie. » Dit comme ça je passe pour le méchant alors je décide d’apporter quelques précisions avant qu’elle ne me pose une avalanche de questions. « Enfin je me suis défendu, il m’a insulté alors que j’avais rien demandé. » Je me souviens de son nez qui saignait et je le revois se tordre de douleur après mon coup de genou bien placé. « Je crois que je lui ai pété le nez. »

Alma avait tendance à s'inquiéter facilement pour son entourage. Alors recevoir un sms mystérieux de la part de Cesar avait fait monter sa tension rapidement, et elle n'avait qu'une hâte : pouvoir l'aider s'il en avait besoin. Après avoir entendu des coups derrière la porte, elle l'avait ouvert si rapidement qu'on aurait pu croire qu'elle attendait derrière l'arrivée de son frère - ce qui n'était pas totalement faux, au final. Salut, je peux entrer ? Elle hochait la tête sans réfléchir. Oui oui viens. Elle se poussait d'un pas pour lui laisser toute la place d'entrer dans l'appartement et vint immédiatement refermer la porte derrière lui. Je crois que j’ai fait une connerie et je sais pas quoi faire. Visiblement, le sujet était assez important pour qu'il n'y aille pas par quatre chemins. Il se lançait dans le vif du sujet ce qui eu le don d'inquiéter un peu plus Alma, déjà que son SMS n'augurait rien de très positif. Raconte ? Elle fixait son jeune frère, face à lui, debout, les bras croisés. J’ai frappé un gars à la galerie. La surprise se lisait sur son visage, en une seule seconde. Elle n'eut pas réellement le temps de réaliser avant de laisser s'échapper un : Quoi ?! La violence, elle aurait préféré que ça reste à Rudy. Elle aurait voulu qu'il ne réussisse pas à contaminer toute la fratrie de ce vice, et pourtant, aujourd'hui, Cesar y avait succombé aussi. Rien que pour ça, Alma avait envie de s'énerver contre l'exemple que lui avait donné leur aîné, et ceux avant même de connaître réellement les détails de l'histoire. Enfin je me suis défendu, il m’a insulté alors que j’avais rien demandé Il se trouvait une excuse et probablement était elle vraie, mais qu'importe. La brune ne cachait pas de son visage sa moue déçue. Loin de vouloir juger Cesar pour cet acte qui avait des chances d'être justifié, elle regrettait évidemment l'usage de ses poings. Il le savait, elle n'avait pas besoin de lui dire pour le moment. Le sermon viendrait plus tard, pour l'heure, elle avait besoin de comprendre ce qu'il s'était passé. Je crois que je lui ai pété le nez. Elle amenait sa main au niveau de son menton, l'air de réfléchir. Merde Cesar, qu'est-ce qui t'es passé par la tête ? La question était trop vaste pour obtenir une réponse claire et courte, mais elle se devait de la poser malgré tout. Elle se devait aussi d'éclaircir cette histoire. C'est qui ce gars ? Allait-il mettre en danger le travail de Cesar à cause de cet incident ? Elle secouait la tête, refusant d'y penser. Ta main ça va ? Qu'elle demandait, soudain plus inquiète pour l'intégrité physique de son frère que pour tout le reste.

