Encore une soirée un peu trop alcoolisée. Encore une soirée où je n'avais pas su m'arrêter... Encore une soirée où j'ai voulu ravaler les larmes en faisant pleurer les bouteilles à la place. Était-ce un crime de ne pas vouloir voir la réalité en face et préféré se noyer dans ce qui nous embrume le corps et l'esprit ? Était-ce une façon logique et raisonnable de vivre la situation ? Sûrement pas... Mais c'était la seule façon que j'avais trouvé pour mettre un peu de baume sur mon cœur meurtri. La vie est ainsi faite, à ce qu'il paraît. On ne vit que ce que l'on doit vivre et chaque chose qui nous arrive, nous arrive pour une raison. Si Dieu a mit ce monstre sur mon chemin, qu'il me fait traverser toutes ces épreuves depuis les quatre dernières années, c'est bien parce qu'il sait que je suis capable de les surmonter. Il ne serait pas fier, ce Dieu, de savoir que je préfères vivre dans l'ignorance et le déni, préférant boire pour oublier. Boire pour paralyser la douleur... Encore ce soir, j'avais passé la soirée chez Ade qui ne sait rien du tout sur tout le mal que je vis depuis les derniers mois. On avait prétexter une fête pour ouvrir une première bouteille de vin, puis une deuxième... Et puisqu'on dansait et qu'on chantait, la fête n'a fait que continuer jusqu'aux petites heures du matin... Est-ce qu'elle savait que je refusais désormais de me coucher le soir sans avoir au moins bu une demi bouteille de ce casse-gueule ? Je ne lui en avais malheureusement pas encore parlé, même si je me jurais de le faire à chaque fois que je la voyais... Ce soir, ça aurait pu être le bon soir... Mais j'avais préféré me saouler pour oublier, encore une fois... À ses yeux, elle n'y a vue que du feu puisque j'avais revêtu mon plus beau sourire d'hypocrite et ma fausse bonne humeur contagieuse...
J'avais commandé un Uber pour me ramener chez ma mère parce qu'il était hors de question que je me pointe dans cet état chez mon copain... Des plans pour que je lui donne sur un plateau d'argent une bonne occasion pour me retourner sans dessous dessus... La course n'avait pas été trop longue, mais assez pour que le mal de cœur me prenne d'assaut. J'ai toujours eu le mal du transport, surtout lorsque je me trouvais sur la banquette arrière... Mais ce n'était rien comparé à la sensation d'avoir abusé de l'alcool et d'être en voiture... Mon cauchemar sembla durer une éternité, j'avais même fermé les yeux pour essayer de me concentrer le plus possible sur ma respiration. Merci au moniteur de yoga qui m'avait appris qu'un bon contrôle de sa respiration pouvait faire passer n'importe quel mal. Lorsque la voiture s'arrêta, j'ouvris à nouveau les yeux. Je m'extirpa du véhicule non pas sans mal, saluant le chauffeur au passage. Il avait été clément en voyant mon allure et n'avait pas essayer de trop faire la conversation, voyant qu'à tout moment je pouvais pass out. En moins de deux, je me retrouvas devant la maison de mon enfance qui n'était plus qu'un mauvais souvenir maintenant. Certes, j'y habitais encore... Surtout pour surveiller mon petit frère parce que ma mère avait lâcher toutes ses responsabilités de mère lorsqu'elle s'était refaite un énième amoureux. Rien qu'à y penser, je secouas la tête de gauche à droite. Je pris la clef de la maison dans ma main et tentait de déverrouiller la porte avec beaucoup plus de difficulté qu'à mon habitude. Pouvais-je mettre ça sur la faute du rosé que j'avais bu ? Sans aucun doute... J'avais de la difficulté à rester en équilibre, sentant que le sol pouvait se dérober sous mes pieds à tout moment. C'était quoi cette merde ? Est-ce qu'il y avait un tremblement de terre ou j'étais juste empotée ? « Bordel ! » bougonnais-je en prenant une grande inspiration. Je lâchas mon sac à main qui s’effondra au sol comme une vulgaire chaussette. Je le fixais du regard, il semblait prendre vie sous mes yeux. Je fronças les sourcils. C'était impossible ! Je m'accroupis pour le regarder de plus près quand soudain je perds l'équilibre et me retrouve sur les fesses. « Mais merde ! Pourquoi j'peux pas juste rentrer chez moi ! ». La patience est habituellement une vertu innée chez moi. J'en ai beaucoup et je la perds que très rarement... Seulement, ce soir, j'étais au bout de mes moyens. J'avais trop bu, j'avais le cœur au bord des lèvres, je ne voulais que me coucher et me réveiller que le lendemain avec un souvenir vague de cette nuit de merde...
