C'est qu'une soirée comme une autre où tu as légèrement trop bu, où t'as chercher les emmerdes avec la mauvaise personne. C'est qu'une soirée comme un autre où un parfait abruti - l'autre mec, pas toi soyons clair ça pourrait porter à confusion - te crie des menaces de mort. La routine quoi. T'as fait un sprint en quittant le bar pour pas te faire casser la gueule encore une fois. Ton corps commence à peine à se remettre de ta dernière rencontre avec Arthur, ce serait dommage de l'abîmer de nouveau si rapidement. Merci le boost d'adrénaline de toujours être fidèle au poste quand vient le temps de te sauver le cul. Tu sais pas trop pourquoi c'est dans le quartier résidentiel de Toowong que tu as atterri et pas dans celui de Fortitude Valley - c'est là que tu vis, tu te souviens ? Ouais, ouais, sûrement la flemme de parcourir autant de chemin alors que l'appartement de Maisie est juste à côté, à moins de dix minutes. T'as pas vraiment de thune pour payer un taxi jusque chez toi, alors, ouais, squatter le canapé de Maisie semble être la meilleure option. Depuis le temps que tu cours, t'es à deux doigts de te cracher un poumon tellement t'es à bout de souffle. Aucune chance pour que tu puisses te rendre jusqu'à chez toi sans mourir au fin fond d'une ruelle. On sait tous à quel point ça va lui faire plaisir à ta frangine d'héberger son frère adoré - elle fait genre que ça la dérange, mais on sait tous que c'est faux.

Tu montes dans l'échelle de secours. Elle déteste ça Maisie quand tu réveilles tous ses colocs. Très bien voyons voir si elle préfère ta nouvelle technique ou si elle aime mieux que tu sonnes jusqu'à ce que quelqu'un t'ouvre. Si ta mémoire est bonne, c'est celle là, la fenêtre de sa chambre. Vu ton état d'ivresse avancé, ce serait pas si surprenant que tu te trompes. Mais bon, espérons juste que tu tombes sur la chambre de celle qui a un joli cul et non sur celui qui a l'air d'avoir trop d'émotion pour un mec. Tu remercies les chaleurs d'été qui insistent les personnes à dormir les fenêtres ouvertes. C'est presque trop facile. Tellement facile que tu te casses la gueule en enjambant la fenêtre et c'est une chute parfaitement lamentable et très bruyante que tu fais directement sur le sol. Oh ouais, le cris qui se fait entendre est bien celui de ta soeur. C'était bien la bonne fenêtre, pour la bonne chambre. Elle va sûrement te balancer un truc sur la gueule encore. Tes yeux se plissent sous la lumière qui devient éblouissante, bien trop rapidement. « Ferme ça. » que tu grognes en plaçant ton avant-bras par-dessus tes yeux pour t'en cacher. « J'vais, hum, dormir ici si ça te gêne pas. » Ici, directement par terre ? Ouais carrément. T'as connu pire comme nuit. Et que ça la gêne ou pas… ça n'a pas vraiment d'importance. Elle est toute seule au moins ? « Si ton mec est là, j'le balance par la fenêtre. » Ouais, ouais, vraiment crédible alors que t'es étalé comme une merde sur le sol et que tu comptes pas vraiment bouger de là non plus. Le seul mouvement que tu auras, c'est de te lever la tête pour voir que, non, Angus chéri n'est pas des vôtres ce soir. Tant mieux, ça va t'éviter de pas tenir ta menace.

@maisie moriarty

@"SETH MORIARTY" & MAISIE MORIARTY ⊹⊹⊹ You said, "Oh, girl, it's a cold world when you keep it all to yourself", I said, "You can't hide on the inside, all the pain you've ever felt", Ransom my heart, but baby, don't look back 'cause we got nobody else.

(TOOWONG, LOGEMENTS). C’est donc en train de devenir une habitude ? Une constante qui s’installe sans qu’on m’ait demandé mon avis, parce qu’après tout, à quoi bon ? Mon sommeil n’a jamais été un problème ; non, le souci vient de ceux qui ne se gênent pas pour le déranger en m’appelant ou, mieux, en débarquant au milieu de la nuit. Aiden est coutumier du fait depuis quelques semaines, mon téléphone jamais sur silencieux pour parer à ses instants de nostalgie (de galère, en réalité) durant lesquels il semble se souvenir de mon existence. Désormais, je dois aussi compter sur Seth qui, même si ce n’est pas la première fois qu’il me tire de mon lit, semblait s’être calmé ces derniers temps – à croire que se faire passer à tabac a remis en place ses trois neurones. Mais les marques sur son visage désormais cicatrisées, il n’en va pas de même pour son cerveau qui se liquéfie à nouveau pour redevenir aussi inexistant qu’il l’était par le passé, quand, à une heure déraisonnable, je manque la crise cardiaque en étant réveillée par un vacarme assourdissant, si fort qu’un léger cri s’échappe d’entre mes lèvres et j’ai l’impression que mon cœur va littéralement bondir hors de ma poitrine. Il me faut quelques secondes pour me remettre les idées en place, même si mes gestes sont automatiques et que je me suis déjà précipitée vers ma table de chevet pour allumer la lumière. « Ferme ça. » Il est sérieux là ? Si je m’étais pas fait la promesse d’arrêter de le viser avec ce que j’ai sous la main (bon, d’accord, c’est parce que nous sommes dans ma chambre et que cette fois-ci les objets en question sont les miens), il aurait déjà reçu un tsunami de chaussures dans la gueule (à talons, de préférence, peut-être que l’un d’entre eux se serait immiscé dans sa gorge pour lui casser les cordes vocales – et oui, je rêve totalement). « TU TE FOUS DE MOI ? » Je hurle, me fichant bien de réveiller mes colocataires. « Tu te pointes chez moi, tu démontes tout et t’oses encore donner des ordres ? » Connard. « J'vais, hum, dormir ici si ça te gêne pas. » Je finis par sortir de mon lit pour m’agenouiller à terre, là où git sa masse de paumé, et que d’une main, je me saisis sans douceur de son menton pour l’obliger à tourner la tête, à gauche, à droite, et analyser celle-ci à la lumière. Bon, il n’a pas l’air de s’être fait casser la gueule cette fois-ci, il s’améliore. « T’as foutu quoi encore, Seth ? » Il n’a pas de sang sur le visage, mais je ne suis pas dupe. Au pire, il s’est foutu dans la merde. Au mieux, il est juste con et irrespectueux. Je sais même pas quelle opinion je préfère, en réalité. « Si ton mec est là, j'le balance par la fenêtre. » Un instant, je suis tentée de dire que oui, qu’Angus est dans la salle de bain, que je vais me lover dans ses bras dès qu’il reviendra. Mais ça fera fuir Seth et même si l’idée est de le torturer, j’en suis pas au point de l’envoyer passer la nuit dehors. « C’est évident. » Je me moque ouvertement avant de m’asseoir sur mon lit. « Il est pas là, tu pourras pas faire ta démonstration de force. » Pathétique. « T’es au courant qu’il y a une porte d’entrée ? Et même une sonnette ? Et mieux encore, que j’ai un téléphone ? » Et qu’il était pas obligé de briser... quoi au juste ? Je pose mon regard sur le sol. « PUTAIN MAIS T’AS DÉTRUIT MA PLANTE, CONNARD. » Je m’énerve en découvrant les restes de terre de Maddie – oui, comme notre mère, car elle demande autant d’énergie et d’attention que, contrairement à la version humaine, j’arrive plutôt bien à la gérer.

