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crédit/(ssoveia) ✰ w/ @Nicholas Hurley

15 février 2022.

Son rythme ne changerait pas beaucoup en travaillant à Paradise City. C’est la pensée qui lui traversa l’esprit quand elle dévala la volée d’escaliers qui la séparait de l’angle de Carmody Road. L’énergie de son pas fit répercuter le son de ses baskets contre les devantures des maisons encore plongées dans le noir et sa petite silhouette se dessina comme par magie sur les pans de murs qu’elle dépassa, son casque hurlant du Joss Stone visé sur la tête. Imprudent, vous direz-vous, mais si Josephine Ophelia Carter avait peur de se faire agresser par un Ted Bundy en puissance, elle ne déambulerait pas dans les rues sombres à pieds, à plus de cinq heures du matin.
Le club avait ouvert cette nuit. Elle n’avait pas dérogé à la conduite qu’elle s’était enfoncée de force dans la tête ce soir-là, suivant les directives qu’on lui donnait en faisant un peu la moue, pas sûre que de travailler pour quelqu’un soit ce pourquoi elle avait été faite. Mais ce n’était qu’un détail, et repoussant les énergumènes d’un regard froid quand c’était nécessaire, elle avait été aussi performante qu’on l’avait attendu d’elle. Les patronnes étaient heureuses, le reste de l’équipe également, du coup elle avait feint de l’être aussi parce qu’elle n’avait pas eu envie d’agir en buzzkill et de tuer le game en leur rappelant que c’était sur la durée qu’il fallait tenir, pas seulement le temps d’une soirée, bande de nazes. Franchement, elle avait un doute sur sa capacité à tenir longtemps là-bas. Elle ne savait pas pourquoi, peut-être à cause du rythme justement, et de cette idée qui lui plaisait de moins en moins de devoir laisser Nana toute seule pendant la nuit. Mais le souci c’était qu’elle n’avait pas les moyens d’engager quelqu’un pour rester avec elle durant ses heures de boulot. Nana les avait sans doute, et si elle était lucide, elle lui dirait que ses économies étaient faites pour ça, qu’elle ne voulait pas être enterrée avec. Pas moyen que répondrait Jo en mettant ainsi fin au débat; ce genre de scènes, elle se le jouait au moins trois fois par jour, autant qu’elle avait besoin de se nourrir de l’éventualité qu’Ava finirait par se réveiller de la longue inertie somnambule qu’elle faisait depuis quatre putains de longues années. Jo aurait pu appeler son père, lui demander si avec ses oncles, ils étaient d’accords pour qu’ils discutent d’une solution à envisager à ce sujet, seulement elle n’avait pas envie d’être confrontée au caractère de cochon de ce dernier et surtout à sa capacité à la faire douter à l’instant où il ouvrirait la bouche pour lui rappeler qu’il lui avait bien dit qu’elle ne saurait pas capable de s’occuper d’une vieille femme malade. Il n’avait pas tort, il avait rarement tort à dire vrai. Mais l’entendre dire c’était pire que d’y songer, alors il pouvait se gargariser avec sa bile, papa Carter, ce n’était pas dans ses projets de lui avouer qu’elle commençait à se dire qu’elle avait eu beaucoup trop confiance en elle sur ce coup-ci.

Ça faisait trop de pensées parasites pour une fin de shift, qu’elle maugréa dans le fin fond de son esprit, sa musique réussissant à peine à étreindre ce qui lui tournait en boucle dans la tête. Elle enfonça ses poings dans les poches centrales et informes du truc qu’elle portait sur le dos, un sweat XXXL aux couleurs du club, qui cachait tout le haut de son corps, mais pas ses jambes. Brillantes des paillettes qu’elle avait appliquées avec soin avant de commencer à bosser, elles étaient le phare dans une fin de nuit sombre et fraîche. Dans quelques pas, elle serait rentrée et peut-être que le sommeil l’aiderait à mieux aller. Au loin, elle voyait la boîte aux lettres de chez sa grand-mère de là où elle se trouvait, elle voyait aussi l’éclat orangé d’un éclairage feutré darder de l’arrière de la maison des Hurley.
Ses sourcils se froncèrent très légèrement, les strass qui les bordaient rendant un peu difficile l’action d’être trop expressive. L’espace d’un instant, sa curiosité fût piquée, et tandis qu’elle arrivait enfin à destination, elle ralentit le pas en se demandant si ça faisait vraiment d’elle une mauvaise petite-fille que de préférer aller vérifier si tout allait bien du côté des voisins, que d’aller examiner la respiration de sa grand-mère en glissant ses doigts aux ongles aiguisés sous ses narines fripées. Quelques minutes de plus, quelques minutes de moins, elle n’avait jamais été la petite-fille de l’année de toute manière, aussi c’est d’un pas plus feutré qu’elle se glissa à l’arrière de chez Hurley pour s’approcher de la fenêtre de la chambre de Nicholas. Le temps d’un instant, elle mûrit l’idée de simplement jeter un œil au travers du rideau à peine opaque pour voir ce qu’il fabriquait, parce que c’était lui qui veillait, et pas Esmée qui ne tarderait pas se lever cela dit. Mais elle n’avait pas envie de rester traumatisée par des images qu’elle n’avait pas envie de voir, imputant à son abruti de voisin des nuits de folie qu’elle savait aussi fantasmées que l’idée qu'il était moins con qu’il en avait l’air en vrai. De ça, elle avait eu l'occasion de s’en rendre compte au cours des derniers mois, mais ça non plus, il n'y avait pas moyen qu’elle l’admette.

Au lieu de quoi, ayant de maigres notions concernant le principe d’intimité, elle décida que c’était le bon moment pour les utiliser. Elle se cala dos au revêtement de la maison pour tendre le bras et frapper deux fois contre la vitre, le visage tourné vers la maison d’à côté; qu’elle vrilla du bon côté qu’une fois seulement que Nicky ouvrit la fenêtre. Dans le faisceau de lumière qui se fit plus nette à ce moment-là, elle brillait de maquillage et d’insolence, engoncée dans son pull rose fuchsia. Elle finit par descendre son casque de ses oreilles, et pointer son menton dans la direction du jeune homme "Après tu te plaindras d’avoir une sale gueule, mais si tu veilles jusqu’à pas d’heure aussi." lui fit-elle en guise de salut, inclinant la tête sur le côté en ne songeant pas une seule seconde qu’il pouvait simplement être déjà debout; à vivre en horaires décalés, on finissait par oublier que certaines personnes se levaient volontairement aux aurores pour suivre une routine de psychopathe, faites de matcha et de yoga. Elle pouvait se targuer de savoir que ce n’était pas le genre de St-Nicky, encore qu’elle n’en savait rien au fond, si ça se trouvait il pouvait tout aussi bien être un malade du bien-être, mais à en juger par sa consommation de sucre, il y avait peu de chance qu’il veuille devenir le prochain Gwyneth. Elle arqua un sourcils pour mieux observer son visage durant quelques secondes avant de ficher de nouveau ses mains dans la poche centrale de son sweat et de lui demander, l’air de ne pas y toucher, sa voix fatiguée de sa nuit de travail "Tout va bien, ou quoi?" Ou quoi, quoi? Ce n’était pas comme si ça lui changerait la vie de savoir ce qui se tramait derrière la fenêtre fermée de la chambre de son voisin qui devait être en train de pleurer sur la fin de son groupe, ou de regarder sur internet si c’était légalement autorisé d’épouser son chat, genre.

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crédit/(dadzixgifs/tumblr) ✰ w/ @Jo Carter

