| | | (#)Dim 13 Fév 2022 - 3:09 | |
| Tu avais passé une bonne partie de l'après-midi au poste de police... s'il y avait une chose que tu ne pensais pas faire de sitôt, c'était bel et bien de dénoncer ton copain actuel pour coups et blessures. Et puisque tu ne pensais pas le faire un de ces jours, dans un avenir rapproché, tu ne t'attendais clairement pas à le faire devant ton père... Celui à qui tu n'avais pas reparlé depuis un divorce houleux... bien qu'il te laissait des messages sur ta boîte vocale à tous les jours, sans exception, depuis que tu avais coupé les ponts. Ça avait été un moment très difficiles, autant pour lui que pour toi... tu avais dû être cent pour cent honnête et transparente avec lui, ce qui n'avait pas été facile. Tu avais pleuré plus qu'autre chose, pour être franche. Lui s'était montré hyper professionnel, comme à son habitude... Imperturbable ? Non, tu ne serais pas prête à aller jusque-là... Ton père a toujours été un homme droit, extrêmement dévoué à son travail et tu le comprenais totalement. Depuis le temps, tu savais ce qu'il en retournait. Malgré tes appréhensions, il s'était montré extrêmement sérieux, mais avait laissé percevoir une pointe d'empathie qui t'a toutefois réconforter. Il est vrai que vous aviez vos différents et que tu n'acceptais pas encore tous les faits et gestes - ou les paroles - qui s'étaient produits durant le divorce. Mais qu'il fasse preuve d'autant de sensibilité qu'il était capable d'en avoir à ton égard, ça te touchait grandement et ça rendait la chose un peu moins pénible. La première étape d'une longue série était maintenant franchi. Tu pouvais aller de l'avant, désormais.
La seconde étape était probablement de faire preuve d'assez d'honnêteté pour avouer ton histoire à ta meilleure amie, Adriana. Celle-ci s'est toujours montrée compréhensive, à l'écoute et ouverte d'esprit face à tes mille et une craintes et angoisses. Elle a constamment su être là dans les bons, comme dans les moins bons moments. C'est exactement ce à quoi ça sert, une meilleure amie. Lorsque tes parents se sont séparés, contre toute attente, elle avait été présente pour toi. Quandelle s'était séparée difficilement de son meilleur ami, Melchior, tu avais été présente pour elle. Votre relation a toujours été donnant donnant, même si vous ne teniez pas de comptes de qui a le plus aider qui... C'était une relation de longue date qui valait extrêmement cher à tes yeux...
En sortant du poste de police donc, tu avais pris ton téléphone pour envoyer un sms à Adriana. Tu n'avais qu'envoyer un petit « Je peux passer ? ». Ce à quoi elle avait assez rapidement répondu un « Bien sûr ! ». Tu avais nerveusement attendu sa réponse dans ta voiture, attendant de savoir quelle direction tu allais prendre. Soit Logan City, soit Redcliffe. Ton cœur battait à un rythme accéléré, quasiment trop vite pour pouvoir tenir un compte des battements. Tu mis le contact et fit marche arrière pour t'engager dans la rue principale qui te conduirait jusqu'à chez ton amie. Tu savais la route par cœur, comme son numéro de téléphone que tu avais appris en te jurant de ne jamais l'oublier. Tu pourrais t'y rendre en pleine tempête ou les yeux fermés... En moins de quinze minutes, tu fis garer à ta place habituelle, descendu de ta voiture et devant sa porte d'appartement. Tu toquas par principe avant de tourner la poignée, comme tu avais l'habitude de le faire. Tu savais que tu devrais peut-être ne plus le faire puisqu'elle habitait en colocation, mais allez... Tu connaissais son coloc, mais tu ne voulais pas non plus passer pour une mal élevée qui rentre comme ça chez les gens... « Ade ? Je suis là ! » dis-tu rapidement après avoir pénétré dans son logis, pour signaler ta présence le plus rapidement possible. Elle savait que tu t'en venais, mais probablement était-elle aux toilettes, sous la douche... Tu ne t'avanças pas trop loin, préférant attendre que ton amie te remarque. |
| | | | (#)Ven 18 Fév 2022 - 22:20 | |
