Il hésite sur le pas de la porte. Il est venu jusqu’ici. Il devrait être sûr que c’est le bon choix, qu’il ne le regrettera pas. La petite s’agite dans ses bras et il la serre un peu plus contre lui. Presque deux mois que Zoya l’a laissé dans ses bras. Presque deux mois que sa vie a changé du jour au lendemain, sans possibilité de retour en arrière. Il l’a détesté pendant des jours et des nuits, ressassant encore et encore ce moment où elle est partie sans un regard en arrière. Mais Zoya est revenue avec ses regrets et ses larmes, avec la volonté de retrouver sa fille et s’il a été incapable de lui pardonner, il n’arrive plus à se convaincre qu’elle est une mauvaise mère, qu’elle ne mérite pas de retrouver la petite. Pas quand Birdie, son amie, l’a embusqué pour venir lui faire comprendre qu’il était temps de rendre l’enfant. Pas quand sa propre sœur lui a fait comprendre que Chloe avait besoin de sa mère, qu’il ne pouvait pas être égoïste, plus maintenant.

Alors il est devant sa porte, des semaines trop tard et pourtant il hésite encore, la petite dans ses bras, le sac sur son épaule, terrifié à l’idée que ce soit le mauvais choix, terrifié aussi de ce qu’il se passera quand il lui rendra.  Il n’est pas prêt à être père, ne sait même pas s’il le sera un jour mais il ne pourra pas reprendre les aveux prononcés dans le parc Oates.  Car les mots ont sonné vrai à ses propres oreilles, il est incapable de laisser l’enfant derrière lui, incapable de disparaître et de prétendre qu’elle n’est pas entrée dans sa vie. Et aujourd’hui, il a la terrible impression que ce qu’il est en train de faire, une part de lui terrifiée malgré tout à l’idée qu’un jour Chloe soit de nouveau laissée en arrière. Malgré sa fierté, malgré ses préjugés, malgré sa colère et sa peur, il sonne à la porte après une profonde respiration.

Lorsque Zoya ouvre la porte, son regard rencontre le sien. Il hésite un instant et sait déjà qu’elle ne voit que l’enfant dans ses bras. « On peut entrer ? » On, lui et la petite. Il refuse toujours de la lâcher, s’accrochant à l’enfant comme s’il avait peur de la perdre. Comme si dès l’instant où il allait la rendre à sa mère, il perdrait toute possibilité de la voir. C’est en cet instant là qu’il se réalise père. Père malgré lui et père contre toute attente, mais père malgré tout d’une petite fille de presque un an qu’il est incapable de laisser dans les bras de sa mère sans un regard en arrière. « S’il te plait. » Il souffle sans animosité, sans la colère qui habitait son regard la dernière fois. « Je suis pas venu…je suis pas venu pour t’insulter. » Non il est venu pour créer un futur qui le terrifie, il est venu pour réparer ses torts et ça aussi c’est sans doute la chose la plus mature qu’il ait faite depuis des années.

@Zoya Lewis  

Le tableau pourrait paraitre idyllique. Celui qui se profile devant sa porte d’entrée lorsqu’elle ouvre celle-ci et découvre ce père avec sa fille dans les bras. Deux regards d’un bleu perçant viennent à se poser sur elle, alors qu’elle ; en retour ; ne visualise qu’eux. Et surtout ce bambin. Ce bambin qui a bien grandi et dont la surprise ne serait pas telle si elle n’avait pas fait ce choix stupide deux mois plus tôt. Deux mois, ce n’est rien dans une vie. Mais deux mois dans la vie d’un enfant, c’est beaucoup. Parce que ça grandit bien trop vite, surtout à cet âge-là… Elle avait 9 mois quand elle l’a laissé à son père, elle vient d’en avoir 11 et déjà, elle n’est plus la même. Certains de ses traits se sont affinés et c’est sur ces derniers que le regard de Zoya s’attarde. Elle est subjuguée par Chloe dont l’espoir de la revoir s’amenuisait au fur et à mesure que le temps passé. La jeune mère ne s’attendait donc pas à la retrouver aujourd’hui sur le pas de sa porte, dans les bras de celui qui l’a fait miroiter pendant tout ce laps de temps et qu’elle déteste par-dessus tout pour cette raison. Tout comme lui a toutes les raisons de la détester elle, quand elle a lâchement laissé Chloe dans ses bras deux mois plus tôt sans aucune explication et que c’est ainsi aussi qu’il a appris son nouveau rôle de père. Une paternité bien gardée, pendant neuf mois et même plus. Alors, le reproche de l’avoir privé pendant deux mois de sa fille risque peut-être de mal passer et c’est pour cette raison qu’elle se taira d’en faire tout commentaire.

Parce qu’aujourd’hui, elle voit l’espoir de ce jour qu’elle attendait tant, celui où elle va enfin retrouver sa fille. Dès l’instant où ses yeux se sont posés sur elle, son cœur s’est mis à tambouriner fortement et sa gorge à se serrer. Au point que des larmes se sont aussi invitées dans ses yeux, humidifiant ces derniers légèrement. Elle en oublie presque la présence de Freddy qui s’adresse à elle et dont les mots lui échappent quelque peu. « On peut entrer ? ». Zoya ne répond pas, peut-être parce qu’elle se demande si cette scène est bien réelle ou si elle est en train de la rêver. Parce que ces dernières semaines, plus d’une fois elle s’est réveillée après avoir rêver du retour de sa fille. Le contact de sa fille dans ses bras, les gazouillis de celle-ci, les petits éclats de rire comme les larmes, absolument tout lui ont bien trop manqué dans ce loft qui a paru soudainement trop grand pour elle toute seule, et surtout, bien trop silencieux. Un endroit qu’elle commence même à voir en horreur du fait de ce silence bien trop pesant et des souvenirs avec sa fille absente, tournant en rond depuis des semaines au point de perdre pied « S’il te plait ». La politesse dont il fait preuve et ce ton presque doux qu’il emprunte, un de ceux qu’elle ne lui connait pas d’ailleurs, joue surement sur le fait qu’elle daigne enfin lui accorder un regard. « Je suis pas venu… je suis pas venu pour t’insulter ». Elle reste figée quelques instants sans mot dire avant de finalement acquiescer doucement d’un signe de tête pour inviter Freddy à entrer.

