@AUTUMN GALLOWAY & KIERAN HALSTEAD ⊹⊹⊹ don't wanna wake up, no, i wanna keep pretending, oh, oh, oh, oh, i wish this was real, real life, i wish this was real life. (c) harley

Ça vaut toutes les difficultés du monde. Quand je regarde Autumn ainsi endormie, quand mes doigts se promènent délicatement dans sa chevelure, replaçant une mèche tombée sur son visage derrière son oreille, je m’accroche à cette pensée. Si c’était à refaire, je referais tout pareil, juste pour des moments comme celui-ci. Elle est apaisée, ma femme (je me lasserai jamais de l’appeler ainsi) et par extension, je le suis aussi. On a connu notre lot de galères et je ne peux pas mentir et prétendre que j’ai été le meilleur des maris, quand elle traversait ses zones de doutes. J’ai très loin d’avoir été aussi parfait que je l’aurais voulu, loin d’avoir été celui sur lequel elle pouvait compter en toutes circonstances – mais j’ai fait de mon mieux. J’ai fait de mon mieux avec ce que j’avais ; et j’ai longtemps été désolé pour elle de mener ses combats contre elle-même sans allié à ses côtés. J’ai fait de mon mieux ; mais comme toujours, je sais que ça ne serait jamais assez. Que je ne serai jamais assez, même si aux côtés d’Autumn, j’apprends à accepter mes erreurs et à me pardonner celles-ci. À apprendre ma valeur aussi, même si le chemin me semble long à parcourir ; et la tempête qu’on a traversé l’an dernier ne cesse de me rappeler que je suis loin d’en voir le bout. Je suis faible, je suis lâche, je suis probablement hypocrite aussi dans le lot – et tout un tas d’autres défauts qui me suivront toute ma vie. Ils planent au-dessus de ma tête, comme une épée de Damoclès qui me tombera dessus le jour où la patience d’Autumn aura été usée par mes propres doutes, lorsqu’elle réalisera enfin l’erreur qu’elle a faite en me disant oui il y a deux ans. J’ai l’impression que ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle n’ouvre les yeux, comme tous les autres avant elle. Ça finit toujours par arriver, tôt ou tard, je le sais, je m’y suis préparée la majeure partie de ma vie. Mais avec Autumn, c’est différent ; et je sais que cette fois-ci, je n’arriverai pas à me relever.

J’essaie de balayer ces pensées de mon esprit. On est heureux, tous les deux. Son trouble de la personnalité limite est sous contrôle – ce n’est pas pour que ma dépression reprenne le dessus. C’est presque ironique, comme nos difficultés respectives se suivent et se ressemblent, ne nous laissant que de cours moments de répit. Est-ce qu’on se serait aimés aussi fort, si nous n’étions pas si similaires ? Je me pose parfois la question, mais c’est une question qui, de manière générale, tourne en boucle dans mon esprit. Est-ce qu’elle m’aime ? Est-ce qu’elle est la seule qui en est capable ? J’imagine que oui et loin de moi l’idée de considérer ma femme comme un choix par dépit – je l’aime et je n’aimerai qu’elle – mais j’ai parfois l’impression que nous nous sommes seulement trouvés à un moment particulier de nos vies. Et quand je la regarde ainsi, quand mes yeux n’arrivent pas à arrêter de la dévisager et que mon sourire s’agrandit à mesure, je me dis que ce n’est pas un mal, finalement. Qu’il n’y a qu’elle pour m’accepter comme je suis, pour m’aimer comme je suis, d’un amour que je n’aurais jamais connu dans d’autres circonstances et que j’essaie de lui rendre multiplié par dix, non par cent, parce qu’il n’y a qu’elle. Il n’y a toujours eu qu’elle et il n’y aura qu’elle et ce n’est pas parce que nos vœux l’impliquent, mais parce que c’est la vérité. On a traversé de sales périodes, tous les deux, mais ça n’en rend que les autres plus belles et je sais que ce bonheur, je n’aurais jamais pu l’atteindre avec qui que ce soit d’autre.

Un léger soupir s’échappe d’entre ses lèvres et je prends conscience qu’elle me rejoint au pays des éveillés. Et même si après deux ans de mariage et sept ans de vie commune (qu’on fête aujourd’hui, j’espère qu’elle s’en souvient) je ne suis toujours pas lassé de lui voler ses lèvres à la moindre occasion, je lui laisse quelques minutes de répit pour revenir parmi nous, l’accueillant toutefois avec un large sourire et ma main qui se perd toujours dans ses cheveux.  « Salut. » Et je n’en peux plus d’attendre alors que je me rapproche pour venir déposer délicatement mes lèvres au bord de sa mâchoire, parsemant quelques baisers jusqu’à finalement atteindre ses lèvres. « Bon anniversaire. » Elle n’aura même pas besoin de s’en souvenir, en réalité, alors que je n’ai jamais été très doué pour faire durer le suspense. Je suis nul pour garder les secrets autant que pour faire durer le plaisir ; et puis, de toute façon, elle saura bien assez vite que j’ai prévu une journée particulière pour l’occasion.

AUTUMN HALSTEAD & @KIERAN HALSTEAD ⊹⊹⊹ don't wanna wake up, no, i wanna keep pretending, oh, oh, oh, oh, i wish this was real, real life, i wish this was real life. (c) harley

Il y a des moments où tu as bien cru que vous n’alliez pas passer au travers. Au travers d’une énième tempête, d’une énième saison difficile, toujours un peu plus compliquée que la précédente. Tu es même allée jusqu’à douter de votre capacité à vous dire oui, je le veux devant vos familles et vos amis, en cette fraîche journée d’avril, il y a de ça deux ans déjà. Ce n’est pas que tu doutais de l’amour que tu portes pour Kieran, ni de l’amour qu’il porte pour toi, non, ça tu ne pourrais jamais le remettre en doute parce que par milliers de fois vous vous êtes prouvés que vous étiez prêts à choisir l’autre, peu importe les situations, les tourments et les bordels qui s’accumulaient de vos quotidiens respectifs. Tu te demandais plutôt si l’amour pouvait réellement être suffisant, si l’amour à lui seul savait réellement gommer les doutes, si l’amour seulement pouvait s’avérer plus fort que vos santés mentales éternellement fragilisés par vos traumatismes respectifs, par vos personnalités chancelantes, changeantes, par vos diagnostiques parfois trop lourd de sens, de ceux qui prennent beaucoup de place et qui étouffent parfois. Tu as douté, tu as eu peur, terriblement peur et puis vous vous êtes accrochés. Vous avez bravé les épreuves, une à la fois, et tu veux vraiment croire que vous êtes à une bonne place, désormais. Que tout va bien parce que vous allez bien, ensemble et dans vos têtes aussi. Que vous êtes solides, que vous êtes heureux et surtout, oh oui surtout, que vous êtes prêts pour la prochaine étape qui se dessine devant vous.

Ce sont les doigts de Kieran qui s’agitent dans ta chevelure blonde qui finissent par t’extirper de ton sommeil. Tu ne pensais pas que tu parviendrais à dormir quelques heures cette nuit, mais la fatigue avait su surplanté l’agitation pour t’offrir un répit plus nécessaire que jamais. Tu sens son regard posé sur toi alors que tu peines à ouvrir les yeux, que rejoindre le monde des éveillés ne te tente pas particulièrement jusqu’à ce que tu te souviennes ce qui t’a gardé réveillé la veille. Ce que tu as préparé quand c’est le Halstead qui dormait à poing fermé quelques heures plus tôt. Tout de suite, tes yeux se font moins collés, moins difficiles à ouvrir alors que tu découvres, comme tu le fais à chaque matin depuis plusieurs années maintenant, le visage de ton mari. Un sourire s’installe sur tes lèvres, pour rien au monde tu ne voudrais commencer tes journées par quoi que ce soit d’autre que ça exactement. « Salut. » « Bon matin. » Ta voix est enrouée, encore endormie alors que tu t’étires légèrement, le corps de Kieran se rapprochant du tien jusqu’à ce que tu viennes sentir ses lèvres contre ta mâchoire, laissant une traînée de baisers jusqu’à tes lèvres ce qui t’arrache un léger gémissement de bonheur. « Bon anniversaire. » Ton sourire s’élargit contre ses lèvres alors que tu lui voles encore un baiser, et puis un autre, venant passer tes bras autour de son cou pour le presser contre toi encore un peu. Sept ans de vie commune, ça mérite bien de commencer avec autant d’affection que possible après tout.

