oops!
@penny stringer      

☽ février 2022.
Le regard rivé sur son téléphone portable, il est en route pour faire le tour des visites et vérifier que ses patients aillent pour le mieux. Boulot habituel. Petite routine à laquelle il est désormais plus qu’habitué. Si habitué que ses mouvements sont automatiques. Ses pas, ses gestes sont dirigés par la routine. Il n’a pas à regarder où se trouve le bouton d’appel de l’ascenseur pour l’appeler. Il n’a pas à regarder si celui-ci arrive, il reconnait le bruit. Cela devrait lui faire peur car cela signifie qu’il passe le plus clair de son temps dans l’établissement hospitalier. Mais soit ! Il envoie un message rapide à Iris pour lui confirmer qu’ils peuvent passer la soirée ensemble et auraient même droit à la grasse matinée le lendemain. Un bref regard vers l’intérieur de l’ascenseur quand les portes s’ouvrent, il s’y glisse en repérant une femme postée dans le coin. Poli, il souffle un « bonjour » pour glisser le téléphone dans la poche de sa blouse blanche. Les gestes automatiques continuent leur ronde ; il appuie sur le numéro de son étage pour croiser les bras et c’est à cet instant que son regard s’attarde sur la jeune femme qui se trouve à sa droite. Un regard insistant car il est face à un souvenir. Les traits de son visage s’adoucissent aussitôt quand il la reconnait. Il connait son statut d’ennemi public numéro un … il faut dire que les regards noirs qu’elle lui adresse sont plutôt clairs, si clairs qu’il a tendance à changer de direction quand il la croise sur son chemin. Que lui dire de toute manière ?

Son regard se pose sur son ventre rond. Oh bah tiens, voilà ce qu’il pourrait lui dire. « Salut Penny. Félicitations. » Il accompagne ses paroles d’un mince sourire qui se veut sincère et qui l’est d’ailleurs. Mais il se demande s’il n’aurait pas du se taire et de nouveau fixer son téléphone. Ouvrir la bouche face à une amie de Joy, c’est un peu comme signé son arrêt de mort.  Alors, son regard s’écrase sur le sol pour se concentrer sur ses chaussures. Il croise les bras et prend place de l’autre coté de l’ascenseur quand soudainement ils s’arrêtent au cours de la course. Merde, pense-t-il. La première pensée est à ce foutu karma et sa poisse légendaire. Un bref échange de regard avec Penny et il tend le bras pour appuyer sur le bouton d’appel de l’ascenseur. Ils sont dans un hôpital - niveau urgences, on est au maximum, ils ne devraient pas rester longtemps dans cette situation, si ?

« Ca devrait pas prendre plus de quelques minutes... » il est obligé de commenter. Pour lui, pour se rassurer car il ne sait pas si Penny ne pourrait pas finir par l'égorger vu le regard q'elle vient de lui lancer. Son index presse de nouveau le bouton d'appel alors que son regard reste posé sur la blonde. Ils ont une équipe technique plutot douée à l'hopital. En quelques minutes, quelqu'un répondra à leur appel, débarquera à la salle des machines et zack ! ils seront délivrés. Le chirurgien recule d'un pas, recroise les bras et s'adosse à la paroi métallique sans ajouter le moindre mot. Sa stratégie pour survivre : ne rien dire. Ne surtout pas donner une occasion à Penny de l'étriper sur place. Faire profil bas.

