Le 519 Wellington Street est une très jolie maison, et le plus important, elle est à vendre. Le but était de rechercher une maison à deux, de choisir ensemble une maison qui conviendrait autant à toi qu'à Dinis. Autant dire que c'était perdu d'avance. Quand toi tu disais trop petit, pas assez de fenêtre, lui il disait le contraire. Peut-être est-ce qu'il essayait juste de gagner un peu plus de temps pour rester le plus longtemps possible dans son appartement miteux ? Oui sans aucun doute. Même si Dinis avait déjà dit non pour la jolie maison sur Wellington Street, t'es quand même venu jusqu'ici pour la voir. En la voyant par tes yeux, tu aurais sûrement de meilleurs arguments pour le convaincre qu'elle était parfaite. Et puis, s'éloigner un peu de la ville ne pourrait qu'être bénéfique autant pour toi que pour lui. Comment ne pas être charmé par la magnifique vue sur la mer ? Et la maison est encore plus belle en vrai que sur les photos. Elle est parfaite. La cuisine est spacieuse. Les comptoirs sont en marbre. Le dressing est immense. Il y a cette pièce chelou qui ne comprend aucune fenêtre au sous-sol. Pour être noir, c'est noir. Le critère de monsieur est comblé. Le seul problème du 519 Wellington Street, c'est le voisin. Et c'est un problème assez majeur. Assez pour te faire désenchantée sur le champ. « Auden Williams, le peintre. » qu'elle présente l'agent d'immeuble alors que ce fameux Auden pointe le bout de son nez dans l'embrasure de sa porte. Il semble très bien accompagné. À l'entendre parler, ça semble être un honneur de vivre aux côtés de Auden Williams le peintre. Pour toi, il restera toujours Auden Williams, l'épine dans le pied. Cette maison si parfaite est rapidement devenue le pire endroit sur cette terre pour y vivre. Si tu as divorcé de Saül, ce n'est certainement pas pour voir la sale tête de son frère (enfin, "frère", même ça c'est devenu relatif) chaque matin en te levant. Adieu joli paradis.

Après avoir fait brièvement semblant que tu allais réfléchir pour la maison (non tu savais déjà que tu la prendrais pas), le mieux serait sûrement de repartir en douce en faisant semblant que jamais tu n'as remarqué la présence de Auden à quelques mètres vers la droite. Mais il y a eu ton regard qui a croisé le sien, démasqué bien trop rapidement. Le jeune homme qui l'accompagnait semble avoir déjà disparu. Tu t'abstiendra de tout commentaire homophobe. Des plans qu'il aille raconter tout ça à Damon, alors que tu veux encore faire semblant pour lui que tu es la reine de la tolérance. Juste deux, trois mots et tu seras rapidement repartie. C'est pas comme si ton ancien beau-frère allait t'inviter à prendre le café. On ne se cachera pas qu'il aurait sans doute préféré que tu poursuives ta route en l'ignorant. « Charmant jeune homme. » Quel âge il a ? Quinze ans ? Il a l'air d'un gosse qui vient tondre le gazon, mais on sait tous que c'est pas ce qu'il est venu faire chez Auden. Des choses que t'as certainement pas envie de savoir. « Paraît que tu t'es fait tirer dessus. » Il a l'air en forme, malgré les circonstances. Commentaire que tu garderas quand même pour toi. Tu préfères encore te dire qu'il a une sale gueule, comme d'habitude.

@auden williams

(@saül williams pour le stalk )

