Elle farfouille dans les rayons à la recherche de boîtes de conserves encore fermées. Pour la tribu, Murphy est prête à aller loin. Très loin. Il y a trois jours qu’elle n’est pas rentrée dans le confort tout relatif des barricades, préférant marcher à s’en déchirer la peau des pieds histoire de trouver de quoi manger pour le groupe.
Voilà plus de trois cents jours que la ville - le pays, le monde - a succombé à cette épidémie meurtrière qui a dézingué toute la population en l’espace de quelques mois. Depuis, les vies ont changé, les gens se sont adaptés. Rien n’est plus pareil. Murphy n’a plus de famille. Tout au début, elle a perdu Megan, sa sœur, qui a succombé à la fièvre avant d’être emportée par le comité de santé qui prévoyait de soigner les malades. Murphy n’a plus jamais eu de ses nouvelles. Le centre doit avoir succombé, comme tous les autres. Les malades ne restent jamais malades très longtemps et il ne faut pas beaucoup de temps à l’épidémie pour faire son effet dévastateur. Cette maladie transforme petit à petit les gens en véritables morts-vivants. S’ils sont cliniquement vivants, ils ont en fait plutôt l’apparence de corps sans âme.
Et voilà que Murphy attrape une boîte de thon périmée depuis une centaine de jours au moins. La date ne la repousse même plus, désormais. Elle enfourne la boîte dans son sac en soupirant.
Un bruit métallique met ses sens en alerte et la voilà qui attrape son katana, volé dans une boutique fantaisie. Pour trancher du zombie, il n’y a pas mieux. Et si l'affûtage laissait au départ à désirer, Murphy est désormais une sabreuse hors pair. Marchant sur les bris de verre, la jeune femme respire tranquillement. Elle a bloqué son regard sur un point dans le supermarché, point qui semble agité de soubresauts. La stupéfaction de Murphy grandit lorsqu’elle voit sortir de la planque un gamin pas plus haut que trois pommes. La surprise est double lorsqu’il s’agit en fait d’un gamin infecté qui cherche à mordre la brune. Ni une ni deux, elle décide de partir en courant avec son sac sur le dos. Tuer à tours de bras des zombies, Murphy s’y est habituée. Ses nuits sont hantées par de - trop - nombreux visages inconnus. Mais tuer des enfants, Murphy ne s’y résoudra jamais.
Le bruit engendré par l’enfant et la course de Murphy attire un peuple fou. A la nuit tombée, les infectés sont plus actifs. Et devant une troupe nombreuses de zombies court une jeune femme. Elle semble courir contre le vent. Murphy a tout juste le temps de grimper sur le toit d’un bâtiment que déjà, les monstruosités s’amassent au bas de l’immeuble. La jeune femme qui courait devant eux tend les bras, mais c’est sans espoirs. Elle sera bientôt happée par le convoi terrible, gargouillant et pioupiesque.
Et là, Murphy fait un geste qu’elle n’aurait jamais cru faire un jour. Contre toute attente, Murphy descend du toit pour aller attraper la main de la jeune femme. « Attrape ma main ! » qu’elle beugle, prenant la décision de l’aider plutôt que de la laisser tomber. A elle de se dépêcher de se sauver elle-même, d’accepter cette main tendue que Murphy lui offre sans broncher… et sans rien attendre en retour. Pour l’instant.
Somewhere after midnight in my wildest fantasy, somewhere, just beyond my reach, There's someone reaching back for me, racing on the thunder and rising with the heat...
Comme souvent, Cait était à la recherche d’un peu d’eau. D’une bouteille d’eau, même quasiment vide, de quoique ce soit qui pourrait étancher sa soif. Même pour quelques minutes seulement. Mais tout ce qu’elle dénichait, malgré tous ses efforts, c’était des canettes vides en tout genre. Lâchant sa dernière trouvaille infructueuse avec un soupir, elle avait recommencé à fouiner à droite et à gauche, dans le bâtiment où elle se trouvait. Mais étage après étage, elle ne trouvait rien d’intéressant. La gorge sèche, la langue pâteuse, elle avait décidé de changer de bâtiment, puisque tout à déjà été pillé ici. Depuis peu de temps, Cait était prête à le parier. Mais suffisamment pour que le pillard en question soit déjà loin. Elle aimerait bien croiser quelqu’un, l’irlandaise. Ça fait des mois qu’elle n’a croisé personne. Pas la moindre âme qui vive. Tous les animaux ont fui vers des lieux moins dangereux pour eux, et les autres êtres humains… Elle n’en savait rien du tout. Elle n’était pas restée longtemps en ville, après que la première vague zombie ait déferlé. Elle avait préféré monter un peu plus au nord. Voyant que la situation était la même là-bas, elle avait commencé à marcher, seule, allant de ville en ville, ou du moins de ce qu’il en restait. Croisant de temps en temps quelqu’un avec qui partager un repas en conserves. Croisant beaucoup plus souvent des morts que des vivants, finalement. Des morts qui essayaient de la bouffer, par dessus le marché. Et elle avait beau déprimer, parfois, elle n’était pas suffisamment mal pour ne serait-ce que penser à se laisser faire. D’où la petite collection d’armes en tout genre que l’on pouvait trouver dans son sac à dos. Malheureusement pour elle, la plupart de ces armes fonctionnaient avec des munitions, et là, elle se retrouvait à court. Tellement à court que si elle se retrouvait en face à face avec plus de trois zombies, elle risquait d'y laisser sa peau, l'irlandaise. Ce n'était pas les deux poignards qu'elle avait à la ceinture qui pourraient lui éviter de se faire mordre s'ils étaient trop nombreux.