| Adriana était de repos aujourd’hui, une pause bien méritée après les nuits mouvementées qu’elle avait enchaîné en patrouille. Elle était épuisée, et avait dormi bien plus longtemps que d’habitude. A son réveil, elle avait attrapé son téléphone, désespérément silencieux : aucun message de Max, toujours pas. Cela faisait plusieurs jours que les deux jeunes gens s’évitaient, après s’être rapprochés trop vite, sans doute. Du 1er janvier au 9 février, ils avaient passé la plupart de leurs jours de repos ensemble, et plusieurs nuits. Elle pouvait compter sur les doigts d’une main les nuits qu’elle avait passé seule dans ses draps, ayant préféré la chaleur des bras de Max. Mais lors de l’anniversaire surprise de ce dernier, les remarques sur leur « couple » avaient refroidi la brunette, sans doute autant que lui devait être affolé, car depuis, ils s’évitaient. En y réfléchissant bien, c’était vrai qu’ils s’étaient comportés comme un couple. Mais Adriana n’était pas prête pour une relation. Pas après sa douloureuse rupture avec Mel. Pas après qu’on lui ait brisé le cœur et qu’on ait trahi sa confiance. Alors, le temps de remettre de l’ordre dans ses idées, et dans son cœur, elle préférait prendre de la distance. Et comme à son habitude, lorsqu’elle était contrariée, elle se mettait à cuisiner. Elle était nulle pour cuisiner un repas, était incapable de se nourrir sans plats à emporter. Et pourtant, elle excellait lorsqu’il s’agissait de préparer des desserts. Elle était en train de mélanger de la pâte à cookies, les deux mains dans le saladier, lorsque son téléphone vibra, indiquant l’arrivée d’un message. De son coude, propre, elle essaya de lire le texto, en vain. Levant les yeux au ciel, elle alla se laver les mains, puis sourit en voyant le nom d’Isla s’afficher. Son amie lui demandait si elle pouvait passer. Sans hésiter, Adriana accepta, ravie de voir la blondinette débarquer chez elle. En attendant l’arrivée d’Isla, Adriana poursuivit la préparation de ses cookies. Elle finit de mélanger correctement la pâte, puis la sépara en petite boules qu’elle aplatit sur une plaque, avant de la glisser dans le four. Elle était en train de sortir les cookies du four lorsqu’elle entendit Isla toquer puis entrer dans l’appartement. C’était une habitude entre elles : elles se connaissaient par cœur, n’avaient rien à se cacher, et pouvaient se permettre se genre de latitude. « Ade ? Je suis là ! » Un sourire illumina le visage de la brunette. « Cuisine ! » Elle lui indiquait où elle se situait et, si la blonde faisait encore deux pas dans le hall, pour avancer dans l’appartement, elle aurait une vue sur la cuisine ouverte. L’odeur du goûter emplissait toute la colocation. Adriana plaçait les cookies sur une assiette, laissant échapper de temps en temps des petits cris à cause de la chaleur des biscuits. « Tu arrives juste à temps pour déguster mes fameux cookies. Tu veux un thé ou un café pour aller … Putain de merde ! » La brunette n’était pas douée pour la politesse, mais vu le spectacle qu’elle avait en face d’elle, on pouvait dire qu’elle avait été soft. Elle avait failli lâcher l’assiette, la reposa sur le plan de travail avant de le contourner pour prendre son amie par les épaules, afin de la regarder : Isla avait deux coquards qu’on ne pouvait pas louper. « C’est quoi ce bordel ?! Qu’est-ce qui se passe ? » Et sans attendre la réponse de son amie, elle enroula ses bras autour d’elle pour la réconforter. |
| | | | (#)Mar 22 Fév 2022 - 3:20 | |
| Adriana et toi aviez toujours été comme des chats siamois, incapable de vous lâcher plus de deux jours sans reprendre le contact. Votre amitié était aussi fidèle et sincère qu'un loup envers sa meute. Les mots manquent pour décrire à quel point cette relation est précieuse à mes yeux... La jeune femme est ma plus vieille amie et nous avons outre passé les querelles de gamines ou les enfantillages pour les garçons. C'est lorsqu'une amitié comme la nôtre perdure depuis des décennies qu'on sait avec certitude que ce sera pour l'éternité. Et ça fait vachement plaisir de savoir que malgré tout, malgré toutes les embuches, malgré les coups durs de la vie, malgré le stress, les changements, les périodes de doute et de renouveau, je pourrai toujours compter sur Ade pour me soutenir. L'inverse est tout aussi vrai, elle a toujours pu compter sur moi, et ce dans n'importe quel moment de sa vie. Elle est toute ma vie et pour elle, je serais prête à tout. Absolument tout.
