MARS 2020. La soirée est élitiste, l’accès réservé aux personnalités ayant une certaine renommée ou ceux ayant les bons contacts, au choix. Fort heureusement pour Rhett et son irrépressible envie de tourner la page sur les dix jours qu’il a passés à l’hôpital il y a de ça un mois à peine, il fait partie des deux catégories. Il entre dans la moindre encombre, son sourire digne d’une publicité Colgate et ses grands yeux qui auraient pu être soupçonnés d’avoir été retouchés sur Photoshop finissant de convaincre le moindre videur de la nécessité d’inclure le sportif à la fête. Bientôt, pourtant, il sait que son âge sera trop trahi par ses pattes d’oie pour qu’on puisse lui accorder le moindre accès nulle part, sauf peut-être en centre de chirurgie. Ugh.. Plutôt crever. Oh, quelle ironie pour celui qui a effectivement failli y passer.
Les lumières sont aveuglantes, la musique assourdissante, l’endroit étouffant. Et pourtant, Rhett ne voudrait pas se trouver nulle part ailleurs. Il se confond dans la foule et agit comme s’il avait vingt ans de moins - à la seule différence qu’il ne s’approche pas des filles de cet âge, parce qu’il a au moins une morale - et c’est finalement le meilleur remède à ses yeux. Les conseils des médecins l’agacent, ceux de son petit-frère bien plus encore. Il ne veut rien entendre, il ne veut rien savoir. Ce n’était pas une overdose, ce n’était qu’un accident, et si tout ceci est arrivé alors ce n’est que la faute des boîtes qui ne sont pas assez précises et des médecins qui ne font pas correctement leur travail. Rhett, lui, n’était supposé que se servir et ne pas avoir à réfléchir. Une pilule par jour, douze heures entre chaque dose. Pas d’alcool, pas d’autres médicaments sans vérification au préalable, pas de connerie. C’était simple, clair, précis. Concis. Trop con, voilà ce qu’il est le Hartfield qui s’est cru meilleur que tout le monde, lui dont la douleur à la jambe ne semblait pas vouloir partir, au point où il a jugé nécessaire d’aller outre la prescription pour une fois et une seule fois. Ensuite, il a perdu le compte. Juste après, il a perdu tout souvenir.
L’odeur de la transpiration d’autrui mêlée à l’abondance de parfums différents reste bien meilleure que celle du désinfectant et des produits chimiques des hôpitaux. Souvent, il s’est demandé comment son frère faisait pour vivre dans un tel milieu, comment il faisait pour aimer toutes ces conneries de bips, de stéthoscopes et autres conneries. C’est pire encore pour Ruben, qui triture les cerveaux d’inconnus comme un signe cherchant les poux dans le pelage de ses congénères. Beurk. Son verre de Dieu-sait-quoi-sans-alcool à la main, il butte contre une marche imprévue et en fait renverser quelques gouttes sur la robe d’une inconnue, rapidement lui-même horrifié par sa maladresse - laquelle n’a, bien sûr, rien à voir avec une douleur soudainement survenue dans ses jambes alors qu’il n’existe aucune marche sous ses pieds. “Désolé, vraiment désolé. Ça devrait partir à l’eau.” Il annonce, ses lèvres non loin des oreilles de la jeune femme alors qu’il hurle dans ces dernières avec le maigre espoir de se faire entendre, ce qui n’est même pas assuré.
“dreamers colliding” & mars 2020 Il est un temps pour tout. Ce soir-là, Ysis avait prévu de sortir. Elle avait bien trop travaillé ces derniers jours, et il fallait qu’elle s'octroie une pause qui devenait vitale. Elle se focalisait sur ses objectifs pour ne pas se perdre en chemin et tomber dans une déprime incessante, chose qu’elle avait déjà vécue il y a de ça quelques mois, voire années. Ysis se faisait à peine à cette nouvelle vie à Brisbane, pourtant, cela faisait depuis Avril 2018 qu’elle s’y était installée. Ce n’était pas tant la ville, mais plutôt le deuil de la danse, qui était encore en cours.
Ysis avait choisi soigneusement la tenue qu’elle porterait ce soir. Une robe bleu en satin, avec de fines bretelles. Plutôt inadaptée comme tenue pour un mois de Mars, de fait, elle avait ajouté une veste pour se couvrir un minimum. La soirée où elle avait jeté son dévolu était une soirée assez convoitée et Ysis ne savait même pas si elle réussirait à rentrer. Elle ne faisait pas partie de la populace aisée et élitiste de la ville. Par contre, elle avait plus d’une corde à son arc, et elle allait saisir sa chance en provoquant le destin. Elle s’approchait d’un groupe de quatres jeunes hommes, qu’elle ne connaissait pas, et leur demanda simplement si elle pouvait entrer avec eux. Elle avait également mis en avant le fait que c’était une femme et que les videurs les feraient surement rentrer plus rapidement en sa présence. Ysis n’avait pas eu besoin d’en dire plus, les quatres hommes avaient accepté sans rechigner et très rapidement, ils avaient tous pu accéder à la soirée. La jeune femme se dirigea directement vers le bar et commanda un mojito. Pas très classe, mais c’était sa valeur sûre. Il y avait énormément de monde, les lumières étaient coordonnées à la musique, qui était tellement forte que les murs en vibraient. Ysis sirota son verre assez rapidement puis en recommanda un autre qu’elle embarqua avec elle sur la piste de danse. Sur la piste de danse, elle se retrouva avec les quatres hommes qui lui avait servi de pass d’entrée. Pendant au moins une heure, ils enchainèrent les shots et dansèrent ensemble. Ils étaient bon délire, mais un des quatres était devenu lourd avec Ysis et c’est à ce moment qu’elle s’était échappée de la piste de danse.
Ys se dirigea alors vers la porte qui menait à un fumoir extérieur lorsqu’elle percuta quelqu’un. Ce quelqu’un était un homme qui avait un visage qu’elle connaissait. Bon, elle était un peu bourrée donc peut-être qu’elle se trompait. Ysis sentait un liquide se propager peu à peu sur sa robe. L’homme, un grand brun, s’approcha d’elle et hurla dans son oreille. Ysis se dit alors qu’il devait sûrement être plus bourrée qu’elle pour hurler à ce point. « Désolé, vraiment désolé. Ça devrait partir à l’eau ». Il avait au moins la décence de s’excuser, c’était le minimum. « Oh mais merde… Tu pouvais faire attention! » hurla-t-elle aussi, pour faire comprendre que la tonalité sur laquelle il avait parlé était un peu excessive. Ysis leva les yeux pour le regarder, à ce moment, elle se rendit compte que c’était plutôt un bel homme. Son visage lui parlait vraiment, mais elle était incapable de remettre qui il était. La brune posa sa main sur le bras de cet inconnu/connu. « C’est rien t’inquiète. Tu vas pouvoir m’aider à trouver une solution pour nettoyer et sécher ça! » La brune lui envoyait un sourire. « Moi c’est Ysis. Et toi tu es… ? » Elle peinait à finir sa phrase, elle savait pertinemment qu’elle l’avait déjà vu quelque part mais ne savait pas où, alors ne voulant pas paraitre pour une inculte elle ajouta « Tu es vraiment charmant! J’aurais pas rêvé d’une meilleure personne pour me renverser son verre dessus !» Ysis était pompette, si ce n’est pas bourrée, et elle avait vraiment décidé de s’amuser ce soir. Alors, pourquoi ne pas flirter ?