Évitant comme à l'accoutumée les entrées et sorties principales, la jeune femme était souplement passé à travers une fenêtre brisée. Dehors, le soleil est bas, et bientôt il fera nuit. La nuit, c'est le plus dangereux. D'ordinaire, la jeune femme aurait cherché un abri plus ou moins sûr pour passer la nuit. Mais là, il fallait vraiment qu'elle trouve de quoi boire, sinon elle ne serait bientôt plus en état de se battre, contre quoi ou qui que ce soit. Elle était rentrée dans une énième boutique, avait commencé à fouiller un peu partout, avait trouvé des toilettes, dévissé les robinets du lavabo. Ne s'attendant à rien de particulier, puisque l'eau courant avait été coupée depuis des lustres, personne ne s'occupant des installations. Revenant dans la plus grande pièce, elle avait fouiné du côté du bureau. Et là, elle en avait vu une. Une bouteille d'eau. Ce retenant à grande peine de hurler de joie, elle avait dévissé le bouchon, observant le liquide qui se trouvait à l'intérieur, utilisant son odorat, aussi. C'était trouble, et c'était peu. Mais toujours plus que rien du tout. Méfiante mais quelque peu obligée, elle avait fini par en prendre une gorgée, timidement. C'était assurément de l'eau. Avec un goût dégueulasse, vraiment, d'eau qui est restée trop longtemps dans un contenant en plastique, au minimum. Mais c'était buvable. Cait le paierait certainement plus tard, mais pour le moment, ça lui faisait un bien fou, malgré tout. Elle avait pu boire deux petites gorgées, avant de laisser retomber la bouteille vide sur le sol. Grimaçant, elle s'était essuyé les lèvres d'un revers de la main. Immonde, mais vital.
C'est à ce moment qu'elle avait entendu un bruit bizarre, qui venait d'un peu plus loin devant. Une sorte de bruit métallique, de quelque chose qui heurte le sol. Il y avait quelqu'un pas très loin. Mort ou vivant, ça restait la question. Poussée par l'espoir que ce soit quelqu'un comme elle, elle avait mis la prudence de côté pour sortir par la porte, se retrouvant vite au milieu d'une rue, à découvert. Pire idée. Immédiatement sur sa gauche, elle avait aperçu du mouvement. Dans la pénombre grandissante, elle avait vu se détacher une silhouette, puis une deuxième, une troisième. Le coeur battant à tout rompre, elle avait finalement vu s'avancer tout un groupe de morts vivants, défigurés, bavant, grognant. La peau déchirée, qui suintait, les yeux injectés de sang. Des cadavres en décomposition. Des cadavres qui l'avaient aperçue. Quand ils avaient commencé à courir, Cait avait déjà détalé. Mais contrairement à ce que la plupart des films laissaient croire, ils étaient rapides. Très. Presque trop pour une jeune femme aussi affaiblie que la rousse. Il fallait qu'elle trouve une issue, un endroit où ils ne pourraient pas l'atteindre. Elle ne serait pas plus rapide qu'eux bien longtemps. Assez rapidement, elle avait aperçu un bâtiment. Et sur le toit, une silhouette féminine. D'un être humain, certainement. De quelqu'un comme elle, de vivant. Mais elle n'arriverait pas à la rejoindre sans aide. Et les zombies la rattraperaient avant qu'elle n'arrive à une autre solution. Elle était foutue. Et au moment où elle allait laisser tomber, une main tendue était apparue dans son champ de vision. « Attrape ma main ! » Sans se poser plus de questions, la jeune femme s'était jetée en avant, et l'avait saisie.