Il y a sûrement des tas de façons de célébrer la Saint Valentin en tant qu'homme célibataire. Des tas. Tu aurais pu accepter l'invitation de Vance et le rejoindre sur scène pour la soirée, ou même dans un bar pour boire le genre de boissons qui te brûlent le gosier et tenter d'oublier ton statut de célibataire... Cependant, cette perspective aurait impliquée de déjà sortir, de trouver autre chose qu'un pull ou une veste trop grande pour s'habiller, parce que d'après ton ami, tu es charmant et il faut le montrer (une blague vraiment) et ensuite devoir gérer un Vance beaucoup trop éméché pour son propre bien. Ce qui consiste le plus souvent à s'excuser pour lui et lui rappeler que tu fais deux fois sa taille et le ramener chez lui ou un endroit où il ne pourra ennuyer personne avec sa personnalité haute en couleur. Il n'est pas si dérangeant que cela, il a juste beaucoup trop d'énergie pour son propre bien et si Dahlia et toi vous saviez y faire, à deux, tout seul, c'est une autre paire de manches. Tu aurais également pu embêter Dahlia, de l'autre côté de la planète, prête à te tenir compagnie elle aussi, mais elle a fini par s'endormir après seulement cinq minutes de conversation. Là encore, tu ne lui en veux pas, être en tournée peut être éreintant et autant qu'elle profite de son repos. Tu as fini par raccrocher, mettre tes pensées dans un très long message WhatsApp et tu as investi le salon que tu partages avec Esmée.
Et tu l'as passé là ta Saint-Valentin, à regarder des films clichés à souhait, à manger beaucoup de popcorn et même sortir ton briquet pour faire griller quelques marshmallows. Esmée ne t'a pas trop jugé, ou alors elle a réalisé que ce n'était pas le bon moyen de t'atteindre quand tu as lancé Pretty Woman, un film qu'elle aussi connait par cœur à force, et elle t'a abandonné là. Seul avec tes snacks, tes films et tes fins prévisibles. Ce qui n'est pas si terrible que cela, maintenant que tu y penses, ce n'est pas une vraie fête de toute façon, juste un moyen de vendre des fleurs et des chocolats. Tu peux en avoir quand tu veux, d'abord. C'est sur cette pensée que tu as lancé le film et quand tu as commencé à somnoler devant les lignes de Richard Gere, tu as jugé bon d'aller te coucher. Après un bref nettoyage du salon, Esmée t'en voudrait de tout laisser là, tu as fini par rejoindre les bras de Morphée toi aussi, au milieu des carnets de notes, des pulls dépliés et la tête posée juste à côté d'une de tes guitares, la main posée dessus.
Tu ne sais même pas de quoi tu rêvais avant que quelqu'un ne s'en prenne à ton épaule gauche. Ce n'est pas quelqu'un que tu as réalisé en ouvrant les deux yeux, constatant que la pénombre s'est atténuée, parce que le soleil va bientôt arriver. C'est quelque chose, plus précisément le chat, Tosser qui a décidé de sauter sur ton épaule et de s'en prendre aux mailles de ton pull. Tu devrais pousser l'animal et passer à autre chose, mais à la seconde où tu te redresses pour le gratter entre les deux oreilles, tu sais que c'est fini, tu fais partie de ceux qui ne peuvent pas se rendormir une fois qu'ils ont été dérangés. Et hors de question de regarder le plafond. Tu t'actives, tirant sur les pans de ton pyjama, c'est juste un pull, un peu trop grand pour toi, assez pour te cacher le haut des cuisses et révéler le seul short que tu possèdes. Il te faut deux essais pour trouver l'interrupteur de ta lampe de chevet, et quand tu te penches vers l'heure, tu sais que tu vas regretter tout ça plus tard, tu as un long après-midi de cours de piano qui t'attend, tu devrais vraiment retourner te coucher. Mais c'est trop tard, beaucoup trop tard quand tu allumes une autre lampe et encore plus quand tu réveilles ton ordinateur ainsi que ta table de mixage.

"Tu vas rester debout avec moi, hmm ?" Tu parles au chat, vraiment, même toi tu te juges un peu avant d'attraper la première guitare électrique qui croise ton regard et de la brancher. Il te faut plus de temps pour localiser ton casque, histoire de ne pas réveiller Esmée, elle aime la musique, mais même elle t'en voudrait si tu dérangeais sa routine, même elle. Tu vas donc jouer pour toi, reprenant lentement les accords que tu as dans la tête depuis quelques jours, ouvrant ton carnet à la page désignée et continuant de bosser sur ce refrain qui n'en est pas vraiment pas un. Tu ne chantes pas, tu murmures en réalité, murmures tes propres mots, corrigeant une ou deux tournures de phrase, ne sachant pas où tout ça va te mener. Tu pourras l'ajouter sur la liste des morceaux presque terminés, il faudrait une autre voix, peut-être que tu pourrais partager ce morceau-là aussi avec Roman ? Juste au moment où tu te songes à l'autre musicien, on tape à ta fenêtre... tu le sais, tu n'as pas rêvé et cela ne faisait définitivement pas parti de ta série d'accords.
Intrigué, tu abandonnes ton casque sur ton bureau, et guitare à la main, tu vas ouvrir la fenêtre. Qui révèle Jo, bien entendu, tu aurais dû t'en douter, il n'y a qu'elle pour ne pas se servir de la porte d'entrée et considérer qu'une lampe allumée est une invitation. Bon... tu l'as un peu cherché, que tu songes en lui renvoyant un maigre sourire, avant de hocher négativement la tête. "Je ne me plains pas... jamais même, ça ne va pas avec mon esthétique de je souffre en silence." Que tu répliques, ta main droite se resserrant sur ta guitare. Le trait d'humour est foireux, mais même ta voisine reconnaitra que tu marques un point. Sa question te surprend et perplexe tu lâches un : "Oui ?" avant de réaliser que sa question est valide. Il est tôt, ce n'est pas tout à fait le matin, tu n'as aucune raison d'être debout à moins d'avoir un boulot à hautes responsabilités et Jo sait très bien que ce n'est pas le cas. "Je veux dire oui, je me suis fait réveiller par le chat et vu qu'Esmée ne va pas tarder à se réveiller aussi.... J’ai sorti la guitare pour enregistrer un truc." Coup de tête vers la guitare, puis sur ton bureau où tout est installé, ton explication ne fait pas plus de sens, une personne censée serait retournée se coucher... un débat pour plus tard.
"Et toi ?" Ton regard bleuté tombe sur la jeune femme, qui a l'air fatigué, c'est tout ce que tu peux dire d'un simple coup d'œil. Elle a besoin d'une bonne nuit de sommeil, okay de se démaquiller et peut-être un bon thé avant de retrouver son lit... mais tu supposes qu'elle a déjà tout prévu. "Tout va bien? Tu viens de finir ton shift, non ?" Tu lui retournes ses propres questions, te penchant sur la fenêtre. "Et on n'est pas obligés d'avoir cette conversation comme ça, il fait froid et je suis presque certain qu'Esmée a fait ton dessert préféré hier soir et la cannelle ce n'est pas trop mon truc donc... " Tu lui offres un autre sourire en lui tendant ta main libre. Parce que tu commences à comprendre deux ou trois petites choses sur Josephine Carter : déjà, hors question de lui dire quoi faire ou comment le faire, ne jamais lui dire qu'elle est trop habillée pour une occasion (c'est toujours son moment et le reste ne fait que parti du paysage) et ne jamais relever ses petites marques d'attention ou d'inquiétude et ce même si elles sont nombreuses. Il y a tout ce qu'elle fait pour Ava déjà, ou même les quelques fois où elle vient saluer Esmée ou lui ramener des boules de laines pour ses projets parce qu'elle était dans le coin et qu'elle passait comme de par hasard devant un magasin de laine et tricot. Aussi, tu lui proposes juste de venir profiter des talents culinaires d'Esmée, rien de plus.

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"C’est qu’il est hilarant au petit matin, saint Nicky." qu’elle ne put s’empêcher de dire quand il répondit à son entame et qu’un petit sourire vint remonter un coin de son visage en prime. Il fallait mettre ça sur le compte de la fatigue et de rien d’autre, loin d’elle l’idée de rire à son humour de vieux garçon, elle avait des standards en la matière. Mais puisque sur le moment, ça lui permettait de chasser la petite mine empruntée qu’elle avait été obligée de prendre en redoutant qu’il soit en train de vivre une crise existentielle qui le forçait à être debout aux aurores, c’était tout bénef; elle ne s’inquiétait pas, elle n’était pas sympa non plus, elle avait juste jugé bon  venir vérifier par elle-même pour avoir la conscience tranquille et parce qu’elle aimait bien Esmée. Et ça aurait pu s’arrêter là s’il avait juste répondu à sa question sans la lui retourner. Il faisait des petits progrès, Nicholas, il paraissait moins replié sur lui-même depuis quelques temps. Jo avait vite compris qu’elle lui faisait le même effet qu’un tigre dans un zoo; elle restait sous contrôle la plupart du temps, mais elle avait aussi la capacité de lui sauter à la gorge au moindre truc qu’il disait de travers. Alors elle ne savait pas s’il marchait sur des œufs pour se donner bonne conscience, ou s’il avait fini par comprendre que ça ne servait à rien de prendre personnellement toutes les saloperies qu’elle lui crachait à la gueule, mais au moins il prenait le temps de s’intéresser à ce qu’elle avait vraiment à dire, et c’était à pointer du doigt. Ça n’avait pas toujours été ça, Nicky était aussi auto-centré qu’elle pouvait l’être, à la différence qu’il ne s’en vantait pas parce que ça faisait mauvais genre de préférer passer du temps avec soi-même qu’avec les autres. Elle aussi, elle avait appris à s’en accommoder, même si une fois sur deux, elle le trouvait chiant à crever, au moins il revendiquait ce droit sans chercher à le justifier, et malgré le fait qu’elle prétendait le contraire pour faire genre, elle respectait ça. C’était son choix de rester reclus dans sa chambre, à faire de la musique en solo sans compter sur personne d’autre que lui, et il y avait des fois où, quand elle lui jetait un regard rapide en espérant trouver quelque chose d’autre à relever pour le juger, elle se disait que si les choses avaient été différentes, si sa vie avait été différente, elle aurait peut-être pu finir comme lui. Bon, elle aurait eu plus de style, c’était une certitude, mais elle aurait aussi pu trouver sa paix en s’occupant de sa musique et de rien d’autres.
Mais elle avait choisi de s’occuper de sa grand-mère, et ce n’était pas compatible avec ses rêves de gloire, de grandeur et d’harmonie "Je peux entendre?" qu’elle lui demanda quand il lui parla qu’il comblait les heures matinales en enregistrant. C’était encore ce qu’elle avait de mieux à faire, du moins si elle ne songeait pas aux signaux de son cerveau qui lui disait de rentrer pour veiller à ce qu’Ava soit bien là, à profiter de ses dernières heures de sommeil pour récupérer ce quelque chose qu’elle n’avait plus. Si elle se trouva égoïste en posant cette question à Nicholas, elle ne fit rien pour ne plus ressentir ce sentiment, et resta flanquée devant sa fenêtre en attendant quoi, elle ne savait pas vraiment, mais ça lui donna l’occasion de lui rétorquer, ses épaules se haussant en même temps, tandis que ses mains étaient toujours fichés dans la poche centrale de son sweat, donnant l’impression qu’elle cachait quelque chose dedans "Ouais, c’est le même boulot qu’avant, sauf que je le fais mieux entourée, sans vraiment craindre de me faire agresser en prenant ma pause. Les petites choses, tu vois" Et l’ironie de son ton était à peine perceptible, reflétant l’habitude qu’elle avait de faire de tout un sarcasme.