Tu ne pensais pas que ce serait différent, de te promener dans les couloirs de l’hôpital en tant que patiente plutôt que bénévole, et pourtant, le contraste était impossible à nier. Certes, tu avais de la chance, la raison qui faisait de toi une patiente ici était une bonne raison. Tu n’étais pas malade, tu n’étais pas blessée. La grossesse avait beau t’épuiser à un degré que tu n’aurais jamais pu t’imaginer, c’est avec douceur que tu avais finalement accueilli la surprise et avec chaque semaine qui filait, tu étais un peu plus impatiente de découvrir ce petit être qui se faisait toujours un peu plus gros sous ton nombril. Malgré tout, chaque rendez-vous venait avec une certaine appréhension. Est-ce que le bébé va bien? Est-ce que tous tes symptômes sont dans les limites de la normalité? Tu aimais avoir Isaac à tes côtés pour les rendez-vous de suivis et plus souvent qu’autrement, il réussissait à se libérer, ne serait-ce que pour les quelques minutes nécessaires. Mais aujourd’hui ça avait été tout simplement impossible pour lui de quitter les urgences, ces dernières trop bondées ne lui accordant pas de moment de pause. Après ton rendez-vous, tu avais décidé de passer par les urgences, ne serait-ce que pour lui offrir la nouvelle photo de ta dernière échographie et un baiser au passage.

C’est avec les photos pressées contre ton ventre que tu entres dans l’ascenseur, ne faisant pas réellement attention aux autres personnes s’y trouvant déjà. C’est seulement lorsque tu reconnais la voix de l’homme qui dit « Bonjour » que tu lèves finalement les yeux et fait face à Aiden. Aiden à qui tu n’avais pas parlé depuis plusieurs années maintenant, Aiden qui était revenu à Brisbane il y a quelques mois de ça, peut-être plus tu avais perdu le compte. Aiden qui avait brisé le cœur de ta meilleure amie (Joy l’était-elle vraiment encore après ce qui s’était passé?) Aiden que tu aurais préféré ignorer pendant les quelques secondes que vous vous retrouveriez ensemble dans cet ascenseur. Mais il semble en avoir décidé autrement, le médecin, lorsque sa voix s’élève à nouveau et que son regard s’attarde sur ton ventre de plus en plus arrondi. « Salut Penny. Félicitations. » Tu mets quelques secondes avant de réagir. Tu n’as pas pour habitude d’être impolie avec qui que ce soit, mais disons qu’Aiden, il fait partie d’une catégorie à part de gens que tu n’apprécies pas particulièrement. « Merci. » que tu parviens finalement à dire avec un léger sourire au coin des lèvres, une main caressant doucement ton ventre alors que le regard du médecin se perd sur le sol et que tu en profites pour le détailler plus ou moins discrètement. Il n’a pas vraiment changé depuis la dernière fois que tu l’as vu de si près. Il a vieilli un peu, évidemment, peut-être semble-t-il un peu plus fatigué que dans tes souvenirs, mais à part ça, il semble être le même et tu ne sais pas si cette pensée est rassurante. « Tu vas bien? » que tu demandes, par politesse malgré ton regard qui lui trahit ce que tu penses vraiment de sa personne. Tu te dis que bientôt, tu n’auras plus besoin de penser à ça, à lui, quand l’ascenseur ouvrira ses portes et que tu seras libre à nouveau, mais c’est plutôt un bruit sourd qui se fait entendre alors que l’ascenseur s’arrête subitement, faisant accélérer ton rythme cardiaque. « Ça devrait pas prendre plus que quelques minutes… » Et quelques minutes, c’est déjà bien trop long dans ton livre à toi, quand cette sensation d’être coincée te pèse sur la poitrine et que ta respiration se fait déjà un peu plus chaotique. « Pourquoi il y a personne qui répond? » que tu demandes alors qu’Aiden pèse sur le bouton d’appel sans qu’une voix ne s’élève dans l’intercom, comme elle devrait le faire. « J’aime pas ça. » que tu annonces, plus pour toi que pour le médecin alors que tu te concentres sur ta respiration, te disant que tu aurais dû prendre les escaliers, tout compte fait.