Cramponnée à l'inconnue, avec son aide, Cait avait réussi à se hisser hors de portée de ses poursuivants. Elle les entendait grogner et s'agiter un peu plus bas. Ils n'allaient pas en rester là. Tout ce que la rousse espérait, c'est qu'elle aurait le temps de reprendre un peu son souffle avant de devoir recommencer à courir. Suivant sa sauveuse, les deux s'étaient retrouvées sur le toit, où l'autre jeune femme était perchée un peu plus tôt. Là seulement, Cait s'était permis de lever les yeux sur elle. « Merci pour le coup de main, tu m'as sauvé la vie. » Elle n'exagérait pas l'irlandaise. Si elle n'avait pas été là... Cait avait secoué la tête. Elle ne voulait plus y penser. « D'où est-ce que tu sors? Ça fait deux jours que je parcours le coin en long en large et en travers, et j'ai vu aucun signe de vie! Pire même, ça fait des mois que je n'avais pas vu quelqu'un de vivant... » Et même si l'autre jeune femme n'avait pas l'air en super forme non plus, merde, ça faisait tellement de bien de voir quelqu'un qui respirait au même titre qu'elle.
Murphy ne pense à rien, quand elle tend la main à cette jeune femme. Elle ne pense pas à Matthew, qui voudra la décapiter. Elle ne pense pas à sa mère, qui aurait levé les yeux au ciel. Elle ne pense pas à son père, qui aurait applaudi son altruisme. Peut-être qu'elle pense un peu à sa sœur, elle qu'elle a perdu il y a longtemps déjà. Murphy n'est pas une athlète, mais elle a au moins les capacités pour sauver la peau de la rouquine. Une main tendue, ce n'est pas rien, dans ce bas monde. Il faut toute la force de l'univers à Murphy pour la faire plonger sur le toit avec elle. Cette apocalypse a au moins eu le mérite de renforcer les capacités physiques de Murphy. Au lycée, elle n'était pas la plus forte, mais elle était au moins la plus rapide. C'est probablement ce qui lui sauvera la vie plus d'une fois, dans cette marée morte-vivante. Elle était toujours sélectionnée dans les équipes de volley-ball, n'hésitant pas à se jeter au sol pour sauver un ballon. Alors oui, aujourd'hui, Murphy gagnerait plus de matchs de volley que jamais. Elle est surentraînée. Une véritable machine aux bras qui ne payent pas de mine mais aux jambes gonflées comme celles des athlètes. C'est pour cela qu'on l'envoie toujours chercher de la nourriture. Elle sait retrouver ça mieux que personne.
« Merci pour le coup de main, tu m'as sauvé la vie. » Murphy soupire et se laisse glisser sur le dos. En contre-bas, on peut entendre les monstres gargouillants, grouillants, se massant sous le mur sur lequel les filles ont trouvé refuge. « Je viens de condamner la mienne. » qu'elle lâche en ricanant, songeant à la tête que Matthew fera quand elle ramènera cette fille au campement. Il dit toujours qu'il n'y a pas assez de nourriture pour tout le monde et qu'il faut désormais cesser de jouer les bons samaritains. « D'où est-ce que tu sors? Ça fait deux jours que je parcours le coin en long en large et en travers, et j'ai vu aucun signe de vie! Pire même, ça fait des mois que je n'avais pas vu quelqu'un de vivant... » « De l'ouest. Y'a un campement de rescapés là-bas. » Elle fronce les sourcils, se redresse et dévisage la jeune femme. « T'es pas malade au moins ? T'as des symptômes ? » Murphy a pour ordre de tous les exécuter. Ceux qui ne montrent pas encore de signes... comme ceux dont elle se méfie.
Somewhere after midnight in my wildest fantasy, somewhere, just beyond my reach, There's someone reaching back for me, racing on the thunder and rising with the heat...