« TU TE FOUS DE MOI ? » Comme si c'était pas assez de la lumière qui t'agresse les yeux, qu'elle te fasse saigner des oreilles en bonus. Tu peux fermer les yeux, parce qu'elle semble ne pas vouloir éteindre, mais tu ne peux rien faire contre sa voix de criarde. « Tu te pointes chez moi, tu démontes tout et t’oses encore donner des ordres ? » Arff, c'est exactement comme ça que tu te sens alors que tu laisses lourdement tomber ton avant-bras sur tes yeux. « Pourquoi faut toujours que tu joues les hystériques ? » Le débit de ta voix est terriblement lent. Encore heureux qu'elle ne perde pas patience avant la fin de ta phrase. Quoique… est-ce qu'il lui en reste encore de la patience avec toi ? Non, sûrement pas. Mais y'a quand même une loi non écrite qui fait qu'elle n'a pas le droit de te foutre à la porte en plein milieu de la nuit parce que t'es son frère - elle doit être ravie. « T’as foutu quoi encore, Seth ? » Tu te rends compte qu'elle est sortie de son lit, parce qu'elle est penché par-dessus toi, ton menton entre ses mains, en train d'observer tes signes vitaux. Dommage, pas encore mort. « J'ai rien fais… c'est l'autre… » L'autre qui quoi ? Personne ne saura jamais parce que tu ne termines jamais ta phrase. Tu te contentes plutôt de repousser ta soeur sans trop de conviction, soyons honnête. C'est à cet instant même que tu as un éclair de génie. Il est là son mec ? T'es tellement dans les vapes que tu n'as même pas remarqué. « C’est évident. » Et merde, faudra que tu te lèves debout. Beaucoup, beaucoup trop d'efforts. Ça peut peut-être attendre à demain pour le passage à tabac ? « Il est pas là, tu pourras pas faire ta démonstration de force. » Ouais, tant mieux. De toute façon, c'est vrai qu'il aurait sans doute déjà intervenu s'il était ici. Tes yeux se ferment tout seul, comme si l'absence de Angus pouvait te permettre de dormir en paix. « T’es au courant qu’il y a une porte d’entrée ? Et même une sonnette ? Et mieux encore, que j’ai un téléphone ? » « Hm. » Et Maisie ne semble pas vouloir te laisser dormir. Pourquoi elle insiste de toute façon ? Elle sait bien que tu te souviendras de rien qui sera prononcé cette nuit dans cette chambre. Tu te souviendras même pas comment t'as fait pour te rendre jusqu'ici. « PUTAIN MAIS T’AS DÉTRUIT MA PLANTE, CONNARD. » Tu grimaces de nouveau à tes oreilles qui sont de nouveau agressé à ses cris de folle furieuse. « Tu veux pas la fermer merde ? » Cette fois-ci ta voix s'élève un peu plus alors que tu ne fais que marmonner depuis ton arrivée catastrophique dans cette chambre. « J'vais péter ta lampe si tu la ferme pas. » À nouveau des menaces que tu ne mettras jamais à exécution. Il n'y a rien qui te feras lever de ce sol pas confortable du tout. À moins que… tu arrives à attraper une chaussure qui traîne au sol en t'étirant le bras. Le lancé de la chaussure est un échec lamentable alors qu'il ne fait même pas un mètre. Meilleure chance la prochaine fois.

Dure à dire ce qui s'est passé dans ton cerveau dans les secondes qui ont suivies. Un court circuit causé par la grande quantité d'alcool dans ton sang sans aucun doute. « T'es pas comme Madelyn. » que tu marmonnes. Oh bien sûr que t'as conscience d'avoir dépassé les bornes lors de la dernière réunion familiale, d'avoir agit sous l'impulsivité. Tu ne l'avoueras jamais à voix haute. Pourtant, les excuses n'ont jamais été aussi proches. Elles te brûlent les lèvres, mais elles n'iront jamais plus loin. Tu déglutis difficilement, voilà tout ce que tu fais. Dommage que ça aussi, tu t'en souviendras pas demain matin.

Je n’ai pas souvenir d’avoir placardé une pancarte indiquant que cette maison est un refuge pour sans-abri, mais il faut croire que le quartier commence à en avoir connaissance. Entre Arthur et Seth, c’est un défilé d’idiots qui squattent le canapé (ou pire, le sol de ma chambre dans ce cas précis et j’en viens à regretter de ne pas avoir de cafards qui me tiennent compagnie) depuis plusieurs semaines et si le premier a l’avantage d’être bien foutu, Seth, lui, est juste foutu, ce qui ne rend pas sa présence des plus agréables. Ouais, l’amour familial, tout ça, je devrais lui dérouler le tapis rouge sous prétexte que c’est mon frère – mais tant qu’il ne sera pas capable de passer par la porte d’entrée comme tout le monde et d’oser dire ces quelques mots interdits qui sont « s’il te plaît » il aura le droit à mes réprimandes. Au fond, je crois qu’il sait très bien que malgré elles, je continue de céder à chacun de ses caprices et que ce n’est pas aujourd’hui que les choses vont changer, alors qu’il tient à peine debout et que le pousser dehors serait sûrement un délit de non-assistance à personne en danger, bon. « Pourquoi faut toujours que tu joues les hystériques ? » Ma mâchoire se crispe alors que mon regard passe en revue ma chambre ; c’était bien plus facile de débarquer dans la sienne parce que je n’avais aucune honte à lui balancer ses affaires au visage alors que cette fois-ci, je n’ai que les miennes à portée de mains et je n’ai aucune envie de les abîmer. J’ai pas vraiment le choix de me détendre, donc. « J’sais pas, pourquoi faut toujours que tu joues les cons ? » Ça ne veut pas dire que je vais être plus agréable pour autant et à question stupide, réponse stupide. Je suis même pas sûre que Seth ait capté ce que je lui dis, puisqu’il a le débit de parole d’un bègue, mais soit. Je sors de mon lit pour m’approcher de lui, évaluer les dégâts, déterminer s’il mérite que je m’inquiète et que je réveille tout le quartier en appelant une ambulance, mais rien à signaler (à part le manque de neurones, mais ça, toute la famille a l’habitude). « J'ai rien fais… c'est l'autre… » « C’est toujours les autres. » Je soupire, autant fatiguée à cause de ma nuit avortée qu’à cause de l’ignorance de Seth – jamais sa faute, toujours celle des autres et quand je songe à sa trentaine qui s’approche, je me demande si un jour il sera capable de prendre ses responsabilités. Et ce bouffon ose encore me repousser, alors que je me fais du souci pour lui. Je devrais le mettre à la porte pour la peine, ou lui faire bouffer la moquette au lieu de dégager mon duvet pour lui préparer la place. Quand je repose mes yeux sur lui, je vois ses yeux à moitié fermés et je ne me prive pas de lui claquer la joue – juste histoire de m’assurer qu’il vit toujours, hein, j’y prends aucun plaisir, voyons. « Hm. » Je lui parle et il n’entend, ne comprend, n’enregistre rien Seth et il ne réagit que quand je réalise qu’il a explosé ma plante quand il a décidé de jouer au ninja alors qu’il a la délicatesse d’un trente-six tonnes. « Tu veux pas la fermer merde ? » Il est sérieux, là ? « J'vais péter ta lampe si tu la ferme pas. » Je claque plus fort encore sa joue – ouais, bon, ok, c’est peut-être une petite gifle – avant d’afficher un grand sourire innocent. « Pardon, t’avais l’air ailleurs, j’ai eu peur. » Il est toujours ailleurs, Seth, c’est son état constant et aujourd’hui ne fait pas exception à la règle, même si je ne mens qu’à moitié, sa léthargie m’inquiète. Je sais qu’il enchaîne les mauvaises décisions autant que les verres quand il sort et je ne veux pas qu’il fasse un coma éthylique ou qu’il se soit fait tabasser là où je ne peux pas voir les dégâts. Je lève les yeux et me moque bruyamment quand il tente de lancer une chaussure sur la lampe, presque réussi (si la lampe était la poubelle située à quelques mètres de là). « Tu vas pas dormir par terre. Fais un effort. » Je lui ordonne en passant mon bras autour de lui pour l’aider à se relever. « T'es pas comme Madelyn. » On manque de trébucher une ou deux fois alors que le lit est littéralement derrière nous, et ce n’est pas tant la faute à l’équilibre précaire de mon frère qu’à la surprise de sa confession. J’arrive à l’asseoir sur le lit, remonte ses jambes sur celui-ci avec difficulté (il mange bien en ce moment Seth ou c’est moi qui suis faible ?) avant de lui enlever ses chaussures et de remettre le duvet sur lui. « Essaie de pas crever. » Que je me contente de lui dire alors que j’ai déjà mille questions en tête, dont une toute particulière que je n’ose pas verbaliser. Est-ce qu’il le pense vraiment ? Je m’abstiens, parce qu’il n’est pas en état de répondre. Et parce que je n’ai pas envie d’entendre la réponse si elle est négative.  

