Il sonne à la porte, plus anxieux qu’il n’est prêt à l’admette. La fête d’anniversaire devrait être terminée, tout le monde rentré. Bien sûr qu’il n’est pas venu plus tôt, pourquoi aurait-il eu envie de croiser ceux qui le voit comme le méchant de cette histoire ? Rencontrer Birdie a été assez pour lui faire comprendre qu’il n’a absolument aucune envie de rencontrer les proches de Zoya. S’ils sont tous comme l’oiseau fou qui lui a réservé un accueil tout sauf agréable, non merci. Il n’a pas envie de commencer des débats, encore moins envie de se retrouver à cracher sur le dos de Zoya quand leur relation est déjà assez fragile. Alors oui il valait mieux qu’il ne passe pas tout de suite. Et le moins de gens ne mettent vraiment son visage d’acteur sur lui mieux ça sera. L’histoire n’a pas encore fuitée dans la presse et cela relève du miracle. Il ne fait pas confiance aux proches de Zoya, tout simplement parce qu’il ne les connait pas.

Freddy lui a dit qu’il viendrait bien sûr, qu’il ne louperait pas le premier anniversaire de sa fille. Sa fille, les mots sonnent encore faux dans son esprit, comme s’il n’arrivait pas à se convaincre qu’il est père. Mais chaque jour les choses simples deviennent un peu plus naturelles, la nourrir, changer sa couche, la bercer. Chaque jour, son cœur s’ouvre un peu plus à ce petit être et bien qu’il ne le réalise pas, il devient un peu plus père à chaque semaine passante, les gestes plus naturels, les mots plus doux, sans que ça soit pour autant facile, mais il s’accroche.

Freddy sonne à la porte, un peu anxieux à l’idée que les invités soient encore là, mais il est l’heure du diner et il est presque sûr que tout le monde est parti, un message à Zoya lui a confirmé. Lorsqu’elle lui ouvre avec l’enfant dans les bras, il adresse un faible sourire à Zoya qui s’illumine quand son regard se pose sur l’enfant. « Joyeuuux Anniversaire toiiiii. » Il a déjà une voix de parent gaga, et le Freddy d’il y a un mois se serait foutu à cœur joie de ce ton ridicule. Aujourd’hui, il ne s’en rend même pas compte. « Est-ce que j’ai plein de cadeaux pour toi ? Peut eeeeetrrre. » Il relève la tête vers Zoya, son ton soudainement sérieux mais son regard complètement malicieux. « Je suis désolé tu vas devoir déménager ton loft va pas être assez grand pour tous les cadeaux, j’ai un an à rattraper. » Le visage sérieux se fend d’un sourire provocateur, fidèle à lui-même. Il n’y a pas de piques de lancées dans sa voix. Et en réalité, il n’a pas dévalisé tout un magasin de jouet. Non, il a un ou deux paquets, mais c’est surtout un cadre emballé qu’il tient d’une main qui dénote. "La fête s'est bien passée ?" demande-t-il poliment. Qu'on ne lui dise pas qu'il ne fait pas d'efforts, il n'a jamais autant pris sur lui pour qu'une relation se passe bien. Sa soeur devrait lui donner une médaille très honnêtement.

