Le tissu est magnifique, savant mélange de quelques touches de couleurs qui attrapent à merveille la lumière de cette fin de journée. Du bout des doigts, je viens ajuster le jupon pour qu’il tombe parfaitement en cascade comme James l’avait imaginé en me présentant ses croquis. Il reste encore beaucoup de travail, le patron est à moitié terminé, toutes les épingles sont apparentes, mais le premier rendu m’inspire et les heures défilent sans que je ne réalise que l’atelier, c’est presque complètement vidé. « Tu ne devais pas partir tôt ? » Dans l’effet de surprise, l’épingle que j’avais entre les doigts vient se planter dans ma peau plutôt que sur le tissu, ce qui m’arrache un petit cri. Je réparais l’erreur avant de relever les yeux vers mon patron qui semble étrangement surpris de me voir encore assise à ma table. « Je voulais finir cela. » Pourtant, il avait raison, je lui avais demandé de pouvoir quitter un peu plus tôt afin de rendre visite à Louisa, mais il faut croire que je me suis encore laissé absorber par mon travail. « File, on verra tout ça demain. » D’un hochement de tête, je commence à ranger mes affaires, sentant malgré tout, la présence de James dans mon dos. J’essaye de ne pas y prêter attention et finis par me pencher sous mon bureau afin d’en retirer mon sac à main. Lorsque je me relève, James est déjà en train de s’éloigner, mais avant de quitter l’atelier, il se tourne vers moi. « C’est du bon travail Shiloh. » Les mots sont presque murmurés avant qu’il ne quitte la pièce, mais j’ai le temps de glisser un léger « Merci. » Malgré tout. Depuis notre retour de Paris, la dynamique n’a jamais été aussi productive, je me sens en confiance à ses côtés et je vois qu’il ne cesse de me donner des challenges. C’est parfois difficile et pas plus tard que la semaine dernière, j’ai eu un beau loupé, mais je ne cesse de me relever pour travailler encore plus fort, pour réussir dans mon métier. J’aime ce que je fais et pour la première fois depuis très longtemps, je pourrais me laisser à dire que je m’épanouis enfin autrement.

Le chemin jusque l’appartement de Louisa est assez rapide. Je lui avais envoyé un message la veille pour lui faire part d’une éventuelle visite sans jamais préciser l’heure et comme je n’ai pas regardé mon téléphone de la journée, elle doit croire que je l’ai oublié. Je me presse donc un peu, avaler les escaliers en sautant quelques marches et finis par venir presser le bouton de la sonnette en étant quelque peu essoufflé. Lorsque la porte s’ouvre sur une jeune femme blonde, j’ai un moment d’arrêt. « Bonsoir ? » Je regarde l’étage me demandant si je me suis trompé, mais je jurerais que c’est le bon numéro auquel j’ai sonné. « Euh… Excusez-moi, je… Je venais voir Louisa, mais je me suis trompé visiblement. » J’allais reculer, véritablement mal à l’aise d’avoir dérangé une inconnue. Elle m’offre un sourire pourtant, avant de regarder par-dessus son épaule. « Babe, il y’a quelqu’un pour toi. » Babe ? Mes yeux s’écarquillent alors que la jeune femme semble parfaitement à l’aise dans cet appartement. « Non vraiment, je veux pas déranger. » Avant que ma sœur ne débarque dans l’entrée et que je réalise que je ne me suis absolument pas trompé et que Louisa semblait légèrement gêner. « Salut… »

@louisa fleming

Je pourrais réellement m'habituer au fait de ne pas rentrer dans un appartement vide. Erika a passé tous le week-end chez moi et a même décidé de prolonger un peu sa visite, restant à mes côtés en ce début de semaine encore. C'est donc la troisième fois cette semaine que je suis accueillit par une douce odeur de cuisine ainsi qu'un baiser dès que je passe le pas de la porte. L'instant d'après c'est un verre de vin qui vient se poser dans ma main alors que mon cœur, lui, se remplie d'une joie extrême. Depuis début décembre que nous avons officialisé notre couple, elle et moi, je commence enfin à me dire que c'est bien parti pour être du sérieux et que nous avons toutes les clefs en main pour réussir à construire quelque chose de jolie.