C'était donc tout à fait certain qu'elle serait la première personne vers qui je me tournerais lorsque j'aurais enfin décidé de me sortir de ce pétrin dans lequel je me serais enlisé seule. Après un matinée passé au poste de police à dénoncer celui que je croyais être l'amour de ma vie, il m'était apparu clair comme de l'eau de roche qu'il faudrait que j'ose enfin lever le voile sur ma relation toxique auprès d'Adriana. Elle devait connaitre la vérité, savoir pourquoi certains soirs je l'avais évité ou d'autres journées j'étais cent pour cent partante pour une virée en boîte. Elle devait trouver mon comportement des derniers mois on ne peut plus louche, un peu comme un caméléon qui veut se fondre dans la masse, mais qui change constamment d'envies et d'idées... Même si j'essayais tant bien que mal d'être impassible, neutre et totalement détachée de ma réalité lorsque je la voyais, je ne pouvais pas réussir à si bien le faire puisqu'elle se doutait bien que quelque chose clochait. Cet après-midi, quand j'arrivais chez elle, je n'avais même pas pris la peine de couvrir mes yeux, ressemblant à un raton laveur. Je ne voulais plus me cacher, je ne désirais plus lui mentir. Et quoi de mieux qu'une preuve visible pour appuyer mes dires ? J'entrai dans l'appartement comme je l'ai si souvent fait avant, mais cette fois j'y allais un peu de reculons. Pourquoi m'infligeais-je ce calvaire deux fois de suite ? J'aurais pu attendre quelques heures, quelques jours avant de déballer mon sac à Ade, non ? Certes, mais je voulais couper le cordon, arracher le band-aids d'un seul coup. Faire face. Faire face une bonne fois pour toutes. Et quoi de mieux que d'affronter la réalité une deuxième fois en mois de trois heures ? À force d'en parler, je finirais forcément par croire que c'est vraiment arrivé, non ? J'interpelai mon amie pour signaler ma présence. Elle me répondit presque aussitôt. Elle était dans la cuisine... Ça sentait bon les biscuits... Mais ça sentait aussi les tourments parce que lorsqu'elle cuisine des desserts, ce n'est jamais très bon signe et je le savais très bien.
« Tu arrives juste à temps pour déguster mes fameux cookies. Tu veux un thé ou un café pour aller … Putain de merde ! » Ade n'a jamais été quelqu'un qui mâche ses mots et je lui en ai toujours été reconnaissante. No bullshit, rien que la stricte vérité. Certaines personnes peuvent voir en ce trait de franchise un défaut, mais à mes yeux, ça a toujours été tout l'inverse. C'est aussi l'un des raisons du pourquoi on s'entend si bien... Tu essayas tant bien que mal de sourire, mais tu savais qu'elle n'était pas dupe. « C’est quoi ce bordel ?! Qu’est-ce qui se passe ? » Sans pouvoir placer un mot, mon amie était déjà près de moi à m'enlacer. J'inspirai profondément, venant chercher chaque centime de bonnes ondes qu'elle m'envoyait présentement. « Ça va aller... T'inquiète... J'ai tant de choses à te raconter... » dis-je en m'approchant de la table de la cuisine pour prendre place sur une chaise. J'avais sans doute l'air d'un chien battu, vulnérable devant mon amie... Ce n'était pas dans mes habitudes. J'aime être toujours élégante, gracieuse, presque comme un paon, qu'on aime admirer... « Je te prendrais bien un thé, s'il te plait... » concluais-je en souriant timidement comme une gamine de douze ans qui sent qu'elle va se faire gronder par sa meilleure amie parce qu'elle a osé ne rien dire pendant si longtemps... |
| | | | (#)Dim 27 Fév 2022 - 16:47 | |
| Ade pâtissait, et quand Ade pâtissait, c’était le signe que quelque chose la tracassait ou la rendait triste. Ici, c’étaient les deux. Et pourtant, elle était sur un petit nuage comparé au choc qu’elle eut en voyant sa meilleure amie, Isla, débarquer chez elle, avec deux coquards. Elle jura, puis pris la blonde dans ses bras. « Ca va aller … T’inquiète … J’ai tant de choses à te raconter … » Non, ça ne va pas aller, ça ne peut pas aller. Adriana avait envie de hurler, de poser les 50 000 questions qui tournaient dans sa tête, mais elle ne voulait pas presser Isla. Ses habitudes de flic tentaient de barrer la route au comportement d’une amie. Car si l’amie voulait tout savoir, maintenant, la policière savait qu’on ne devait pas presser les gens à se confier, les laisser venir, à leur