Je trouverai toujours fascinant cette manie que de dire au revoir à un amant avec un baiser alors que je n’offre généralement pas même un regard à mes proches et aux membres de ma famille. Les paradoxes de la vie sont intéressants, et si vous voulez mon avis, en comparaison de la Elise Smith (elle s’est remariée, non ? peu m’importe) qui foule ma pelouse, n’importe quoi (et qui) semble bien plus passionnant que sa personne. Pourtant, la règle est claire: après un contact visuel, difficile d’éviter son adversaire, même si on ne lui porte pas le moindre intérêt. L’homme de cette nuit était bien plus intéressant à mes yeux, quand bien même je n’ai pas pris la peine de retenir son prénom. Il était vraiment intéressant, cet homme désormais occupé à fuir au petit matin. « Charmant jeune homme. » Bien sûr, rien n’échappe à son œil de vautour, quand bien même à mes yeux elle ressemble bien plus à une pie attirée par tout ce qui brille, et uniquement ce qui brille. “Trop jeune de soixante ans et les poches pas assez remplies pour qu’il soit intéressant pour toi, Elise, tu ne m’en veux pas de ne pas te le proposer.” Parce que c’est bien le genre d’homme qu’elle vise, non ? Vieux, malades, assez stupides pour croire qu’une femme comme elle pourrait follement tomber amoureuse d’hommes comme eux. Riche à en crever, voilà le dernier argument dont elle a besoin. Crever, l’ultime mot-clé nécessaire à sa recherche et à la réception que quelques millions de dollars. Je la connais depuis trop longtemps pour me faire moindrement amadouer par son jeu de femme parfaite, peu importe à quel point elle a su le rôder au fil des années. L’homme en question ne l’intéresse pas, il n’est qu’un moyen comme un autre pour elle de faire prévaloir son avis sur les choses. Et autant dire que son avis, j’en ai strictement rien à foutre.

« Paraît que tu t'es fait tirer dessus. » - “Ça alors, rien ne t’échappe.” Ce n’est pas comme si l’histoire de coups de fusil donnés à un mariage avaient fait le tour des médias du pays, ce n’est pas comme si mon prénom s’était retrouvé dans les actualités du web pour ces mêmes raisons, ce n’est pas comme si les mamies de Brisbane avaient soudainement eues peur pour leur vie: ne vous en faites pas mesdames, Otto Lazzari ne s’en prendre qu’aux hommes qui prennent sa place de frère auprès de Saül, et c’est assez précis pour ne laisser que peu de place au doute. “Viens en aux faits, qu’est-ce que tu veux ?” Je ne lui dois rien et l’inverse est tout aussi vrai. Ce n’est pas comme si son divorce avec mon frère et son éloignement de la famille m’avait provoqué la moindre peine, alors ne faisons pas semblant, je suis sûre qu’elle doit aller se faire les ongles cet après-midi et que le timing est serré.

“Trop jeune de soixante ans et les poches pas assez remplies pour qu’il soit intéressant pour toi, Elise, tu ne m’en veux pas de ne pas te le proposer.” Il est en train de comparer son frère à un vieillard de plus de soixante ans ? Hm, c'est vrai qu'il est aussi grincheux qu'eux, mais bien moins plissé - pour l'instant. Même si, bon, c'est pas faux que ça pourrait être totalement ton genre de te remarier à un vieux riche à quelques mois de mourir. Tu ferais une excellente veuve, sans l'ombre d'un doute. Mais bon, parfois, il y a des choses de la vie qu'on n'arrive pas à contrôler. L'amour en fait partie. Ce n'est définitivement pas ce qui se passe sous tes yeux entre Auden et ce jeune homme qui se sauve comme un voleur pris en flagrant délit. Tu n'es quand même pas si idiote. Et de toute façon, les histoires de cœurs de ton ancien beau-frère ne t'intéressent pas le moins du monde. “Ça alors, rien ne t’échappe.” Certainement pas quand un visage connu fait la une des journaux. Certainement pas quand ton se retrouve bouleversé par ce dit événement. Il est bien la seule raison pour laquelle tu es soulagé que Auden ne soit pas décédé suite à ses blessures. Ce gamin a véccu assez de drame et de chagrin pour une vie complète. Il n'a pas besoin d'ajouter la perte de son oncle/géniteur. Tu te demandes comment ça se passe entre eux quand ils sont à l'abri des oreilles indiscrètes. Quelque chose dont il vaut sûrement mieux que tu ne saches pas. À choisir entre Auden et Saül, le choix doit être assez facile.