Après avoir observer ce que ma copine nous a mijoté pour le diner de ce soir, je m'en vais faire un tour dans la salle de bain pour me changer et mettre quelque chose de plus confortable, lançant en même temps une machine avec mes habits sales, puis la rejoint dans la salle à mangé. Toutefois, au moment même où nous voulions nous mettre à table, la sonnette de ma porte retentit J'allais me relever mais Erika est plus rapide et est déjà dans le couloir. Je m'installe donc à nouveau et commence à me servir lorsque j'entends la voix de ma sœur. Écarquillant les yeux, je suis prise d'un moment de panique en me rendant compte qu'elle ne connaît même pas l’existence d'Erika !

Laissant tombé la cuillère dans le plat, je me lève de ma chaise au moment où la jolie blonde m'interpelle et me dirige vers la porte. Un sourire gêner sur les lèvres, je m'avance vers ma sœur  « Shiloh ! Je savais pas que tu venais aujourd'hui...» sous entendu qu'elle aurait du me prévenir et que ça lui aurait évité cette surprise.   «Shiloh … ? Comme dans 'ta sœur, Shiloh' ? » me demande Erika, son regard passant de la jeune femme à moi. Sourire contrit sur les lèvres, j'hausse les épaules   « C'est ça, exactement » confirmais-je ses paroles alors que je fais signe à ma sœur de rentrer. Refermant la porte derrière elle, c'est un large sourire qui s'affiche sur le visage d'Erika   « ça fait plaisir de te rencontrer enfin ! Lou m'a déjà tellement parler de toi !» qu'elle s'exclame, joviale comme à son habitude.

J'échange un rapide coup d’œil avec ma sœur pour lui dire, silencieusement, de ne pas révéler tout de suite que je ne lui ai jamais parlé de mon couple, lui signifiant aussi que je lui fournirais d'avantage d'explications lorsque nous seront seule.   «On vient tout juste de se mettre à table » annonce la jeune femme qui s'en va chercher un deuxième set de couvert et d'assiette pour les déposé à la troisième place de la table, ne laissant ainsi pas le choix à Shiloh que de se joindre à nous   « Erika cuisine très bien en plus»   « Ah c'est la partie italienne qui coulent dans mes veines» explique-t-elle en rigolant de bon cœur alors qu'elle dépose une généreuse part de lasagne sur l'assiette de Shiloh puis sur la mienne   « Tu veux du vin aussi ?» qu'elle demande à ma sœur alors que je les observe, presque attendrit. C'est comme ça que je la connais, la jeune australienne aux origines Norvégiennes et Italiennes : avenante, chaleureuse et avec un sens de l'hospitalité qui nous met directement à l'aise. Nul doute qu'elle et Shiloh s'entendront parfaitement à l'avenir.

J’ai un pas de recul lorsque la porte s’ouvre sur une jeune femme blonde que je n’avais jamais vue auparavant. Mon cœur s’emballe à l’idée de s’être trompé d’étage et d’être venue déranger une inconnue au cours de sa soirée. Mais le sentiment d’incompréhension se fait plus grand encore lorsque la femme s’adresse à une deuxième personne et que c’est bien la voix de ma sœur qui résonne quelque part dans l’appartement. J’ai du mal à comprendre l’emploi du surnom affectueux, encore plus lorsque Louisa semble effarée de me voir à sa porte. « Je… Je t’avais envoyé un message. » Peut-être qu’elle ne l’avait pas vu ou alors j’ai bien trop tardé pour venir. Je m’en veux d’interrompre leur moment et je crois que le rouge commence à me monter aux joues lorsque l’inconnue semble soudainement ravie de me rencontrer. J’assiste à l’échange de manière complètement déboussolé et entre dans l’appartement seulement parce qu’elles insistent. J’apprends donc que la blonde a entendu parler de moi quand je ne connais même pas son prénom. Louisa s’agite, me fait un signe qui se tend à être discret, mais que je capte en un instant. « Le plaisir est partagé. » Enfin, je crois ? Pourquoi est-ce que ma sœur m’aurait caché sa relation ? Je me pose tout un tas de questions tandis que je laisse mon sac sur le petit meuble de l’entrée pour mieux les suivre dans le salon où je remarque une table dresser pour deux.