« J’ai quelque chose pour toi. » Tu finis par te redresser doucement dans le lit, ton dos s’appuyant contre le mur derrière toi et tu te mordilles légèrement la lèvre, incapable de faire perdurer le suspense plus longtemps. Parce que ça fait plusieurs jours que tu sais et que tu meurs d’envie de lui dire, sans jamais succomber à la tentation, ce qui relève d’un vrai miracle quand on te connaît – surtout aussi bien que Kieran te connaît. Lui qui sait que tu as la fâcheuse habitude de dire tout ce que tu penses dès que tu le penses, avec un filtre qui se veut parfois bien trop défectueux à son goût, mais sur lequel tu travailles fort pour bien faire la distinction entre honnêteté brute et méchanceté gratuite. Peu importe pour ce matin, quand rien de ce que tu ne retiens n’est méchant, ou triste, bien qu’incroyablement surprenant, de ce genre de nouvelles qui change une vie complètement. « Regarde dans ta table de chevet. » Tu fais un léger signe de la tête vers le tiroir de sa table de chevet, là où tu as placé quelques heures plus tôt ce petit pyjama pour bébé sur lequel est inscrit Directed by David Lynch, un rappel à cette personnalité et cette série tant apprécié par ton mari, sur lequel se trouve ce test de grossesse positif que tu as passé il y a de ça presque une semaine, une nouvelle que tu as gardé pour toi jusqu’à aujourd’hui parce que tu voulais faire l’annonce avec ce petit pyjama que tu n’as reçu qu’hier. Le fait de lui annoncer à cette date significative ne fait qu’ajouter un peu plus d’ampleur à tout ce que vous avez vécu ensemble, et tout ce qui s’annonce, tous les souvenirs que vous avez encore à créer ensemble. Pour sept autres belles années, et bien plus après ça.

« Bon matin. » J’en demande trop, dès le matin, je le sais bien, quand je colle déjà mon corps contre le sien, quand je n’arrive pas à me faire à l’idée de rester loin d’elle, d’autant plus durant cette journée particulière. Elle me connaît suffisamment pour savoir qu’il m’a fallu un certain temps avant d’être à l’aise avec les démonstrations d’affection et, aujourd’hui que je le suis enfin, j’ai l’impression d’avoir des mois de réserve à rattraper et de l’amour à lui redistribuer, encore et encore, pour toutes les fois où je suis sûrement resté trop distant, trop passif, trop timide. Mais elle ne me rejette pas Autumn et c’est quelque chose que je peine encore à croire, même après sept ans. Elle aurait pu le faire comme toutes les autres avant elle, mais elle aime mon amour, elle l’aime vraiment et elle m’aime vraiment – et j’en demande encore et encore. Peut-être que je suis trop exigeant, peut-être que c’est en partie ce qui a causé nos difficultés, la manière dont je m’accroche à elle, le fait qu’elle soit le moteur de notre couple. Ce sont des pensées qui ne me quittent jamais vraiment, mais qui n’ont pas leur place aujourd’hui, oh, non. « J’ai quelque chose pour toi. » J’essaie de la retenir un instant, en vain, alors que j’anticipe la distance qu’elle mettra entre nous et qui, à cet instant, me paraît bien insupportable, même si ce n’est que pour une poignée de minutes. Nous avons toute la journée devant nous, toute la journée pour que je continue de l’emprisonner dans mes bras et la couvrir de baisers, je le sais bien, mais je n’ai pas envie de simplement passer la journée avec elle. Je veux passer chaque heure, chaque minute, près d’elle, à sentir son souffle contre ma peau, à sentir sa peau sous mes doigts. Je suis obligé d’abdiquer, me redressant à mon tour, lui adressant un regard suspicieux quand elle m’annonce : « Regarde dans ta table de chevet. » Je fronce encore un instant les sourcils pour m’interroger quant à ce qu’elle me prépare, finissant par la quitter des yeux pour me retourner et ouvrir ladite table de chevet, mes prunelles qui cherchent sa surprise. Et lorsqu’elles tombent rapidement dessus, je crois que mon cœur manque un battement, ou peut-être deux, probablement plus en réalité, alors que ma main vient rapidement se saisir des deux objets dissimulés quand j’avais le dos tourné. Je n’ai pas besoin de lire le résultat du test de grossesse pour comprendre ce que cela implique, encore moins que je regarde ce body très justement ciblé à l’inscription qui me provoque un rire nerveux. Car c’est la nervosité qui prime, je ne pourrai probablement jamais changer ce trait de caractère, tandis qu’en réalité c’est une excitation proche de l’euphorie qui commence à prendre le dessus, au point d’en être sans voix. Ce n’est pas rare de ma part, elle ne s’étonnera pas, mais cette fois-ci, je suis bien incapable de mettre mes idées au clair ou de trouver les mots. Pas parce que je n’en ai pas, mais parce qu’aucun ne serait assez fort pour exprimer ce que je ressens. Et je sens que c’est mon visage qui finit par parler pour moi, alors que mes yeux s’humidifient et brillent plus que de raison, que ma bouche s’entrouvre largement avant que mes lèvres ne s’étirent en un large sourire qui me fait mal aux joues – et si je pouvais l’agrandir, je le ferais sans hésiter. Il y a bien un instant, une minute, peut-être deux, durant lesquelles j’oublie tout autour de moi, du temps qui passe sans la moindre réaction de ma part, à la jeune femme à mes côtés qui vient de m’offrir le plus beau cadeau de tous. J’ai toujours rêvé de ce moment, mais j’ai toujours eu peur que lorsqu’il se produirait, mes doutes viendraient assombrir la bonne nouvelle – parce que je n’ai pas eu de père, parce que je suis incapable de savoir comment en être un. Et sûrement qu’ils feront leurs apparitions tôt ou tard, ces questionnements, mais à cet instant, ils sont inexistants, ce n’est qu’un bonheur sincère et intense qui traverse chaque parcelle de mon corps et ce foutu sourire d’idiot sur mes lèvres me donne sûrement un air d’ahuri, mais je le suis, complètement, autant que je suis éperdument amoureux de ma femme, à cet instant plus que jamais. « J’y crois pas. » Que je glisse dans un premier temps en parvenant enfin à sortir de ma léthargie provoquée par l’annonce, me tournant vers Autumn. « T’es sérieuse ? » La question est stupide, je le sais bien, tant tout est évident – et je ne voudrais pas qu’il en soit autrement. « T’es sérieuse. » Je me reprends alors que je devrais probablement être plus parlant, mais que je laisse ma réaction dire tout ce que je ressens, quand je lui saute presque dessus – peut-être un peu trop brusquement, mes excuses – pour la serrer dans mes bras et enfouir ma tête dans sa nuque que j’embrasse, reconnaissant de ce cadeau. « On va être parents. » Que je dis, peinant encore à croire à ce fait malgré toutes les preuves sous mon nez. Je finis par reprendre mes distances, posant ma main sur son ventre alors que je sais pertinemment qu’il est sûrement trop tôt pour déceler quoi que ce soit, mais j’aime déjà ce geste. « Tu le sais depuis quand ? Comment tu vas ? » J’ai mille et une autres questions à lui poser, mais je tente de rester calme ; alors que, pour une fois, j’ai envie de hurler de joie tout autour de moi et d’aller le crier dans la rue. On va être parents. Elle va être maman. Je vais être papa.

@Autumn Galloway

Il y a longtemps que tu rêves de ce moment. Quand tu étais petite, tu rêvais de devenir maman. Tu pouvais passer des heures à jouer avec tes poupées, à les nourrir, les habiller, les laver, les bercer, leur chanter toutes les comptines que ta mère t’avait apprise, clamant déjà haut et fort que tu voudrais une grosse famille toi, quand tu serais grande. Comme celle de ton amie Stephanie, qui avait tellement de frères et sœurs qu’il t’arrivait parfois de ne pas être capable de tous les compter. Et puis en vieillissant, cette envie de fonder une famille ne s’est jamais réellement dissipée. Tu savais depuis longtemps que c’était quelque chose d’important pour toi. C’est sans grande surprise que tu avais naviguer tes relations amoureuses dès l’âge adulte avec cette intention bien particulière d’être avec quelqu’un avec qui tu pouvais imaginer un futur sur le long terme. Quelqu’un avec qui tu aurais envie de fonder une famille, un homme que tu pouvais facilement t’imaginer comme père de famille, à la tête d’une petite tribu, parfait mélange de lui et toi. Et si ça n’avait pas toujours été simple entre Kieran et toi, s’il y avait eu des moments où votre relation s’était retrouvée fragilisé par vos personnalités parfois incompatibles, parfois trop complémentaires, il n’y avait pas un moment, pas un seul, où tu avais douté du genre de père qu’il pourrait devenir. Tu connaissais les gros morceaux de l’enfance de Kieran, un puzzle que tu avais été en mesure de faire lentement, au fil des ans, au travers des confidences offertes ici et là avec beaucoup de patience et d’amour. Et si tu savais que Kieran n’avait en rien eu une enfance rêvée, tu savais qu’il avait un désir plus grand que le monde de ne pas répéter le même schéma et qu’il avait de l’amour en abondance à offrir à un enfant. Votre enfant. Celui qui s’est logé subtilement sous ton nombril tout récemment et qui promet de tout chambouler de la plus terrifiante, mais aussi la plus belle des façons.

