Tout s'est déroulé si vite qu'elle ne s'est pas rendu compte que c'était la réalité. Le décompte, les cris, les premiers coups, les premiers morts. Le 77ème Hunger Games venait de démarrer. Lena s’est toujours rattachée à l’idée qu’être préparée à donner la mort ne ferait pas forcément de lui une psychopathe en devenir. Elle considère que la nécessité prime sur la question éthique de l’acte et cette nécessité n’est pas discutable dans un contexte comme celui-ci, où leur vie dépend de la mise à mort d’autrui. Ainsi, bien que préparée à tuer et à être traitée de tueuse par certains, elle met un point d’honneur à se différencier de certains tributs qui partagent cette arène et qui ont été entraînés toute leur vie dans l'unique but de prendre des vies. Elle accepte l’idée de tuer simplement parce qu'elle sait ne pas avoir le choix pour survivre. A choisir, elle aurait préféré utiliser une hache pour travailler, comme ses parents l'ont toujours fait, chez elle, dans le district 7. Mais ce choix, le capital lui a enlevé. Son nom est sorti lors de la moisson, alors sa survie, c'est désormais tout ce qu'elle a en tête. Pourtant, depuis qu'elle a donné la mort pour la première fois il y a un peu plus d'une heure, Lena à un horrible arrière goût amer dans la bouche. Elle n’avait aucune affinité avec Blair, sa première victime, les choses auraient donc dû être faciles. Elle n'était qu'une fille du 5 dont elle n'avait croisé la route que depuis leur arrivée au centre d'entraînement. Elle ne l’a pas fait souffrir inutilement : de toute manière, si elle n'avait pas essayé de lui arracher cette hache des mains, elle serait probablement toujours en vie. Lena venait de tuer uniquement parce que seulement une des deux pouvait sortir vivante de ce combat. Mais elle à tué. Et elle ne s'était pas imaginé ça de cette façon. Après ça, elle a rapidement quitté la corne d'abondance après avoir attrapé un sac bien rempli de nourriture et d'outils divers et prit la hache sur laquelle elle lorgnait depuis le début du décompte. Elle est équipée pour subvenir à ses besoins les premiers jours, aussi elle est partie en quête d'un coin à l'abri des regards pour se poser un instant et prendre le temps de réaliser les choses. Inutile de rester mêlée au monde, inutile de se lier à quiconque. Une seule personne sortira vivante de cette arène. Deux heures ont passé depuis le début des jeux lorsqu'elle décide de s'arrêter de marcher pour s'installer juste quelques minutes à côté de la rivière sur laquelle elle vient de tomber. Elle se retourne rapidement à l'instant où une branche d'arbre se casse sous le poids d'un animal ou d'une personne, à quelques pas d'elle, brandissant sa hache en guise d'avertissement. J'hésiterais pas à m'en servir si c'est nécessaire. Sa voix n'est pas aussi assurée que ce qu'elle aurait voulu, mais la menace est lancée. Elle est prête à se battre, s'il le faut.

Ils lui ont fait deux tresses. Personne ne fait de tresses à Murphy sinon sa sœur jumelle, Megan. Il semble à Murphy qu'elle n'a pas reçu ce soin de la part de sa sœur depuis des lustres. Ils lui ont fait des tresses dans lesquelles ils ont glissé des anneaux. D'ici quelques jours, ces anneaux seront perdus. Murphy pourra peut-être s'en servir pour se refaire des flèches.

Son truc à elle, c'est l'arc. Elle a déjà fiché une flèche dans la carotide d'un type du 12, un grand bouclé à la peau claire. Pas de pitié pour les gens d'en bas. Elle est du deux, Murphy. Une carrière qui n'a peur de rien. Tuer, elle sait faire depuis toujours. Depuis qu'on lui a mis un arc en main, depuis qu'elle s'est portée volontaire pour aller jouer la bouchère au milieu du troupeau de brebis. Les autres devraient - doivent - la craindre. Elle a la mort dans les yeux, elle a la mort au bout des doigts. Elle a la mort partout et elle sent le macchabée à des kilomètres à la ronde. Murphy porte avec elle le présage le plus funeste qui soit. Elle n'a rien dans le regard quand elle projette cette lance dans le flanc d'une fille du 4. La corne d'abondance, Murphy ne s'en est pas vraiment approchée. Elle a volé sur le cadavre d'un garçon du 3 un arc, son carquois de flèches et un peu d'eau. Et puis, elle a pris la poudre d'escampette.