J’ai passé la nuit à garder un œil sur lui, me précipitant pour avancer la bassine à côté de lui dès qu’il toussotait dans son sommeil, remettant la couverture sur lui dès qu’il s’en débarrassait, contrôlant de temps à autre sa respiration en plaçant mon doigt sous son nez dès qu’il ne bougeait pas pendant plus de dix minutes – mais il a survécu et maintenant que je suis rassurée, je vais pouvoir m’occuper moi-même de mettre un terme à son existence, hm. J’ai hésité à mettre de l’arsenic dans les œufs que j’ai préparé, mais eh, j’en ai pas sous la main et je me fais la note mentale de m’en procurer – peu importe la manière, mais j’ai besoin d’avoir un moyen de pression autant sur lui que sur Angus. À défaut, je me suis juste contentée de cracher dans son café, parce que bon, au final je suis une sœur gentille qui tient (un peu) à lui. J’en suis à ma deuxième tasse pour ma part, avachie sur le canapé, dos à la cuisine, le regard qui scrute l’escalier dans l’espoir d’apercevoir le zombie qui me sert de frère. Aux dernières nouvelles, il avait passé la nuit et il respirait encore quand j’ai quitté la chambre, j’imagine que s’il y avait des atteintes cérébrales (autres que celles qu’il a depuis sa naissance, j’entends), il aurait largement eu le temps de trépasser aux cours des dernières heures, alors je peux m’autoriser un moment de calme avant qu’on reprenne la bataille là où on l’a laissée hier soir.

@Seth Moriarty  

« J’sais pas, pourquoi faut toujours que tu joues les cons ? » Blablabla, ce qu'elle est désagréable. Tu roulerais sûrement les yeux si t'en avais encore la force. T'as plus la force de grand chose vu l'état dans lequel tu t'es mis tout seul comme un grand. Ta spécialité! « C’est toujours les autres. » Bah oui, ce n'est certainement pas la tienne. C'est les autres qui ne sont jamais au bon endroit, les autres qui font exprès pour poser les bons mots pour t'énerver. Tu n'es que la conséquence de l'action des autres. C'est tout à fait évident. Dommage que tu sois le seul à voir cette évidence. Maisie s'approche de toi, te gifle sans aucune raison valable. Famille timbrée, on se demande après pourquoi t'es si troublé hen ? Encore et toujours la faute des autres. Encore heureux que t'es les sens un peu engourdis. Tu grimaces sous la claque, mais sûrement pas autant qu'elle l'aurait voulu. Ça chauffe à peine. Meilleure chance la prochaine fois, soeurette. « Pardon, t’avais l’air ailleurs, j’ai eu peur. » Oui, oui, c'est presque crédible. Elle serait bien trop contente que tu crèves. Un poids en moins sur les épaules de tout le monde. Ce n'est que marmonnement incompréhensible qui sort de ta bouche. Si elle pense que ce sont des insultes, elle a vu juste. « Tu vas pas dormir par terre. Fais un effort. » Son bras sous tes épaules, elle fait de son mieux pour te tirer du sol. Elle se donne du mal pour rien, mais tu t'exécutes quand même. Tu la fait presque tomber en t'accrochant à elle pour te redresser. T'as les jambes molles. C'est un miracle si vous vous rendez jusqu'au lit sans aller embrasser le sol de nouveau. Du moment où ta tête touche l'oreiller, tu ne comprends même plus ce qui se passe autour de toi. « Essaie de pas crever. » Les paroles de Maisie semblent soudainement si loin. Tu te retournes sur le côté en marmonnant. Et puis, plus rien. Black out totale. Qu'on te demande pas où t'étais avant, ce que tu fais ici, encore moins comment t'as réussi à te rendre jusqu'ici. Tu te souviens d'absolument rien. C'est pas la première fois que ça t'arrives. Ça devrait sûrement sonner comme une alerte dans ta tête. Mais non. Pas encore. T'es pas encore rendue assez creux. Un jour, ça viendra.

* * *

T'as mal partout quand tu te réveilles le lendemain. T'as la bouche pâteuse et t'as un peu la tête qui tourne. Tu dois mettre un bon cinq minutes à comprendre où est-ce que t'es. T'as plus souvent l'habitude de squatter le canapé que le lit de ta soeur. Il faut croire qu'elle se soucie un peu de ton confort finalement. Ça sent la bouffe en bas. Ton estomac crie famine par cette simple odeur. C'est également la seule raison pour laquelle tu comptes sortir de cette chambre pour aller au premier plancher plutôt que de te sauver par la fenêtre pour éviter le regard mécontent de Maisie ainsi que la pluie de reproches qui viendront avec. C'est déjà chiant. Tu pourras faire semblant d'écouter ce qu'elle a à dire pendant que tu manges. Autrement dit, elle a deux minutes pour vider sa colère. Ou peut-être qu'elle devrait la garder encore un peu pour mieux exploser plus tard. T'as merdé. Et elle sera pas contente Maisie même si ça la regarde absolument pas. Boire comme un trou ne règle pas le problème. Tu as essayé à plusieurs reprises sans succès.

