prison blues
Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

« Tu t’es maquillée. » Je le note puisque c’est rare, ou en tout cas en ma présence. Jusque là, j’ai retrouvé Spencer dans les pires des états, mais je n’ai guère eu l’occasion de la voir apprêtée comme elle l’est ce soir. Elle essaye, je sais qu’elle essaye. Me proposer de faire quelque chose en dehors du boulot, c’est sa façon de tenter d’être plus proche de moi. Nous ne nous connaissons pas réellement, en dehors des discussions concernant l’addiction. Je ne sais pas ce qu’aime la blonde, et elle n’a pas une meilleure maîtrise de mes loisirs. M’emmener dans un bar à cocktail un peu chic aurait suffit. Je ne suis guère compliquée : pas du genre à faire un bowling ou à aller au cinéma. En revanche, depuis la naissance de Micah, j’ai guère eu l’occasion de sortir la tête des activités liées à ma toute jeune maternité. Donner le biberon, changer des couches, chuchoter des mots rassurants à l’oreille de mon bébé et vérifier que les crèmes et autres substances avec lesquelles ma fille entre en contact ne contiennent rien de toxique - de type parabène, pétrolatum, hexamétaphosphate de sodium et siloxane - tout cela fait partie de mon quotidien à présent. Alors, malgré ma réserve - de quoi allons nous bien pouvoir parler, puisque nous ne nous connaissons pas - j’ai accepté l’invitation de la blonde sans réserve. Dans le pire des cas, je prendrai les commandes et nous échouerons dans un bar huppé de mon choix. Je salue l’effort, et c’est tout ce qui compte. « Ça te va plutôt bien. » De porter du liner et du fard sous les yeux. Apprêtée, je le suis toujours, et ce soir ne fait pas exception à la règle. Je le suis peut-être trop pour l’endroit où elle a décidé de m’emmener.

Nous nous arrêtons devant l’ancienne Prison Boggo Road Gaol et je fronce les sourcils. Nous sommes loin de ma vision d’une bonne soirée. L’endroit est désaffecté de mémoire, mais ça ne rend pas la situation moins ironique pour autant puisqu’elle ignore tout de mes réelles activités professionnelles. « Tu t’es dis qu’il y avait trop de zones d’ombre dans ma vie et que tu allais me faire passer à table ? » Je prends la situation avec humour, tout en me demandant ce que nous faisons là et, surtout, ce qu’il faudra que je fasse pour que nous puissions nous échapper au plus vite. Je ne crois pas si bien dire.

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

« Tu t’es maquillée. » « Ca m’arrive. » elle répond avec un sourire. Généralement elle fait un semblant d’effort pour aller bosser, ne force que rarement le trait, mais parfois ça l’amuse de faire des choses un peu plus poussées et différentes. Comme aujourd’hui. « Ça te va plutôt bien. » « Ah, merci. » c'est qu'elle est peu habituée à recevoir des compliments de quelqu'un qui n'est pas Mac, Spencer. Mais ça fait toujours plaisir, d’autant plus venant de quelqu’un comme Raelyn qui a toujours l’air impeccable et bien propre sur elle. Et c’est à cet instant seulement que la blonde se rend compte à quel point l’opinion de l’aînée compte à ses yeux. C’est assez étrange comme sensation, même. Elle qui n’a jamais supporté les figures d’autorité ou eu d’attache forte liée à la famille, la voilà en train de chercher les deux de façon presque désespérée. Et c’est bête à dire, mais elle est sûre que si elle avait eu une sœur ou un frère -enfin plus basiquement une famille de sang- qui se souciait d’elle à l’époque, elle aurait passé son temps à essayer d’attirer leur attention. Elle a toujours tout fait pour convaincre son entourage que l’avis des autres ne lui importait pas et que ça n’avait aucun impact sur elle, mais il n’y a rien de plus faux. Celui de certaines personnes compte beaucoup. Trop, peut-être.

Enfin toujours est-il qu’elle a réussi à entraîner Raelyn hors du casino, hors des couches et des biberons, dans un environnement neutre et sans obligation pour aucune des deux. Elle n’a pas tellement eu besoin d’insister et, si ça la rassure un peu, elle se demande toujours si ça peut mener quelque part, cette relation fraternelle. « Tu t’es dis qu’il y avait trop de zones d’ombre dans ma vie et que tu allais me faire passer à table ? » ah, peut-être pas le meilleur choix de lieu ? Elle n’a pas l’air de la réprimander et c’est plutôt annoncé sur le ton de l’humour. « Pas exactement, non. » elle souffle un rire et secoue la tête. « C’est plutôt qu’il y a un escape game d’organisé ici et hum, j’me suis dit que c’était l’occasion de faire quelque chose ensemble ? » peut-être pas une si bonne idée que ça ? Maintenant qu’elles sont devant, Spencer n’en est plus si sûre. Au pire elles peuvent toujours rebrousser chemin et aller dans un endroit qui conviendra mieux à Raelyn. « En dehors du casino et des autres trucs. » les autres trucs étant bien évidemment les problèmes récurrents qui ont tendance à suivre Spencer de près ou de loin. Autant parfois elle cherche un peu, autant ces derniers temps elle essaie surtout de se tenir à carreau sur tous les plans.  Enfin tout ça, c’est inutile de le préciser tant c’est l’évidence même. Au final, elle a choisi cette activité un peu sur un coup de tête, sans penser une seule seconde au fait que, peut-être, Raelyn n’était pas du genre à aller passer une après-midi dans un escape game avec sa demi-sœur. Parce qu'au final, elle ne sait pas ce qu'elle aime, l'aînée. Si ça se trouve elle va lui rire au nez et l’envoyer chier, hein. « Enfin c’est si tu veux, hein. » faut surtout qu’elle arrête de s’en faire pour tout, Spencer. Cette espèce d’état anxieux constant, cette envie de bien faire et de ne pas tout faire foirer, c’est fatigant à la longue. Elle sait à quoi c’est dû, mais ça n’en reste pas moins drainant. « T’as déjà fait des trucs du genre ou… » peut-être, elle n’est pas arrivée dans ce monde hier, hein. Elle doit connaître le principe des jeux, au moins dans les grandes lignes.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