C'était devenu sacrément compliqué, pour Sisco, de s'isoler sans éveiller les soupçons de ses colocataires et plus particulièrement de Soo, sa plus jeune fille. A cinq dans cette baraque - six avec Bob - il devenait ambitieux de se croire à l'abris des regards suspicieux, surtout lorsque le corse rentrait du jardin avec son haleine de cendrier. Pour garder son secret, il en était arrivé à ne sortir s'encrasser les bronches que la nuit, sous le clair de lune, quand tout le monde somnolait et qu'il avait enfin la paix pour entretenir son cancer du poumon sans avoir à jeter constamment un regard par dessus son épaule. Se justifier, non merci.
Quelle heure était-il, au juste, lorsque qu'il vit le Uber déposer Isla à côté de sa boîte aux lettres ? Beaucoup trop tard pour un jour de semaine, assurément. Silencieux, le corse éteignit sa cigarette sans demander son reste. Le mégot incriminant termina sa course au fond de la brique creuse dans laquelle il s'était habitué à se débarrasser des preuves de son addiction tandis qu'il observait, immobile et perplexe, de l'autre côté de la haie, la silhouette féminine tituber sinueusement. Était-elle ivre ? Encore ? « Mais merde ! Pourquoi j'peux pas juste rentrer chez moi ! » De toute évidence ...
Sans plus attendre, Sisco fit son entrée en scène : il traversa les sapins et se tint face à Isla, fermement encré sur ses deux pieds par opposition à la blonde dont les fesses embrassaient le sol. Sa fibre paternelle, sensiblement secouée par la vision de cette jeune femme qu'il avait connu depuis l'adolescente, alors qu'elle était celle qui s'occupait de garder Soo en son absence, lui somma d'intervenir sans plus attendre. « Suffit de demander. » Répondit-il en ramassant le sac à mains.
Au moment de pousser la clé dans la serrure, le corse s'offrit le luxe d'une question qu'il estimait parfaitement justifiée. Il était après tout en train de lui venir en aide et l'état dans lequel se trouvait sa voisine suffisait à l'inquiéter, si ce n'était en tant que papa, tout du moins en tant que buddy de Muiredach. « Je sais que ce ne sont pas mes affaires, Isla, mais rentrer saoule alors que tu as cours demain, ce n'est pas ce qu'il y a de plus souhaitable, tu ne crois pas ? » Ce qu'il se garda bien d'ajouter, c'est que ce n'était pas non plus la première fois qu'il la voyait slalomer entre les nains de jardins pour arriver à bon port et qu'il n'était pas certain d'apprécier le remake alcoolique qu'elle offrait à tout le voisinage de Blanche Neige et les 7 verres de vin.