Vous savez quand on est gosse et que ta mère t'attend dans le salon parce que tu rentres bien trop tard ? Vous vous souvenez de la tête qu'elle fait ? Pas la partie où elle est inquiète, plutôt celle où elle est furieuse que vous n'avez pas suivi les consignes ? C'est exactement la tête qu'à Maisie lorsque tu descends les escaliers bien trop lentement. C'est avec Lee qu'elle joue la maman, pas avec toi. On dirait qu'elle l'a oublié. Tu contournes volontairement ta soeur pour aller t'asseoir devant l'assiette que tu présumes être la tienne - peu intéressé à savoir à qui elle appartient en vrai. « C'est froid. » que tu commentes après avoir pris une bouchée. C'est prêt depuis sept heures du mat' ou quoi ? « Un p'tit coup de micro-onde, ça ferait pas de tort. » que tu ajoutes en tendant l'assiette, puis la tasse vers Maisie pour qu'elle s'exécute. Quoi ? C'est important d'être une bonne hôtesse. Qu'elle en soit une pour son frangin préféré.

Je guette l’escalier comme si ma vie en dépendait alors qu’en réalité c’est bien de celle de Seth dont il est question ; c’est son état qui me permettra de jauger si j’abats ma colère contre lui ou si j’essaie d’être plus mature que ça. Je sais très bien que lui faire la morale ne servira à rien – et quelle ironie alors qu’il est supposé être l’aîné – mais j’ai tout essayé pour réussir à le comprendre et à l’aider, sans succès. Il me dirait qu’il est assez grand pour se gérer, qu’il n’a pas besoin de moi et dans le fond, je sais que c’est le cas. Pas qu’il peut se gérer, ses nombreuses cuites et gueules de travers en sont la preuve, mais qu’il n’a pas besoin de moi. C’est moi qui ai besoin de lui, je crois, même si je peine à assumer ce constat. Et je sais que le materner n’est pas la solution, que c’est même souvent la source de son agacement, mais j’y peux rien, je m’inquiète pour lui et je ne sais pas du tout comme m’y prendre. C’est bien plus naturel avec Lee que ça ne l’est avec Seth, et j’ai l’impression que cette tension qui s’est installée entre nous est devenue trop récurrente pour qu’on puisse passer à autre chose. Pourtant, hier soir, j’ai cru apercevoir un autre visage de mon aîné, ses paroles ayant tourné en boucle dans ma boîte crânienne une bonne partie de la nuit et je ne sais pas si j’ai envie de croire que je pourrais retrouver cette version-là de lui-même ce matin ou si j’anticipe de m’être fait des faux-espoirs. C’est peut-être pour trouver une réponse à cette question plus que de déterminer mon attitude à l’égard de Seth que je fixe l’escalier avec autant d’intensité, comme si mon regard dur saurait précipiter le réveil de mon frère.

Mais il faut croire que ça finit par marcher lorsque j’entends la porte de la chambre s’ouvrir et sa silhouette s’animer à l’étage jusqu’à descendre avec une lenteur presque comique cet escalier qui n’a pourtant rien de bien difficile. Mon regard fixé sur les marches analyse désormais Seth qui n’a rien de bien réactif. Certes, il vient de se réveiller et j’en entends pas moins de lui, mais compte tenu de la mine qu’il s’est mis hier, le contraire aurait été étonnant. Il est défoncé et il n’est jamais facile à gérer dans ces cas-là, ne reste qu’à déterminer si c’est l’agressivité ou la provocation qui prendra le dessus tandis que je reste silencieuse pendant qu’il prend ses marques dans cette pièce qu’il connaît pourtant par cœur. J’esquisse même un léger sourire encourageant, parce qu’il ne m’a pas encore attaquée et que peut-être, peut-être, ses paroles de hier étaient sincères. « C'est froid. » Et mon sourire disparaît aussi vite qu’il n’est apparu. « Un p'tit coup de micro-onde, ça ferait pas de tort. » Il me tend l’assiette et la tasse alors que j’ai émergé du canapé pour le rejoindre et je me surprends à ne pas être en colère. Je suis seulement déçue. Et même pas de lui, c’est sûrement ça le pire, alors que c’est bien moi que je déteste à cet instant, et mon putain d’optimisme à créer un lien avec mon frère. Il me traite comme sa servante et il n’a pas tort – je lui ai offert le gîte, c’est logique que le couvert suive. « Bonjour à toi aussi. » Que je rétorque en pinçant les lèvres tandis que je le contourne à mon tour, m’en fichant bien de sa demande et de ce qu’il me tend. « T’as bien dormi ? » Dans mon lit, Seth, tu te rappelles ? Dans un lit que j’ai mis à sa disposition, dans une maison où je l’accueille, à des heures déraisonnables. Je m’attendais pas à une haie d’honneur, mais au moins un merci. « Si t’as réussi à descendre malgré ton incapacité à aligner deux pas, t’arriveras à atteindre le micro-onde. » Je soupire en désignant l’objet d’un signe de la tête, lassée. « Et si t’arrives à tenir ton assiette et ta tasse, je crois, je dis bien je crois, que tu peux tenir la cafetière tout seul comme un grand. » J’affiche mon plus beau sourire moqueur avant qu’un soupir s’échappe d’entre mes lèvres. « Tu te souviens de hier soir ? » J’ai changé de disque quant à cette question que je lui ai déjà posé, et il n’est pas question de savoir ce qui s’est passé hier soir, mais s’il se souvient de ce qu’il a fait ou mieux, de ce qu’il a pu dire.

