Début septembre 2022, dans un monde ou l'avortement a été choisi.

Cela faisait des mois qu'il n'avait pas vu Lexie et pourtant, il pensait à elle sans arrêt. Encore plus en ce mois de septembre qui aurait pu marquer le mois de la naissance de leur bébé plutôt que ce grand vide qu'il ressentait depuis le départ de la brunette. Parce qu'il avait beau travailler le plus possible, elle continuait de lui manquer quand même, il avait beau avoir retrouvé une ancienne camarade de classe, Vicky, avec qui il partageait la plupart de ses nuits, il n'arrivait pas à l'oublier pour autant et le pire était quand il se retrouvait seul dans la maison où ils avaient vécu ensemble : dans ses moment-là, une profonde tristesse que même l'alcool n'arrivait pas à chasser s'emparait de lui. Alors, pour pallier ça, il avait commencé à sortir tous les soirs qu'il ne passait pas à travailler au dojo pour aider son père. Il fréquentait régulièrement les mêmes bars et boîtes et souvent avec le même groupe d'anciens potes à qui il ne tenait pas vraiment, mais qui avait l'avantage de ne pas avoir de vie de famille et d'être libre pour l'accompagner régulièrement.

Ce soir-là, il était seul au bar où il venait de commander un nouveau whisky lorsque quelqu'un avait tapoté son épaule. Il s'était retourné et avait été bousculé par quelqu'un derrière lui, ce qui lui fit renverser son verre sur la robe de la personne qui venait de l'interpeller. “Oh merde, je suis vraiment dé…” Avait-il commencé, en relevant les yeux vers le visage de la personne à qui cette robe appartenait. Et découvrant ce visage, il eut l'impression de se décomposer sur place.

“Lexie ?”

La question n'en était évidemment pas vraiment une, il l'avait reconnue puisqu'il n'avait pensé qu'à elle ces derniers temps. Ses yeux plongés dans le bleu intense de ceux de Lexie, son cœur s'emballa aussitôt et il eut une soudaine envie de la prendre dans ses bras. Envie qu'il réprima évidemment aussi vite qu'elle était apparue, tout ça avait le don de l'énerver, plus jamais il ne voulait ressentir ça pour elle, plus jamais il ne voulait lui laisser l'occasion d'entrer dans sa vie pour en ressortir en brisant tout sur son passage. Non, tout ce qu'il voulait, c'était l'oublier et même ça, il n'y arrivait pas … Un bras passé autour de sa taille le fit revenir à la réalité, c'était la fameuse Vicky qui était venue le rejoindre. “Lexie Walker ? Waaah, j'adore votre façon de présenter la météo, vous pourriez me signer un autographe ? C'est pour mon petit frère, il regarde toutes vos apparitions à la télé… Et pas seulement pour savoir le temps qu'il va faire, si vous voyez ce que je veux dire !” La cavalière de Noah pouffa de rire toute seule pendant qu'il se concentrait pour rester le plus impassible possible. Elle avait repris son bras pour chercher dans son sac un papier et un stylo qu'elle tendit à Lexie pour qu'elle signe, puis elle se tourna enfin vers le boxeur en fronçant les sourcils. “Tout va bien, Nono, t'es tout pâle ? Vous vous connaissez ?” Demanda-t-elle, sans prendre les moindre pincettes et en l'appelant par son surnom qu'il l'avait pourtant interdit d'utiliser. Il la fusilla du regard avant de replonger dans celui de Lexie, pour répondre. “On a été colocs, dans une autre vie, mais je suis pas certain qu'on puisse dire qu'on se connaît pour autant.” Répondit-il, d'une voix froide. Colocataires. Oui, parce que s' ils avaient été un tant soit peu plus que ça, elle ne serait pas partie sans un aurevoir et sans se retourner, alors que de son côté, il n'avait qu'une envie : qu'elle reste auprès de lui. “Qu'est-ce que tu me voulais, Lexie ?”

