| | | (#)Sam 12 Fév 2022 - 12:08 | |
|
family ties (what bonds us together) Jeudi 7 Janvier 2021.
Mes pneus crissent sur le macadam brûlant, conséquence d'un coup de frein donné à la toute dernière seconde. Le conducteur en pick-up derrière moi me dépasse en faisant rugir son klaxon. À travers la vitre ouverte, il me semble même entendre un certain mot qui, dans d'autres circonstances, lui aurait valu une amende pour outrage à agent. Mais je n'ai pas le temps pour ça. Ainsi, je me contente d'un sourire victorieux lorsque son regard assassin croise le mien. Parce que le clignotant qu'il avait enclenché en avance ne laisse planer aucun doute : ce qui le contrarie le plus, ce n'est pas mon changement brutal de direction. C'est qu'il convoitait cette place fraîchement libérée, et que manque de chance pour lui… moi aussi. Et dans ce coin résidentiel de Fortitude Valley où peu d'immeubles proposent un parking, les stationnements sont des denrées rares, à fortiori à cette heure de la journée où la plupart des actifs rentrent du travail. C'est déjà un miracle d'avoir trouvé de quoi garer ma moto au bout de deux tours seulement, alors tant pis pour le grincheux de service. Premier arrivé, premier servi.
J'enlève mon casque avant de plonger ma main libre dans la poche de mon perfecto, récupérant un morceau de papier froissé. Je le déplie, et relis les informations notées de mon écriture : un nom, une adresse. Rien d'autre. C'est tout ce dont j'ai besoin. Désormais à pied, je couvre la distance qui me sépare encore de mon objectif. Je suis en veine, semble-t-il : à l'instant où j'arrive, une résidente munie de ses sacs de courses encore vides pousse la porte du hall. Elle a l'amabilité de la laisser ouverte pour moi - je m'engouffre à l'intérieur sans demander mon reste. Un petit coup d'œil aux boîtes aux lettres plus tard, j'emprunte les escaliers, et me retrouve devant le numéro convoité, celui inscrit sur mon bout de bloc-notes estampillé Police du Queensland.
En bref, je suis chez Byron Oberkampf. Un étranger et mon demi-frère par adoption.
Je frappe sans attendre. J'aurais pu faire mine de lever le poing, m'arrêter en plein mouvement, fermer les yeux et inspirer/expirer à fond, comme dans les films, quand le protagoniste se prépare à vivre une forte émotion. Mais je suis dans la réalité, et tourner autour du pot n'est pas du tout dans mon caractère. Rester là, à me demander si l'occupant des lieux va m'accueillir à bras ouverts ou me claquer la porte au nez ne changera en rien sa réaction. Inutile, donc, de perdre un temps que je considère comme précieux.
Le visage qui apparaît dans l'encadrement m'est inconnu. Sûrement la colocataire de l'homme que je suis venue voir, manifestement sur le point de partir, à en juger par son air aussi surpris que pressé. Je décide d'en profiter pour me frayer un chemin à l'intérieur et me pare de mon plus beau sourire. « Bonjour. Byron est là ? » Si elle me répond que non, je la prendrais en flagrant délit de mensonge éhonté. Elle acquiesce pourtant, s'effaçant afin de me laisser passer, puis élève la voix. « Byron, t'as une amie qui vient d'arriver ! » Il y a méprise, peut-être parce qu'elle a autre chose à faire que de tergiverser. C'est tant mieux pour ma pomme. « Je file ! » Elle s'empresse d'ajouter sur le même ton.
Bientôt, je me retrouve seule dans le hall alors que des pas se font entendre à quelques mètres. J'ai beau jouer les dures à cuire, mon cœur bat plus fort à mesure que Byron se rapproche.
Je vais arranger ça pour toi, grand frère. Je te le promets.
@Byron Oberkampf
Dernière édition par Alexa Monroe le Mer 9 Mar 2022 - 21:22, édité 2 fois |
| | | | (#)Ven 4 Mar 2022 - 17:56 | |
|
Family ties Victoire est sur le départ. Le travail l'appelle. Pourtant, je ne suis pas dupe. Son regard ne ment pas. Elle est inquiète. Elle connaît le cataclysme qui m'est tombé dessus, il y a quelques semaines. La découverte de ce frère. Jacob. Dont je suis sans nouvelle. Il ne répond pas à mes appels. Pas plus à mes textos. À défaut de ne pouvoir le voir, je me morfonds dans un silence mortifère. Au grand dam de ma colocataire. Elle tente, par tous les moyens, de me botter les fesses pour que je me bouge. Je tourne la page. J'avance. Chose compliquée, d'autant plus lorsque je suis brouillé avec mon parrain. En ce début d'année, j'ai la sensation d'être l'ombre de moi-même. Une loque, un déchet. Je ne trouve que la force de boire et de dormir. Boire en cachette de la rousse. Pour ne pas subir son courroux. Elle, ancienne alcoolique. Boire pour oublier que je ne suis rien aux yeux de Jacob. Même plus un ami. Rien. Il m'a rayé de sa vie. Sans ménagement. Dur à supporter. Dur à accepter. Et je n'ai plus la force de rien. Dur de se lever le matin. Dur d'aller au travail. Dur de se concentrer. Dur de penser à autre chose qu'à lui. À son rejet. J'ai juste l'impression d'être une merde. Alors que je n'ai rien à me reprocher. Comme lui, je suis une victime collatérale des amours interdits de son père et de ma mère.