Malgré ses excuses, Rhett est plutôt bien placé pour savoir qu’aucun mot ne saurait rattraper sa maladresse et, surtout, la tâche qu’il a fait naître sur la robe de la jeune femme. Alors, les reproches qui lui arrivent dans la figure dès la seconde suivante, il n’avait pu que les anticiper et ainsi offrir en retour son demi-sourire pseudo-charmeur le plus désolé qui soit. Créer une esclandre pour si peu est bien la dernière chose qu’il voudrait mais puisqu’il se veut absolument incapable de prévoir le comportement de ses femmes, il s’attend toujours au pire pour ne pas avoir à être déçu. « Oh mais merde… Tu pouvais faire attention! » Et sans doute a-t-il bien fait de s’attendre au pire, à en juger par la férocité avec laquelle la jeune femme lui répond. D’apparence presque fragile, il ne se serait pas attendu à ce que sa voix puisse autant porter: il n’a eu aucun mal à l’entendre malgré l’intensité de la musique. C’est un détail de peu d’importance qui permet pourtant de mettre en lumière la colère de l’inconnue, chose qu’il n’arrive pas à comprendre à en juger par le fait qu’il ne soit question que d’une vulgaire tâche sur une robe. Ça part à la machine ce genre de choses, non ? Ce n’est pas comme si il l’avait imbibée d’alcool. Il lève les mains au ciel, chose qu’il préfère encore faire plutôt que de proférer de nouvelles excuses: il n’a jamais su courber l’échine bien longtemps.
Rapidement, l’attitude de la jeune femme change du tout au tout lorsque leurs regards se croisent brièvement, ce qui semble pour elle être une excuse suffisante pour venir poser sa main sur l’avant-bras du commentateur. S’il n’esquisse aucun mouvement de recul, il n’en est pas moins surpris pour autant. « C’est rien t’inquiète. Tu vas pouvoir m’aider à trouver une solution pour nettoyer et sécher ça! » Ah bon ? Est ce à quoi se résument ses pensées alors qu’il n’a nullement envie de jouer au jeu qu’elle semble être en train de mettre en place: il n’a réellement pas fait exprès de lui renverser un peu de son cocktail dessus et il n’y aura aucune suite à cela, si ce ne sont quelques excuses sincères. “Je peux t’aider à trouver les toilettes si tu veux nettoyer ça.” L’aider à les trouver, l’aider à s’y rendre et même surveiller la porte si elle le désire, mais certainement rien de plus que cela, autant la prévenir de suite. « Moi c’est Ysis. Et toi tu es… ? » Pas totalement bourré, contrairement à Ysis. “Rhett.” Son sourire est désormais un peu plus assuré au moment de faire les présentations. Tout est plus simple quand elle ne lui crie pas dessus ou ne le drague pas lourdement, c’est un fait. Il se sent plus à sa place ainsi, même au milieu d’une soirée parfaitement impersonnelle. « Tu es vraiment charmant! J’aurais pas rêvé d’une meilleure personne pour me renverser son verre dessus !» Enfin, la voilà qui revient au galop et Rhett qui ne sait cette fois-ci s’empêcher de rire bien volontiers. Au moins, elle ne fait pas dans la demie mesure. S’ils avaient parlé de cette même façon avec Jenna dès le début, ils auraient peut-être pu profiter de leur couple avant de se détester ; qui sait. “Tu as bu combien de verres, Ysis, dis moi ?” Il se moque sans méchanceté, un sourire éternellement amusé au coin des lèvres alors qu’il prend finalement l’initiative de la conduire en direction des toilettes de lui-même. Elle ne sait sûrement plus se repérer et, surtout, il n’a pas envie qu’elle rencontre des personnes sûrement bien moins intentionnées que lui. Il en profite pour déposer son verre dans un coin, certain qu’il sera toujours temps d’en demander un autre suite à ça.
“dreamers colliding” & mars 2020 Ysis avait ingéré assez d’alcool pour ne plus se sentir oppressée parmis la foule. Elle ne prêtait plus attention non plus aux effluves de transpiration et d’alcool qui émanait de chaque personne. Cependant, elle était encore assez consciente pour se rendre compte qu’un inconnu lui avait renversé l’intégralité de son verre sur elle. Sa robe, trempée, lui collait à la peau. Cela rendait à la robe un effet moulant, assez désastreux. Ysis avait fait savoir à la personne son mécontentement. Elle avait ralé bien assez, jusqu’à ce qu’elle se rende compte que cet homme était plutôt plaisant physiquement. Elle avait tenté d’établir un contact avec lui, et avait surtout entamé une drague lourde, presque digne d’une personne qui siffle ou klaxonne pour accoster. Le brun n’avait pas l’air réceptif du tout. « Je peux t’aider à trouver les toilettes si tu veux nettoyer ça » dit-il plus froidement que lorsqu’il s’était excusé quelques minutes avant. Ysis fronça les sourcils. Elle n’avait pas hésité à s’adoucir, se présentant à lui, certes dans un but précis, mais quand même. L’homme indiqua tout de même son prénom accompagné d’un sourire. « Rhett. » Cela rassura instantanément Ysis, il n’était donc pas si réfractaire, si on n’omet la question qui suivit. « Tu as bu combien de verres, Ysis, dis moi ? ». La jeune femme retira sa main du bras du fameux Rhett. Elle leva les yeux au ciel. Était-ce son père pour lui demander cela? Ou peut-être qu’elle paraissait bien trop alcoolisée? Ysis était certes pompette, mais cela ne l'empêchait guère d’avoir toutes ses idées: elle savait exactement à ce moment-là, que Rhett était charmant. Rhett choisit de guider Ysis vers les toilettes. La brune se demandait alors quelle idée avait Rhett en faisant cela? Deux minutes avant, il n’apparaissait pas très enclin à l’aider et avait l’air de lui répondre juste histoire de. Ysis se laissa guider dans les toilettes sans rien ajouter. Elle entra dans les toilettes et lorsqu’elle se retourna afin de répondre à sa question, elle se rendit compte qu’il n’était plus là. Elle rebroussa alors son chemin et retrouva Rhett devant la porte des toilettes pour femme. « Tu comptes vraiment pas venir m’aider? Tu rêves “Rhett”! ». Lorsqu’elle prononça son prénom, elle fit le signe des guillemets avec ses doigts, pour se moquer à son tour de lui. Enfin, elle attrapa sa main et le tira à l’intérieur de la pièce. « Je suis encore assez sobre pour me rendre compte que tu veux me la mettre à l’envers! » Elle alluma le sèche-main et ne laissa pas le choix à Rhett que de l’aider, en lui mettant en main la longueur de la robe. « Bon, c’est ta technique d’approche de renverser ton verre sur une fille? » Ysis se mit à rire. En tout cas, si c’était le cas, cela fonctionnait à merveille avec elle. Elle était loin de se douter qu’en fait, Rhett n’avait sûrement aucune idée derrière la tête, contrairement à elle.
Tentant de se faire pardonner sa maladresse, Rhett finit par la conduire jusqu’aux toilettes des femmes, ne comprenant pourtant pas pourquoi elle semble si renfermée sur elle-même alors qu’elle avait semblée à même de lui lister toutes ses qualités il y a de ça quelques minutes à peine. En d’autres termes, il a bien évidemment compris qu’elle semblait intéressée par lui. Fort heureusement, il est aujourd’hui capable de résister un peu plus de deux minutes aux charmes faits par une femme ; pourtant, il se doit de déclarer forfait au bout de la troisième, c’est un fait. Il laisse Ysis nettoyer sa robe, s’arrêtant pour sa part poliment sur le pas de la porte, reposant son dos contre cette dernière pour mieux croiser les bras et regarder à l’horizon, attitude naturelle digne d’un videur. Videur rapidement dérangé dans le cheminement de ses pensées alors que la voix de la jeune femme se fait à nouveau entendre, apparemment énervée - et autant dire que ça non plus, il ne le comprend pas. « Tu comptes vraiment pas venir m’aider? Tu rêves “Rhett”! » Il hausse des sourcils curieux, autant à cause de son argumentation que du cirque qu’elle semble faire autour de son prénom. Rhett n’est pas ce qui est inscrit sur ses papiers d’identité, certes, mais puisqu’il utilise ce diminutif bien plus que son véritable prénom, c’est ce premier qui est entré dans les mœurs.