@Lexie Walker

Cinq mois. Cela faisait cinq mois qu’elle n’avait plus parlé à Noah, ni entendu parler de lui. Après lui avoir annoncé qu’elle voulait avorter, elle était partie, parce qu’elle était persuadée qu’il lui en voulait, et elle ne souhaitait pas s’imposer. Il avait été clair dès le début : il voulait un enfant, et avorter n’était pas dans ses principes. Elle était donc partie pour lui laisser la possibilité de faire son deuil de cette famille qu’ils ne formeraient pas. Elle ne voulait pas être un rappel ambulant de ce dont elle l’avait privé. Et sur le moment, ça semblait être la meilleure idée.
Cinq mois sans nouvelles de Noah. Lexie avait eu envie d’interroger son frère à de nombreuses reprises, mais n’avait jamais osé. Et si lui, il s’en était remis ? Et si lui, il était passé à autre chose. Il pourrait être heureux, pourrait être en couple. Et Lexie ne voulant pas risquer d’apprendre qu’il allait bien, sans elle, sans leur histoire, n’avait pas voulu risquer d’entendre la réponse.
Après l’avortement, Lexie avait sombré. Elle était retombée dans l’alcool, la drogue, et les soirées à outrance. Elle attendait cette libération, chaque jour, depuis fin décembre, lorsqu’elle avait appris sa grossesse. Et pourtant, retrouver sa vie d’avant n’avait eu qu’un goût amer. La cocaïne l’avait pourtant aidé pendant quelques semaines, le temps d’apprendre à vivre avec le cœur brisé, et avec la certitude que tout espoir d’une famille avec Noah s’était envolée. Mais au bout d’environ deux mois, elle était allée voir Chan et avait demandé de l’aide. Elle avait ensuite passé plusieurs semaines en cure de désintoxe et, depuis, elle était clean.
Admettre qu’elle avait besoin d’aide, et vouloir s’en sortir, était déjà une victoire en soi. Ses idées semblaient plus claires, sa carrière commençait à évoluer, mais Noah ne s’effaçait toujours pas de ses pensées. Et la brunette avait dû se rendre à l’évidence : c’était ça, être amoureux.

Cela faisait environ deux semaines qu’elle écumait les bars et les boîtes des alentours de Bayside, près du domaine, espérant y trouver le boxeur. Finalement, ce soir, son cœur eut un raté lorsqu’elle le vit passer commande au comptoir. Elle l’observa quelques secondes, de loin, soudain hésitante. Elle avait peur. Peur de se faire rejeter. Peur de se faire briser le cœur, encore. Mais elle devait se rendre à l’évidence : il était déjà en mille morceaux. Finalement, la situation pourrait difficilement être pire que l’enfer dans lequel elle évoluait depuis cinq mois. Alors, prenant son courage à deux mains, elle était allée à la rencontre de Noah et avait tapoté sur son épaule. En se retournant, il l’avait heurté et avait renversé sur elle son verre, mouillant sa robe bustier noire.

« Oh merde, je suis vraiment dé … Lexie ? »

La brunette pinça les lèvres, haussa les épaules, et murmura :

« Oups. »

Un parallèle avec leur première soirée ensemble, lorsque c’était Lexie qui avait renversé son verre sur Noah et ne s’était pas excusée. Un faible sourire, empli de tristesse, se dessina sur le visage de la brunette, qui ne savait quoi dire. Elle avait l’impression que son cœur avait cessé de battre, et que son corps ne savait même plus comment respirer.

« Bonsoir. »

Elle devait en dire plus, il y avait tellement plus à dire. Mais alors qu’elle ouvrait la bouche pour parler, une blonde arriva, entourant la taille de Noah de son bras. Lexie se décomposa immédiatement, mettant quelques secondes à se fabriquer un masque impassible, alors que sa pâleur trahissait sa surprise, sa déception et sa tristesse.

« Lexie Walker ? Waaah, j'adore votre façon de présenter la météo, vous pourriez me signer un autographe ? C'est pour mon petit frère, il regarde toutes vos apparitions à la télé… Et pas seulement pour savoir le temps qu'il va faire, si vous voyez ce que je veux dire ! »

Lexie pinçait les lèvres, faisant tous les efforts du monde pour ne pas lui arracher la tête. Qui était cette femme, qui touchait Noah ? Pourquoi lui parlait-elle de météo, quand Lexie rêvait de journalisme ? Et en plus, elle avait le culot de dire qu’on la regardait pour son physique, alors que la brunette aspirait à tellement plus. La blonde tendit à Lexie une feuille et un stylo, et la brunette ne bougea pas pendant quelques secondes, son regard passant du papier, à Noah, à la blonde. Finalement, elle s’arrêta sur cette dernière, prit la feuille et le stylo et demanda, avec un sourire forcé.