@Zoya Lewis

L’après midi a été agitée, exténuante même mais rien ne pouvait rendre Zoya plus heureuse que cet instant. Un an, un an que Chloe fait partie de sa vie et s’il y a encore quelques mois, elle doutait de pouvoir porter cette casquette de mère comme il se doit, aujourd’hui, elle est plus déterminée que jamais à l’endosser. Zoya est déterminée parce que sa dernière erreur, celle où elle a laissé Chloe dans les bras de son père sans un regard en arrière, et qu’elle a eu bien du mal à récupérer ensuite, lui a servi de leçon. Elle a compris qu’elle était incapable de vivre désormais sans sa fille, malgré le manque de sa liberté de mouvement, malgré le manque de cette insouciance qui a toujours guidé son quotidien. Elle ne sait si ce manque se fera à nouveau plus présent à un moment ou à un autre, mais aujourd’hui, elle le laisse enfoui, elle le laisse complètement de côté. Elle n'a d’yeux que pour Chloe, qui fête aujourd’hui ses un an, entourée de toutes ces personnes qui l’aiment tout autant que sa propre mère. Ces mêmes personnes que Zoya regarde d’un air attendri, parce que malgré ces derniers mois où elle sait les avoir tous déçus d’une manière ou d’une autre, ils sont restés présents pour elle et semblent lui avoir pardonné. C’est notamment le cas de son meilleur ami @Trent Higgins, avec qui elle s’est rabibochée il y a peu et dont retrouver sa présence dans sa vie lui fait le plus grand bien. Et ça grâce à la @Birdie Cadburry bien que, sur le coup, autant Trent que Zoya aient pu lui en vouloir de les avoir piégés de la sorte pour qu’ils décident de mettre les choses à plat après trois mois sans s’être adressé la parole. Alors qu’elle est dans sa rêverie en train de donner une petite cuillère de gâteau à Chloe, qui semble aimer ça, elle sent une main se poser sur son épaule, celle de @Rory Craine son sauveur, comme elle l’aime l’appeler alors qu’il a accouru jusqu’à Byron Bay du jour au lendemain lorsqu’elle a pris conscience de la pire erreur qu’elle a pu faire de toute sa vie. C’est d’ailleurs un @Swann Buchanan souriant qu l’accompagne à qui Zoya propose de donner le restant de part de gâteau à Chloe, car elle voit bien cet air attendri dans son regard. Ses lèvres s’étirent alors qu’elle en profite pour aller rejoindre ses frères @Deklan Lewis, @Cameron Lewis et Zeke, ce dernier voulant à tout prix leur raconter à tous les trois sa dernière invention… qui sera sûrement un échec de plus. Mais en grande sœur poule qu’elle peut être pour lui, Zoya l’écoute attentivement et l’encourage vivement… peut-être à tort. @Freya Vranken vient d’ailleurs à les rejoindre dans la discussion, Zoya passant son bras autour de sa taille pour l’étreinte brièvement. Pour elle, elle a toujours été une Lewis, cette petite sœur qu’elle n’a jamais eu et c’est donc tout naturellement qu’elle prend part à la discussion. Le téléphone de la photographe se met soudainement à retentir et c’est un @Anwar Zehri lui criant un joyeux anniversaire dans l’oreille qu’elle découvre au bout du fil. Elle lève les yeux au ciel, lui demande de recommencer pour Chloe qui n’était pas à ses côtés – d’ailleurs, petit instant de panique pour le Zehri quand elle a dit ça – et après une brève conversation, elle finit par raccrocher. Elle découvre alors le message de @Laila Ferrer qui s’excuse à son tour de ne pas être présente, fêtant un joyeux anniversaire à Chloe, tout comme un similaire de la part de @Rhett Hartfield qui ne peut pas être présent, ce qui l’amène à penser à @Elijah Walker dont les rapports sont plutôt tendus depuis leur rupture et dont le retour à Brisbane n’a rien arrangé.

La fête se termine un peu plus tard en fin d’après-midi et Zoya donne le feu vert à Freddy pour venir les rejoindre, elle et Chloe. Il est important pour elle qu’il soit présent, elle lui a promis qu’elle ne l’empêchera pas de faire partie de la vie de leur fille. Alors, même si elle a l’impression de marcher constamment sur des œufs avec lui, les deux jeunes parents tentent, du mieux qu’ils le peuvent, de faire en sorte de s’entendre, au moins pour elle. Zoya la serre dans ses bras un peu plus alors que la sonnette retentit et qu’elles se dirigent vers la porte d’entrée pour ouvrir. « Joyeuuux Anniversaire toiiiii. Est-ce que j’ai plein de cadeaux pour toi ? Peut eeeeetrrre. ». Les lèvres de la jeune femme s’étirent alors qu’elle porte son regard sur Chloe. Celle-ci esquisse un sourire à son tour à l’attention de son père « Je suis désolé tu vas devoir déménager ton loft va pas être assez grand pour tous les cadeaux, j’ai un an à rattraper. ». Zoya pourrait s’offusquer parce qu’il y a tout de même cette pique qui lui rappelle qu’elle l’a privé de Chloe pendant presque un an, alors qu’elle avait pris la décision de ne rien lui dire sur sa paternité. Elle ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel mais le sourire provocateur de Freddy la détend alors qu’elle lui « Je t’en prie, entre », lui laissant le soin de refermer la porte derrière lui « Elle a été tellement gâtée par tout le monde, que je vais devoir sérieusement l’envisager ».  Et il pourra s’en rendre compte par lui-même quand il y plusieurs cadeaux qui jonchent le sol et que des emballages traînent encore par-ci, par-là. "La fête s'est bien passée ?" Zoya se pivote face à Freddy alors qu’elle dodeline doucement une Chloe souriante « Oui, tout le monde était content de retrouver Chloe et je pense que toi aussi tu l’étais tout autant » La fin de sa phrase est prononcée avec cette voix stupide que tout parent emprunte pour s’adresser à leur bambin, mais là aussi, Zoya en a que faire. «  Mais je pense que quelqu’un lui a quand même manqué » dit-t-elle sur un ton doux, alors que Chloe tend ses bras à l’encontre de son père pour qu’il vienne à la porter. « A moins qu’elle est hâte d’ouvrir ses cadeaux et qu’elle cherche à te faire du charme » mais ça, Zoya en doute.