Face à Alma je me sens vraiment comme un gamin qui a fait une connerie -ce qui est un peu le cas quand même-. Je viens de lui balancer ce que j’ai fait à Léo comme ça, sans prendre de pincettes et sans tourner autour du pot. Je n’ai jamais été très fan des jolis enrobages, rien ne sert de passer par des chemins sinueux pour dire des choses difficiles. Au contraire, c’est prendre le risque de se dégonfler. “Merde Cesar, qu'est-ce qui t'es passé par la tête ?” Je m’attendais à une telle réaction, à part Rudy -et encore- je pense que n’importe qui aurait réagi comme Alma est en train de le faire. Je sais que je le mérite mais je dois lui expliquer un peu le contexte de cette dispute. “Il m’a insulté, je pouvais pas le laisser me marcher sur les pieds. Je l’ai prévenu d’arrêter de me parler comme ça mais il arrêtait pas de remettre de l’huile sur le feu. J’ai pas supporté qu’on me traite comme une merde. Je vois pas ce que j’aurais pu faire d’autre. Je te jure que j’ai essayé de lui parler mais ça servait à rien” Je sais que rien ne peut excuser la violence et que ce n’est jamais une solution pour résoudre des conflits mais avec quelqu’un comme Léo, avec des types qui cherchent les problèmes parler est inutile. Y a peut-être des gars qui auraient baissé la tête ou qui auraient ignoré ces provocations (et heureusement qu’il existe des gens comme ça) mais ce n’est pas mon cas. Je n’ai jamais envisagé la violence comme réponse systématique aux provocations mais là je ne sais pas ce que j’aurais pu faire d’autre. Il était inenvisageable de me laisser me faire insulter par un gars aussi épais qu’une brindille. L’honneur chez les Gutiérrez ça a toujours été important alors j’ai voulu me défendre, nous défendre. Je suis sûr que si Rudy avait appris que je m’étais écrasé face à un gars pareil, sans le remettre à sa place il aurait été en colère. Enfin je n’en sais rien et je n’ai pas envie d’avoir la réponse à cette question, je n’ai pas envie qu’il soit au courant. J’espère qu’Alma ne dira rien, je compte sur elle pour ne pas tout balancer à Rudy ou Maman. “C'est qui ce gars ?” C’est la grande question que je me pose. Il a l’air de bien connaitre Auden, il s’est beaucoup vanté d’être dans ses petits papiers et d’avoir le pouvoir de me faire éjecter de la galerie. Mais bon il a surtout l’air d’être une grande gueule alors c’est peut-être juste un élève un peu fayot qui croit avoir obtenu toute l’attention et l’admiration du grand Auden Williams. “J’en sais rien. Un gars qui fréquente la galerie et qui connait bien le directeur. Il arrêtait pas de se vanter en disant qu’il allait tout cafter à Auden.” Être viré de la galerie ça m’embêterait, parce que je ne suis pas sûr qu’on m’accepte ailleurs pour des cours gratuits, surtout qu’Auden bien qu’il ne soit pas un expert en relations sociales et en pédagogie, est un artiste reconnu et il m’apporte beaucoup. Non ce qui m’embête surtout c’est la peur que cette enflure porte plainte et que je me retrouve avec un procès pour agression ou un truc dans le genre. “Ta main ça va ?” Je n’y avais même pas prêté attention mais mes phalanges ont rougi avec ce coup de poing. “Oui ça va, j’ai un peu mal mais c’est rien.” . Je secoue légèrement ma main, rien de grave, ce n’est rien à côté de du nez de Léo qui saignait “J’ai peur qu’il porte plainte ou une merde du genre.” Je la regarde en essayant de cacher que je suis en train de sérieusement flipper. “Je suis dans la merde c’est ça ?”

Les rêves d'Alma s'étaient toujours plus tournés vers une famille harmonieuse et un entourage heureux que vers de grands espoirs de richesse et de notoriété. Certes, elle avait des ambitions qui auraient pu la mener loin si elle n'avait pas arrêté ses études par sacrifice pour sa famille ; mais c'est justement parce qu'elle avait dû faire ce choix pour sa famille qu'elle avait réussi à l'accepter, finalement. Il m’a insulté, je pouvais pas le laisser me marcher sur les pieds. Je l’ai prévenu d’arrêter de me parler comme ça mais il arrêtait pas de remettre de l’huile sur le feu. J’ai pas supporté qu’on me traite comme une merde. Je vois pas ce que j’aurais pu faire d’autre. Je te jure que j’ai essayé de lui parler mais ça servait à rien Elle secouait la tête, déçue qu'il n'ait pas su gérer la situation autrement, mais triste aussi de voir qu'il devait déjà se confronter au monde. Dans l'esprit d'Alma, ses frères et sœurs étaient restés plus jeunes, et les voir faire face à de telles difficultés, Sara et lui, était difficile à avaler. Elle n'avait pas hâte du tout qu'il arrive la même chose à Alejandro et Maria, lorsqu'ils grandiraient eux aussi. T'as raison de pas te laisser faire, mais en arriver aux mains n'a pas servi plus à grand chose, tu t'en rends compte au moins ? Jouer à raisonner son petit frère était quelque chose qu'elle avait l'habitude de faire. Moins souvent avec Cesar qu'avec d'autres membres de