Ils se dirigent en silence vers le living room et lorsque Zoya refait face à Freddy et surtout à Chloe qu’il tient toujours fermement dans ses bras, elle se retient de ne pas lui prendre des bras. A défaut, elle s’adresse à elle alors qu’elle sent toujours sa gorge nouée « Hey, you » . Un large sourire se pose sur ses lèvres alors qu’elle laisse sa main approcher celle de sa fille. Chloe s’empare de l’index de sa maman et lui répond par un sourire similaire « I missed you so much… » . Sa voix déraille quelque peu alors qu’elle prononce les mots dans un murmure. Elle ne sait pas si Freddy est là pour la lui rendre ou s’il lui accorde juste le bénéfice de la voir quelques instants. Et alors que son doigt est toujours prisonnier de la petite main de sa fille, Zoya reporte alors son regard sur Freddy « Pourquoi es-tu venu alors ? » prononce-t-elle prudemment, sur un ton tout aussi posé, continuant dans le sens de l’affirmation qu’il a pu lui faire quelques secondes plus tôt. Et alors que son regard se pose à nouveau sur sa fille, elle repense à cette peluche qu’elle affectionne tant, cette peluche koala offerte par un de ses oncles et dont elle a été privée pendant ces deux derniers mois. Elle s’éloigne quelques secondes pour aller la récupérer sur le canapé, et revient auprès de Freddy et Chloe pour la tendre à sa fille « Look who is here… » . Chloe se saisit immédiatement de la peluche dans laquelle elle enfouit sa tête ce qui ne manque pas de faire sourire tendrement Zoya dont les larmes refont surface. Et alors qu’elle ne quitte pas sa fille du regard, elle demande à Freddy, doucement « Je peux ? ».

Il l'observa, regarder l'enfant comme si elle était son trésor, lui parler avec tant d'amour et tant de douceur. Elle était sa mère, peu importe ce qu'elle avait fait.

« Pourquoi es-tu venu alors ? »  Son ton était calme. Il aimerait avoir une réponse à lui donner. Il ne savait pas trop pourquoi il était venu. Parce que sa sœur lui avait parlé ? Parce que Birdie était venue  l’engueuler ? Parce qu’il avait fallu abandonner sa colère ?  Il ne savait pas vraiment, observa le visage de Zoya qui ne regardait que la petite, qui se battait contre tous ses instincts pour ne pas lui prendre des bras. « Pour elle. » se contenta-t-il de souffler. Parce qu’il n’était même pas sûr d’être capable d’être père alors comment peut-il la priver d’une mère ? Il avait rejeté sur Zoya toute la colère qu’il avait toujours ressenti vis-à-vis de ceux qui l’avaient abandonné, confondant les situations.

« Je peux ? »  Ce fut une épreuve de la regarder. Il hésita, son regard allant de la mère à l’enfant, l’impression soudaine que s’il lui donnait il ne la reverrait plus jamais. Pourtant il laissa le sac glisser de son épaule jusqu’au sol et lentement porta Chloe aux bras de sa mère.

« Tu restes sa mère. Elle a besoin de sa mère. » Il ne pouvait pas continuer à prétendre que les situations étaient les mêmes. Il ne pouvait pas prétendre que l’abandon était le même quand Zoya n’avait cherché qu’à corriger son erreur. Sa mère à lui n’était pas revenue, sa mère a lui n’en avait que faire. Les situations n’étaient pas les mêmes, il était temps de l’accepter. Il ne prononça pas d’excuses, mais celles-ci se lurent dans son regard clair. Il aurait pu partir alors. La laisser là et retourner à sa vie. Ne plus jamais regarder en arrière, fuir comme il l’avait toujours fait. Il n’avait rien d’un père, trop centré sur lui-même pour cela. Et pourtant jour après jour, de plus en plus de liens se créaient entre l’enfant et lui sans qu’il ne puisse l’arrêter.

Il y avait des mots qu’il n’avait envie de prononcer. Des mots prononcés que trop rarement et encore moins à des inconnues. Mais Zoya l’était-elle vraiment à présent qu’un enfant les liait ? Il sembla hésiter, passa une main sur sa nuque et soudainement se lança : « Je suis adopté. » il souffle sans lâcher du regard l’enfant. « J’ai été adopté quand j’avais six ans. » Il n’avait jamais raconté ça à personne si ce n’est à quelques rares amis d’enfance. Si peu de gens connaissent cette partie là de a vie quand il refuse la plupart du temps de l’aborder. « Ma mère, enfin ma mère biologique…Elle m’a laissé  dans la rue devant un hôpital quand j’avais à peine quelques semaines. » La précision était importante, quand si elle avait voulu protéger son enfant elle l’aurait laissé à l’intérieur. Mais non, elle avait souhaité se protéger elle, cacher son abandon.

« Quand tu l’as laissée….. » Il n’arriva pas à finir sa phrase, prisonnier des démons de ses souvenirs, de l’incompréhension et de la colère d’être spectateur d’un nouvel abandon. Il était encore en colère, bien plus qu’il n’était prêt à l’admettre, mais il semblait avoir compris quelque chose d’important. Il soupira.  « Mais t’es revenue. T’es revenue pour elle et c’est tout ce qui devrait importer. » Les mots raisonnent dans le silence, ouvrant une porte vers une vulnérabilité qu’il avait entrepris de cacher depuis toujours. Il avait envie qu’elle sache pourquoi il avait réagi avec tant de véhémence, qu’elle comprenne, à défaut de lui pardonner. Même lui n’était pas certain d’être prêt à lui pardonner ses mensonges et au fait d’avoir laisser Chloe dans ses bras du jour au lendemain. Mais pour la première fois ce soir, il se décida à faire un pas dans cette direction.