Tandis qu'elle s'apprête à partir, j'entends sa voix m'annonçait l'arrivée d'une amie. Au fond de mon lit, à moitié ensommeillé, j'arque un sourcil. Qui peut bien venir m'emmerder de si bon matin ? Je peste intérieurement. Je n'ai pas envie de me lever. Je me force. J'enfile un jean, un tee-shirt froissé. Je sors de ma chambre. Je suis dans le brouillard complet. J'ai une mine affreuse, une barbe de trois jours et les cheveux en bataille. L'image que je renvoie m'importe peu. J'ai juste besoin d'un café. Puissant. Pour recevoir un bon coup de fouet. Me réveiller. J'arrive dans la pièce à vivre. Je vois une petite brunette apparaître dans mon champ de vision. Je cligne des yeux. Son visage ne me parle pas. Bourru, je la questionne « T'es qui ? J'te connais pas ! Tu fous quoi ici ? » Dis-je d'une voix rauque, froide. Sans un autre regard, je vais dans le cuisine, j'attrape un filtre à café. Je le positionne dans la cafetière et je le remplis généreusement de café. Sans un regard à l'inconnue. À mes yeux, le café, en train de passer, a nettement plus d’intérêt. D'un voix toujours aussi agréable je m'adresse à l'intruse en lui jetant un rapide coup d’œil. « Je vous offre un café ? » Sans attendre une réponse de sa part, j'attrape deux mugs dans un placard que je positionne à proximité. Dans l'attente de pouvoir prendre ma dose de caféine, je daigne enfin porter un intérêt plus poussé à la femme qui se présente devant moi. Je la toise de haut en bas avant de l'interroger « Vous êtes motarde ? » Elle a le look, toute de noire vêtue. En cuir.
|
| | | | (#)Mer 9 Mar 2022 - 21:31 | |
| La première chose que j'aurais voulu faire en arrivant ? Détailler les traits de Byron afin de voir si sa ressemblance avec mon frère est évidente, ou si au contraire elle est plutôt discrète. Il m'a été impossible de me prononcer avec la seule photo que j'ai eue en main, d'autant que celle-ci venait des services administratifs. C'est bien connu : leurs clichés ne sont pas destinés à mettre leur sujets en valeur. Preuve en est la tête que l'on tire tous sur nos divers papiers officiels - carte d'identité, permis de conduire, passeport, etc. Et Byron ici présent ne fait pas exception à la règle. Non, vraiment, l'avoir en face de moi, en chair et en os, est encore la meilleure façon de déterminer d'éventuels traits en commun avec Jake.
Malheureusement pour moi, il semblerait que je tombe au mauvais moment. T-shirt froissé, cheveux en bataille, le locataire des lieux sort clairement de son lit. Il ne m'offre qu'un coup d'œil fuyant et sans même prendre la peine de me saluer, entreprend de me faire comprendre que je ne suis pas la bienvenue. « T'es qui ? J'te connais pas ! Tu fous quoi ici ? » Génial, ça commence bien. Je me retiens de lui en coller une pour lui remettre les idées en place. Que je lui sois étrangère et qu'il vienne de quitter les bras de Morphée ne sont pas des excuses justifiant son attitude. Mais l'image de Jacob s'impose à mon esprit, me rappelant pourquoi je suis là, et c'est suffisant pour me retenir. Puisque je ne veux surtout pas partir sur des bases négatives, ronger mon frein est la meilleure option.
De toute manière, Byron n'attend pas de réponse : il traîne des pieds jusqu'en cuisine, manifestement peu concerné par l'inconnue qui se tient debout dans son salon. Je hausse les épaules puis décide de lui emboîter le pas. S'il espère qu'ignorer ma présence me fera partir, il va vite comprendre combien il se trompe. « Je vous offre un café ? » Le retour au vouvoiement me surprend autant que la proposition - dans le bon sens, bien sûr. Peut-être qu'il a juste besoin de son précieux or noir pour s'ouvrir au monde après le réveil ? Le cas échéant, qui suis-je pour le juger sur ce point ? « Oui, merci, » je lui confirme aussitôt, bien qu'il ne m'ait pas attendu pour anticiper et sortir un mug supplémentaire du placard.
Il finit par se retourner, n'ayant rien d'autre à faire que d'attendre sa boisson chaude. Je garde le silence, le laissant me toiser de haut en bas sans intervenir. J'ai toujours été plus passive qu'active, plus observatrice que participative. Je préfère voir à qui j'ai affaire avant d'étaler mes cartes sur la table, histoire de m'adapter au besoin. Je n'ai pas le choix : je me dois de réussir cette entrevue. Pour Jake. « Vous êtes motarde ? » J'acquiesce d'un hochement de tête. Il me paraît moins agressif, davantage enclin à débuter une vraie conversation. Je prends ça pour un top départ, et me lance dans le vif du sujet.