@Seth Moriarty    

« Bonjour à toi aussi. » Quoi ? Faut vraiment passé par les politesses d'usages ? Depuis le temps, elle doit bien savoir que c'est pas nécessaire, aussi bien aller directement au but : que ce repas n'est pas à la hauteur de tes attentes donc. Heureusement qu'elle n'a pas de bed and breakfast parce que tu lui laisserais une note médiocre. « T’as bien dormi ? » - « Comme un bébé. Ou comme un mort, c'est selon. Vu l'état dans lequel tu t'es endormi, tu devais plus ressembler à un cadavre qu'à un bébé. Elle est sûrement déçue que tu sois pas mort d'ailleurs. C'est ce que son air bête semble vouloir dire du moins. Si elle pouvait arrêter d'être fâchée pour rien et s'occuper plutôt de réparer son erreur de froideur du repas, ce serait apprécié. « Si t’as réussi à descendre malgré ton incapacité à aligner deux pas, t’arriveras à atteindre le micro-onde. » Elle te devance en te désignant l'électroménager avant que tu daignes faire semblant d'ignorer son emplacement. « Et si t’arrives à tenir ton assiette et ta tasse, je crois, je dis bien je crois, que tu peux tenir la cafetière tout seul comme un grand. » Vraiment à chier le service ici. C'est à se demander pourquoi tu reviens sans cesse - sûrement parce que c'est le seul endroit où tu sais que tu peux rester malgré les insultes. Non, tu peux pas trouver mieux, mais tu peux toujours faire semblant que oui. « M'ouais, c'est que j'crois que j'me suis foulé un poignet hier. » que tu ajoutes en mimant une soudainement douleur au poignet droit. Ah non ? Pas crédible ? Tant pis, tu fermes ta gueule et pige dans l'assiette froide. C'est quand même mieux que d'avoir rien à bouffer hen. De toute façon, encore quatre bouchées et tu pourras te casser d'ici si Maisie le fait pas avant. Elle te laisserait jamais passer la nuit dehors, mais le jour… ouaip sans même hésiter. « Tu te souviens de hier soir ? » Tu t'arrêtes soudainement dans ton mouvement pour lever le regard vers elle. Merde. Qu'est-ce que t'as foutu ? Qu'est-ce que t'as dit ? « Ouais ? » que tu mens instantanément en essayant de comprendre si elle parle de quelque chose qui la contrarié ou pas. Dure à dire, mais comme tu passes ton temps à la décevoir tu supposes qu'elle est pas contente. Pour faire changement. « T'es fâché pour ta copine ? » Ouais, c'est sûrement ça, parce que c'est ta dernière connerie en date. « Ou pour ton mec ? » Parce que t'as pas besoin de te souvenir de quoique ce soit pour savoir que tu l'a sûrement menacé de mort hier soir. Alors ? Theo ou Angus ? Les deux sûrement. « J'vais pas m'excuser qu'elle soit trop conne pour prendre la pilule du lendemain et c'est pas d'ma faute si tu sors avec un mec qui en a rien à chier de toi. » que tu lâches tout bonnement. Qu'elle prenne la version qui la contrarie. Ou les deux. Ton attention s'abaisse aussitôt sur ton assiette pour la vider. Mieux vaut se dépêcher parce qu'elle risque de te foutre à la porte dans les prochaines secondes.

« Comme un bébé. » Contrairement au repas, le lit a au moins été à la hauteur. Pourquoi ça m’importe, d’ailleurs ? Vu la gueule qu’il tirait hier, entre ses blessures et son incapacité à aligner deux mots sans manquer de perdre connaissance, je devrais le virer d’ici à coup de pieds au cul plutôt que d’avoir pitié pour son confort. Il ne mérite même pas que je perde mon temps pour lui ou que je continue à me faire un sang d’encre à chaque fois qu’il se pointe à moitié mort devant ma porte. Il connaît pas les remerciements, Seth, non, lui il ne sait que prendre, prendre et encore prendre jusqu’à vider les autres de leur énergie. J’en ai encore à dépenser pour lui, malheureusement, et ça m’énerve. Ça m’énerve parce que je sais que malgré toutes mes bonnes paroles ou mes bonnes résolutions pour lui faire comprendre qu’il serait temps qu’il se comporte comme un adulte et s’occupe de lui-même, je sais que je continuerai de lui ouvrir la porte quoi qu’il arrive, même quand il mérite des claques comme ce matin. Je peux au moins me féliciter de ne pas totalement céder à ses caprices, alors qu’il n’a qu’à se débrouiller si l’assiette est trop froide ou le café pas assez bon. Pas mon problème. « M'ouais, c'est que j'crois que j'me suis foulé un poignet hier. » - « Ce que tu fais avec ta main droite me regarde pas. » Ouais, qu’il se soit battu ou qu’il soit tellement en chien qu’il trouve personne d’autre que sa douce main, c’est pas mon souci. Il m’a suffisamment fait remarquer que ma vie sentimentale était un désert pour que je me permette de le souligner à mon tour. J’ai un copain, maintenant, Seth, c’est qui le plus pathétique des deux, hein ? Ça reste moi, en réalité, alors que j’essaie désespérément de ramener la conversation de hier sur le tapis. J’ai envie d’être sûre qu’il le pensait, que je ne suis pas comme ma mère, que j’ai un peu plus d’estime pour moi-même ou juste... je sais pas. Ma mère n’est pas si pire au final, pourquoi est-ce que je le prends autant à cœur d’être comparée à elle ? Parce que c’est probablement le cauchemar de tout gosse, d’autant plus venant de celui qui ne sait pas aligner les bonnes décisions. Je crois que le jugement m’aurait moins perturbé s’il venait de quelqu’un légitime pour l’émettre, ce qui n’est pas le cas de Seth. « Ouais ? » Il s’en souvient, alors ? Il se souvient qu’il m’a dit les mots les moins blessants qu’il m’ait dits depuis des mois ? Si rares que j’ai vraiment besoin d’avoir la preuve qu’ils étaient sincères ? J’ai presque un sourire sur les lèvres alors qu’il ne m’a pas encore envoyé balader pour me dire d’oublier et que j’ai espoir qu’on puisse enfin avoir une conversation sur toutes ces choses qu’on se reproche mutuellement, mais qui ne sont jamais vraiment discutées. « T'es fâché pour ta copine ? » - « Quoi ? » Quelle copine ? « Ou pour ton mec ? » Il s’en souvient pas. Il s’en souvient pas et il essaie seulement de gagner du temps en me menant en bateau. Mon sourire disparait alors que je ne suis même pas fâchée, juste dépitée d’avoir l’espoir d’arriver à communiquer avec lui. J’suis bonne qu’à lui servir une assiette froide et à lui offrir un lit, mais certainement pas à être une sœur avec laquelle on a envie de parler ou juste de passer du temps. « J'vais pas m'excuser qu'elle soit trop conne pour prendre la pilule du lendemain et c'est pas d'ma faute si tu sors avec un mec qui en a rien à chier de toi. » Mon expression reste neutre un instant. Mais putain, c’est qui cette fameuse copine ? Et il le pense vraiment concernant Angus ? Je sais que j’attends rien de lui et c’est pas le souci, mais il est supposé croire que notre relation est sincère. Et c’est ce qu’il pense, dans sa version de l’histoire ? Qu’Angus n’en a rien à faire de moi ? Et ça le dérange pas de me le balancer comme ça à la figure ? Et si j’étais sincèrement amoureuse du Sutton, il se rend compte à quel point ça me ferait mal ? Est-ce qu’il se rend seulement compte d’à quel point il peut être blessant, Seth ? Parce que je m’en fous complètement d’Angus, mais sa réaction m’atteint plus qu’elle ne le devrait. « Tout va bien avec Angus, arrête ça et fais-toi une raison. » Je commence, soupirant bruyamment pour ne pas exploser. Ce n’est pas bien difficile, en réalité, puisqu’encore une fois je suis plus blessée qu’en colère. « Et de quoi tu me parles, pour le reste ? Si j’avais une pote enceinte, j’ose espérer que je serais au courant avant toi. » Dites-moi pas qu’une de mes potes a eu plus confiance en Seth qu’en moi ? C’est une blague ? « Et depuis quand tu connais mes potes, au juste ? » Oui, bon, il a déjà croisé Theo à quelques reprises, peut-être Wendy aussi, j’en sais rien, mais j’ai pas l’impression qu’ils avaient autre chose à échanger que les politesses d’usage. Alors, c’est quoi le délire ?