@Zoya Lewis  

« Pour elle. » Il dit ne pas être venu pour l’insulter, chose qu’il n’a eu de cesse de faire à chacune de leur rencontre, sauf leur dernière en date. Il semblait plus apaiser, prêt à capituler… Mais les jours puis les semaines sont passés et Zoya s’est dit que cette conversation n’avait strictement servi à rien. L’espoir de revoir sa fille s’amoindrissait et pourtant, aujourd’hui, elle était là. Face à elle. Et elle n’avait d’yeux que pour Chloe, très peu pour Freddy au final qu’elle ne voyait qu’en arrière-plan.

Elle a besoin de la porter, elle a besoin de la prendre dans ses bras et de sentir à nouveau son odeur, elle a besoin de l’étreindre le plus fort possible sans lui faire de mal pour se faire pardonner. Se faire pardonner de l’avoir abandonnée comme elle la fait alors qu’elle l’aime de tout son être. Zoya se rend compte de la pire erreur qu’elle ait pu faire jusque-là en la laissant ce soir de décembre et, désormais, elle ne cherche qu’à la retrouver. Alors, elle lui fait cette demande, celle de pouvoir la prendre et si elle sent l’hésitation dans son regard, il finit par lui donner Chloe. « Hey… » dit-t-elle tout bas en prenant la petite dans ses bras. Les larmes apparaissent immédiatement dans les yeux de la jeune maman, alors qu’elle vient à serrer doucement Chloe contre elle, blottissant sa tête contre la toute petite épaule de sa fille. La sensation retrouvée, celle de porter son enfant qu’elle n’a pas vu depuis presque deux mois est unique et Zoya clos ses yeux quelques secondes pour savourer l’instant. C’est un bisou qu’elle finira par poser sur la tempe de sa fille, desserrant son étreinte avant que sa fille ne lui fasse un sourire qui lui redonne le sien immédiatement. Et alors qu’elle fixe sa fille, elle laisse échapper un « Merci Freddy », sincère, alors qu’elle vient enfin à trouver son regard.

« Tu restes sa mère. Elle a besoin de sa mère. » Zoya acquiesce quand il reconnait ce besoin pour leur fille et elle est heureuse de voir qu’il a fini par s’en rendre compte, alors qu’elle n’a eu de cesse de lui dire à chacun de leurs rares échanges. Pourtant, elle n’est pas la mieux placé pour lui reprocher quand elle n’a pas pensé à ce besoin pour elle en partant deux mois plus tôt, sans un regard en arrière…

« Je suis adopté. » Les mots viennent briser le silence qui s’est installé dans le living room de Zoya et qui ne manque pas cette fois de porter son attention sur Freddy. Elle relève son regard alors qu’elle dodeline doucement Chloe dans ses bras « J’ai été adopté quand j’avais six ans. » Si un froncement de sourcils s’est dessiné sur ses traits, ne comprenant pas réellement pourquoi Freddy vient à se livrer à ce sujet, il tend à disparaitre au fil des mots qu’il lui livre « Ma mère, enfin ma mère biologique…Elle m’a laissé  dans la rue devant un hôpital quand j’avais à peine quelques semaines. ». Et enfin, elle comprend. Zoya comprend où il veut en venir, comprend que Freddy s’ouvre à elle à propos de son passé, un passé lourd et douloureux « Quand tu l’as laissée….. » Il ne poursuit pas la phrase et il n’a pas besoin d’en dire plus parce qu’elle a compris d’elle-même. Quand elle l’a laissé, elle lui a tristement rappelé son abandon et c’est pour cette raison qu’il s’est montrée aussi protecteur envers leur fille. Elle comprend pourquoi il n’a pas voulu la lui rendre jusqu’à aujourd’hui… « Mais t’es revenue. T’es revenue pour elle et c’est tout ce qui devrait importait. » . Le regard de Zoya est attristé et compatissant, un regard qu’elle n’aurait jamais pensé porter sur Freddy. La jeune mère se sentait coupable d’avoir ramené en lui de vieux souvenirs et désolé qu’il ait été abandonné de la sorte. « Je … je suis désolé Freddy » . Est-ce que ça réellement de l’importance ? Est-ce que lui dire ça va l’apaiser ? Elle sait que non, et c’est pour ça qu’elle tente de s’approcher de lui, prudemment « Je suis désolé que tu aies été abandonné de la sorte, et… »  elle marque une pause alors qu’elle sent sa gorge se serrer « Je suis désolé d’avoir fait subir mon acte non seulement à Chloe mais aussi à toi… » . La culpabilité prend place alors sur ses traits, posant son regard sur Chloe qu’elle serre davantage dans ses bras « pardon… »  souffle-t-elle dans un murmure à l’attention de Chloe mais aussi de Freddy, les larmes réapparaissant dans ses yeux. Elle aimerait être capable de critiquer cette mère qui l’a abandonné, mais elle n’en a aucun droit quand elle a l’impression de ne pas valoir mieux… « Je ne savais plus quoi faire, j’étais paumé…   Mais je l’aime, Freddy… à en crever » Elle ravale difficilement « Je m’en veux… terriblement… Mais je te promets que je ne partirai plus. Plus jamais ».  Elle vient à planter son regard dans le sien et ajoute « Tu ne méritais pas ça… Et tout ce qui compte désormais, Freddy c’est que tu as une famille aimante autour de toi… Et… »  Elle reporte son regard sur sa fille « Et c’est ce qu’on va offrir à Chloe. Toi et moi » . Parce qu’il n’est plus question que l’un ou l’autre soit mis à l’écart et son regard est sincère lorsqu’elle retrouve le sien.  

« Merci Freddy », Freddy observe Zoya prendre la petite dans ses bras, la serre contre son cœur et comprend que depuis deux mois, la mère a perdu une partie d’elle qu’elle vient seulement de retrouver.

