Le monde tourne.

Trop fort. Trop vite.

Murphy porte sa main à son front et s'échappe de la piste. La chaleur l'étouffe, soudain. Elle arrache de son cou le collier - offert par Archie - qu'elle n'a cessé de changer avant de venir. Perchée sur des talons aiguilles, Murphy chancèle. Elle a le cœur au bord des lèvres et plus rien n'est drôle. Il y a quelques instants, elle riait encore de la situation dans laquelle elle s'est trouvée plus tôt dans la semaine. Une sombre affaire de type tué dans un club comme celui ci.

Murphy a soudain envie de vomir et porte sa main à ses lèvres. Elle voudrait arracher les vêtements qu'elle porte et qui lui brûlent l'épiderme. Elle voudrait sortir mais sait qu'elle ne sera jamais en sécurité dehors. Surtout pas avec les types qui traînent autour de l'electric playground. Le bout de ses doigts, elle ne les sens plus vraiment. Il y a quelque chose d'engourdi dans son regard. La cocaïne fait l'effet inverse, d'habitude. Quand elle prend de la codéine, c'est encore différent. L'engourdissement ne vient qu'après, qu'au bout d'un long moment. Sous les feux des projecteurs, Murphy pousse une jeune femme qui se trouvait dans son passage. Elle n'a pas idée de l'heure qu'il est ni si le soleil s'est levé dehors. Peut-être que oui, au final.

Sur le chemin des toilettes, elle se mord la langue en constatant la queue qui l'attend devant les toilettes. Sa main se porte à nouveau sur son front et elle soupire alors que son cœur s'emballe, comme poussé par une machinerie infernale. Elle hyperventile, Murphy. Elle a du mal à reprendre son souffle et respirer devient douloureux. Ses poumons brûlent, sa poitrine brûle.

Et elle connaît cette sensation, elle la connaît comme une vieille amie qu'on accueille à défaut de savoir comment la repousser. Sans savoir vers où elle marche, Murphy se dirige vers la sortie. Tant pis pour les fréquentations désastreuses qui peuplent les pourtours de la boîte de nuit. Des petites étoiles dansent devant ses yeux alors qu'elle se dirige vers l'air frais, vers une sortie salutaire. « Ca va pas ? » Elle ignore la bande de gars qui essaient de l'arrêter et s'installe sur le sol, dans un coin. Malheureusement pour elle, l'adderall qu'elle a toujours sur elle ne la sauvera pas. Cette fois-ci, son cœur a décidé de battre trop fort, trop vite. Et il ne se calmera pas tout seul.

@ruben hartfield

Il ne savait pas trop exactement comment il était arrivé sur place, mais c’était bien ici que se trouvait désormais Ruben. Des soirées il se faisait entraîner par ses collègues, par ses copains, il en avait fait plus d’une - mais d’ordinaire, il était un brin plus d’humeur à venir faire la fête. Ce soir, il s’était laissé emporter par la foule sans vraiment avoir le cœur à la fête. Il aurait bien eu envie de rentrer chez lui, de se mettre au chaud; de ne pas finir avec la gueule de bois le lendemain aussi, alors que désormais le responsable des patients n’étaient plus les médecins au dessus de lui mais lui-même et lui seul. La vie d’adulte avait une saveur particulière, un peu douce-amère, qui pouvait assez rapidement venir vous faire perdre toute saveur si vous n’y faisiez pas attention. Et lorsque la jeune femme vint lui rentrer dedans sur la piste de danse, elle ne faisait déjà plus attention à rien. « Attention ! » La musique était bien trop forte pour que quelqu’un entende quoi que ce soit dans cet endroit, et de toutes façons la brune était déjà hors de vue, hors de portée. Ruben vint ramasser son verre - ou plutôt ce qu’il ne reste, les morceaux de verre éparpillés sur la piste colorée -, ne perdant pas un instant de plus à la suite pour s’excuser auprès du serveur qui avait vu la scène de loin et qui sortait déjà de quoi ramasser les dégâts. L’esprit du Hartfield était déjà ailleurs, cependant, et son regard à se perdre à travers la foule. Il était persuadé, dans un coin de son esprit encore en état de fonctionner et dans des souvenirs à peine brumeux, que le visage de la brune en question ne lui était en réalité pas inconnu. Il allait pouvoir confirmer ses soupçons car, l’instant suivant, elle traverse la salle de danse dans l’autre sens en se dirigeant vers la sorte. Encore désolé que murmure Ruben à l’attention du serveur avant de s’éclipser à son tour.