Alors évidemment que tu observes la moindre de ses réactions alors que tu lui indiques de regarder dans le tiroir de sa table de chevet pour y découvrir un cadeau. Évidemment que tu ne veux pas perdre une seule seconde du choc qui habite d’abord ses traits, puis du rire nerveux qui s’échappe de ses lèvres alors qu’il attrape le body et le test de grossesse. Tu restes complètement silencieuse alors que tu devines chacune des émotions qui l’habite à force de devoir les déchiffrer au quotidien. Et puis c’est la joie qui prend toute la place sur le visage de Kieran, quand son sourire s’étire au maximum, que ses yeux brillent dès qu’il repose son regard sur toi. Tu te mordilles les lèvres, adorant tout ce qui se produit sous tes yeux, mémorisant autant que tu le peux chaque seconde de ce moment bien particulier où vos vies changeront. « J’y crois pas. » qu’il fini par annoncer, même si tu sais que c’est le choc et la surprise qui parlent, qu’il est en train d’assimiler l’information et toutes les émotions – qui te semblent pour l’instant toutes positives à ton plus grand soulagement – qui y sont associées. « T’es sérieuse? » Tu hoches la tête de haut en bas tout en échappant un petit rire. « T’es sérieuse. » qu’il répète une deuxième fois, sans l’intonation de questionnement dans la voix alors que son regard passe une dernière fois de ton cadeau jusqu’à ton visage. D’un geste presque brusque, Kieran te saute dans les bras, vient nicher son visage contre ton cou et tu sens ses lèvres qui laissent des baisers sur ta peau et tu continues de rire de bon cœur, le bonheur éprouvé actuellement par ton mari étant tout ce qu’il y a de plus contagieux. Tes mains viennent caresser son dos et tu te dis que tu pourrais ainsi éternellement tant le moment est beau, tant ça te fait du bien, de pouvoir célébrer sept ans de vie commune avec Kieran de cette façon, dans un timing des plus parfaits à tes yeux. « On va être parents. » Tu hoches une nouvelle fois la tête alors que le visage de Kieran se relève et qu’il se distance légèrement pour reprendre sa place à tes côtés. L’annonce a beau ne pas être une surprise pour toi, elle te choque tout autant, t’arrache les mots de la bouche alors que tu te fais peu à peu à cette nouvelle réalité qui s’annonce.

Quand la main de Kieran se glisse sur ton ventre encore plat, tu ris encore un peu. Ça te fait tellement étrange de penser qu’il y a un petit être, parfait mélange de vous deux, qui grandit juste là, sous ton nombril. « Tu le sais depuis quand? Comment tu vas? » « Quelques jours. » que tu admets, encore impressionnée par toi-même d’avoir été en mesure de garder le secret tout ce temps. « J’ai vraiment pensé que j’allais m’échapper à quelques reprises, mais je voulais attendre d’avoir le body et puis avec notre anniversaire si près… » Tu glousses légèrement, venant déposer tes lèvres contre sa joue. « Je voulais que la surprise soit parfaite. » Et elle l’était, par cette réaction des plus expressives et du bonheur que tu pouvais lire dans les prunelles de ton mari. « Je vais bien, je réalise pas encore. » que tu lui avoues, la voix pleine d’émotions alors que l’une de tes mains vient se glisser sur celle de Kieran qui est toujours posé sur ton ventre. « J’ai pas encore de symptôme. Si c’était pas de mon retard, j’aurais même pas pensé à faire un test. » Ça ne faisait pas longtemps que vous aviez pris la décision d’arrêter toute forme de contraception pour laisser la nature prendre le contrôle et laisser les choses se faire naturellement, doucement. Et tu ne pouvais t’empêcher de croire que ce petit miracle vous était bel et bien destiné. « Je suis tellement heureuse de vivre ça avec toi. » Tu laisses ta main libre se glisser contre sa joue alors que tu approches ton visage du sien pour venir lui voler ses lèvres à nouveau, n’ayant plus aucune autre envie que de profiter de cette journée de cette façon-là, bien précisément.

Autumn a toujours été plus douée que moi pour les surprises et je crois que, cette fois-ci, il me sera impossible d’espérer lui arriver à la cheville. Je ne peux pas rivaliser avec ça et, très franchement, je n’en ai pas envie : c’est le plus beau cadeau qui soit et oui, j’ai parfaitement conscience d’être un cliché ambulant en pensant ça, mais c’est le cas. Et ça m’étonne moi-même, pour être sincère, car si j’ai toujours voulu des enfants, je ne me suis jamais imaginé papa. J’ai encore de la peine à réaliser, même si j’imagine que c’est normal, l’annonce est encore trop récente pour que l’idée soit réellement concrète, mais... merde, je vais être papa. J’aime déjà l’idée autant qu’elle me fait paniquer. J’ai aucune idée de comment gérer un enfant, et même si ça peut sembler normal puisqu’il s’agira du premier, j’ai toujours imaginé que je ne serais pas un bon père, à défaut d’en être un mauvais (j’imagine que c’est l’avantage d’avoir appris à faire la paix avec mon passé au fil des années, et d’avoir conscience que le mien a fait partie des pires, au point où je ne peux pas m’imaginer à son niveau). J’ai jamais eu aucun référent, j’ai jamais appris à nouer une cravate ou à me raser correctement et je sais que ce bébé n’aura pas besoin de tels conseils avant de nombreuses années, mais je me questionne déjà. Il y a beaucoup d’autres choses que je n’ai pas apprises de mon père et je me rends compte que je ne pourrai rien transmettre à mon enfant. Pas d’héritage familial, ni même de passe-temps qui coule dans nos veines ; je vais partir de zéro et ça me fait flipper. Ça me fait encore plus flipper de considérer que ce gamin grandi avec un père qui n’a aucun caractère – promis, j’essaie de m’améliorer. Je sais que je ne suis pas dans les meilleures dispositions pour accueillir un enfant et que j’ai encore beaucoup, beaucoup de travail sur moi-même, que la panique me gagnera tôt ou tard quand je réaliserai pleinement l’ampleur de tout ce qui nous attend, mais... je vais être papa. Et ces quelques mots effacent tout le reste.

J’ai de la peine à y croire, j’ai de la peine à la prendre au sérieux durant quelques minutes, avant que l’idée commence à se faire un chemin jusqu’à mon esprit et qu’un large sourire illumine mon visage. Je ne devrais même pas être tant surpris que ça, parce que nous avons décidé il y a peu d’essayer, mais je crois que j’espérais avoir encore un peu de temps pour m’y préparer. Et maintenant que j’y suis confronté, maintenant que je ressens cette joie intense, je me dis que j’aurais voulu qu’elle me fasse ce cadeau plus tôt encore. J’ai de la peine à maîtriser mes gestes quand mes lèvres trouvent son cou en un remerciement silencieux, quand je réalise que je suis peut-être trop brusque, mais promis, c’est seulement l’euphorie qui m’empêche de réfléchir à deux fois. Il va pourtant falloir, car même si d’ordinaire je ne suis pas aussi brusque, je suis parfois débordé par mes élans de joie. Il est rare que je les exprime autant, mais je suis convaincu que ce n’est que le premier d’une longue série qui nous accompagnera pendant neuf mois, non, dix-huit ans, en réalité. « Quelques jours. » Elle le sait depuis quelques jours et je ne lui en veux même pas d’avoir gardé le secret pour l’occasion, même si j’imagine que ça a dû être difficile. Surtout que je n’ai rien remarqué si elle se sentait mal et je me sens tout de suite coupable d’avoir peut-être manqué le coche. « J’ai vraiment pensé que j’allais m’échapper à quelques reprises, mais je voulais attendre d’avoir le body et puis avec notre anniversaire si près… » Ses lèvres retrouvent mes joues tandis que mon regard, lui, s’ancre un peu plus dans le sien. « T’aurais pas pu faire mieux. » Tout est parfait, de A à Z et cette surprise ne vient que confirmer pour quelle raison nous avons eu raison de nous battre toutes ces années, quand nos santés mentales respectives nous encombraient. « Je voulais que la surprise soit parfaite. » Elle l’est, elle n’a pas à en douter. « Je vais bien, je réalise pas encore. » Moi non plus, c’est à quel moment, d’ailleurs, que c’est supposé arriver ? Je suis déjà pressé, probablement trop. « J’ai pas encore de symptôme. Si c’était pas de mon retard, j’aurais même pas pensé à faire un test. » Je suis rassuré de prendre conscience que je ne suis pas passé à côté de l’évidence. « Je suis tellement heureuse de vivre ça avec toi. » Je prolonge le baiser qu’elle m’offre, oubliant soudainement toute la journée que j’ai prévue. « Moi aussi. » Je lui avoue, un large sourire sur les lèvres. « Tu me le dis, hein ? Si tu te sens mal, si t’as envie de quelque chose de particulier, tout ça. » Je suis déjà un peu paniqué, oui, mais j’ai envie de vivre cette grossesse avec elle et de faire de mon mieux pour l’accompagner. « Bon, je te cache pas que j’avais prévu un saut en parachute pour nous aujourd’hui, mais on va annuler, hein. » Non, je n’ai rien prévu d’aussi extrême, mais j’en arrive à mon point : « je veux qu’on fasse tout ce que t’as envie. » Ses désirs seront les miens, qui sont déjà largement comblés.