Les mots qu’il prononce n’ont jamais été offerts à personne. Ce n’est pas quelque chose qu’il raconte, ce n’est pas une partie de son histoire qu’il offre à quique ce soit car il n’a jamais supporté regarder son passé, l’avouer à voix haute. Non si Freddy a avoué qu’il était adopté à ses plus proches amis, il ne parle jamais d’elle. Cette mère qui l’a laissée, qui a déposé son enfant à même le sol devant cet hôpital.  Il n’est pas habitué à parler de lui, de ça, à se montrer vulnérable de la sorte. Cela le terrorise bien plus qu’il n’est prêt à l’admettre et il fuit son regard compatissant brillant de tristesse. « Je…je suis désolée Freddy. » Il hausse les épaules, ça ne changera rien à ce qu’il a vécu, il ne veut pas de sa pitié, veut simplement qu’elle comprenne pourquoi il a agi ainsi. Elle s’approche et lui doit se battre contre tous les instincts qui le pousseraient à reculer, à protéger son cœur d’un masque d’apparences et d’un air moqueur. « Je suis désolé que tu aies été abandonné de la sorte, et… » Il tressaillit à ce mot qui raisonne trop durement dans l’air. « Je suis désolé d’avoir fait subir mon acte non seulement à Chloe mais aussi à toi… » Son regard trouve enfin celui de Zoya, elle a l’air sincère.  Il se contente d’hocher lentement la tête, la gorge serrée. « pardon… »  Il se force à se rappeler encore une fois que les situations sont différentes. Zoya est revenue, Zoya a tout fait pour retrouver sa fille. Zoya n’est pas la mère qui l’a laissée.   Il faudra bien qu’il lui pardonne un jour pour ses mensonges et pour le fait d’avoir laissé Chloe, il ne sait pas quand cela sera, mais il le faudra un jour ou l’autre. « Je ne savais plus quoi faire, j’étais paumé…   Mais je l’aime, Freddy… à en crever » Freddy observe sa fille dans les bras de Zoya. Et lui l’aimes-t-il ? Aime-t-il cette enfant à en crever ?  Est-il seulement capable d’aimer ? Ou a-t-il réussi à se persuader du contraire ?  

« Je m’en veux… terriblement… Mais je te promets que je ne partirai plus. Plus jamais ».  Son regard triste rencontre le sien. La promesse se grave dans son cœur. Il s’en souviendra. Elle n’a plus le droit de laisser cette enfant ou Freddy sait, qu’il ne lui pardonnera pas.  « C’est pas à moi que tu dois le promettre, c’est à elle. » il murmure en regardant Chloe. Cette enfant qu’il n’attendait pas, son enfant.

« Tu ne méritais pas ça… Et tout ce qui compte désormais, Freddy c’est que tu as une famille aimante autour de toi… Et… » Il fuit de nouveau son regard, ne veut pas de sa pitié, ne veut pas penser à ce que l’enfant qu’il était avant d’être adopté a vécu. « Et c’est ce qu’on va offrir à Chloe. Toi et moi » .   Il est surpris de sa réponse, ne peut s’empêcher de l’observer un instant en silence. Il ne pensait pas qu’elle l’accepterait, il pensait devoir se battre pour rester dans la vie de l’enfant. « Je sais pas comment être son père. J’ai jamais eu à m’occuper de quique ce soit d’autre que moi. » Il avoue dans un souffle. Non il a fui toute attache pour ne dépendre de personne et que personne ne dépende de lui. « Mais….je veux être son père. » Le ton est plus assuré, il l’évoque pour la première fois à voix haute, ce souhait qui lui fait peur. « Je veux être sur le certificat de naissance. Je veux être son père. Officiellement. C’est ma fille. » Le pas est énorme. Un pas en avant vers le monde des adultes, un pas en avant et il a l’impression d’avoir franchi un précipice. Il veut être son père et l’admettre est douloureux, fait ressortir toute sa vulnérabilité. « Je veux pouvoir la voir, je sais que tu penses que je vais faire un père catastrophique Zoya. Et honnêtement….j’aurais pas parié sur moi non plus. Mais je veux essayer, d’accord ? » Il murmure d’un ton calme, tendant son petit doigt à l’enfant dans les bras de Zoya, le bambin l’attrape et il esquisse un sourire. Essayer c’est tout ce qu’il peut faire. Dans tous les cas, il sait déjà qu’il ne pourra jamais la laisser. C’est cette certitude qui raisonne en lui et fait que son cœur se serre alors qu’il regarde la petite.

@Zoya Lewis

« C’est pas à moi que tu dois le promettre, c’est à elle. ». Zoya acquiesce doucement d’un signe de tête alors qu’elle ne quitte plus sa fille des yeux. Comme si elle craignait qu’à tout instant, Freddy pouvait lui reprendre, lui disant qu’il l’autorisait uniquement à la voir quelques minutes mais qu’elle ne la retrouverait pas entièrement. Elle a peur de la perdre à nouveau, et c’est pour ça qu’elle fait cette promesse, une promesse adressée à Freddy, une promesse adressée évidemment à leur fille qu’elle serre un peu plus contre elle alors que ses lèvres viennent à nouveau trouver la tempe de Chloe et une promesse qu’elle se fait malgré tout à elle-même. Elle n’a plus le droit à l’erreur, en a conscience et s’en voudrait terriblement si elle revenait à faire deux fois la même erreur. Mais elle ne veut plus partir, elle veut devenir cette adulte responsable, cette mère qu’elle aurait dû être dès le début pour Chloe, celle qui ne fuit pas dès que l’occasion lui ai donné, celle qui ose appeler à l’aide ses proches quand elle sent qu’elle est sur le point de flancher… C’est ce qu’elle aurait dû faire et cet épisode semble lui avoir fait prendre conscience qu’elle ne pouvait plus se permettre d’agir de la sorte, désormais.