L’air frais de l’extérieur faisait du bien. Il ne s’était pas aperçu à quel point il en avait besoin, finalement, avant de venir le respirer de nouveau. Cependant, ce n’était pas dans ce but là qu’il était sorti du club ce soir, Ruben, et son regard se mit de nouveau à la recherche de cette chevelure particulière. « Ca va pas ? » Les mots ne lui étaient pas adressés à lui mais bien à la personne qu’il cherchait frénétiquement du regard. Ruben vint faire quelques pas dans leur direction, vint fendre en deux leur petit groupe pour se faire un passage. Et alors, ses yeux purent enfin se poser sur Murphy… qui ne semblait presque déjà plus de ce monde là, à voir son visage blanc comme un linge et couvert d’une couvert d’une couche de sueur. Elle s’était déjà mise au sol - il espérait seulement que c’était de son plein gré et pas déjà par manque de force dans ses jambes. « Et, oh, Murphy. » En une fraction de seconde, le Hartfield s’accroupissait à ses côtés. Une ou deux fois, ils avaient du se croiser avant aujourd’hui, la jeune femme et lui - juste assez pour connaître son prénom mais rien de plus en réalité. « T’as pas l’air en forme, dis moi. » Ses mots étaient doux, ils étaient prudents - mais dans sa tête, plus aucune goutte d’alcool ingéré de soir ne serait apte à venir l’empêcher de réfléchir. Elle devait être admise rapidement aux urgences, et ce sans savoir si elle était d’accord pour aller y faire un tour; c’était ça ou la soirée finirait en fait-divers. « C’est Ruben, Murphy, tu te rappelles ? Je suis médecin, je vais regarder comment tu vas, d’accord ? » Déjà, ses doigts venaient prendre son pouls sur le poignet, alors que son autre main attrapait son téléphone pour servir de lampe torche. « Si tu sais ce qui va pas Murphy, hésite pas à me le dire, je t’en voudrais pas de me donner un coup de main. » Il vint passer la lumière devant ses yeux, avant de l’éteindre et de venir composer le numéro d’urgence sur son écran tactile: il fallait que les secours arrivent, et vite.

Alors qu'elle perd doucement pied, Murphy essaie de rassembler les bris de conscience qui s'écartent petit à petit les uns des autres. Son cœur bat partout : dans sa gorge, dans le bout de ses doigts qu'elle ne sent plus beaucoup, derrière ses genoux et sur sa langue. Il semble prendre un rythme plus effréné à mesure que le temps avance, bien que Murphy ait complètement perdu ses repères temporels. Elle essaie de compter pour se distraire de sa respiration saccadée. Il semble que quelqu'un s'approche. Elle ne l'entend que de loin, puis soudain de très près. De toute façon, elle n'y voit plus rien. Le bleu de ses yeux a été mangé par la taille de ses pupilles. Elle n'a plus rien d'une femme. C'est une poupée de chiffons, assise - ou plutôt étalée - sur le sol. Elle voudrait vomir mais sa bouche est aussi sèche que le désert du Sahara. Sait-elle au moins qu'elle n'a plus beaucoup de temps ? Savent-ils, autour d'elle, que son coeur cessera bientôt sa course sur une ligne d'arrivée qu'elle n'aurait pas dû atteindre avant l'âge de 80 ans ?