Devant l’ancienne prison, un garde - ou quelqu’un déguisé en garde - vêtu d’une cotte de maille d’un plastron en métal brillant se tient parfaitement immobile, et je fronce les sourcils. Le complexe est abandonné, j’en suis presque certaine, et je me demande pourquoi la petite blonde m’a emmenée ici. Bien sûr, quelques passants curieux et plus au courant que moi passent les portes du centre correctionnel, mais je n’en suis pas moins perlplexe pour autant. Je me tourne vers Spencer et je m’adresse à elle avec surprise, mais pas moins interloquée pour autant. « Pas exactement, non. C’est plutôt qu’il y a un escape game d’organisé ici et hum, j’me suis dit que c’était l’occasion de faire quelque chose ensemble ? En dehors du casino et des autres trucs. » Un quoi ? Mes sourcils, toujours froncés, lui communiquent toute mon incompréhension et pour cause : je n’ai jamais entendu parler de ce genre d’activité. Il faut dire que je n’ai pas réellement le temps pour des passe-temps dans ma vie et, quand bien même, je suis plus du genre spa de luxe que bowling, laser game ou autre stupidité du genre. Quand bien même je serais au fait de l’existence de cette activité, je pense que je n’en comprendrais pas l’intérêt. Je cherche du regard un panneau publicitaire qui m’aiderait à avoir une idée de ce que nous faisons ici et, quand je le trouve, je le parcours des yeux. S’enfermer une heure dans une prison pour la beauté du sport ? Pour voir en combien de temps nous serions capable de nous échapper ? La chose ressemble trop à des cauchemars qu’il m’arrive de faire parfois pour que je sois enchantée : mais la gamine fait des efforts, et je n’ai pas envie de l’envoyer dans les roses. « Enfin c’est si tu veux, hein. » Elle est penaude et ne sait pas où se mettre : je le lis dans ses yeux (en plus du manque, lui est toujours là.) « C’est censé être amusant, l’idée de s’échapper de prison ? » Je me fais l’impression de sortir d’un autre siècle : nul doute que Amos aurait trouvé la situation amusante, puisque je suis généralement celle qui se moque lorsqu’il se conduit comme plus vieux qu’il ne l’est.

« T’as déjà fait des trucs du genre ou… » - « J’ai l’air d’avoir fait ce genre de trucs ? » Avec mes ongles parfaitement manucurés, mes coiffures sophistiquées et mes fringues de créateur. « C’est une délicate attention gamine. » Et puis, qu’est ce que c’est qu’une heure, au final, quand elle me regarde comme si j’avais volé son jouet préféré ? « On va essayer, mais la prochaine fois, c’est moi qui choisi les activités. » Qu’est-il arrivé au bon vieux ”allons boire un verre pour faire connaissance ?” Même une sortie en boîte de nuit, malgré le bruit ambiant et les diverses tentations, me semble préférable. « Allez. Je mourrai moins bête, comme ça. » D’un signe de la tête, j’invite la petite blonde à me suivre vers l’entrée de l’ancien pénitencier. J’ai retrouvé un peu de ma superbe : je ne jette plus des coups d'œil suspicieux au bâtiment. « J’ai cherché des endroits, du sais. » Des centres de désintoxication. « On en parlera après, autour d’un verre. »

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

Pour tout dire, Spencer n’a même pas regardé les détails de l’escape game et n’a quasiment aucune idée du thème ou du temps prévu pour une partie. Elle a juste vu passer une annonce et a décidé que ça serait marrant d’y aller et de faire quelque chose avec Raelyn. Forcément, ce n’est qu’une fois devant le bâtiment et en voyant l’air perplexe de sa soeur que la blonde prend le temps de revoir son jugement. Finalement, aller boire un verre ou aller faire du shopping semble tout de même bien plus approprié. Alors elle essaye vaguement d’expliquer de quoi il s’agit, et vu la tête que fait l’aînée, Spence est encore moins sûre qu’il s’agit là d’une bonne idée. « C’est censé être amusant, l’idée de s’échapper de prison ? » la blonde affiche un sourire amusé et fait mine de réfléchir. Oui, ça peut l’être. Du moins dans ce contexte, parce que s’échapper d’une vraie prison ça doit être un poil moins facile et amusant à vivre, comme expérience. « C’est tout ce qui est autour qui l’est. Les énigmes, le challenge, tout ça quoi. » avec le recul, elle n’est même pas sûre d’avoir la patience nécessaire pour ce genre d’activité non plus, en fait. Ca fait un moment qu’elle n’a plus pris le temps de se rendre dans des endroits pareils, quand elle y repense. Mais maintenant, il est trop tard pour se dégonfler.