Et autant dire que l’australien n’avait pas prévu de se transformer en homme à tout faire. S’il avait su, il aurait fait bien plus attention à son verre, c’est un fait. Grand bonhomme qu’il est, il n’émet pourtant pas la moindre objection lorsqu’Ysis l’entraîne à l’intérieur, sachant pertinemment qu’aller contre l’avis d’une femme alcoolisée est toujours une mauvaise chose - vous voyez qu’il comprend certaines choses, tout de même. « Je suis encore assez sobre pour me rendre compte que tu veux me la mettre à l’envers! » - “Quoi ?” Il demande, cette fois-ci bien plus perdu que jamais. Il n’a jamais eu la moindre arrière pensée, raison pour laquelle il ne comprend pas où la jeune femme semble vouloir venir. Il garde pour lui de plus amples questions, sa voix de toute façon étouffée par le bruit assourdissant du sèche-main. Il attrape les bouts de sa robe comme il attraperait un nourrisson, c'est-à-dire avec toute l’indélicatesse du monde. S’il ne s’agit que de la lui tenir en l’air, pourtant, ce semble être une tâche à sa portée. « Bon, c’est ta technique d’approche de renverser ton verre sur une fille? » Ysis rigole, il en fait de même à son tour. Rhett a bien compris qu’il ne pourrait pas lui faire entendre raison, alors autant aller dans son sens. “Ouais, on peut dire ça.” On peut dire ça, parce qu’il n’y a pas une once de vérité là dedans mais qu’il est trop tard pour le lui expliquer par A plus B. Il a un second rire un peu plus étouffé et un sourire en demi coin. Finalement, oui, cette situation abracadabrante a de quoi l’amuser. Il n’aurait pas pu le prévoir. “Je te trouverai une nouvelle robe. Je suis pas certain que les tâches partent sur celle-ci.” qu’il tente donc, amorçant les négociations, sincèrement désolé de son geste maladroit. “Tu viens d’où ? Ton accent.” Alors, s’ils doivent rester ici à faire sécher sa robe, autant qu’il tente de contrôler un minimum la conversation plutôt que de se faire reprocher tous les malheurs du monde.
“dreamers colliding” & mars 2020 Sous l’effet de l’alcool, les réactions d’Ysis ont toujours été changeantes. Non alcoolisée, elle est déjà le genre de personne qui pourrait être définie comme émotionnellement instable. Elle passe d’une émotion à une autre sans transition, ce qui, pour le commun des mortels, reste assez déroutant. C’est à peu près ce qu’il s’était passé là, avec Rhett. Elle venait seulement de faire sa connaissance, et pourtant, il était victime des travers d’Ysis. L’espagnole avait assez mal pris le peu d’intérêt que Rhett lui renvoyait. La technique de drague d’Ysis était naze, mais d’habitude, son charme naturel suffisait à capter l’attention des hommes. Et cette fois-ci, ça n’avait pas l’air de fonctionner. Rhett restait assez distant, aussi bien dans ses gestes que dans sa manière de s’adresser à Ysis, et cela, elle l’avait bien assimilée. Pourtant, elle n’en n’avait que faire puisqu’elle le traîna tout de même dans les toilettes avec elle. « Quoi? » Ysis plissait les yeux en le regardant. Elle comprit qu’il n’avait vraiment pas du comprendre sa remarque précédente. « Laisse tomber.. » Elle souffla nerveusement. Elle n’avait pas d’une, pas envie de s’expliquer et de deux, pas la capacité de le faire non plus. Rhett était un homme pour le moins surprenant. Tout du moins, Ysis n’avait pas eu l’occasion d’avoir à faire à ce type de personne. Il avait l’air de ne réagir à rien. Il répondait toujours d’un air plus détaché que le détachement même. Allant à peu près toujours dans le sens d’Ysis, comme s' il ne voulait pas la contrarier. Du moins, c’est comme ça qu’elle le percevait, et il faut dire que ça intriguait d’autant plus la jeune femme. Lorsqu’elle lui demanda si c’était sa technique de drague habituelle, la réponse de Rhett n’en fut pas moins surprenante que depuis le début de leur conversation. Ouais, on peut dire ça. Il n’ajoutait rien de plus, mais son comportement était plus amical. Ysis ne le comprenait vraiment pas, mais finalement ça ne la dérangeait pas plus. Elle n’avait pas réellement l'intention de le comprendre. « Tu sais que t’es vraiment.. étrange? » Elle plongeait ses yeux dans ceux de Rhett, comme pour essayer de percer à jour ce qui le rendait si mystérieux. C’était ça. Pour Ysis, c’était un homme mystérieux, et ça l’attirait énormément. Rhett tenait toujours les deux petits coins de robe que lui avait délicatement donné Ysis. La robe volait sous le sèche-main, mais la tâche ne partait pas. Je te trouverai une nouvelle robe. Je suis pas certain que les tâches partent sur celle-ci. La brune haussa les épaules. Ce n’était pas si grave, c’était une robe parmi tant d’autres. Ysis s’approcha de lui. « C’est rien. J’ai un peu surréagis, je dois l’avouer. » Elle lui reprenait la robe des mains, tout aussi délicatement que quand elle lui avait donné, puis, elle déposait de l’eau sur la tâche en frottant légèrement pour tenter de dissimuler les dégâts pour la fin de la soirée à minima. Tu viens d’où ? Ton accent. Ysis se tourna de nouveau vers Rhett, elle lui lança un sourire, amusée par cette question car elle n’avait pas l’impression d’avoir un accent si prononcé. « Espagne, de Séville exactement. ». Elle essorait la robe pour retirer le surplus d’eau et se remis sous le sèche-main. « Tu sais, ce petit pays en Europe qui abrite vraiment pleins de choses très cool ! » Ysis avait toujours été persuadée que les pays non-européens avaient une très vague connaissances du reste du monde. Elle en avait d’ailleurs eu la preuve lorsqu’elle avait vécu aux Etats-Unis. Alors, elle partait du principe que tout Australien était surement tout autant inculte. Sa réflexion avait tout de même une part humoristique, elle avait aussi rencontré pleins de gens qui connaissait des régions d’Europe que même elle, ne connaissait pas.
« Laisse tomber.. » Il n’est pas doué pour ce genre de chose, comme Jenna pourrait en témoigner. Mais peu importe, sans doute ; il oublie déjà ce qu’elle vient de lui dire et passe à autre chose, n’ayant de toute façon pas compris le sens de ses mots. Elle a trop bu, voilà tout ce que Rhett continue de se dire. « Tu sais que t’es vraiment.. étrange? » La remarque lui arrache un rire franc. On dit souvent beaucoup de choses sur lui, mais un aspect étrange n’est jamais ce qui est mis en avant. Au moins, elle a le mérite de le prendre de court et le surprendre, ce qui n’est pas une habitude pour lui qui a l’impression d’avoir tout vu et tout vécu. Il capte son regard un instant, bien plus intéressé par tout ce qui ne se résume pas à tenir sa robe tel un garçon de chambre. Désolé, il promet pourtant de lui trouver une autre robe et ainsi se faire pardonner la perte de celle-ci, ce qui semble être une issue inévitable à en juger par le fait que la tâche ne semble pas décidée à s’en aller d’une quelconque façon que ce soit. « C’est rien. J’ai un peu surréagis, je dois l’avouer. » Oh ça, il ne peut pas dire le contraire, lui qui a été attiré bien plus de force que de gré dans les toilettes des femmes sans comprendre la raison de cet empressement soudain: la tâche était de toute façon déjà imbibée par le tissu et lui, il n’avait pas de pouvoir magique - toujours pas, merde. “C’est à cause du contexte.” De la fête, mais surtout de l’alcool qui coule à flots et se mêle allègrement à leur sang.