Cait ne savait pas ce qui avait poussé l'inconnue à l'aider, mais ce qui était sûre c'est qu'elle lui en état reconnaissante. Peut-être qu'elle s'était montrée parce qu'elle aussi n'avait vu personne depuis des lustres? En attendant, la rousse l'avait remerciée, lui disant qu'elle lui avait sauvé la vie. Et si dans l'ancien temps quand on remerciait quelqu'un comme cela, c'était systématiquement exagéré, dans le présent, ce n'était que la stricte vérité. La brune se laisse glisser sur le sol du toit, en soupirant. « Je viens de condamner la mienne. » Et elle a un petit rire. Cait avait froncé les sourcils, ne comprenant pas trop où la jeune femme voulait en venir. Si elles ne trainaient pas trop sur ce mur, la horde de zombies présents en dessous d'elles ne pourrait pas les capturer... Alors pourquoi une telle réflexion? Décidant finalement qu'elle ne préférait pas savoir, Cait lui avait demandé d'où elle venait, puisqu'elle n'avait croisé personne depuis les deux jours qu'elle était là. « De l'ouest. Y'a un campement de rescapés là-bas. » L'ouest, ça restait vague, mais si la brune la guidait, elle pourrait enfin trouver ce camp. L'un de ces camps qu'elle espère trouver depuis des semaines. Voir des gens vivants, tout ça, tout ça. La rousse avait eu un petit sourire. « Je cherche un lieu de ce genre depuis des mois... Vous êtes combien? Beaucoup? » Elle était curieuse l'irlandaise. L'autre la prendrait peut-être pour une simplette, de ne jamais avoir trouvé de camp où s'établir avec d'autres, mais le fait est que ces derniers temps, elle avait plutôt erré dans des plaines totalement désertiques... Son esprit vagabondant, elle avait été surprise quand la brune s'était redressée brusquement, la ramenant à la réalité. « T'es pas malade au moins ? T'as des symptômes ? » Levant les mains pour l'innocence, la rousse avait soupiré. « Je me suis pas fait mordre, si c'est bien ce que tu demandes. J'ai toujours été plus rapides qu'eux. » Jusqu'à aujourd'hui, en tout cas. Et le réaliser, ça lui avait fait mal. Elle avait tourné sur elle-même, pour que l'inconnue puisse constater par elle-même qu'aucune trace de mâchoire zombie n'avait entaillé sa peau laiteuse. Si ça ne lui suffisait pas, elle était prête à montrer plus de peau, même si ça ne changerait rien au fait qu'elle ne présentait aucune plaie, si on excluait les égratignures sur ses genoux. « Par contre, je me damnerais pour un peu d'eau, et le soleil a tellement brûlé ma peau qu'elle risque de pas tarder à se craqueler. » Cait avait secoué la tête. Sinon, il n'y avait rien d'autre à signaler. Elle n'avait pas faim, Cait. Elle ne se souvenait même plus de la dernière fois qu'elle avait mangé quelque chose d'assez consistant pour soulager son estomac. À son tour, elle avait dévisagé l'inconnue. « Simple précaution... Tu n'es pas infectée non plus, j'espère? » Ce n'est pas parce qu'elle disait venir d'un camp qu'elle y était toujours la bienvenue...
« Je cherche un lieu de ce genre depuis des mois... Vous êtes combien? Beaucoup? » Ils ne sont pas légion, mais sont bien une centaine à s'être rassemblées ces derniers mois. Un véritable foyer infectieux, si on en croyait les spécialistes de l'époque. De toute façon, personne ne se préoccupe plus de ça. Seules les morsures et les griffures compte, désormais. Et les sorties sont étroitement surveillées par Matthew, le chef du camp. Car il faut bien un chef, aussi controversé soit-il. « On est un petit nombre. Une centaine, je dirais. » Murphy soupire. Une centaine, plus un. Voilà qui ne réjouira pas Matthew, qui faute d'avoir le nom d'un Saint, pense surtout en terme de rations. Si Murphy s'aventure aussi loin, c'est parce qu'elle est l'une des seules en capacité de réaliser un tel exploit. Il n'y a plus beaucoup de nourriture à la ronde, alors il faut chercher toujours plus loin, toujours plus longtemps. La petite brune est très consciente que bientôt, sa tribu arrivera à court de nourriture. « On a un potager pour les vivres. J'avais l'habitude d'en faire avec mon grand-père, en 2005. On faisait des patates, des carottes. J'ai gardé la main verte grâce à lui. C'était le bon temps, quand y'avait pas encore eu cette satanée maladie. Il est mort la même année. » Ce temps est largement révolu.
Et les inquiétudes légitimes reviennent bien vite sur le devant de la scène. « Je me suis pas fait mordre, si c'est bien ce que tu demandes. J'ai toujours été plus rapides qu'eux. » Murphy opine du chef et fait le tour de ses propres bras. D'un regard, elle constate la cicatrice qui lui a presque valu d'être exécutée. La tribu a longtemps pensé qu'elle avait été mordue et avait tenté de le cacher. La cicatrice ne venait en fait que d'un accident de voiture dans lequel elle avait été en essayant de s'échapper de la ville. « Par contre, je me damnerais pour un peu d'eau, et le soleil a tellement brûlé ma peau qu'elle risque de pas tarder à se craqueler. » L'eau est une denrée rare que Murphy accepte à contrecœur de partager. Elle tend une bouteille à sa comparse sans broncher, lui décochant malgré tout un regard amer. « Simple précaution... Tu n'es pas infectée non plus, j'espère? » Murphy secoue la tête et jette un œil en contrebas où les zombies se dispersent. « Non. Ma sœur l'est. Je l'ai jamais retrouvée. »
Déjà, il faut se remettre en route. « Bon. Tu veux venir au camp ? On peut y être en moins de vingt quatre heures. 'Faut juste pas trop bouger la nuit. » Et la nuit va bientôt tomber.