« Bien sûr, comment s’appelle votre frère ? »

La blonde se concentrait maintenant sur Noah.

« Tout va bien, Nono, t’es tout pâle ? Vous vous connaissez ? »

Nono ? Est-ce qu’ils se contentaient de coucher ensemble, ou est-ce qu’ils étaient ensemble ? Pourtant, le boxeur la fusilla du regard avant de plonger ses yeux sombres et froids dans ceux de Lexie.

« On a été colocs, dans une autre vie, mais je suis pas certain qu’on puisse dire qu’on se connaît pour autant. »

La brunette déglutit difficilement, encaissant le coup. Son cœur était peut-être déjà brisé, mais l’attaque de Noah lui donna l’impression d’une lame qui s’enfonçait dans chaque éclat.

« Qu’est-ce que tu me voulais, Lexie ? »

Elle voudrait répondre rien du tout, prendre ses jambes à son cou et s’en aller. Parce qu’elle avait du mal à supporter l’humiliation, et qu’elle faisait tout son possible pour ne pas pleurer. La brunette avait peur de l’abandon et, visiblement, Noah l’avait bien abandonné, et avait tourné la page. L’ancienne Lexie serait partie. Elle aurait fait prédominer sa fierté, aurait préféré protéger son cœur. Mais la nouvelle Lexie était déjà à terre, et savait qu’elle devait parler si elle voulait retrouver Noah. Alors, elle s’arma de tout son courage, inspira profondément. Un petit sourire vint prendre place sur son visage alors qu’elle se tourna vers la blonde.

« Dites, c’est quoi votre prénom ? »

Elle toucha sa robe en grimaçant.

« Vous voudriez bien aller me chercher des serviettes pour éponger tout ça. »

Mais se doutant que la groupie de Noah allait simplement faire un mètre et rejoindre le barman pour demander des serviettes en papier, elle ajouta.

« Des serviettes en soie, sinon ma robe sera foutue ! Et de l’eau de Seltz ! Vous êtes mignonne. »

Elle attendit que la blonde soit hors de portée de voix pour laisser tomber le sourire forcé et reporta son attention sur Noah. Elle devait être directe, car la jeune femme ne mettrait sans doute pas longtemps à revenir.

« Toi. »

Elle déglutit difficilement, ses yeux s’emplissant de larmes.

« Je sais que tu me détestes à cause de l’avortement, mais je voudrais que tu me pardonnes. J’ai fait le choix que je pensais être le mieux … »

Parce que pour Lexie, c’est pour ça que Noah lui en veut : ne pas être allée au bout de la grossesse. Elle n’imagine pas un seul instant qu’il puisse lui en vouloir d’être partie, n’a aucune idée de ce qu’il peut ressentir.

« Tu me manques, Noah. J’y arrive pas sans toi. J’ai besoin de toi et … j’ai jamais ressenti ça avant. »

Et ça faisait mal, et ça faisait peur, mais c’était bien réel.

« Oups. »

Ce parallèle avec leur première rencontre lui arracha un sourire, malgré lui. Ce soir-là, il l'avait trouvé aussi détestable qu'il avait finalement réussi à la trouver attachante les mois suivants. Pourtant, son sourire avait disparu aussi vite que celui de la brunette était apparu.

« Bonsoir. »