leur fratrie, mais elle avait les mots juste, en général, pour que son entourage réalise les choses, sans les brusquer toute fois. Alma s'intéressait à la personne avec qui Cesar s'était accroché, essayant d'en savoir un peu plus sur ce qu'il avait bien pu se passer entre eux. J’en sais rien. Un gars qui fréquente la galerie et qui connait bien le directeur. Il arrêtait pas de se vanter en disant qu’il allait tout cafter à Auden. Il faudra que t'ailles t'expliquer auprès de lui. Pour éviter tout quiproquo et pour maintenir une bonne image auprès de lui ; son avenir artistique pourrait clairement dépendre de cet incident. Pour le coup, sur l'instant, le plus important aux yeux de la mexicaine semblait être l'état mental et physique de son frère. Oui ça va, j’ai un peu mal mais c’est rien. Elle hochait la tête, persuadée qu'il l'aurait dit si quelque chose n'allait pas. J’ai peur qu’il porte plainte ou une merde du genre. Je suis dans la merde c’est ça ? Elle haussait les épaules, peu décidée sur la meilleure façon de lui dire les choses. Oui, il venait probablement de se mettre dans une mauvaise posture. Mais il en était conscient : le dire ne ferait pas avancer les choses. Le soutenir, en revanche, oui. J'en sais rien. On va essayer de faire en sorte que ce soit pas le cas. Il était hors de question que ses espoirs à lui soient brisés, que Cesar finisse comme leur aîné à cause d'une mauvaise décision prise et un flot d'autres qui suivraient ensuite. Cesar méritait d'être sauvé. La brune refusait qu'il ne perde son innocence et ses chances de réussir pour un abruti. Elle se dirigeait vers la cuisine pour sortir un pain de glace du congélateur. Tiens, mets toi ça sur la main, ça calmera la douleur. Elle vint ensuite s'asseoir. Quelqu'un vous a vus ? Quelqu'un à entendu la façon dont il t'as traité ? Qu'elle demandait, inquiète.

Après m’être battu avec Léo le premier endroit où j’ai pensé à me réfugier était évident : chez Alma. Je sais qu’elle est de bons conseils et qu’elle ne me jugera pas. A la différence de Diego elle essaiera de me comprendre, elle sera là pour me rassurer et je l’espère m’aider à trouver une solution à ce merdier. Quand j’entre chez elle j’ai l’air grave et je ne passe pas des heures à tourner autour du pot. Je lui avoue pourquoi je suis là, je lui dis que j’ai frappé un mec et je peux voir la surprise et la déception s’afficher sur son visage. Alma m’engueule un peu mais je sais qu’elle a raison, je n’aurais jamais dû faire ça. J’essaie de me défendre en expliquant que je me suis défendu parce que Léo m’a insulté et je ne pouvais pas le laisser me marcher sur les pieds. “T'as raison de pas te laisser faire, mais en arriver aux mains n'a pas servi plus à grand chose, tu t'en rends compte au moins ?” Je baisse la tête, j’ai honte de ce que j’ai fait. Je sais qu’elle a raison et que je me suis mis dans la merde tout seul. J’ai l’impression d’avoir à nouveau 5 ans et de me faire disputer par notre mère. “Non mais je sais. J’aurais pas dû mais il m’a poussé à bout.” Je rejette la faute sur Léo comme si ça pouvait m’aider à me blanchir. Mais dans cette histoire j’ai ma part de responsabilité aussi. J’ai bousillé sa toile -sans le faire exprès- mais je ne me suis pas excusé et je n’ai pas fait grand chose pour réellement apaiser les tensions. J’explique à ma grande sœur qui est Léo mais je n’ai pas beaucoup d’informations sur lui “Il faudra que t'ailles t'expliquer auprès de lui.” Je hoche la tête, encore une fois Alma est la voix de la sagesse. Un genre de conscience qui dit tout haut ce que je dois faire mais que j’évite soigneusement. “Oui faudrait que je fasse ça avant que l’autre con aille lui raconter n’importe quoi.” Un sale moment à passer en perspective et je suis presque sûr de me faire virer à la seconde où je me pointerai à la galerie. Fait chier. Alma me demande si je vais bien, je lui assure que ça va, que j’ai juste un peu mal à la main ce qui est un bel euphémisme. Je viens de péter le nez d’un mec alors non ça ne va pas. J’ai peur, peur qu’il porte plainte et me retrouver avec une énorme amende ou un truc dans le genre. On est déjà dans une situation financière précaire à la maison alors on aurait vraiment pas besoin de ça en plus. “J'en sais rien. On va essayer de faire en sorte que ce soit pas le cas.” Je vais passer les jours qui arrivent à prier pour ne voir personne débarquer à la maison ou pour que mon téléphone ne sonne pas. Mon regard la suit quand elle se dirige vers le congélateur où elle ne sort un pain de glace. “Tiens, mets toi ça sur la main, ça calmera la douleur.” Je l’attrape et le place sur ma main endolorie et le simple contact de la glace me fait me crisper. Ca fait un mal de chien mais je me dis que ça ne doit être rien par rapport à la sensation d’un nez cassé. “Merci mais ça va t’en fais pas.” Elle s’assied à côté de moi et je peux voir qu’elle est tout aussi