« Je m'appelle Lex. » Je m'arrête là, et mes iris plongés dans les siens essaient de voir si mon prénom lui parle. La réponse est non. L'espace d'un instant, j'en suis presque déstabilisée. Je m'attendais à ce que Jacob lui ait parlé de moi, avant que leur lien ne soit découvert. Quand ils n'étaient encore que de bons amis. Il est clair que ça n'est pas le cas. Je ne suis soudain plus très sûre de vouloir lui révéler mon identité avant qu'il n'ait ingurgité sa dose de caféine. Tant pis, je prends le risque. Je ne peux plus faire marche arrière. « Je suis la sœur de Jacob Copeland. » La bombe est lâchée, advienne que pourra. Je me sens cependant obligée de lui préciser un fait important, voire indispensable. « Il ne sait pas que je suis ici. Je suis venue de ma propre initiative. » Si ça peut l'aider à ne pas me mettre à la porte tout de suite…
@Byron Oberkampf |
| | | | (#)Sam 12 Mar 2022 - 13:21 | |
|
Family ties Je l'ignore. Je ne la connais pas. Je ne sais pas qui elle est. Je ne vais pas l'accueillir les bras ouverts. Non. Je préfère émerger de ma nuit. Courte. Difficile. Néanmoins, dans un élan de lucidité et d'ouverture, je propose à la jeune femme de m'accompagner avec un café. Je n'attends aucune réponse de sa part. Je prends les devants. J'attrape deux mugs. Je n'entends même pas sa réponse. Je suis focalisé sur la préparation du café. « Il sera fort ! J'ai besoin d'un sérieux coup de fouet là ! » Souffle-je, entre mes dents, la mâchoire serrée. Je me retourne. Je fais face à l'inconnue. Je la toise de bas en haut. Elle a un look de biker. J'émets une remarque en ce sens. Elle ne dit rien. Elle me regarde. Elle acquiesce. Avant de prendre le lead. Elle se présente. Lex. Je reste perplexe. Ce nom ne me dit rien. Nos regards se croisent. Je n'ai aucune réaction. Devrais-je la connaître ? L'ai-je déjà rencontré ? Dans quelle circonstance ? Aucun souvenir ne me revient en mémoire. Aucune réminiscence à l'évocation de son prénom. Même si je suis d'humeur massacrante, je tente une touche d'humour. « Lex... Luthor ? Je pensais que c'était un mec ! On nous aurait menti toutes ces années ! » Je fais une moue de déception avant de me retourner vers la cafetière. Le café n'est pas entièrement passé. Soit. Néanmoins, je peux servir déjà deux belles tasses. J'en offre une à l'invitée avant de porter, presque instantanément, la mienne à mes lèvres. Le silence s'installe. Nous pourrions entendre une mouche voler. Je la vois se mordre la lèvre inférieure. Elle est pensive. Mon absence de réaction lorsqu'elle me révèle son identité semble l'avoir déstabilisé. Après quelques secondes sans un mot, elle lâche le morceau. J'écarquille les yeux. Deux mots résonnent dans ma tête. Un nom. Un prénom. Ceux de mon 'frère'. J'entrouvre la bouche, sous le choc. Je reprends de la contenance. Je bois une gorgée de café. « Vous êtes la sœur de Jacob ! » Nerveusement, j'éclate de rire. Décidément la famille Copeland est pleine de surprise. De fils unique, Jacob se retrouve avec un frère et une sœur. « Dois-je en conclure que son père a engrossé ta mère ? » Dis-je avec amertume. Ses bijoux de famille semblent avoir honoré plus d'une femme, au détriment de l'officielle. « Les bâtards refont surface, un à un ! » Ajoute-je de manière cinglante.
Elle m'annonce être venue ici sans que Jacob ne soit informé. Je relève un sourcil, interrogatif. « Comment avez-vous su où j'habite ? » Silence. « Et qu'est-ce que vous me voulez ? » Poursuivis-je. Pourquoi venir me voir, sans en aviser Jacob. « Vous savez, je n'ai plus de rapports avec lui ! Il m'a jeté comme une merde ! » Je finis ma tasse de café, d'une traite. Je me retourne. Dans la précipitation, je manque de lâcher le mug. Je le rattrape in extremis avant de le remplir de nouveau. Je m'appuie sur les rebords de l'évier. Je regarde la crédence devant moi. Je sens les larmes monter. Je ferme les yeux, quelques secondes. Je respire. Tranquillement. J'essaie de m'apaiser. Avant de me confronter à la brune. Et croiser son regard.
|
| | | | (#)Sam 19 Mar 2022 - 15:44 | |
| Je vois que mon nom ne laisse pas Byron indifférent : le ton railleur, il le compare aussitôt à un personnage bien connu de Superman. Je me félicite de ne pas lui avoir offert sur un plateau mon vrai prénom. Je préfère largement qu'on me rapproche de Luthor que de la fameuse assistante d'Amazon. Au moins, le meilleur ennemi de Clark Kent n'est pas dénué d'un certain charisme. « Vous êtes la sœur de Jacob ! » Il répète l'information dans un rire franc, qui me semble plus nerveux qu'autre chose. Compte tenu qu'il vient juste de découvrir l'existence d'un premier demi-frère, je n'en suis pas étonnée le moins du monde. Face à un tel chamboulement, certains auraient nié cette vérité voire m'auraient jetée dehors quand d'autres auraient éclaté en sanglots suite à un trop-plein d'émotion. Byron, pour sa part, préfère se perdre dans l'humour sarcastique, comme le prouve la suite de ses remarques. « Dois-je en conclure que son père a engrossé ta mère ? Les bâtards refont surface, un à un ! » « Pas tout à fait. » Je le détrompe simplement, insensible à la violence de ses mots. Car le lien qui nous lie, Jacob et moi, est très différent de ce que Byron est en train d'imaginer.