Elle pinça ses lèvres sèches de rouge à lèvres, et loucha sur la main que Nicholas lui présenta pour qu’elle puisse se hisser jusqu’à la fenêtre. Elle n’hésita même pas, elle l’attrapa, les manches de son pull trop grand recouvrant ses paumes histoire de ne pas engendrer un contact physique trop gênant, et enjamba l’encadrement sans trop de peine, ne ressentant aucune difficulté à solliciter ses muscles pourtant fatigués de la longue soirée qu’elle avait passée sur des talons de douze centimètres, à slalomer entre les clients "Tu m’as convaincue à cannelle." qu’elle finit par lui dire en atterrissant les deux pieds sur le sol, et en se tournant vers lui pour le voir fermer la fenêtre. Elle marqua une pause, aussi bien mentale que physique, faisant glisser ses yeux le long de sa silhouette pour mieux remarquer un truc "Attends, tu portes un short là, ou je rêve?" Putain, mais dans quel monde? Elle se ressaisit, secouant la tête, et faisant teinter ses créoles, pour mieux lui prendra sa guitare des mains quand il passa à côté d’elle.
Jo accorda à Tosser un regard aussi sévère qu’il était fixe quand il lui miaula dessus pour un peu d’attention "Un jour où l’autre, il va aller retrouver son propriétaire." Une pensée qu’elle laissait souvent échapper quand elle posait son regard sur le chat, même s’il avait été établi depuis des mois déjà que le nouveau propriétaire de ce sac de poils, c’était Nicholas. Elle déposa son sac au pied du lit de ce dernier, s’assit au bord et posa le corps, à plat, de la guitare sur ses genoux "Hey, c’était pas la Saint Valentin y a genre quelques heures?" qu’elle lui dit en détournant le regard du chat pour le poser sur Nicholas "T’es vraiment resté là, à faire ta musique, au lieu d’aller courir les bars pour te trouver quelqu’un à ramener ici? Nicky, Nicky…" Il fallait bien qu’elle trouve un truc à dire, mais même elle trouva que son attaque était bien loin de la flamboyance insultante de sa verve quand elle avait dormi une nuit complète. Encore une fois, elle mettait son manque d’enthousiasme sur le compte de la fatigue, mais peut-être aussi que ce qui la fatiguait dans le fond, c’était de prétendre qu’elle n’était pas à son aise quand elle était ici, et que ça représentait plus une corvée d’assistante sociale sous-payée de passer du temps avec le jeune homme, qu’un réel plaisir. On était de mauvaise foi ou on ne l’était pas, et Jo avait une capacité exceptionnelle de prétendre des choses qu’elle ne pensait même pas juste pour préserver les apparences.
Elle brisa le court silence qui s’installa quand elle retourna la guitare entre ses doigts, et qu’elle la posa convenablement, en position plus adéquate pour jouer; ce qu’elle ne fit pas, mais ses doigts effleurèrent à distance les cordes quand elle affronta le regard de Nicholas une autre fois "Alors, t’attends quoi pour me faire écouter. Je sais que t’as besoin d’un avis expert, et ça tombe bien, je suis là." En fait, elle ne jouait même pas de la guitare. Son truc à elle, c’était le piano. Elle aurait pu finir dans un orchestre symphonique, c’était ce qu’Ava disait à une époque, quand elle pouvait apprécier les mélodies que sa petite-fille jouait et qu’elle savait les reconnaître sans que ça ne devienne une épreuve. Elle avait commencé très tôt, elle avait tout de suite était très douée, et si elle devait être tout à fait honnête avec elle-même, il y avait une époque où elle considérait même être plus douée pour le piano que pour le chant. Et puis son père s’était ramené avec ses gros sabots, avait jugé bon puiser dans l’or qu’elle avait dans la gorge pour en faire son gagne-pain, et elle s’était éloignée de son instrument de prédilection pour devenir le porte-parole tout trouvée de l’art préféré de son paternel; un cliché vieux comme le monde, beaucoup de carrières avaient commencé de cette façon. Elle le regrettait parfois, bien qu’elle jouait souvent, elle pensait de temps en temps, en passant quelques heures à caresser les touches de ses doigts habiles, qu’elle avait peut-être un peu perdue de ce talent-ci. La question n’était pas là ici, et pointant du menton le casque du jeune homme posé près de sa table de mixage, elle lui dit, finissant par tendre l’une de ses mains recouverte de la matière épaisse de ce qu’elle portait sur elle "Passe-le moi, et mets en route. Promis, je serai objective et polie." Ce qui dans cet univers ressemblait à un miracle, mais après tout, ne disait-on pas que le point du jour était source inépuisable de petits mystères? S’ils jetaient un regard au travers de la fenêtre, ils se rendraient compte que c’était l’heure idéale pour se laisser charmer par un peu de magie.

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crédit/(dadzixgifs/tumblr) ✰ w/ @Jo Carter

"Seulement le matin." Que tu as marmonné à l'adresse de Jo quand elle te fait remarquer ta propre pique, qui sont tellement rares en présence de la brune. Normal d'après toi, elle est douée pour faire la conversation pour deux, tu aimes te laisser porter, cela ne nécessite pas vraiment de travail et quand c'est Jo qui ouvre la marche... pourquoi faire des efforts ? Il est facile de passer après la tempête, de profiter de la force de la jeune femme et de juste suivre le mouvement. Est-ce que c'est égoïste ? Totalement et tu le sais, c'est bien pour cela que tu ne réagis même plus quand c'est elle qui te dit de faire des efforts, car dans le fond, elle a raison. Tu ne possèdes pas son énergie, c'est certain, tu n'es pas jaloux pour autant, tu te demandes juste où est-ce qu'elle va chercher tout cela, ça ne doit pas être facile au quotidien, et la preuve en est maintenant. Tu ne sais pas comment tu peux le lire ou le distinguer, mais la garde de Josephine est bien baissée, pas complètement, tu doutes qu'elle ne va pas faire cela en présence de n'importe qui, mais assez pour que vous ayez une de vos fameuses conversations où tous les sous-entendus sont importants. Tandis que vous prétendez ne pas vous supporter en surface, prétendre seulement, car tu l'as bien écoutée te confirmer son changement de boulot. Non, d'environnement, elle est toujours serveuse, mais plus à l'Electric Playground visiblement.
"Je suppose que c'est mieux ? C'est mieux, non ?" Tu n'en sais rien dans le fond, tu pourrais te tromper, tu as arrêté de faire ce type de métier-là depuis longtemps et même quand tu le faisais, toi, tu t'es arrêté aux cafés et aux restaurants, te contentant de prendre les commandes les plus basiques avant de passer à autre chose. Tu aurais eu du mal dans un environnement où l'alcool est autant présent, certaines personnes semblent penser que c'est un pass pour laisser tomber la politesse et la bienséance... et Jo est une jolie femme, tu n'as même pas envie d'imaginer dans quel genre d'environnement elle baigne. Elle n'a pas besoin qu'on la défende, c'est certain, mais tu lâches un : "Hmmm..." alors que tu voudrais lui dire de ne pas hésiter si jamais elle a besoin d'un chauffeur. Même si c'est tôt, ou tard, ou au beau milieu de la nuit. Quelque chose te dit qu'elle adorerait l'idée d'être celle qui te tire des bras de Morphée et qu'elle invoque comme un Uber, mais tu ne le dis pas pour le moment. Plus tard, là tout de suite, tu lui tends la main et tu l'aides à rentrer dans ta chambre.
C'est ridicule, vraiment, il y a une porte d'entrée, et pourtant cela t'arrache un sourire, parce que la jeune femme ne pèse pas grand chose dans le fond, et qu'elle est plus petite que toi. Mais Jo est bien là et tu refermes la fenêtre derrière elle, derrière vous, réalisant avec un temps de retard que oui, tu es toujours en pyjama. Tes yeux se posent sur tes genoux au moment où la brune te fait la remarque, tes joues légèrement teintées de rouge, légèrement seulement, tu n'es pas assez réveillé pour être gêné et au final, tu es couvert, non ? Certes, tu y repenseras plus tard, pour l'heure, tu hausses les épaules. "Je... oui.... Je ne dors pas habillé des pieds à la tête, des fois j'enlève des couches de vêtements. Et oui, tu peux faire une blague vaseuse et je devrais arrêter de te tendre des perches." Un léger rire t'échappe, tu l'as entendue celle-là au moins, et tu croises les bras sur ta poitrine quand Jo récupère ta guitare, rassuré par les mailles de ton pull épais, qui lui ne laisse absolument rien filtrer. Pas la fatigue, pas les traces d'anciennes cicatrices et pas même le caractère un peu bizarre de la situation. Est-ce si bizarre que cela ? Non, c'est juste Josephine que tu décides, c'est aussi normal que de lui donner des leçons de conduite, ou que de lui tendre une pâtisserie les quelques fois où elle vient se perdre dans ton salon, uniquement pour discuter avec Esmée. Tu as toi aussi un regard pour Tosser et ta grimace veut tout dire, c'est toi le propriétaire de l'animal maintenant, c'est certain et tu serais déçu s'il venait à disparaitre, tu comprendrais, mais tu serais tout de même déçu. Tu es toujours debout tandis que Jo a investi le bord de ton lit et tu es sur le point de la rejoindre quand elle mentionne la date.