« ...pas l’air en forme, dis moi. » La blonde lève les yeux vers la silhouette qui s'est approchée. Elle fronce les sourcils alors que ce type se penche, trop près, sur son corps gracile. Son corps tout sueur et sang, écorché sur les genoux et sur les paumes de ses mains. Son corps qui ne répond plus à aucune de ses demandes, même pas lorsqu'elle essaie de repousser l'homme qui vient se s'agenouiller à ses côtés. Murphy a soudain envie de partir, de se réfugier là où on ne l'emmerdera pas. Ses jambes ont décidé de rester parfaitement inertes. « C’est Ruben, Murphy, tu te rappelles ? Je suis médecin, je vais regarder comment tu vas, d’accord ? » Elle parvient à s'accrocher au tee-shirt - en fait, c'est son pantalon, mais Murphy ne distingue pas ce détail - de Ruben. Avec un contact dans le monde réel, elle parviendra peut-être à y rester. La sensation dans son corps, Murphy ne la connaît que trop bien. Elle a déjà couru au devant de la mort une fois. Elle ne voulait pas mourir, ce jour là. A sa sortie de l'hôpital, elle jurait même "plus jamais". Il aura suffit de 48 heures et d'une fête arrosée pour que son nez se couvre à nouveau de cocaïne. Elle sait pourtant combien la substance peut-être mortelle. Elle se leurre en imaginant que la morphine, c'est pire. Elle connaît la naloxone, "au cas où". Elle sait qu'il n'existe pas de véritable antagoniste à la cocaïne. L'adderall, c'est juste pour être sûre. Il ne lui sera d'aucune utilité, ce soir.

« Si tu sais ce qui va pas Murphy, hésite pas à me le dire, je t’en voudrais pas de me donner un coup de main. » Ce qui ne va pas ? Murphy sent la Terre trembler, voilà ce qui ne va pas. Elle serre dans son poing le tissu auquel elle s'est accrochée précédemment. « J'ai bu... » Elle fait le compte. Les verres, le lean. La poudre consommée dans les toilettes. Les injectables qu'elle a refusé, craignant les aiguilles et les marques qu'elles peuvent laisser sur la peau. Il y a longtemps que sa consommation se voit sur son visage, pourtant. Murphy a simplement oublié son apparence d'avant. « J'ai bu un truc... quelqu'un a mis quelque chose dedans. » Personne n'a rien mis dans les verres de Murphy. Elle se voit en boucle entrer dans le cabinet des toilettes pour prendre un rail sur le couvercle de la poubelle. Elle se voit en boucle se laver les mains et essuyer un saignement sous son nez. Inconsciemment, elle porte sa main libre à son nez comme pour en essuyer les résidus de cocaïne. Ses yeux cherchent ceux de Ruben, qui n'est qu'une tache mouvante sous la lumière de la rue. « M'emmène pas à l'hôtipal... hôpital... » qu'elle marmonne, certaine que c'est ce qu'il s'apprête à faire en le voyant s'agiter depuis quelques secondes. Elle ne veut pas qu'ils sachent. Elle ne veut pas voir la déception dans le regard de son père.

Le corps de la jeune femme entre ses mains, entre ses bras, était aussi peu réactif qu’une poupée de chiffon et ce n’était en rien bon signe. Ruben avait déjà vu plus d’une personne ayant terminé sa soirée sur un brancard des urgences, autant en tant qu’ami qu’en tant que médecin. Ce soir, il allait surement devoir se placer un peu plus dans une catégorie que dans une autre - et ce n’était pas bon signe non plus. Il aurait préféré gentiment raccompagner Murphy chez elle parce-qu’elle avait été une connaissance proche de Rory, qu’elle était une proche par extension en résumé; ce soir les choses allaient se tourner vers une autre finalité - et il allait surtout de voir faire en sorte que cela ne soit pas une finalité tout simplement.