En moins de temps qu’il n’en faut, la fameuse Erika a rajouté une assiette et m’a déjà servi une portion, m’obligeant donc à prendre place autour de la table. Je suis mal à l’aise et je ne cesse de chercher le regard de Louisa qui papillonne partout sauf autour de mon visage. « Euh… Oui, je veux bien un verre de vin. Merci. » Erika, donc, semble parfaitement à l’aise dans l’appartement comme si cela faisait des mois qu’elle vivait là. Je réalise que cela fait bien trop longtemps que je n’ai pas passé un moment avec ma sœur et je m’en veux de ne pas avoir été assez présente, de ne pas m’être rendu disponible pour elle. « Je suis vraiment désolée, je ne voulais pas gâcher votre soirée. » Et pourtant, me voilà à prendre une bouchée du plat qui m’a été servi, parce que je n’ai pas déjeuner à midi et que je meurs de faim. « Hmm, c’est délicieux. » Le compliment est plus que sincère, et voilà que je pique à nouveau dans mon plat avec envie. Et comme cela, le dîner se déroule sans encombre. Erika se fait très curieuse et je tente de répondre à toutes ses questions, sans jamais me défaire de son sourire, malgré mon léger malaise face au fait que je n’avais aucune idée de son existence avant ce soir. J’ai le temps d’observer une Louisa qui semble plus heureuse que jamais et j’apprécie le moment. C’est une petite pause hors du temps, un moment où j’oublie tout ce qui se déroule à l’extérieur. Jusqu’à ce que l’Italienne décide de se retirer pour nous laisser entre sœurs. « C’était un plaisir de te rencontrer Erika. » que j’avoue avec un grand sourire. « On se reverra bientôt ma belle. » Je hoche la tête avant de m’éclipser dans la cuisine pour faire la vaisselle et laisser le temps à Louisa de dire au revoir à sa compagne.

Lorsqu’elle revient dans la cuisine, je ne tiens pas longtemps avant de me tourner vers elle. « Ça fait longtemps ? » J’aimerais juste comprendre un peu, savoir si j’ai mis les pieds dans le plat ce soir, savoir si elle aurait préféré nous le cacher encore longtemps. « Je suis désolée, je voulais juste te parler de certaines choses. » En réalité, j’ai tout un tas de sujets à aborder avec ma grande sœur, le genre de sujet que je n’aurais jamais lancé avec Erika dans l’appartement.

Oui, Shiloh m'a envoyé un message, je m'en rappelle bien. Mais je me rappelle surtout qu'elle m'a juste écrit qu'il faut que nous nous voyons et qu'elle passera  «un de ces jours » sans préciser la date exact. Si elle avait été plus organisé, elle ne se serait pas retrouvé face à Erika et il n'y aurait pas eu ce petit moment de blanc où elle se pose de bien trop nombreuses questions. Et pourtant la voilà la attablé avec nous entrain de manger les délicieuses lasagnes de ma copine et à boire le vin que nous venons d'ouvrir.

Une bonne heure passe dans la joie et la bonne humeur avant qu'Erika ne décide de quitter les lieux afin de nous laisser seules entre sœur. Je l'accompagne encore jusqu'à la porte et l'embrasse une dernière fois avant de rejoindre Shiloh dans le salon. La première question qu'elle me pose est de savoir si ça fait longtemps qu'elle existe, la relation entre Erika et moi.

 «Depuis début décembre l'année dernière, oui » haussais-je les épaules  «J'attendais de savoir si c'était quelque chose de sérieux ou pas pour en parler. Et comme ça commence a être quelque chose de ce genre ...je t'en aurais parlé assez rapidement je pense » annonçais-je en souriant doucement  « Enfin bon, maintenant tu as rencontré Erika toi-même et ...bref, je pense que tu vas devoir t'habituer doucement à sa présence parce que je compte bien tout faire pour qu'elle reste » je n'ai jamais été très sentimentale, et pourtant la jolie blonde arrive à me faire ressentir des choses assez incroyable.

