Si je vous dis de ne pas penser à un éléphant, vous allez penser à quoi ? A un éléphant. Depuis que sa mère lui avait soufflé l’idée que Megan n’était peut-être pas aussi innocente qu’elle prétendait l’être depuis le début dans ce mariage, Damon ne savait penser à autre chose qu’au fait qu’Elise avait peut-être raison.

Et il s’en voulait - il s’en voulait énormément -, pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, il s’en voulait d’avoir été si naïf si les faits étaient réellement ce qu’ils semblaient finalement être. Il aurait pu venir douter plus d’une fois de toute cette situation - et en première intention, ça avait d’ailleurs été son premier réflexe. Il aurait pu venir creuser un peu plus sur certains points, il aurait pu venir douter de certaines choses qui lui avaient énoncées. Saül avait-il prévenu Megan, lorsqu’ils s’étaient rencontrés, que son fils était si naïf et facilement aveuglé par n’importe quelle vérité où on venait l’apprécier pour qui il était qu’il serai facile de venir conquérir sa confiance ? Qu’il serait facile de venir le berner, le bercer d’illusions, si simple qu’il ne viendrait plus douter de sa propre réalité ? Son père était-il venu donner ce type de conseils à celle qui était déjà sa femme, qui partageait son quotidien, à qui Damon faisait confiance à tort peut-être ? Car s’il avait été naïf jusqu’alors, le doute qui venait prendre place dans son esprit - et dans son coeur -, le jeune homme n’arrivait pas à s’en défaire. Il était venu remettre en question toutes les conversations qu’ils avaient pu avoir, Megan et lui; toutes les fois où il s’était dit que de toutes façons, ils se trouvaient dans le même bateau; tous les moments où il s’était dit qu’il était presque vraiment chanceux, malgré tout. Il s’était considéré chanceux et désormais, il se dégoûtait seul.

Il venait s’en vouloir d’avance, également, car il ne savait plus maintenir sa confiance en un seul morceau envers Megan. Il sentait qu’elle était en train de s’ébranler, de se fissurer, de perdre en consistance. Il s’en voulait d’en arriver là car si ça se trouvait, ce n’était rien qu’une conversation, une vraie, à cœurs ouverts ne pouvait expliquer. Mais son cœur a lui était déjà rongé par le doute et la culpabilité s’en venant avec ce dernier, alors qu’il n’était pas encore venu confronter la jeune femme. Et il s’en voulait de faire les choses à l’envers, de ne pas lui laisser le bénéfice du doute, de venir croire sa mère plutôt que sa femme - quel type d’homme était-il, à agir de la sorte ?

Soupirant, Damon finit par sortir sur le balcon de leur appartement et par tirer une cigarette de son paquet. Megan ne devrait pas mettre bien longtemps avant de rentrer à son tour - c’était d’ailleurs exceptionnel qu’il soit là avant elle -, et peut-être que cette soirée pourrait avoir une issue presque favorable. La fumée blanche vint rapidement l’entourer, alors qu’il laissait ses yeux fermés pour venir profiter des derniers rayons de soleil de la journée. Cette journée aurait pu s’achever ainsi et tout aurait été bien, tout aurait simple. Cette journée aurait pu être comme toutes les autres - peut-être qu’il se serait essayé à préparer le dîner, ça aurait fait rire Megan alors qu’en réalité, ça aurait mis leurs vies en danger tant la cuisine et lui faisaient plus d’un. Cette journée aurait pu venir s’ajouter aux bons souvenirs qu’ils avaient formé pendant la lune de miel - mais alors que la porte de l’appartement venait claquer en arrière plan, Damon sentait jusqu’à ses fibres nerveuses les plus fines que ce ne serait pas le cas. Il ne vint pas se déloger du balcon, pourtant, peut-être tentant de gagner quelques secondes, un instant ou deux de répit avant de venir mettre Megan au pied du mur et lui à celui de la vérité - surement, peut-être, de toutes façons il n’était plus sûr de rien.