Elle a fui à travers la forêt, au dessus d'un ruisseau et d'une petite colline. Elle a marché un moment, couru pendant de longues minutes avant de s'arrêter, une proie en vue. Un instant, elle a bandé son arc et à respiré quelques secondes. Tranquillement, comme elle l'a appris. La blonde qu'elle a en vue, elle ne la connaît pas. Murphy s'est entraînée dans son coin, durant les quelques jours qui ont précédé l'arrivée dans l'arène. Elle n'a même pas consulté le garçon de son district, un grand type à la peau mate et au regard froid comme la glace. Tous les gens de son district ont le même. Les yeux remplis d'une envie de meurtre intarissable. « J'hésiterais pas à m'en servir si c'est nécessaire. » Elle brandit une hache et Murphy tient son arc bandé, la respiration lourde. « T'as pas une trace de sang sur toi, ma colombe. » Blanche comme la paix.

Mâchoire contractée, la jeune femme ne desserre pas son emprise sur l'arc qu'elle tient entre les mains. « District ? » De combien de rangs est-elle en dessous de Murphy ? Parce que cette dernière n'a qu'une préoccupation : les carrière du haut, ceux qui, dans le district 1, bénéficient de tous les privilèges et sont encore mieux entraînés que ceux du district 2 duquel elle est issue.

Elle croit reconnaître celle qui lui fait face, sortie des broussailles, et elle n'aime pas ce qu'elle voit. Lena a pris soin d'apprendre tous les noms des participants. Une manière, pour elle, de rendre hommage à ceux qui mourront pour rien dans cette arène, même si elle participerait au massacre. Les gens ont parfois de drôles de façons de gérer les situations les plus folles. Elle a un arc, et Lena une hache. C'est tout ce qu'elle arrive à penser, en boucle : si je bouge, elle tire. Elle pourrait bien essayer de lancer son arme vers elle, la flèche irait plus vite. Elle pourrait essayer de dévier la flèche d'un coup, avec un peu de chance, mais elle n'y croit pas. Tenue en joug, Lena n'a pas d'autre choix qu'attendre la décision de la brune qui lui fait face : elle peut mourir, d'une seconde à l'autre, et ne peut pas faire grand chose pour éviter ça. T'as pas une trace de sang sur toi, ma colombe. Lena a envie de se regarder dans une glace pour constater ça : elle a tué pourtant. D'un coup sec, rapide, et sans s'acharner sur sa proie. Elle aurait parié que du sang aurait giclé sur son uniforme, ou sur son visage peut-être, mais rien. Jusque là, elle ne s'était même pas posé la question, en fait. Tout ce qu'elle avait prit soin de faire était d'essuyer sa lame tranchante des traces du meurtre commis un peu plus tôt. La blonde ne répond pas et ne quitte pas une seconde de vue son adversaire - car c'est ce qu'elle est, jusqu'à preuve du contraire. District ? Pourquoi elle veut le savoir, ça, Lena n'en a aucune idée. Est-ce que c'est pour décider de la façon dont elle essaiera de la tuer ? Qu'importe, au fond, puisqu'elle répond sans réfléchir, d'une voix solide, fermement. Sept. Elle est fière de son district, elle l'a toujours dit : elle ne le précisera pas aujourd'hui. Elle ne demande pas la même chose en retour, elle en est sûre maintenant, c'est la tribut du 2. On va rester plantées là longtemps ? Lena n'attaquera pas la première, mais elle se défendra toujours. Lena n'a aucune envie de chercher Murphy, mais elle n'a pas de temps à perdre dans un face à face inutile. Chaque minute perdue en interaction est un risque de se faire avoir, de se faire piéger, de se faire attaquer par surprise. Et évidemment, elle n'a envie de courir aucun risque évitable.