“Viens en aux faits, qu’est-ce que tu veux ?” Ce que tu lui veux ? Franchement rien du tout. Moins tu côtoies les Williams, mieux tu te portes. Et dégager d'ici le plus rapidement possible semble être la meilleure option pour ne pas gâcher davantage ta journée. « Rien, j'allais partir. » Voilà qui devrait autant le soulager que toi. Aucun de vous deux n'a vraiment envie d'étirer cette rencontre à l'improviste plus que nécessaire. Alors pourquoi tu fermes pas ta gueule et ne t'en va pas d'ici tout de suite ? Parce que tu ne peux pas t'empêcher d'ajouter un petit commentaire passif-agressif, quelle idiote. « J'suis contente de voir que tu aies rapidement passer à autre chose. » Ouais, ouais "contente". T'en à strictement rien à faire qu'il pleure le départ de sa femme tous les soirs, qu'il enchaîne les mecs pour l'oublier ou qu'il sniffe de la coke avec Saül. Rien. À. Faire. « Mais bon, c'est vrai que c'est facile d'oublier quelqu'un quand il n'y avait pas vraiment de sentiments. » De la part de qui ? De elle ? De lui ? Des deux ? Qu'il comprenne ce qu'il a envie de comprendre. De toute façon, t'allais partir. C'est ce que tu lui as dis, non ?

Et déjà, la présence d’Elise m’agace. Elle tourne autour du pot, elle fait des commentaires qui ne m’intéressent pas. Elle est là, tout simplement, et finalement ce simple fait pourrait suffire à résumer tous les autres. Nous sommes bien trop différents pour nous entendre et nous ne partageons pas même le moindre point commun ; alors qu’est-ce qu’elle fait ici, bon sang ? Je sais qu’elle déteste cette discussion sûrement autant que moi, alors j’essaye simplement de trouver une réponse logique à tout ceci. « Rien, j'allais partir. » J’hausse un sourcil étonné, ne comprenant définitivement rien au manège qui se trame sous mes yeux et dans ma propre demeure. A-t-elle tant de temps que ça à perdre de ses journées, la nouvelle célibataire richissime ? Je ne m’étends pas sur les politesses d’au-revoir, sans doute parce que je n’en ai absolument rien à foutre que de me montrer aimable face à elle ; ça aussi, c’est bien le cadet de mes soucis, avouons-le. Nous avons vécu bien trop d’années non loin l’un de l’autre pour connaître le véritable caractèr de chacun, et en venant jusqu’ici elle savait très bien à quoi s’attendre.

Mes doigts déjà agrippés au montant de la porte dans l’optique de la refermer, j’ai pourtant le mauvais réflexe de m’immobiliser lorsqu’elle ouvre à nouveau la bouche plutôt que de retourner sur ses pas. « J'suis contente de voir que tu aies rapidement passer à autre chose. » Mon regard noir se noie aussitôt dans le sien, mon visage fermé ô possible démontrant à quel point je ne la suis pas dans l’amusement qu’elle a à prononcer de telles paroles. Elle devrait apprendre à se la fermer, non seulement pour le bien collectif, mais aussi pour son propre bien. La suite de ses paroles ne peut témoigner que davantage encore de cet état d’esprit. « Mais bon, c'est vrai que c'est facile d'oublier quelqu'un quand il n'y avait pas vraiment de sentiments. » - “Fais attention à ce que tu dis Elise, les accidents sont vite arrivés.” Si j’ai pu briser un os à Ginny, je n’aurai aucun mal à en faire de même avec ceux de son corps, et cela ne me posera pas même le moindre problème moral. Elle sait, Elise, que ces mots-là ne sont pas des paroles en l’air se voulant effrayantes pour que je n’ai pas à les mettre à exécution pour lui prouver quoi que ce soit. Je le ferai s’il le faut, et qu’elle essaye de pleurer contre Saül suite à ça. Je n’ai rien à perdre, moi. “Et y’a pas vraiment de raisons pour que je me retienne s’il s’agit de toi.” Je devrais le faire pour Damon, sans doute, mais même le prénom de mon propre fils n’est pas suffisant pour calmer ma colère dès lors qu’il est question de ma femme - parce que sans papiers de divorce signés, je continuerai de l’appeler ainsi, quoi qu’autrui puisse en penser. “T’avise pas de parler d’elle.” Je finis de gronder, mon avis sur la question étant largement tranché. Elle représente un sujet dont il ne faut pas parler ; elle est un mot censuré dont je veux garder la mémoire aussi parfaite que possible, peu importe à quel point cela me fait mentir. "J'dis ça pour ton bien."