« Espagne, de Séville exactement. ». La jeune femme annonce donc pour répondre à la curiosité du brun, son attention pourtant toujours largement retenue par la tâche qu’elle n’arrive pas à faire partir. « Tu sais, ce petit pays en Europe qui abrite vraiment pleins de choses très cool ! » Il rigole volontiers de la remarque, bien qu’il ne manque que de peu de s’en retrouver blessé. Heureusement qu’elle le prend pour un australien lambda. “Je connais l’Espagne, j’y suis déjà allé.” Jamais pour visiter, certes, mais personne n’est intéressé par un tel détail, surtout pas alors que Rhett ne veut pas lui donner une raison de se moquer davantage de lui: elle ne semble pas avoir besoin d’aide pour ça. “J’ai fait quelques matchs là-bas. Je suis rugbyman.” Il précise donc pour lui offrir un schéma assez complet pour qu’elle puisse le comprendre sans trop de mal. Il était rugbyman, en réalité, mais tout le monde se fiche bien de la précision, lui le premier. “Comment tu t’es retrouvée ici, alors, ce pays pas du tout petit et pas du tout en Europe ?” Qui abrite pourtant tout autant de choses très cool.
“dreamers colliding” & mars 2020 Ysis se retrouvait dans les toilettes accompagnée d’un homme qu’elle venait de rencontrer. Étant plus jeune, il lui était arrivée de se retrouver avec des hommes dans les toilettes, mais ce n’était pas comme là, à laver une robe tachée. Bon, ce n’était pas non plus une habitude récurrente de se retrouver à flirter (ou plus) dans ce genre d’endroit. Rhett était un homme qui intriguait Ysis. Elle le trouvait oui, étrange et mystérieux et elle lui fit remarquer, ce qui eut l'air de l’étonner. Rhett se mettait même à rire, ce qui entraîna Ysis à en faire de même. Bien qu’elle usait de concentration à nettoyer et sécher sa robe, cette conversation n’en n’était pas moins déplaisante. Vu de l’extérieur, cette scène paraitrait certes rocambolesque, mais très à l’image d’Ysis. Rhett se tenait aux côtés d’Ysis et il n’avait plus l’intention de l’aider à s’affairer autour de sa robe, elle l’avait bien compris. La jeune femme ne tentait plus de faire partir la tâche mais juste de sécher l’eau, si elle pouvait terminer la soirée sèche, c’était un plus. Elle secouait légèrement sa robe en même temps qu’elle la passait sous le sèche-main. C’est à cause du contexte. disait-il. Ysis acquiesait avec un sourire. Elle lui accordait le fait que l’alcool n’arrangeait pas, autant pour elle que pour toutes les personnes présentes dans cette boîte de nuit. « Je suis peut-être la plus alcoolisée de nous deux, mais c’est pas moi la plus maladroite en tout cas! » lança-t-elle amusée. Elle n’avait plus de rancœur envers lui, se doutant qu’il aurait préféré que la totalité de son verre ne parte pas en fumée de la sorte.
Je connais l’Espagne, j’y suis déjà allé. Ysis se retourna rapidement vers lui, elle affichait un air surprise et heureuse de voir qu’un Australien était capable de situer son pays d’origine. J’ai fait quelques matchs là-bas. Je suis rugbyman. Elle fronça les sourcils. Elle n’aurait pas parié sur le fait qu’il était sportif. Ysis avait une image des rugbyman comme des hommes vraiment amochés: sans dent et avec des nez en patate, tellement ils ont été cassés. « Tiens, j’aurais pas parié la dessus! » dit-elle. Elle lâchait enfin sa robe qui était presque sèche. Le sèche-main s'éteignait enfin, ce qui était agréable au vu du bruit important de cet appareil. Comment tu t’es retrouvée ici, alors, ce pays pas du tout petit et pas du tout en Europe ? Ysis jeta un œil à ses cheveux dans le miroir qui trônait au- dessus des éviers, elle remit en place un peu sa coiffure, bien qu’elle n’avait pas grand chose à reprendre. Elle se tourna à nouveau vers Rhett, s’adossant contre l’évier. « C’est une longue histoire, je te fais cadeau des détails. J’étais danseuse professionnelle, et puis la vie à fait que je ne le suis plus. Alors bon, j’ai voyagé et j’me suis retrouvée là. J’ai une cousine qui est ici depuis quelques années, c’est peut-être pour ça aussi que j’ai atterri par là. » Ysis avait pris une voix plus sérieuse pour raconter dans les grandes lignes, ce qui l’avait amené à Brisbane. Elle n’avait pas envie de s’étendre sur le sujet plus longtemps. «Mais bon, on est vraiment là pour se raconter nos vies dans des toilettes? J’ai du rentrer avec des inconnus dans cette soirée, c’est pas pour rester ici à papoter! Elle s’approchait du rugbyman, comme pour rentrer à nouveau dans une sorte de flirt. Elle se tenait vraiment proche de lui, face à lui, bien qu’elle était largement plus petite. Elle devait lever la tête pour le regarder dans les yeux. Elle resta là, plantée, quelques secondes. Elle était tellement proche de lui qu’elle sentait son souffle se déposer sur elle. « Tu me suis ? » En quelques secondes, elle attrapa sa main pour le tirer à l’extérieur des toilettes pour femme. Elle traversait la boite, bondée, pour se retrouver à l’extérieur, dans le fumoir. Elle fouilla alors sa petite pochette brillante pour en sortir un paquet de cigarette. Elle le présentait à Rhett, la politesse avant tout, même si elle s’attendait à ce qu’un sportif lui réponde par la négative.
« Je suis peut-être la plus alcoolisée de nous deux, mais c’est pas moi la plus maladroite en tout cas! » “Je suis le cliché du sportif maladroit, je dois l’avouer.”
Il est le sportif qui ne sait plus rien faire en dehors du terrain ; le problème c’est qu’il ne s’est pas rendu sur l’un d’eux pour y jouer depuis des années. Quelle ironie. Une fois sa langue déliée, l’australien ne sait plus y faire et lorsqu’il s’agit de lui dire qu’il connaît l’Espagne, il ne peut pas s’empêcher d’ajouter qu’il en connaît surtout ses stades, pour déjà y avoir joué. Rhett ne sait pas faire autre chose que rappeler son passif de sportif au premier venu, c’est plus fort que lui. « Tiens, j’aurais pas parié la dessus! » Et lorsque la personne face à lui réagit de la sorte (ce qui est rare, Dieu soit loué), il ne peut s’empêcher d’être blessé dans son ego: elle dit ça parce que la lumière est mal réglée et qu’elle ne met pas en avant sa stature de sportif, ce n’est sûrement que ça. Il a quelques dizaines de kilos de moins que certains de ses anciens partenaires de terrain, c’est un fait, mais c’est aussi ce qui lui permet (a permis) d’être un numéro neuf aussi talentueux. Et finalement, le sèche-cheveux s’éteint et le ramène à la réalité, lui permettant de se raisonner et de ne pas trop prendre à coeur les paroles de la jeune inconnue.