Les secondes s'égrainaient et au fur et à mesure qu'il restait là sans lui répondre, un malaise s'installait. Pendant ces quelques secondes de latence, il pensa qu'il n'aurait pas dû sortir ce soir-là. Il aurait dû rester à la maison et faire rangement. Depuis le départ de la jeune femme cinq mois plus tôt, il n'avait toujours pas pris le temps de le faire et pourtant, depuis qu'elle n'était plus là, les endroits où elle rangeait ses affaires auparavant avait laissé de grands vides qui ne demandaient qu'à accueillir autre chose que de la poussière. De plus, lui qui adorait l'ordre et que tout soit à sa place avait toujours adoré le rangement. C'était en quelque sorte sa tâche ménagère préférée, au point que c'était la seule qu'il interdisait de faire à la femme de ménage qui passait trois fois par semaine chez lui, pour pouvoir la faire à sa place. Non seulement, remettre chaque chose à sa place lui avait toujours apporté un certain bien-être puisqu'il était un peu maniaque sur les bords, mais en plus, cette tâche lui permettait généralement de réfléchir et de remettre de l'ordre dans sa vie. Quelque part, lorsqu'il faisait de la place chez lui par le rangement, par extension, il arrivait à également en faire dans sa tête…Mais il était bien là et Lexie était en train d'ouvrir la bouche pour parler lorsque Vicky fit son intervention très remarquée. Noah ne fit aucune remarque pendant que la blonde donnait le nom de son frère à la brune et que celle-ci signait le papier tendu, avec le sourire le plus forcé qu'il ait jamais vu. Sa première réaction fut pour répondre à la question de sa cavalière, tout en fixant Lexie afin de voir si sa réflexion l'avait blessée. Il lui sembla que c'était le cas, mais cette fois, au lieu de se sentir coupable, il se sentit mieux, c'était peut-être horrible et égoïste, mais ça faisait du bien de voir qu'il parvenait à lui faire du mal, comme elle lui en avait fait elle aussi.

« Dites, c'est quoi votre prénom ? »

“Victoria.”

Les yeux de Noah faisaient la navette entre les deux femmes, il ne comprenait pas ce que connaître le prénom de la blonde allait apporter à Lexie. Il fronçait d'ailleurs encore les sourcils quand elle se mit à toucher sa robe en grimaçant.

« Vous voudriez bien aller me chercher des serviettes pour éponger tout ça. »

Il lui lança un regard qui signifiait clairement qu'elle abusait, mais ne fit pas de remarque.

« Des serviettes en soie, sinon ma robe sera foutue ! Et de l'eau de Seltz ! Vous êtes mignonne. »

Victoria fronça les sourcils avec une moue, elle ne semblait pas ravie d'être ainsi prise pour un larbin.

“Euh..”

Elle s'était tournée vers Noah, comme pour voir s'il allait dire quelque chose. Le regard du boxeur passa rapidement de Vicky à Lexie et il soupira, capitulant à l'idée d'avoir une discussion avec celle qui était en fait son ex.

“Tu l'as entendue, non ? Sinon sa robe va être fichue.”

Il haussa les épaules et c'est en marmonnant que la blonde s'éloigna rapidement. Dès qu'elle ne fut plus en vue, le sourire de Lexie disparut.

« Toi. »

Le regard de Noah se fixa à nouveau à celui de Lexie sans comprendre, et si les larmes qu'il y vit apparaître lui brisèrent le cœur, il n'eut aucune réaction, restant aussi froid qu'il l'avait été jusque là.

« Je sais que tu me détestes à cause de l'avortement, mais je voudrais que tu me pardonnes. J'ai fait le choix que je pensais être le mieux … »

“Tu me connais si bien, c'est effrayant.” Ironisa-t-il avec un rire jaune, en levant les yeux au ciel.

Si elle pensait qu'il lui en voulait pour ça, elle n'avait rien compris. Certes, ça avait été une décision difficile à accepter et au début, il avait été traversé par différentes émotions, dont la colère, mais elle n'avait aucun droit de jugement là-dessus, puisqu'elle avait déjà disparu du tableau avant de pouvoir le constater. De toute façon, il avait l'impression qu'ils ne s'étaient jamais compris tous les deux, alors à quoi bon demander pardon maintenant ?

« Tu me manques, Noah. J'y arrive pas sans toi. J'ai besoin de toi et … j'ai jamais ressenti ça avant. »