“Fais attention à ce que tu dis Elise, les accidents sont vite arrivés.” Ah tiens donc, est-ce que tu viendrais de toucher une corde sensible ? On dirait bien. Tu n'es pas si idiote dans ton hypocrisie. Ça va de soi que Auden était réellement amoureux de Ginny - et inversement - sans quoi ils ne se seraient pas mariés. Auden et le mariage, ça n'a jamais semblé faire bon ménage. Tu n'as pas trop suivi le pourquoi du comment que leur relation s'est terminée, et ça ne t'intéresse pas vraiment d'en savoir plus non plus. Est ce que tu prends ces menaces à la légère ? Absolument. C'est sûrement pour ça qu'un sourire sournois se glisse sur tes lèvres. Toujours là à se penser mieux que les autres ? Évidemment. Mieux que Auden ? Sans même hésiter une seule seconde. “Et y’a pas vraiment de raisons pour que je me retienne s’il s’agit de toi.” Ah non ? Vaiment aucune ? Pas même pour Damon ? C'est sûrement agaçant pour lui que tu aies une place aussi importante dans la vie de son fils malgré tout. Que tu aies encore conserver cette place privilégiée dans sa vie même après qu'il ait découvert la vérité. Oui, c'est sûrement frustrant pour lui. Autant que ce l'est pour toi que ce soit Auden qui partage la même génétique que Cosimo. « Oh, vraiment ? Aucune raison ? Tu crois que Damon pourrait te pardonner une telle chose ? » Peut-être bien en vérité. Il a bien "pardonné" à ses parents pour lui avoir menti toute sa vie. Il y a t'il des choses qu'il ne pourrait pas pardonner à Auden ? Il faut dire qu'entre lui et Saül ces temps-ci, le choix ne doit pas être si difficile à faire. “T’avise pas de parler d’elle.” Tu lèves les yeux au ciel. C'est pas comme si tu connaissais réellement Ginny de toute manière. Tout ce que tu peux bien raconter sur elle ne sont que pur mensonge. Elle a sans l'ombre d'un doute gâché sa vie en divorçant d'un Fitzgerald et en épousant un Williams qui n'est personne. Elle méritait mieux que ça. C'est pas faute d'avoir essayé, mais elle n'a jamais voulu suivre la trace qui lui était déjà toute dessinée pour elle. "J'dis ça pour ton bien." - « Et on sait tous à quel point mon bien t'importe. » C'est-à-dire qu'il n'en a absolument rien à faire. Il préférait sans aucun doute te voir morte et enterrée. Ça va, le désir est partagée. Le retour de Auden dans votre vie il y a plus de deux ans, n'a rien apporté de bon. Ce n'est que source de problème depuis que la vérité à éclaté entre les deux frères. « T'as pas un fils à t'occuper au lieu de… » Au lieu de quoi ? Baiser des gosses du même sexe que lui ? Une mine de dégoût passe sur ton visage. Tu espères qu'il soit pas assez irresponsable pour ramener des hommes alors que son fils dort dans la chambre d'à côté. « Il est avec sa mère ? » C'est sûrement l'hypothèse la plus plausible. Il sera bien mieux avec elle de toute manière. « Un autre que tu verras pas grandir. » Un autre qui s'en sortira bien mieux sans lui.

Je la préviens du danger vers lequel elle semble courir innocemment et la seule chose qu’elle trouve à faire, c’est de sourire davantage encore. Voilà pourquoi elle a passé sa vie auprès d’une personne telle que mon frère: elle est totalement inconsciente des choses, de la vie, de ses dangers et de ses tourments. Elle n’a rien vu de tout ça, Elise, dans sa cage dorée. « Oh, vraiment ? Aucune raison ? Tu crois que Damon pourrait te pardonner une telle chose ? » Pour des raisons bien différentes et bien plus cruelles aussi, c’est à mon tour de rigoler de ce qu’elle me dit. “Tu penses que c’est le gamin qui te sauverait ?” Il m’en voudrait, c’est un fait, mais il est bien trop bon pour que ça n’aille plus loin. Il me dirait que je suis un monstre, il me dirait qu’il ne veut plus rien avoir à faire avec moi, et après quelques temps on retrouverait de nouveau le chemin d’une discussion plus apaisée, parce qu’il a autant envie de me connaître que l’inverse est véridique. Il est mon fils, à défaut qu’Elise ait quoi que ce soit d’une véritable mère pour lui. Qui plus est, comme je l’ai dit, des accidents arrivent tous les jours.