@Seth Moriarty

« Ce que tu fais avec ta main droite me regarde pas. » Non, effectivement. Le seul fait que ce genre de conversation la mette mal à l'aise est une motivation suffisante pour aborder le sujet. Elle devrait juste arrêter de jouer les offusqués et tu n'irais même pas dans ce terrain miné. Mais bon, c'est jour de chance pour elle, puisque tu te contentes d'avoir un sourire amusé aux lèvres avant de replonger dans ton assiette. De toute façon, là, c'est elle qui a l'esprit tordu. Il n'y avait aucune arrière pensée sexuelle dans ton commentaire, juste une défaite comme une autre pour faire faire le sale boulot à quelqu'un. Réchauffer une assiette donc. Le sujet tourne finalement vers la soirée d'hier. Est-ce que tu t'en souviens ? Non, pas vraiment. Tu peux même pas dire si c'est elle qui est venu te chercher ou si c'est toi qui t'es ramené jusqu'ici sans y être invité. Les deux sont plausibles. Tu te souviens pas vraiment de ce qui c'est dit hier soir, mais bon, tu peux toujours tenter de jouer aux devinettes. C'est pas comme s'il y avait bien des sujets sur lesquels tu pouvais l'avoir mise en colère. C'est à cause de sa super pote allumeuse et irresponsable ? « Quoi ? » Ou c'est plutôt parce que son mec est le dernier des abrutis ? Dure à choisir, mais c'est inévitablement l'un ou l'autre. Peu importe de qui il s'agit, ce n'est pas ton problème et tu ne manques pas de le préciser. Bien sûr que tu te laves les mains de tout ce bordel. Toujours la faute des autres. Jamais de la tienne. C'est pas prêt de changer de si tôt. « Tout va bien avec Angus, arrête ça et fais-toi une raison. » Tes yeux se lèvent automatiquement au ciel. Alors, c'est vrai ces conneries que l'amour rend aveugle hm ? Parce que Maisie est clairement aveugle pour penser que son couple va bien. Quel connard celui-ci là. Il est pas mieux que mort le jour où elle ouvrira enfin les yeux. « Tu viendras pas dire que je t'avais pas prévenu. » que tu lui réponds les dents serrés. Même si c'est avant tout nourris pas la colère, il y a quand même une bonne intention cachée derrière tout ça ; celle qu'un débile ne brise pas le cœur de ta petite sœur. T'en connais un rayon sur les débiles. Tu sais à quel point ils peuvent faire mal aux demoiselles amourachées. Elle mérite mieux que ça Maisie. « Et de quoi tu me parles, pour le reste ? Si j’avais une pote enceinte, j’ose espérer que je serais au courant avant toi. » Tiens, ça c'est marrant. Tu ricanes un coup. Évidemment que mademoiselle Theo n'est pas allé vanter ses prouesses devant sa chère amie. Ça devait sûrement rester entre vous deux. C'était ça le plan avant qu'elle porte le futur neveu de sa pote hen. T'as presque envie de lui balancer que t'as baisé sa pote directement sur son lieu de travail juste pour la choquée, mais bon, un petit silence avec un sourire arrogant ça fait l'boulot aussi. « Et depuis quand tu connais mes potes, au juste ? » Connaît, c'est un bien grand mot. Tu ne connais pas Theo, ni aucune autre d'ailleurs. « Parfois elle est ici et moi aussi. » C'est comme ça que tu la "connais" Theo. Pour l'avoir croisée chez Maisie avant qu'elle ne te mette à la porte au petit matin. « Tu feras genre que t'es surprise quand elle te demandera d'être la marraine. Perso, j'crois qu'on peut trouver mieux, mais avec son caractère de merde j'aime mieux pas trop la contredire tu vois ? » Ah bah oui hen. Tu hausses les épaules nonchalant, attrape ta tasse que tu vides d'un coup. Vraiment dégueulasse ce café.  Tu essuies ta bouche à même ta manche - la classe. Bah alors Maisie, comment ça se passe les additions dans ta p'tite tête ? Et toi alors ? Quand est-ce que t'arrêtes de jouer au plus con et que tu fais vraiment quelque chose pour régler le problème ? Ou que tu t'assures au moins que Theo soit pas assez conne pour rien faire ?

« Tu viendras pas dire que je t'avais pas prévenu. » Je lève les yeux au ciel, laisse échapper un soupir qui traduit de l’intérêt que j’accorde à ses mises en garde. « Ça se saurait si t’avais le nez fin. » Je souligne avec nonchalance alors que son manque d’enthousiasme me fait plus mal que je ne veux bien l’admettre. Je l’ai cherché ; après tout je n’ai rien trouvé de mieux que de prétendre être folle amoureuse du type qu’il ne peut pas voir, alors je ne peux pas me plaindre de son manque de soutien dans cette relation à laquelle il voudrait probablement lui-même mettre fin. Mais... ça fait des mois que la supercherie dure avec Angus, il serait temps qu’il prétende que mon bonheur lui importe, même un minimum, non ? Même si tout ceci est fake, il ne le sait pas, Seth, et au fond je ne sais pas pourquoi j’ai autant besoin de son approbation pour vivre ma vie. Je ne me suis jamais souciée des opinions et des autorisations, alors pourquoi les siennes sont si importantes ? J’abdique, ne cherche pas à lui faire entendre raison même si j’aimerais que ce soit le cas – de toute évidence, il continuera de désapprouver cette relation jusqu’à ce qu’elle se termine. Et je suis ridicule, parce que c’est très exactement ce que je recherchais ; et c’est ce dont je me plains désormais.