"Ce n'est pas une vraie fête de toute façon." Que tu soutiens, tel un gamin à qui on aurait piqué quelque chose, tu peux t'entendre, tu entends également le léger jugement dans la voix de Jo. Léger, c'est moins piquant que d'habitude, elle doit vraiment être fatiguée que tu te dis l'instant d'après, haussant encore les épaules. "Et puis j'accepte mon célibat, ce n’est pas une tare, je ne suis pas doué, et je serais sorti pour faire quoi ? Boire des cocktails infects et faire semblant de m'intéresser à quelqu'un ?" La grimace sur ton visage est là encore révélatrice, il faut l'avouer, tu n'es pas à l'aise dans ce genre d'atmosphère et tu sais que tu ne risques pas de trouver chaussures à ton pied en te cachant ici. Oui, celui qui rêve d'un mariage en grandes pompes n'est pas prêt à se lancer, c'est aussi simple que cela, tu vois les choses un peu plus clairement dernièrement, réalisant l'erreur colossale que tu as failli commettre avec Anton et tu sais qu'il vaut mieux mettre les affaires de cœur de côté. Tu n'as pas envie de t'y pencher, tu n'as pas envie de laisser quelqu'un rentrer de nouveau de ta vie de cette façon-là, si tu changes d'avis, alors tu feras des efforts, ce ne sera pas pour aujourd'hui, pas pour cette semaine. Ton regard croise celui de Jo et tu hoches négativement la tête, pouvant imaginant la scène et quand tu reprends, ta voix est plus légère de quelques tons :"Oh tu habites dans Toowong ? Moi aussi j'habite dans Toowong, que c'est fascinant !" que tu lances, la main droite pressée sur ta poitrine pour appuyer ton imitation, plus que réelle et vécue pour le coup. Tu roules des yeux ensuite, avant de nouveau rencontrer le regard de Josephine, ce n'est pas le genre de danse que tu aimes, tu préfères ta propre compagnie et un jour tu feras quelque chose contre cela.
"Bref, j'ai passé la soirée ici." Elle avait donc vu juste, ce que tu n'avais pas anticipé, c'est la curiosité de la jeune femme, qu'elle demande à écouter ce que tu fais et tu sens tes doigts se crisper légèrement, dans le vide, quand ton regard se pose sur ton ordinateur cette fois-ci. Nicky, respire, tu le fais, cachant tes mains dans ton dos l'instant suivant et considérant sa requête. Qu'est-ce que tu as à perdre après tout ? Si tu as assez de courage pour demander son avis à Roman, Jo peut bien entendre une de tes compositions originales pas vrai ? Tu es déjà en short, qu'est-ce que tu as à perdre de plus ? "Okay ? Okay." Qu'elle ignore le tremblement dans ta voix, tu prends une autre inspiration et tu tires ta chaise de bureau pour t'asseoir devant et tu lui tends le casque, lui faisant signe de se rapprocher. "La chanson n'est pas finie, c'est brut, très brut et je fais dans le cliché en parlant de mon ex... Oui celui qui offre des montres coûteuses pour s'excuser, oui." Car on aura beau dire, les ruptures sont de très bons moteurs pour composer, le bonheur pour créer est quelque chose de très surfait et qu'on ne peut pas toujours utiliser. La peine en revanche ? Il est facile de la vocaliser, de l'élaborer et de la rendre moins... cruelle ? Oui, cruelle, que tu te dis et l'instant suivant tu temps ton carnet à Jo, les paroles griffonnées à la hâte, et pour qu'elle puisse suivre.
"Donc voilà, c'est tout ce que j'ai à dire et maintenant je vais me taire et te laisser juger." Tu t'es enregistré un peu plus tôt, avant son interruption, tu appuies sur lecture et tu démarres le morceau, la laissant se faire une opinion sur la guitare et ta voix.

Spoiler:

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crédit/(ssoveia) ✰ w/ @Nicholas Hurley

Jo avait déjà des frères, merci bien. Elle se passa de rassurer Saint Nicky à propos de son boulot, et grimpa dans sa chambre en espérant y trouver elle ne savait trop quoi exactement, mais la chaleur qui se dégageait des murs était apaisante et lui fit oublier un instant qu’elle aurait dû se trouver ailleurs. Elle avait des responsabilités, les gens avaient tendance à l’oublier, ou à la tourner en dérision. Pas elle; qu’elle les ignore le temps de quelques minutes, ça soulevait le voile de la lassitude qu’elle ressentait à propos du rôle qu’elle tenait dans la vie de sa grand-mère. Elle ne regretterait jamais de s’être proposée de venir s’en occuper, elle ne regretterait jamais non plus de s’être sentie assez forte pour le faire, mais elle s’était peut-être fourvoyée sur ce point-là, et de plus en plus, elle se disait qu’elle avait fait dans l’excès de zèle pour préserver sa si précieuse fierté. Tout le monde l’avait prévenue de ce que ça impliquerait de rester aux côtés d’Ava, mais elle n’avait rien écouté si ce n’était sa conscience qui persiflait en lui rappelant qu’il faudrait qu’elle vive avec l’image de sa grand-mère percluse dans un établissement de santé, prise en charge par des incapables qui lui feraient subir elle ne savait quoi. Par principe, elle n’avait confiance en personne d’autre qu’elle-même, et c’était la seule garantie qu’elle avait eu quand elle avait sauté sur l’occasion pour faire remarquer à son père et à ses oncles que c’était de leur mère dont il s’agissait, qu’ils n’avaient pas le droit d’en faire la responsabilité d’un groupe de personnes qui ne la connaissaient pas — que c’était lâche aussi, et qu’à part les faire passer pour des gros connards insensibles, ils n’y gagneraient pas grand-chose. Elle n’était pas parfaite Josephine, loin de là, mais elle accordait du crédit au lien qu’elle avait toujours eu avec son aînée. Tant pis si ça voulait dire sacrifier une partie de sa tranquillité.
Justement, elle n’était pas parfaite, et c’était pour cette raison qu’elle se retrouvait parfois dans une position où elle se disait, et puis merde, j’ai besoin de temps pour moi; elle ne se voyait pas siroter des cocktails sur des plages de sable blanc, elle voulait juste avoir du temps pour se retrouver avec ses pensées créatives, écouter de la musique, en écrire et en jouer. Ce n’était pas toujours possible, la vie qu’elle menait, la condition de sa grand-mère, rien n’était compatible avec cette passion qu’elle avait, et quelque part, bien qu’elle faisait constamment bonne figure, ça la rendait triste. Si elle pouvait chiner quelques minutes par-ci ou par-là pour faire ce dont elle avait vraiment envie, c’était à elle de se laisser de la marge pour pouvoir le faire, et foutre sa connasse de conscience de côté pour profiter d’un moment de tranquillité. A ce moment-là, c’était mettre involontairement un certain poids sur les épaules de Nicholas, mais ce qu’il ne savait pas ne pouvait pas lui faire de mal, et tandis qu’elle réinstallait leur dynamique aussitôt que ses pieds touchèrent le sol de sa chambre pour se sentir plus à son aise, elle laissa un petit rire lui échapper en l’entendant rebondir sur sa question à propos de la Saint-Valentin.