Cette fois il fut obligé de détourner le regard pour essayer de cacher l'effet que cette phrase avait eu sur lui. Un effet si dévastateur qu'il avait senti les larmes lui monter aux yeux et qu'il avait dû user de toute sa concentration pour les ravaler. Une gifle lui aurait clairement fait moins mal. Il avait attendu qu'elle revienne pour lui dire ce genre de phrase pendant si longtemps, il s'était senti si ridicule d'avoir pensé qu'elle avait été avec lui pour autre chose que parce qu'elle y était obligée et il avait fini par tellement la détester d'avoir transformé tous les bons moments qu'ils avaient passés ensemble en souvenirs amers… Aujourd'hui, c'était trop tard. Où était-elle lorsqu'il avait passé des nuits blanches à penser à ce qu'aurait pu être leur vie ensemble ? S'était-elle inquiétée de ce qu'il devenait lorsqu'elle avait à nouveau fait les couvertures des tabloïds et qu'il en avait été si blessé qu'il avait cassé des choses chez lui pour se défouler ? Non. Elle n'avait même pas tenté de passer un coup de téléphone ou de demander à ce que le domaine fasse une nouvelle collaboration lors d'un gala afin de le croiser. Elle n'avait rien fait et ce silence avait été bien pire à vivre que toute cette histoire d'avortement. Il avait déglutit difficilement avant de répondre.

“Je ne sais pas quoi te dire, Lexie.”

En fait, si. Son cœur lui hurlait de lui avouer comme elle lui avait manqué aussi, comme il avait été malheureux sans elle et comme il avait rêvé que cette scène arrive enfin. Il aurait voulu lui dire qu'il s'était rendu compte à quel point il tenait à elle quand elle avait quitté sa maison et sa vie. Oui, il aurait voulu lui dire combien il l'aimait, mais il refusait catégoriquement de risquer de revivre l'enfer qu'il avait vécu lorsqu'il l'avait perdue.

“Et tu as découvert que je te manquais après t'être tapée combien de connards exactement, hein ?” La jalousie, c'est l'inverse de l'indifférence, non ? “J'ai vu tes nouveaux exploits dans les magazines, j'en ai même acheté certains juste pour voir ce que tu devenais, puisque donner des nouvelles, t'y arrivais pas non plus, manifestement ! Et quoi ? Je te laisse entrer de nouveau dans ma vie et dès qu'il y a un problème un peu trop difficile à surmonter, tu vas me laisser comme un chien sur le bord de la route ?”

Sans s'en rendre compte, il s'était mis à parler plus fort et plusieurs personnes s'étaient tournées vers eux. Il était extrêmement gêné de s'être ainsi donné en spectacle quand il faisait toujours attention à son image, mais il n'en avait pas fini avec la brunette. Aussi, il s'approcha un peu plus d'elle afin de pouvoir parler à son oreille.

“Tu veux savoir si tu m'as manqué ?”

En prononçant ces mots, il avait glissé une main dans la nuque de Lexie et s'il éloigna sa tête de son oreille, ce fut uniquement pour venir presser sa bouche contre celle de la jeune femme et l'embrasser avec ferveur. À ce contact, il lui sembla que son cœur allait exploser et le frisson qui le parcourut remua jusqu'à ses entrailles. Et pourtant, lorsque le baiser prit fin, il avait repris une expression fermée.

“Tu m'as manqué comme personne ne m'avait jamais manqué.” La phrase avait été difficile à prononcer et la sensation de vulnérabilité qui l'accompagnait était atroce pour lui. “Et c'est précisément pour ça que je ne veux plus jamais te revoir.”

Cette fois, sa voix avait été glaciale, raccord avec le regard qu'il lui lançait. Et il n'attendit pas sa réponse pour lui tourner le dos et faire les deux pas qui le séparaient du comptoir, afin de se recommander un verre dont il avait absolument besoin.

@Lexie Walker

Noah lui sourit, et ça semble être une victoire, jusqu’à ce que son sourire s’envole. Lexie sait qu’elle doit s’expliquer, lui dire ce qu’elle a sur le cœur. Elle comprend rapidement, en voyant l’expression fermée du boxeur, qu’elle n’aura pas 50 tentatives. C’est maintenant ou jamais. Mais une blonde apparaît et intervient avant que la brunette ne puisse se lancer. Au bout de quelques minutes, pourtant, malgré les réticences de la jeune femme, elle réussit, grâce à l’aide de Noah, à s’en débarrasser.
C’était le moment, celui qu’elle attendait depuis des semaines, le moment où elle doit se jeter à l’eau et ouvrir son cœur, comme elle ne l’a jamais fait. Pourtant, Noah demeure impassible, n’opposant à la brunette, au bord des larmes, qu’un visage froid.