Au contraire, l’interroger à son tour sur la raison de sa venue sur cette immense île semble bien plus raisonnable, surtout alors que la question l’intéresse sincèrement. Patient, il l’observe redonner forme à sa coiffure avant d’obtenir sa réponse. « C’est une longue histoire, je te fais cadeau des détails. J’étais danseuse professionnelle, et puis la vie à fait que je ne le suis plus. Alors bon, j’ai voyagé et j’me suis retrouvée là. J’ai une cousine qui est ici depuis quelques années, c’est peut-être pour ça aussi que j’ai atterri par là. » Le résumé des événements l’étonne. Les informations s'enchaînent sans nécessairement faire de sens entre elles, comme si elle voulait absolument tout lui raconter sans en prendre le temps pour autant. Rhett ne risque pas de s’envoler et quand bien même, lui et sa patte folle ne forment pas un duo bien talentueux. “T’es là par dépit ou par envie ?” Son discours ne laisse pas entrevoir une réponse claire et Rhett est curieux, alors il cherche la vérité en la provoquant, ne voyant pas de raison à ce qu’elle ne lui réponde pas avec sincérité. Il n’est pas contre elle et cherche encore moins à la piéger. Preuve en est, ce ne sont pas les raisons de son arrêt de la danse qu’il lui demande, ayant plutôt rapidement compris qu’il n’y a rien qu’elle veuille partager à ce propos. Personne n’arrête de pratiquer le sport qui le passionne simplement parce qu’il veut voyager, ou atterrir à quelques dizaines de milliers de kilomètres de chez lui. «Mais bon, on est vraiment là pour se raconter nos vies dans des toilettes? J’ai du rentrer avec des inconnus dans cette soirée, c’est pas pour rester ici à papoter! » Le sportif esquisse un rire amusé, n’ayant jamais cru qu’elle n’était pas arrivée à la soirée parce qu’elle était autre chose que personnellement invitée. “T’as qu’à dire que t’es mon invitée, si jamais on te pose la question.” Ce n’est pas ce qu’elle voulait dire, c’est encore moins ce qu’elle sous-entendait, mais Rhett pense sincèrement que tout ce à quoi elle pense en cet instant se résume à la possibilité de se faire jeter dehors par la sécurité.
Sans doute qu’il comprend un peu mieux le sous-entendu de ses propos lorsqu’elle se rapproche de lui, accrochant ses yeux au clair des siens sans qu’il ne bouge un seul instant de sa position. « Tu me suis ? » Sans avoir son mot à dire et après s’être habitué à sentir le souffle de l’inconnue contre son t-shirt, il se laisse finalement guider à travers la salle. Ses doigts n’agrippent pas les siens et il ne se défait pas de son emprise simplement pour ne pas prendre le risque de la perdre au milieu de la foule: peu importe à quel jeu elle joue, il n’en fait pas réellement partie. Physiquement, oui, peut-être, mais pas mentalement. “Je fume pas.” qu’il ne ment finalement qu’à moitié, n’ayant pas le temps pour tous les détails: il ne fume pas lorsqu’il est entouré d’inconnus, il ne fume pas lorsqu’on peut le prendre en photos (comme s’il intéressait encore les magazines). Il ne fume que lorsqu’il est seul et qu’il peut encore jouer à l’adolescent qui aère la pièce et cache toute preuve de sa faiblesse, de façon à ce que personne ne l’apprenne jamais. “Tu m’as l’air jeune. Qu’est-ce que tu fais maintenant, à l’autre bout du monde, sans la danse ?” A-t-elle trouvé de quoi rebondir ? Fait-elle quelque chose qui lui plaît moindrement ? Rhett en aurait des milliers, de questions dans le genre, le tout se rapprochant sans doute bien plus qu’un interrogatoire que d’une quelconque méthode de drague.
“dreamers colliding” & mars 2020 Je suis le cliché du sportif maladroit, je dois l’avouer. Ysis rigole. Elle ne peut pas le nier, il est maladroit. Ce qui n’est pas le cas de l’espagnole, sûrement une aptitude qu’elle a développé à travers la danse. Exécuter des pas précis nécessite la capacité d’être un minimum adroit de son corps, et cela, Ysis l’avait parfaitement acquis. Rhett apparaît touché qu’Ysis ne lui attribue pas une apparence sportive. La jeune femme lui esquisse un sourire se disant qu’elle non plus ne doit plus vraiment avoir une apparence de sportive. Elle comprends sa réaction, mais ne rebondit pas dessus car il fait abstraction de la remarque de la jeune femme. T’es là par dépit ou par envie ? lui demande-t-il. Elle souffle et secoue la tête. Sa réponse est entre les deux. Si elle n’avait pas arrêté la danse, elle ne serait sûrement jamais arrivée ici. Mais, elle a tout de même choisi de partir de Los Angeles car elle ne supportait plus d’y être. « Hm, surement un peu des deux à la base. Mais, j’aime bien ici, c’est cool, je m’y plais plutôt pas mal. » La jeune femme souriait. Sa réponse ne pouvait être plus honnête que cela. T’as qu’à dire que t’es mon invitée, si jamais on te pose la question. Ysis fit un signe avec sa main comme un “ok” pour valider la proposition de Rhett. Bon, elle était presque sur que personne ne lui demanderait avec exactitude la personne avec qui elle avait pu entrer ici. Et si c’était arrivé, elle aurait probablement su retomber sur ses pattes avec excellence, prétextant que cette personne avait fini par lui poser un lapin par exemple. S'il y avait bien un animal qui pouvait être comparé à Ysis, ce sont les chats. Ces animaux ont une capacité à changer d’émotions d’une seconde à l’autre, délicat et indépendant, ce qui est un très beau reflet du caractère d’Ysis. Évidemment, cette description omet le côté caractère de cochon de la jeune femme, qui, lorsqu’elle est énervée voit rouge et uniquement rouge. Ysis s’était extirpée des toilettes et de la salle principale de la boîte de nuit pour s’installer à l’extérieur, traînant avec elle, sa nouvelle rencontre masculine. Je fume pas. lui dit-il lorsqu’elle lui proposa une cigarette. Elle leva les yeux au ciel. « T’es bien trop sage, comment ça s’fait ? » Oui, elle se permet de mettre un doute sur le refus de Rhett. Comme si les gens n’avaient pas le droit de simplement ne pas fumer. « T’inquiète, moi aussi j’ai été sportive. Le rugby ne t'empêche pas de t’amuser.. un petit écart par ci par là, c’est rien! » relance-t-elle, fière comme un coq de tenter de pervertir celui qui se présente comme un rugbyman. Elle porte à ses lèvres une cigarette et l’allume. Elle savoure la première bouffée. Ysis n’a pas pour habitude de fumer. Il lui arrive de temps à autre, de vouloir en griller une et particulièrement en soirée, avec un peu d’alcool dans le sang. Elle s'est toujours promis de ne pas fumer comme un pompier. Elle a bien trop eu à faire à ces gens qui crachent leurs poumons lorsqu'ils toussent, qui respirent comme des boeufs lorsqu'ils dorment...Tu m’as l’air jeune. Qu’est-ce que tu fais maintenant, à l’autre bout du monde, sans la danse ? Jeune, oui, tout dépend de quel point de vue on se place. Ysis rigole à cette remarque. Elle se fait d’ailleurs la remarque que cette rencontre est plutôt intéressante et que cet homme n’est pas dans le type d’homme qu’elle a l’habitude de rencontrer ou de côtoyer. « J’ai un magasin » dit-elle simplement. Elle se sent à l’aise avec Rhett. Elle sent un feeling qui, finalement, ne relève plus vraiment d’une envie de flirter avec lui. Ysis apprécie les personnes avec qui elle peut avoir des discussions censées, les personnes qui ont de l’intérêt pour les autres. Elle se dit qu’elle serait loin de s’ennuyer comme un rat mort avec lui. « Je vends des maillots de bain. J’essaye de trouver des marques qui plaisent à tous ces singes dressés par les influenceurs, un peu éco-friendly, vegan etc.. » dit-elle en tirant à nouveau sur sa cigarette. Elle souriait toujours. Elle ne pensait pas réellement ce qu’elle disait sur les influenceurs, c’était plus une façon détournée de se moquer d'elle-même. En réalité, elle essayait également de passer par les réseaux sociaux pour promouvoir sa boutique. « Et toi Rhett le rugbyman, tu joues où? » lança-t-elle pour se débarrasser de la conversation qui était centré sur elle. En lui demandant ça, elle ne se doutait aucunement qu’il pourrait se retrouver dans une situation inconfortable.