"C’est ceux qui sont seuls à la Saint-Valentin qui disent ce genre de choses. Ça s’appelle de la mauvaise foi et j’en connais un rayon." Sur la mauvaise foi, s’entend. Elle s’en carrait l’oignon de la Saint-Valentin, encore que c’était une bonne excuse pour soulever tout un tas de trucs, mais comme elle ne faisait pas dans le désespoir, elle passait volontiers son tour; et cette année, elle avait eu autre chose sur le feu. Elle arqua un sourcil en voyant le jeune homme s’exciter tout seul sur ses explications pendant qu’elle caressait du bout des doigts les lignes de la guitare qu’elle lui avait subtilisé sans demander son reste. Elle écrasa un bâillement avec ses  doigts, puis elle marqua une pause quand il termina de cause à tort et à travers, venant ajouter à sa liste de supputations à propos de ce qui se serait passé s’il avait eu le courage de se retirer les doigts de là où elle pensait pour sortir de chez lui "T’aurais peut-être pu retirer des couches de vêtements pour faire autre chose que dormir. Paraît que c’est un bon anti-dépresseur, ça t’aurait détendu la nouille, un peu." Il avait toujours l’air sur le point d’exploser, et le fait qu’il enchaînait les phrases sans prendre vraiment le temps de respirer, c’était un bon indicateur de la survigilance qu’il donnait l’impression de maintenir à chaque pas qu’il faisait. Mais ses conseils, Jo savait qu’il passerait dans une oreille pour ressortir par l’autre, alors elle bouda le reste de son avis sur le sujet, préférant s’intéresser à quelque chose de plus réjouissant que le nombre de morpions qu’il aurait pu choper en tronchant le premier cas désespéré qui se serait présenté sous son nez.
"Ah, le prince bâtard de Shrek. J’ai oublié son nom, tu m’en voudras pas d’en avoir rien à foutre." De l’ex en question, pas de sa chanson, parce que s’il y avait bien un aspect de la vie de Nicholas qui l’intéressait autre que sa propension à tendre le bâton pour qu’elle lui défonce sa race, c’était ce qu’il avait dans les tripes niveau talent. Elle l’avait déjà entendu jouer, elle l’avait déjà entendu chanter, elle savait ce qu’il valait de ce point de vue. Elle n’était pas assez têtue pour faire mine qu’il avait des lacunes en la matière, elle parvenait même à être impressionnée par ce qu’il pouvait dégager quand il se laissait aller à jouer quelques notes, à fredonner quelques paroles. Mais elle tenait à savoir quel bois alimentait le feu sacré qu’il semblait avoir — de quoi se nourrissait-il pour écrire ses textes, et qu’est-ce qu’ils donnaient, d’ailleurs? Elle ne pouvait pas lui en tenir rigueur de puiser dans ses blessures, tout le monde le faisait "Ça va, détends-toi. Je vais pas t’égorger si c’est mauvais, j’ai dépassé mon quota d’homicides pour cette semaine." qu’elle voulut presque le rassurer quand il lui tendit le casque qu’elle avait désigné et qu’elle posa la guitare à ses côtés pour l’enfiler sur sa tête et attendre qu’il balance la sauce.
Loin d’elle l’idée de faire dans l’analogie douteuse, mais elle s’en prit plein la gueule, et ça lui fit bien trop plaisir pour qu’elle ne ferme pas les yeux le temps de quelques secondes mélodieuses où, les bras tendus en arrière, ses mains posées à plat sur le matelas, comme si elle était installée sur une chaise longue en plein été, elle se laissa porter par ce qu’elle entendait. Ses jambes étaient croisées, et son pied laissé en suspension battait la mesure dans l’air pendant qu’elle prenait toute l’étendue de ce qu’elle avait dans les oreilles et de toute la portée du talent de Nicholas. Elle mettait sa voix de côté, parce qu’elle en avait d’autres dans la tête qui lui faisait un autre type d’effet, seulement elle s’arrêta longtemps sur la partition qui se dessina devant ses yeux qui se rouvrirent quand la dernière note résonna. Elle n’enleva pas le casque de ses oreilles, elle se contenta de passer un doigt à l’ongle trop long sur l’une de ses paupières strassées pour se laisser le temps de redescendre doucement quand enfin, elle se somma de bouger un peu plus, et qu’elle fit basculer le casque de ses oreilles à sa nuque, en faisant un collier de fortune qui lui fit redresser la tête; pendant que son regard s’était reporté dans celui de Nicholas, et que sa moue alternant entre plusieurs états, elle finit par lui demander, plus calmement que jamais, presque avec une déférence qui rendit son ton rocailleux "T’as jamais pensé à proposer tes chansons à d’autres artistes?" Elle ne remettait pas ce qu’il avait dans la voix en doute, mais il lui avait déjà dit que ce n’était pas son but, d’être reconnu grâce à ce qu’il dégageait. Et elle ne pouvait s’empêcher de penser que c’était un putain de gâchis, mais elle était trop fatiguée pour ressasser des sujets qu’ils avaient déjà abordés ce soir.
Alors elle croisa un peu plus les jambes, détendant l’un de ses bras pour le poser sur sa propre cuisse, la tête penchée en direction de Nicholas qu’elle voulu mieux voir en plissant les yeux "Y a tout un tas de canaux à remonter, c’est vrai que c’est long comme processus, mais t’as clairement de quoi impressionner quelqu’un qui chercherait à se refaire une santé niveau répertoire. T’es un bon parolier." Il pouvait remercier son mec de l’avoir cocu. Elle laissa un long silence s’installer, traduction évidente de la manière dont résonnait toujours ce qu’il venait de lui faire écouter, et qui la força à rechausser le casque qu’elle avait toujours autour du cou après un instant, entretenant une bonne contenance que sa voix rendit plus timide quand elle lui dit  de but en blanc "C’est une bonne chanson, Nicholas." Nicholas, qu’elle prononça en ne baissant pas les yeux et en lui faisant un petit signe de la tête pour qu’il remette la chanson en route.

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crédit/(dadzixgifs/tumblr) ✰ w/ @Jo Carter

Peut-être que tu ne t'es pas réveillé.
Peut-être que tu dors encore, ou alors, tu as fini par te réveiller dans un autre monde, où tu t'entends bien avec ta voisine, où tu l'as invitée à rentrer et qu'il n'y a pas encore eu d'incident. Ce ne serait pas si éloigné de la réalité au final et quand tes bras se resserrent sur ton pull à la remarque de la brune sur l'état de ta vie amoureuse, tu ne peux qu'esquisser un sourire, parce qu'elle est tout de même bien délicate pour dire ce qu'elle a à dire et que tu l'as connue beaucoup plus directe que cela. Tu ne vas pas t'en plaindre, tes joues ne s'en remettraient simplement pas et pour l'heure tu te contentes d'un : "Quoi ? Je n'ai pas l'air détendu ? Je ne vois pas du tout de quoi tu parles, Josephine." parce que si quelqu'un a besoin de respirer un grand coup en permanence c'est toi et pas elle. Tu le sais, tu aimerais pouvoir contrôler les tours que te jouent ton esprit, et pouvoir rationnaliser tout ce qui t'entoure et réaliser que la fin du monde n'arrive pas dès qu'on te pose une question personnelle ou quand tes épaules ou tes avant-bras ne sont pas couverts cependant... ce serait des années d'habitude à corriger et beaucoup, beaucoup de discussion à avoir et si tu connais et sais identifier chacun de tes problèmes, ce n'est pas pour autant que tu veux t'y pencher.
Autant ne pas ouvrir cette porte-là et continuer d'avancer comme tu l'as toujours fait, c'est-à-dire avec ce trop-plein d'émotions sur les épaules et dans le cœur, si bien qu'elles viennent prendre la forme de mélodie et autres accords qui te hantent parfois. Souvent. "Hmm, celui-là même..." Que tu marmonnes quand Jo évoque Anton, tu en aurais beaucoup de choses à dire sur le sujet, beaucoup trop, cela explique beaucoup de tes textes, tu envies presque ceux qui tournent la page facilement ou qui ne s'impliquent pas vraiment dans ce genre de choses. Oui, ceux qui font dans le physique et rien d'autre, tu as toujours été incapable de le faire et parfois tu donnes tellement qu'il ne reste plus rien qui t'appartienne, ça a failli être le cas avec ce prince pas si charmant que cela et Jo lui a sûrement trouvé le meilleur surnom alors.... Alors tu l'as laissée s'installer, tu lui as même tendu ton casque et quand elle le passe sur ses oreilles et te dit de te détendre, d'une façon tellement Jo, tu n'as pas d'autres choix que de suivre le mouvement. "C'est une vraie promesse alors."