@Autumn Galloway

Tu sais qu’à partir d’aujourd’hui, plus rien ne sera jamais pareil. Que ton monde ne tournera plus jamais seulement autour de toi, ni même seulement autour de toi et de Kieran. À partir d’aujourd’hui, ou plutôt depuis que tu as fait ce test de grossesse, depuis que tu as vu cette deuxième ligne rose apparaître bien trop rapidement pour y croire, ton monde tourne désormais autour de ce petit être pas plus gros qu’un petit pois qui pousse son nombril, et qui au bout de neuf mois à peine, viendra absolument tout chambouler de vos vies telles que vous les connaissez. Si tu as réellement envie de croire que tu es prête pour cette nouvelle étape de ta vie, tu ne peux empêcher les questionnements et les doutes de résonner dans un coin de ton esprit. La peur de ne pas savoir faire, la peur de voir ta santé mentale dégringolée à nouveau, la peur de mettre ta relation avec Kieran en danger, vous qui avez travaillé si fort pour vous rendre où vous êtes aujourd’hui. Mais tu as appris à ne pas laisser les doutes et les peurs prendre le contrôle, tu as appris à doser toutes ces voix dans ta tête, à accepter leur présence sans leur donner toute l’importance. Tu as appris, avec beaucoup de temps et de patience, que tes émotions, aussi intenses et insensées qu’elles puissent te sembler par moments, ne sont pas nécessairement mauvaises et qu’elles ne sont pas non plus maîtres de ta vie. C’est un travail constant, il y a des rechutes, des meilleures journées, des mauvaises passes, mais pour toi, pour Kieran, pour cette famille que vous voulez fonder depuis un moment, celle qui se crée juste là, dans le fond de ton être, tu veux croire que tout peut bien aller, que tout peut bien se passer.

Tu mises tout sur l’effet de surprise et tu es satisfaite de voir que tu as parfaitement réussi. Ça aura valu cette agaçante impression que tu avais de lui mentir pendant quelques jours alors que tu souhaitais seulement attendre le moment idéal pour partager cette grande nouvelle. « T’aurais pas pu faire mieux. » Tout doute officiellement chasser de ton esprit, tu peux réellement profiter du moment, de tout ce que ça veut dire, de toutes ces émotions positives que cela vient créer pour toi, mais pour Kieran aussi dont le regard brillant n’a de cesse de balader entre ton visage et ton ventre toujours infiniment plat. Le choc est encore bien présent, pour lui autant pour toi, et tu te doutes que vous risquez de mettre encore quelques temps avant de pleinement réaliser ce qui se passe. Peut-être si tu commences à avoir des symptômes, ou alors quand ton ventre commencera à s’arrondir au fil des semaines. Pour l’instant, tout s’apparente à un rêve, même si vous êtes bel et bien réveillés. « Moi aussi. » Tu viens caresser sa joue du bout des doigts, incapable de détacher ton regard de ce sourire béat qui existe sur les lèvres de ton mari. « Tu me le dis, hein? Si tu te sens mal, si t’as envie de quelque chose en particulier, tout ça. » Tu échappes un léger rire, t’imaginant déjà un Kieran déjà de nature attentive devenir encore plus à l’écoute de la moindre de tes envies et de tes douleurs. « T’inquiète pas mon amour, tu seras le premier à le savoir quand le bébé m’écrasera la vessie ou qu’il aura une envie irrésistible de chocolat. » que tu commentes, empilant les clichés du peu que tu connaisses des grossesses, toutes des choses inévitablement apprises à la télévision et dans les films. Tu réalises que dans ton cercle d’amis proches, tu es la première à tomber enceinte et donc personne à embêter avec tes 1001 interrogations à venir. « Bon, je te cache pas que j’avais prévu un saut en parachute pour nous aujourd’hui, mais on va annuler, hein. » Tu fronces les sourcils légèrement, avant de te tourner pour attraper ton téléphone. « Ah mais pas besoin, ça dit qu’il y a pas de contre-indications dans le premier trimestre. » Non, évidemment que ça ne dit pas ça, tu n’as même pas ouvert une page internet pour vérifier et tu ne le feras pas non plus parce que tu le sais qu’il ment Kieran, avec son saut en parachute. « Alors à moins que t’aies vraiment envie de te lancer dans le vide, je propose que tu me dises ce que tu avais vraiment prévu pour aujourd’hui. » que tu lui demandes, joueuse tout en battant des cils, tenant ton téléphone contre toi comme si tu tentais de cacher ces fausses preuves que tu ne possèdes pas. « Je veux qu’on fasse tout ce que t’as envie. » Tu fais mine d’y réfléchir pendant quelques secondes. « On est bien ici, non? » Dans votre lit, collés l’un contre l’autre, à simplement profiter de la présence de l’autre. C’est ce que tu veux dans l’immédiat, juste encore un peu. « Tu aimerais que ce soit quoi, toi? Un garçon ou une fille? » que tu lui demandes, désormais incapable de ne pas revenir sur le sujet de cette grossesse qui t’obsède en silence depuis plusieurs jours. « J’aimerai qu’on fasse quelque chose de spécial, pour l’annoncer à nos familles. » Mais quoi exactement? Ça, tu ne l’as pas encore décidé.

Je sais que je suis probablement égoïste de voir les choses ainsi, alors que c’est une étape de notre vie que nous allons construire à deux, que l’on va être parents et non pas seulement que je vais être papa. Et je m’en veux, même si ça ne dénigre en rien le rôle d’Autumn, ni la gratitude que je ressens à son égard alors que sans elle, rien de tout ça aurait été possible. Et je ne parle même pas de ce bébé qui commence déjà à grandir, mais seulement de cette perspective à laquelle je rêve depuis des années. J’ai toujours voulu des enfants, j’imagine que c’est un truc de gosse issu du système, de tenter de réparer ses propres blessures en faisant mieux que ses parents, en essayant de démontrer qu’on vaut mieux que ceux qui nous ont mis au monde et si je suis honnête, oui, j’ai bien conscience qu’il y a une part de ça, une volonté de faire mieux – et ça ne doit pas être bien difficile, dans mon cas, en réalité. Mais ce n’est pas qu’une stupide idée de revanche qui a animé mon désir de paternité, il y a aussi le simple constat que cela implique : d’avoir trouvé quelqu’un pour envisager ce futur à deux. Quelqu’un en qui j’ai suffisamment confiance pour accepter cette responsabilité, pour envisager de me lier éternellement à elle autrement que par les liens du mariage. Je n’ai pas eu beaucoup de femmes dans ma vie avec Autumn, mais il n’y a bien qu’avec elle que cette perspective a commencé à m’apparaître comme enviable et, mieux encore, dans les projets. Il n’y a qu’avec elle que j’ai le désir de fonder une famille, où j’en envisagé de mettre mes propos insécurités de côté pour me lancer dans cette aventure aussi réjouissante que terrifiante. Pour l’instant, c’est le bonheur qui prime, même si je suis conscient que la peur viendra sous peu, mais je n’ai pas envie de penser à elle. Elle domine suffisamment mon quotidien pour ne pas lui laisser de terrain aujourd’hui, pas alors que la femme que j’aime m’annonce qu’on va être parents.  