Juste histoire de vérifier, elle pose tout de même la question. Elle a forcément entendu parler des escape games, Raelyn, non ? C’est pas si nouveau comme concept. Mais si ce n’est pas le genre d’activité qui l’intéresse, ça reste peu étonnant qu’elle ne soit pas tellement familière avec. « J’ai l’air d’avoir fait ce genre de trucs ? » Spencer plisse le nez dans une légère grimace, hausse les épaules et finit par lâcher un ricanement amusé. « Sur un malentendu j’me suis dit que ça passait. » finalement bête d’idée, ouais. Elle aurait mieux fait de proposer à Mac de venir ici et garder l’idée du fancy bar pour Raelyn. Toujours trop anxieuse, jamais sûre de ses décisions, il lui en faut vraiment peu pour s’inquiéter d’avoir mal fait. Qu’est-ce que c’est compliqué de faire les choses bien, bordel. C’était quand même sacrément plus simple quand elle n’avait pas à se soucier de ses actions et de toutes les répercussions qu’il pouvait y avoir. « C’est une délicate attention gamine. » et le visage de Spencer se fend d’un sourire. Rassurée, elle se permet enfin de respirer. « On va essayer, mais la prochaine fois, c’est moi qui choisi les activités. » « On est pas obligées si ça te dit rien. » elle préfère préciser. Elle ne le prendra même pas mal en plus, et puis il est encore largement temps de faire demi tour et d’aller autre part. « Allez. Je mourrai moins bête, comme ça. » Raelyn concède finalement et la plus jeune sourit de plus belle, ravie à l’idée de passer un peu de temps avec sa demi-sœur. Et pour une fois, elle n’est pas à deux doigts de faire un comas à la sortie d’un squat miteux ou la gueule défoncée par un rentier un peu trop zélé. Ce qui lui fait penser qu’elle ne sait pas tellement comment toute cette histoire a été réglée. Peut-être qu’il vaut mieux garder certaines zones d’ombres et ne rien savoir. « J’ai cherché des endroits, tu sais. » elles avancent vers l’entrée et Spencer relève la tête, légèrement confuse. « On en parlera après, autour d’un verre. » « Pour ? » pas ses idées d’activités quand même ? « Oh, ça. » elle réalise après quelques instants. Le fameux sujet de la dernière fois. La blonde plisse légèrement le nez. « J’suis sur liste d’attente, pour le moment. » dans un centre public, ça prendra encore sûrement des mois et tout ce qu’elle peut faire, c’est continuer à faire semblant de gérer sa consommation. La routine, tout roule. « J’devrai plus tarder à avoir une place. Un jour prochain, quoi. Mais merci de regarder de ton côté. » qu’elle continue plus pour se rassurer elle-même que l’inverse. Si ça tarde trop, elle a peur de ne pas réussir à tenir ses bonnes résolutions, Spencer. « C’est dingue qu’ils aient réussi à avoir des autorisations pour faire un truc pareil dans ce genre d’endroit. » elle change de sujet vite fait alors qu’elles passent l’entrée pour découvrir l'aménagement à l’intérieur. Il y a du monde et sûrement qu’elles auront un peu d’attente avant de pouvoir jouer, mais tant pis. « Enfin c’est mieux que de le laisser pourrir j’imagine. » ça reste un peu glauque quand même, y a une ambiance un peu bizarre mais ça colle sûrement très bien avec le genre de scénario prévu pour cet escape game. Et comme prévu, une fois les places prises, ils annoncent un peu d’attente en attendant que les équipes en cours de partie ne terminent.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

La première évidence, si j’en crois l’allure des autres curieux qui se dirigent vers l’ancienne prison, c’est que je suis trop habillée et apprêtée pour l’occasion. Il en faudra cependant plus pour me mettre mal à l’aise : j’ai l’habitude - et j’aime - être au centre de l’attention et de regards. Je n’ai jamais été de celles qui préfèrent longer les murs plutôt que de se tenir sous la lumière et au centre de la pièce. Avoir retrouvé la forme après mon accouchement est une fierté et je ne me prive pas de porter à nouveau mes jupes moulantes et autres robes près du corps. Quelque chose en revanche me dit que, pour ce que nous nous apprêtons à faire, ce n’était pas le meilleur des choix. « C’est tout ce qui est autour qui l’est. Les énigmes, le challenge, tout ça quoi. » Si je fronce les sourcils, c’est que je suis clairement dubitative et pour cause : j’ai bien du mal à imaginer ce qui m’attend et le genre d’activité à laquelle nous allons nous livrer. « Sur un malentendu j’me suis dit que ça passait. » Elle est touchante, à tenter de nous trouver des points communs et des activités capables de nous rassembler. Elle l’est au point que j’envisage de mettre les pieds dans une prison désaffectée. « Et tu t’es dis qu’après on irait prendre un milkshake et manger un esquimau à la vanille ? » Beaucoup sont accompagnés d’enfants ou d’adolescents : la blague est donc de rigueur. En revanche, pour ne pas la vexer, je dis le tout avec un grand sourire aux lèvres. « On est pas obligées si ça te dit rien. » - « Non, t’en fais pas. » On va essayer. Comme je le lui dit, je me coucherai au moins moins bête et certainement avec la certitude que la chose n’est pas faite pour moi.

Alors que nous approchons de l’entrée de la prison, je préfère me concentrer sur quelque chose de plus important : la cure dont elle m’a parlée et qu’elle compte effectuer pour tenter de guérir de ses addictions. « Oh, ça. » Oui, ce petit détail. « J’suis sur liste d’attente, pour le moment. » Je fais la grimace : je me doute qu’elle attendra des mois avant d’obtenir une place, si elle en obtient une. « J’devrais plus tarder à avoir une place. Un jour prochain, quoi. Mais merci de regarder de ton côté. » - « Si je regarde de mon côté, c’est pour que ce soit un jour prochain et pas l’année prochaine justement. » Le fait est que, malgré mon désamour pour ce genre d’endroit, j’ai parcouru les brochures avec attention. « J’ai repéré deux centres qui ont l’air corrects. » Dont la couleur des murs ne me donne pas envie de vomir, et qui n’ont pas des airs d'hôpital. « Si tu veux aller les voir… Je peux t’accompagner. » Et si ça ce n’est pas une belle preuve d’affection, je ne sais pas ce que c’est.