Je fronces les sourcils en grognant. Voilà que le voisin s'en mêlait. Il avait sûrement été témoin de toute la scène et de ma misérable chute. « Suffit de demander. » dit-il en agissant comme l'homme de la situation. Je me releva difficilement du sol non pas sans difficulté et je suivis Antone qui avait déjà déverrouillée la porte d'entrée pour s'immiscer dans la demeure familiale. J'avais beau ne pas vouloir l'admettre, mais il venait de me sauver la vie à cet instant précis. Dieu seul sait à quel moment j'aurais fini par retrouver mes esprits et être enfin moi-même pour reprendre le dessus. J'aurais probablement passé la nuit couché en boule sur le perron, en attendant de décuver ma soirée trop arrosée. Je m'avança jusqu'à être tout près du quinquagénaire et lui frôla le bras du bout des doigts. « Merci d'être venu à ma rescousse, mon sauveur. » un sourire narquois vint se dessiner sur les traits fins de mon visage et mon regard s'illumina lorsque je croisa le sien. « Je sais que ce ne sont pas mes affaires, Isla, mais rentrer saoule alors que tu as cours demain, ce n'est pas ce qu'il y a de plus souhaitable, tu ne crois pas ? » Ton sourire ne bougea pas d'un poil, amusée qu'il se prenne pour ton père ce soir. C'était quasiment sexy de le voir s'inquiéter pour toi. Tu étais debout devant lui, soudainement si solide sur tes jambes. Il y avait une distance convenable entre vous, mais tu y allas d'audace pour enlever quelques pouces qui vous séparaient en te rapprochant lentement. Tu passas tes bras autour de son coup en soutenant son regard. Tu pris la parole avant que la situation ne devienne trop étrange et qu'il reparte aussi rapidement qu'il était arrivé. « Pour info, Sisco, j'ai lâché les cours depuis au moins trois ans. » dis-tu sur un ton presque trop sûr de toi. « Tu vois, je crois qu'on se ressemble plus que tu ne le penses... On a tous les deux des vices cachés. Moi c'est l'alcool et toi... Ce sont toutes ces femmes qui semblent être de mon âge qui sortent de chez toi... » Ce n'était certes pas de mes affaires, mais il avait voulu s'aventurer sur ce terrain, il allait voir que ça se jouait à deux. Et guess what ? Tu avais envie de jouer, ce soir. Tu relâchas tes bras autour de son cou pour venir frôler du bout des doigts la limite entre le haut de son jeans et le bas de son t-shirt. « Je connais une bonne idée pour passer la gueule de bois... Un peu de sport, ça te dirait ? » Tu souris de plus belle, soutenant son regard avec insistance. Il ne s'était pas encore enfui, peut-être que l'idée lui plaisait, après tout ? Et puis, tu devais l'admettre... Il était ton fantasme de jeune femme pure et chaste. Si seulement Dieu savait toutes les pensées qui ont traversées ton esprit lorsque tu pensais à lui... C'était sans doute pêché.
Isla se drape de vilénie, c'est presque obscène. Enhardie par l'obscurité, désinhibée par l'alcool et dépossédée de ses repères sociaux, elle franchit une à une les barrières jusqu'à provoquer chez Sisco un froncement de sourcils passant de l'incompréhension la plus totale à la compréhension effarée. Il faut dire que la blonde n'y va pas avec le dos de la cuillère. Aussi ivre que provoquante, la voilà qui l'effleure à des endroits qui feraient se hérisser le poil de son père, s'il pouvait voir ça.
Soudain, la main du voisin se referme sur la sienne, arrêtant son geste, immobilisant son avancée vers la boucle de sa ceinture. Isla sursaute. La poigne est solide, l'homme ne plaisante pas. N'en serait-ce pas que plus excitant encore ? Après tout, la jeune femme n'est plus à ça prés. Les coups, elle connait et les fessées d'Antone sont probablement plus sensuelles que celles du mufle lui tenant lieu de petit ami possessif ... « Quoi, tu fais ton timide ? Je suis pas assez jeune pour toi, peut-être ? » L'insolence déborde de sa bouche pour venir s'écraser contre le visage de Sisco. Ce dernier voit rouge, c'est évident, même le verre de ses lunettes ne parvient pas à camoufler la colère qu'on peut lire dans son regard. Pourtant, Isla s'entête, beaucoup trop confiante, en roue libre et sans plaquettes de frein : « Ou bien faut-il que je sois une vilaine fille pour que daddy daigne me donner la fessée ? » Sa voix est celle d'une petite peste de dix ans et la claque que lui colle Antone en retour ne vaut rien de plus que celle d'un parent recadrant son enfant. Elle est sèche, froide, plus cinglante que véritablement douloureuse. Ce n'est pas la douleur qui irradie la joue d'Isla, en réalité ; c'est la honte.
Un silence glacial ponctue le geste. Isla MacLeod vient de se manger une claque après avoir giflé verbalement Sisco. Un partout, la balle au centre.