oops!
@penny stringer      

☽ février 2022.
Un simple « merci » s’échappe de ses lèvres et la main protectrice de la mère à devenir se pose sur son ventre déjà bien arrondi. Il y a quelques années, il aurait eu beaucoup de difficulté à faire face à cette vision. La vision d’une femme enceinte. Cette vision avait été une torture pour sa propre âme jusqu’à ce que cette souffrance s’évanouisse doucement. Comme quoi, le temps fait vraiment son office quand c’est nécessaire. Le médecin sursaute presque en entendant la voix de Penny venir briser son silence : « Tu vas bien ? » Est-ce-qu’il allait bien ? Est-ce une question posée simplement par politesse ou est-elle vraiment intéressée par la réponse ? Il ne sait jamais vraiment sur quel pied danser quand il est question de retrouvailles, rencontres avec les fantômes de son passé. Il relève la tête pour croiser le regard de la blonde qui le fixe. Il s’apprête à lui répondre avec la même politesse tout en smashant un « et toi » mais rien n’y fait. Impossible. L’ascenseur s’arrête et les plonge dans une autre dimension.

« Pourquoi il y a personne qui répond ? » Il hausse les épaules tout en gardant son attention concentrée sur le bouton qu’il ne cesse de presser. « J’aime pas ça. » est ajouté alors qu’il fronce les sourcils tout en essayant de relativiser. « Je pense que c’est normal.  » mais il ment. Il ment car il n’a jamais été dans cette situation, qu’il ne connait que des livres, des films ou épisodes de série … voire de courtes anecdotes racontées au cours d’une soirée. Comment peut-il savoir ce qui est normal ou pas ? Il n’y a ici aucune indication du moment où on peut et doit péter un câble et être pris d’une crise d’angoisse. Alors, il appuie une dernière fois sur le bouton d’urgence avant de faire volte-face pour affronter la jeune femme qui ne semble pas vraiment enthousiaste à l’idée de se retrouver coincée ici. « On est dans un hôpital après tout ; c’est pas vraiment bien vu de laisser planter des patients dans une cage d’ascenseur  » dit-il d’une voix rieuse, un sourire aux lèvres, essayant de dédramatiser la situation.

« Gary, du service de réparation. » Une voix s’élève entre eux. Elle grésille un peu mais elle est bel et bien présente. Aiden se redresse comme un animal en alerte et la voix grésillante ajoute « Est-ce-qu’il y a une urgence médicale ? » Logique. « Non, nous ne sommes que deux mais quand est-ce-que…» « On envoie quelqu’un ; sera là d’ici une vingtaine de minutes. » Un clac suit. « Tu vois, une vingtaine de minutes, ça devrait le faire.» ajoute-t-il avec le même sourire alors que sa main se glisse dans la poche de sa blouse pour en sortir son téléphone. Il faut simplement se trouver une occupation et les minutes passeront plus vite.

C’est le silence qui prévaut dans l’ascenseur alors qu’Aiden semble n’avoir rien à ajouter de plus à ses félicitations qui se voulait sans doute plus une marque de politesse que quoique ce soit d’autre. Tout aurait pu se terminer à ce moment précis, si l’univers n’en avait pas décidé autrement, vous jouant par le fait même un très mauvais tour. C’est le coup classique de l’ascenseur qui tombe en panne, qui pousse des protagonistes qui n’ont plus rien à se dire à se parler dans le cadre d’un contexte où ils ont possiblement besoin l’un de l’autre pour survivre aux longues minutes, possiblement heures (dieu faites que non) qui les attendent, prisonniers de la boîte de métal dans laquelle l’air semble déjà te manquer. Si tu n’admets pas volontairement être claustrophobe, il est évident que tu es loin d’être à l’aise et la sensation d’être enfermée prend le dessus sur tout le reste quand tu mentionnes à Aiden que tu n’aimes pas ce qui se passe. « Je pense que c’est normal. » Tes lèvres tremblent alors que tu croises son regard, tu n’es pas certaine de le croire mais tu préfères t’accrocher à ses paroles que le contredire. Tout va bien se passer, tout va bien se passer. « On est dans un hôpital après tout; c’est pas bien vu de laisser planter des patients dans un ascenseur. » Tu hoches la tête. Il a sûrement raison, la vie de quelqu’un pourrait être en danger ici (même si ce n’est pas le cas) ou alors Aiden pourrait être réclamer en urgence. « J’espère que t’es attendu nulle part. » que tu tentes avec la voix qui tremble un peu trop à ton goût. Tu évites évidemment de lui dire que tu ne penses qu’à cet épisode de Grey’s Anatomy durant lequel deux internes sont coincés dans un ascenseur et doivent opérer un patient dans des conditions loin d’être optimales parce que l’attente était trop longue.