Le morceau démarre, les secondes défilent sur l'écran de ton ordinateur et tu suis la longue barre de lecture dans un premier temps, plutôt que de fixer Jo, pas besoin d'épier chacune de ses réactions, tu aimerais dire qu'en tant que musicien confirmé tu aimes ce genre d'interactions, c'est tout le contraire. Le morceau c'est toi, ta mélodie, tes paroles, personne d'autre à blâmer et tu peux encore te souvenir de ton inspiration, tu t'es dit que si tu étais un peu plus fort, tu aurais pu dire tout ça à Anton, que tu aurais dû ouvrir les yeux un peu plus tôt et l'envoyer sur la touche. Lui dire que tu sais, que tu savais, que tu n'as jamais été idiot, que ta seule erreur a été de trop aimer et que maintenant tu es libre, et que tu ne lui dois rien. Pas de larme, pas de tristesse, rien du tout...  Parce que tu sais ce que tu vaux et que tu as toujours mérité plus que tout ce qu'il a essayé de t'offrir et de te donner, tu mérites plus qu'un menteur, plus que quelqu'un de distrait ou quelqu'un qui te voit juste comme un de ses biens. Tu es plus fort dans ta chanson que dans la réalité, c'est certain, en vrai tu t'es contenté d'une lettre trop courte abandonnée sur son oreiller, évitant la confrontation. Rien que d'y repenser, tu te trouves si stupide, mais autant ne pas y penser, se concentrer sur le moment présent : pour l'heure oui, tu observes Jo, assise sur ton lit, battre la mesure avec son pied, avant de nouveau croiser son regard, le morceau tirant sur la fin.
Tu attends le verdict, le cœur battant un peu trop fort, te mordant la lèvre inférieur et la nouvelle question de Jo te laisse perplexe. "Oui ? Non ?" Ce n'est pas une réponse concrète, tu le sais, elle ne t'a toujours pas donné son avis et malgré sa pseudo-promesse, tu sais que la brune est toujours honnête. Toujours. Pas le genre d'honnêteté à laquelle tu veux être confronté la plupart du temps, mais qui est bien nécessaire, tu en es certain. Les compliments te laissent sans voix pendant une seconde puis deux, et tu clignes des yeux en l'entendant utiliser toutes les syllabes de ton prénom, un fait rare pour Jo, et le sourire sur ton visage l'instant suivant est bien sincère, la chanson lui a plu, qu'est-ce que tu peux demander de plus, vraiment ? "Merci." Un simple mot, l'expression sur ton visage en dit certainement plus, ton sourire également et le fait que tu relances le morceau pour la brune aussi et tu considères sa question pendant un temps. Elle mérite une réponse honnête, une vraie réponse sans aucun détour. "J'ai du mal avec les studios, je trouve ça un peu trop froid et stérile et mon anxiété reprend toujours le dessus donc bon..." Donc pourquoi est-ce que tu t'imposerais cela ? Tu as conscience que tu te défiles un peu dans un sens, cependant, tu connais tes limites, rester dans ta zone de confort n'est pas une tare, c'est un moyen de te préserver avant tout. "D'un côté, je me dis que oui, je devrais juste enregistrer tout ce que je veux ici, et aller taper à plein de portes et me faire entendre, parce que j'ai des choses à dire et ça ravirait quelqu'un j'en suis certain, et c'est ce que je veux dans une certaine mesure..." Tu as bien partagé un ou deux morceaux avec Roman en lui demandant son avis avec une petite idée en tête, hors de question de faire semblant, cependant, tu n'as rien fait de tout cela. N'étant certainement pas prêt, craignant tout et rien à la fois.
"Et puis après je me dis que personne ne veut entendre ça. Je me dis qu'une chanson de trois minutes sur ma peine et toutes mes émotions c'est un peu trop personnel, que je devrais juste ranger tout ça et tourner la page." Passer à autre chose, avoir un quotidien rangé et tranquille, fait de problèmes de tous les jours et toi aussi finir avec les cheveux gris et à faire du tricot... ce ne serait pas une tragédie et tu n'aurais rien loupé, pas vrai ? Oui, tu es tiraillé entre ces deux sentiments, encore plus depuis que 15 possible girlfriends n'existe plus et que ton futur professionnel est un peu incertain. "Et oui, je suis conscient que ça ne fait pas vraiment de sens mais..." Tu hausses les épaules, tu ne l'expliques pas, tu ne sais pas quand ce fera le déclic et si un jour il se fera à dire vrai, dans les deux cas, tu n'es pas inquiet à ce sujet-là. Jo a raison dans un sens, si tu décides de te lancer dans cela, le processus est long et sûrement plus compliqué qu'il n'y parait, aucun doute-là dessus, mais peut-être que tu trouverais ton compte à rédiger les paroles des autres. C'était déjà ce que tu faisais avec ton groupe après tout, être sous le feu des projecteurs, cela ne te correspond pas vraiment, pas du tout à dire vrai, tu pourrais laisser quelqu'un d'autre être une star et signer des autographes et juste chanter tes textes, cela t'ira parfaitement bien. "Mais c'est une idée. Je mentirais si je disais que je n'y avais pas pensé. Que je n'y pense pas, je veux dire ..." Tu as un geste de la main pour montrer ton bureau et même toute ta chambre, entre tout le matériel et les instruments, en passant la porte par ici, pas besoin de te demander si tu es un musicien, du tout même. "Et oui, tu peux totalement me juger..." Que tu ajoutes la seconde suivante, ton sourire bien en place sur ton visage.

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crédit/(ssoveia) ✰ w/ @Nicholas Hurley

"T’as clairement pas côtoyé les bons studios, mon vieux." qu’elle dit en rentrant le menton, le casque toujours sur les oreilles à écouter la voix du jeune homme résonner à l’intérieur de son crâne, ses basses se répercutant en écho dans tout son corps, dans sa poitrine qu’elle sentit vibrer à l’unisson avec son vibrato accompagné du cristallin des cordes qu’il pinçait sans y penser. Elle jouait à la plus maligne parce que c’était plus facile d’agir comme ça que d’admettre qu’elle comprenait ce qu’il voulait dire. Si elle avait retenu quelque chose de sa débâcle de starlette éphémère, c’était combien être sur scène était important pour elle. Seulement, elle avait dû faire la paix avec l’idée qu’avant ça, il y avait tout un rituel à compléter pour partager ce qu’on ressent avec un public et leur permettre de s’approprier ce pourquoi on faisait des sacrifices, se saignant aux quatre veines en acceptant des compromis qui ne faisaient pas partie du contrat à la base.
Durant toute une partie de sa vie, elle n’avait fait que ça ; monter sur scène, même si elle n’était pas fabuleuse et reluisante, un caisson de champagne dans le coin d’une pièce, ça suffisait à la rendre heureuse et à lui donner l’impression qu’elle pouvait faire la différence. Et Jo la faisait, même du haut de sa petite taille : combiné à son talent indéniable, son charisme faisait le reste, et elle pouvait se targuer d’avoir laissé un souvenir impérissable à ceux qui avaient convié les Six Times Motown à la célébration du plus beau jour de leur vie. Elle avait appris le reste sur le tard, à la fin de The X Factor, quand il avait fallu qu’elle prenne sa carrière en mains malgré sa défaite et qu’une armada de professionnels s’était chargé de décider dans quelle direction elle devait aller pour filer droit et leur rapporter le jackpot. Une direction qui n’était pas celle qu’elle aurait aimé suivre, aussi elle s’était retrouvée à susurrer des mots derrière un micro recouvert d’un bas troué, gardant à l’esprit que les mélodies qu’elle entendait résonner à l’intérieur de sa tête ne faisait pas partie du plan de base, qu’on lui avait promis qu’elle pourrait faire ce qu’elle rêvait de pouvoir faire, agitant la carotte sous son nez en voyant ses grands yeux sombres, bordés de fards et de paillettes, briller autant qu’elle le faisait quand elle rentrait dans une pièce. Elle avait fait tout le contraire de ce qu’elle avait imaginé pour sa carrière, on l’y avait contrainte et c’est probablement parce qu’elle ne réussissait pas à cacher sa déception que ça n’avait pas marché. Jo n’avait pas réussi à faire semblant, à se réjouir d’avoir réussi là où d’autres peinaient pour ne serait-ce qu’être reconnu comme talentueux. Mais putain, ce n’était pas sa responsabilité, d’être reconnaissante de quelque chose qu’elle méritait amplement et qu’on lui ravissait pour faire de la thune sur ses fesses. Forcément, le public n’avait pas suivi et la suite était rentrée dans les annales. Ou pas, tout le monde avait fini par l’oublier finalement, et elle se retrouvait là, à donner des conseils à son voisin en prétendant tout savoir mieux que lui quand elle traînait des casseroles aussi bruyantes que sa volonté de faire entendre qu’elle était quelqu’un, qu’elle valait le coup.