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Dernière édition par Antone Sisco le Mer 2 Mar 2022 - 2:32, édité 1 fois
Là c'était certain, je venais de franchir la mince ligne qui définissait ce qui était tolérable et ce qui ne l'était plus. Avec Antone, ça a toujours été très familial, très bon jeu. Il a toujours été le voisin charmant, aidant, bon vivant. Je savais néanmoins que derrière cette façade d'homme et de père stable et bienveillant, il pouvait se cacher quelque chose de plus sombre... J'en avais eu un aperçu en 2013, lorsque, du haut de ma tour, c'est-à-dire ma chambre à coucher qui donnait directement vue sur le jardin voisin. J'avais été témoin bien malgré moi d'une scène des plus terrifiante où l'adulte réprimandait son enfant pour son inconduite des dernières secondes. Jamais je n'aurais imaginé Sisco pouvoir devenir aussi en colère, aussi rapidement et sans avertissement. Il avait parlé (crié serait le mot plus approprié) tellement fort que de ma fenêtre close j'arrivais à comprendre ce qu'il disait. Il avait gesticulé, faisant des simagrées tout à fait surdimensionnées. Je l'avais même vu, avant qu'ils n'entrent tous les deux à l'intérieur, empoigné son enfant par le bras. La poigne semblait être vive et, avouons-le, assez douloureuse. Cette gifle au visage que je venais de recevoir me fit instantanément repenser à ce portrait de Hulk dont j'avais été témoin... Secouée, je reculas de quelques pas avant de porter la main à ma joue. « Je... Je suis désolée. » Ébahis, ou plutôt complètement déboussolée, je tiras une chaise de sous la table de cuisine pour m'y installer. Je vins joindre mes mains à mon front avant d'oser relever le regard sur Antone qui avait l'air tout aussi déconcerté que moi. « S'il te plait, pardonne-moi... Je ne sais pas ce qui m'a prit. » dis-je avant de me mettre à pleurer comme une gamine de douze ans.
Antone était complétement sous le choc. En une poignée de secondes à peine, les événements avaient pris une tournure si inattendue qu'il n'en revenait tout simplement pas de se retrouver là, debout dans le hall des MacLeod, à une heure avancée de la nuit, la braguette à moitié descendue et la main encore chaude d'avoir claqué contre la joue d'Isla. Muré dans une impassibilité qui n'avait rien de naturelle, pour ne pas dire figé dans sa propre frayeur, le corse observait la fille de son ancien voisin reprendre violemment conscience de la réalité. Tandis qu'elle s'asseyait sur une chaise de la cuisine, lui se demandait s'il ne ferait pas mieux de partir avant que d'autres mots ne soient échangés, plus marquants et plus graves encore que ceux qui étaient venus le chercher si loin dans ses retranchements que la gifle était partie avant même qu'il ne réussisse à la contrôler.
Ce qu'il pouvait s'en vouloir ...
A cet instant précis, Antone était bien plus déçu de lui-même que d'Isla qu'il considérait simplement comme saoule et effrontée. La dernière fois qu'il avait perdu à ce point ses nerfs remontait à prés de dix ans, le jour où Soo avait bien failli se tuer en essayant de se glisser sous la tondeuse pour récupérer un jouet perdu dans la pelouse. Il avait eu si peur, avait imaginé si fort le drame se produire sous ses yeux qu'il n'avait pas senti sa force et s'était montré injustement sévère envers son enfant. Certes, la petite ne s'était plus jamais approchée des engins de mort que pouvaient être sa panoplie d'outils de jardinage, mais à quel prix ? Sisco avait bien cru perdre une connexion primordiale avec sa fille. Ce genre de lien qu'aucun papa ne souhaite jamais rompre, quelque soit les excuses à formuler par la suite pour s'assurer d'être pardonné. Il avait d'ailleurs promis de ne plus jamais se montrer aussi rude et avait tenu parole ... Jusqu'à ce que l'ainée des MacLeod ne le prenne pas surprise, alors qu'il ne s'y attendait pas.