« Gary, du service de réparation. » Ok. Vous n’êtes plus seuls au monde. C’est rassurant, un peu du moins. Ta respiration semble un peu moins difficile, soudainement. « Est-ce qu’il y a une urgence médicale? » Non, il n’y en a pas, mais une partie de toi voudrait qu’Aiden réponde oui, seulement pour pouvoir sortir de là plus rapidement. « Non, nous ne sommes que deux mais quand est-ce que… » « On envoie quelqu’un ; sera là d’ici une vingtaine de minutes. » Un bruit sourd se fait entendre et tu comprends que la communication avec l’intercom est désormais coupé. Ils ont répondu à votre appel d’urgence, ils savent que vous êtes coincés et maintenant, il ne reste qu’à attendre. « Tu vois, une vingtaine de minutes, ça devrait le faire. » « Ça arrive souvent, les ascenseurs qui tombent en panne? » Une tentative vaine de faire la conversation? Sans doute. Mais tu sais d’avance que le silence risque d’être bien pire que de tenter de discuter avec celui qui était autrefois un ami. « Ça fait longtemps que tu es revenu à Brisbane? » Tu sais que Joy t’en a parlé légèrement, il y a plusieurs mois, mais vous n’avez pas vraiment eu la chance d’entrer dans les détails, et le silence des derniers mois ne t’a pas vraiment aidé à en apprendre davantage sur le retour du médecin. « Pourquoi t’es revenu? » est ce que tu veux réellement savoir et tant qu’à être coincés ensemble, aussi bien prendre l’occasion d’avoir une discussion que vous n’auriez peut-être jamais eu dans d’autres circonstances.

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@penny stringer      

☽ février 2022.
« Ça arrive souvent, les ascenseurs qui tombent en panne ? » La question le surprit et surtout le fait qu’il n’avait aucune réponse à cette question si simple. Est-ce-qu’il avait déjà entendu parler de panne d’ascenseur dans cet hôpital ? Pas dans ses souvenirs. Il n’avait jamais imaginé cette situation, et pourtant on savait combien il foulait le seuil des portes métalliques. Drôle de moue sur le visage, il hocha négativement la tête avant de hausser les épaules. « Jamais entendu parler ; mais c’est pas le genre d’informations qu’on aime rendre populaire au sein d’un hôpital » et en guise de conclusion, il lui adressa un sourire amusé. Pour eux, c’était peut-être une première mais il était convaincu que quelqu’un voire même plusieurs personnes dans cet hôpital devaient être habitués à ce genre d’événement. La Routine de quelqu’un d’autre, sans aucun doute. Il s’adossa alors à la paroi métallique tout en gardant son attention sur Penny.