« Comment avez-vous su où j'habite ? » Les courtes secondes de silence que je m'accorde pour trouver le meilleur moyen de répondre sont au-delà de sa tolérance. Il renchérit avec une deuxième question. « Et qu'est-ce que vous me voulez ? » Demande légitime mais encore plus difficile à satisfaire que la précédente. J'en suis convaincue : il n'est pas prêt. « Vous savez, je n'ai plus de rapports avec lui ! Il m'a jeté comme une merde ! » Toujours immobile et les lèvres scellées, je l'observe boire son précieux café d'un trait. Alors qu'il cherche à remplir son mug à nouveau, il manque de le renverser, le rattrapant in extremis d'un geste habile. Son trouble est manifeste, indiscutable. Il le serait pour n'importe qui doté d'un peu de perspicacité. Le rejet de Jacob l'a profondément marqué, lui laissant un goût amer. Byron pensait sûrement que leur lien familial renforcerait une amitié déjà bien installée entre eux. À tort. Du moins jusque-là.
Ma propre tasse encore pleine calée contre mes paumes, je me rapproche doucement, un léger sourire de connivence aux lèvres. « Jacob ne voulait pas de moi non plus, quand j'ai débarqué dans sa vie. » J'ai décidé de débuter notre échange par là. Je me dis qu'il se sentira peut-être moins seul quand il comprendra d'où je viens, et ce qui nous rapproche vis-à-vis de la situation : car ce qu'il ressent, je l'ai ressenti. « Je suis une enfant du système. » Ça sort aussi aisément que si je l'avais informé de la tendance météo. Bien que je n'ai pas pour habitude de le mentionner à n'importe qui, il y a longtemps que j'ai fait la paix avec cette réalité. Avec cette partie plutôt obscure de mon passé. « Jacob et moi étions déjà des ados quand les Copeland m'ont accueillie chez eux. » Ce qui, naturellement, n'a pas facilité les choses. « Et il n'avait pas du tout l'intention de se voir imposer une sœur sortie de nulle part. » Encore moins de partager avec l'inconnue que j'étais ses parents, sa maison… son existence entière, en somme.
Je laisse à Byron un moment de répit afin de le laisser intégrer ce qu'il vient d'entendre, avant de désigner la table de la cuisine et ses chaises d'un geste bref de la main. « Vous voulez bien m'accorder quelques instants ? » Ce point commun sera-t-il suffisant pour me permettre d'obtenir un oui ? Je l'espère, parce qu'en cas de refus, je ne m'imposerai pas. Je me contenterai de repartir sans insister, en laissant mes coordonnées juste au cas où. Ce n'est pas en braquant davantage Byron que j'obtiendrai ce que je suis venue chercher : son indulgence vis-à-vis de Jacob, sa patience en attendant que mon frère - notre frère - soit prêt à l'accepter. Comme il a fini par m'accepter moi.
@Byron Oberkampf |
| | | | (#)Mer 23 Mar 2022 - 7:25 | |
|
Family ties Elle me lance une bombe en pleine face. Elle est la demi sœur de Jacob. Elle aussi. Je suis en état de choc. Ma réponse reflète ma sidération. Sèche, violente. Vulgaire. Je n'en est cure. Pourtant, la jeune femme reste stoïque. À sa place, j'aurais montré les crocs, refusé que l'on s'adresse à moi de cette manière. Mentalement, elle semble plus forte que moi. Elle répond, en gardant un calme olympien. Phrase énigmatique. Sans prendre aucune pincette, je rétorque « C'est quoi alors ? » Je détourne mon regard. Je bous de l'intérieur. Joue-t-elle sur les mots ? Je ne lui laisse pas le privilège de répondre. Je l'assaille de nouvelles questions avant de lui avouer, la gorge nouée, ne plus avoir de rapport avec Jacob. Sa crainte que je puisse vendre la mèche s'évapore. Afin de me donner du courage, de la consistance, je bois l'entièreté de mon mug avant de songer à me resservir. Moment de faiblesse lorsque je manque de l'éclater au sol. Je tente de dissimuler mon malaise. Elle n'est pas dupe. Elle s'approche de moi. Elle montre un léger sourire. Je ne suis pas serein. Elle cache quelque chose. Je crains le pire. Plus de peur que de mal. Elle se confie. Et je ne peux cacher mon étonnement. Les premiers rapports avec l'agent immobilier ont été houleux. Il n'a pas accepté qu'elle arrive dans sa vie. « Il a le syndrome du fils unique, du fils à Papa qui n'a jamais manqué de rien, qui n'a jamais connu la faim et qui refuse d'être éclipsé par une autre personne ! » Analyse-je, amer avant de comprendre que la famille Copeland l'a accueilli alors qu'elle n'était qu'un adolescente. Comme moi, elle