« Tu me connais si bien, c’est effrayant. »

Elle l’entend, l’ironie, dans ces quelques mots, et pourtant, ça la dépasse. S’il n’est pas fâché contre elle à cause de l’avortement, alors pourquoi ? Si Lexie a pris conscience de ses sentiments, certes tardivement, n’ayant jamais été amoureuse auparavant, elle n’a jamais eu connaissance de ceux de Noah. Il lui avait proposé de s’installer chez lui pour qu’ils puissent former une équipe, et ils avaient fini par se rapprocher, au fil des semaines. Pour Lexie, c’était de l’amour. Pour Noah, selon le point de vue de la brunette, c’était juste une manière de prouver qu’ils pouvaient cohabiter et vivre ensemble sans s’étriper, et donc atteindre son but : celui de fonder une famille. Lexie manquait tellement de confiance en elle, on l’avait si souvent utilisé, qu’elle ne pensait pas une seule seconde qu’il puisse lui aussi avoir des sentiments pour elle.
Elle fronce les sourcils, plongeant son regard bleuté, empli d’incompréhension, dans celui de Noah.

« Pourquoi, alors ? Pourquoi tu m’en veux ? »

Et elle n’attend pas plus longtemps avant de se jeter à l’eau, d’avouer qu’il lui manque et qu’elle a besoin de lui. Noah a détourné le regard, et le silence s’est installé trop longtemps entre eux. Lexie a failli s’excuser et prendre ses jambes à son cou, encore. La situation est si inconfortable qu’elle aimerait disparaître sous terre. Elle s’ouvre à lui, comme elle ne l’a jamais fait auparavant, avec personne d’autre, et le voilà qui ne répond même pas, ou qui hésite. Elle devine déjà qu’il va lui dire qu’elle, elle ne lui a pas manqué. Et son cœur a beau être en miettes depuis plusieurs mois, elle le sent pourtant se serrer dans sa poitrine, comme si la douleur était réelle, physique.

« Je ne sais pas quoi te dire, Lexie. Et tu as découvert que je te manquais après t’être tapée combien de connard exactement, hein ? »

Elle a un mouvement de recul, alors que la stupéfaction, puis la colère, se lisent sur son visage. Elle s’attendait à être rejetée, mais pas à subir le courroux de Noah.

« Ca te va bien de dire ça alors que tu te pavanes au bras de Victoria ! »

Le mépris dans la voix de la brunette, alors qu’elle prononce le nom de la copine de Noah, se fait clairement entendre.

« Et quoi ? Tu vas rentrer chez toi, tout à l’heure, et la baiser en pensant à moi ? »

Lexie en colère pouvait être Lexie vulgaire, et vu la blondasse que Noah se trimballait alors qu’il avait le culot de lui demander si elle s’était tapée tout Brisbane, c’était trop.

« J'ai vu tes nouveaux exploits dans les magazines, j'en ai même acheté certains juste pour voir ce que tu devenais, puisque donner des nouvelles, t'y arrivais pas non plus, manifestement ! Et quoi ? Je te laisse entrer de nouveau dans ma vie et dès qu'il y a un problème un peu trop difficile à surmonter, tu vas me laisser comme un chien sur le bord de la route ? »

Cette fois-ci, elle encaisse le coup sans broncher, en pinçant les lèvres, fermant les yeux et secouant la tête. Lui non plus, n’a pas donné de nouvelles. Voilà ce qu’elle voudrait lui crier. Mais c’était elle qui était partie, même si elle pensait qu’il ne voulait plus la voir pour avoir choisi d’avorter. Elle baissa la voix, repris d’un ton plus calme, hésitant.

« Je … j’ai replongé, c’est vrai. Je n’arrivais pas à affronter la réalité, et j’ai … j’ai perdu pieds. Mais je me suis soignée. Je suis clean, depuis plusieurs semaines. »

Elle hésite encore, mais poursuit.

« J’avais jamais … été en couple avant. Ni amoureuse. »

Elle détourne le regard, mais continue.

« Alors je sais sans doute pas comment faire, mais je promets de faire au mieux, si tu veux bien m’apprendre. »

Soudain, Noah s’approche d’elle et lui murmure quelques mots à l’oreille.