D’une certaine manière, il était ravi de lui tomber dessus … elle avait l’air heureuse, bien dans sa peau … à moins que ce soit ce que l’on attribuait toujours aux femmes enceintes. Une femme enceinte est forcément heureuse, bien dans sa peau. « Ça fait longtemps que tu es revenu à Brisbane ?» Si la première question l’avait surpris, cette dernière eut un effet encore plus brutal. Il sursauta presque et ne put cacher sa surprise … c’était sans compter le troisième coup de massue qu’elle lui asséna avec sa troisième question. « Pourquoi t’es revenu ?» Il articula un woh silencieux mais suffisamment distinct pour qu’elle prenne conscience de l’effet de ses questions … plus que personnelles en fin de compte. « Woh ! Tu passes pas par quatre chemins ! J’avais presque oublié ce petit côté piquant de ta personnalité » qu’il dit d’une voix rieuse avant de commencer à répondre à ces questions … même si quelque chose au fond de lui lui rappelait qu’il n’avait aucun compte à lui rendre, qu’il pouvait tout autant se tapir dans son mutisme. « Ça va faire un an maintenant. » Le temps passait bien trop vite - bordel ! « Tu sais très bien pourquoi je suis revenu … Tu te doutes du pourquoi je suis revenu. » et il planta son regard dans le sien en penchant la tête sur le côté. Évidemment qu’elle se doutait du pourquoi de son retour ; tout ceux qui avaient connu le couple s’étaient douté du pourquoi de son retour. Certains s’en étaient réjouis, d’autres lui en avaient voulu ou beaucoup lui en voulaient encore. « Pour elle. » La messe était dite. « Mais t’en fais pas, tu connais Joy. Elle sait très bien se faire comprendre et m’a bien fait comprendre que j’appartiens au passé — un passé qu’elle regrette même un peu, je crois. J’ai accepté. » Mensonge. Il haussa les épaules. « On est — collègues. » et putain cela lui brisait le coeur rien que de le prononcer à haute voix.

Peut-être que ce serait plus simple de passer les vingt prochaines minutes à discuter des probabilités qui entourent toute panne d’ascenseur dans cet hôpital. C’est un sujet neutre, mais rapidement conclut quand ni lui ni toi ne possédez les réponses et qu’en plus, il est évident que vous vous en foutez complètement. Tu pourrais faire tout un tas de commentaires sur la pluie et le beau temps, éviter avec agilité l’un des seuls sujets qui vous a longtemps relié l’un à l’autre, mais ce n’est pas ce chemin là que tu décides d’emprunter. Non, tu décides plutôt d’aller droit au but, sachant pertinemment que les chances que vous vous retrouviez dans une telle situation à nouveau ne risquait pas de se reproduire. « Woh! Tu passes pas par quatre chemins! J’avais presque oublié ce petit côté piquant de ta personnalité. » « Il y en a qui dise que c’est ce qui fait mon charme. » que tu réponds sarcastiquement, avec un petit sourire qui rappelle pourtant que tu attends des réponses à tes questions. La situation a beau ne pas être simple avec Joy, elle reste l’une des personnes que tu aimes le plus au monde et tu feras toujours absolument tout pour la protéger, même si elle n’en a pas conscience. « Ça va faire un an maintenant. » Déjà? Tu n’as clairement pas vu les derniers mois passés. Ce tient-il toujours loin d’elle? Tu ne lui fais pas confiance et tu détestes l’idée même qu’il puisse encore avoir la moindre emprise sur la Petterson. « Tu sais très bien pourquoi je suis revenu… Tu te doutes du pourquoi je suis revenu. » Et même si tu connais la réponse, tu aurais préféré qu’il nie, qu’il invente autre chose, n’importe quoi. Tu croises les bras sous ta poitrine, un geste plus compliqué depuis que ton ventre a pris de l’expansion toutefois. « Pour elle. » « Et bien t’aurais pas dû. » Non, parce qu’il est venu remettre le bordel dans la tête et dans le cœur de la brune, tu le sais, peu importe ce qu’elle a pu dire ou faire avec le médecin. « Mais t’en fais pas, tu connais Joy. Elle sait très bien se faire comprendre et m’a bien fait comprendre que j’appartiens au passé – un passé qu’elle regrette même un peu, je crois. J’ai accepté. » Tu continues de le scruter du regard, incapable de dire avec précision s’il est réellement honnête ou non. Tu ne le connais pas assez bien pour pouvoir faire la distinction entre ses mensonges et ses vérités, malheureusement. « Tu t’attendais à quoi? Qu’elle te tombe dans les bras comme si tu ne lui avais jamais brisé le cœur en mille morceaux? » Tu étais là, quand il est parti. Tu as ramassé les pièces une à une alors que tu peinais à tenir debout toi-même. Vous vous êtes soutenues dans la pire des adversités, Joy et toi, et ça te serre le cœur de penser qu’il ne reste plus rien de ça désormais. « On est – collègues. » Tu soupires. C’est ce que tu voulais entendre, au fond. Qu’ils étaient collègues et rien de plus. Qu’il se donnait loin d’elle et ne cherchait plus à se faire une place dans sa vie. « Elle mérite mieux. Elle mérite d’être heureuse. » Même si de ça, toi aussi tu ne pouvais plus réellement être témoin.