J’aurai sûrement peur, oui, je me connais assez pour l’anticiper et pourtant j’ai déjà envie d’appuyer sur le bouton avance rapide, de rencontrer ce nouveau membre de notre famille, d’apprendre à m’en occuper – et non pas de l’aimer, parce que je sais que ce sera instantané, je sais que c’est déjà le cas. J’ai envie de passer toutes les étapes de la grossesse – c’est égoïste encore une fois, n’est-ce pas ? – pour mieux en arriver à cette finalité, à la rencontre de ce petit être que je m’impatiente déjà de chérir. J’arrive pas à me débarrasser de mon sourire sur les lèvres. Je dois probablement avoir l’air d’un idiot et sûrement que demain mes joues me feront mal, mais j’arrive pas à dissimuler ma joie. Parce que mon manque de confiance en moi fera le reste et fera planer tôt ou tard des nuages sur cet événement, alors je veux grappiller chaque seconde de bonheur tant que je le peux encore. Tant qu’on le peut encore, parce que nos hauts (et Dieu sait qu’on touche les nuages aujourd’hui) s’accompagnent toujours de bas. J’ai envie de croire qu’on arrivera à se débarrasser de cette malédiction, parce qu’on le doit à ce bébé qui le mérite. Je l’ai pas encore rencontré, mais il mérite tout, absolument tout et c’est bien plus que ce que je peux lui offrir. « T’inquiète pas mon amour, tu seras le premier à le savoir quand le bébé m’écrasera la vessie ou qu’il aura une envie irrésistible de chocolat. » - « On aura déjà un point commun. » Je murmure à son ventre comme si l’occupant des lieux pouvait m’entendre. Le geste est encore maladroit, je me sens un peu bête, mais je sens aussi que je vais y prendre goût – désolé, mon cœur. Ce ne sera pas un calvaire d’accourir pour lui trouver du chocolat, des fraises, ou tout ce qui touche à la nourriture, non, je sais déjà que je serai du genre à l’accompagner dans ses envies passagères. « Ah mais pas besoin, ça dit qu’il y a pas de contre-indications dans le premier trimestre. » Je ris, j’ai presque envie de continuer à dialoguer avec notre progéniture pour lui dire de ne pas écouter sa maman parce qu’elle dit n’importe quoi – que la voix de la raison, c’est papa, une vérité universelle (pas du tout) à laquelle il faut rapidement lui faire croire, hm. Mais je m’abstiens, parce que je ne veux pas avoir l’air ridicule, parce que j’ai toujours peur d’en faire trop, et que face à cette situation, il va falloir que j’apprenne à me modérer. « Alors à moins que t’aies vraiment envie de te lancer dans le vide, je propose que tu me dises ce que tu avais vraiment prévu pour aujourd’hui. » Elle me connait, Autumn, elle sait que jamais je n’aurais eu le courage de faire un saut en parachute, même si ce n’est pas l’envie qui manque. « Rien de bien fou, pour être franc. » Elle me connait aussi pour savoir que je suis de loin par l’homme le plus créatif, même si j’essaie d’innover pour ne pas la lasser. « Tu te souviens du mont qu’on a grimpé lors d’un de nos premiers rendez-vous ? » Je pourrais préciser que j’ai failli y laisser un poumon (non, les deux, et puis tout le reste aussi) pour qu’elle situe, mais je pense qu’elle n’a pas besoin de ça pour voir où je veux en venir. « J’avais juste dans l’idée d’y retourner, d’y passer une partie de la journée et de pique-niquer là-bas. » J’avoue, un peu gêné face au manque flagrant d’originalité. « J’ai même repéré des spots pour être tranquille et prévu la petite nappe à carreaux pour jouer le cliché à fond. » Et le panier en osier, tout ça, tout ça, juste parce que ça me faisait rire... et parce que, d’accord, je tire un peu trop mon inspiration des films. « Et j’ai même commencé à aller à la salle pour m’entraîner et ne plus respirer comme un buffle après dix pas. » Je suis plus près des trente pas sans malaise que des dix kilomètres, mais faut bien commencer quelque part, hein ? Ça, c’était le programme dans l’idée, avant d’apprendre sa grossesse – ce qui fait d’elle la personne la plus légitime à déterminer ce qui va nous occuper. « On est bien ici, non? » J’acquiesce alors que je viens poser mes lèvres contre sa joue pour approuver encore un peu plus – juste au cas où elle ne l’aurait pas deviné par mon sourire. « Tu aimerais que ce soit quoi, toi? Un garçon ou une fille? » - « Je sais pas choisir, tu sais bien. Les deux ? » Euh... oui, bon, d’accord, j’abuse un peu. « Je plaisante. » Un à la fois, je pense que ça fera déjà assez de boulot. « J’aimerai qu’on fasse quelque chose de spécial, pour l’annoncer à nos familles. » Je comprends, oui, même si encore une fois je suis pas la bonne personne pour être créative (quelle ironie, vu mon job). « Je suis sûr qu’on peut faire exploser le budget body ou hm, des tétines personnalisées... oooh, pourquoi pas via des fortune cookies ? » Ok, j’ai peut-être mille idées à la seconde, au final.

@Autumn Galloway

« On aura déjà un point commun. » Tu as des étoiles dans les yeux et l’amour que tu ressens pour Kieran est tout simplement indescriptible quand tu le vois qui s’adresse déjà à ton ventre encore complètement plat, quand sa main vient s’y poser comme s’il tentait de venir sentir la moindre différence. Si en apparence tu es exactement la même que tu étais hier, la semaine dernière, le mois passé et bien plus longtemps avant même, vous savez tous les deux que ce n’est plus vrai. Que dans les semaines à venir, ton ventre va prendre de l’expansion, que tes hormones vont te jouer des tours, te rendre plus émotive sans doute, te provoquer des envies folles des mélanges culinaires les plus farfelues qui soit et c’est tout ton corps et toute ta personne qui va se retrouver changer, bouleverser par ce miracle qu’est de porter la vie. Kieran se contente de rire quand tu lui fais croire que tu peux tout à fait participer à un saut en parachute aujourd’hui, même si évidemment, ce ne sont que des conneries. Tu ne sais pas si tu oserais vraiment participer à une telle activité même sans la grossesse, mais une chose que tu sais parfaitement c’est que Kieran est bien plus de ceux qui n’oseraient jamais que de ceux qui pourraient s’aventurer à une telle activité extrême.

Tu n’en demeures pas moins curieuse sur les plans de la journée quand plus que jamais, tu as envie de souligner la date, ce moment que vous n’oublierez jamais tant il viendra pour toujours chambouler le reste de vos vies. « Rien de bien fou, pour être franc. » Tu n’avais pas besoin de fou. Tu avais simplement besoin de mémorable et à votre image. Kieran avait encore cette mauvaise habitude de dénigrer ses idées, même si tu avais appris à ne pas commenter le comportement, plutôt encourager quand tu savais désormais que cela venait d’une continuelle peur de déplaire, ce qui était impossible à tes yeux. « Tu te souviens du mont qu’on a grimpé lors d’un de nos premiers rendez-vous? » Tu hoches la tête doucement, ton sourire qui s’élargit alors que les souvenirs de cette journée te reviennent sans difficulté aucune. « C’est la première fois qu’on a dormi ensemble. » Tu te souviens d’être restée chez lui après la randonnée, et de t’être endormie contre lui pour la toute première fois cette nuit-là. Il ne s’était rien passé et pourtant, ça avait été une première fois que tu chérissais presque autant, sinon plus que la première fois que vous aviez été intimes. « J’avais juste dans l’idée d’y retourner, d’y passer une partie de la journée et de pique-niquer là-bas. J’ai même repéré des spots pour être tranquille et prévu la petite nappe à carreaux pour jouer le cliché à fond. » « Tu as vraiment pensé à tout. » que tu ne peux t’empêcher de commenter, déjà charmée à l’idée de cette randonnée, de cette chance de revisiter un endroit symbolique de votre relation. « Et j’ai même commencé à aller à la salle pour m’entraîner et ne plus respirer comme un buffle après dix pas. » Tu ne peux t’empêcher de rigoler, te remémorant parfaitement les joues rouges et le souffle court de ton amoureux pendant la montée. « Je suis impressionnée Mr. Halstead. » Ta voix se veut séductrice, joueuse alors que tu approches doucement ton visage du sien. « J’aime beaucoup ce plan pour la journée. » Tu n’avais besoin de rien de plus pour être complètement comblée aujourd’hui tant la joie qui irradiait de ton mari suffisait à te rendre heureuse.

« Je sais pas choisir, tu sais bien. Les deux? » Tu lèves légèrement la tête pour que Kieran puisse bien voir ton regard complètement paniqué à l’idée de pouvoir être enceinte de jumeaux. Non, commençons par un par pitié, pour que tu sois certaine que tu sais comment gérer avant de pouvoir imaginer plus loin. « Je plaisante. » Tu soupires, échappant un petit rire nerveux au passage. Tu es consciente que ça ne se choisit pas comme ça, que si ça arrive c’est tout simplement un coup du hasard, mais tu préférerais que le hasard ne soit pas trop généreux d’un coup avec vous. « Il n’y a pas de jumeaux dans ma famille. Tu sais s’il y en a de ton côté? » Le sujet est toujours sensible, mais complètement inapprochable avec ton amoureux depuis quelques années et tu espères simplement que tu n’es pas en train de placer de gros nuages sombres au-dessus de vos têtes lors de ce qui se doit d’être une journée parfaitement ensoleillée. « Je suis sûr qu’on peut faire exploser le budget body ou hm, des tétines personnalisées… oooh, pourquoi pas via des fortunes cookies? » L’esprit de Kieran va vite, tu le vois dans ses yeux avec chacune des nouvelles idées qu’il te propose sans même avoir besoin d’y réfléchir plus de deux secondes. « Oh j’aime beaucoup l’idée des fortunes cookies. » Tu es certaine que tes parents ne s’y attendraient pas le moins du monde de cette façon. « On pourrait aussi attendre après la première échographie et faire quelque chose avec la photo. Genre… des porte-clés ou je sais pas. » Est-ce que c’est trop? Peut-être que c’est trop. Mais le simple fait de proposer l’idée te fait plaisir alors aujourd’hui, rien n’est trop. Tout est juste assez, parfait. « Je pense que je veux attendre à la fin du premier trimestre pour l’annoncer. » Juste au cas où quelque chose ne se passerait pas comme il le faudrait. Et un peu aussi pour conserver cette nouvelle juste entre vous deux, dans une bulle douce et chaleureuse que tu n’as pas envie de partager avec le reste du monde dans l’immédiat. « Ça nous donnera le temps de faire les choses bien. » Oui, ce sera un bel et grand évènement, tu l’as décidé.