Car Murphy n’étiat clairement pas en forme et allait besoin qu’on lui donne un coup de main. Mais pour ce faire, si Ruben pouvait obtenir un peu plus d’informations pour l’aider, ce serait au mieux. Il ne savait pas si elle était encore apte à répondre à des questions, si elle pouvait l’entendre, mais il sentit sa main attraper un pan de son pantalon et cela voulait au moins dire qu’elle était encore réactive. « J’ai bu… » Sa voix était faible mais elle pouvait parler - ce qui tait déjà un grand pas pour le reste de la soirée. Et, qui plus était, elle répondait en adéquation avec la question que le Hartfield venait de lui poser. « T’as bu, oui ? » Il ne fallait pas qu’il perde le moindre contact. « J'ai bu un truc... quelqu'un a mis quelque chose dedans. » C’était quelque-chose de plausible, en réalité. C’était malheureusement quelque-chose qui arrivait que bien trop souvent dans les bars, où des personnes mal intentionnées avaient des agissements plus que douteux. Cependant, d’ordinaire, les personnes n’étaient pas aptes à décrire qu’effectivement un tiers avait mis une substance dans leur verre - les drogues utilisées en temps normal perturbaient la mémoire. Il fronça quelque peu les sourcils, alors qu’en plus elle frottait son nez avec sa main. Il n’avait pas besoin d’autres indices pour réussir à faire un plus un - malheureusement. « Quelqu’un a mis un truc dans ton verre ou t’as pris un truc toute seule Murphy ? » Ses paroles ne contenaient aucun reproche ou quoi que ce soit, mais il ne pourrait pas s’occuper d’elle d’une façon optimale si elle lui mentait ouvertement.

« M'emmène pas à l'hôtipal... hôpital… » Le téléphone de Ruben était déjà accroché à l’une de ses oreilles et dans peu de temps, quelqu’un du centre d’appel répondrait pour lui venir en aide. « C’est pas une option là, Murphy, je suis désolé. » Parce-que s’il ne demandait pas à ses collègues de prodiguer des soins à la jeune femme, elle risquait d’y rester. Et aux yeux de Ruben, ce n’était pas une option viable et il était hors de question qu’il laisse les événements prendre une telle tournure. « On dira rien à personne si tu veux mais là tu vas y passer si je t’emmène pas à l’hôpital. » Parce-qu’il était aussi évident qu’elle avait pris de son plein gré de la drogue et il pouvait comprendre qu’elle ne désirait pas alarmer les personnes qui pourraient lui être proches. Mais elle les rendrait inquiètes bien plus si elle se laissait dépérir le pavé devant un vulgaire bar. Avec un peu de peine, Ben réussit finalement à rassoir Murphy face à lui, et lui mettant gentiment quelques petites claques sur ses joues, il fit en sorte que son regard se dirige de nouveau dans sa direction - il ne savait pas si c’était très efficace, mais si cette méthode ne portait pas ses fruits il passerait en mode PLS - littéralement, pour le coup. « Je dirai à personne que t’as pris de la drogue. Enfin, je le dirai aux médecins mais pas à d’autres personnes. Mais dis moi ce que t’as pris pour que je puisse t’aider s’il te plait. » Le ton de ses paroles était doux, était rassurant, et son regard allait de paire avec ce dernier.

Se concentrer devient de plus en plus compliqué, surtout alors que la respiration de Murphy prend encore une vitesse supplémentaire. La blonde voit des petites étoiles. Sa conscience s'éparpille à mesure que le temps passe. En un instant, elle a oublié la présence du type à ses côtés. « T’as bu, oui ? » Elle cherche, réfléchit. Elle a trop bu, c'est sûr. Trop par dessus tous les cachets qu'elle a pris en plus de la poudre. Les yeux dans le vague, transpirante, Murphy fait l'inventaire de tout ce qu'elle a ingéré. Malheureusement, son cerveau tourne au ralenti. Ironique, pour quelqu'un habituée aux consommations lui permettant de vivre à cent à l'heure. Alors, elle fait ce qu'elle sait faire de mieux. Elle fait ce qui la rassure, ce dont elle est capable qu'il pleuve, vente ou neige. Elle ment. « Quelqu’un a mis un truc dans ton verre ou t’as pris un truc toute seule Murphy ? » Mais le brun n'est pas dupe. Murphy lui décoche un regard mauvais, s'accrochant à lui comme une ancre au rivage. « Tu... » L'envie de vomir la secoue soudain, la faute à l'alcool. Elle pose une main tremblante contre sa bouche, écarquille les yeux alors que sa respiration se coupe une nouvelle fois. Son corps a décidé de la lâcher, ce soir. Et c'est lentement qu'elle sombre, se débattant encore avec les bribes de conscience qui restent en sa possession.