 « Enfin bref» annonçais-je pour changer de sujet alors que je remplie à nouveau nos verres de vin et que me réinstalle à ma place à côté de Shiloh  « raconte moi tout. Qu'est-ce qui t’amènes ?»

Dans ce qui me semble être une véritable discrétion, je me penche fortement sur le côté pour ne pas quitter ma place sur le canapé, tout en ayant la possibilité d’observer le couple vers la porte d’entrée. J’ai bien senti tout au long du repas que Louisa ne s’attendait pas a être prise de court et j’ai particulièrement fait attention à mes paroles pour ne jamais laisser sous-entendre que je n’avais pas entendu parler d’Erika auparavant. Alors, un léger sourire aux lèvres, j’observe ma sœur qui souhaite une bonne soirée à sa petite amie. Je ne l’ai pas souvent vu en couple Louisa, mais je dois dire que l’image que les deux jeunes femmes reflètent une véritable complicité et lorsque ma sœur reviens dans le salon je sais deviner un éclat différent sur son visage. J’apprends alors qu’elles sont ensemble depuis plusieurs mois désormais et fronce les sourcils face au secret. Est-ce que Nathan était au courant ? Je n’ose pas poser la question, préférant me concentrer sur les propos de la brune. « Elle a l’air adorable. » que je souligne dans un sourire. Pour une première impression, je dois dire qu’Erika a su me charmer en très peu de temps. Je doute encore de mon jugement envers les autres, mais ne m’inquiète pas pour Louisa qui a bien plus la tête sur les épaules. « Je suis vraiment heureuse pour toi, Lou. » Elle avait besoin, de se poser un peu, d’entretenir quelque chose de stable. « Tu as l’air bien. » Et c’est tout ce qu’il y a de plus important à mes yeux. Erika semble la rendre heureuse et je dois avouer que j’ai déjà hâte de voir la jeune femme à nouveau.

Mais Louisa n’oublie pas qu’il n’était en aucun cas prévu que je vienne ruiner les plans de sa soirée. Je sens bien qu’elle ne va rien me reprocher, mais je m’en veux d’avoir débarqué ainsi, malgré tout. Si je m’excuse encore une fois, elle va me dire que c’est inutile, alors je préfère en venir aux faits. « Je suis allé porter plainte. » Il n’y a pas mille façons d’annoncer les choses et comme ce fut le cas avec Trent, je me sens encore plus légère de le dire à nouveau. « J’étais pas toute seule, Megan m’a accompagné. » Pour des raisons particulières, je ne voulais qu’elle à mes côtés. La seule qui pouvait me permettre de tenir le capte, sans jamais me laisser l’autorisation de flancher. « J’ai tout raconté et une enquête va être ouverte. » C’est bien la partie qui m’effraye le plus, dans le fond. Lawrence va être au courant, d’ici quelques jours, tout au plus. « Il risque de vouloir me faire taire. » Par tous les moyens, il va vouloir étouffer l’affaire, je le connais assez pour cela. « Je voulais que tu sois au courant, parce qu’il est bien capable de vouloir s’en prendre à toi ou de colporter, je ne sais quoi cette fois. » Les photos, il s’en est déjà servi, je ne sais pas ce qui lui reste, mais je me doute qu’il possède encore quelques ressources pour chercher à me nuire. « Je ne ferais pas marche arrière. » Enfin, je crois. J’essaye de m’en convaincre à chaque seconde qui passe depuis mon dépôt de plainte.

Si j'avais pensé pouvoir passer la soirée avec Erika, je dois avouer que la présence de ma sœur est très loin d'être déplaisante tant, ça fait longtemps que nous ne nous sommes plus vu. Je dois dire aussi que le fait que Shiloh soit maintenant au courant pour ma nouvelle copine m'enlève, mine de rien, un sacré poids des épaules. Elle n'a jamais été dans le jugement concernant mes relations, mais quelque part, je redoutais un peu le moment où j'aurais du officialiser mon couple auprès de ma famille.