Ma main glisse sur son ventre plat, comme si la présence de cet enfant pouvait déjà se faire sentir, alors qu’en réalité il ne s’agit que de ma propre impatience que je peine à dissimuler. Je suis patient, pourtant. Je croyais l’être jusqu’à aujourd’hui, alors qu’Autumn bouscule, une fois encore, toutes mes certitudes. Elle en concrétise d’autres, comme ce rôle qu’elle s’apprête à me confier et auquel j’ai souvent rêvé sans jamais le croire accessible, convaincu que les chiens ne font pas les chats et que sans modèle paternel valable, il me serait difficile d’être à la hauteur de cette responsabilité. Je ne suis pas sûr d’y arriver, pour être honnête ; j’imagine que cette petite voix dans ma tête qui continue de semer le doute à chaque minute de mon quotidien n’arrivera jamais à se taire et que c’est un autre rôle que je dois assurer, d’apprendre à la faire taire et à lui prouver le contraire, à me prouver le contraire. Je suis convaincu de ne pas faire partie de ceux qui sont nés pour être père, qui n’ont pas d’instinct naturel en ce sens ni les épaules suffisamment solides pour ça. Je suis certain que d’autres sauraient faire le bonheur de cet enfant bien mieux que je ne pourrai jamais y arriver – et si d’ordinaire ce genre de discours me met plus bas que terre, j’essaie de me raccrocher à une vérité : c’est un apprentissage, un de ceux qui peut être à ma portée, encore plus si Autumn est à mes côtés. J’ai entrepris un nombre incalculable de choses au cours de ma vie ; et tout autant de choses que j’ai laissé tomber, mais pas cette fois-ci. Cette fois-ci, cet apprentissage sera agréable ; mieux, il sera réussi. Je vais être le meilleur dans mon domaine et si ça ne devait pas être le cas, j’aurai au moins le mérite d’avoir fait de mon mieux. Je ne devrais pas laisser à Autumn le soin de corriger mes probables erreurs, je ne devrais pas mettre cette pression supplémentaire sur ses épaules alors que le seul fait de vivre avec moi représente déjà un challenge au quotidien – mais j’aime croire qu’il s’agit d’un travail d’équipe et que celui-ci ne sera pas à sens unique ; qu’elle aussi pourra partager ses doutes et ses peurs avec moi, quand bien même elle a bénéficié de meilleurs modèles que moi et qu’elle semble équipée pour se lancer dans cette nouvelle aventure. Et dans le fond, j’ai envie de croire que c’est parce que je n’ai, justement, eu que les mauvais côtés de ce rôle en exemple que je pourrai exceller dans le domaine.

Ça en fera au moins un où je serai en mesure de ne pas être totalement à la ramasse, car concernant l’originalité des célébrations, on repassera. C’est plus de la mélancolie qu’autre chose, et pendant un instant je regrette d’avoir eu cette idée alors que j’imagine déjà que ça pourrait être pris comme une idée de dernière minute, à défaut d’avoir anticipé, d’avoir réfléchi à la question ou simplement de s’en être souvenu. Ce n’est pas le cas et je ne veux pas qu’Autumn s’imagine qu’il s’agit d’un cadeau au rabais parce que j’ai été incapable de faire mieux. Je peux faire mieux, je le sais, c’est l’avantage d’être une déception au quotidien : je ne peux qu’aspirer à mieux. « C’est la première fois qu’on a dormi ensemble. » Elle s’en souvient et son affirmation me fait rougir comme un ado alors que je baisse la tête pour ne pas me sentir plus humilié que ce n’est déjà le cas. Oh, non, c’est pas sa faute, c’est juste moi et cette foutue capacité à être gêné pour n’importe quoi. Je ne devrais même plus réagir, même si ce jour-là a failli être une catastrophe et que je me suis ridiculisé en lui avouant n’être jamais passé à l’acte, depuis les choses ont bien évolué et la notion d’intimité avec la jeune femme ne devrait plus me faire cet effet-là. « C’est vrai, oui. » Que je confirme en relevant les yeux pour lui en dire plus ce qui était prévu initialement, avant qu’elle ne chamboule les plans de la plus belle des façons. « Tu as vraiment pensé à tout. » - « Sauf au fait que tu pourrais pas manger de sushis, tu vois. » Que je plaisante alors que ce n’était pas au programme – mais ça aurait pu, on est pas à l’abri d’un achat de dernière minute pour se faire plaisir, peut-être même que le gâteau au chocolat sera déjà de la partie, un peu comme mon endurance. « Je suis impressionnée Mr. Halstead. » Un large sourire s’empare de mes lèvres alors qu’elle me félicite, son visage qui se rapproche du mien comme récompense ô combien appréciée. « J’aime beaucoup ce plan pour la journée. » - « C’est vrai ? » Je demande, peu sûr de moi, avant de me rétracter – je dois cesser de demander l’approbation de tout le monde, sans quoi ce gamin saura me mener par le bout du nez une fois qu’il sera là. « Je veux dire, parfait, dans ce cas. » Le plan semble être décidé et bien que peu original, il a le mérite de plaire.

Le point sur lequel je suis incapable de statuer, c’est le sexe de ce bébé qui grandit déjà ; j’ai jamais vraiment eu de préférence, me contentant de vouloir un enfant en bonne santé. Comme tout parent, j’imagine, sauf que le discours est réel et qu’il n’y a pas d’envie particulière, bien cachée derrière ce discours socialement accepté. Ça m’importe peu, parce que mon rêve réside dans le seul fait d’avoir un enfant, non pas d’avoir un garçon ou d’avoir une fille. Alors pourquoi choisir ? Je ris face au regard paniqué d’Autumn, qui, en réalité, fait miroir au mien : j’accepte à peine l’idée de ce grand changement, alors autant y aller doucement. « Il n’y a pas de jumeaux dans ma famille. Tu sais s’il y en a de ton côté? » Je réfléchis un instant, essayant de plonger dans mes souvenirs d’enfance qui sont déjà bien loin et surtout volontairement oubliés. Mais j’ai pas souvenir que mes parents aient mentionné des jumeaux ni d’en avoir vu de mes propres yeux. « J’en sais rien. J’imagine que ce sera la surprise, tiens. » Le genre de surprise que j’aimerais mieux anticiper, en réalité. « Je plaide coupable dans le cas où ça arriverait. Ce serait même une bonne chose, ça m’appendra quelque chose sur eux. » Que j’ajoute, convaincu par cette idée de génie avant de laisser échapper un nouveau rire. « Je plaisante. Encore. » Je précise rapidement pour ne pas définitivement la perdre avec mes envies de jumeaux qui n’en sont pas. Pour l’heure, il s’agit d’envisager à comment l’annoncer. « Oh j’aime beaucoup l’idée des fortunes cookies. » Je l’observe, comme dans l’attente d’une seconde confirmation tant l’idée me semble banale. « On pourrait aussi attendre après la première échographie et faire quelque chose avec la photo. Genre… des porte-clés ou je sais pas. » J’écarquille les yeux, séduit par cette idée alors qu’un sourire reprend place sur mes lèvres. « J’aime l’idée du porte-clés Que ce soit pour nos proches ou pour moi. » Je m’emballe sûrement trop ; mais je suis capable de confectionner un album entier d’échographies et d’en placarder sur n’importe quoi ; des posters, des mugs, mes clés, peu importe tant que j’ai une trace de cet enfant. « Je pense que je veux attendre à la fin du premier trimestre pour l’annoncer. » Je secoue doucement la tête. « Je comprends, oui. » C’est dans la logique des choses et je n’ai pas envie que l’on se porte la poisse. « Ça nous donnera le temps de faire les choses bien. » J’acquiesce, avant d’ajouter, une petite moue sur le visage de par ma confession : « et j’aime l’idée de partager ça qu’avec toi, que ce soit notre petit secret pour un temps. » Que ce soit la suite logique de notre relation, en réalité ; que ce soit elle et moi dans cette petite bulle que nous avons créée et qu’on continue de nourrir chaque jour. Je suis égoïste, je crois, de ne pas vouloir partager, ni elle, ni cet enfant.

@Autumn Galloway

Tu le trouves beau quand il rougit, et ça te fait rire que même toutes ses années plus tard, tu trouves encore le moyen de le gêner. Tu as l’impression d’être sur un petit nuage de bonheur présentement, le cœur léger et à la fois gonflé d’amour pour cette famille que vous vous apprêtez à devenir, tous les trois. Ce petit pois sous ton nombril qui ne laisse encore aucune marque de sa présence, mais qui saura bien assez vite prendre toute la place. Tu les vois, les yeux brillants de ton mari, cette joie qu’il ne cherche pas à camoufler. Tu ne veux rien de plus, là, tout de suite, que de rester contre lui et de profiter de cette bulle de bonheur qui vous entoure. Tu sais que ce ne sera pas éternel, qu’il y aura encore très certainement bien des embûches sur votre chemin parce que rien ne reste parfait bien longtemps, mais ce moment très précis, tu viendras sans aucun doute à le chérir tendrement comme tu le fais cette première nuit que vous avez passé ensemble. « Sauf au fait que tu pourrais pas manger de sushis, tu vois. » Tu échappes un rire tout en hochant de la tête, l’humour maladroit de Kieran étant encore et toujours l’une de ces choses qui te charme chez lui. Tu te rapproches doucement, te délectes de ce sourire qui habite ses lèvres, celui que tu veux continuer de placer sur ses lèvres aussi longtemps qu’il te le permettra. « C’est vrai? » Tu hoches la tête de haut en bas et échappant un léger mh-mh du bout des lèvres alors qu’il se reprend. « Je veux dire, parfait, dans ce cas. » Tu scelles le tout d’un tendre baiser contre ses lèvres.