De toute façon, mon intérêt est vite capté par d’autres mots, ceux qui évoquent la grossesse d’une de mes amies. La manière dont il présente les choses me met mal à l’aise ; autant parce que ce sont des confidences qui ne devraient pas venir de lui si elles concernent effectivement l’un de mes amies et parce que je n’aime pas le pseudo rôle qu’il semble se donner là-dedans – même si je crois naïvement, à cet instant, qu’il s’agit d’une oreille – je ne dirais pas attentive vu comme il présente les choses. Il rigole, Seth et moi, je me ferme alors que je ne comprends rien à ce qu’il se passe. Il est encore bourré ? « Parfois elle est ici et moi aussi. » Je fronce les sourcils un instant, dans l’incompréhension. Je ne reçois pas beaucoup d’amis ici, sauf que j’organise une fête et dans ce cas-là, Seth n’est pas le bienvenu. Le reste du temps, Theo et Carl sont les seuls qui peuvent se vanter d’être invités, mais jusqu’à preuve du contraire, je doute que Carl puisse être fécondé, hein. « Tu feras genre que t'es surprise quand elle te demandera d'être la marraine. Perso, j'crois qu'on peut trouver mieux, mais avec son caractère de merde j'aime mieux pas trop la contredire tu vois ? » - « Sérieusement, Seth, arrête ça. » Je ne sais pas à quoi il joue ; j’ignore pour quelle raison il essaie de me provoquer de la sorte avec son air satisfaisait et sa nonchalance. « Theo est pas enceinte. » Elle me l’aurait dit. Et pourquoi je crois à ce qu’il me dit tout à coup, alors que je le connais pour être le pire des mythomanes ? Parce que justement, quand ça me touche, Seth préfère une vérité brutale qu’un joli mensonge. Theo est enceinte ? Non... ça ne peut pas être possible. Je comprends pas. Comment ? Quand ? De qui ? Et mon regard cherche des réponses dans celui de Seth ; réponses qu’en réalité, je ne voulais simplement pas admettre, mais qui font sens une fois que c’est le cas. « On ? » On peut trouver mieux ? Je passe le fait qu’une fois encore il se sent obligé de me rabaisser pour tout et rien ; ne me concentrant que sur l’usage de ces termes jusqu’à sentir mon estomac se nouer et mon cœur s’accélérer face à la surprise qui n’en est plus vraiment une. « T’as mis Theo en cloque ? » Je demande, avec un rire nerveux, dans l’attente d’un déni de sa part maintenant qu’il a vu mon visage blêmir et ma voix manquer d’assurance. Il m’a déstabilisée, il a eu ce qu’il voulait, on peut passer à autre chose, au moment où je le vire d’ici suit à sa mauvaise blague ? Mais il reste silencieux, Seth. Il reste fier, aussi. Il reste provocateur et mon visage pâle contraste désormais avec la colère qui crispe mes muscles. « T’as mis Theo en cloque ?! » Cette fois-ci mon ton se veut plus dur, autant que ma voix porte dans la cuisine. « TU TE FOUS DE MOI ? » Cette fois-ci je n’essaie même pas de contenir mon hurlement en comprenant qu’il est très sérieux, même si je conserve un maigre espoir qu’il se foute de ma gueule. Dites-moi qu’il se fout de ma gueule, il doit se foutre de moi, parce que si c’est bien réel, c’est pas seulement sa gueule de con que je vais exploser, mais tout le reste autour de moi.

@Seth Moriarty  

« Ça se saurait si t’avais le nez fin. » Elle te croit pas ? Génial, ce sera encore plus jouissif de lui dire que tu l'avais prévenu dans quelques semaines - quelques jours ce serait encore mieux. « C'est vrai que j'y connais rien en mec qui se fout d'une meuf hen. » que tu ajoutes très ironiquement. S'il y a bien quelqu'un qui en à rien à foutre des nanas qui passent dans sa vie - sous sa couette - c'est bien toi. Angus agit exactement pareil avec ta soeur - non, c'est faux mais t'arrives à te convaincre que oui. Si ça suffit pas à la convaincre que tu as le nez fin sur sa relation, et bien, tant pis pour elle. Elle a juste à continuer, à l'aimer encore plus, et à se casser solidement la gueule quand tout sera terminé de manière abrupte. Angus aussi aura la gueule cassé, mais pas émotionnellement parlant. Nah, ce sera bien physique pour lui, qu'importe les conséquences qui iront sur ton propre corps. De toute façon, si le sujet de son petit-ami connard ne suffit pas à l'énerver, tu en as un tout autre à lui proposer qui devrait suffir. Tu parles, mais elle ne semble rien comprendre. Elle a très bien compris, elle cherche simplement à éviter l'information. « Sérieusement, Seth, arrête ça. » Et elle préfère agir comme si tu plaisantais. Très bien, si elle veut jouer l'autruche avec ça aussi, qu'elle le fasse. Elle ne pourra toujours pas dire que tu ne l'avais pas prévenu. Ce sont des choses qu'il faut partager entre frères et sœurs la venue d'un nouveau membre de la famille, non ? « Theo est pas enceinte. » I wish. La voilà qui réussit tout de même à mettre un prénom sur l'information. Tranquillement, mais sûrement, le petit train de l'information se rend jusqu'à son cerveau. Tes bras se croisent contre ton torse, bien calé dans ta chaise dans l'attente qu'elle décortique le reste toute seule comme une grande. « On ? » - « On. » que tu confirmes au cas où elle voulait continuer de prétendre qu'elle avait dû mal comprendre un mot. Non, elle a bien compris, et la conclusion qu'elle est à deux doigts de lâcher est bien la bonne. « T’as mis Theo en cloque ? » Ah, nous y voilà. Ding, ding, ding, on a une gagnante. « T’as mis Theo en cloque ?! » Elle répète encore une fois sous ton silence. Enfin, ce n'est plus vraiment une question, c'est plutôt une affirmation. Dit comme ça à haute voix, on dirait presque t'es plus si fier de ton annonce. Maisie a beau être vexée, blessée, peu importe, ça reste toi l'imbécile le plus impacté là-dedans. « TU TE FOUS DE MOI ? » Elle te hurle littéralement dessus. Encore une fois, t'aimerais bien lui dire que oui, tu te fous carrément de sa gueule. Elle pourrait te frapper et tu pourrais rire comme un con bien fier de sa petite blague pas drôle du tout. Sauf que tout ça est bien réel. « Tu dis ça comme si j'l'avais fait exprès. » Non, mais, qu'elle se calme. Pas besoin de crier comme une hystérique pour une simple mise à jour sur ta vie - et celle de sa pote accessoirement. Elle te sur(sous?)-estime si elle te croît capable de mettre sa pote en cloque juste pour l'emmerder. Désolé Maisie, mon monde tourne pas autour de toi. J'ai autre chose à faire que t'emmerder. « T'inquiète, elle va gérer le truc. » Le truc étant un bébé oui. Et tu le dis plus pour te rassurer toi-même qu'elle. Parce qu'il faut que Theo genre le truc-bébé. « D'toute façon, j'compte sur toi pour lui expliquer à quel point elle a pas envie que son mioche ait ma génétique si elle change d'avis. » Maisie peut s'en donner à coeur joie pour rappeler à sa copine à quel point son gosse va manquer des neurones avec un géniteur comme toi. Ouais, son gosse, pas le tien. « Tu vas m'aider hen ? » que tu oses demander. Ta soeur ne laisserait jamais un petit être humain à ta charge. T'arrives même pas à t'occuper de Lee alors qu'il a genre treize ans - ou huit ? T'arrives même pas à t'occuper de toi-même.

« C'est vrai que j'y connais rien en mec qui se fout d'une meuf hen. » - « Angus est pas comme toi. » Les mots s’échappent d’entre mes lèvres sans que je prenne conscience de ceux-ci. La réponse est automatique et vise à avoir le dernier mot autant qu’à lui faire comprendre que ses réflexions ne m’atteignent pas et que je suis très heureuse avec Angus. Dans le fond, ce dernier pourrait se foutre de moi que ça m’importerait peu compte tenu de la nature de notre véritable relation, mais je suis sincère, je ne pense pas qu’il se comporte de la même façon que Seth avec ses copines. On en a jamais discuté et à vrai dire je ne sais même pas l’historique de sa vie sentimentale – c’est pas comme si ça avait de l’importance puisque je ne suis pas en position de lui faire la moindre crise de jalousie. Mais je peux reprocher beaucoup de choses à Angus, dont une certaine moquerie que je perçois parfois comme du manque de respect (que je lui rends bien, bon), mais il ne m’a pas l’air du genre à manipuler les personnes qu’il apprécie, celles qu’il apprécie réellement et dont je ne fais pas partie. Alors je ne peux pas juger, dans le fond et seulement me contenter d’interprétations – mais ce n’est pas bien difficile d’en être assurée puisque n’importe qui traiterait ses plans bien mieux que Seth ne le fait.  