Maintenant qu’elle a retrouvé Chloe, elle veut le meilleur pour elle. L’histoire que lui conte Freddy la touche et elle qui a eu la chance de grandir dans une famille aimante, qu’elle a pu compter sur des parents qui ont toujours été présent – et qui le sont toujours – pour elle et pour ses frères, c’est ce qu’elle souhaite pour Chloe aussi. Alors, il est évident pour elle que cette famille, elle l’offre à sa fille, mais pas seule, avec Freddy y compris… « Je sais pas comment être son père. J’ai jamais eu à m’occuper de qui que ce soit d’autre que moi. ». Le regard de Zoya se pose alors su Freddy qui semble hésiter, et peut-être qu’elle craint qu’il ne se défile. Pourtant, dans ses mots, elle se reconnait et elle ne pourrait ainsi lui reprocher quand, ces deux derniers mois, il ne semble pas avoir pris la fuite, contrairement à elle… « Mais….je veux être son père (…) Je veux être sur le certificat de naissance. Je veux être son père. Officiellement. C’est ma fille. » Il y a cet instant de latence quand il parle du certificat de naissance et du côté officiel de la chose. Parce qu’elle s’est toujours promis que Freddy, après son comportement en janvier dernier, n’aurait aucun droit sur leur fille. Mais cet argument ne vaut plus alors qu’elle a fini par lui laisser Chloe dans les bras deux mois plus tôt, sans savoir si le Freddy qu’elle avait rencontré en Italie et celui qu’elle avait eu face à elle lorsqu’elle était à deux doigts de lui dire la vérité sur sa paternité, avait changé. Elle n’a plus le droit d’avancer cet argument et ne l’utilisera plus, même si elle aimerait être certaine qu’il sera le père qu’il faut à Chloe… Mais là encore, est-ce qu’elle veut vraiment se permettre à ces conditions quand elle a tout à prouver elle aussi ? Zoya finit par hocher la tête doucement, plantant son regard dans celui de Freddy « Tu l’es Freddy… Et tu auras ton nom sur son certificat de naissance. On pourra y aller ensemble… quand tu le voudras » . Elle réhausse un peu Chloe dans ses bras et lui concède donc cette place qu’il a tout autant le droit qu’elle d’avoir auprès de Chloe. Chloe qui a passé ces dernières semaines avec lui, Chloe qui s’est aussi accoutumée à sa présence et dont elle ne souhaite pas la priver… plus maintenant.

« Je veux pouvoir la voir, je sais que tu penses que je vais faire un père catastrophique Zoya. Et honnêtement….j’aurais pas parié sur moi non plus. Mais je veux essayer, d’accord ? » Elle sent à la fois de la détermination mais aussi de l’hésitation, sur qui il est et, surtout, sur ce père qu’il peut être pour Chloe. Elle l’observe silencieusement alors que Chloe vient à se saisir du petit doigt de son père, ce qui ne manque pas de la faire sourire également « Tu penses que j’aurai parié sur ma personne, Freddy ? Tu penses sincèrement que je suis mieux ? »  avoue-t-elle dans un soupir même si elle connait déjà l’opinion de l’acteur à ce sujet « Je ne t’empêcherai pas d’être dans sa vie, plus maintenant. Tu auras le droit de la voir autant de fois que tu le souhaites… » elle marque une pause alors qu’elle reporte son regard sur la petite « Tout ce que je veux, Freddy, c’est qu’on se donne les moyens d’être les parents qu’elle mérite… Autant toi que moi… Je veux être cette mère présente pour elle, à chacune des étapes de sa vie. Je ne veux plus être cette nana égoïste qui ne pense qu’à ses propres envies… Je ne peux plus me le permettre désormais qu’elle est entrée dans ma vie… Je me dois d’être… » elle s’arrête, repensant aux mots de Trent qu’il a eu à son égard lors de leur dispute en novembre dernier, son regard s’attristant un peu plus alors qu’elle regarde toujours Chloe « Je me dois d’être une mère responsable pour elle ».    

« Tu l’es Freddy… Et tu auras ton nom sur son certificat de naissance. On pourra y aller ensemble… quand tu le voudras » Ses épaules se détendirent et les battements de son cœur s’accélèrent dans sa poitrine. Comme s’il venait de réaliser enfin qu’il aurait le droit de rester dans la vie de Chloe malgré ses actions. Que plus que tout qu’il en avait envie et qu’il était son père bien malgré lui.  Il l’observe rehausser Chloe dans ses bras, son regard s’adoucissant un peu.  Il hoche la tête alors. Il va être son père, officiellement et cela le terrifie un peu plus à chaque seconde qui passe. Il ne peut s’empêcher de sourire lorsque l’enfant attrape son petit doigt.

« Tu penses que j’aurai parié sur ma personne, Freddy ? Tu penses sincèrement que je suis mieux ? » Non elle n’est pas mieux, elle ne l’aurait pas laissée sinon. Mais il ne dit rien, conscient que ce n’est plus le temps des insultes. « Je ne t’empêcherai pas d’être dans sa vie, plus maintenant. Tu auras le droit de la voir autant de fois que tu le souhaites… »  Est-ce dont il a envie ? Il n’y a plus vraiment de retour en arrières possible, il a demandé à être là, il devra être là.

« Tout ce que je veux, Freddy, c’est qu’on se donne les moyens d’être les parents qu’elle mérite… Autant toi que moi… Je veux être cette mère présente pour elle, à chacune des étapes de sa vie. Je ne veux plus être cette nana égoïste qui ne pense qu’à ses propres envies… Je ne peux plus me le permettre désormais qu’elle est entrée dans ma vie… Je me dois d’être… » Elle hésite, s’arrête puis reprend : « Je me dois d’être une mère responsable pour elle. » Freddy observe la photographe d’un nouvel œil, réalisant peut être qu’ils se ressemblent bien plus qu’ils ne veulent l’admettre. Personne ne les aurait choisis pour être parents. Freddy a toujours été égoïste, de ça il en est parfaitement conscient mais jusqu’ici il n'a jamais voulu changer. Il n’est pas sûr de vouloir changer en réalité, mais ne sait pas comment il pourra faire autrement maintenant qu’une enfant est dans la balance. « D’accord. On va faire de notre mieux. » Ce on résonne pour la première fois, plutôt que d’être divisé ils se retrouvent à présent dans la même équipe, parce que c’est leur enfant qui est entre eux, leur enfant qui a besoin de parents qui ne peuvent plus se permettre de se conduire comme des adolescents. Il est temps de grandir aussi difficile que cela soit.  Il semble hésiter puis doucement demande. « Est ce que tu pourrais me montrer...ce que j'ai raté ? » Il semble hésitant, elle a connu Chloe pendant un an, lui la découvre à peine. Il a tout loupé. Ce sentiment est amer, même s'il essaye de le contenir.