Une part de lui aurait voulu venir plus tôt. Mais il n’était pas prêt à affronter les autres, les proches de  @Zoya Lewis   dont il ne veut pas entendre parler. Il a passé son début d’après midi à passer le temps, cherchant un film à regarder et ne tombant que sur des films de  @Heather Harris   ou de  @Micah Tomlinson , ce qui a manqué de lui filer des boutons. Les heures ont été longues avant qu’enfin il ne puisse se rendre chez Zoya, un sac de cadeau à la main et une toile emballée qu’il a longuement hésité avant d’emmener.

Lorsque Zoya lui ouvre, il ne peut s’empêcher de se demander si  @Birdie Cadburry  n’est pas encore là et si elle ne va pas le réduire en pièces. Pas que l’oiseau lui fait peur, mais il n’a aucune envie de recroiser la jeune femme. Mine de rien c’est aussi un peu grâce à elle qui a fini par rendre l’enfant, les mots l’atteignant plus qu’il ne voulait l’admettre. Mais c’est surtout sa soeur  @Tessa Mulligan , dont les mots ont fait l’effet d’un électrochoc, le poussant enfin à réfléchir.  Il a fait une erreur en privant Zoya de sa fille, il s’en rend compte alors que les jours passent et qu’ils apprennent petit à petit à être parents. Qui est-il pour priver un enfant de sa mère ?

Sa fille a un an et il a encore du mal à se rendre compte qu’il est père, que Chloe est bien sa fille. La petite réveille en lui autre chose, le besoin peut être de connaître ses propres origines. Il repense à  @Channing Walker ,  @Lexie Walker  et  @Elijah Walker , cette famille qui n’est peut être même pas la sienne, cette famille qu’il prétend encore ne pas vouloir connaître quand il est incapable de les laisser tranquilles. Le sentiment s’est amplifié avec la présence de Chloe à ses côtés, comme si l’enfant avait remué des vieux souvenirs auxquels il n’arrive pas à échapper.

Il aurait pu perdre pied ce dernier mois face à l'annonce de cette paternité, mais le soutien de sa soeur et de son frère  @Lincoln Mulligan  lui ont permis de garder la tête hors de l'eau. La présence de  @Holden Atwood qui a su lui changer les idées et qui a été présent quand il était complètement paniqué l’a sauvé également.

C’est sans doute grâce à ses propres que Freddy a aujourd’hui le courage d'être dans ce loft, d’agir en tant que père ou du moins d'essayer. « Je t’en prie, entre » Il referme la porte derrière lui et la suit. « Elle a été tellement gâtée par tout le monde, que je vais devoir sérieusement l’envisager ». Il n'a pas spécialement pensé que les mots pouvaient être une pique, mais au moins elle ne semble pas l’avoir mal pris. L’acteur a dû mal à lâcher l’enfant des yeux, alors qu’il s’attache un peu plus au bambin souriant chaque jour qui passe. « Oui, tout le monde était content de retrouver Chloe et je pense que toi aussi tu l’étais tout autant » Il détourne le regard un instant alors qu’elle parle à Chloe de cette voix à laquelle on s’adresse aux enfants. C’est à cause de lui, aussi, si les proches de Zoya ont été privés de l’enfant. Il n’est pas sûr de culpabiliser, ne sait pas encore ce qu’il ressent, préférant ne pas trop s’y attarder. «  Mais je pense que quelqu’un lui a quand même manqué » L’enfant tend les bras et après avoir déposé le sac puis la toile emballée contre un meuble, il l’attrape un peu maladroitement mais avec une grande attention, la dodelinant contre lui. « A moins qu’elle est hâte d’ouvrir ses cadeaux et qu’elle cherche à te faire du charme » Un léger rire secoue ses épaules. “Ca serait pas étonnant de ma fille ça”. Sa fille, il se surprend à chaque fois en disant les mots. Du menton, il pointe la toile emballée. “Tiens, je pense que ça elle est un peu trop petite pour l’ouvrir ou pour en avoir quelque chose à faire ” Il sourit mais ne la regarde pas dans les yeux préférant se concentrer sur la petite. Il a peint un portrait de l’enfant. S’il est assez notoire que l’acteur est un passionné d’art, il est surtout réputé pour ses investissements plutôt que pour ses propres talents. C’est quelque chose qu’il montre peu, la peinture faisant partie de son jardin secret. Peu à l’aise de s’être dévoilé, les apparences reviennent vite, son sourire mutin. “Il reste du gâteau ?”