Si Murphy s'est arrêtée, ce n'est que parce qu'elle a vu les yeux de son adversaire. Elle aurait décoché sa flèche, plus rapide que son ombre, si elle n'avait pas entendu la voix de celle qui lui faisait face. L'autre a été plus rapide et c'est cela qui l'a protégée. « Sept. » Murphy a un rictus. Si elle avait pu, elle aurait bandé son arc un peu plus fort, juste pour être certaine que sa flèche achève proprement son adversaire. Elle sait, Murphy, que ses sponsors la regardent. Elle est partie avec eux dans l'aventure, les a convaincu sur les plateaux tv. Elle sait qu'ils sont nombreux et qu'elle ne souffrira d'aucun manque, dans cette arène. Elle sait aussi qu'elle n'a pas l'avantage, puisqu'elle n'a pas fait d'alliance et que certaines sont déjà solidement formées, même en si peu de temps. Mais son adversaire est seule. « On va rester plantées là longtemps ? » « A toi de me dire. Tu es seule, ma colombe ? » C'est un surnom qu'elle aurait pu donner à sa sœur. Mais Megan n'aura jamais à se préoccuper des jeux de la faim. Son nom n'est pas dans les urnes, plus maintenant que sa sœur s'est sacrifiée pour la bonne cause.

Elle s'y voit déjà, Murphy. En haut du podium, à saluer la foule, le sourire fermement accroché au visage. Ils l'acclameront tous, dans le deux. Ce sont toujours eux qui gagnent, avec le un et parfois, le dix. Une sept ? Aucune chance. Pourtant, Murphy ne tire pas. « La nuit tombe dans dix minutes. Tu n'as pas peur du noir ? » Le temps qu'elles perdent à faire la conversation est du temps de gagné pour leurs adversaires. « Moi c'est Murphy. Je vais baisser mon arc. Tu vas baisser ta hache. On va passer la nuit et on se quittera au matin. T'as compris ? » Et lentement, la jeune femme baisse son arme, alors que retentissent les premiers coups de canon.

La tension était à son comble, Lena se sentait mal. Elle ne montrait pas un signe de faiblesse, mais aurait pu tomber sur le champ à cause d'un malaise. La pression était forte, ici, et elle se féliciterait de ne pas y avoir déjà succombé si elle réussissait à passer sa première nuit sans encombre. A toi de me dire. Tu es seule, ma colombe ? C'était à son désavantage, elle le savait bien, mais oui, elle était seule. Tout à fait seule. Le garçon du 7 avec qui elle aurait dû passer ses premières heures dans l'arène avait fui si vite face à l'effervescence à la corne d'abondance qu'elle avait abandonné tout espoir de le retrouver en vie. Oui. Elle répondait simplement, restant sur ses gardes à tout prix pour être prête si l'autre tribut décidait de lui envoyer sa flèche. Peu importe par quel moyen, il faudrait que ce face à face s'arrête. La nuit tombe dans dix minutes. Tu n'as pas peur du noir ? Si, c'est sans doute sa plus grande crainte dans cette arène. La nuit, c'est tout ce qu'elle déteste. On lui a appris à surtout ne pas faire de feu pour éviter de se faire repérer, mais ça veut dire faire face aux autres tributs et aux bêtes que compte cette forêt sans rien y voir. Mais elle ne lui avouera pas, évidemment. Non, t'en fais pas pour moi. Les armes toujours brandies, elles faisaient les présentations. Moi c'est Murphy. Je vais baisser mon arc. Tu vas baisser ta hache. On va passer la nuit et on se quittera au matin. T'as compris ? La stratégie pouvait paraître logique, mais elle ne faisait aucune confiance à Murphy. Elle coopérait pourtant, baissant doucement sa hache, faisant attention à ce que l'arc qui lui faisait fasse se détende en même temps. Et les canons se mirent à sonner, dans le ciel, pour faire la conclusion de cette première journée. Entre chaque visage qui s'affichait, Lena jetait un œil à Murphy pour s'assurer qu'elle n'attendait pas un moment d'inattention pour lui sauter dessus et l'égorger. Mais elle n'en fit rien. Douze coups ont retentis : il ne reste que la moitié d'entre eux. T'es du 2, c'est ça ? Elle ne s'attendait pas à faire la conversation, mais il y avait des mesures à prendre quand même. Comment je peux savoir que tu vas pas essayer de me tuer au beau milieu de la nuit ? Ce serait bien un truc de carrière, ça. Elle se mordit la lèvre inférieur comme pour se punir de l'avoir dit. Tais toi, faut pas la chercher.