inquiète que moi voire davantage. “Quelqu'un vous a vus ? Quelqu'un à entendu la façon dont il t'as traité ?” Je secoue la tête. Il était tôt et la galerie était déserte. “Non personne c’est bien ça le problème.” Pas de témoin pour dire que Léo a provoqué toute cette histoire et que je ne cherchais pas à m’attirer des problèmes. “Fin problème je sais pas, personne n’a vu que j’ai donné le premier coup comme ça.” C’est moi qui ait frappé un premier même s’il a essayé -pitoyablement- de répliquer en me mettant un coup de poing. “Mais y a aussi aucune preuve qu’il m’a provoqué.” Pour résumer la situation c’est sa parole contre la mienne. Et s’il est aussi proche d’Auden qui le prétend il n’est pas difficile de savoir qui Auden croira. “Je te jure j’en ai marre de me retrouver dans des embrouilles comme ça.” J’aimerais vivre tranquille, sans personne pour me provoquer ou me pourrir la vie mais apparemment c’est trop demander. “Dis rien à Maman s’il te plaît.” Je me sens déjà assez coupable comme ça alors je n’ai pas besoin de leçons de morale supplémentaires. “Ni à Rudy ou Diego.” Je n’ai pas envie de me prendre une autre claque en retour par mon frère aîné ni de voir la déception dans le regard de Diego.

Alma avait envie qu'on se souvienne d'elle, plus tard. Plus vieille ou lorsqu'elle aurait poussé son dernier souffle, elle rêvait qu'on pense toujours à elle pour de bonnes choses, pour ses réussites et sa bienveillance, pour la douceur qu'elle apportait au monde et à ses proches. Elle en souhaitait autant à chacun des membres de sa famille, bien qu'elle pouvait dors et déjà prédique que certains n'auraient probablement pas cette chance : la prochaine génération de Gutiérrez se souviendrait probablement de Rudy comme du délinquant de la famille. Il était hors de question que l'image de Cesar soit entachée ainsi. Une erreur ne devait pas devenir son quotidien. Dans la famille, ils avaient tous toujours eu tendance à avoir le sang chaud ; leur grandeur se mesurait dans la façon de gérer leurs pulsions. Si Cesar avait craqué sous la pression pour une fois, il était du ressort d'Alma de s'assurer que ça ne lui poserait pas de problème outre mesure, et d'être certaine que ce n'était qu'une erreur qui ne se reproduirait pas. Oui, il était important qu'il ne se laisse pas marcher sur les pieds. Mais non, la violence n'était certainement pas la solution. Non mais je sais. J’aurais pas dû mais il m’a poussé à bout. Entendre qu'il n'avait pas perdu complètement la tête soulageait profondément Alma. Il était du même avis qu'elle et était conscient des risques qu'il avait pris. Pour la brune, c'était la preuve que Cesar était devenu un homme, mature et avec des principes. Et pour un dérapage qu'il tenterait de régler comme il le pourrait, elle ne pouvait pas lui en vouloir. Oui faudrait que je fasse ça avant que l’autre con aille lui raconter n’importe quoi. Elle acquiesçait, contente de voir qu'il prendrait ses responsabilités sérieusement. Tout ce qu'elle pouvait espérer maintenant que les états d'âmes de son frère lui avaient été dévoilés, c'était qu'il ne subisse pas de conséquences trop dommageables après cet évènement. Il ne le méritait pas, et elle avait envie de lui montrer tout son soutien : mentalement comme physiquement, en s'assurant qu'il ne s'était pas fait mal au passage. Merci mais ça va t’en fais pas. Comme tu veux. Venant s'installer à côté de lui, elle demandait un peu plus de détails sur le déroulé des choses. Non personne c’est bien ça le problème. Fin problème je sais pas, personne n’a vu que j’ai donné le premier coup comme ça. Mais y a aussi aucune preuve qu’il m’a provoqué. La crédibilité qu'Auden donnait à Cesar serait donc mise à l'épreuve. C'est ta parole contre la sienne. Reste à espérer qu'on t'écoute. Une part d'elle craignait de le voir se heurter à des stéréotypes qui le jetteraient dans la case des violents. Alma ne savait que trop bien à quel point leurs origines pouvait leur jouer des tours s'ils ne faisaient pas attention - Rudy le lui avait répété sans cesse. Je te jure j’en ai marre de me retrouver dans des embrouilles comme ça. C'était pas de chance, tu t'es laissé emporter.. faut juste que tu fasses en sorte que ça se reproduise pas. Sinon tu risques de te créer des problèmes. Il le savait, mais l'entendre ne pouvait que lui remettre un peu plus les idées en place. Dis rien à Maman s’il te plaît. Ni à Rudy ou Diego. Elle secouait la tête. Je dirais rien t'inquiètes. Elle n'avait aucun intérêt à le dire à Rudy, qui se serait moqué de lui ; à Diego qui l'aurait probablement pris de haut ; ou a leur mère qui se serait bien trop inquiétée. Tu veux boire un truc ? Ou manger quelque chose ? Un estomac rempli guérissait tous les maux, non ? Ou est ce qu'il y a quelque chose d'autre que je peux faire pour toi ? Elle voulait réellement qu'il sache qu'elle serait là pour lui, en toutes circonstances.