“Ca serait pas étonnant de ma fille ça” Est-ce que la remarque ne manque pas de lui faire lever aux yeux au ciel ? Certes. Mais c’est quand même d’un regard attendri qu’elle observe le père et sa fille. Si Zoya a été réticente pendant des mois à ce que Freddy fasse partie de la vie de Chloe, elle estime désormais qu’il a tous les droits d’être présent dans sa vie. Il est certain que sa décision stupide quelques mois plus tôt et les conséquences que celle-ci a entraîné – Freddy la privant de sa fille – ont forcément eu de l’influence sur son opinion à ce sujet. Cependant, dire qu’elle a une totale confiance en l’acteur serait mentir, mais le voir là pour l’anniversaire de Chloe a quelque chose de réconfortant. Tout comme se dire qu’ils sont désormais deux pour elle, deux à vouloir faire de leur mieux pour être les parents qu’elle mérite, être des parents à la hauteur. Un mois bientôt que Zoya a récupéré sa fille et elle en savoure chaque instant, ne laissant pas pour autant Freddy sur le banc de touche bien qu’ils ne connaissent finalement que très peu de choses l’un sur l’autre.

“Tiens, je pense que ça elle est un peu trop petite pour l’ouvrir ou pour en avoir quelque chose à faire ” Zoya reporte son regard vers la direction qu’il lui indique et se dirige vers ce cadeau qu’il a spécialement apporté pour l’anniversaire de leur fille. Un cadeau qu’elle se charge de déballer après s’être installée avec sur le canapé. Elle y découvre alors une toile peinte représentant le portrait de Chloe. Zoya analyse attentivement l’œuvre, s’attardant sur chaque coup de pinceau, laissant ses doigts parcourir la toile délicatement, elle qui a baigné dans la peinture et les arts en général depuis son plus jeune âge grâce à sa mère. Elle a d’ailleurs une passion particulière pour la peinture, un passe-temps auquel elle peut s’adonner de temps en temps elle aussi « C’est toi qui l’as peint ? » demande-t-elle en premier lieu alors que ses sourcils sont toujours froncés, son regard analysant toujours le tableau « C’est très beau… Ca ira bien dans sa chambre » Elle relève alors ses yeux pour trouver le regard de Freddy à qui elle sourit, avant de s’adresser à leur fille « Regarde ma chérie… Qui c’est ça ? Mais oui c’est toi » Pas sûr que Chloe comprenne réellement ce qu’elle dit mais elle laisse cette dernière toucher la toile quelque peu alors qu’elle est assisse sur les genoux de son père « Tu peux dire merci papa » chuchote-t-elle alors doucement en embrassant la main de sa fille avant de se lever pour aller reposer la toile à sa place initiale. « Je pense que le deuxième elle peut l’ouvrir avec toi » fait-t-elle en lui donnant dans les mains et le laissant avec Chloe pour ouvrir le paquet.

“Il reste du gâteau ?” «  On a tout mangé, désolé » répond-t-elle sérieusement, l’absence de tout sourire sur ses lèvres. Lèvres qui s’étirent peu à peu alors qu’elle vient à se lever à nouveau « Oui il en reste, tu as le choix même » des gâteaux qu’elle a elle-même confectionné, son père lui confiant comme à chaque fois les secrets de ses recettes « Chocolat, ou coco et fruit de la passion ? elle est dans la cuisine, attrape une assiette et sort les gâteaux du frigo « Fais maison » ajoute-t-elle alors que son couteau ne demande qu’à plonger dans l’un ou l’autre gâteau. Ou les deux, s’il désire goûter les deux.