Alors, la fille du sept est seule. Quelle tragédie. Et quelle erreur de stratégie, surtout. Pour une carrière, seule compte la victoire. Les alliance se font et se défont, en dessous de ce barreau de l'échelle. Ils se sont bien entraînés. Des mois durant, ils ont ingurgité des livres d'anatomie humaine. Ils ont aussi appris à faire du feu et Murphy est imprenable à la chasse et à la maîtrise des arcs et armes de lancée. Au corps à corps, en revanche, elle ne fera pas le poids face au grands types qu'elle a aperçu dans les districts inférieurs. Sa seule chance, c'est la frappe à distance et l'utilisation du terrain à son avantage. Petite, elle sait grimper partout et en tout temps. Rien n'échappe à sa vue acérée. Ses yeux sont semblables à ceux des aigles, désormais. « Non, t'en fais pas pour moi. » Murphy opine du chef et sourit. Bien, la gamine ne se démonte pas. C'est assurément une fille qui n'a pas froid aux yeux, pour ainsi tenir tête à une carrière. Très bien. Elle sera une adversaire redoutable en temps venu. En attendant, Murphy en fait son alliée de fortune, celle qu'elle gardera avec elle dans la vie... comme dans la mort.

Doucement, les deux meurtrières baissent les armes. L'arc de Murphy se détend, tout comme le bras de son adversaire. Elles ne cessent pourtant de s'affronter du regard, les yeux pleins de promesses assassines. « T'es du 2, c'est ça ? » « Ouais. J'aurais dû entrer chez les pacificateurs, mais regarde où j'en suis maintenant. » Comme tous les autres jeunes gens de son district, Murphy est entraînée pour garder la paix au sein de Panem. Ils seront légion, chaque année, à rejoindre les rangs des gardiens de la paix. Murphy n'en fera pas partie, non. Elle aspire désormais à un avenir bien plus radieux. « Ils doivent être tous jaloux, à la maison. » Un sourire rayonnant - et plutôt mauvais - se glisse sur le visage de la petite brune à l'arc. « Comment je peux savoir que tu vas pas essayer de me tuer au beau milieu de la nuit ? Ce serait bien un truc de carrière, ça. » « Tu peux pas le savoir, mais je suis ta meilleure option. » Les deux carrières du 1 sont encore vivants, eux. Et ils ont probablement fait alliance pour faire régner la peur sur l'arène. « On va se trouver une grotte pour la nuit. J'entends pas la passer à découvert. »

Avec délicatesse, Murphy range son arc dans son dos et bondit sur la pierre qui se trouve à la droite de sa nouvelle acolyte. « C'est quoi ton prénom ? T'as été moissonnée ou bien... » Ou bien tu t'es portée volontaire ?

Ouais. J'aurais dû entrer chez les pacificateurs, mais regarde où j'en suis maintenant. Ils doivent être tous jaloux, à la maison. Lena grimaçait dans son coin. Les habitants des districts proches du capitole n'avaient vraiment pas la même vision de ce monde que ceux des districts inférieurs. Jaloux de quoi, au juste ? D'aller risquer de se faire assassiner pour le spectacle ? Si tu le dis. Chez elle, on avait plutôt tendance à souhaiter bonne chance aux familles dont les jeunes étaient envoyés à la mort. Tu peux pas le savoir, mais je suis ta meilleure option. Amie ou ennemie : Lena n'avait pas encore décidé dans quelle catégorie ranger Murphy. On va se trouver une grotte pour la nuit. J'entends pas la passer à découvert. A ça elle hochait la tête: elles avaient donc un objectif commun. C'est quoi ton prénom ? T'as été moissonnée ou bien... La blonde l'observait sauter sur un rocher, observant sans doute par quel chemin passer pour trouver un abri. Elle en fit de même, la rejoignant à sa hauteur. Lena et oui, j'ai été moissonnée. Si c'était pas le cas j'aurais jamais atterrie ici, j'ai personne chez moi qui vaille le coup de se sacrifier. Jamais elle n'aurait pris la décision de se porter volontaire, même pour sauver quelqu'un d'autre de la moisson. En tant que fille unique, elle n'avait aucun intérêt à sauver qui que ce soit. Il faut bien dire que dans leur monde, mieux valait songer à penser à sa propre personne qu'aux autres : c'est ce que les jeux lui avaient enseigné. Et toi comment t'as fini dans cette arène ? Une soudaine envie de voir ce que tu valais face à des gens qui n'ont jamais appris à se défendre ? Elle se voulait piquante et le regretterait probablement où au moment où Murphy déciderait de viser une flèche dans sa direction, tant pis pour elle. Il s'agissait de se concentrer pour trouver un abri pour la nuit. Seule, la blonde aurait probablement grimpé en haut d'un arbre pour se mettre à l'abri. Avec quelqu'un dans les parages, il était inconcevable qu'elle montre ce qui était probablement l'une de ses meilleure techniques de survie. Par là-bas le terrain est plus rocailleux, on a plus de chances d'y trouver une caverne. Elle avait appris ses leçons, lors des jours d'entraînement, et ça venait de porter ses fruits puisqu'elles finissaient par tomber sur un trou dans la roche. Toi d'abord. Hors de question qu'elle entre là dedans en premier pour tomber sur un espèce de mutant du capitole.