Ça la sauvait de faire bonne figure, et tant pis si elle paraissait condescendante "Tu sais que t’iras nulle part si tu continues à te déprécier comme ça. La modestie, c’est pas sexy." qu’elle grogna presque, levant un peu la voix puisqu’elle ne s’entendait pas parler, la musique du jeune homme résonnant toujours à ses oreilles sans discontinuer. Quand elle se redressa un peu, elle sentit le matelas du jeune homme la faire rebondir, et elle décroisa les jambes dans une posture aussi naturelle que l’était sa propension à s’en foutre royalement qu’il voit sa culotte ou pas ; au moins elle en portait une, c’était déjà ça "OK, j’ai compris que t’avais pas confiance en toi, que t’étais niqué de l’intérieur et que ça t’empêchait d’être un peu rationnel à propos de ton potentiel. Mais putain, arrête de tendre le bâton pour te faire battre, c’est pas comme ça que tu réussiras à faire quelque chose de tout ce que tu bricoles dans ta chambre. T’as quarante balais, il serait peut-être temps de te mettre à vivre, je sais pas." Elle ne voulait pas revenir sur ce terrain-là, mais finalement, elle le fit et tandis que la musique continuait à se diffuser dans le casque qu’elle déchaussa de sa tête pour le mettre autour de son cou, elle ajouta en baissant le ton cette fois-là "Tu crois que les gens avaient envie d’entendre ce que Nina Simone avait à dire à l’époque ? T’es pas à plaindre, t’es blanc et t’as un truc qui pendouille entre les jambes. Tout le monde a envie d’entendre ce que t’as à dire, alors arrête de te cacher derrière tes pulls en prétendant que c’est pas le cas." Elle ne le trouvait pas particulièrement hypocrite, elle trouvait juste ses contradictions épuisantes. Tout comme elle le trouvait atrocement égocentrique dans le fond, mais elle aurait tort de le blâmer à ce sujet ; à moins d’être Katy Perry, tout ce que les artistes partageaient avec leur public n’était que personnel, il ne pouvait en être autrement pour que ça touche, pour que ça marque, pour que fasse du bien aussi. Elle se recala un peu mieux au bord du lit de Nicholas, avalant sa salive comme on ravale un mollard trop juteux pour être craché à la gueule d'un assaillant. Pourtant, d’une façon plus propre que ça, c’est ce qu’elle fit à ce moment-là, le regardant sans ciller avec une forme de provocation nouvelle à laquelle elle le savait capable de rétorquer en vérité, surtout après avoir entendu la chanson qui continuait de passer dans les membranes du casque qu’elle avait autour du cou "T’as juste peur. Mais tout le monde a peur, ça te rend pas spécial tu sais." Ce qui le rendait spécial en revanche, c’était son talent.
Mais ça, elle se garda bien de le lui dire, se levant à la place pour venir courber sa petite silhouette au-dessus de la console de fortune qu’il avait installé sur son bureau. Elle arrêta la musique qu’il y avait dans le casque en abattant la pulpe de son index surplombé d’un ongle dangereusement long sur le côté droit de la souris de son ordinateur, et le retira pour le poser nonchalamment sur le bureau, et se retourna pour mieux lui faire face — au moins assit sur sa chaise de bureau, il était presque à sa taille, ça facilitait les choses et finissant de lui donner l’impression qu’elle menait le jeu "Je pourrais t’aider." C’était sorti comme la dernière fois, sans qu’elle n’y pense véritablement. Dans la lueur sommaire de l’éclairage de la chambre du jeune homme, elle le fixa pour mieux observer sa réaction en même temps que les lignes anguleuses de son visage, taillé à la serpe. Un de ses sourcils se haussa quand elle explicita, opérant une descente dans sa façon de poser sa voix lorsqu'elle renchérit "Si t’as envie d’enregistrer des démos pour les filer à droite à gauche, je peux poser ma voix. Tu seras juste celui qui tire les ficelles, tu resteras dans l’anonymat puisque c’est ce que tu veux." Sur le papier, ça ne rapporterait absolument rien à Jo. Mais d’une certaine façon, ça lui offrirait l’occasion de jouer un jeu qu’elle avait délaissé il y avait bien longtemps ; avoir un objectif, se lever pour autre chose que s’occuper de sa grand-mère et enfiler des paillettes pour aller bosser dans un endroit qu’elle n’aimait pas, qui puait le craignos malgré les apparences : utiliser sa voix pour faire autre chose que gueuler et se plaindre quoi.

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crédit/(dadzixgifs/tumblr) ✰ w/ @Jo Carter

Tu ne sais pas à quand remonte la dernière fois que tu as été aussi honnête avec quelqu'un. Ou que tu t'es senti suffisamment à l'aise pour partager tout ce qui traine en permanence dans ta tête, tout ce qui te donne de l'anxiété et tout ce qui te donne envie de refermer la porte parfois, pour tout simplement te rouler en boule sous ta couette et de ne pas gracier le monde de ta présence. C'est beaucoup de choses, ce n’est souvent rien et pourtant, cela se retrouve dans certains dans de tes textes, fait que tu es toi dans un sens et tu ne sais pas vraiment si tu as envie que les gens te voient de cette manière-là. C'est bien pour cela que reprendre les chansons des autres a toujours été facile, une manière de vivre avec des oullières, avec plein de protections et sans risque d'être blessé. Personne ne peut vivre de cette façon et même en étant prudent, tu as été blessé, comme beaucoup avant toi et comme beaucoup d'autres après toi. Tu n'as rien d'exceptionnel, tu le sais alors tu ne vois pas pourquoi c'est ta voix que l'on devrait entendre à la radio. Et pourtant, tu en as des choses à dire et oui, tu es un paradoxe ambulant, cela t'étonne que Jo ne soit pas déjà allée se réfugier dans son propre lit plutôt que de gérer tes névroses. Elle est là la serveuse cependant, un peu fatiguée et toujours à te regarder avec cet air qui veut clairement dire qu'elle te juge un peu et qu'elle ne comprend pas comment tu fonctionnes. Elle marque un point, être modeste, cela ne fait pas couler de l'encre et cela ne fait pas de très jolies chansons, il faut bien l’avouer.
Jo résume la situation avec sa justesse et son brin de cruauté habituelle et c'est tellement beau dans un sens que tu résistes à l'envie de l'applaudir. Oui, quelque chose cloche chez toi, mais il faut avouer que personne ne juge mieux que Jo, elle a beau être jeune, elle a des idées bien arrêtées, elle semble toujours certaine et tu demandes ce qui peut bien la faire douter elle. Tu n'auras pas la réponse ce soir, tu le sais et tu ne peux que répliquer un : "Trente-huit, pas quarante... Ne m'ajoute pas des années de plus avec le reste." insistant même avec une main posée sur ta poitrine, sur les mailles de ton pull, comme si tu étais blessé par le fait qu'elle te vieillisse, ce n'est pas du tout le cas, c'est loin d'être le cas et tu l'écoutes toujours tandis qu'elle enlève le casque que tu lui as passé il y a quelques minutes. Elle choisit un extrême pour appuyer son propos mais il est certain qu'elle a toute ton attention la demoiselle et tu hoches la tête et marmonne un : "Mais je vois ce que tu veux dire." Oui, tu as peur, oui tu sais que tu n'es pas spécial, tu es loin de l'être et quand tu regardes toutes les années qui sont passées par là, tu es juste content de pouvoir être là, de lui parler, les choses auraient pu prendre une tournure un peu plus tragique et tu ne sais pas où tu aurais fini. Tu ne sais pas vraiment de quoi tes textes auraient été faits, d'un peu plus d'amertume c'est certain.

Jo pourrait t'aider, elle parle encore au conditionnel, ce n'est pas la première fois qu'elle le fait, tu sais que pour la brune cela veut dire beaucoup, peut-être que tu es sa charité du moment, qu'elle s'ennuie un peu, tant pis, tu choisis de voir le côté positif de la chose. Parce qu'il y a toujours des hauts et des bas avec Jo et tu ne sais pas vraiment si elle te tolère parce qu'elle n'a pas le choix ou parce que vous êtes amis, avec votre dernière conversation, tu pencherais très certainement sur la deuxième option, hors de question de l'admettre à voix haute cependant. Tu pourrais te tromper sur toute la ligne ou pire encore, pousser la jeune femme à fuir. Tu hoches la tête, demeurant silencieux un moment puis, quand ton regard bleuté rencontre enfin celui de la brune, tu lui offres un sourire sincère. "C'est la première fois que tu es aussi indulgente avec moi et même... gentille ?" Car elle a beau te lancer des piques et tu as beau les ignorer, tu les entends bien, c'est Jo, elle sort les griffes sans même réfléchir et tu as bien compris que tout le monde était logé à la même enseigne. Hors de question de le prendre personnellement, et si tu le faisais, ce serait bien ton problème à toi et pas celui de la brune.
Elle est plus généreuse que jamais ce matin et tu te dis qu'elle a vraiment dû apprécier le morceau, ce qui est une jolie récompense pour toi et pour toutes les heures de travail passée dessus. Est-ce que quelqu'un d'autre que Jo aura le privilège de l'entendre ? Tu n'en sais rien pour le moment et tu sais également tu n'as pas besoin d'avoir la réponse à cette interrogation maintenant. "Du coup on va avoir toutes nos conversations au beau milieu de la nuit maintenant ?" Ou plutôt au petit matin, que tu te dis l'instant suivant, ton regard se portant sur ta fenêtre, fermée désormais, où l'atmosphère ne semble plus aussi grise et bleutée qu'avant, le soleil commence véritablement à se lever et quelque chose, la logique ou la raison, va sûrement mettre fin à votre moment. Tu te tournes de nouveau vers Jo, levant une de tes mains car même toi, tu as entendu ce que tu venais de dire. "Avec des vêtements, Miss Carter, déjà que tu vois mes genoux, je ne vais pas m'en remettre." Ton rire cache une partie de la vérité, tu te demandes même si votre interaction est bien en train de se dérouler, peut-être que tu es encore endormi et que tu t'imagines des choses, peut-être...
"Merci." Tu es sincère pour le coup, il est important de le dire, parce que Jo t'a donné son avis sur quelque chose qui te tient vraiment à cœur et de vraiment personnel, et quelque chose te dit que la chanteuse le sait et qu'elle sait également que tu ne prends pas ses conseils à la légère. Tu aimerais être aussi brave que sur le papier, vraiment, la vie ne fonctionne pas comme cela cependant. "Tu es une chanteuse douée, très douée même, et je sais que ton temps est précieux, donc ne t'étonne pas si je viens t'embêter un de ces matins avec plein de partitions et mon violon, il faudra que tu te souviennes que c'est toi qui as dit que tu pourrais m'aider." Là encore, tu exagères, tu ne viendras jamais embêter Jo si tu sais qu'elle est prise ou qu'elle est en train de s'occuper d'Ava, tu viendras la voir quand tu sais qu'elle est libre et disponible, et d'humeur à tolérer ta présence (un fait non négligeable). Tu t'apprêtes à ajouter autre chose quand tu entends, distinctement en plus, le son de la télé et les premières notes du jingle d'ABC News, signe que ta grand-mère ne dort plus et qu'elle va commencer à s'activer dans la cuisine.
Tu te redresses, t'étirant légèrement, tendant les bras au-dessus de ta tête et faisant craquer quelques os, Jo a sans doute raison de te voir un peux vieux. "Ah, Esmée est debout... tu veux du café ? Du thé ?"