semble ne pas avoir une vie de famille sereine, apaisée. Je l'observe avec un autre regard. Plus compatissant. J'imagine ce qu'elle a vécu. J'imagine comme elle a pu souffrir. « C'est compréhensible. Quand je suis arrivé en famille d'accueil, je ne savais pas trop comment me positionner vis à vis des enfants. Certains m'ont accepté, comprenant le rôle de tuteur et pilier de leurs parents. D'autres ont été plus sur la réserve, n'étant à leurs yeux qu'un étranger, m'accaparant leurs père et mère. Du jour au lendemain. Devrais-je leur en vouloir ? Je ne pense pas. ! » Ils n'ont fait que défendre leur territoire. De manière légitime. Je me confie à la jeune femme car nous avons une histoire commune : être passés par l'assistance publique. Je baisse ma garde. Et, lorsqu'elle me demande de lui accorder quelques instants de mon temps, j'accepte. En hochant de la tête. Ai-je réellement le choix désormais. D'un geste, je l'invite à s’asseoir. Pour entendre son plaidoyer en faveur de Jacob. Pour sauver les apparences. « Je vous écoute ! » Je plonge mon regard dans le sien et j'attends qu'elle prenne sa défense. Je me fais déjà un film dans ma tête, en imaginant déjà son argumentaire. 'Il vous a jeté, mais en fait non, il est chamboulé, il faut le comprendre...' Et patati, et patata... Pour conclure, en me rejetant la faute dessus. Et défendre les intérêts de son frère pour que je fasse un pas vers lui.
|
| | | | (#)Dim 3 Avr 2022 - 16:13 | |
| Je savais que ma révélation trouverait un écho en Byron. Que cette carte valait la peine d'être retournée, révélée au grand jour. Il est en train de vivre ce que j'ai traversé en débarquant dans l'immense villa des Copeland sans même comprendre ni pourquoi ni comment. Bien sûr, nos situations ne sont pas exactement similaires. Elles se rapprochent toutefois assez pour nous construire un terrain d'entente, un point commun sur lequel baser notre échange à venir. Je n'en demandais pas davantage. J'avais juste besoin d'offrir à mon vis-à-vis une raison de ne pas me mettre dehors sans sommation. Une raison d'écouter ce que je suis venue lui dire.
Quand il diagnostique à Jacob le syndrome de l'enfant unique et du fils à Papa, un semblant de sourire étire mes lèvres. Condamner son approche serait hypocrite de ma part, car elle a été la mienne à une époque. J'en suis évidemment revenue de longues années plus tôt. J'ai fini par apprendre que la froideur de Jacob envers moi avait des racines bien plus profondes que la protection de ce qui lui appartenait alors, que l'égoïsme d'un adolescent refusant de donner la moindre part de son énorme et précieux gâteau à quelqu'un d'autre. « À sa place, je crois que je n'aurais pas agi différemment. » Je déclare, haussant les épaules. Byron se trompe peut-être en partie, mais il n'en reste pas moins que si les rôles avaient été inversés, je me serais moi aussi montrée sur la défensive, victime de ce même syndrome. « On ne peut pas en vouloir à un enfant unique de ne pas avoir appris la notion de partage. » Sauf que ce n'est pas tout. « Et on peut encore moins reprocher à un fils de vouloir protéger ses parents d'une étrangère dont on sait rien, et qui a potentiellement de mauvaises intentions. » Du haut de mes quinze ans, affublée d'une attitude désagréable et insolente au possible, j'étais très loin d'inspirer confiance. Jacob a eu bien fait de s'attendre au pire, de se méfier de moi. Même si, rapidement, l'origine de son rejet est devenue autre…
Byron concède ce point. Il comprend. Quand il échappe l'expression famille d'accueil, je me trouve prise au dépourvu. J'aurais pu savoir de quoi était faite sa vie pourtant, il aurait été indécent de franchir cette ligne. Les fichiers que j'ai consultés grâce à mon badge ne devaient pas servir à décortiquer son existence et fouiller ses informations personnelles. En tout état de cause, son adresse était mon unique objectif. Je m'en suis tenue à ça. Ainsi donc, Byron connaît également l'angoisse du système. Il me le prouve par ses mots suintant de justesse, auxquels je ne peux qu'acquiescer. Si je n'espérais pas tant de ressemblances entre nous, je suis soulagée qu'elles existent. Après tout, on est de la même famille, non ? Et ça ne pourra que jouer en ma faveur et m'aider à obtenir une chaise à sa table - littéralement. Je n'oublie pas que si je suis ici, c'est en premier lieu pour Jacob.