La voilà qui supplie, luttant contre sa nausée de toutes ses forces. Accrochée à son sauveur, elle soupire de plus en plus faiblement. Son corps passe du froid au chaud en un instant. Murphy est une boussole qui a perdu le nord, et ce depuis bien trop longtemps. Il ne reste plus qu'à faire face aux conséquences de ses actes - la partie la plus difficile, celle à laquelle elle croyait pouvoir échapper éternellement. « C’est pas une option là, Murphy, je suis désolé. » L'intéressée geint, s'affaisse un peu plus contre le mur. A l'hôpital, ils lui poseront des questions. Elle n'a que faire de la confrontation avec les médecins. Elle n'a que faire de tous les dépliants qu'ils voudront bien lui proposer. Elle n'a que faire des avertissements. Elle n'a que faire des lois, qu'elle fait mine de ne pas connaître - qu'elle ne connaît sans doute pas, en fait. « On dira rien à personne si tu veux mais là tu vas y passer si je t’emmène pas à l’hôpital. » « J'ai déjà... C'est pas la première fois... Je connais, ramène moi chez moi. » Sa tentative de se lever est avortée avant même qu'elle ne la mette en place. Ses jambes ne lui répondent de toute façon plus d'aucune manière. Murphy ne sent plus ses orteils. C'est à peine si elle sent ses cordes vocales s'agiter alors que les mots sortent tout seuls de sa bouche.

Alors, Ruben est un salaud et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'il est trop brusque lorsqu'il la ramène sur Terre, l'asseyant d'un geste qu'elle qualifierait de brusque - si elle était en état de protester. Ensuite, parce qu'il lui assène quelques gifles et qu'elle grogne, s'agitant en vain pour lui montrer qu'elle est toujours là. « Je dirai à personne que t’as pris de la drogue. Enfin, je le dirai aux médecins mais pas à d’autres personnes. Mais dis moi ce que t’as pris pour que je puisse t’aider s’il te plait. » Murphy laisse échapper un rire, qui sort de sa cage thoracique malgré elle. La situation n'a rien de drôle et Ruben devrait la laisser là. Voilà ce qu'elle en pense vraiment. Voilà ce qu'elle voulait, au final : qu'on la laisse crever sur le pavé, noyée dans son vomi. Personne ne se serait déplacé à l'enterrement. Son père ne l'aurait appris que des semaines plus tard. Son pauvre père... « De la cocaïne. Du... le truc violet là. » Du lean, en quantité. Les deux substances se battent dans son organisme. Murphy accroche une main mal assurée au bras de Ruben. « Tu devrais pas perdre ton temps. » Après tout, n'est-ce pas ce dont elle a envie ? « Je vais vomir. » Elle ruine les chaussures de Ruben aussitôt la phrase terminée. Au moins, son estomac proteste moins. Au moins, elle est encore capable de respirer - mais pour combien de temps encore ?

« Tu… » Elle aurait beau lui lancer tous les regards noirs du monde,  Murphy, que ça ne changerait rien du tout à la finalité des événements de la soirée. Même si elle ne finissait pas par lui faire la liste des consommations qu’elle avait eu au cours de la soirée, il ferait quand même en sorte qu’elle soit transportée à l’hôpital. Il gagnait juste du temps, qui pourrait peut-être leur permettre de la sauver si les choses tournaient mal. Surtout que l’estomac de Murphy semblait plutôt d’accord avec Ruben qu’avec la jeune femme à qui il appartenait, alors qu’elle portait une main à sa bouche.