« Tu veux savoir si tu m’as manqué ? »

Des frissons parcourent tout le corps la brunette en raison de la proximité du boxeur. Elle aimerait qu’il la touche, maintenant. Et c’est justement ce qu’il fait, passant sa main derrière sa nuque et posant ses lèvres sur ceux de la brunette. Leur baiser est passionné, comme s’ils y mettaient tout leur amour, toute leur colère, et comme s’ils pouvaient, en quelques secondes, rattraper cinq mois d’absence. Pourtant, lorsque Noah met fin à leur étreinte, son visage est fermé, et sa voix, glaciale.

« Tu m’as manqué comme personne ne m’avait jamais manqué. Et c’est précisément pour ça que je ne veux plus jamais te revoir. »

Est-ce qu’un cœur brisé peut encore se briser davantage ? Est-ce que mille morceaux peuvent devenir des millions de morceaux ? Lexie a l’impression que Noah a plongé sa main dans sa poitrine, y a trouvé son cœur, et l’a arraché pour sauter dessus à pieds joints. Elle reste figée, alors que les larmes lui montent aux yeux. Il se retourne, rejoint le comptoir et pense ainsi mettre fin à la conversation. Elle devrait partir, s’arrêter maintenant. Il l’a assez humilié, il l’a assez détruite. Peut-être aurait-elle dû avorter sans lui en parler, en décembre dernier. Peut-être aurait-elle dû s’en tenir à sa règle : ne pas s’attacher, pour ne pas souffrir. Pourtant, jour après jour, au fur et à mesure de leur cohabitation, Noah s’était insinué en elle et installé dans son cœur, pour ne plus vouloir en repartir. Alors ils ne peuvent pas en rester là.
Elle rejoint le boxeur, lui prend la main et tire sur son bras pour le forcer à se retourner. Elle plonge son regard bleuté empli de larmes dans celui de Noah, l’observe un instant, tente de lire en lui. Finalement, elle se rapprochement doucement de lui, passe le bout de ses doigts sur sa joue puis l’embrasse, d’abord doucement, puis passionnément, aussi fort qu’elle l’aime. Et elle est bien là, cette explosion de sensations, ces papillons dans le ventre, cette chose qui fait dire que c’est lui, et personne d’autre. Elle le ressent, dans chaque parcelle de son corps, et elle sait qu’il ressent la même chose. Elle se recule de quelques centimètres, haletante, et se mordille la lèvre inférieure.

« Je sais que tu le sens, toi aussi. »

Un petit sourire triste se dessine sur son visage, alors qu’elle murmure.

« Tu peux me repousser. Mais un de ces jours, tu te rendras compte que je suis la femme de ta vie, Noah Riley. »

Elle déglutit difficilement et le cœur en miettes, alors que son sourire s’efface, elle s’éloigne pour quitter la boîte.

« Pourquoi, alors ? Pourquoi tu m'en veux ? »

Parce que j'étais en train de tomber amoureux de toi et que tu as piétiné mon cœur. C'est ça qu'il devrait répondre, pour être honnête. Mais au lieu de ça, il continue de la fixer sans rien dire, écoutant le reste de ses paroles avec attention, tout en essayant de faire comme si ça ne le touchait pas. Finalement, lorsqu'elle s'arrêta de parler, c'est une réponse pleine de jalousie et de colère qu'il lui offrit, la faisant reculer d'un pas. Elle sembla d'abord surprise, puis la colère vint prendre place également sur son visage d'ange.

« Ca te va bien de dire ça alors que tu te pavanes au bras de Victoria ! »

Sa voix était pleine de mépris et la première réaction de Noah fut de lever les yeux au ciel en secouant la tête, excédé. C'était injuste de l'attaquer là-dessus, il voyait Victoria depuis à peine quelques semaines, elle avait fait la une des tabloïds bien avant ça.

“ Tu t'es barrée sans rien dire, j'étais censé faire quoi ? T'attendre toute ma vie ?”

« Et quoi ? Tu vas rentrer chez toi, tout à l'heure, et la baiser en pensant à moi ? »

Cette fois, sa mâchoire se crispa tant il serrait les dents, mais il ne répondit pas : il ne pouvait pas, c'était la vérité crue. Il se contenta donc de continuer les reproches concernant ses choix. Et c'est un ton plus bas qu'elle répondit à ses attaques.