Installés l'un en face de l'autre, nos cafés entre les mains, il confirme qu'il est prêt à écouter mes arguments. « Je ne suis pas là pour défendre mon frère, ni lui trouver des excuses. » Ça a son importance. « Je ne suis pas là non plus pour vous dire de lui pardonner sa réaction. Ni de faire un pas vers lui. » Byron ne doit rien à Jacob. Rien du tout. C'est ce dernier qui a merdé. J'anticipe presque la question de mon interlocuteur, m'imaginant son ton consterné. Alors vous êtes là pour quoi, au juste ? J'enchaîne sans attendre qu'il ne la formule à voix haute. « Je suis là pour vous prévenir qu'il reviendra sur sa décision. D'ici quelques semaines, il cherchera à reprendre contact avec vous. » C'est une certitude. Je pourrais parier tout ce que j'ai là-dessus : je connais Jacob Copeland mieux qu'il ne se connaît lui-même - l'inverse est aussi vrai. « Il va prendre du recul, réfléchir à la situation, réaliser son erreur et s'en vouloir. » Je bois une gorgée de mon breuvage désormais tiède. Qu'importe. « Le reste… ça ne regarde que vous. » Il est adulte, son choix lui appartient. Mon intention n'a jamais été de lui dire quoi faire. Simplement de le préparer à ce qui arrivera en espérant atténuer sa rancœur. Assez pour que le moment venu, les retrouvailles des deux demi-frères prennent la bonne direction.
@Byron Oberkampf |
| | | | (#)Mar 5 Avr 2022 - 23:21 | |
|
Family ties Elle prend sa défense, en comprenant son geste. Elle avoue que, dans de pareilles circonstances, elle aurait agi de la sorte. « Qu'il prenne du recul, je l'entends. Mais là, j'ai juste la sensation qu'il m'a 'blacklisté' ! » Mes messages sont restés lettres mortes. Le dernier en date, celui-ci pour la nouvelle année. Rien. Aucune réponse. Il m'a effacé de sa vie. Je ne vois rien d'autre. « Là, l'enfant a quarante ans. Il est mature, raisonnable. Il peut, il sait faire la part des choses. Nous sommes tous les deux pris dans le même filet. » Souffle-je afin de lui faire part de mon ressenti.
La conversation glisse vers un passé commun. Celui d'enfants placés en famille d'accueil. J'ai de la compassion pour elle tandis qu'elle me dépeint les relations houleuses qu'elle entretenait avec Jacob. Faire sa place, sans prendre celle du garçon, sans accaparer ses parents, sans passer pour une 'profiteuse'. J'ai connu ça. Elle semble étonnée. Je le lis dans son regard. Mais elle m'écoute, religieusement. Le seul mouvement qu'elle s'autorise. Un hochement de tête. De bas en haut. Pour confirmer mes propos.
Je baisse, petit à petit, les armes. Je l'invite à s'asseoir et à développer son argumentaire. Elle commence. Une ritournelle habituelle. Elle ne veut pas le défendre. Elle ne veut pas lui trouver des excuses. J'ose l'espérer. Sur le papier. Si l'on analyse la situation, elle s'est envenimée de son propre chef. Il est parti, sans un mot. En reniant même notre amitié. J'entends encore le son de sa voix dans ma tête. 'On est amis, Byron, pas frères. Et finalement, j’ai un doute sur la première appellation'. Je les ai reçu, comme un coup de massue. Il a rayé, d'un trait de plume, l'amitié que nous nous étions forgé, dans l'adversité. Et il est parti. Sans un regard. Ce souvenir est amer. Même si la femme joue son rôle. Elle tente de me convaincre qu'il reviendra. Tôt ou tard. Je dois lui laissé du temps. Encore. « Oui. Il a mon numéro. Je n'ai plus envie de faire d'effort. Il doit prendre ses responsabilités ! » Je ne veux plus insister. Si ce n'est pour rien recevoir en retour. J'ai assez souffert dans ma vie pour ne pas tendre le bâton pour me faire battre. Il sait où j'habite. S'il vient frapper à la porte. Je ne sais pas comment je vais réagir. Être courtois. Lui laisser une chance de s'expliquer, de se racheter. Et peut-être que nous arriverons à construire quelque chose d'unique. « Il a la balle dans son camp... S'il veut que je fasse partie de sa vie, il n'a qu'une chose à faire. Me le dire ! » Je termine mon café et je regarde la jeune femme. Je reste sur la défensive et j'observe mon invitée. « Ça s'est passé comme ça avec Jacob ? Il a fini par mettre de l'eau dans son vin et te donner une chance ? » La questionne-je, curieux d'en connaître un peu plus sur elle et sur la relation qui s'est tissé avec l'agent immobilier. À mes yeux, ce n'est pas anodin qu'elle prenne la peine de se déplacer jusqu'à chez moi pour tenter de nous rabibocher. Elle tient à lui. Elle tient à son bonheur. Et elle ne veut pas qu'il grille sa chance de retrouver un frère. « Quand j'y pense c'est quand même fou que nous soyons frères... » Finis-je par lui avouer. Un sérieux coup du destin. Un sacré coup du destin. « Ça serait bête que tout se brise à cause d'un souci d’ego ! » Il faut juste que nous saisissions cette chance. À condition que Jacob fasse un pas vers moi et qu'il me montre qu'il veut que nous marchions ensemble dans la même direction.