« C’est dingue qu’ils aient réussi à avoir des autorisations pour faire un truc pareil dans ce genre d’endroit. » C’est surtout dingue que j’ai réussi à me passer de la présence de Callum : j’en aurais entendu parler si je l’avais emmené dans ce genre d’endroit. « Enfin c’est mieux que de le laisser pourrir j’imagine. » - « Ouais. Je sais pas. » Ce genre d’endroit mérite à mes yeux de pourrir. Déformation professionnelle, je suppose. A l’intérieur, c’est la blonde qui donne nos prénoms, mais je sors ma carte bleue pour lui éviter une dépense qu’elle ne peut pas se permettre, nous le savons toutes les deux. L’attente est courte et, rapidement, on nous emmène à l’intérieur de la salle avant un brief abracadabrant. Pour la blonde, je me concentre sur les consignes et, une fois les portes fermées, je regarde les menottes passées à mes poignets avec effroi. « J’espère que tu retiendra l’effort que je fais. » Je me secoue les puces, avant d’observer autour de moi. « On est censées trouver des clés, c’est ça ? »

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

« Et tu t’es dis qu’après on irait prendre un milkshake et manger un esquimau à la vanille ? » c'est vrai que présenté comme ça, ce n'est pas forcément le meilleur argument qui peut être évoqué. « Maintenant que t’en parles… » la phrase reste en suspens, juste pour la note d’humour. Non, elle n’avait pas prévu ça pour la suite des activités, mais hé, pourquoi pas après tout. L’idée n’est pas si mauvaise que ça, mais peut-être que c’est plutôt le genre de chose qu’elle réservera pour Micah. Enfin quand elle sera plus grande et que Spencer sera stable et digne de confiance pour ce genre de sortie, pas tout de suite, donc. « Non, t’en fais pas. » et il n’en faut pas plus à Spencer pour afficher un grand sourire. C’est que ça lui fait bien trop plaisir d’être là et d’avoir l’occasion de découvrir une autre facette de Raelyn, de faire quelque chose qui les sort toutes les deux de leur quotidien.

Une chose en entraînant une autre, Spencer parle brièvement du fameux sujet, de l’attente qui est à prévoir et évite surtout d’évoquer les doutes qu’elle peut avoir sur sa capacité à aller jusqu’au bout de la chose. Cette dernière partie, c’est quelque chose sur quoi elle doit travailler et préfère ne pas s’étendre dessus. « Si je regarde de mon côté, c’est pour que ce soit un jour prochain et pas l’année prochaine justement. » la blonde arque un sourcil et lance un regard curieux à Raelyn, masquant difficilement sa surprise quant à l’implication de son aînée dans cette histoire. « J’ai repéré deux centres qui ont l’air corrects. Si tu veux aller les voir… Je peux t’accompagner.  » « Heu je- » elle ne sait pas vraiment quoi dire, si elle est honnête. C’est pas tellement le genre de chose à laquelle elle s’attendait, ce genre de proposition. Limite, Raelyn lui aurait donné une tape sur l’épaule en lui disant “c’est bien, continue tes efforts” que ça aurait été largement suffisant. Elle s’en serait contenté, en tout cas. Mais la voilà en train de bafouiller, presque la larme à l'œil à l’idée d’être aussi soutenue et accompagnée dans sa démarche. C’est pas quelque chose dont elle a l’habitude, qu’on s’intéresse et qu’on s’implique autant dans sa vie. Enfin si, mais ça a toujours été une seule et unique personne, généralement tous les autres ont plutôt tendance à se montrer froids voire hostiles à son égard. A la place, la blonde se racle la gorge et garde ses émotions à quai, c’est pas le moment de trop en faire et de se mettre à chialer. « Ouais, okay. Pourquoi pas. » elle acquiesce, laissant tout de même un sourire se dessiner au coin des lèvres. « Si t’as le temps quoi, je tiens pas à abuser. » parce qu’elle l’a déjà bien assez fait avec toutes ses conneries depuis plusieurs mois.

« Ouais. Je sais pas. » elle n’a pas l’air convaincue plus que ça de l’intérêt de réhabiliter ce genre d’endroit. Ce qui est compréhensible, en soi. Le bâtiment est lugubre, probablement qu’il vaudrait mieux complètement le raser et en faire un nouveau projet. Genre un grand centre commercial ou un hôtel. Le genre de lieu qui sera soit-disant hanté avec des légendes urbaines à foison et qui attirera plein de monde juste par sa réputation. Toujours est-il que leur tour arrive et que les voilà en train d’entrer dans le début du jeu, menottes aux poignets avec pour objectif de s’enfuir dans le temps imparti. « J’espère que tu retiendra l’effort que je fais. » la jeune femme rit en hochant la tête. « Ça va, c’est pas comme si c’était une vraie arrestation. » qu’elle ricane en tirant un peu sur les menottes, juste histoire de voir si y a pas moyen de juste glisser ses mains hors du bracelet. Bien sûr que non. « On est censées trouver des clés, c’est ça ? » « Ouais. » souffle Spencer, déjà à la recherche de de n’importe quoi pouvant les aider à se sortir de là. Y a des dessins accrochés aux murs, des endroits un peu effrités laissant apparaître des briques de façon un peu trop évidente et ça vaut le coup de voir ça de plus près. « Tu t’es déjà retrouvée dans une situation comme ça ? » la question sort un peu toute seule, pas vraiment calculée. Faut dire qu’avec la méfiance dont Raelyn a fait preuve avant même d’entrer, plus les quelques infos qu’elle a sur son passé et les derniers événements, ça interroge un peu. « Pas en train d’essayer de t’enfuir, mais genre… » elle montre les menottes, faisant implicitement référence au fait d’avoir des problèmes avec la police. Sûrement, vu le désamour qu’elle leur porte. « Oh, j’crois que j’ai un truc. » qu’elle dit en bougeant sa brique, dévoilant une petite cavité derrière. Difficile d’accéder à quoi que ce soit avec les bracelets.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