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crédit/(ssoveia) ✰ w/ @Nicholas Hurley

"C’est pas la première fois." Elle se surprit à se rebiffer avec une certaine douceur dans le ton, sa voix souffrant de sa fatigue en la rendant un peu plus rocailleuse, la tête dodelinant de haut en bas pour marquer sa désapprobation pour qu’il sache que s’il elle n’en donnait pas l’air, elle faisait attention à ce qu’il lui disait ou non "Ça t’arrange juste de le penser parce que t’aimes bien l’auréole que t’as au-dessus de la tête. Je suis pas qu’une connasse." Elle n’avait pas à se justifier, elle n’avait pas à souligner le fait qu’elle avait été indulgente avec lui à de nombreuses reprises, mais qu’en effet, ça semblait bien l’arranger de prétendre qu’elle ne savait qu’être vache avec lui. Elle ignorait pourquoi, mais dans un sens, ça la blessa un peu qu’il puisse être assez bâtard pour lui claquer ce genre de truc à la gueule alors qu’en effet, elle était sympa avec lui, et pas qu’un peu d’ailleurs.
A sa manière bien sûr, mais restait qu’elle était là, à lui tendre la main sans vraiment chercher à ce qu’il accepte qu’elle puisse avoir des choses à lui apprendre. Encore une preuve que sous ses auras angéliques, le Nicky cachait une personnalité sans doute plus complexe que la sienne, et que ce n’était pas très reluisant ; encore un truc à ajouter à l’espèce d’attraction qui régentait toutes les fois où elle aurait voulu faire demi-tour pour ne pas avoir à supporter ses yeux de merlan frit et ses mots de vieillard piégé dans un corps de demi-jeune. Finalement, elle roula des yeux pour mieux faire passer la pilule au goût amer qu’il la força à avaler ; d’un côté, elle ne pouvait pas lui en vouloir de faire d’elle la méchante de son histoire "Et puis trente-huit, quarante… qu’est-ce que ça change dans le fond ? C’est toi qui devrais être là à me faire la leçon et à me dire de vivre mes rêves. A un moment où un autre, tu vas avoir besoin de t’essuyer le nez tout seul, Nicholas." qu’elle ajouta et elle haussa les épaules pour ne rien ajouter de plus, passant son regard du visage du jeune homme à l’écran de son ordinateur où elle voyait défiler une liste de titres qu’il avait dû enregistrer en avance, preuve qu’il avait de quoi se lancer dans quelque chose de chouette à vivre. Mais il avait peur, et elle n’était pas assez bonne pour lui passer de la pommade sur les bobos qu’il gardait à l’intérieur de lui-même.

Elle se tut un instant, tendant la main pour tâter la souris de son ordinateur et faire défiler les titres qu’elle voyait apparaître sous ses yeux au fur et à mesure. Il reprit la parole et elle ne cessa pas son inspection, penchant la tête sur le côté pour mieux se faire une idée des thèmes qu’il abordait dans ses morceaux. Il ne fallait pas être idiot pour deviner qu’il avait souffert de sa dernière rupture. Est-ce que ça la rendait triste pour lui ? Pas du tout, quand on tombe amoureux d’un connard, on assume "Pourquoi, t’as autres choses à faire que de discuter avec moi à 4h00 du matin ? Ça rend sourd, on te l’a jamais dit ?" Elle avait oublié qu’il avait une vie si trépidante que ça l’empêchait de répondre quand elle venait frapper à la vitre de sa chambre au petit matin. Cela dit, elle n’en ferait pas une habitude non plus, et tandis qu’un soupir lui échappa sans le vouloir, elle reprit sur le même ton "Te fais pas des idées non plus, je compte pas abuser de toi et de ta fragilité pour voir plus que tes genoux. Ils sont hideux d’ailleurs, tu fais bien de les cacher." Toujours à trop en faire pour ne pas donner l’impression qu’elle appréciait le moment. L’appréciait-elle ? Probablement un peu trop, mais elle savait bien le cacher et parce qu’elle se sentait plus apaisée que quand elle avait décidé de faire le détour pour venir vérifier ce que trafiquait son voisin, elle décida de répondre à son merci avec toute la bonne foi qu’elle avait quelque part, dans son petit corps dissimulé sous l’épaisseur du vêtement trop grand qu’elle portait sur le dos "Tu me remercieras plus tard, quand tu deviendras l’auteur-compositeur le plus côté de la décennie. Oublie pas de me citer quand t’auras ton Grammys, j’aime bien tirer profit de mes bonnes actions." Et là, elle décida de s’échapper de la petite bulle que formait le studio de fortune du jeune homme pour retourner près du lit qu’elle effleura du plat de la main, laissant ses doigts se perdre dans les poils de Tosser qui était revenu par là, à sagement roupiller en écoutant la discussion de ses maîtres temporaires.
"La flatterie, ça fonctionne pas avec moi. Je sais que je suis bonne, et j’apprécie que tu le soulignes. Mais ça sert rien que tu le fasses si c’est seulement pour me brosser dans le sens du poil. T’es pas obligé d’être sympa avec moi parce que je le suis avec toi." qu’elle tint à lui dire, se tournant vers lui quand elle ajouta "Je sais que t’as pas suivi mon passage à la télé et que t’as aucune idée du phénomène que j’aurais pu être si les choses avaient tourné différemment, alors fais pas semblant." Et ce n’était pas grave, mais elle ne voulait pas qu’il puisse la complimenter uniquement parce qu’il l’avait entendu chanter une seule et unique fois, qu’il puisse la complimenter parce qu’il s’y sentait obligé après qu’elle lui ait dit qu’il était bon "Malgré ce que tu penses, j’ai qu’une parole. Je préférerais que tu débarques avec ta guitare plus qu’avec ton violon, mais j’imagine que c’est ce que tu préfères alors fais comme tu veux." qu’elle conclut finalement, et elle tira sur le bas de son pull pour qu’il recouvre davantage ses cuisses bronzée quand il lui proposa un semblant de petit-déjeuner alors qu’il paraissait évident qu’Esmée s’était extirpé des bras de Morphée, ne serait-ce que par le silence qui se brisa quand elle alluma la télévision ; et ce fût comme une alarme pour Jo qui retrouva une posture plus dure et un ton plus ferme "Je te rappelle que tu m’as appâté avec du dessert à la cannelle et que j’en ai pas vu la couleur. Tu m’en voudras pas de rentrer pour être sûre d’avoir un truc à bouffer pour commencer la journée." Elle était épuisée, mais ce petit détour chez son voisin l’empêcherait de grappiller quelques minutes de sommeil. Ava aussi n’allait pas tarder à se lever "Je rentre." qu’elle finit par dire, levant la tête vers lui quand il se leva de sa chaise. Jo échangea un regard fixe avec lui, cherchant un truc à lui dire pour peaufiner son départ, mais elle ne trouva rien de plus ; comme si tout avait été dit. Alors elle le toisa en se retournant, ses yeux marquant leur limite quand son corps fût entièrement orienté vers la direction qu’elle comptait prendre, et elle tourna les talons pour se diriger vers la fenêtre de sa chambre qu’elle ouvrit sans demander son reste.

rp terminé.