Les pas de la jeune femme finirent par se faire entendre dans son dos, de concert avec le rythme des battements du cœur de Damon.  Il n’était pas bon en confrontations, il ne l’avait jamais été - en grande partie parce-qu’il finissait par fondre en larmes au milieu de ce type de discussions. Il ne reculerait pas aujourd’hui, pourtant. « Comment ça marche du coup, tu vas lui faire des rapports de temps en temps pour savoir où vous en êtes dans vos plans machiavéliques ? Pour qu’il puisse savoir à quel point t’as réussi à gagner ma confiance ? » Il n’avait toujours aucune certitude des propos qu’il avançait - mais prêcher le faux pour savoir le vrai était une technique qui fonctionnait plutôt bien en général.

@megan williams

the moment i knew
Megan Williams & @Damon Williams

Doucement mais sûrement, je replonge dans mes mauvaises habitudes. Certes, je n’ai pas cédé à l’appel de la chair lorsque j’ai retrouvé Scott le temps d’un dîner, mais ce serait mentir que prétendre que je ne l’ai pas envisagé. Suis-je pour autant coupable d’un affront envers Damon ? Notre relation n’est pas clairement définie - c’est ironique, puisqu’elle l’est au yeux de l'État australien et du tout puissant - et il est compliqué de savoir où nos obligations commencent et où elles s’arrêtent. Bien sûr, au fond, je sais que les pensées peu catholiques que je ne peux m’empêcher d’avoir lorsque je pense à Scott et depuis que je l’ai revu ne sont pas raisonnables. Sauf que je suis une femme, une jeune femme de presque vingt quatre ans, une jeune femme qui a un besoin incontrôlable de se voir aimée et désirée et que, si Damon est réellement un garçon merveilleux, il ne m’a pas épousée par amour. Il ne m’a même pas épousée par attrait pour mes formes ou pour le goût de mes baisers. Elle est agréable, l’attention que m’a donnée Scott. C’était doux à l’oreille, de l’entendre manifester son désir sans rougir et en me regardant droit dans les yeux.

Pourtant, lorsque le repas s’est terminé, chacun est reparti de son côté. Je n’aurais eu qu’à battre des cils pour que le brun réserve une chambre d’hôtel, mais au delà de mon égo - il m’a laissée tomber et ne m’a pas donné de nouvelle pendant des mois - un quelque chose qui n’a rien à voir avec lui et tout avec mon statut de femme mariée m’a retenue. Oui, Damon est doux, gentil : quelqu’un de bien qui, la plupart du temps, s’efforce d’être correct avec moi. C’est pourquoi, lorsque je pousse la porte de l’appartement, je suis surprise non pas qu’il soit déjà là - j’ai retrouvé Jo pour boire un verre - mais qu’il s’avance vers moi et m’aborde avec agressivité. « Comment ça marche du coup, tu vas lui faire des rapports de temps en temps pour savoir où vous en êtes dans vos plans machiavéliques ? Pour qu’il puisse savoir à quel point t’as réussi à gagner ma confiance ? » Ma première réaction n’est pas de la peur, de l’angoisse ou de la culpabilité. J’en ressens tant à l’idée d’avoir retrouvé mon ancien amant le temps d’un dîner que j’en ai oublié le père de mon mari, et ce marché que nous avons passé. J’ai oublié que, pendant des mois, j’ai craint que le jeune italien ne découvre la vérité. Dans mon esprit, elle se mélange tant avec l’histoire que nous racontant depuis des mois que je ne sais même plus ce que c’est, que la vérité.

Alors je suis surprise et j’écarquille les yeux en grand. Je l’observe, incrédule, et lorsque je comprends enfin que c’est de Saül qu’il est question et de la place de victime que je me suis donnée dans toute cette histoire, je ne me démonte pas : lorsqu’on me confronte à l’un de mes mensonges, je ne suis pas du genre à fondre en larme, avouer la vérité et me confondre en excuses. Je suis de celles qui nient, qui n’en démordent pas, et qui s’en tiennent à leur version de l’histoire à moi d’être certaine d’avoir été prise la main dans le sac. « Mais qu’est ce que tu racontes ? » Dans les faits, je suis innocente de ce dont le blond m’accuse. Je ne fais aucun rapport à Saül sur la vie que mène son fils et sur l’état de notre relation. J’ai accepté son marché parce qu’il m’arrangeait bien, mais ça s’arrête là. Toutes ces histoires d’équipe et d’être du côté de Damon, je le pensais puisque l’homme d’affaires m’effraye. Mais est-ce que cela fera une différence pour le fils ? « J’étais avec Jo ce soir. Je te l’ai dit en plus. » Ou en tout cas, je suis presque certaine de l’avoir évoqué la veille : j’avais besoin de parler à la brune des choses qui me tracassent et simplement envie de la voir : elle me manquait. « De quels plans machiavéliques tu parles ? » Je ne devrais pas puisque je suis en partie en faute, mais je suis blessée d’être clouée au pilori de la sorte.