Mon sourire disparaît pourtant à la seconde même où le prénom de ma femme se mêle à la discussion et je la préviens sans la moindre once de joie de ne pas aller plus loin: ce serait une voie sans issue, surtout alors que je sais qu’Elise n’aurait rien de positif à dire au sujet de la mère de mon fils ou de notre relation. « Et on sait tous à quel point mon bien t'importe. » - “J’ai simplement pas envie de me traîner un cadavre.” J’annonce rapidement et sans équivoque, la laissant réfléchir elle-même pour savoir si oui ou non je suis en train de rigoler à ainsi parler de sa mort. Après tout, j’estime que son absence ne serait pas un problème à aucune niveau, alors à bien y réfléchir ce serait effectivement une possibilité enviable que de la supprimer une bonne fois pour toutes. « T'as pas un fils à t'occuper au lieu de… » Je serre la mâchoire, conscient que la seule réponse à cela se résume à ‘non’. Non, je n’ai pas un fils à m’occuper. Non, je n’ai rien d’autre à faire au lieu de. Sloan n’est plus là, je ne peux pas peindre non plus. Alors plutôt que de tourner de façon évidente tel un chien en cage, j’occupe mon temps avec des amants d’un soir qui ont le don de plus m’agacer que de me rendre heureux. Mais ça non plus, je n’oserai certainement pas l’avouer à voix haute, parce que ce serait parler de bien trop de faiblesses. « Il est avec sa mère ? » Elise n’a pas besoin d’entendre ma réponse. Elle a beaucoup de défauts, c’est bien vrai, mais elle n’est pas complètement stupide. Bien sûr qu’il est avec sa mère ; et non, je n’ai aucune idée de quand est-ce que je pourrai le retrouver. « Un autre que tu verras pas grandir. » Et c’est incroyable, ce que l’adrénaline peut procurer comme super pouvoir au corps quand, sans même avoir à y réfléchir, ma main vient lâcher la béquille que je transporte pour mieux s’enrouler avec rage autour de la gorge fine de la jeune divorcée. “Je rigole pas quand je dis que je pourrais te tuer, Elise.” J’annonce, mes yeux dans les siens. Je me moque des conséquences, je me moque de ce qu’en diraient Saül ou Damon. Elle est un poids mort, un boulet qu’on se trimbale tous, et je suis persuadé que nous ne pourrions que mieux nous porter en son absence. “T’as marié un homme que t’as jamais aimé, élevé un enfant qui ne sera jamais le tien, et maintenant que tout le monde a trouvé des personnes bien meilleures pour te remplacer, tu continues de nous tourner autour comme un vautour.” Elle a vécu au crochet des Williams pendant des années, et maintenant que nous l’avons tous abandonné, comment pourrait-elle savoir à quoi ressemble une vie digne de ce nom ? "Passe à autre chose ou je m'en occuperai personnellement."