« T’es bien trop sage, comment ça s’fait ? » Rares sont les personnes capables de pouvoir tenir de tels mots à Rhett Hartfield alors que, justement, il n’a rien d’une personne sage, sensée, posée. Habilement ou presque, le brun tente de cacher son amusement derrière un simple sourire, pour ne pas avoir à en dire de trop à une jeune femme qui n’est à ses yeux qu’une rencontre d’une soirée et rien de plus. Et il est amusé, Rhett, ô combien amusé par cette simple phrase qui ne paie pourtant pas de mine mais le laisse avec un sourire aux lèvres, ses dents cachées uniquement par les fumées de cigarette. “Fume, je compte pas rester là toute ma vie.” Tout sourire, il lui demande donc de se presser plutôt que de tenter de lui faire prendre part à un interrogatoire pour lequel il n’a aucun intérêt à répondre. « T’inquiète, moi aussi j’ai été sportive. Le rugby ne t'empêche pas de t’amuser.. un petit écart par ci par là, c’est rien! » T’inquiète, quelle ironie. Hideux petit rictus qu’il esquisse donc désormais, l’australien qui ne peut que noter l’ironie de cette réponse pourtant simple et bienveillante: elle veut lui dire qu’il peut se laisser aller un minimum et que sa vie n’a pas à être conditionnée par le sport ; et pourtant il refuse de l’entendre. A l’aise uniquement sur le terrain, il refuse toujours de croire qu’il n’a plus aucune chance d’y retourner en tant que joueur et pas simple coach, raison pour laquelle il continue d’entretenir son corps et ses poumons autant que possible - sauf quand plus personne ne pose d’yeux sur lui, mais c’est un autre problème et une autre discussion. Rien qui ne nécessite de s’étaler en cet instant, en somme. “Mais t’es plus sportive, tu l’as dit toi-même.” Tout bas, il annonce donc, tentant de minimiser l’aspect tranchant de ses paroles avec un regard en biais en sa direction: il ne veut pas la blesser mais il lui semble nécessaire de souligner le fait qu’ils ne sont pas les mêmes.
Fier de sa tentative (plutôt maladroite) pour changer de sujet de discussion, il l’écoute avec attention lui expliquer la façon dont elle occupe ses journées aujourd’hui, sans doute avec un maigre espoir d’y trouver des paroles rassurantes et qui pourraient à son tour l’aider à trouver sa voie après les championnats - il serait temps, comme dirait ce fichu Ruben. « J’ai un magasin. Je vends des maillots de bain. J’essaye de trouver des marques qui plaisent à tous ces singes dressés par les influenceurs, un peu éco-friendly, vegan etc.. » Il était fier de sa question, ça oui, mais maintenant que la réponse vient à lui, il ne l’est plus autant: la réponse, ayant au moins le mérite d’être honnête, est aussi et surtout une véritable douche froide pour le sportif qui s’imagine mal accepter de poser pieds sur terre à nouveau. Et aucun des mots d’Ysis n’arrive à l’aider à accepter cet aspect pourtant nécessaire de son avenir ; parce qu’il faut bien avouer qu’elle ne lui vend pas réellement du rêve, avec son magasin de maillots de bain. Les clients d’une telle enseigne n’en ont rien à faire qu’elle ait été danseuse ou non, tant que leurs formes sont mises en valeur. De tout ce qui lui vient à l’esprit, Rhett se dit qu’il pourrait peut-être choisir une voie semblable à celle de Chad et au rêve qu’il a de fonder son centre de sport: ça, au moins, c’est un domaine qu’il connaît bien. « Et toi Rhett le rugbyman, tu joues où? » Rhett le rugbyman et le grand garçon, il esquisse surtout un rire gêné et se demande pourquoi il n’a pas accepté cette fichue cigarette, finalement. “J’entraîne l’University of Queensland, les temps changent.” Hanté par son désir d’évolution, il tente pourtant de ne pas mentir à la jeune femme et simplement se contenter d’omettre les détails les plus importantes de son histoire personnelle. Ébruiter son ressenti sur sa vie ne l’aiderait pas à la modifier, alors il réserve encore ce genre de paroles à Hassan, n’ayant une entière confiance qu’en son ami de toujours ; même son ombre le terrifie parfois. “Ça te plait, ton magasin ?” Tente-t-il alors de demander, s’intéressant réellement à la réponse qu’elle pourrait apporter à une question aussi enfantine et naïve de sa part. “T’as pas arrêté par envie, pas vrai ?” Toi non plus, hein ?
“dreamers colliding” & mars 2020 « Fume, je compte pas rester là toute ma vie » Ysis fronce les sourcils en regardant Rhett, elle porte la cigarette à ses lèvres une nouvelle fois en tirant longuement dessus. Provocation pure, comptant lui faire comprendre que personne ne lui dit quoi faire et surtout pas un mec rencontré dix minutes plus tôt, d’autant plus qu’il évite volontairement de répondre à ses questions. « Mais t’es plus sportive, tu l’as dit toi-même. » surenchérit-il. Ysis le regarde, les yeux écarquillés, elle n’en revient pas de ce qu’il ose dire là. Elle lui souffle quasiment toute sa fumée au visage. « Alors déjà, j’te permet pas. » dit-elle sèchement en secouant son doigt pour dire non. « C’est pas parce que je t’ai, sympathiquement, résumé ma vie que tu peux t'permettre ce genre de réflexion. » ajoutait-elle en continuant de secouer son doigt nerveusement. Blessée, elle se rend compte que rarement on lui a dit ce genre de chose. Ce que Rhett lui avait signifié était pourtant la stricte vérité. Et on sait que toute vérité n’est pas bonne à dire. Elle se tourne un peu, histoire de ne plus être complètement face à lui pour montrer son mécontentement. Technique qui ne fonctionne pas spécialement, mais c’est une tentative pour faire passer ses nerfs ailleurs que sur lui. « J’entraîne l’University of Queensland, les temps changent » Intriguée par la tonalité de sa voix, elle se remet face à lui aussitôt. Serait-il gêné d’évoquer à son tour sa vie? C’est ce qu’Ysis déduit lorsqu’il détourne le sujet sur elle de nouveau. « Ça te plait, ton magasin ? » Elle tire de nouveau sur sa cigarette. « T’as pas arrêté par envie, pas vrai ? » Qu'elle drôle de question. Quel sportif arrête de manière définitive et volontaire sa passion ? Ysis n’avait jamais entendu une telle absurdité. Elle esquissa un sourire, presque moqueur, en réponse instantanée à Rhett. « Si t’es entraineur, t’es plus vraiment rugbyman. » dit-elle de façon piquante en passant la main qui ne tenait pas sa cigarette dans ses cheveux pour les remettre en arrière. Oeil pour oeil, dent pour dent. « Oui ça me plait. Il faut rebondir. » elle secouait la tête de manière abusive pour montrer son enthousiasme à ce propos à Rhett. Est-ce que c’était une réelle bonne décision d'avoir ouvert un magasin, ça elle n’en savait rien. Ce dont elle était consciente, c’est que ça l’avait très certainement sauvé de tomber dans elle ne savait quelle addiction à l’époque. Elle arrivait à se revoir dans cette salle de rééducation à Los Angeles, la douleur à genou n’avait jamais été aussi présente pendant ces temps là. « Est-ce que tu penses réellement que ça puisse être une envie d’arrêter ce qui nous passionne ? » dit-elle en allant vers le cendrier à quelques pas d’eux. Elle tirait alors la dernière latte de sa cigarette. « Tu m’as l’air d’être calé sur le sujet » lança-t-elle, plus détendue que quelques minutes avant. Puis elle revint vers lui après avoir jeté sa cigarette. Ce qu’elle voulait exprimer à Rhett, c’est qu’elle avait bien compris son petit jeu. Elle n’était pas stupide, bien qu’elle soit alcoolisée. Un sportif n’aurait jamais dit qu’il était entraîneur si il était toujours sur le terrain. Elle en connaissait un rayon la dessus, elle qui avait fuit l'enseignement quelques années auparavant.