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@penny stringer      

☽ février 2022.
« Il y en a qui dise que c’est ce qui fait mon charme. » Vu sa tête et la manière dont ses lèvres s’étirent, il ne doit pas être totalement d’accord avec ce qui pense ce genre de chose. Mais soit, il se contente de hausser les épaules et de répondre dans la foulée. Après tout, il n’y a pas d’issue de secours et ils sont coincés ensemble pour quelques minutes, qui vu le sujet de conversation vont sans doute ressembler à des heures. « Et bien t’aurais pas dû. » dit-elle après avoir croisé les bras sous sa poitrine. Cette phrase de quelques mots est aussi puissante que l’uppercut de John Cena, voire d’un saut de la troisième corde. S’ils étaient dans un épisode de scrubs, sans doute, se serait-il imaginé en tenue de catch en train de se faire détruire par la nouvelle catcheuse Penny. Un sourire vient prendre place sur ses l`èvres, quand cette pensée vient lui traverser l’esprit. « Tu t’attendais à quoi? Qu’elle te tombe dans les bras comme si tu ne lui avais jamais brisé le cœur en mille morceaux? » Les sourcils du chirurgien se froncent pour un dixième de seconde. A vrai dire, il ne souhaite pas entamer un nouveau débat sur la raison de son retour, sur cette idée folle de vouloir et de pouvoir reconquérir celle qu’il considère aujourd’hui encore comme son âme soeur. Il a décidé d’aller de l’avant. Avec Iris. Il a décidé de ne pas venir semer le chaos dans la vie de son ex. « Elle mérite mieux. Elle mérite d’être heureuse. » La tête d’Aiden vient s’appuyer contre la paroi métallique et le regard se concentre sur le plafond de l’ascenseur. Pourquoi est-ce-qu’elle ne se contente pas de regarder son téléphone comme le font les personnes qui vivent dans le vingt-et-unième siècle ? Il soupire doucement avant de se mordiller l’intérieur de la joue. Comment réagir ? Quoi lui dire ? Est-ce-qu’il a besoin de lui répondre quoique ce soit ?

« Exact. Sur ce coup là, nous sommes du même avis, Penny.», finit-il par dire en reposant son attention et son regard sur la blonde qui lui fait face et qui n’est pas prête à en démordre apparemment. « De l’eau a coulé sous les ponts depuis … tu n’as pas à sortir ton numéro de garde du corps. C’est promis. » Sa voix est calme, posée, presque trop rationnelle pour un sujet comme Joy. Normalement, les émotions l’emportent toujours quand il s’agit de la jeune femme. Normalement, il se noie et se morfond dans les remords et la frustration. Pas aujourd’hui. Grâce à Iris, peut être. Ou alors au fait qu’il se trouve sur son lieu de travail et que porter cette blouse blanche a l’effet d’un costume sur lui.