Je me sens sacrément con d’avoir réagi comme ça avec Léo. Ce petit con le méritait, j’en suis certain mais maintenant je suis dans une situation délicate. Si délicate que j’ai trouvé refuge chez Alma pour lui demander conseil. C’était même mon premier réflexe après l’accident : prendre le bus pour aller chez Alma. Parce qu’Alma est toujours de bons conseils, elle sait trouver les mots pour me rassurer, c’est un peu comme une deuxième maman. Je lui expose la situation et je sens qu’elle est choquée, peut-être même un peu déçue, et ça, ça fait mal.

Alma me tend un pain de glace que je plaque contre mon poing encore endolori. Je lui assure que ça va aller, oui j’ai mal mais je ne suis pas mourant non plus. En fait je crois que la colère a anesthésié la douleur qui lance ma main. “Comme tu veux.” La conclusion de mon récit c’est que désormais ce sera ma parole contre celle de Léo contre Auden ou même contre la justice s’il décide d’aller se plaindre. “ C'est ta parole contre la sienne. Reste à espérer qu'on t'écoute.” Franchement, qui voudrait écouter le petit mexicain qui a un grand frère qui a déjà fait de la prison et qui est un récidiviste connu contre un gosse de riche ? “Mmh, ça c’est pas gagné” Un gosse de riche qui a l’air très proche d’Auden. Je ne suis rien pour Auden, juste un élève alors je ne vois pas pourquoi il m’écouterait davantage. La situation me désespère au plus au point et je confie à Alma que j’en ai plus qu’assez de me retrouver mêlé à des histoires comme ça. “C'était pas de chance, tu t'es laissé emporter.. faut juste que tu fasses en sorte que ça se reproduise pas. Sinon tu risques de te créer des problèmes.” Je hoche la tête, c’est ça que j’aime avec Alma : elle ne me juge pas. Si j’avais voulu en parler à Diego il m’aurait dit que j’étais un petit con irresponsable sans se montrer rassurant. Ce qui me préoccupe désormais c’est maman, je ne veux pas qu’elle soit au courant de tout ça. Elle a déjà assez souffert avec les conneries de Rudy et maintenant avec Maria et notre situation financière. Elle n’a vraiment pas besoin de s’inquiéter en plus pour un autre de ses fils qui s’est battu. Rudy non plus ne doit rien savoir, en ce moment on a du mal à se comprendre alors je n’ai pas envie de me retrouver à nouveau plaqué contre le mur parce qu’il est incapable de communiquer. “Je dirais rien t'inquiètes.” Je savais que je pouvais compter sur elle. “Tu veux boire un truc ? Ou manger quelque chose ?” Je secoue la tête de gauche à droite. Je suis trop stressé pour avoir envie d’avaler quelque chose.  “Non ça va merci, j’ai pas trop faim.” Tant que je ne saurai pas si Auden me vire de la galerie ou si l’autre con porte plainte je crois que je vais avoir du mal à manger et à dormir. “Ou est ce qu'il y a quelque chose d'autre que je peux faire pour toi ?” Je commence à me lever pendant que je lui réponds. “Non ça va merci je vais y aller, t’en as déjà fait beaucoup.” J’ai de la chance d’avoir une soeur aussi géniale quand même. “Je vais y aller.” J’attrape mon sac et avant de me diriger vers la porte je fais un câlin furtif à Alma en lui disant “Merci” à voix basse. Une marque d’affection plutôt rare chez les Gutiérrez, le contact physique ce n’est pas mon truc d’habitude mais là j’ai envie de la remercier pour sa présence et pour sa bienveillance. Une fois cette étreinte terminée je lui fais un petit signe de la main accompagné d’un sourire timide avant de quitter l’appartement.