« Mais t’es plus sportive, tu l’as dit toi-même. » « Alors déjà, j’te permet pas. »
L’australien esquisse un rire, sûrement parce qu’il n’en a pas grand chose à faire que de savoir ce qu’elle peut bien lui permettre ou non de faire. Ce n’est pas comme s’il l’avait contraint à quelque chose d’horrible, précisons-le bien. Pour autant, c’est l’audace de la jeune femme qui le fait sourire, là où beaucoup, et peu importe leur genre, se seraient terré dans leur silence de plomb. « C’est pas parce que je t’ai, sympathiquement, résumé ma vie que tu peux t'permettre ce genre de réflexion. » Ysis est piquée au vif, c’est un fait, mais il en faudrait plus à Rhett pour ranger son sourire éternellement amusé. Il ne lui veut pas de mal, bien au contraire, mais il trouve qu’elle réagit bien trop instinctivement pour que ce soit nullement raisonnable. Il a appuyé sur le point qui faisait mal sans même le vouloir ; à partir de maintenant, il sait au moins de quel sujet il doit bien se garder de parler. “Est-ce que j’ai tort ?” Il veut le bien d’autrui, certes, mais il est aussi bien borné et a tendance à vouloir marquer son point peu importe le contexte - réflexe de sportif qui ne semble pas vouloir s’en débarrasser.
Au moins, il fait finalement l’effort de changer de sujet de discussion dans l’optique de ne pas la blesser davantage et surtout plus que de raison: personne ne mérite de souffrir pour un passé de toute façon révolu. « Si t’es entraîneur, t’es plus vraiment rugbyman. » Elle a la rancœur tenace et les paroles acerbes ; c’est sans doute quelque chose qu’il apprécie plutôt que tout autre chose. Elle lui rappelle Jenna, dans un sens, et à son niveau: le problème, c’est qu’elle ne sera jamais Jenna. “Touché.” Il esquisse alors un sourire à son tour, piqué dans son ego mais pas au point d’avoir l’instinct de le montrer. Ce sont des paroles qu’il peut supporter, surtout parce qu’il a pris pour habitude de les entendre. « Oui ça me plait. Il faut rebondir. » Ysis lui répond finalement au sujet de son magasin ; il hoche la tête. Peu importe. Lui ne veut pas rebondir. Il veut sa vie d’avant ou rien du tout.
« Est-ce que tu penses réellement que ça puisse être une envie d’arrêter ce qui nous passionne ? » Oh, non. Elle va vers là et lui, il n’a pas la moindre force de l’arrêter pour ne serait-ce tenter de changer de sujet. « Tu m’as l’air d’être calé sur le sujet. » Du coin de l'œil, il l’observe jeter sa cigarette sans pour autant bouger d’un iota. Déjà, il pense à ce qu’il va lui dire, après avoir esquissé un sourire qui n’avait rien d’amusé et tout de profondément faux. “Je pense, oui.” Rhett sait très bien qu’elle ne se contentera pas de cette simple réponse, raison pour laquelle il s’accorde quelques secondes de répit avant de recommencer. “Je regrette pas grand chose dans ma vie, mais à un moment j’ai choisi ma carrière plutôt que mon couple. Et c’est la pire erreur que j’ai pu faire. Je pense pas qu’on arrête de vivre de notre passion par envie, je pense par contre qu’on peut l’arrêter par raison. C’est pas un truc que j’ai su faire, et si je pouvais remonter le temps alors je réglerais ce problème. Ça aurait peut-être pu sauver ta robe, d’ailleurs, alors tu devrais m’aider à construire cette fichue machine.” Il esquisse un sourire bas, fatigué. “J’me dis que de toute façon notre carrière doit s’arrêter un jour ou l’autre puisqu’on en demande trop à notre corps. Autant le faire le plus tôt possible, profiter de l’effervescence des débuts et de l’ascension rapide pour ensuite se concentrer sur ceux qu’on aime. C’est cliché, je le dis pour que tu me le dises pas avec ton air condescendant, mais de me dire que je pourrais être avec la femme que j’aime plutôt qu’à une foutue soirée VIP, ça me fait comprendre que j’ai pas fait le meilleur choix et loin de là.” Parce que Jenna, il sait qu’il ne la retrouvera jamais. Et sa carrière non plus, par ailleurs. “Ose me dire que tu regrettes rien du tout.” Peut-être qu’elle lui donnera tort, et dans ce cas là il serait sincèrement heureux pour elle.
“dreamers colliding” & mars 2020 Adossée contre le mur extérieur du fumoir de la boite de nuit, Ysis faisait face à Rhett. Cet entraîneur de rugby qui se prétendait sportif émérite avait su trouver la faille de l’espagnole. « Est-ce que j’ai tort ? » Elle ne se démontait pas vraiment face à lui, mais elle lui montrait bien par son attitude qu’elle était légèrement agacée. Elle souffla longuement avant de lui répondre. Était-ce même la peine de lui répondre, s’était-elle demandée. Elle ne voulait pas lui laisser le dernier mot mais elle n’avait pas de réponse qui aurait pu lui clouer le bec. « Ce n’est pas faux. » lâcha-t-elle sèchement. Finalement la seule chose qui avait l’air de le déstabiliser était de lui renvoyer sa propre condition de pseudo-sportif. « Touché. » Il n’avait pas l’air à l’aise mais comme Ysis, il était loin de se laisser démonter par une inconnue. On sentait qu’il avait déjà entendu ce genre de réflexion de la part d’autrui, et qu’il avait appris à s’en défendre.