« S'il te plait, pardonne-moi... Je ne sais pas ce qui m'a prit. » La voyant fondre en larmes, Antone eut un moment d'hésitation. Une part de lui ne demandait qu'à résoudre le problème mais l'autre, échaudée par le comportement provoquant de la blonde, lui disait de se méfier. Aussi s'avança-t-il prudemment, se retenant de poser la main sur l'épaule de la jeune femme au risque de paraître déplacé. « C'est moi qui m'excuse. Tu es ivre Isla, cette claque n'avait rien à faire dans la conversation. » Pliant le genou, il s'accroupit afin d'entrer dans le champ de vision de la jeune femme dont le regard restait désespéramment rivé au sol. Sisco chercha le contact visuel avant de continuer : « Je suis désolé. » Il tenait à ce que ce soit clair, même si le mal était fait et que revenir en arrière s'avérerait impossible. Peut-être la jeune femme aurait-elle la chance de se réveiller amnésique de ce qu'il venait de se passer mais Antone, lui, ne risquait pas de l'oublier de si tôt.
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Dernière édition par Antone Sisco le Mar 1 Mar 2022 - 4:15, édité 1 fois
Lorsque j'abusais de l'alcool, je le faisais généralement de façon mature. Je m'organisais pour être dans un lieu sûr, dans mon lit ou au minimum déjà chez moi, en sécurité. Ce soir, ça n'avait pas été planifié. Ça n'avait pas été dans les plans, mais les verres s'enchaînaient si bien que le réflexe de lever le coude semblait tout indiqué. Même si j'avais parue joyeuse, joviale et pimpante devant mon amie, j'avais l'alcool triste. En dedans de moi, j'étais comme une plante sèche en train de mourir. Quand bien même je m'étais juré de ne pas abuser, je me connaissais assez pour savoir que désormais, lorsqu'une goûte touchait le fond de ma gorge, c'était la bouteille au complet qui suivait. Et même deux. Derrière mes sourires, mes faux rires, se cachaient une réalité tellement plus monochrome et sans vie. Si seulement je pouvais m'autoriser à lever le voile sur cette réalité que beaucoup d'autres femmes vivent. Je ne suis pas si différente des autres, le seul problème c'est que j'essaie encore tant bien que mal de tenir droite, debout, en un morceau. Fière. Je ne veux pas flancher. Quitte à en souffrir encore plus...
Misérable, je ne relèves la tête que lorsque je sens mon voisin venir s'agenouiller près de moi. « Je suis désolé. » Je renifles péniblement en venant estomper les larmes qui roulaient sur mes joues. Je pose mon regard sur l'homme qui se montrait de meilleure humeur que dans les précédentes secondes. Mais comment avions-nous pu en arriver là ? En si peu de temps, la situation avait pris une tangente tellement différente. Sisco ne voulait que me venir en aide et c'est comme ça que je le remerciais ? C'était quoi mon problème ? « Tu as raison, Antone... J'ai perdu les pédales et mon père ne serait vraiment pas fier de me voir ainsi. S'il savait que j'avais abandonné les études et que... » avant de ne dire quelque chose que je pourrais regretter, je me tus instantanément. Sisco n'avait pas vraiment besoin de savoir qu'en plus d'avoir abandonner mes cours, d'être devenue une pseudo-alcoolique, je vivais en plus dans une relation toxique où mon copain se donnait à cœur joie de me frapper quand bon lui semblais... « Merci d'être venue m'ouvrir... Je serais probablement encore sur le trottoir à l'heure qu'il est... » Mais peut-être que ça aurait été mieux ainsi ? Peut-être qu'il n'y aurait pas cette tache à l'encre indélébile entre vous... Oui, l'alcool était un désinhibiteur puissant... mais il y avait certainement encore en dessous de tout ça tout ces sentiments refoulés...