« Heu je... » Elle hésite, elle ne sait pas quoi répondre et, de mon côté, je ne peux que comprendre. Lorsque j’étais dans le même état qu’elle - j’étais plus jeune, certes, mais cela ne change pas grand chose - jamais je n’aurais eu le courage de pousser les portes d’une cure de désintoxication alors, dans un sens, elle en a déjà bien plus que je n’en avais. Rien que le fait d’y penser, de l’envisager et de lancer les démarches, c’est plus que je n’aurais été capable de faire. C’est plus que ce que j’étais prête à faire l’an dernier également et, si Amos ne m’avait pas contrainte et enfermée, j’aurais continué ma descente aux enfers. Je me serais tuée un rail de cocaïne après l’autre. « Ouais, okay. Pourquoi pas. » Une part de moi n’a pas envie d’y aller. Une part de moi ne veut jamais voir les murs d’un centre de désintoxication, même de loin, même si c’est pour quelqu’un d’autre. « Si t’as le temps quoi, je tiens pas à abuser. » - « Le temps c’est pas un problème. » Ce n’est pas à cause de lui que le sujet me tend. « Et pour le reste, je prendrai sur moi. C’est important. » C’est important pour elle, et j’ai à cœur de l’aider puisqu’elle fait vibrer ma corde sensible.

Je crois que je regrette toute ma bonté d’âme à l’instant où le game master - c’est comme ça qu’il s’est présenté - passe une paire de menottes autour de mes poignets. Je jette un regard noir à ma cadette, à l’inconnu qui ferme la porte et nous quitte, et même aux statues posée sur une étagère. « Ça va, c’est pas comme si c’était une vraie arrestation. » Encore heureux. Je déteste la sensation du métal contre mes poignets. Elle me rappelle bien trop de désagréables souvenirs, du drame qui s’est déroulé dans mon ancien appartement jusqu’à mon arrestation avant d’être relaxée, lors des perquisitions de 2015. « Tu t’es déjà retrouvée dans une situation comme ça ? » Je lui jette un regard surpris, me demandant si elle a senti quelque chose ou s’il s’agit simplement d’un coup d’épée dans l’eau, d’une tentative d’engager avec moi la discussion. « Pas en train d’essayer de t’enfuir, mais genre… » Je ne peux être totalement transparente avec elle, mais il y a certaines zones de mon passé dont je peux lui parler. Du moins, je peux lui en livrer la version officielle. Mais pas ici : je jette un coup d'œil au plafond et j’y vois des caméras. Des micros sont certainement également disséminés ici et là, pour nous entendre et pouvoir nous venir en aide. « Quelque chose du genre. » Je désigne du menton le système de vidéosurveillance, avant d’ajouter. « Pas ici. Après. » Là, tout de suite, je regarde autour de moi à la recherche d’une clé. C’est Spencer qui la repère, à peine à sa portée de main. « Oh, je crois que j’ai un truc. » Elle se détache, puis c’est à mon tour.

***

Nous avons réussi à sortir, mais ce serait trop ambitieux de dire que j’y ai pris goût. Si j’ai fait des efforts pour entrer dans le jeu, c’est uniquement parce que je sens que Spencer en a fait beaucoup, des efforts, en me proposant ce genre d’activité. Après ça, j’ai tout naturellement pris les commandes pour lui proposer un verre. Pour ce faire, j’ai choisi un bar chic, discret et calme. L’objectif, c’est de ne pas avoir d’oreilles qui traînent et qui pourraient surprendre notre conversation. « Je suis au regret de t’annoncer que tu ne me feras pas refaire quelque chose comme ça de si tôt. » Une fois nos verres commandés, j’attrape le mien pour m’installer à table. « Mais merci. D’avoir organisé quelque chose pour passer du temps avec moi. » Je m’habitue encore à l’idée de me rapprocher de ma demie-soeur, alors la remercier, c’est un effort honorable de ma part. « Et oui. Pour répondre à la question que tu as posé tout à l’heure. Rien d’aussi folklorique que notre grande évasion, mais j’ai connu une situation du genre. » Bien sûr, elle n’aura qu’une infirme partie de la vérité. « Y’a quinze ans. Je sortais avec un type qui trempait dans des affaires pas très légales. L’appartement dans lequel on vivait a été perquisitionné. » Je passe sous silence les détails du drame qui s’est déroulé dans le dit appartement. « Il louait l’appartement à un pote à lui. Un pote pas plus honnête, même si je l’ignorais. A la mort de mon mec, il m’a pas mise à la porte. Il m’a laissé garder l’appart. » La vérité n’est pas si loin de la version que je lui sers, sauf que je ne campe pas le rôle d’une innocente, dans celle-ci. « Il a été arrêté en 2015. L'appart a été perquisitionné et tous ses biens ont été saisis. J’ai été embarquée et interrogée. » Je hausse les épaules avec nonchalance. « Ce sont pas de bons souvenirs. Mais ils sont derrière moi. »