rythme. Elle ne put cependant réprimer un regard sévère, signe qu’Isla finirait bien par tout lui raconter avant de quitter cet appartement. « Je te prendrais bien un thé, s’il te plait … » Adriana serra la mâchoire, regarda son amie s’installer à la table de la cuisine et se contenta de hocher la tête. Elle mit de l’eau à chauffer, plaça l’assiette de cookies sur la table, puis ramena deux tasses de thé à la menthe. Elle ajouta des cuillères et du sucre puis s’installa en face de son amie, la fixa droit dans les yeux. Elle se retint de croiser les bras, ne voulant pas l’offenser ou la brusquer. Elle laissa le silence s’installer un moment entre elle, mais n’y tint plus. « Est-ce que t’as déjà été déposée plainte ? Tu veux que je t’accompagne ? » Parce que peu importe ce qui s’était passé, il était hors de question qu’elle laisse son amie affronter ça toute seule. Pourtant, l’air coupable qu’affichait Isla n’annonçait rien de bon. Si les victimes de violences pouvaient culpabiliser, à tort, Ade craignait que la blonde ne connaisse son agresseur. Elle prit la main d’Isla entre les siennes, inspira profondément pour tâcher de dissiper sa colère, et reprit d’une voix douce. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » |
| | | | (#)Dim 27 Fév 2022 - 23:22 | |
| Je savais d'ores et déjà que ma visite chez Adriana ne se déroulerait pas comme les précédentes. C'était aujourd'hui que je me devais de crever l'abcès que j'avais moi-même laissé naître... Ça ne pouvait plus continuer ainsi et s'il y a une chose dont j'étais certaine, c'était que je devais être près des miens pour passer au travers les prochaines étapes. Ma déposition était prise, la plainte officiellement ouverte... mais ce n'était que la pointe de l'iceberg et je le savais très bien. Il y avait toutes ces rencontres avec l'enquêteur et toutes celles chez l'avocat puisque, évidemment, je tenterais de retirer quelque chose de cette situation... Sans compter les potentielles rencontres chez le psychologue où je finirai indéniablement par aller chercher l'aide nécessaire à me défaire des traumatismes que vivre une telle situation peut engendrer.
Bien qu'assise face à Ade, mes jambes tremblaient et mes doigts étaient liés entre eux jusqu'à ce que cette dernière vienne passer sa main entre pour venir prendre la mienne. Je savais qu'en parler à Ade pouvait se révéler être une tâche ardue puisqu'elle était aussi dans le corps policier et qu'en tant que bonne flic, elle voudrait forcément faire payer la personne qui m'aurait causer tout ces maux. Mais en ce moment, je n'avais besoin que d'une chose et c'était de mon amie. Ma meilleure amie. Son écoute et ses cookies.
« Est-ce que t’as déjà été déposée plainte ? Tu veux que je t’accompagne ? » je secoua la tête machinalement. Nouveau silence. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » J'inspirai un coup avant de prendre une gorgée du thé que m'avait apporter mon amie. Je reposa le plus lentement possible la tasse, souhaitant immanquablement gagner du temps avant de devoir déballer mon sac. C'était encore frais, c'était encore si nouveau. D'admettre. De le dire à voix haute. Ça rendait malheureusement les choses trop réelles... « Ne t'en fais pas, j'y reviens tout juste... Et par pur hasard, j'ai parlé à mon père... » Je savais que la mention de mon père, bien qu'un sujet fort intéressant entre nous deux, ne la ferait pas déroger de son objectif premier. Ade voulait savoir. Je déglutis avant de resserrer un peu plus fort sa main dans la mienne. C'est Chace... et ça fait longtemps que ça dure, pour être honnête. Il n'y a que la première année où c'était sain. Après ça a vite dégénéré. Si tu savais comment à présent je le déteste ! Il peut tellement être le prince charmant lorsqu'il le veut, mais il peut aussi être un sale enfoiré de première. Au début, ce n'était que des mots, des paroles. Violentes, certes. Il me rabaissait sans cesse, me disant que j'étais une bonne à rien, que je n'étais pas digne de confiance, que tout ce qui m'arrivait de mauvais était de ma faute... Après, ça a été les coups... Si tu savais, j'ai dû me rendre par trois fois aux urgences pour avoir des points de sutures ! » J'avais prononcer ces quelques phrases avec une faible voix, presque murmuré. Je le