Dernière édition par Murphy Rowe le Jeu 24 Fév 2022 - 23:10, édité 1 fois
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« On est un petit nombre. Une centaine, je dirais. » C'était peut être un petit nombre pour elle, mais ça paraissait énorme à Cait. Vraiment. Les hordes de zombies ne l'impressionnaient plus, mais voir autant de vivants en même temps, au même endroit... Ça risquait de lui couper le sifflet. « On a un potager pour les vivres. J'avais l'habitude d'en faire avec mon grand-père, en 2005. » La brune semblait nostalgique de cette époque. En même temps, qui ne l'était pas? Leur vie à tous avait complètement basculé il y a à peine 300 jours. Et en même temps, tous leurs souvenirs de leurs vies d'avant paraissaient dater... D'une autre vie justement. Les temps d'avant. Où si tu voulais boire, t'avais qu'à ouvrir le robinet, si tu voulais manger, il y avait le placard. Au pire, le supermarché deux rues plus loin. Maintenant, il ne restait que des ruines. Mais dans ce fameux camp, il y avait un potager. Une chose encore que la rousse avait presque oublié; ça faisait des lustres qu'elle n'avait vu ne serait-ce que l'ombre d'une carotte. « Ça ressemble presque au paradis, ton truc. » C'était peut-être un peu exagéré. Mais bon. Et puisque c'était peut-être pas un vrai paradis, mais au moins un sanctuaire, la brune était redevenue un instant méfiante, pour lui demander si elle présentait un quelconque signe d'infection. Heureusement pour Cait, ce n'était pas le cas, et elle avait répondu par la négative. Vague soulagement de la part de la rousse. Elle ne tenait pas à savoir ce qu'aurait fait l'inconnue si elle avait été mordue. Encore plus maintenant qu'elle avait avisé le katana qui pendait dans son dos. Cait avait enchaîné, parlant de sa déshydratation avancée, de sa peau un peu trop brûlée par le soleil. À aucun moment, elle ne s'attendait à ce qu'une bouteille d'eau apparaisse dans son champ de vision, au bout du bras de l'autre fille. Les yeux ronds, elle avait regardé cette dernière, puis la bouteille, son regard faisant plusieurs allers-retours. Puis elle s'en était emparée, pour en boire une gorgée. Une seule. Elle ne voulait pas se montrer impolie, alors que l'inconnue lui avait déjà sauvé une fois la vie. L'eau, bien plus fraîche que celle qu'elle avait trouvé un peu avant, lui avait fait un bien fou. Après un soupir de soulagement, elle lui avait rendu sa bouteille, avec un hochement de tête. Juste avant de lui demander si elle-même présentait des signes de maladie. Elle l'avait bien vu examiner ses propres bras, un peu plus tôt. « Non. Ma sœur l'est. Je l'ai jamais retrouvée. » Cait avait serré les dents. « L'un des mes frères est mort. Il était infecté. Quand à Duncan... » Elle avait fait une pause pour déglutir. « Je ne sais pas où il est. Ni s'il est vivant, ni s'il a muté. » C'est pour cela qu'elle gardait un petit espoir. Peut-être qu'un jour, elle le retrouverait bien vivant, dans un camp de réfugiés.
En bas, les zombies se font plus téméraires. Il va falloir recommencer à bouger, si elles ne veulent pas finir en casse-croûte. Visiblement, la brune était sur la même longueur d'ondes qu'elle. « Bon. Tu veux venir au camp ? On peut y être en moins de vingt quatre heures. 'Faut juste pas trop bouger la nuit. » Cait avait hoché la tête. « Je viens, si tu penses que c'est possible. Je pourrais apporter mon aide au camp... » Elle s'était penchée un peu, pour regarder ce qui se passait sous elles. « Il faut qu'on trouve un endroit safe pour se planquer quand il fait noir. On bougera aux premières lueurs de l'aube, quand on y verra plus clair. En tout cas, faut qu'on bouge d'ici. » De l'autre côté de leur perchoir, il n'y avait pas de mouvement. Ça ne voulait pas dire qu'il n'y avait rien ni personne, juste que c'était moins dangereux. Doucement, elle avait commencé sa descente. Quand ses pieds avaient touché le bitume, elle s'était retournée vers la brune. « Allez viens, qu'on se trouve une planque. » Et quand elle avait été sûre que la brune allait la suivre, elle avait commencé à courir.