Et même quand je pense qu’il ne peut pas encore plus toucher le fond, il continue de creuser, Seth, alors que ses mots n’ont aucun sens. Que je ne veux pas que ses mots aient le moindre sens, quand les calculs se font dans ma tête, quand il implique Theodora qui n’avait rien à voir avec notre conversation jusqu’ici, quand il m’apprend sa grossesse sans m’apprendre explicitement qu’il est bien le géniteur, prenant sûrement bien trop de plaisir à voir mon visage choqué quand les pièces du puzzle s’assemblent. Seth et Theo. Theo et Seth. Il y a mille raisons pour lesquelles ces deux prénoms ne vont pas ensemble selon moi, mille raisons qu’ils ont ouvertement piétinés pour concevoir un putain de fœtus en sachant très bien que ni l’un ni l’autre n’était en mesure d’assumer une telle responsabilité – et certainement pas mon connard de frère. Ma meilleure amie et mon frère. Sauf qu’on est pas dans un remake inversé de Friends et que cette annonce n’a rien pour m’apaiser. Il s’est tapé ma pote. Il l’a engrossée. Et le pire dans tout ça ? Je me sens responsable, en partie. Je me dis que si je n’avais pas lancé ce foutu jeu avec Angus, on en serait peut-être pas là aujourd’hui, avant de songer au fait que mon imbécile de frère est un queutard et que ça n’aurait probablement rien changé. Il a vu Theo, il n’a pas su se maîtriser parce qu’il est ainsi et je peux même pas m’offusquer qu’il n’ait pas respecté la règle selon laquelle on baise pas les potes, parce que c’est très exactement ce qu’il croit que je fais avec Angus. De sa part, ça ne me surprend pas, mais de Theo... je ne comprends pas. Je comprends pas à quel moment ils ont eu cet écart, comment ils ont pu, surtout en sachant tout ce que je lui avais confié sur mon irresponsable de frangin ; et voilà qu’elle en a fait la semence de son fœtus, parce que je ne peux même pas donner le statut de « père » à Seth vu qu’il en a certainement pas le profil. Il a même pas encore atteint l’adolescence, alors les responsabilités d’adulte, c’est trop lui demander. « On. » Il essaie même pas de se dédouaner, de s’excuser, de baisser la tête. Il affronte mon regard, toute son attitude semble se vanter d’avoir réussi son coup, d’avoir obtenu sa vengeance parce que j’ai le malheur d’être amoureuse de son pire ennemi – selon ce qu’il croit. Ce n’est même pas tant l’information qui me dérange que l’attitude détachée d’un Seth qui me prouve, si j’en doutais encore, qu’il n’a aucune notion des limites. Que sa vie semble être réglée autour du fait de rendre fou sa famille, d’enchaîner les mauvaises décisions, de refuser de grandir. J’ai envie de lui arracher les yeux et de lui coller mon poing dans la figure pour qu’il cesse d’afficher cet air satisfait comme s’il venait de remporter le gros lot – ouais, bravo, tu t’es condamné pour les dix-huit prochaines années, sale con. Je m’énerve, je hurle, je perds le calme que je possédais encore quand je refusais d’admettre la vérité, et j’ai envie de lui balancer sa tasse de café autant que de lui mettre la tête contre son assiette d’œufs froids. « Tu dis ça comme si j'l'avais fait exprès. » - « Va pas me faire croire que tu sais te protéger quand t’es en rut ! » Ce n’est certainement pas le genre de conversation que je voulais tenir avec lui, mais j’ai même pas besoin d’avoir les détails pour savoir que c’est sûrement ce qu’il s’est passé. Ils étaient dans le feu de l’action et ils n’ont pas pensé à l’essentiel, et je suis partagée entre le dégoût d’imaginer mon propre frère dans cette situation qu’à la colère que des supposés adultes ne pensent pas à quelque chose qu’on apprend depuis qu’on a douze ans. « T'inquiète, elle va gérer le truc. » - « Le truc ? Mais putain tu t’entends quand tu parles, Seth ? » Je ne hurle plus, mais ma voix reste ferme et colérique. Putain, j’y crois pas. Il met Theo en cloque, il fait le fier, et il semble se dédouaner du problème jusqu’au bout, mais bordel, dites-moi qu’il a été adopté ou bercé trop près du mur parce que je refuse de partager des gênes avec cette chose. « D'toute façon, j'compte sur toi pour lui expliquer à quel point elle a pas envie que son mioche ait ma génétique si elle change d'avis. » - « PARDON ?! Ah non, non, Seth, c’est ta merde ! » C’est pas moi qui vais tenir la main de ma pote qui s’est fait un plaisir de se faire retourner par mon propre frère, encore moins en sachant que ce discours, je lui le tiens depuis qu’on se connait, mais qu’elle a quand même foncé dans la gueule du loup. « Tu vas m'aider hen ? » Et il insiste en plus, ce connard et c’en est trop, d’un geste brusque, traduisant de ma colère, ma main vient balayer le plan de travail et renverser ma tasse au sol. « Quoi ? À poursuivre la tradition familiale de faire des gosses et de me les refourguer après ?! » Putain qu’est-ce que j’aime Lee, mais j’ai pas signé pour être une mère de substitution et encore moins deux fois plutôt qu’une. Je sais pas ce qu’il attend de moi, s’il veut que je me décide à jouer les tatas gâteaux pour qu’il puisse fuir ses responsabilités ou si je dois prendre le rôle de soutien émotionnel auprès d’une meuf dont je ne veux clairement plus voir la gueule. « Au lieu de vider tes couilles contente-toi de les porter pour une fois et règle le problème avec Theo, c’est elle qui a besoin d’aide actuellement. » Et certainement pas lui qui s’est contenté de déclencher le truc ; je déteste Theo autant que lui à cet instant, mais j’ai conscience qu’elle doit être dans un état bien différent de celui de Seth, qui ne semble pas comprendre la portée de ses actes. « Et dégage d’ici. » Je peux plus le voir. Je peux vraiment plus le voir sans avoir envie de lui balancer la totalité de ma vaisselle dessus et si son fantasme c’était peut-être de sauter ma pote, le mien c’est de faire de son crâne une bouillie en l’éclatant au sol, alors qu’il dégage, parce que j’ai envie d’exploser et contrairement à lui, je suis suffisamment responsable pour savoir que ce n’est pas une bonne idée et qu’il vaut mieux qu’il se tire avant cela.

@Seth Moriarty