“Tu penses que c’est le gamin qui te sauverait ?” - « Ça devrait si tu te soucies vraiment de ce qu'il ressent comme tu le prétends. » Ce qui ne semble pas faire réellement si Damon n'est pas une raison suffisante pour ne pas mettre ses menaces de mort à exécution. De toute façon, menace ou pas, ce n'est pas ce qui te fait peur. Tout le monde à une grande gueule et personne ne fait jamais rien. Du moins, c'est comme ça dans ton monde à toi, celui où personne n'est prêt à avoir du sang sur les mains. Et Auden ? C'est qu'un beau parleur comme tous les autres. Après deux-trois insultes vous pourrez gentiment reprendre le cours de votre vie et ne plus jamais vous recroiser avant une bonne année, voir même plus ce ne serait pas de refus. “J’ai simplement pas envie de me traîner un cadavre.” Tu lèves les yeux au ciel. Oh bien sûr, ces recommandations ne sont pas vraiment pour ton bien, mais parve qu'un cadavre est lourd à porter. C'est vrai que dans son état il doit pas pouvoir aller creuser ta tombe au fin fond de nul part. C'est sûrement à ce moment-là que tu aurais dû partir, mais non, il fallait que tu testes ses limites, que tu joues avec le feu. On sait tous ce qui arrive quand on joue avec le feu; on finit par se brûler. Un simple remarque sur l'absence de son fils et la seconde d'après, ses doigts se serrent autour de ta gorge. Un bel appuie en guise de sa béquille dis donc. Il n'est pas le premier Williams à te malmener, et il n'est sûrement pas le dernier, malheureux. Être dans l'ombre de son aîné, c'est courir la chance de subir sa colère. “Je rigole pas quand je dis que je pourrais te tuer, Elise.” Et à aucun moment, ton regard ne trahira la douleur et l'air qui entre bien trop difficilement jusqu'à tes poumons. À aucun moment tu ne vas le supplier de relâcher sa prise, ça lui ferait bien trop plaisir. Jamais, il ne décèlera la peur qui te bouffe les entrailles, tu mourras sous ses doigts bien avant. Jamais personne ne verra la petite fille brisé à l'intérieur juste la femme inébranlable de l'extérieur. Le feu de colère dans ses pupilles se reflètent parfaitement dans les tiens. Va te faire foutre Auden. “T’as marié un homme que t’as jamais aimé, élevé un enfant qui ne sera jamais le tien, et maintenant que tout le monde a trouvé des personnes bien meilleures pour te remplacer, tu continues de nous tourner autour comme un vautour.” Des personnes bien meilleures pour te remplacer ? Il parle de la jolie rouquine qui n'a même pas su supporter Saül plus de quelques mois ? Personne ne t'a remplacé, il est plus seul que jamais et il doit sans doute regretter d'avoir céder aux caprices de cette gamine et d'avoir détruit votre famille. Et Damon ? C'est toi ou c'est rien. "Passe à autre chose ou je m'en occuperai personnellement." Passer à autre chose ? Quelle arrogance. « Personne ne m'a remplacé. » Ta voix trouve difficilement le chemin jusqu'à la sortie. Ta trachée toujours contractée sous les doigts de Auden n'y est pas pour rien. Tes griffes viennent se planter automatiquement dans son poignet avec le manque d'oxygène qui devient de plus en plus présent. « Me manque surtout pas. T'aura… pas de deuxième chances. » Qu'il sert plus fort, qu'il laisse des traces, ce sera encore plus facile pour toi de jouer les victimes, d'appeler les services sociaux parce que tu es très inquiète pour son fils. Achève-moi avant que ce soit moi qui t'achève. Combien de secondes encore avant que le manque d'oxygène te fasse perdre conscience ?

Elle a tout aussi peu le droit de parler de Damon qu’elle peut le faire de Sloan. Je me moque bien qu’il l’ait appelé ‘maman’ pendant toute sa vie, cela ne changera jamais le fait que pas une once de son sang coule dans celui du gamin. Il est trop bon pour en vouloir à autrui, c’est pour cette raison que je ne me fie pas totalement à l’avis du blond pour me forger le sien. Qu’il me déteste s’il le veut, mais je n’accepterai pas que mes faits et gestes soient dictés par les émotions d’un autre, qui plus est un homme dans son genre qui a un cœur bien trop immense pour que cela ait quoi que ce soit d’une bonne idée. Tôt ou tard, il se fera prendre au piège. « Ça devrait si tu te soucies vraiment de ce qu'il ressent comme tu le prétends. » J’esquisse un sourire froid, sans émotion. Si elle pensait être sauvée simplement grâce à l’affection que Damon continue d’éprouver à son égard, j’espère qu’elle comprendra bien assez vite qu’elle doit revoir son plan d’attaque. Je ne prétends pas me soucier de lui, c’est un fait avéré, mais ce n’est rien qui ne puisse éclipser mes propres ressentis non plus.