« Ça ressemble presque au paradis, ton truc. » Et ça l'est presque, en réalité. Murphy y vit depuis quelques mois déjà. Matthew l'a recueillie alors qu'elle était aux portes de la mort, sur le point de monte les marches vers le paradis. Sans eau, sans nourriture, Murphy n'aurait pas survécu deux jours. Sans Matthew et les autres, elle serait morte depuis longtemps, aurait rejoint les zombies et leur marée morte-vivante. Elle aurait rejoint sa sœur et les autres avec. Mais Matthew et les autres l'ont sauvée, elle et une autre fille, ce jour là. C'était en septembre, Murphy s'en souvient très bien. Ils les ont emmenées dans leur paradis sur Terre, alors une petite forteresse retranchée dans des bâtiments. Désormais, ils possèdent presque toute une rue, protégée par des barricades, dans laquelle est enfermée un petit jardin. Une centaine de personnes vivent là, dans des tours aux vitres parfois brisées. Une centaine et bientôt plus, à mesure que le campement s'étend et que l'épidémie recule. Parce qu'elle recule, pas vrai ? Elle ne peut faire que reculer, maintenant que la majeure partie de l'espèce humaine est éteinte.
« L'un des mes frères est mort. Il était infecté. Quand à Duncan... Je ne sais pas où il est. Ni s'il est vivant, ni s'il a muté. » Murphy lui laisse le temps de reprendre ses esprits. En contrebas, plus un bruit. Les monstruosités ont abandonné leur soif de chair et de sang à autre chose. Peut-être qu'elles se tapissent dans l'ombre en attendant de voir si leurs proies descendent de leur nid. Ce qui est certain, c'est que Murphy et son acolyte ne descendront pas par le chemin qu'elles ont emprunté pour monter. « Je viens, si tu penses que c'est possible. Je pourrais apporter mon aide au camp... » Bien sûr, qu'elle vient. Matthew ne sera pas content au début, mais son but est évidemment de sauver le plus d'humains possible. Il ne sera pas contre quelques bras supplémentaires pour reformer les bâtiments que la végétation envahit, ni pour travailler au jardin. « Bien sûr. Mais tout le monde gagne son pain. » Pas de travail, pas de ration. C'est ainsi que les choses fonctionnent, pour ceux qui sont en état de travailler. Il y a bien sûr ceux qui nécessitent des médicaments ou des soins particuliers, et quelques personnes vieillissantes, que l'âge n'empêche pas d'accomplir quelques tâches utiles au groupe.
« Il faut qu'on trouve un endroit safe pour se planquer quand il fait noir. On bougera aux premières lueurs de l'aube, quand on y verra plus clair. En tout cas, faut qu'on bouge d'ici. » « Je sais où on va aller. » En direction du camp, il y a un avant-poste reculé dissimulé en haut d'un immeuble. C'est là que Murphy entend se planquer avec sa nouvelle amie avant de prendre le chemin du camp. Dans cette cache, Matthew et le groupe ont laissé de la nourriture et de l'eau, pour les missions comme celles de Murphy. La jeune femme revient d'ailleurs avec tout un tas de médicaments qui seront très utiles au bon fonctionnement du camp. « Allez viens, qu'on se trouve une planque. »
Murphy la mène en direction de la planque. Dans les rues, tout semble calme. « J't'ai pas demandé ton prénom. Moi c'est Murphy. Ouais, comme le truc de la malchance et tout. Mais ma sœur s'appelait Megan et elle est probablement morte, alors... J'y crois pas trop, tu vois. » A la malchance. Au coup du sort. Haussant les épaules, Murphy s'arrête un instant pour vérifier le chemin. « 'Faut qu'on remonte ce boulevard et qu'on aille plein ouest. La cache est en chemin. Tu sais tricoter ? » Du sac, Murphy sort une bouteille d'eau qu'elle termine en deux goulées. « On a pas beaucoup de mains pour tricoter, au camp. Et l'hiver approche. » Et la laine viendra à manquer, quand le groupe aura épuisé tous les moutons qu'ils ont réussi à attraper au cirque. Une vraie petite ménagerie.