« C’est prévu pour quand ? » demande-t-il en désignant d’un petit signe de tête le ventre arrondi de Penny. Cette question est un virage à 180 degrés pour ne pas avoir à parler de Joy et à remuer le couteau dans la plaie qui est loin d’être cicatrisée … il y a juste collé un pansement dessus et évite d’y jeter un coup d’oeil.

Peut-être que c’est le fait d’être prisonnière avec lui qui force une discussion qui n’a pas lieu d’être, mais qui est selon toi remplie de vérités qu’il aurait dû entendre il y a longtemps de cela. Peut-être que tu te le permets enfin parce que la situation est cruellement tendue entre Joy et toi et que tu n’as plus grand-chose à perdre si tes propos se rendent à la jeune femme puisqu’elle semble déjà décidée à ne pas te pardonner. Peut-être aussi que tout ce qui se passe dernièrement dans ta vie te prouve seulement que les mensonges et les non-dits n’apportent jamais rien de bon. Peu importe ce qui te pousse réellement au fond, le simple fait de pouvoir dire tout ce que tu penses sans filtre à Aiden te fait du bien, cette impression de pouvoir protéger encore un peu ta meilleure amie malgré tout aussi. Le silence du médecin est éloquent et pourtant, ça ne t’arrête pas. La tête d’Aiden vient se cogner contre la paroi métallique de l’ascenseur toujours immobile et tu finis par te pincer les lèvres légèrement, réalisant que peut-être tu aurais mieux fait d’en garder un peu pour toi. « Exact. Sur ce coup-là, nous sommes du même avis, Penny. » Tu entrouvres légèrement les lèvres, surprise de l’entendre. Pour être honnête, tu ne t’attendais pas à une telle réaction de sa part. Tu pensais qu’il tenterait de se défendre, de se justifier, de plaider sa cause auprès de toi comme quoi il est le bon pour elle ou tu-ne-sais quelle autre connerie. « De l’eau a coulé sous les ponts depuis… tu n’as pas à sortir ton numéro de garde du corps. C’est promis. » Tu finis par simplement hocher de la tête. Tu n’aimes toujours pas savoir qu’il est là, pas loin d’elle constamment, à constamment ramener à la surface des souvenirs que tu sais douloureux pour Joy, mais tu dois tout de même admettre que tu es soulagée d’entendre qu’il ne semble pas vouloir lui faire plus de mal qu’il a pu lui en faire par le passé. « C’est pas un numéro. Le bonheur de Joy sera toujours ma priorité. » Et ce, même si Joy elle-même en doutait depuis plusieurs mois déjà, par ta faute. « J’hésiterai pas à te le rappeler si j’entends que tu lui fais des misères. » Ce n’est peut-être pas Joy qui te le dirait, mais avec un peu de chance, tu as assez de contacts à l’hôpital, à commencer par ton amoureux, pour être mise au courant si quelque chose entourant l’ancien couple venait à se produire. « C’est prévu pour quand? » Le changement de conversation se veut de mise, alors qu’Aiden désigne ton ventre d’un coup de la tête, ce qui ne manque pas de placer un léger sourire sur tes lèvres malgré la tension toujours présente. « Début juillet. » que tu annonces alors qu’une main vient caresser ton ventre. « Peut-être que tu connais mon amoureux. Il travaille ici comme infirmier. » Et il était proche de Joy à l’époque où Aiden faisait encore partie de sa vie alors tu imagines que leurs chemins ont déjà été emmené à se croiser à un moment ou un autre. Et si Isaac aurait certainement pu faire un sujet de grande distraction, l’ascenseur se remet en marche dans un coup sec et après quelques secondes, les portes viennent s’ouvrir pour ton plus grand soulagement. « Je te dirais bien que ça été un plaisir Aiden, mais je sais pas mentir. » Non, ça n’a pas été un plaisir d’être coincée avec lui, même si malgré tout, tu es plutôt soulagée par la tournure de votre conversation, à ta grande surprise.