|
| | | | (#)Ven 22 Avr 2022 - 10:38 | |
| Les mots de Byron sont remplis d'une amertume qu'il ne tente même pas de dissimuler. Il ne comprend pas pourquoi cet ami soudain devenu demi-frère a choisi de le renier en apprenant la véritable nature de leur relation, plutôt que de l'accepter avec une bonne tape dans le dos et une expression ravie en prime. Après tout, lorsque la vérité avait éclaté au grand jour, ce n'est pas comme s'ils venaient de se rencontrer. Ils n'était pas des étrangers l'un pour l'autre et encore moins des ennemis jurés. Ils s'entendaient bien. Alors bien sûr, Byron ne s'attendait pas à une telle réaction. Aujourd'hui, il se sent donc injustement rejeté. J'entends sa déception, je la comprends. Je ne suis pas venue ici afin de la minimiser ou de l'ignorer. Il a le droit d'être en colère contre Jacob, de n'avoir aucune envie de faire un pas dans sa direction pour améliorer les choses. C'est, d'ailleurs, ce que je lui dis en premier lieu alors que je me tiens désormais assise à la table de sa cuisine, mon mug à moitié vide tournant entre mes paumes. J'en arrive ensuite au but de ma visite : apaiser cette tension, confirmer à l'occupant des lieux que mon frère retrouvera très vite son chemin jusqu'à lui. Que ce n'est qu'une question de temps, et d'un certain recul nécessaire.
« Oui. Il a mon numéro. Je n'ai plus envie de faire d'effort. Il doit prendre ses responsabilités ! » Silencieuse, je hoche la tête en un mouvement léger, presque imperceptible. Je ne tiens pas à le contrarier. Encore une fois, il est dans son bon droit. « Il a la balle dans son camp... S'il veut que je fasse partie de sa vie, il n'a qu'une chose à faire. Me le dire ! » « Il le fera, » j'affirme après la dernière gorgée de mon breuvage presque froid. Byon se tient toujours sur la défensive. Certes, moins que lors de mon arrivée, mais je vois qu'il n'est pas encore prêt à me croire sur parole. D'un autre côté, je ne le lui demande pas. Sa réserve est aussi légitime que son dépit face au comportement de Jacob. Plus personne ne dit rien, l'espace d'un instant durant lequel je le laisse m'observer. Mon instinct me souffle qu'il veut me demander quelque chose et je l'encourage d'un regard. Je ne suis pas de celles et ceux qui s'ouvrent aisément. D'ordinaire, c'est l'inverse : je préfère écouter au lieu de révéler. Cependant, Byron Oberkampf n'est pas n'importe qui. Et puisque, bientôt, Jacob et lui resserreront leurs liens, autant que l'on apprenne à se connaître également, lui et moi, non ?
« Ça s'est passé comme ça avec Jacob ? Il a fini par mettre de l'eau dans son vin et te donner une chance ? » « Oui. Il a su voir au-delà de l'image que je projetais à l'époque. Celle d'une ado désabusée qui pensait que le monde entier en avait après elle. » Bien que ce soit une vraie réponse, cette dernière ne constitue qu'un pan d'une réalité beaucoup plus compliquée que ça. Jacob et moi avons commencé à nous entendre et à nous rapprocher quand j'ai compris la vraie raison qui l'empêchait de m'accepter au sein de sa famille. Une raison portant le nom de Michael Copeland. Et je suis prête à parier que si aujourd'hui il n'arrive pas à admettre le lien de sang découvert entre Byron et lui, son père en est la cause principale, sinon la seule et unique. J'ai beau être une Copeland, moi aussi, à tous les égards sauf un - qui n'est qu'administratif - ce n'est pas ma place de l'évoquer, alors je me retiens. Jacob le fera, dès qu'il sera prêt. Et s'il a besoin de moi pour l'accompagner dans cette démarche, je saurais être là.
« Quand j'y pense c'est quand même fou que nous soyons frères... Ça serait bête que tout se brise à cause d'un souci d’ego ! » L'ego n'a rien à voir là-dedans, ou si peu. Il l'apprendra en temps voulu, au même titre que moi de nombreuses années plus tôt. J'imaginais que Jacob appréciait beaucoup trop son statut de fils unique à l'existence confortable pour partager celle-ci avec une gamine des rues. Finalement, il n'avait cherché qu'à la protéger, cette gamine sortie de nulle part. Désormais, nous sommes tous adultes mais le problème n'a pas disparu : au fond de lui, mon frère a surtout peur que Byron soit terriblement déçu par son géniteur, voire pire. Et je ne peux qu'approuver son ressenti, la vive appréhension qui le ronge. « Rien ne se brisera, » je lui rappelle, mes lèvres s'étirant en un sourire aussi confiant que le ton de ma voix lorsque je conclus. « Il reviendra. »
Je m'apprête à lui réclamer une seconde tasse lorsque, depuis la poche gauche de mon perfecto, une sonnerie emplit l'air. Celle marquant un appel de nature professionnelle. Je fronce les sourcils et m'excuse auprès de Byron. « Désolée, il faut que je prenne, c'est le boulot. » Et forcément urgent, je songe, compte tenu que je suis en repos. Je quitte ma chaise et, par politesse, m'éloigne de quelques mètres, jusqu'à l'ouverture marquant l'entrée de la cuisine. S'ensuit un court échange avec ma partenaire : j'avais vu juste. Une nouvelle piste vient d'apparaître dans l'une de nos enquêtes en cours. Une piste des plus sérieuses. « Je suis là dans quinze minutes max. » La circulation est peut-être dense mais je joue d'un sacré avantage en me déplaçant à moto.