Tu te projettes déjà, incapable de décider si tu voudrais que ce soit un garçon ou une fille, consciente que la joie sera la même qu’importe le sexe de votre bébé. Il ou elle sera la première pièce d’un nouveau casse-tête que vous allez construire ensemble et voilà que tu fabules déjà à en imaginer plus d’une, pièce. C’est lui qui mentionne les jumeaux, et tu te demandes s’il y en a vraiment, des chances que ça arrive. Il n’y en a pas dans ta famille, mais dans le cas de Kieran, il est toujours plus difficile de savoir à quoi s’en tenir tant les trous d’informations sont conséquents. « J’en sais rien. J’imagine que ce sera la surprise, tiens. » Et des surprises, vous n’en manqueriez pas. « Je plaide coupable dans le cas où ça arriverait. Ce serait même une bonne chose, ça m’apprendra quelque chose sur eux. » Tu fais une petite grimace, éternellement désolée que les détails sur son arbre généalogique lui manquent à ce point-là. « Je plaisante. Encore. » qu’il tente de justifier alors que ton esprit dévie déjà sur autre chose. « Est-ce que tu voudrais qu’on fasse des recherches sur eux? » que tu proposes doucement, sachant le sujet délicat depuis toujours. « Ou même juste faire des tests génétiques, juste pour savoir ce qu’il en est? » Parce que si Kieran ne sait pas s’il y a des jumeaux dans sa famille, l ne doit pas non plus savoir de quel genre de problèmes de santé il a hérité, et qu’il pourrait sans le savoir transmettre à votre futur enfant, celui qui est toujours caché sous ton nombril. « On est pas obligé de décider ça tout de suite, mais comme je sais que t’aimes pas les surprises… » que tu sous-entends avec un sourire, cherchant légèrement à apaiser cette discussion qui pourrait trop facilement devenir très lourde. La future annonce de votre bonne nouvelle agit aussi comme une petite douceur dans ce tourbillon d’émotions qui, comme à ton habitude, peut si aisément passé d’un extrême à un autre, quand bien même tu refuses de te laisser emporter comme tu as pu le faire par le passé. « J’aime l’idée du porte-clés. Que ce soit pour nos proches ou pour moi. » « T’auras pas besoin d’un porte-clé toi, t’auras toutes les photos des échographies que tu veux, mises sur le frigo. » Tu es déjà impatiente à cette première échographie, et toutes les autres aussi qui seront des preuves tangibles de cette grossesse dont tu ne réalises pas encore la teneur. « Je comprends, oui. » Tu es soulagée de l’entendre, tu tiens vraiment à attendre que ces douze premières semaines soient passées, en partie parce que tu crains une potentielle fausse-couche dans les premières semaines, mais aussi pour pouvoir profiter de ce secret avec lui et seulement lui. « Et j’aime l’idée de partager ça qu’avec toi, que ce soit notre petit secret pour un temps. » Et tu es d’autant plus heureuse de l’entendre partager cette même pensée. « Mes parents vont être tellement heureux, depuis le temps qu’ils attendent ça. » Puisque ton frère avait choisi une vie de célibat, il en revenait à toi de faire d’eux des grands-parents, et ce jour approchait enfin, même s’ils ne le savaient pas encore. « Tu crois que Sawyer sera contente elle aussi? » Parce que la Harding n’avait jamais été la plus grande fan de ta personne, même si votre relation était nettement plus cordiale depuis le mariage. Vous arriviez à discuter calmement maintenant, même si tu doutais qu’un jour, vous puissiez être considérées comme des amies, même si ça te ferait bien plaisir à toi, que ce soit le cas.

C’est con, pour un artiste, de sérieusement manquer de créativité au point où mon programme de la journée consistait à rejouer l’un de nos premiers rencards. C’est pas assez, je le sais, mais j’ai surtout envie de lui faire comprendre, sans trop maîtriser les grandes déclarations, à quel point sa présence dans ma vie a rendu celle-ci meilleure. Je suis pas vraiment doué avec les mots, et je me disais qu’avec les gestes, ce serait plus efficace, qu’elle comprendrait où je veux en venir. Mais je me réconforte en me disant que toute la créativité du monde n’aurait pas suffi à rivaliser avec l’annonce que ma femme vient de me faire ; et la perspective d’un nouveau chapitre à trois qui s’ouvrira bientôt pour nous. Et je sais que je devrais pas penser à tout ça, que je devrais pas laisser mon anxiété reprendre le dessus en m’interrogeant déjà sur mes capacités de père ; mais j’y peux rien, c’est inscrit dans mon code génétique. Le simple fait de respirer est déjà quelque chose qui m’angoisse, alors vous imaginez bien que devenir père, c’est une mise à l’épreuve importante pour mon cœur. Mais loin de seulement le malmener avec cette bonne nouvelle, Autumn a aussi la capacité de l’apaiser comme personne quand son rire résonne à mes oreilles et que mes yeux se posent sur elle. J’ignore comment elle fait, comment une seule personne peut agir comme catalyseur d’angoisses que je me balade depuis ma naissance, mais toujours est-il qu’elle y arrive. Qu’un seul regard sur elle me confirme qu’elle y arrivera toujours, malgré les difficultés qui peuvent se mettre entre nous ; elles arriveront jamais à diminuer l’amour que j’ai pour elle, seulement à le rendre toujours plus fort.

J’ignore si je préfère un garçon ou une fille, à vrai dire j’ai la réponse cliché de tout parent qui se respecte (comme quoi, je suis déjà en phase d’apprentissage) : je veux surtout que tout se passe bien, peu importe le sexe du bébé. Et je suis sincère, j’ai aucune préférence ; parce que je suis incapable de prendre une décision, c’est vrai, mais aussi parce que je ne me suis jamais posé la question. Je me suis imaginé père des milliers de fois, mais sans jamais avoir une idée nette de mes enfants. Je veux juste en avoir, je veux juste être en mesure de créer une famille comme j’en ai pas eue, qui sera soudée et aimante, je veux pouvoir donner tout l’amour que j’ai emmagasiné pendant des années parce que personne n’était là pour le recevoir, je veux pouvoir être là pour quelqu’un, je veux montrer que le monde n’est pas si pourri qu’il a l’air de l’être si on s’entoure des bonnes personnes, je veux qu’ensemble on puisse affronter le reste du monde et toujours compter les uns sur les autres – et je m’en fous si j’ai l’air terriblement niais, je le suis probablement. C’est peut-être la seule ambition dont j’ai jamais douté, celle à laquelle j’ai toujours cru, que d’être père de famille. Que ce soit d’un ou plusieurs enfants, là-aussi j’ai pas déterminé et peut-être qu’on peut déjà conjuguer les choses au pluriel. « Est-ce que tu voudrais qu’on fasse des recherches sur eux? » Je reste silencieux quelques instants, parce que j’ai jamais réfléchi à la question. Ou plutôt, j’ai pas arrêté de le faire, mais j’ai jamais trouvé de réponse. Un jour je le veux, le lendemain j’ai peur de ce que je peux découvrir et, à chaque fois, je ne prends aucune décision et me complaît dans les regrets et les interrogations. « Ou même juste faire des tests génétiques, juste pour savoir ce qu’il en est? » J’hoche la tête car ça me semble essentiel. J’ai aucune foutue idée des maladies qui traînent dans ma famille, j’ai aucune idée de ce que je pourrais transmettre à mon enfant – et je m’en veux aussitôt. « Je suis désolé, on aurait dû faire ça avant. » Avant qu’elle ne tombe enceinte, pour s’assurer des meilleures chances dès le départ et non pas en cours de route. Mais je me raccroche au fait que je vais bien, je crois, et j’ai envie d’espérer que ce sera le cas jusqu’à ce que je meurs de vieillesse et non d’une quelconque maladie génétique dont mes parents trop lâches pour m’élever ont emporté le secret avec eux. « On est pas obligé de décider ça tout de suite, mais comme je sais que t’aimes pas les surprises… » Je secoue la tête par la négative. « Non, tu as raison, heureusement que t’as pensé à ça. » Car ce n’est pas le genre de détails dont j’ai l’habitude de m’encombrer. « Je préfère mille fois passer tous les tests qu’il faut que de leur demander directement. » J’admets, un peu hésitant, avant de préciser. « J’ai envie de les connaître, mais j’ai pas envie de partager mon bonheur avec eux. » J’admets, j’ai envie de savoir des millions de choses sur eux, mais j’ai aucune envie de partager quoi que ce soit avec eux, et surtout pas mon bonheur. Ils ont été responsables de mon malheur pendant des années et ils méritent pas d’assister à celui-ci. « Pour ça, j’ai vous deux. J’ai pas besoin de plus. » Ma main vient encore une fois caresser son ventre dans un geste qui deviendra sûrement une habitude très rapidement. Ma famille, c’est elle et ce bébé, et certainement pas ceux qui m’ont mis au monde et qui ne méritent pas de célébrer les événements les plus importants de ma vie avec eux. Et c’est vrai, j’ai pas besoin de plus, mon bonheur peut se résumer à cette pièce, je n’ai besoin de rien d’autre. « T’auras pas besoin d’un porte-clé toi, t’auras toutes les photos des échographies que tu veux, mises sur le frigo. » Mon large sourire trahit mon émotion à cette idée. C’est pas la collection d’échographies qui me touche, simplement le fait de prendre conscience de tout ce qui se dessine pour nous. « Mes parents vont être tellement heureux, depuis le temps qu’ils attendent ça. »  Un rire s’échappe d’entre mes lèvres ; c’est sûr que ce n’est pas Owen qui va les aider à devenir grands-parents. « Ils seront d’excellents grands-parents. » Ils pourront compenser pour mes propres parents et ça, c’est essentiel. « Tu crois que Sawyer sera contente elle aussi? » Je sens que sa question n’est pas anodine et elle ne l’est pas ; pas uniquement parce que les deux femmes ne s’entendent pas aussi bien que je le souhaiterais. « Je pense, oui. » Je songe, avant de me rétracter rapidement : « Je veux dire, j’en suis sûr. Mais je peux pas m’empêcher de me dire que je vais lui coller mon bonheur sous le nez alors qu’elle ne peut pas avoir d’enfants. » Et je me sens honteux. Je sais que ça implique pas que je m’interdise de fonder une famille, mais je peux pas m’empêcher de me dire que c’est son souhait également, sauf qu’elle ne le pourra pas. « Elle ferait une bonne marraine, tu sais. » Même si j’ai cette crainte, je sais que Sawyer saura refuser le rôle si ça lui en demande trop par rapport à son propre désir de famille. Mais je la connais assez pour savoir qu’elle l’acceptera ; et qu’elle sera incroyable dans ce rôle. « Owen pourrait être le parrain. » C’est presque beau, que nos frères et sœurs respectifs soient les parrains et marraines, mais peut-être que je vais trop vite. « Je m’emballe trop, pardon. » Je viens à peine d’apprendre l’existence de cet enfant que je suis déjà en train de régler les détails les anodins – et j’ai peut-être déjà commencé à réfléchir à la liste de prénoms.