traitais d'enfoiré, mais comment pouvais-je réellement le penser lorsqu'une très grande partie de moi était toujours amoureuse de lui ? « Après chaque coup, deux scénarios s'offraient à moi. Soit il quittait la pièce, en furie. Incontrôlable. Soit il s'excusait du mieux qu'il le pouvait, en pleurant de fausses larmes... Dans les deux cas, je revenais toujours vers lui en m'excusant à mon tour. Comment une personne peut-elle agir ainsi sans scrupules ? Comment une personne peut-elle en manipuler une autre sans aucun remords ? Et c'est comme s'il était né pour agir ainsi. Ce n'est même pas un rôle qu'il joue. Il est volontairement méchant, mesquin et... violent ! Si tu voyais toute la rage dans ses yeux, ça faisait terriblement peur. Et moi, comme une conne, je suis encore amoureuse d'un type qui n'en a probablement rien à foutre de moi... Je ne suis que sa poupée de chiffon qu'il peut baiser ou souiller comme il le souhaite. Je ne cesse de me dire que c'est impossible... C'est impossible qu'il puisse être ce monstre... et pourtant, ces ecchymoses parlent d'elles-mêmes. » finis-je par dire en remontant quelque peu les manches de mon pull pour laisser voir les bleus sur mes avant-bras. Une fois assurée qu'Adriana les avait bien vues, je redescendis le bout de vêtement pour venir les cacher à nouveau. Ce qu'on ne voit pas ne peut pas nous faire de mal, pas vrai ? Je repris la tasse de ma main libre pour venir boire plusieurs gorgées de suite, voulant quasiment me noyer dedans. Je me retenais tellement fort pour ne pas pleurer. Pas maintenant. Pas encore... J'avais tellement pleuré au poste de police que j'ignorais comment mon corps pourrait créer de nouvelles larmes... Je baissa les yeux vers ma main qui enlaçait toujours celle d'Ade, ne voulant pas la lâcher tout de suite. Ce contact physique c'était pratiquement la seule chose qui me faisait encore tenir en ce moment. Sinon, je crois bien que je serais en boule en train de pleurer... Ou de boire. Boire pour oublier. |
| | | | (#)Sam 5 Mar 2022 - 3:39 | |
| Depuis que ma fille avait quitté mon bureau, j’avais saisi ma plume et je jouais distraitement avec le bouchon. Clic et déclic se succédaient dans une suite sans fin. J’avais vraiment cru, naïvement peut-être, que tout allait bien dans la vie de mes enfants depuis leur divorce. Je l’avais pourtant vu de loin que Margaret était plus préoccupée par ses amours éphémères que par notre marmaille. Sauf que rien ne pouvait me préparer à cette réalité : celle que ma fille avait été agressée sans vergogne par un conjoint violent.
Que je le voulais ou pas, les pensées tourbillonnaient dans ma tête en un bruissement sans fin. Un coup de tonnerre. Était-ce ma faute ? Était-ce celle de sa mère? Est-ce que nous aurions pu faire quelque chose pour empêcher ça ? Dans la tornade qui me secouait, j’étais toutefois capable d’admettre que je savais que je n’allais pas être en mesure de travailler. Même si je le voulais. Mon esprit était trop préoccupé par la liste de questions et de regrets qui s’allongeait dans ma tête comme une liste sans fin. Une interminable liste.
Comme un robot, je m’étais dirigé dans le bureau de Jenkins, mon supérieur. J’avais le teint couleur craie. Je me sentais vieux, épuisé, étiré (comme du pain que l’on avait étendu un peu trop sur une grande tartine). Après que j’eus cogné, il m’invita à entrer et juste à voir ma tronche, ayant probablement déjà eu les échos que de ce qui s’était passé, il me dit de poser mon après-midi et d’aller me reposer. Je devais avoir une tête de déterrer.
Je me retrouvais donc assis dans ma voiture : la même que j’avais depuis près de dix ans à tapoter le volant sans être trop certain de ce que je devais faire. J’hésitais pendant un petit moment avant de choisir. Ce fut une question ou plus précisément le besoin d’avoir une réponse à cette question qui me guida. La seule question qui m’obsédait à cet instant, c’était si quelqu’un dans notre entourage était au courant, si une des rares personnes savait. J’avais envisagé d’appeler le parrain de ma fille, Jake… mais elle n’aurait pas dit ça. Sisco peut-être avait-il vu. Mais il me l’aurait dit. Il m’avait après tout dit que mon fils rôdait autour de sa fille. Adriana… Elle était la meilleure amie de ma fille.