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

« Le temps c’est pas un problème. » ça l’a toujours été pour beaucoup de monde, rares sont ceux dans l’entourage de Spencer à justement l’avoir pris. Ces personnes là se comptent sur les doigts d’une main et l’idée d’ajouter Raelyn à ce chiffre là, disons que ça la touche bien plus que le fait de faire un escape game avec elle. « Et pour le reste, je prendrai sur moi. C’est important. » clairement, la blonde ne s’attendait pas à autant de sensiblerie. Elles sont encore loin d’être toujours collées l’une à l’autre et n’ont pas non plus une relation fraternelle à se retrouver bras dessus bras dessous, mais il y a un début de quelque chose et ça compte énormément. La plus jeune s’est fait bien des idées sur la façon dont ça allait se passer, mais jamais elle ne se serait imaginée que ça irait si bien. Si la réaction de Raelyn n’est pas celle escomptée, elle fait tout de même l’effort d’aller jusqu’au bout et ne rechigne pas (trop) à la tâche. En même temps, la voir sauter de joie à l’idée de jouer le rôle d’une prisonnière en pleine tentative d’évasion aurait été bien surprenant, mais hé, qui ne tente rien n’a rien. Au moins elle fait l’effort et juste pour le geste, c’est appréciable. « Quelque chose du genre. » la question est sortie un peu trop naturellement. Elle le sait, pourtant, que le lieu n’est pas propice à ce genre de discussion. Les organisateurs voient et écoutent tout ce qui se passe, pour la confidentialité ce n’est donc pas optimal. « Pas ici. Après. » Spencer hoche la tête et se concentre sur sa tâche en cours à la place, acquiesçant sans pour autant jeter un regard dans la direction des caméras. Les clés des menottes trouvées, il ne reste plus qu’à poursuivre la grande évasion.

***

Finalement, elles réussissent à aller jusqu’au bout de l’épreuve largement dans les temps impartis, et si Spencer s’est tout de même amusée, elle n’est pas sûre que ça soit tellement le cas pour Raelyn. Spencer suit jusqu’au bar, trop contente de la tournure des choses pour demander quoi que ce soit d’autre. « Je suis au regret de t’annoncer que tu ne me feras pas refaire quelque chose comme ça de si tôt. » la jeune femme ne peut s’empêcher de rire doucement. Dire qu’elle est étonnée par cette conclusion serait un mensonge, mais au moins elle note l’effort considérable qu’a fait sa demi-soeur. « C’était pas si terrible quand même, si ? » qu’elle demande, l’air innocente au possible. « Mais je comprends, promis la prochaine fois j’te laisse choisir. » elle conclut. Un truc plus simple la prochaine fois sera tout aussi bien, en vrai. « Mais merci. D’avoir organisé quelque chose pour passer du temps avec moi. » « Merci d’avoir accepté de venir. » en tant que mère de famille et boss d’une structure comme le casino, le fait qu’elle ait trouvé un moment dans sa journée pour passer un peu de temps avec sa soeur, c’est déjà énorme. Elles s’installent, et ça redémarre. « Et oui. Pour répondre à la question que tu as posé tout à l’heure. Rien d’aussi folklorique que notre grande évasion, mais j’ai connu une situation du genre. » son intérêt est piqué, à la jeune femme. Elle n’interrompt pas et écoute dans un silence presque religieux. « Y’a quinze ans. Je sortais avec un type qui trempait dans des affaires pas très légales. L’appartement dans lequel on vivait a été perquisitionné. Il louait l’appartement à un pote à lui. Un pote pas plus honnête, même si je l’ignorais. A la mort de mon mec, il m’a pas mise à la porte. Il m’a laissé garder l’appart. » Spencer acquiesce, ne pouvant s’empêcher de songer qu’à cette même période, elle-même n’était encore qu’une petite fille malmenée par le système, tandis que Raelyn trempait déjà dans des histoires sombres malgré son jeune âge. « Il a été arrêté en 2015. Tous ses biens ont été saisis et perquisitionnés. J’ai été embarquée et interrogée. Ce sont pas de bons souvenirs. Mais ils sont derrière moi. » là-dessus, Spencer n’a aucun mal à la croire. Sûrement qu’elle a eu à faire à la justice à d’autres reprises, mais Spencer ne préfère pas insister. Des périodes qu’elle préférerait, elle en a également. « Merde, ouais c’est- Beaucoup. » assez en tout cas pour qu’elle ne pousse pas plus loin pour le moment. Elle est toujours confuse, ne sait pas encore sur quel pied danser et ce qu’elle est supposée en penser. Rien, probablement. Spencer sait déjà que l’aînée a eu des problèmes liés à la drogue, et forcément ce genre d’histoire n’est pas tellement surprenante s’il faut être honnête. Elle a envie de savoir comment l’autre est mort, dans quel genre d’histoire il trempait et, bon, avoir un peu plus de détails, mais retourner le couteau dans la plaie ou trop insister sur ce genre de question peut être un peu mal vu. « L’important c’est que tu t’en sois sortie, quoi. En plus ça va, tu te débrouille pas trop mal. » autant voir le positif de la chose. Elle a rencontré des gens, elle a su tirer son épingle du jeu et aujourd’hui tout semble lui réussir. Un peu le genre de modèle que Spencer aurait aimé avoir plus jeune. « Dis, j’me demandais… Y a plein d’études qui disent que l’hérédité peut jouer dans les heu- problèmes de consommation excessive. » bon ça fait pas tout, mais paraît que ça augmente les chances de développer des addictions ensuite. « Tu crois que c’est lié ? » est-ce que le paternel était un toxico et qu’il a juste refilé la patate chaude à ses gamines ? Qui sait. Si c’est le cas, elle aura tiré le gros lot avec Maureen en plus, Spencer. « ‘fin, je sais pas, si ça se trouve c'est un truc qui a joué pour nous et si on avait été au courant ça aurait pu être évité. » refaire le passé de façon hypothétique, c’est toujours mieux qu’avoir à affronter les conséquences de ses propres actions. Personne lui a foutu de force l’aiguille dans le bras. C’était une décision calculée, pour le fun, qu’ils disaient; un peu, un peu plus et puis beaucoup trop. Et après il était trop tard. « C’est quand même con que notre premier point commun ça soit ça. »