Cela me semble facile d’utiliser un pronom possessif. Ma fille. Pourtant j’ai encore du mal à m’habituer au mot, à le faire glisser sur ma langue, comme si je n’étais pas encore certain de sa signification et de son impact. Mais chaque jour qui passe semble rendre la chose plus facile.

J’ai posé la toile emballée contre le meuble. Ce cadeau-là, ma fille de même pas un an ne s’y intéressera pas et pourtant il est sans doute celui qui est le plus sincère. Cela pourrait presque être une offre de paix, un cadeau de réconciliation, si j’accordais un tant soit peu d’importance aux symboliques. C’est Zoya qui l’attrape, qui enlève délicatement le papier alors que mon regard se détourne, car je n’assume pas vraiment de lui montrer la toile que j’ai peinte. Peut être parce que cette partie-là de moi n’est pas connue du public. Quand je la regarde de nouveau, elle observe toujours la toile, ses doigts parcourant les traits de peinture avec délicatesse, me troublant. « C’est toi qui l’as peint ? » « Oui… » Je pourrais mentir mais ne le fait pas, étrangement anxieux de connaître sa réaction. « C’est très beau… Ca ira bien dans sa chambre » Mes épaules se détendent sans que je n’ai remarqué qu’elles se soient tendue. « Regarde ma chérie… Qui c’est ça ? Mais oui c’est toi » Zoya montre la toile à l’enfant et ça a le mérité de m’arracher un sourire. Je doute que le bambin soit sensible à la peinture et je me demande si un jour ça sera le cas, l’image de moi apprenant à peinture à une petite fille plus âgée se dessine dans mon esprit. « Tu peux dire merci papa » Le mot papa m’arrache toujours un rictus mal à l’aise, j’ai presque envie de me retourner derrière moi pour chercher la personne dont Zoya parle. « Je pense que le deuxième elle peut l’ouvrir avec toi » J’hoche la tête, m’installant avec la petite sur les genoux pour ouvrir l’emballage du deuxième paquet. « C’est quoi ça ? » Sous mes mains se dévoilent un petit livre musical, chaque page aux textures et aux sons différents. La petite gazouille face aux nouveaux sons et moi je me sens m’adoucir plus les secondes passent car elle semble m’atteindre bien plus que je ne le voudrais.

C’est le regard de Zoya sur ma peau qui me sort des mes pensées, me ramène à la réalité. Il n’en faut pas plus pour que le rictus revienne et l’assurance avec, moqueur et confiant, comme si l’instant de vulnérabilité juste avant n’avait jamais existé alors que je lui demande s’il reste du gâteau. « On a tout mangé, désolé » Est-ce que j’ai l’air d’un enfant, déçu de ne pas avoir du gâteau ? Complètement. Mais son sourire me faire comprendre qu’il en reste bel et bien. « Oui il en reste, tu as le choix même. Chocolat, ou coco et fruit de la passion ? Fais maison. » Chloe dans les bras, je la suis dans la cuisine, un rictus aux lèvres. « Chocolat évidemment. » Je pose Chloe dans le petit parc qui semble lui être dédié, m’approchant pour attraper l’assiette qu’elle me tend. « Il est très bon. » dis-je en en prenant une cuillère. « C’est toi la grande pâtissière ? Tu caches d’autres talents comme ça ? » je demande avec un petit sourire.

Alors que je mange, mon regard cherche de nouveau la petite qui gazouille dans son parc. J’hésite avant de finalement oser poser la question que je veux aborder depuis quelque temps déjà. « Tu as toujours su que tu allais la garder ? » La question est-elle maladroite ? Sûrement. Mais après tout ne l’a-t-elle pas laissée des mois plus tard ? N’est-ce pas la preuve qu’elle n’était pas prête, qu’une part d’elle peut être n’en voulait pas ? N’a-t-elle pas toujours su qu’elle ne voulait pas que je fasse partie de sa vie ?

@Zoya Lewis

Le gâteau croustille sous mes dents dans ce moment de paix, comme si la trêve avait été lancée. « C’est moi qui l’ai fait oui, une recette de mon père. Et je ne me contente pas que de la pâtisserie, je fais de très bons petits plats aussi » dit-elle en plongeant sa fourchette dans le gâteau du chocolat ce qui m’arrache un sourire amusé.