« Je pense oui. » Ysis hoche la tête, elle croise les bras pour l’écouter attentivement. « Je regrette pas grand chose dans ma vie, mais à un moment j’ai choisi ma carrière plutôt que mon couple. Et c’est la pire erreur que j’ai pu faire. Je pense pas qu’on arrête de vivre de notre passion par envie, je pense par contre qu’on peut l’arrêter par raison. C’est pas un truc que j’ai su faire, et si je pouvais remonter le temps alors je réglerais ce problème. Ça aurait peut-être pu sauver ta robe, d’ailleurs, alors tu devrais m’aider à construire cette fichue machine. » Il sourit, histoire de, elle le sent bien, mais continue d’écouter sa tirade. « J’me dis que de toute façon notre carrière doit s’arrêter un jour ou l’autre puisqu’on en demande trop à notre corps. Autant le faire le plus tôt possible, profiter de l’effervescence des débuts et de l’ascension rapide pour ensuite se concentrer sur ceux qu’on aime. C’est cliché, je le dis pour que tu me le dises pas avec ton air condescendant, mais de me dire que je pourrais être avec la femme que j’aime plutôt qu’à une foutue soirée VIP, ça me fait comprendre que j’ai pas fait le meilleur choix et loin de là. » Elle esquisse un sourire et lève les yeux au ciel. Ysis, un air condescendant? Elle s’amusait intérieurement, s' il savait. Elle avait tendance à adopter cet air hautain lorsqu’elle se sentait en insécurité et c’est ce qui était en train de se passer. Non pas qu’il l’impressionnait, mais il avait totalement raison et c’était prenant d’entre des mots vrais sur ce qu’on ressent. Par dessus tout, elle l’avait senti assez authentique, ce qu’il n’était pas le cas depuis leur rencontre. « Ose me dire que tu regrettes rien du tout » Ysis se mordait l’intérieur de la joue, elle ne savait pas trop quoi répondre à tout cela, elle était déboussolée. Elle se dit qu’un verre de plus n’aurait pas été de refus, peut-être qu’elle aurait pu éviter cette conversation. Elle l’aurait sûrement beaucoup plus tenté d’allumer Rhett et la soirée n’aurait pas pris une tournure révélation. « J’me suis toujours dit que les mecs qui courent derrière une balle étaient pas les plus intelligents. » Véridique. Elle l’avait toujours pensé, mais elle n’avait jamais eu l’occasion de pouvoir vérifier cela. « J’sais pas si je me suis trompée ou non du coup mais ce qui est sûr, c’est que j’aurais fais pareil que toi. » Elle avait choisi de quitter sa famille, après le décès successif de sa soeur et son père pour la danse, alors pouvait-elle vraiment faire la morale à un homme qui choisit sa passion à son amour? Pas vraiment. « Donc j’ai compris, après m’avoir foutu ma robe en l’air, tu veux me tirer les vers du nez! » dit-elle sur un ton plus léger pour détendre un peu l’atmosphère. Elle prit du temps pour réfléchir à son plus grand regret, même si elle savait très bien ce qu’elle allait lui dire. Elle fouilla dans son sac, à la recherche d’une seconde cigarette. Un peu de courage dans la nicotine n’était pas de refus. « Des regrets, j’en ai ouais. J’ai perdu des personnes de ma famille, ma sœur et mon père. Et au lieu de retourner auprès de ma mère et mon autre sœur, une fois j’suis restée là où j’étais, c’est à dire à des kilomètres d’elles. Et la seconde fois, j’me suis barrée pour pas avoir à affronter ça. J’ai choisi ma passion à ma famille. Enfin, c’est ce que j’pensais fut-un temps. Est-ce que ça fait de moi une meilleure danseuse, j’en sais rien. Par contre, ça fait surement de moi une… lâche. Je sais que ma mère m’en voudra jamais, mais moi, j’m’en veux suffisamment et ça compense. J’suis pas retournée en Espagne depuis… des années. Parce que c’est plus simple de fuir que d’affronter la souffrance des gens qu’on aime. Et pour couronner le tout, ni Cat, ni ma mère ne sont au courant que je danse plus. » Cat, sa petite sœur, qu’elle avait abandonnée à Séville, la laissant pleurer sa jumelle, seule. Ysis alluma sa cigarette et tira longuement dessus. Après le monologue qu’elle venait de déballer à Rhett, elle se sentait plus légère. Force est de constater que parler lui faisait relativement du bien, Ysis se dit qu’elle devrait peut-être penser à se livrer plus. « Y’a t-il encore une chose que je ne t’ai pas dite à mon sujet? » dit-elle plus enjouée que le ton précédent qu’elle avait employé. Une chose était certaine, si au début de la soirée, on lui avait dit qu’elle se confierait à un inconnu, elle aurait ri au nez de son interlocuteur.
Les moments où Rhett se confie sont bien rares. Même avec ses proches, les personnes qu’il chérit et connaît depuis plusieurs années, il ne sait pas y faire. C’est sans doute l’idée de ne plus revoir la jeune femme de sa vie qui le pousse à parler, avec bien sûr le fait qu’il ait l’impression qu’elle puisse le comprendre mieux que bien d’autres. Hassan est son meilleur ami, il est et restera la personne sur laquelle il peut compter, mais Hassan ne sait pas ce que c’est que de toucher le sommet et d’en tomber lourdement la seconde suivante. Peu importe si la seconde en question a duré plusieurs années. Il a chuté, et c’est tout ce que ses blessures lui rappellent - ses blessures au sens propre. « J’me suis toujours dit que les mecs qui courent derrière une balle n'étaient pas les plus intelligents. » Il sourit sans amertume, plus qu’habitué à ce genre de remarque. N’ayant jamais été attentif à l’école, ni même à l’université, il ne se sent pas très bien placé pour défendre sa carcasse. « J’sais pas si je me suis trompée ou non du coup mais ce qui est sûr, c’est que j’aurais fais pareil que toi. » Ce qui, à ses yeux, n’a rien de rassurant. Cela signifie seulement qu’elle aurait fait les mêmes erreurs, et Rhett n’est pas un homme mauvais: il ne le souhaiterait à personne, pas même à ses ennemis, bien que ces derniers soient rares. « Donc j’ai compris, après m’avoir foutu ma robe en l’air, tu veux me tirer les vers du nez! » Le ton de la jeune femme est léger, assez pour que le brun puisse répondre par un rire sincère, et presque pas brisé. “Tu peux encore t’enfuir, promis.” Il met l’emphase sur le fait qu’il ne la force à rien, soudainement inquiet à l’idée qu’elle se sente mal à l’aise à l’idée de parler de sa vie. S’il est sincèrement curieux sur le sujet, lui gâcher la soirée et raviver de mauvais souvenirs rapidement enterrés consiste bien en la dernière de ses envies.
La deuxième cigarette qu’elle allume fait un peu plus encore trembler les certitudes de l’australien et son raisonnement l’empêchant de fumer en public. Son image, encore et toujours, sa précieuse image. Même alors que plus aucune caméra n’est tournée vers lui, il ne voit que ça, véritablement obsédé à l’idée de ne pas paraître sous son meilleur jour. Et même lorsque la jeune femme face à lui partage une histoire digne d’une mélodie triste, il ne faiblit pas, se contentant se déglutir à un rythme plus régulier seulement. Touché, il l’est bien sûr, mais il n’est pas capable de compatir au point de se mettre à sa place. Simplement, comme n’importe qui d’autre, il ne peut qu’être désolé pour ce concours de circonstances alors qu’il voit en elle une véritable jeune femme bienveillante et digne de vivre une vie heureuse. Parce que fuir est toujours plus simple que d’affronter le regard triste de ses proches pour lui aussi, Rhett ne trouve rien à lui reprocher. A son tour, il aurait agit de la même manière, sans que ce ne soit en rien une consolation. Ils sont simplement dans le même bateau, quand bien même ce dernier s’appelle sûrement le Titanic. “Ils seront toujours présents pour toi.” Il reprend avec un mince sourire, voulant persuader Ysis autant que lui-même: si ses proches à elle peuvent lui pardonner, les siens en feront tout autant. “La famille reste la famille, peu importe ce qu’il se passe.” Ruben restera toujours son petit frère et il cherchera toujours son bien, peu importe à quel point il le montre d’une façon maladroite et ne semble pas très doué dans ce rôle - au moins ça, c’est un fait. Qui plus est, il ne sait pas quoi ajouter de plus, n’ayant aucune idée de comment lui donner des conseils propres à son histoire alors il préfère encore se contenter de vérités générales, parce que cela lui permet au moins de ne pas faire de faux pas. Et Dieu sait qu’il en a l’habitude. « Y’a t-il encore une chose que je ne t’ai pas dite à mon sujet? » Il sourit à son tour. “Non, et j’imagine que ça veut dire qu’il est temps d’arrêter de jouer aux confessions et de profiter de la soirée.” Et pour autant, il n’a pas envie de laisser s’éloigner de trop la seule personne en ce monde par qui il pense pouvoir être réellement compris, et inversement. S’il le faut, il est déjà prêt à ruiner d’autres de ses robes pour trouver des excuses.