prison blues
Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

Lorsque le serveur prend notre commande, je me tourne vers la blonde pour prendre la sienne et j'ajoute un scotch - mon péché mignon - pour moi. Ce n’est qu’une fois mon verre entre les mains que je passe à table : si je ne lui donne pas une certaine version de la vérité, elle cherchera toute seule, c’est une humain, et je n’ai pas envie qu’elle fasse des découvertes regrettables. Je préfère maîtriser ce que je dis et ce que je ne dis pas, je préfère lui donner assez à se mettre sous la dent pour étancher sa curiosité et lui faire passer l’envie de creuser de son côté. Si je n’aime pas parler de cette partie de ma vie, elle n’est en revanche pas dangereuse tant que je m’en tiens à ce qui est officiel, tant que je me dépeins comme la petite amie qui ignorait tout, puis la protégé qui ne savait rien des activités professionnelles de son logeur. La preuve en est : j’ai officiellement quitté le loft pour emménager avec Amos au moment de l’arrestation de Mitchell il y a un peu plus d’un an. Je n’ai peut-être pas convaincu la police, mais ils n’avaient pas assez de preuves m’incriminant pour me passer les menottes. Et force est de constater que si être une femme et un gabarit miniature n’est pas toujours une force dans mon milieu, c’en est une lorsqu’il s’agit de se faire passer pour plus innocente que l’on ne l’est. Surtout lorsqu’en plus de ça, on est bonne actrice. Spencer ne remet pas en cause ma version des faits, si j’en crois sa mine  déconfite. « Merde, ouais, c’est- Beaucoup. » J’esquisse un sourire, et je balaye tout ça d’un geste de la main. « C’est du passé. C’est le présent qui compte. » Et mon présent, s’il n’est pas aussi rangé et légal que je veux le lui faire croire, il n’est plus source de douleur. Mon présent, au même titre que mon avenir, il est avec Amos, il est également avec Micah. « Je te dis ces choses pour que tu comprennes. Pas pour m’attirer ta sympathie ou que tu aies de la peine pour moi. » Et pour cause : je suis plus heureuse que je ne l’ai jamais été.

« L’important c’est que tu t’en sois sortie, quoi. En plus ça va, tu te débrouilles pas trop mal. » Mon sourire s'agrandit et, alors qu’elle met en lumière mes réussites plutôt que mes difficultés, je ne peux m’empêcher de ressentir une bouffée d'orgueil. J’ai envie de lui confier que je me débrouille même bien mieux qu’elle ne peut l’imaginer, mais je ne suis pas assez vaniteuse pour mettre ma sécurité, celle de ma famille et celle de mon affaire de côté. « On peut dire ça, oui. » J’attrape à nouveau mon verre pour le porter à mes lèvres. Elle est pensive la gamine. Et dans l’attente d’une nouvelle question - je devine qu’elle cherche ses mots - je l’imite en perdant mon regard dans le vide. « Dis, j’me demandais… Y’a plein d’études qui disent que l’hérédité peut jouer dans les heu- problèmes de consommation excessive. » Je fronce les sourcils tandis que mes lèvres quittent mon verre. « Tu crois que c’est lié ? » Mes problèmes et les siens ? « ‘fin, je sais pas, si ça se trouve c’est un truc qui a joué pour nous et si on avait été au courant ça aurait pu être évité. » Je laisse échapper un rire amusé, avant de finalement hausser les épaules. « Je me suis posé la question. » Quand je l’ai rencontrée pour la première fois et quand l’idée de l’aider a commencé à me trotter dans la tête, je me suis demandée si nos trajectoires de vie se ressemblaient autant parce qu’on partageait un lien de parenté. « C’est quand même con que notre premier point commun ça soit ça. » - « Je pense pas que ça soit le cas, pour ce que ça vaut. » C’est un point commun, c’est indéniable, mais mes réflexions m’ont amenée à penser qu’il a tout d’un hasard et pour cause : « Liam et moi, on pourrait pas être plus différent qu’on ne l’est. » Liam, fils chéri prêt à passer sa vie dans la même ville morte, banal au point de travailler au bureau du sheriff et, j’en suis sûre, d’épouser sa petite amie du lycée avant de lui faire quatre beaux enfants. « Et je préfère penser qu’on a d’autres choses en commun. » Elle et moi : il n’est plus question de notre aîné à toutes les deux. « Le fait de savoir s’en sortir. De bien se débrouiller malgré les circonstances. » Elle en est loin, mais elle a fait un premier pas et de ce fait montre bien plus de courage que moi lorsque j’étais dans sa situation. « Me fait pas mentir gamine. » Le surnom est de retour, clôturant ainsi l’instant confessions.