« Je … j'ai replongé, c'est vrai. Je n'arrivais pas à affronter la réalité, et j'ai … j'ai perdu pieds. Mais je me suis soignée. Je suis clean, depuis plusieurs semaines. »

Il resta silencieux et pourtant, il se doutait que ça avait dû être difficile pour elle, mais il préférait se convaincre que ça ne l'intéressait pas.

« J'avais jamais … été en couple avant. Ni amoureuse. »

Elle détourna le regard, pourtant si elle avait continué à le regarder, elle aurait pu lire la surprise sur son visage cette fois. Amoureuse. Elle était amoureuse de lui. Comment des mots tellement espérés et attendus pouvaient-ils devenir finalement si douloureux à entendre ? Il avait l'impression de pouvoir sentir son coeur se déchirer dans sa poitrine tant ça faisait mal. Et pourquoi ? Si elle était amoureuse, alors pourquoi l'avait-elle laissé souffrir de son absence pendant cinq mois interminables ?

« Alors je sais sans doute pas comment faire, mais je promets de faire au mieux, si tu veux bien m'apprendre. »

Tiraillé entre ses sentiments et sa rancœur, il décida pourtant de lui montrer à quel point elle avait pu lui manquer en l'embrassant. Vicky avait totalement disparu de son esprit, complètement évincée par la seule à avoir réellement de l'importance à ses yeux. Ce baiser, qu'il avait pourtant attendu depuis si longtemps, eut un goût de nostalgie pour lui, faisant ressurgir tout ce qu'ils avaient vécu ensemble, remuant le couteau dans la plaie toujours béante laissée par Lexie lorsqu'elle l'avait abandonné. Et pour une fois, il ne cacha pas ce qu'il ressentait, il l'exprima même clairement : elle lui avait terriblement manqué, mais il ne voulait plus la voir. Plus jamais. Après ça, il pensait avoir mis un terme à leur conversation et lui tourna donc le dos pour commander un autre verre, le premier ayant été renversé.

Mais au bout de quelques secondes, la main de la journaliste vint attraper la sienne, tirant sur son bras pour qu'il se retourne. C'est en soupirant qu'il s'exécuta, plongeant son regard dans celui de la jeune femme. Il l'observa ainsi, sans rien dire, jusqu'à ce qu'elle se reproche doucement passant délicatement ses doigts sur sa joue.

“Lexie… S'il te plait…” S'il te plait va-t-en, ne rend pas les choses encore plus compliquées qu'elles le sont déjà.

Sa voix était devenue un murmure presque suppliant, parce qu'il savait très bien qu'il était incapable de la repousser, mais que chaque rapprochement ne serait qu'un coup de poignard supplémentaire, puisque sa décision était prise et qu'il ne comptait pas la laisser revenir dans sa vie. Elle l'embrassa quand même, provoquant aussitôt un raz-de-marée de sensations chez lui. Les frissons, les picotements, l'impression de chaleur dans tout son corps et l'emballement de son coeur, tout était là pour lui rappeler à la fois comme il l'aimait et comme il la détestait. Lorsqu'elle intensifia son baiser, il passa au creux de ses reins pour l'attirer contre lui. Il savait que ça ne durerait pas, mais il avait comme un besoin irrépressible de sentir son corps contre le sien. C'est seulement lorsqu'elle se recula qu'il la lâcha, tout en plongeant son regard perdu dans celui de la brunette. Il ne comprenait pas ce qu'elle voulait prouver, ne venait-il pas de lui avouer à demi-mots, qu'il était amoureux d'elle, lui aussi ?

« Je sais que tu le sens, toi aussi. »

C'était une évidence qu'il ressentait la même chose, mais ce qu'elle ne voulait pas comprendre c'est que lui voyait ça comme un problème qu'il essayait désespérément de résoudre.

« Tu peux me repousser. Mais un de ces jours, tu te rendras compte que je suis la femme de ta vie, Noah Riley. »

Il l'observa s'éloigner en se maudissant intérieurement d'être trop borné pour la pardonner et lui donner une seconde chance. “Je le sais déjà.” Avait-il finalement marmonné pour lui-même, avant de se retourner vers le bar, attendant sa cavalière qui ne lui ferait jamais oublier Lexie. Il le savait, mais il préférait être malheureux sans elle que de risquer de revivre l'enfer qu'il avait vécu lorsqu'elle était partie

@Lexie Walker