@Autumn Galloway

Ce n’est pas que tu ne souhaites pas te réjouir sans fin de cette grande nouvelle que tu as enfin pu partager avec ton mari, c’est seulement qu’au fil de la discussion, tu réalises qu’il y a plusieurs choses dont vous n’avez pas réellement discuter avant de vous lancer dans ce projet de procréation, pensant sûrement qu’il vous faudrait plus que quelques semaines d’essais avant de voir un plus apparaître sur un test de grossesse. Comme ce n’est pas le cas, tu te prends un peu toutes ses réalisations en même temps que Kieran, les questions sur sa famille, ou plutôt sur la génétique de cette dernière, et la manière dont il aimerait obtenir les informations nécessaires pour votre paix d’esprit. « Je suis désolé, on aurait dû faire ça avant. » Tu secoues doucement la tête. « T’excuses pas, j’y ai pas pensé non plus. » C’est seulement aujourd’hui que la réalité te rattrape, maintenant qu’il y a bel et bien un enfant qui grandit dans ton ventre et que tu te poses déjà des centaines de questions par rapport à son bien-être, et surtout que tu t’imagines déjà toutes les centaines de choses que tu dois mettre en place désormais pour t’assurer une grossesse aussi saine que possible. « Non, tu as raison, heureusement que t’as pensé à ça. » Tu lui offres un doux sourire, tu ne souhaites pas alourdir l’ambiance avec ce genre de détails, mais maintenant que les questions te sont venus en tête, tu sais que tu ne pourras pas simplement t’en défaire tant que vous n’aurez pas décidé d’un certain plan d’action, même si ce n’est pas quelque chose que vous organisez là, tout de suite. « Je préfère mille fois passer tous les tests qu’il faut que de leur demander directement. » Cette réponse ne te surprend pas après tout, si Kieran avait voulu établir un quelconque contact avec ses géniteurs, il aurait pu le faire sans attendre d’utiliser votre futur bébé comme excuse. « J’ai envie de les connaître, mais j’ai pas envie de partager mon bonheur avec eux. » Une moue compatissante apparaît sur ton portrait. Tu peux comprendre après tout, ils n’étaient pas là quand ça comptait, quand Kieran avait besoin d’eux. Aujourd’hui, c’est son choix de les impliquer de la manière et au rythme qu’il le décide et jamais tu ne viendras remettre ce fait en question. « C’est comme tu préfères. Sans pression. » que tu le rassures, pour lui rappeler que tu es avec lui pour chaque étape, s’il en a besoin et surtout s’il le veut. « Pour ça, j’ai vous deux. J’ai pas besoin de plus. » Sa main vient caresser ton ventre une nouvelle fois et ça t’arrache un rire. « J’réalise pas encore, qu’il y a quelqu’un là-dedans. » Que vous êtes vraiment deux, ce petit être complètement dépendant de toi. Ce mélange parfait de l’homme que tu aimes et ta personne que tu es incroyablement impatiente de rencontrer. C’est que ça te semble soudainement éternel, neuf mois d’attente. « On prendra rendez-vous avec ton médecin. Se renseigner sur ce qu’il faut faire. » Pour les tests génétiques. Pour Kieran et puis pour le bébé aussi. Juste pour être extra prudent. Juste pour la paix d’esprit. Juste pour pas risquer de replonger dans vos travers, lui et toi, quand l’anxiété vous prend à la gorge un peu trop fort.

Tu ne veux pas penser plus longuement à des choses qui pourraient te stresser, même si ces dernières seront certainement nombreuses dans les mois à venir. C’est un grand changement qui s’annonce, une période d’adaptation qui va forcément s’en suivre et ça n’a jamais été ta force, une saine adaptation. Tu mets longtemps à te faire à une routine, à ne pas te laisser complètement dépassée par les circonstances des nouveautés, mais tu connais tes faiblesses désormais et puis tu connais les meilleures façons de les gérer. S’il te faut un suivi psychologique plus serré, s’il faut que tu te confies plus régulièrement à Kieran, qu’importe la suite des choses, tu es prête à le faire. Pour votre famille plus réelle et concrète que jamais, et ce bonheur que tu as envie de partager avec tes proches, malgré ton attitude pragmatique qui préfère attendre encore quelques semaines avant d’annoncer la nouvelle. « Ils seront d’excellents grands-parents. » Tu hoches la tête, tu veux le croire oui. Tes parents n’ont certainement pas été parfaits, mais ils ont toujours fait du mieux qu’ils pouvaient et tu sais qu’ils sont impatients d’avoir un petit bébé à aimer et dorloter, chose que ton frère ne saura jamais leur donner vu les choix qu’il a fait. Tu ne peux évidemment pas t’empêcher de t’inquiéter de la réaction de Sawyer, avec qui tu ne sais jamais réellement à quoi t’attendre malgré un semblant de relation cordiale depuis quelques années. « Je pense, oui. » Pas exactement la réponse rassurante que tu espérais et c’est comme s’il pouvait lire dans tes pensées Kieran, lorsqu’il se reprend aussitôt. « Je veux dire, j’en suis sûr. Mais je peux pas m’empêcher de me dire que je vais lui coller mon bonheur sous le nez alors qu’elle ne peut pas avoir d’enfants. » « On a pas de contrôle sur ça mon amour. » C’est une triste réalité, une que vous ne pouvez pas changer, que tu sois enceinte ou non. Tu espères seulement qu’elle sera être en mesure d’être heureuse pour vous malgré ses propres circonstances. Tu ne comprends pas comment la vie peut être injuste ainsi, refuser à des femmes de porter la vie alors qu’elle le désire ardemment, mais tu ne peux t’empêcher d’être reconnaissante quant au fait que ça n’ait pas été une difficulté à laquelle tu as dû faire face, de ton côté. « Elle ferait une bonne marraine, tu sais. » Tu hoches doucement la tête, toi aussi, tu y avais déjà songé. « Owen pourrait être le parrain. Pardon, je m’emballe trop. » « Non, pas du tout. J’aime que tu penses à toutes ces petites choses. » Tu as envie de savoir tout ce à quoi il pense, toutes ces petites choses qui lui font envie, de quoi il rêve quand il pense à votre bébé et votre famille en devenir. « Je pense que Sawyer et Owen seraient nos meilleurs choix, oui. » Parce que tu aimes l’idée que ça reste dans vos familles respectives, et puis que de ton côté, personne ne saurait remplir le rôle aussi bien que ton grand frère, tout comme tu sais l’importance que Sawyer a toujours eu aux yeux de ton mari. « Je crois que si on veut recréer l’un de nos premiers rendez-vous, il faudrait sortir de ce lit. » que tu annonces avec un rire dans la voix, malgré ton envie de rester juste ici, coller contre Kieran et continuer de rêvasser sur votre futur qui n’est soudainement plus si loin que ça.