Les deux jeunes femmes forment désormais une drôle d'alliance. Murphy ne fait pas confiance à sa partenaire, bien sûr. Elle n'a jamais fait confiance à personne et ce n'est certainement pas pendant les jeux que les choses changeront. Murphy ne fait même pas confiance à sa famille, les gens qu'elle a laissé là-bas, hors de l'arène. Elle n'a jamais eu la confiance facile parce que c'est ainsi qu'on lui a enseigné la vie. Ce n'est pas parce que le District 2 est plus favorisé par le Capitole que ses habitants vivent dans l'opulence la plus totale. « Lena et oui, j'ai été moissonnée. Si c'était pas le cas j'aurais jamais atterrie ici, j'ai personne chez moi qui vaille le coup de se sacrifier. » Murphy comprend ce sentiment. Elle non plus, elle n'a personne pour qui se sacrifier. De toute façon, dans le deux, on ne se sacrifie pas. Être sélectionné est un véritable honneur dont bénéficient le plus forts. Cette année, Murphy a été applaudie pour avoir été moissonnée. Une petite fille habillée de blanc lui a même offert un bouquet de fleurs. Devant des centaines de personnes rassemblées, Murphy a pleuré de joie. Elle se souvient avoir salué la foule avec beaucoup de ferveur, se promettant à elle-même de revenir entre les murs protecteurs du District 2 saine et sauve.

Alors que les deux filles cheminent ensemble, les questions se font plus précises, plus pressantes. « Et toi comment t'as fini dans cette arène ? Une soudaine envie de voir ce que tu valais face à des gens qui n'ont jamais appris à se défendre ? » Murphy sait que chez elle, tous la regardent. Ses yeux se braquent sur Lena et elle triture la pointe d'une flèche accrochée à portée, juste par réflexe. Oh qu'elle voudrait lui faire avaler sa remarque d'un coup sanglant. Ce serait si facile. « Chez moi, les moissonnés portent l'honneur de leur district. Je suis ici parce que Panem doit se souvenir des jours sombres qui ont conduit les peuples à se déchirer. » Une bouillie propagandiste prémâchée à laquelle Murphy ne croit pas. Un sourire malin sur son visage permettra à Lena de le comprendre. « Mais je suis surtout ici pour la gloire, l'éternité de mon nom et la tranquillité de mon futur. Pas toi ? » Voilà qui est plus sincère. Elle ne cache pas, Murphy, qu'elle n'a qu'une envie : celle de ne plus jamais être dérangée. Personne ne remettra en cause la grandeur de son nom une fois qu'elle aura gagné les jeux. Par dessus le marché, elle s'assure ainsi une vie paisible loin de la famine et de la misère à laquelle sont exposés tous les districts, indépendamment de leur rang.