@Zoya Lewis

D’accord. On va faire de notre mieux. » Est-ce une promesse qu’il est en train de faire là ? Est-ce un pacte qu’ils sont en train de passer ? Celui où ils s’engagent autant l’un que l’autre à être des parents exemplaires, tout du moins de tenter de l’être ? Le on raisonne d’une manière particulière quand c’est la première fois qu’ils semblent parvenir à un terrain d’entente. C’est un début, oui ils vont devoir faire de leur mieux mais ils vont devoir aussi se diriger vers plus que faire de leur mieux. Zoya acquiesce alors d’un signe de tête, se raccrochant peut-être aux mots de Freddy, voulant y croire quand ils n’ont plus d’autre choix. Elle ne l’a plus en tout cas, tout comme elle n’a plus droit à l’erreur. Elle n’en a plus le droit quand elle a déjà faire la pire qu’il soit. Elle sait aussi que Freddy, désormais dans leur vie, va très certainement attendre beaucoup d’elle et si ce n’est évidemment pas pour lui qu’elle le fait, que son opinion lui importe peu, surtout maintenant qu’elle a récupéré Chloe, c’est pour cette dernière qu’elle veut bien faire.  «  Il le faut … » surenchérit-t-elle alors qu’elle laisse son regard tombé sur Chloe qui se frotte les yeux.

« Est ce que tu pourrais me montrer...ce que j'ai raté ? » La question la prend au dépourvu, hésitante à son tour. Mais Zoya sait qu’elle lui doit au moins ça, elle qui l’a privé pendant des mois de leur fille, elle qui ne lui a pas laissé cette possibilité d’être père et d’en avoir le choix surtout… Elle sait qu’elle va devoir lui faire de la place désormais dans la vie de leur fille, qu’ils seront deux à prendre les décisions pour elle. Une présence qui pourrait la rassurer, elle qui a tant de mal à porter cette casquette de parent et qui pourtant l’effraie tout autant quand, finalement, ils ne se connaissent pas… « Bien sûr… ». C’est en direction de sa chambre qu’elle l’invite alors à la suivre, celle de Chloe dont la décoration est assez neutre. Il y a bien sûr quelques touches signés Birdie Cadburry, des touches de couleurs parsemés à quelques endroits de la pièce mais aussi et surtout des peluches. Des peluches qui appartenaient à Zoya quand elle était elle-même enfant, d’autres qu’elle a ramené de ses différents voyages – et ça bien avant de savoir qu’elle allait devenir mère, ces peluches étant des souvenirs qu’elle prenait pour elle avant tout – mais aussi des peluches offertes par les proches de Zoya à Chloe après sa naissance. Bref, une véritable chambre d’enfants, avec des livres posés sur une petite étagère à proximité de ce fauteuil à bascule qui se trouvait juste à côté du petit lit de Chloe. Un lit dans lequel elle n’a plus dormi depuis des mois et dans lequel Zoya vient à la déposer délicatement « Voilà sa chambre… » la précision n’est pas nécessaire, il l’aura compris par lui-même mais elle la fait quand même « Sa peluche préférée c’est ce koala » dit-t-elle alors que Chloe l’a toujours dans ses bras désormais allongée sur le dos « J’ai ce petit rituel avec elle pour l’aider à s’endormir. De la musique douce et je lui lis cette histoire… » Elle vient à attraper ce livre resté sur la commode, à la même place que cette dernière fois où elle lui avait lu, commode sur laquelle est aussi posé un petit cadre d’une photo de Chloe et elle. « Quand ses premières dents ont commencé à pousser, à six mois, elle peinait beaucoup à s’endormir… Je m’installais avec elle dans ce fauteuil et c’est possible que je lui ai donné cette fâcheuse manie de s’endormir dans les bras… ». Elle grimace tout en souriant, regardant avec amour Chloe, avant d’attraper un album photo sur l’étagère « J’ai commencé cet album… Des photos d’elle depuis sa naissance jusqu’à… » elle lui tend celui-ci ne terminant pas sa phrase car il y aura indéniablement des vides dans cet album, le vide de ces deux derniers mois, à moins qu’elle ne puisse récupérer quelques photos, comme celles que Tessa lui a montré lors de leur rencontre. Elle laisse Freddy le feuilleter, trouvant donc à l’intérieur des photos de Chloe, parfois avec Zoya, parfois avec des proches – ses frères, ses ami(e)s… Et puis, au bout d’un moment, elle se risque à lui demander « Comment ça s’est passé… avec elle ? »

Je n’ai jamais fait équipe avec personne. Je me suis rarement préoccupé de quelqu’un d’autre que ma propre personne. Je suis de ceux qui préfèrent faire leur chemin seul, sans contraintes et sans personne pour les retenir en arrière. Pourtant pour la première fois, ce n’est plus une possibilité. Mon regard ne cesse de revenir à l’enfant dans les bras de Zoya et j’ai encore du mal à comprendre comment ce petit être peut être le mien. « Il le faut. » Faire de notre mieux. Comme si mon mieux pouvait être assez pour un enfant. Chloe va avoir un an et elle n’aura jamais connu son père et sa mère l’aura laissé en arrière une fois. J’ai peu d’espoirs sur notre capacité à être parents alors que je me rends compte que Zoya est finalement très similaire à la personne que je suis.  Mais il n’est plus possible de lancer des promesses en l’air, de faire de notre mieux si notre mieux n’est pas assez. J’en suis conscient et c’est cela sans doute qui me terrifie encore plus. L’idée de devoir grandir, très peu pour moi. J’aurais préféré rester dans le monde de Peter Pan si on m’avait demandé mon avis. Et la seule chose qui me réconforte sans doute est le fait que je ne suis pas seul dans cette aventure que je n’ai pas choisi et pourtant qui me fait beaucoup moins peur qu’il y a quelques semaines.