Toutefois, si Shiloh est ici ce n'est en aucun cas pour faire connaissance avec Erika, mais pour une tout autre raison tel que je le comprend rapidement lorsque la jeune femme décide de nous laisser seules. La jolie blonde me promet encore de revenir plus tard et, après un dernier baiser, je reviens vers le salon auprès de ma sœur. Celle-ci n'hésite pas à longtemps avant de dire ce qu'elle a sur le cœur et la raison pour laquelle elle a débarqué à l'improviste aujourd'hui.

Elle a porté plainte. ENFIN elle a eu le courage d'aller voir la police pour raconter son histoire ! J'ai envie de crier, de hurler ma joie et de laisser sortir un 'hallelujah' sonore en levant les mains au ciel, mais je sais que ce sera mal venu et que Shiloh risque de le prendre mal. Ainsi, contenant au maximum mon soulagement d'apprendre cette nouvelle, je hoche la tête et lui offre un large sourire «C'est la meilleure nouvelle de la semaine ! » dis-je avec toute la sincérité du monde « C'est génial ! Je suis fière de toi !» me penchant en avant, je lui donne une tape sur l'épaule, mon sourire s'agrandissant encore «et merci à Megan aussi » d'avoir réussi là où j'ai si souvent échouée « On ne te laissera pas faire machine arrière maintenant» je lui adresse un clin d’œil puis attrape mon verre de vin «Et du coup, pourquoi maintenant ? Qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis ? » demandais-je, bien curieuse de savoir ce que Megan a put faire ou dire pour la décider à prendre ce chemin-là.

Je m’en veux un peu d’avoir perturbé la soirée de ma sœur de cette manière, mais je me devais d’avoir cette conversation avec elle le plus tôt possible. Elle a été à mes côtés depuis le début, elle est celle qui m’en a si souvent demandé d’aller porter-plainte, d’au moins aller raconter les abus perpétrés par Lawrence à la police. Je lui dois bien cela, une explication, un début de vérité qui va lentement se dérouler. « C'est la meilleure nouvelle de la semaine ! » Mes joues se tintent de rouge face à la joie non dissimulée de ma grande sœur. Elle attendait ce moment, je le sais depuis longtemps. Elle qui n’a peur de rien, elle qui souhaite que chacun paie pour ses fautes. « C'est génial ! Je suis fière de toi ! » Louisa n’est pas la première à me le dire, mais dans sa bouche, les mots ont une tout autre résonnance. Parce qu’il s’agit de ma sœur, de ma famille, parce que j’avais besoin de l’entendre me dire cela après les épreuves passées. Je sais que j’ai pu les décevoir, par mon absence et au travers de mon silence, mais tout semble différent désormais. « Il était temps. » que je murmure doucement, ayant encore un peu de mal à me dire que j’ai réellement passé le cap, que j’ai surmonté cette épreuve qui me paraissait impossible à franchir. « Et merci à Megan aussi. » Je ne relèverais pas l’accent mis sur la responsabilité de ma meilleure amie dans ce processus, je sais que Louisa ne voudra pas réellement comprendre. Elles ont chacune eu une part dans tout cela, mais il n’y avait qu’avec Megan que je me sentais le courage de faire cela, parce qu’elle ne flanche jamais la blonde, parce qu’elle a su me tenir la main tout du loin sans jamais ressentir le besoin d’exprimer une quelconque opinion. J’avais besoin de cela, d’un pilier sans faille et sans jugement.