La référence qu'Isla fit à son père suffit à crisper Antone de la tête aux pieds. S'il ne voulait pas y penser à cet instant précis, trop concentré qu'il était sur le coup de colère qu'il venait d'avoir et - plus inquiétant encore - sur le comportement proprement alarmant qu'avait eu Isla à son égard, Sisco n'était pas du genre à se voiler la face : arriverait fatalement le moment de repenser à tout ça et de se confronter aux conséquences de ses actes. Il avait giflé la fille de son ami. Les problèmes ne faisaient que commencer pour lui et il en avait pleinement conscience. Cela ne l'empêcha pas de garder la tête froide. Aprés la bourde monumentale qu'il venait de faire en cédant à la violence injustifiée, Sisco sentait une poigne de fer se refermer autour de son esprit. La partie la plus responsable de lui-même - celle qui s'était jurée de ne jamais ressembler à son père dont la main avait toujours été lourde à l'encontre de son petit corps d'enfant désobéissant - reprenait le dessus et cadenassait solidement toutes les portes capables de le rendre à nouveau hors de contrôle. Il était professeur. Il était papa. Il était adulte. C'était de sa responsabilité d'être mature et calme, pas de celle de cette gamine visiblement pommée et en détresse.
« Merci d'être venue m'ouvrir ... Je serais probablement encore sur le trottoir à l'heure qu'il est ... » Aprés s'être redressé, Antone se dirigea vers l'évier, attrapa un verre et le remplit d'eau qu'il tendit à la blonde en guise de réconfort. S'hydrater autrement d'avec du vin ne lui ferait pas de mal en plus de lui éviter la gueule de bois. « Écoute. » Reprit-il aprés un silence de réflexion, le regard tourné en direction du jardin pour s'assurer que personne dans le voisinage ne regardait à la fenêtre et surtout pas le vieille Debbie, deux boîtes aux lettres plus haut, connue pour être le fouine du quartier. « Je ne pense pas que ce soit le meilleur moment pour avoir ce genre de conversation. » Jeta-t-il par dessus son épaule, le corps toujours tourné en direction du plan de travail et de la vue sur le jardin. Une façon bien correcte de rappeler à Isla qu'avec deux grammes dans le sang, elle n'avait aucune chance d'être suffisamment cohérente pour soutenir ce genre de discussion. « Veux-tu que je te porte jusqu'à ton lit ? » Antone s'efforçait d'être parfaitement neutre dans sa formulation car le fantôme des doigts de la jeune femme contre son ventre rodait toujours au dessus de leur tête et qu'il ne souhaitait laisser aucune place au malentendu. « Je voudrais m'assurer que tu ne chutes pas dans l'escalier ... » Ajouta-t-il.
La maison des MacLeod était bâtie sur le même modèle que la sienne et que celui des autres logements du quartier. Les aménagements et les extérieurs changeaient d'une bâtisse à l'autre mais le concept restait le même : Un sous-sol, un rez-de-chaussée, un étage et un grenier. Soit deux fucking volées de marches à escalader jusqu'aux chambres. C'était beaucoup trop pour ne pas proposer à la blonde un dernier coup de pouce avant de rentrer chez lui et de réfléchir à ce qu'il venait de se passer. D'autant plus qu'après l'avoir giflée, Sisco se sentait responsable de l'issu de sa nuit.
Je lèves les yeux vers le verre d'eau qu'est venu me porter Antone et lui fais un faible sourire. Je ne sais pas encore ce qui m'a pris et pour être parfaitement franche et transparente, ça m'effrayais un peu de savoir d'où pouvait me venir ce côté un peu pervers à son égard. Était-ce vrai que l'alcool pouvait faire sauter toutes les barrières, autant celles du jugements que celles de la conscience... Je pris le verre dans ma main et en bu quelques gorgées d'une traite. « Je ne pense pas que ce soit le meilleur moment pour avoir ce genre de conversation. » Je hoche la tête, il avait parfaitement raison. Déjà était-il assez généreux de son temps, si en plus je devais l'humilier avec mes discours décousus et incompréhensif, le pauvre ne s'en remettrait pas et me mettrait inévitablement sur sa black list. « Tu as raison. Qui plus est, je crois que mes histoires n'intéressent personne. » Tu jouais à quoi là ? L'enfant martyre ? Ressaisit-toi, Isla. Tu