Machinalement, je pris la direction de Redcliffe. J’arrêtais ma voiture devant la résidence d’Adriana. Ma main cogna à trois petits coups sur la porte de bois avant que je réalise que c’était une erreur, que je n’étais pas en état d’en parler et surtout que ce n’était pas à moi d’en parler pour ma fille. Je tournais brusquement les talons, remontais sur le siège conducteur à grandes enjambées, m’éloignais en vitesse. En tourant dans mon entrée, quelques minutes plus tard, je fondis en larmes dans des sanglots amers. |
| | | | (#)Jeu 10 Mar 2022 - 21:43 | |
| Adriana faisait preuve d’une patience qui l’étonnait elle-même, face à Isla, alors qu’elle envie de savoir, de suite. Elle voulait comprendre, et elle voulait agir. N’était-ce pas pour protéger les autres, et en particulier ses proches, qu’elle avait fait ce métier ? Pourtant, elle avait visiblement échoué avec sa meilleure amie, et le constat était brutal. Elle proposa à Isla de l’accompagner pour déposer plainte. « Ne t’en fais pas, j’y reviens tout juste … Et par pur hasard, j’ai parlé à mon père … » Ho ? Une étincelle de curiosité alluma le regard de la brunette : c’était lui qui avait pris sa déposition ? Après un silence aussi long, leurs retrouvailles s’étaient faites au commissariat, après que Isla ait été agressé. Ade rêvait d’en savoir plus. Elle ne pouvait également s’empêcher de penser à Muiredach, à la détresse qu’il pouvait ressentir à cet instant présent. Car si Ade avait échoué à protéger son amie, lui avait échoué à protéger sa propre fille. Elle se promit de l’appeler avant la fin de la journée pour prendre de ses nouvelles. Pour l’instant, c’était sur Isla et ses paroles que la brunette était concentrée. La blonde lui révéla que le responsable de ces marques était son petit ami, qu’il avait commencé par des violences psychologiques, en la rabaissant constamment. Il était ensuite passé aux coups, et avait envoyé trois fois Isla aux urgences. Au fur et à mesure que la blonde se confiait, la colère et la haine se lisaient dans le regard d’Adriana. Elle faisait tous les efforts du monde pour ne pas serrer la main d’Isla plus fort, préférait serrer la mâchoire, quitte à grincer terriblement des dents. Elle tenta de se calmer en entendant son amie évoquer la rage qu’elle lisait dans les yeux de Chace, parce qu’elle devait sans doute y voir quelque chose de similaire à ce moment-même. Elle détourna le regard, sans lâcher la main d’Isla, fermant les yeux un instant. Le récit de la blonde était le discours classique des femmes victimes de violences : d’abord, le côté psychologique. Ensuite, les coups. Les excuses de l’agresseur, le sentiment de culpabilité de l’agressé, à la merci de l’autre, amoureux et manipulé. Lorsque Isla montra les ecchymoses qu’elle avait ailleurs sur le corps, Ade dut se retenir de frapper la table de son poing. Elle se contenta de le serrer puis de le desserrer, tâchant de se concentrer sur sa respiration pour se calmer. Son thé pouvait bien devenir froid, peu lui importait. Lorsqu’elle prit la parole, sa voix était calme et triste. « Je suis désolée. » En restant assise sur sa chaise, elle se pencha pour prendre dans ses bras son amie. « Je suis sincèrement désolée de ne pas avoir remarqué tout ça, j’aurais tellement voulu t’aider … » Adriana se sentait coupable d’avoir pu louper des faits si graves, qui arrivaient à une des personnes dont elle était le plus proche. Elle aurait dû le remarquer, sentir que Chace était louche, voir qu’il jouait un rôle quand il paraissait, en public, être le copain parfait. Elle aurait dû remarquer les évitements de son amie, lorsqu’elle l’interrogeait sur son couple. Elle aurait dû remettre en question ses excuses pour expliquer des marques étranges qu’elle aurait pu voir. « Je t’interdis de le revoir. » Le mot était fort, et Adriana se mordilla la lèvre inférieure avant de reprendre. « Tu vas retourner chez ta mère, ou chez ton père si tu veux, et tu ne le verras plus. Tu vas bloquer son numéro. T’as des affaires à récupérer chez lui ? Je viendrai avec toi. » D’ici quelques heures, il serait sans doute en garde à vue, pour s’expliquer sur les faits. Et il aurait ensuite l’interdiction de reprendre contact avec Isla. Pourtant, elle savait très bien que dans ces situations, les couples avaient tendance à continuer à se parler, voire à se fréquenter. L’homme était malin, rusé, manipulateur. La femme était amoureuse, et se laissait embobiner par de belles paroles et des excuses bien ficelées. Combien de femmes avaient-elles finalement retirer leurs plaintes, quelques jours plus tard ? « Tu veux rester dormir ici ? » |