Je fais volte-face, retourne auprès de Byron, une légère grimace me barrant le visage. « Il faut que je file. Je trouverai le chemin de la sortie. » Inutile qu'il se dérange pour me raccompagner. « Merci de m'avoir accueillie et écoutée. » C'est sincère. Il aurait pu me claquer la porte au nez, ce qui aurait été compréhensible, pourtant il m'a laissé une chance. Il a laissé une chance à Jacob. Je considère notre rencontre comme une réussite, et le poids pesant jusque-là sur mes épaules semble s'alléger. « Et merci pour le café. » Je sors un petit rectangle de papier glacé d'une autre poche, que je m'empresse de tendre à Byron. J'aurais préféré lui laisser mon numéro personnel mais je n'ai pas le temps de récupérer de quoi noter. C'est plus rapide de cette manière, je rectifierai ça à l'occasion. « On est de la même famille. Il faut bien que tu saches comment me joindre, » je me justifie, cette fois presque malicieuse, décidant de franchir ce pas de familiarité en le tutoyant enfin. « N'hésite pas. Pour quoi que ce soit. »
En un coup de vent, je suis partie, le laissant découvrir après coup, une fois qu'il se trouve de nouveau seul chez lui, la carte que je lui ai tendue. De couleur or, bleu et noire, affublée du sceau de la police, elle indique : Alexa Monroe, inspectrice - brigade des homicides. Au moins, maintenant, il sait par quel moyen j'ai réussi à dénicher son adresse…
@Byron Oberkampf |
| | | | (#)Mer 27 Avr 2022 - 6:09 | |
|
Family ties Je souris à sa remarque tandis qu'elle se remémore la relation qu'elle a pu entretenir avec Jacob lors de son arrivée dans son foyer. « Quel adolescent n'a pas l'impression que le monde lui en veut ? Lorsque je suis arrivé en famille d'accueil, les parents, le père en surtout, a ramé, ramé, ramé pour que je me sente à l'aise dans leur maison, que je reprenne confiance en moi et que je m'ouvre aux autres ! » Et il a trouvé un angle d'approche, celui de la cuisine. Grâce à la cuisine, il m'a amadoué et il m'a fait reprendre, petit à petit, le sourire. Par ailleurs, en coupant, en éminçant, en frisant, en dorant, j'ai eu des moments privilégiés avec lui et une oreille attentive à mes souffrances, même les plus sourdes.
Malgré ses tentatives pour me rassurer sur l'idée que Jacob trouvera la voie de la raison et reviendra vers moi, je ne peux effacer quelques doutes. Des craintes. Des craintes qu'il n'accepte pas que je puisse être son frère et qu'il tire un train sur notre amitié née de la mort tragique de sa fille. Encore une fois, la jeune femme tempère mes peurs. Elle connaît son frère. Elle sait qu'il ne s'agit que d'une mauvaise passe. Il va subir un électrochoc. Et il me retrouvera. Son visage est serein. Elle esquisse même un petit sourire. Je m'apaise. « Je vais le laisser venir à moi alors... Lorsqu'il aura digérer tout ça et qu'il se sentira prêt ! » A mon tour, je tente de sourire. Rien n'y fait, je reste tendu. J'expire. Je respire. Je suis moins à l'aise qu'elle.
Heureusement, la sonnerie de son téléphone retentit. Elle sort son téléphone d'une poche et lit le nom qui s'affiche. Le travail. Elle ne peut manquer l'appel. Elle tourne les talons et s'éloigne. De mon côté, je reprends mes esprits et je guette son retour. Elle ne tarde pas. Elle fait face à une urgence. Elle doit prendre congés. Elle me remercie de lui avoir laisser une chance de s'exprimer et par la même occasion de lui avoir offert un café. « Contre toute attente, je pense que ça m'a fait du bien de discuter avec vous ! » Crever l'abcès et remettre les choses à plat. Sans me donner le temps de réagir, elle me tend une carte de visite, avec ses coordonnées, en m'invitant à la contacter au besoin. Puis elle disparaît. Et j'entends le grincement de la porte d'entrée qui s'ouvre, puis se referme.
Je regarde le petit carton. Alexa Monroe. J'ai une montée de stress lorsque je lis la suite. Elle travaille au sein de la police de Brisbane. Je comprends alors comment, sans passer par Jacob, elle a su où j'habite. J'espère simplement qu'elle n'a pas trop fouillé dans mon passé. Cette seule idée me donner la chair de poule. Grâce à son travail, à ses entrées, elle a pu creuser dans ma vie. Peut-être même qu'elle s'est octroyée l'accès au dossier concernant la mort de l'ex-compagnon à ma mère. Elle connaîtrait alors les traumatismes que j'ai vécu et les sévices qu'il m'a fait subir avant que ma mère mette un terme à mon calvaire.
Le regard dans le vide. Je tente de balayer cette idée de ma tête en attrapant les tasses à café. Je les mets dans l'évier et je les lave sur le champ.
|
| | | | | | | |
| |