« On ne te laissera pas faire machine arrière maintenant. » Tout de même un brin rassuré par sa réaction, je laisse échapper un léger éclat de rire. « Oh ça, j’en doute même pas. » Je suis entouré de femmes de caractère, des femmes d’exceptions qui sauront me guider dans cette nouvelle aventure sans jamais me laisser l’espace nécessaire pour faire demi-tour. « Et du coup, pourquoi maintenant ? Qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis ? » Je pourrais bien lui parler d’un simple déclic, mais les raisons sont si variées et importantes dans le fond. Il y a eu tant de choses qui ont participé à cela, des soirées à ruminer seule dans mon appartement, des paroles qui ont eu un impact à un moment précis. « Il y a eu tout ce que tu m’as dit, tout ce que Megan m’a énoncé aussi. » Mon amie avait fait des recherches, elle avait su me présenter des cas similaires qui avaient abouti à quelque chose de plus ou moins concret. « Et puis j’ai retrouvé Trent. » Ça aussi, c’est un peu une grande nouvelle. « Lui aussi à su me convaincre que rien de tout cela était normal. » A sa manière, dans une douceur qui m’avait tant manqué finalement. « Puis… J’ai eu Lucia au téléphone. » Et je crois qu’il va falloir que je m’explique plus longuement. « Elle était avec Lawrence quand il a commencé sa relation avec moi. Avec elle aussi, il a été violent. » Jamais physiquement, mais la jeune femme s’était retrouver briser mentalement. « On a longuement discuté toutes les deux et j’ai réalisé que si je le faisais pas pour moi, il fallait que je le fasse pour la prochaine. » Ma main tremble légèrement tandis que je récupère mon verre de vin. « Il va en attirer une autre dans ses filets et je… Je pourrais pas vivre avec l’idée que j’aurais pu faire quelque chose pour éviter à une autre de souffrir comme j’ai pu souffrir moi. » Et il est encore si dur de mettre des mots sur tout cela, d’énoncer cette douloureuse vérité. « Je ne sais pas si cela va vraiment aboutir, mais j’aimerais juste que les gens sachent qu’il n’est pas le mec adorable qu’il prétend être en société. » L’homme pour qui j’étais tombée éperdument amoureuse. « C’est encore difficile… De parler. » De dire tout ce qu’il a pu me faire, d’énoncer toutes les horreurs qu’il savait si bien me balancer.

Je ne pense pas que j'ai pu rêver meilleure nouvelle que celle que vient de m'annoncer Shiloh. Il était grand temps pour qu'elle le fasse, ce pas en avant pour traîner son salaud d'ex petit ami dans la merde de la justice. Même si personne de son entourage ne sait où cela mènera et que les prochains temps seront décisifs, je suis persuadé que c'est un poids incroyable qui tombe des épaules de ma sœur. Et rien que pour cela, je me dois de la soutenir encore et encore, inlassablement, et ce, sans aucun jugement. C'est un travail que j'ai fait sur moi-même, moi qui suis toujours dans l'impulsivité, et qui finis enfin par payer !

Je lui assure que ni Megan ni moi ne la laisseront faire machine arrière et j'accueille la douce mélodie de son rire avec un large sourire avant de, toutefois, lui demander ce qui l'a fait changer d'avis. J'apprends ainsi que mes paroles et celles de sa meilleure amie ont été les éléments déclencheurs. Puis il y a eu ses retrouvailles avec Trent et finalement l'appel de Lucia, une ex de Lawrence avec qui celui-ci était aussi violent. Du coup, Shiloh est d'avis que même si cela ne changera peut-être rien à ce qu'elle a vécu elle, elle pourra au moins tout faire pour que l'homme ne recommence pas à foutre la merde dans la vie d'une autre personne.

Me redressant, je repose le verre de vin sur la table et affiche un sourire qui se veut rassurant en allant poser ma main sur celle de ma sœur « Tu n'as pas besoin d'en parler maintenant» lui assurais-je à nouveau, comme à chaque fois que nous nous voyons « Peu importe ce qu'il en ressort, au moins tu sais que tu auras fait tout ce qui était en ton possible pour réduire ce connard en charpie » je lui adresse un clin d'oeil « est-ce que je peux t'aider d'une quelconque façon ?» demandais-je en reprenant ma main, m'adossant à nouveau contre mon dossier « Que ce soit financièrement ou un simple soutient moral … Est-ce que tu as besoin de quelque chose que je pourrais te donner ?» et je suis on ne peut plus sincère. Un bon avocat, c'est cher. Autant que mes économies servent à Shiloh !