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Quand l'irlandaise avait affirmé qu'il devenait urgent qu'elles quittent leur abri de fortune, immédiatement la brune avait répliqué. « Je sais où on va aller. » Et ça sonnait définitivement mieux que le plan de Cait, qui consistait beaucoup plus simplement à parcourir le coin en long, en large et en travers jusqu'à trouver un endroit où elles pourraient se poser dans risquer de se faire bouffer. Elle avait beau de connaître l'inconnue que depuis quelques minutes, la jeune femme lui avait paru si assurée dans sa déclaration que Cait n'y avait pas réfléchi à deux fois avant de décider de lui faire confiance. Cait avait été la première à descendre de leur toit. Quand elle avait été sûre que Murphy était derrière elle, elle avait commencé à courir. « Allez viens, qu'on trouve ta planque. » Peu de temps après, la brune l'avait dépassé pour lui montrer le chemin.
Elles avaient fini par ralentir, pour ne pas alerter les possibles horreurs qui pouvaient dormir dans les décombres de la ville. Enfin, dormir, si ça avait encore une utilité pour ces choses. Cait n'en était pas vraiment sûre, en réalité. Jamais elle n'avait surpris de zombie en train de dormir, ce qui lui faisait douter de l'utilité du sommeil pour ces choses. « J't'ai pas demandé ton prénom. Moi c'est Murphy. Ouais, comme le truc de la malchance et tout. Mais ma sœur s'appelait Megan et elle est probablement morte, alors... J'y crois pas trop, tu vois. » Murphy avait haussé les épaules, avant de s'immobiliser, regardant autour d'elles. Cait n'avait rien entendu de particulier, si bien qu'elle en avait conclu que la brune cherchait simplement à se repérer. « Cait. » Les présentations faites, la rousse s'étaient sentie un peu bizarre. Elle n'avait pas fait ça depuis une éternité. Se présenter à quelqu'un, même rencontrer quelqu'un de nouveau, qui respirait au même titre qu'elle. Au rang d'être humain. Et le simple fait de savoir que bientôt, elle se retrouverait certainement au milieu de dizaines de ses congénaires, ça lui donnait presque le tournis. « 'Faut qu'on remonte ce boulevard et qu'on aille plein ouest. La cache est en chemin. Tu sais tricoter ? » D'un geste de la main, Cait lui avait fait signe d'ouvrir la marche, lui emboitant le pas sans tarder. « On a pas beaucoup de mains pour tricoter, au camp. Et l'hiver approche. » Silencieusement, la rousse espérait qu'elles étaient bientôt arrivées, elle commençait sérieusement à avoir mal aux jambes. « Ça remonte à loin, mais je dois pouvoir me débrouiller. » La dernière fois qu'elle devait avoir eu des aiguilles à tricoter entre les mains, c'était en 2013, sur les terres irlandaises. Elle avait à peine 18 ans, venait de terminer l'année scolaire et sa grand-mère avait décrété qu'il fallait qu'elle sache tricoter, des fois qu'il ferait plus froid à Brisbane qu'à Galway. Hautement improbable bien sûr, mais la jeune Cait s'était pliée aux désirs de sa grand-mère. Ça lui faisait tellement plaisir. Après quelques heures d'apprentissage auprès de son ainée, elle avait réussi à sortir un bonnet. Plein de trous, certes, mais ça ressemblait quand même plus à un bonnet qu'à un gruyère, et ça avait suffit à rendre son aïeule plutôt fière... Chassant des souvenirs qui pouvaient vite devenir douloureux, la rousse avait secoué la tête. « Mais si il y a besoin, je suis plus à l'aise avec la couture... Les sutures plus précisément. Je suis chirurgienne. Enfin, j'étais... » Elle n'avait pas eu trop l'occasion de pratiquer, depuis toute cette histoire. Au tour de Cait de hausser les épaules. « De toute façon, je vais pas faire la difficile. Je ferais en fonction des besoins. » Alos qu'elles avançaient toujours en direction de la planque de Murphy, Cait s'était demandée si elles dormiraient dans un bâtiment fermé, ou avec vue sur le ciel. Ça lui avait rappelé ce fameux jour. Elle devait avoir 5 ans à l’époque. Sa petite famille, ou du moins ce qu’il en restait, n’était pas en Australie depuis bien longtemps. Ils n’étaient pas encore vraiment habitué au climat, ce climat si différent de leur Irlande natale. Ici, il faisait plus chaud, plus humide. Il y avait des bestioles bizarres, des insectes terrifiants par leur grandeur. Malgré tout, la petite Caitriona avait insisté pour dormir avec ses frères à la belle étoile, ce soir là. Sa mère n’était pas vraiment d’accord, elle était jeune encore, il pouvait se passer n’importe quoi. Mais à cet âge là, elle