Car c’est un on qui raisonne. Elle et moi. Moi et elle. Des parents qui n’avons jusqu’ici rien en commun hormis le fait d’être trop immatures pour être parents et d’avoir une enfant en commun. Pourtant je me reconnais dans le regard de Zoya, je me reconnais dans ce besoin de protéger la petite comme dans la peur de tout faire foirer. Et c’est dans doute cela qui me fait hocher doucement la tête vers elle. Oui il le faut, car à présent il n’y a pas de retour en arrière.

Alors que j’observe ce loft, je réalise tout ce que j’ai loupé, un an de la vie de Chloe que je ne connais pas et toutes les réponses se trouvent ici. Car c’est ici qu’elle a grandi les premiers mois de sa vie. Zoya hésite et pendant un instant je pense qu’elle va refuser, mes épaules se crispant légèrement. Et pourtant… « Bien sûr…. »  Le soulagement s’empare de mon regard et je suis la jeune femme vers la chambre. La décoration est neutre, ponctué de quelques couleurs, des peluches déjà bien nombreuses. Je me demande qui les a offertes, est ce que je suis le genre de père de père qui lui en offrira à mon tour ? Est-ce que je suis seulement capable d’être père ?

Zoya dépose Chloe dans son lit. « Voilà sa chambre… Sa peluche préférée c’est ce koala. » Mon regard tombe sur la peluche en question que la petite tient contre elle.  « J’ai ce petit rituel avec elle pour l’aider à s’endormir. De la musique douce et je lui lis cette histoire… «Quand ses premières dents ont commencé à pousser, à six mois, elle peinait beaucoup à s’endormir… Je m’installais avec elle dans ce fauteuil et c’est possible que je lui ai donné cette fâcheuse manie de s’endormir dans les bras… » Je l’écoute sans rien dire, attentif, incapable de l’observer elle, me contentant de regarder le chambre ou l’enfant, m’imaginant des mois plus tôt. Est-ce que j’aurais fait la même chose si elle me l’avait dit avant ? Est-ce que j’aurais fait partie de sa vie de cette façon ? Ou est ce que j’aurais été à l’autre bout du monde pour un tournage, peu intéressé par ce rôle de père ? Les mots de Zoya me sortent de cette dernière pensée amère. « J’ai commencé cet album… Des photos d’elle depuis sa naissance jusqu’à… »  Jusqu’à ce qu’elle me la laisse et que je refuse de lui rendre. Mon regard clair rencontre le sien cette fois. Car des photos, c’est un souvenir du passé. Je l’attrape, le feuilletant délicatement, mon regard papillonnant de photos en photos découvrant l’évolution de l’enfant. « Elle était minuscule. » Je murmure tendrement en voyant les premières photos. En tournant les pages ce n’est pas que Chloe qui attire mon regard mais aussi le talent de la photographe. Un sourire étire mes lèvres, sensible à l’art sous toutes ses formes.  J’observe le visage de ses proches, tombant sur l’oiseau de malheur qui m’a invité à sa fausse interview pour une embuscade. « T’as des amis…loyaux. » Je me contente de dire avec une pointe de sarcasme mais une vérité qui raisonne malgré tout. Je ne m’attarde pas, continuant mon chemin dans les souvenirs. « Comment ça s’est passé… avec elle ? »

Je relève les yeux vers la brune, mon regard s’adoucissant. « Pire que je pensais. Mieux que je pensais ? » un léger rire gêné secoue mes épaules. « Tu veux la vérité ? J’aurais pas tenu si ma famille avait pas été là. » Je murmure un peu honteux, parce que je savais que c’était eux qui m’avaient empêché de sombrer, de me noyer dans cette nouvelle responsabilité ou de trouver une façon de fuir.

« C’était terrifiant. Mais c’était aussi… » je n’arrive pas à trouver les mots. J’aurais voulu lui dire que j’avais fini par apprécier les moments seul avec ‘l’enfant, à la regarder s’endormir, à entendre son petit rire quand je faisais des grimaces. Petit à petit, lentement, je m’étais attaché à la petite fille. « Disons que clairement elle sait se faire aimer. » Je ris avant  d’hausser les épaules avec un regard tendre sur la petite. « Tout son père. » Je ne peux m’empêcher d’ajouter avec un sourire mutin, provocateur malgré tout. Je sors mon portable à mon tour et lui montre les photos de la petite et de ma sœur, de la petite jouant avec les cheveux de mon frère, de mes parents avec elle, puis de moi. Et en même temps que je vois les photos, je regarde que de semaines en semaines, mon air se fait moins distant, moins paniqué aussi et petit à petit il y a moins de photos d’eux avec la petite et plus de photos de moi avec elle. « On est pas aussi bons photographes. Mais on pourra compléter ton album avec ces photos. » Je propose d’une voix douce, un peu hésitante, comme une nouvelle offre de paix. Un nouveau début.