Force est de constater qu’elle n’a pas revu moindrement son plan, et je m’en rends d’autant plus compte alors qu’elle me tient frontalement des reproches au sujet de Sloan, ce qui a pour conséquence direct de lui couper le souffle alors que mes doigts s’enroulent sans retenue autour de son cou si fin, si fragile. Peu importe à quel point elle est douée dans son rôle de la femme inébranlable, je sais que je la tiens trop fermement pour qu’elle ne ressente pas déjà le manque d’air, ni que son corps soit en état d’alerte maximale à l’idée de tomber dans les pommes et se retrouver à la merci de l’inconnu. Elle joue bien, j’en conviens, mais les veines saillantes contre ses tempes trahissent ce qu’il se passe dans son cerveau, et je ne voudrais pas me retrouver au milieu de ce capharnaüm, alors je me contente de la prévenir d’une possible éventualité à cette discussion: sa mort. Je n’aurais aucun scrupule à ôter la vie à un être humain, surtout alors que je juge l’idée plutôt pas si mauvaise, et si nous en sommes arrivés là ce n’est que par sa faute et sa faute seule. Si je prends finalement le temps de lui expliquer qu’elle n’est plus rien ni personne, ce n’est que par sadisme, et parce que je sais qu’elle aura tout le mal du monde à articuler le moindre mot en retour alors cela devrait calmer ses ardeurs. « Personne ne m'a remplacé. » Elle lutte, nage à contre-courant, fait de son mieux au milieu de la tempête. C’est admirable autant que c’en est pathétique, tel que ses ongles qui trouvent leur chemin jusque dans ma chair et en arrachent quelques bouts de peau superficiels. Pathétique. “Tu n’es plus personne, Elise, pas même une Williams.” Elle n’a plus de mari, plus de famille, plus d’enfant. Elle n’a plus rien ni personne, Elise qui avait construit toute sa vie autour d’un mensonge savamment ficelé. Je ne sais pas de quelle magie elle use pour se voiler la face à ce point, mais elle est très puissante.

« Me manque surtout pas. T'aura… pas de deuxième chances. » Cette fois-ci, c’est un rire que je laisse échapper, ce petit aparté m’ayant momentanément tiré de ma propre condition alors que mes doigts retrouvent la béquille à peine ont-ils quitté sa nuque. Je ne le fais pas sous le coup de ses menaces, simplement parce que la plus haute preuve de sadisme s’observe chez ceux qui laissent leur proie blessée et terrorisée tenter de s’enfuir sous leurs yeux et lutter pour survivre. La tuer sur le coup n’a rien d’amusant en comparaison ; il n’y aurait plus rien avec quoi jouer suite à ça. Mon visage trouve place près du sien, dans un murmure n’ayant rien de tendre. “J’aurai toutes les chances dont j’ai envie.” Elle est faible, Elise, elle l’a toujours été. Elle a toujours fait illusion, mais cela ne change rien à la réalité des faits. “Regarde toi, vingt ans auprès de nous et t’es devenue une coquille vide.” Elle est devenue comme toutes ces personnes qu’elle déteste du plus profond de son âme, et contre ça elle ne peut plus rien y faire. On a pris sa vie, son temps, son énergie, et maintenant que plus personne n’a besoin d’elle la voilà relâchée dans la nature, sans le moindre objectif de vie.

Ne pas paniquer. Voilà ce que tu te répètes continuellement au fur et à mesure que l'air passe plus difficilement dans tes voies respiratoires. Ton regard est mauvais alors qu'il ne veut être que suppliant. “Tu n’es plus personne, Elise, pas même une Williams.” Et les mots blesseront toujours plus que les mains ne peuvent le faire. Les cicatrices physiques guérissent bien plus facilement qu'un âme en miettes. Non, tu n'es plus personne. Il a tout-à-fait raison Auden. Ça explique le perpétuel vide que tu ressens depuis des mois, voire des années même. C'est à ce demander si tu as déjà été quelqu'un. Tu as passé ta vie entière à vivre pour les autres, à faire ce qu'on attendait de toi plutôt que ce que tu désirais réellement. Tu t'es perdu au travers des mensonges et des faux-semblants. Non, tu ne t'es jamais trouvé en fait. Voilà le véritable problème.