| | | | (#)Lun 14 Mar 2022 - 0:11 | |
| Pouvais-je en vouloir à ma meilleure amie de passer par toute une gamme d'émotions devant mes yeux ? Je venais littéralement de lui annoncer une nouvelle catastrophique qui était aussi ravageuse qu'une bombe nucléaire en plein Brisbane. Pourquoi ne l'avais-je pas fait plus tôt ? Pourquoi n'avais-je pas brisé le silence lorsqu'il en était encore temps ? Avant qu'on s'en rende à l'urgence, à la police, aux déclarations officielles... Au point de non-retour. J'aurais pu en parler à Ade comme on en parle à une meilleure amie, j'aurais pu m'en tirer sans plus de coups et de blessures. Autant physiques que psychologiques... Je me trouvais lâche, d'une certaine façon... De ne pas avoir eu le courage d'affronter la réalité plus tôt, de ne pas avoir su reconnaître les choix qui s'offraient à moi avant d'être acculé au mur comme je l'avais été dans les derniers jours. Je n'imaginais même pas comment pouvait se sentir mon amie, en ce moment même, après ces révélations. Elle devait tellement m'en vouloir de ne pas avoir su lui faire plus confiance que ça. Parce qu'après tout, on est amies dans le meilleur et dans le pire. J'aurais dû lui montrer la facette cachée de ma vie. Celle que je ne gardais que pour moi. Lorsqu'on sortait, je revêtais mon plus beau masque, ma plus belle personnalité, ma fausse joie capable d'amadouer n'importe qui. Et quand ça devenait trop difficile, je restais simplement chez moi, faignant un mal d'estomac tenace ou une nausée quelconque. Habituellement, ça marchait... Et ça me laissait quelques jours pour camoufler mes ecchymoses et trouver une meilleure excuse s'il s'avérait qu'elle me questionne sur mon absence des soirées précédentes.
Aujourd'hui, c'était le début d'un nouveau chapitre. Je voulais être totalement transparente envers mon amie que j'avais si longtemps mené en bateau. Je désirais lui avouer toute la vérité et m'excuser autant de fois qu'il me sera possible pour qu'elle sache que je ne lui ai pas menti de mon plein gré. Ça a tellement été une année difficile... Une fois que mon récit fut terminé, elle s'empressa de me prendre dans ses bras. Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais... « Je suis désolée. (...) Je suis sincèrement désolée de ne pas avoir remarqué tout ça, j’aurais tellement voulu t’aider … » J'essuya une larme qui avait réussi à se frayer un chemin jusque sur ma joue. Je lui fis un faible sourire. « Je crois qu'il fallait que ça vienne de moi... Autrement, personne n'aurait pu faire les démarches à ma place. Je suis désolée de t'avoir mise à l'écart. » dis-je en resserrant sa main dans la mienne. Puis la Ade très maternelle que je connaissais ne pu pas s'empêcher de faire surface. « Je t’interdis de le revoir. (...) Tu vas retourner chez ta mère, ou chez ton père si tu veux, et tu ne le verras plus. Tu vas bloquer son numéro. T’as des affaires à récupérer chez lui ? Je viendrai avec toi. » C'est comme si on venait d'ouvrir la valve d'un barrage hydroélectrique à plein régime. Les larmes se mirent à couler en flot et sans que je puisse les contrôler. Dans un sanglot, les mots arrivèrent à sortir quand même. « Att... Attends ! Ça va... trop vite. » dis-je en reniflant, venant poser les deux paumes de mes mains sur mes yeux, laissant couler les larmes sans essayer de les contrôler. Ça faisait je-ne-sais-plus combien d'années que je ne m'étais pas autorisé à pleurer de la sorte. Avant, j'aurais pris une bouteille de vin à moi seule et deux calmants... Ce n'était que mettre un diachylon sur une blessure. Ça calme la douleur, mais ça ne l'efface pas... « Je ne veux pas... Je ne veux rien faire tout de suite. » dis-je dans un soupir. Je ne souhaitais plus y penser pour l'instant... « Tu veux rester dormir ici ? » Et sans que je ne rajoutes quoi que ce soit, j'hochai la tête de haut en bas. Je n'avais pas la force de retourner à la maison... Ni nulle part, d'ailleurs.