était déjà têtue comme une mule. Et quand ses grands-frères avaient assuré à leur mère que tout irait bien, qu’il veilleraient sur elle, que de toute façon, ils étaient à l’abri dans leur jardin, la petite rouquine avait rayonné. Et finalement, leur mère avait plié sous les supplications. ll avait fallu rajouter un sac de couchage, dix fois trop grand pour elle, et un oreiller bien sûr. Le ciel était dégagé ce soir là, magnifique. Et couchés sur le dos, les yeux perdus dans les étoiles, les frères et la soeur avaient cherché les constellations. C’est Connor, le plus âgé, qui s’y connaissait le mieux. Il était capable de repérer les amas d’étoiles en un clin d’oeil, il arrivait même à les montrer au reste de sa fratrie sans qu’ils aient à chercher des heures sans parvenir à voir quoique ce soit. C’était sa passion, et il parvenait à merveille à la transmettre à sa fratrie. Bien sûr, Caitriona s’était endormie bien avant ses frères. Elle n’avait pas vu sa mère, dissimulées derrière les rideaux, qui les observait, qui veillait sur eux. Avec ses frères, elle se sentait en sécurité. Elle avait glissé dans un sommeil sans rêves, paisible. Une nuit paisible, bien plus paisible que celle qu’elle s’apprêtait à vivre. Ici, dans ce monde actuel, elle ne s’était pas sentie en sécurité depuis des lustres. « On y est bientôt? Il commence à vraiment faire sombre. » Et c'était un euphémisme.
Les deux jeunes femmes se font face, dans les décombres. Les ombres ne sont pas loin et Murphy est certaine de sentir dans son dos des choses grouillantes, qui surveillent. Peut-être que d'autres humains sains vivent là haut, dans les tours de verre aux fenêtres barricadées. « Ça remonte à loin, mais je dois pouvoir me débrouiller. » La brune hoche la tête et continue d'avancer vers le campement provisoire dont elle connaît la localisation. Cette cachette aura au moins le mérite de les tenir en sécurité l'espace de quelques heures, juste assez pour reprendre des forces la route par la suite. Il reste environ une demi journée de marche jusqu'au camp final, celui dans lequel les réfugiés attendent impatiemment le retour de Murphy. Cette fois-ci, ils seront peut-être un peu déçus, parce qu'elle ne rapporte pas beaucoup de médicaments. Mais au moins, Caitriona sera d'une aide précieuse pour l'hiver. « Mais si il y a besoin, je suis plus à l'aise avec la couture... Les sutures plus précisément. Je suis chirurgienne. Enfin, j'étais... » Le sourire de Murphy se fait lumineux, pour la première fois depuis leur première rencontre. « Alors tu seras très utile. On manque cruellement de personnel soignant. » Ils ont tous été réquisitionnés durant les premiers temps de l'épidémie, juste avant que les gens ne commencent à se transformer vraiment en zombies. « De toute façon, je vais pas faire la difficile. Je ferais en fonction des besoins. » Et les besoins sont grands.
Les deux jeunes femmes arrivent au pied d'un building aux portes défoncés et aux vitres brisées. « On y est bientôt? Il commence à vraiment faire sombre. » Murphy lui fait signe de faire silence alors qu'elles avancent dans l'endroit. Il pourrait être plein d'infectés, au premier étage. Ensuite, les protections sont nombreuses. Et si des humains sains s'étaient installés ? Murphy préfère ne prendre aucun risque. La petite brune progresse lentement, arme à la main. L'escalator ne fonctionne pas, bien sûr. Toutes les infrastructures électriques ont cessé de fonctionner en même temps que l'humanité s'est effondrée. On ne se rend pas compte du luxe que c'était avant d'être confronté au manque.
Le premier étage est insalubre, mais vide, fort heureusement. Par les conduits, Murphy et Caitriona progressent silencieusement. Après une heure de progression intense, d'arrêts par sécurité et autres rencontres avec des cadavres pourrissants depuis plusieurs semaines, elles parviennent enfin au dernier étage où un appartement a été spécialement aménagé. Les portes sont barricadées, aussi Murphy met plusieurs minutes avant de parvenir à pénétrer dans le logement. « Home sweet home. » qu'elle lance, brisant enfin le silence après que la lourde porte et ses barricades se soient refermées. « Ici, on a une vue imprenable sur les environs, mais l'immeuble est trop petit pour accueillir toute la colonie. On passera la nuit ici, et je t'emmènerai au Paradis ensuite. » Car quoi de mieux que ce nom pour décrire l'endroit du dernier Salut ?
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