« Sinon, concernant mes autres "talents" ou je dirai plutôt passion, je pense qu’on partage celle pour la peinture »  L’intérêt se lit clairement sur mon visage alors que je la regarde un peu surpris. Je ne devrais pas être étonné, elle avait déjà un don pour la photographie, les arts se rejoignaient. « Il faudra que tu me montres ça. »  Curieux, je l’avais toujours été et s’il s’agissait de peinture mon intérêt en était renouvelé.

« Tu peins souvent ? Ma mère a une galerie d’art en ville, si jamais ça d’intéresse. » La remarque m’arrache un sourire amusé alors que je prends une nouvelle bouchée de gâteau, me laissant le temps de répondre.

« J’ai assez de ma vie pour les yeux du public. Peindre c’est pour moi, pas pour les autres. Mais oui je peins souvent » dis-je simplement en haussant les épaules. Seul jardin secret que je gardais pour moi, les toiles que je peignais finissaient en cadeaux à mes amis, à ma famille ou dans mon atelier dans ma villa, mais jamais je n’avais souhaité utiliser ma notoriété pour les faire connaître. C’était bien la seule chose trop personnelle que je ne voulais pas montrer au monde. « Il faudra que je passe à cette galerie, ta mère a peut-être des œuvres qui pourraient m’intéresser. » Nouveau sourire, toujours sincère, cette fois ci, cette partie de moi est déjà plus connue, je collectionnais les œuvres, donnait beaucoup d’argent aux musées et aux fondations artistiques. Seul mon propre talent n’était pas quelque chose que je montrais.

Je ne sais pas pourquoi alors que je regarde Chloe une question plus personnelle me vient, que je prononce avec hésitation. Peut-être que je ne devrais pas. Peut-être que ça ne me regarde pas. Peut être que ce n’est pas le genre de questions qu’on pose, encore moins à la mère de son enfant. Elle se redresse, son regard prêt à lancer des éclairs et je sens la tornade prête à éclater. « Ca serait mentir que de dire que je n’ai pas hésiter….au début. » Cela me rassure car moi j’aurais hésité à chaque seconde. Je sais déjà quelle décision j’aurais essayé de lui faire prendre si je l’avais su. Je lui aurais demandé d’avorter, pas prêt à supporter la responsabilité d’un enfant. Elle s’installe sur un tabouret à côté de moi.

« Il a été de courte durée parce que… même si je savais que je n’étais pas prête, je ne pouvais pas passer à côté de cette unique chance » Les derniers mots me font relever la tête vers elle. Unique chance ? Unique chance de devenir mère ? Nos regards se rencontrent et je comprends qu’elle va choisir la carte de l’honnêteté. « A vingt cinq ans, on m’a annoncé que je ne pourrais jamais avoir d’enfants. Tomber enceinte de Chloe relevait du miracle. Je ne pouvais pas me résigner à … avorter. Le choix de la garder m’a paru comme une évidence… Je sais que je ne suis pas parfaite pour ce rôle… mais j’apprends »  Soudain je comprends, je comprends qu’il n’y a pas eu d’autres choix possibles, que si elle voulait être mère c’était cette occasion ou jamais et il a fallu que ça tombe sur un type comme moi à son plus grand malheur. Ce sont les mots qu’elle n’a pas dit ici mais que je peux deviner. Une nuit en Italie qui aura changé nos deux vies, je l’aurais simplement appris des mois plus tard. Mon regard se détourne pour se poser sur Chloe, pour observer les traits du poupin. Le silence s’étire, uniquement brisé par les petits gazouillements de l’enfant. C’est peut-être parce qu’elle a été honnête que je décide de l’être à mon tour.

« C’est pas que j’ai jamais voulu d’enfants, j’ai envie d’être père. C’est juste que j’ai jamais pensé pouvoir être un bon père et que je voulais pas imposer ça à un enfant. » Il y a tout ce que je ne dis pas. La peur de m’attacher à qui que ce soit, d’avoir une raison de rester, une raison de ne plus disparaître au moindre problème. Une raison de grandir et de me soucier de quelqu’un d’autre. « Mais je vais essayer. » Mon ton est doux, peut être une réponse à son « j’apprends. ». « Je comprends pourquoi tu l’as gardée. » dis-je simplement. Malgré notre absence de relation, malgré toute la difficulté d’élever un enfant seule.

@Zoya Lewis