vaux plus que ça. Je secoues la tête de gauche à droite maintenant, en reposant le verre sur la table à l'endroit où Sisco l'avait posé. Je commençais à avoir les paupières lourdes et une envie vraiment grandissante d'aller me coucher sous les couvertures pour cacher la honte qui m'envahissait un peu plus chaque seconde. Et comme si Antone et moi faisions de la télépathie, sa voix s'éleva dans le silence : « Veux-tu que je te porte jusqu'à ton lit ? (...) Je voudrais m'assurer que tu ne chutes pas dans l'escalier ... » Sans même hésiter une seconde, je me lèves un peu trop rapidement que j'en perdis presque pieds et m'avança vers mon voisin. « Volontiers. » dis-je en passant mon bras autour du cou de l'homme, avec une petite impression de déjà-vue qui me faisait presque avoir un haut le cœur. Comment avais-je pu être aussi allumeuse, aguicheuse ? Mon petit-copain avait peut-être raison, après tout ? Peut-être n'étais-je qu'une sal*pe profiteuse, mangeuse d'homme ? Mais voyons Isla ! Comment peux-tu penser une chose pareille ? Je lèves les yeux au ciel une demi-seconde pour reprendre mes esprits et chasser ces pensées noires qui n'ont pas lieu d'être. Je me tiens à Antone, essayant de marcher le plus droit possible jusqu'aux escaliers. Une par une, nous montions la rangée de dix marches, puis arrivés sur le palier, je demanda une pause pour reprendre mon souffle. Je repris enfin mou courage à deux mains pour gravir les quatre dernières marches qui nous conduisit enfin à l'étage. Ma chambre se trouvait être la première porte à gauche, je guida les pas de mon pilier jusqu'à ce que nous arrivions à bon port. Une fois dans la pièce sombre, mais facilement reconnaissable grâce à la grande fenestration, je me tourna pour faire face à l'homme - toujours en ayant cet espèce de sentiment de déjà-vu. Je pouvais sentir son odeur, ou du moins la deviner, et sentir sa respiration. Je me leva sur la pointe des pieds pour lui faire une grande étreinte « amicale ». « Merci encore. » dis-je avant de venir déposer un baiser dans son cou et me défaire de ses bras. Ce geste se voulait naïf. Insouciant. Comme un réflexe. Un drôle de réflexe, certes... Mais un réflexe quand même...
Ramener Isla jusqu'à son lit se révéla être une tâche plus ardue qu'expecté. Premièrement, Antone se fit une belle frayeur au moment de tourner dans l'escalier en direction de la chambre. Le pas chaloupé de la blonde manqua de les faire basculer en arrière mais Sisco ne commenta pas. A quoi bon, de toute façon ? Ensuite vint le moment de confusion lorsqu'ils entrèrent dans la chambre. S'il comprenait la raison pour laquelle sa voisine n'allumait pas la lumière, le corse n'en restait pas moins contrarié. Dans l'obscurité, ce qu'il était en train de faire lui semblait tout à coup beaucoup moins raisonnable que ce qu'il avait cru au moment de lui proposer de la border et le fait qu'Alistair était en train de dormir sur le même palier ne le rassurait pas.
Soudain, MacLeod se tourna vers lui. Avant qu'il ait pu faire quoique ce soit, la jeune femme se pressa contre son torse. Ses bras fins s'enroulèrent autour de lui. La différence d'intention était notable certes, mais le fait que la blonde avait perdu sa voix de peste et ses manières de provocatrice - « Merci encore. » - ne changeait rien au résultat de ses actes. Troublé, Antone sentit un frisson lui parcourir l'échine lorsque les lèvres d'Isla embrassèrent sa peau. « Bonne nuit. » Répondit-il, un peu raide, se répétant mentalement que cette fille était saoule et que la toucher reviendrait à prendre avantage de son état d'ébriété.
C'est d'ailleurs en s'accrochant à cette idée révoltante comme à une bouée de sauvetage qu'il parvint à s'extraire de la maison sans céder à des pulsions à la con. Une fois rentré chez lui, Antone ferma la porte à double tour et s'adossa au battant. Lui non plus n'alluma pas la l'éclairage, peu désireux de se faire griller par l'un de ses pensionnaires. Dans l'obscurité du salon, seul les écailles de Bob, le poisson rouge, continuaient de briller au clair de lune. « On est dans la merde, Bob. » Chuchota Sisco en se pensant une main sur le visage.