Les deux jeunes femmes parviennent alors auprès d'une grotte. Guidées l'une par l'autre, Lena et Murphy contemplent la paroi rocheuse et son aspérité béante qui semble s'ouvrir sur le néant. « Toi d'abord. » « Pas de problème. » qu'elle lance, haussant les épaules. De sa jambe, Murphy détache deux couteaux aiguisés récupérés sur un cadavre. Garde bien haute, la brune évolue dans la grotte, en fait le tour jusqu'à son fond, y décelant une bonne cachette pour la nuit. « Tu fais du feu ? Les moins malins viendront se risquer à nous attaquer, on les cueillera comme des petites fleurs. » qu'elle lance, sourire aux lèvres. La mort, cela n'effraie pas Murphy, qui se baisse déjà devant la grotte pour ramasser du petit bois. « T'as dit que t'avais personne qui méritait un sacrifice de ta part. T'as pas de parents ? Ou des frères ? » Elle n'a rien écouté au sujet de ses concurrents, Murphy, et c'est peut-être la plus grosse de ses erreurs.

Chez moi, les moissonnés portent l'honneur de leur district. Je suis ici parce que Panem doit se souvenir des jours sombres qui ont conduit les peuples à se déchirer. Lena levait les yeux au ciel. Trop de fois on lui avait vendu ce discours, trop de fois elle avait essayé de le comprendre, de l'intégrer, pour correspondre à ce que la société attendait d'elle. Mais elle ne comprenait pas comment tuer des enfants de sang froid pouvait aider tout un peuple à avancer ensemble. Ces jeux n'étaient qu'un moyen de diviser les districts et de maintenir un climat de terreur sur Panem : et pour ces objectifs là, on pouvait dire qu'ils étaient atteints. Mais je suis surtout ici pour la gloire, l'éternité de mon nom et la tranquillité de mon futur. Pas toi ? La blonde n'avait pas le sens du show, elle en oubliait presque qu'ils étaient là pour distraire un public, que de sa survie dépendrait probablement l'aide d'un sponsor. Murphy, elle, avait clairement compris comment jouer un rôle. Elle semblait avoir compris les rouages de ces jeux, et s'en inspirer juste un peu semblait être une bonne idée, sur le coup. Si bien sûr, ce serait un honneur de ressortir de l'arène victorieuse. Elle était surtout là parce qu'elle n'avait pas le choix, et ne se voilait pas la face : ses chances d'y arriver étaient bien maigres. La grotte trouvée, Murphy se dévouait d'aller l'explorer en premier. Pas de problème. Rien à l'horizon : c'était une bonne nouvelle. Tu fais du feu ? Les moins malins viendront se risquer à nous attaquer, on les cueillera comme des petites fleurs. Elle hochait la tête, acceptant la tâche confiée : elle avait de quoi faire dans son sac. Elle grimaçait un instant : il fallait qu'elle se fasse à l'idée que tuer était nécessaire, qu'elle n'avancerait pas dans les jeux sans le faire encore. T'as dit que t'avais personne qui méritait un sacrifice de ta part. T'as pas de parents ? Ou des frères ? Je suis fille unique, et mes parents auraient préféré que je puisse vivre avec eux plutôt que je sois là, à risquer ma vie. Elle reprenait ses esprits : cette vérité n'était pas bonne à dire devant une caméra. Alors j'espère pouvoir leur prouver que je peux gagner et les rendre fiers. Mensonge : elle savait pertinemment que sa mère était probablement en train de pleurer devant la diffusion des premières images. Tout ce qu'elle disait là était pour les oreilles du Capitole. Le feu allumé rapidement à l'aide de Murphy et d'un allume feu qu'elle avait la chance d'avoir trouvé dans son sac pris à la corne d'Abondance, les deux jeunes femmes passaient un long moment à observer les flammes danser, en silence. Tu peux dormir, je prends le premier tour de garde. Murphy ne dormirait sûrement pas : à l'inverse, Lena ne le ferait pas non plus. Lena avait du mal à dire si tuer quelqu'un dans son sommeil serait apprécié du public et attirerait des sponsors ou serait plutôt noté comme une preuve de lâcheté, aussi elle n'avait aucun moyen de savoir si Murphy serait digne de confiance pour ces prochaines heures. Elles n'avaient, après tout, aucune raison de se faire confiance, alors la nuit risquait d'être longue. Au moins, elles pouvaient se venter d'être au chaud : pour le reste, il faudrait attendre le petit matin pour savoir ce que l'aventure leur réservera.