Le discours du médecin fut un brin plus appuyé, à partir de ce moment là. Il fallait qu’il soit ferme avec la jeune femme, qu’il tente le tout pour le tout, alors que déjà son téléphone sonnait à son oreille. Dans peu de temps, il tomberait sur ses collègues du centre d’appel et il aurait besoin de donner des informations; dans peu de temps, il perdrait peut-être un peu plus facilement son calme et sa patience face à une Murphy qui avait décidé d’agir comme une enfant et de bouder, apparemment, ce soir. « J'ai déjà... C'est pas la première fois... Je connais, ramène moi chez moi. » - « Je te l’ai dit: c’est pas une option. T’es bloquée avec moi et ma furieuse envie de t’emmener faire un tour aux urgences. » Et il resterait à ses côtés tant qu’il ne l’aurait pas vu branchée à une perfusion dans un box des urgences. De toutes façons, à partir de maintenant, il n’avait pas mieux à faire de sa fin de soirée. Ca la faisait rire un minimum, c’était déjà ça: au moins un des deux qui s’amusait de la situation. « De la cocaïne. Du... le truc violet là. » Ruben pinça les lèvres un instant. « Du lean. » Pas qu’il était un habitué de ces substances, bien au contraire; simplement qu’il avait fini par les apprendre par coeur au fil des années d’études, et ensuite des mois de pratique, parce-que connaitre les substances psychoactives dans son domaine pouvait gagner du temps, sauver des vies - la chanson était toujours la même. « Tu devrais pas perdre ton temps. » - « Ton rôle à toi maintenant, c’est de rester éveillée, d’accord ? » Il tentait au maximum de garder une voix calme, rassurante, et restait dans cette attitude où il essayait de ne pas la pointer du doigt - pas qu’elle ne le méritait pas, mais là n’était pas son rôle. « Je vais vomir. » Le futur s’imposa à l’instant présent très rapidement alors que l’estomac de Murphy se déversait sur les chaussures de Hartfield.

« C’est le docteur Hartfield, du St Vincent. J’ai avec moi une jeune femme d’environ vingt-cinq ans, qui fait une très mauvaise réactive suite à un mélange alcool-drogues. A l’electric playground, juste à côté de l’entrée. Je bouge pas non. Elle est stable pour l’instant, elle a réussi à déverser son estomac sur mes baskets, donc ça devrait l’aider. Elle est prête à perdre connaissance à tout moment, oui. »

Il glissa son téléphone portable dans sa poche lorsqu’il eut le feu vert de son interlocuteur, sans pour autant perdre du regard les yeux de Murphy. « Je vais rester avec toi jusqu’à temps qu’on arrive aux urgences, et on verra ensemble quand t’iras mieux ce que tu veux faire après. » Après, dans le sens où la jeune femme ne pouvait pas se permettre de s’infliger des quantités et des sortes de drogues de la sorte sur le long terme sans que cela lui soit fatal un jour. Il n’avait aucune réelle attache particulière avec Murphy; leurs chemins s’étaient croisés plutôt par hasard, et il n’avait aucun intérêt personnel à faire en sorte que les choses aillent mieux pour elle sur le long terme. Mais Ruben étant Ruben, il ne savait s’arrêter à simplement ses propres compétences, ses connaissances, et se sentait toujours obligé d’aller jusqu’à la limite de là où il était attendu. Et puis, leurs chemins s’étaient tout de même croisés par hasard avant ce soir, ce qui lui permettait de se sentir légitime à agir de la sorte. Pour le moment, il devait surtout se contenter de la maintenir éveillée jusqu’à temps que les secours arrivent, et ils verraient la suite plus tard. Murphy devait juste arriver aux urgences en un seul morceau, et la suite serait important que si elle passait cette overdose courant ses veines.