@Zoya Lewis

« Elle était minuscule. » Zoya guette Freddy du coin de l’œil alors qu’il se met à feuilleter l’album qu’elle a créé pour Chloe. Ce même album qu’elle n’a eu de cesse de regarder ces dernières semaines alors qu’elle était privée de sa présence. Ce même album sur lequel elle a déversé de nombreuses larmes, essuyée d’un revers de main colérique. Mais, voir Chloe dans son lit ce soir apaise son cœur, l’aide à ne plus se sentir oppressée et à être à deux doigts de s’effondrer à nouveau. D’ailleurs, elle s’est approchée de sa fille, attrapant sa petite main, et la regarde avec tendresse, laissant le silence prendre place dans la pièce. « T’as des amis…loyaux. ». Zoya retourne son regard sur Freddy et surtout sur l’album et reconnait Birdie sur la photo. « J’ai de la chance » dit-t-elle d’une voix douce, consciente de la chance qu’elle a d’être aussi bien entourée, chance dont elle a, là aussi, tardé à se rendre compte. Et son cœur se serre d’ailleurs quand la photo juste à côté est celle de Trent avec Chloe à qui il lit une histoire. Son meilleur ami, celui à qui elle ne parle plus depuis des mois et éprouve des regrets face au comportement exécrable qu’elle a pu avoir avec lui. Elle s’en veut, ne sait pas comment s’y prendre pour renouer le contact et espère surtout qu’il finira par lui pardonner…

« Pire que je pensais. Mieux que je pensais ? » La photographe s’est permise de lui demander comment s’était passée ces quelques semaines avec Chloe et lorsqu’elle ne détecte aucune colère dans ses mots, elle retrouve son regard. Elle acquiesce mollement d’un signe de tête, un sourire en coin « Tu veux la vérité ? J’aurais pas tenu si ma famille avait pas été là. » Les mots font écho à sa situation. Celle où elle aussi a eu besoin de ses proches dès l’instant où elle a mis Chloe au monde et se rend compte, peut-être un peu honteuse, que c’est toujours le cas. La situation de Freddy est là différente, quand il n’a pas eu le temps de s’y préparer comme elle a eu le temps de le faire pendant neuf mois avant la naissance de la petite. « C’était terrifiant. Mais c’était aussi… » Elle se pivote alors pour lui faire face entièrement, n’ayant pas lâché la main de leur fille « Disons que clairement elle sait se faire aimer. » Zoya est bien d’accord, son sourire s’accentue alors qu’elle acquiesce plus vivement « C’est certain… » dit-t-elle en reportant son regard sur Chloe « Tout son père. » « Ca, en revanche… » ne peut-t-elle s’empêcher de souffler en retrouvant le regard perçant de Freddy, non sans rire doucement.

Il vient à sortir son téléphone de sa poche et lui montre les quelques clichés qu’il a pris de Chloe avec lui mais aussi les membres de sa famille. Sur ceux-ci, elle reconnait Tessa, sa sœur, qu’elle a rencontré quelques semaines plus tôt et qui a accepté de lui parler et surtout de l’écouter, tout comme elle reconnait certains clichés que la jeune femme avait bien voulu lui montrer. Zoya s’attarde surtout sur le sourire de sa fille ou les semblant d’éclats de rire qu’elle a sur les photos, lui prouvant que malgré l’abandon, Chloe était heureuse et a été bien entourée pendant le temps de sa stupide absence. « On est pas aussi bons photographes. Mais on pourra compléter ton album avec ces photos. » Il y a peut-être un petit temps de latence à nouveau, ce petit moment où elle tique parce qu’elle ne s’attendait pas à une telle proposition et peut-être aussi parce qu’elle a toujours pensé, qu’égoïstement, Freddy n’aurait jamais sa place dans cet album. Mais les choses ont changé, son avis en particulier et c’est alors qu’elle répond « Elles sont très bien et oui, elles trouveront parfaitement leur place dans l’album » son ton est doux et bienveillant, le parallèle avec la place de Freddy et sa famille dans la vie de Chloe sous-entendu. « Tu me les enverras, je les ferai développer. Ou… tu peux prendre l’album et les mettre dedans toi-même et tu me le ramènera ». Les pas fait en avant sont géants aujourd’hui, autant d’un côté que de l’autre. Peut-être pour Zoya parce qu’elle est reconnaissante de ce qu’a fait Freddy en acceptant de lui rendre Chloe mais aussi par besoin de se racheter de l’avoir laissé en dehors de la vie de leur fille. « Comment va Tessa ? Elle a accouché ? » demande-t-elle alors qu’elle reprend Chloe dans ses bras.

Le temps s’étire, nous devons apprendre à nous apprivoiser, à trouver nos marques dans ce terrain d’entente. Je me demande si elle veut de ces photos dans cet album quand elle a démontré ne pas vouloir de moi dans la vie de sa fille. Je ne dis rien, me contentant d’observer son visage pour tenter de comprendre ses réactions. Lorsqu’elle reprend la parole son ton est doux. « Elles sont très bien et oui, elles trouveront parfaitement leur place dans l’album » Mes épaules se relâchent légèrement. « Tu me les enverras, je les ferai développer. Ou… tu peux prendre l’album et les mettre dedans toi-même et tu me le ramènera ». C’est un nouveau pas en avant.

« Comment va Tessa ? Elle a accouché ? » A ca mon regard s’assombrie, je détourne le regard. « Oui… » Ma gorge se noue et je me racle la gorge. « Il y a eu des complications…Ils n’ont pas survécu. » Ma voix est un murmure rempli de tristesse alors que je repense à ma sœur et ses rêves brisés, son cœur en miettes, à ses enfants dont ma famille ne cessait de parler avant même qu’ils n’aient rejoint ce monde. « C’est elle qui m’a convaincu. De venir ici. » Je murmure doucement comme un aveu. Je ne dis pas que Birdie a joué son rôle elle aussi, trop fier pour montrer une quelconque reconnaissance à cet oiseau de malheur. Parler de ma sœur m’a ramené à une autre réalité et je me lève. « Je vais y aller… Je peux prendre l’album pour le montrer à ma famille ? Ca leur ferait plaisir ? » je demande simplement à titre de confirmation. « Je viendrai te le ramener avec les nouvelles photos. » Et aussi voir la petite, que j’ai étrangement du mal à laisser partir comme si j’avais peur de ne plus jamais la revoir. Nous devons apprendre à nous faire confiance et le chemin je le sais sera long. Mais pour la première fois, le drapeau blanc est hissé et la colère n’a pas eu raison de nous.

@Zoya Lewis