Il connaît très bien les limites que peut supporter un corps humain Auden. Sûrement qu'il a dû sentir ton corps se ramollir sous ses doigts, mais deux secondes de plus sans oxygène et tu te serais sans doute évanouie sous sa prise. Sa main quitte ta gorge pour retrouver sa béquille qui lui sert visiblement à rien vu la facilité qu'il a eu à venir t'étrangler sans elle. L'air qui retrouve le chemin jusqu'à tes poumons brûle comme du feu. Ne pas t'écraser au sol comme une merde devant Auden. Voilà le prochain défi qui te demande le peu d'énergie qu'il te reste. Tu es prise d'une quinte de toux alors que le taux d'oxygène revient doucement à la normale, que ton visage retrouve son teint pâle habituel. Ça fait mal, mais c'est toujours pas ce qui fait le plus mal. Quand tes yeux se lèvent vers le Williams, tu peux parfaitement reconnaître le regard sadique qu'il partage avec son aîné - peu importe l'absence de liens de sang qui les unissent réellement. “J’aurai toutes les chances dont j’ai envie.” Non. Sûrement pas. C'est tout de même un pas vers l'arrière que tu fais, comme si ça pouvait l'empêcher de refaire une deuxième tentative. Ce qui est plutôt idiot vu le nombre de mètres qu'il vient tout juste de franchir pour t'atteindre. Dégager d'ici au plus vite, voilà ton prochain objectif. “Regarde toi, vingt ans auprès de nous et t’es devenue une coquille vide.” C'est sans aucun doute la meilleure méthode pour ne pas sombrer dans la folie lorsqu'on côtoie une famille comme les Williams; être une coquille vide que rien n'atteint. Il est doué Saül, pour toucher les cordes sensibles. Voilà un autre aspect qu'il semble partager avec son frère. Votre vie était bien meilleure sans la présence de ce parasite de Auden. « Va te faire voir. » que tu te contentes de lui cracher au visage en poursuivant tes pas vers l'arrière, comme si tu avais peur de te faire poignarder en plein dos à la seconde où tu te retournerais. Qui avait-il vraiment à ajouter ? Rien. Tu n'es pas encore assez idiote pour pousser la provocation encore plus loin. Tu veux juste partir d'ici le plus rapidement possible et espérer que plus jamais ton chemin ne recroise celui de Auden. Ce qui risque d'être très peu probable vu le fils que vous partagez à votre plus grand malheur.

« Va te faire voir. »

Toutes les discussions ont la même fin, c’en est presque ennuyant. Je reprends appui sur ma béquille, redresse mon dos jusqu’à la limite où cela ne réveille pas les points de ma cicatrice. Il n’y a rien à répondre à cela, c’est notre façon à nous de nous dire au revoir et de se souhaiter bonne continuation, sans oublier le souhait de ne jamais ô grand jamais recroiser le chemin l’un de l’autre. Elle savait qu’elle ne gagnerait rien en venant jusqu’ici, je n’ai fait que lui en apporter la confirmation, parce qu’elle en avait apparemment besoin. J’espère que maintenant, au moins, elle aura retenu la leçon de se tenir loin des Williams, et pour assurer la chose j’ajoute finalement quelques mots à notre conversation qui n’est déjà plus.

“La mère de Damon est en vie. Elle a repris contact avec lui.” Et ça, je pourrais mettre ma main à couper que le gamin n’a pas jugé nécessaire de le partager avec celle qui l’a plus ou moins élevé toute sa vie durant. Peu importe ce que pourra penser Damon du fait que ce soit moi qui le transmette à Elise, elle mérite de le savoir de la pire manière qui soit, d’une voix blanche et sans le moindre sentiment. “Elle est à Brisbane.” Et elle va lui prendre une place qu’Elise n’a de toute façon jamais eu, voilà où je veux en venir, et voilà ce qu’elle va irrémédiablement finir par penser elle-même, parce que c’est le cheminement qu’aurait entrepris n’importe quel cerveau humain. Elle est une mère sans légitimité, sans lien de parenté, et qui plus est a perdu son mariage. En somme, tout ne tient qu’à un fil et Eliana est là pour le briser. Tant mieux. Je n’apprécie pas le retour de l’italienne dans la vie de mon fils mais si cela peut permettre d’éloigner Elise pour de bon, alors ce sera au moins une bonne chose à retenir de tout ça. Finalement, pour lui faire comprendre que je ne cherche pas à relancer une discussion qui n’a de toute façon jamais existé, c’est la porte de la maison que je viens claquer entre nous, languissant de retourner à mon propre quotidien tranquille.