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| | | | (#)Ven 25 Mar 2022 - 21:18 | |
| La brunette observe son amie et, si lorsqu’elle a vu Isla arriver avec ses cocards, ce sont la peur et l’inquiétude qui ont prédominé, ces émotions ont rapidement été remplacées par la colère. Une rage sourde, à l’encontre de Chace, ce mec qu’elle étriperait sans aucune hésitation s’il était là, en face d’elle, à cet instant présent. Elle fait tout pour contrôler cette colère et ne pas la laisser la submerger. Elle est à deux doigts de prendre ses clés pour débarquer chez ce pauvre type et lui refaire le portrait. Mais elle se force à montrer le plus de calme possible, dans l’intérêt d’Isla, qui est déjà bien perturbée par la situation actuelle. Et finalement, très rapidement, c’est la culpabilité qui la submerge : comment a-t-elle pu ne pas remarquer ? Comment ça a pu lui échapper, alors qu’on parle d’Isla, sa meilleure amie ? Comment a-t-elle pu louper les signes, alors qu’elle est censée la connaître par cœur, savoir quand elle ment, le sentir quand elle va mal ? Comment elle, qui est policière, formée pour aider les gens, a pu passer à côté d’une telle situation ? Elle s’en veut terriblement de ne pas avoir pu aider son amie. Alors elle présente ses excuses à Isla, parce que c’est la chose qui lui paraît la plus logique, même si ça semble bien trop faible pour réparer ses manquements. « Je crois qu’il fallait que ça vienne de moi … Autrement, personne n’aurait pu faire des démarches à ma place. Je suis désolée de t’avoir mise à l’écart. » Adriana se contente de secouer la tête négativement, en pinçant les lèvres. Elle n’est pas d’accord, mais ne relèvera pas. En réalité, même si elle n’aurait pas pu déposer plainte pour son amie, elle aurait pu signaler les faits, en qualité de témoin. Elle aurait pu enquêter. Et, si elle s’était laissée dominer par ses émotions, elle aurait pu lui casser les deux jambes. Peu importe que qu’elle aurait dû faire, mais elle aurait dû faire quelque chose. Si les excuses sont insuffisantes, Ade se concentre sur le présent, et ce qu’elle peut faire pour réparer son absence lors de ces moments difficiles. Alors elle se focalise sur l’action, le concret : récupérer ses affaires chez Chace, et bloquer son numéro. « Att… Attends ! Ca va … trop vite. » La brunette fronce les sourcils en observant son amie. Là, elle ne la suit pas. Déjà, parce que ça ne va pas trop vite. Une fois que Chace aura fait ses 48 heures de garde à vue, il sera présenté à un juge qui lui remettra une convocation à une audience, qui aura lieu dans quelques mois, et qui lui notifiera une interdiction d’entrée en contact avec Isla. C’est la procédure la plus classique, et c’est sans doute ce qui arrive à ce pauvre type. Et puis, c’est Isla qui a fini par prendre son courage à deux mains et par aller déposer plainte. Alors, elle doit savoir que leur relation est terminée, non ? Ade fronce les sourcils en observant la blonde. « Je … je ne comprends pas. Qu’est-ce qui va trop vite ? » Elle prend les mains de son amie entre les siennes. « Tu as fait le bon choix, en dénonçant les faits, et en mettant un terme à votre relation. Alors maintenant, c’est fini. Et tu seras en sécurité. » Mais il ne faut surtout pas qu’elle ait des remords, veuille faire machine arrière ou tente de contacter celui pour qui elle a peut-être encore des sentiments. Combien de fois des femmes se mettent-elles à rétropédaler, expliquer qu’elles ont tout inventé, et retournent-elles vivre chez leur agresseur, parce qu’elles sont amoureuses ? « Je ne veux pas … Je ne peux rien faire tout de suite. » Ade réprime un soupire. Elle a peur que sa meilleure amie retombe dans le piège tendu par Chace, qu’il s’excuse, lui jure qu’il l’aime, qu’il lui promette de ne jamais recommencer, et qu’elle le croit. Pourtant, elle n’insistera pas aujourd’hui, parce qu’elle ne veut pas braquer son amie. Elle lui laissera le temps qu’il lui faudra pour qu’elle fasse le deuil de cette relation, mais veillera à ce qu’elle ne retombe pas dans les bras de ce pauvre type. Alors, pour la protéger, et pouvoir continuer à la réconforter, elle lui propose de rester dormir, et Isla hoche la tête. La brunette esquisse un sourire triste avant de prendre une nouvelle fois son amie dans ses bras. « Allez, je te prêterai un T-shirt pour dormir et je te trouverai une nouvelle brosse à dents. En attendant, on peut commander à manger pour ce soir, se poser devant la télé et se goinfrer de glace. » Adriana se lève et plonge la tête dans le congélateur, en sortant un pot de glace au chocolat et un pot de glace à la pistache, en lançant un à son amie, avant d’attraper des cuillères. « File sur le canapé ! On va se faire une soirée filles ! » Le remède contre les chagrins d’amours classiques, mais peut-être insuffisant face à tant de souffrances. |
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