prison blues
Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

En toute franchise, elle ne s’attendait pas tellement à recevoir une confession pareille, Spencer. Un simple “oui” lui aurait suffit. Forcément, elle se serait posée des questions sur les circonstances et tout ce qui entoure l'événement. Là, elle a eu bien plus que prévu et, si elle a encore au moins autant de questions, elle a au moins un début de réponse. « C’est du passé. C’est le présent qui compte. » au moins elle sait se focaliser sur l’instant présent et les projets futurs, Raelyn. Encore une chose dont la blonde devrait prendre de la graine vu son incapacité à voir plus loin que cinq minutes plus tard. Alors Spencer acquiesce. C’est le présent qui compte, et il faut qu’elle réussisse à se mettre ça dans le crâne. « Je te dis ces choses pour que tu comprennes. Pas pour m’attirer ta sympathie ou que tu aies de la peine pour moi. » « Je sais, je sais. » qu’elle dit en se camouflant à moitié derrière son verre. Elle n’a pas l’air d’être le genre de femme à sortir les violons pour attirer la pitié et faire vibrer la corde sensible des gens.

« On peut dire ça, oui. » ça pue la fausse modestie, mais c’est pas Spencer qui va lui faire une quelconque remarque à ce sujet. Elle a toutes les raisons du monde d’être fière ou d’apprécier qu’on pointe du doigt sa réussite et ce qu’est devenu sa vie aujourd’hui. En toute honnêteté, c’est ce que ferait la cadette si les rôles étaient inversés. Se détacher du passé, de certains événements marquants et tout le reste, sur le principe, c’est facile. Il suffit de, comme ils disent tous. Seulement dans les faits, c’est bien plus compliqué et certaines personnes ont bien plus de mal à s’y tenir. Spencer, malgré ce qu’elle en dit, en fait partie. Elle est marquée par son parcours, par ce qui lui a été imposé et par ses propres choix qui ont été plus ou moins lourds de conséquence. Mais tout ça, est-ce que ça aurait pu être évité ? Sur plusieurs points, elles ont un parcours similaire, les deux soeurs. Et à ça, il y a forcément un dénominateur commun, quelque chose qui les liait bien avant que tout ne se casse la gueule. « Je me suis posé la question. » la génétique c’est quelque chose de relativement simple à comprendre et à appréhender, et elle aussi, s’est demandé s’il y avait un lien. A moins que ça ne soit juste Spencer qui cherche une énième raison pour ses propres agissements et qui voit des causes là où il n’en existe pas. C’était une pente, un trajet qu’elle a emprunté petit à petit et sur lequel elle a finit par glisser pour ne plus se relever. Jusqu’à ce qu’on lui tende la main et que, pour une fois, elle ne s’amuse pas à repousser avec force cette aide providentielle. « Je pense pas que ça soit le cas, pour ce que ça vaut. » c’est donc sa conclusion. Ce n’est pas lié, c’est une bête coïncidence, et s’il y a quelque chose à blâmer dans tout ça, ce sont au final ceux qui ont su tirer profit du malheur de pauvres âmes en détresse. « Liam et moi, on pourrait pas être plus différent qu’on ne l’est. » Liam, elle l’avait presque oublié celui-là. L’air de rien, elle serait bien curieuse de voir à quel point sa vie est rangée. De ce qu’elle a pu glaner comme informations et de ce que Raelyn a pu partager, ils ont effectivement l’air d’être aux antipodes l’un de l’autre. « T’as jamais essayé de le revoir ? » s’il n’a pas l’air d’être le plus prévoyant des grands frères, tourner le dos à sa famille juste pour cette raison, ça lui paraît un peu étrange, à Spencer. Et la mère Rose, dans tout ça, elle en a pensé quoi du départ de sa fille ? Sûrement que son avis est un poil biaisé par le fait qu’elle ne s’est jamais retrouvée dans la sienne. Peut-être qu’il y a tout un tas d’éléments qu’elle ignore sur les Blackwell de Charleville. Toujours est-il qu’elle ne compte de toute façon pas y foutre les pieds, c’est bien trop loin et elle a bien trop à faire ici à Brisbane. « Et je préfère penser qu’on a d’autres choses en commun. » le sens de l’humour, sûrement. « Le fait de savoir s’en sortir. De bien se débrouiller malgré les circonstances. » bien se débrouiller, c’est peut-être un peu exagéré le trait. Spencer a su se démerder pour pas trop mal s’en sortir, elle est restée en vie, a fait des choses bien regrettables pour en arriver là. Elle s’est débrouillée, ouais. Mais elle a encore un long chemin à faire avant de pouvoir prétendre bien s’en sortir. « Ouais, on fait au mieux quoi. » au possible. C’est qu’elle n’a jamais visé très haut, Spencer. Pas de grandes ambitions, pas de rêves plein la tête, c’est plutôt le genre de fille qui se laisse porter par le courant et qui avise au fur et à mesure. Le moins que l’on puisse dire c’est que ça ne lui a pas toujours réussi. « Me fait pas mentir gamine. » elle opine du chef, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres au retour du surnom. « Encore désolée pour le traquenard. » elle s’excuse en rigolant. « La prochaine fois j’te laisse choisir. » même si selon toute logique, leur prochaine sortie sera pour visiter un centre ou ce genre de chose. Pas vraiment le genre d’endroit rêvé pour changer d’air et passer du bon temps. Mais c’est nécessaire, il paraît. Elles sont deux à lui dire, alors c’est que ça doit être vrai.