Peut-être avait-il simplement été idiot, après tout. Peut-être que toute cette situation pouvait se résumer de manière aussi simple que ça, lui permettent d’accepter la réalité qui commençait doucement à se dessiner devant lui. Il avait été idiot, il avait été naïf - mais il avait surtout été manipulé. Si les craintes dont sa mère lui avait fait part étaient belles et bien fondées, on s’était joué de lui depuis le début et il ne s’était aperçu de rien. Au début, il avait douté, quelque peu. Il était venu monter du doigt les choses qui pourraient ne pas tourner rond, qui pourraient ne pas faire sens. Pourtant, il avait choisi de croire les paroles de Megan, de la voir sincère, et de se dire qu’il avait été paranoïa pour rien. Seul son père était responsable de toute cette situation, était le bandit venant placer les pions qui l’intéressaient aux endroits qui lui semblaient stratégiques. Aujourd’hui cependant, désormais, tout lui semblait différent. Tout lui semblait perdre en couleurs, comme si la pluie venait chasser les nuages de fumée érigés sous ses yeux.

Il n’aurai pas le fin mot de l’histoire sans venir confronter la personne qui se trouvait finalement être au centre de tout ça: Megan. Dans un autre monde, ils seraient venus vivre la plus belle histoire d’amour de tous les temps, auraient vécu heureux et auraient eu beaucoup d’enfants. La réalité n’était pas si belle, lorsqu’elle était examinée avec un peu plus d’attention. « Mais qu’est ce que tu racontes ? » Le jeune italien était désormais tourné vers sa femme, son regard tentant de venir accrocher la moindre de ses réactions. Il n’aimait pas ça, venir mettre les gens au pied du mur, venir pointer du doigt avec autant d’insistance quelque-chose qui ne tournait pas rond. Il préférait quand les choses en venaient à se résoudre d’elles-mêmes, et qu’aucun cri, aucune larme, n’était utilisé. Aujourd’hui ne serait pas une de ces journées là, car il ne comptait pas reculer devant ce léger soucis et que pour ce faire, il ne s’en sortirait pas sans verser quelques larmes. « J’étais avec Jo ce soir. Je te l’ai dit en plus. » Il n’avait pas oublié ce qu’elle lui avait donné comme informations, ce n’était pas que ça qu’il venait appuyer. Damon n’en avait rien à faire d’avoir qui elle passait ses soirées, en réalité, cela la regardait elle et elle seule - Megan n’avait aucun compte à lui rendre. Cependant, cela devenait différent lorsqu’il s’agissait de mentir pour venir faire son petit rapport à Saül. « Avec Jo, oui, bien sur. » Ce n’était pas dans ses habitudes de venir répondre de la sorte, mais il se trouvait blessé à l’intérieur, ses émotions sans dessus-dessous, et ne savait comment mettre tout ça en ordre pour mener une conversation correcte.

« De quels plans machiavéliques tu parles ? » Il vint tirer une bouffée de nicotine sur sa cigarette, attendant un instant pour voir si elle allait continuer sur cette voix là et s’il allait devoir lui prendre la main - et il fut déçu de voir que c’était le cas. « Il faut que j’aille demander à mon père pour avoir des réponses plutôt ? » C’était chose étrange avec les émotions: elles venaient chambouler toutes les choses que vous preniez du temps à mettre en place au quotidien en une fraction de seconde. Ainsi, là où Damon s’appliquait désormais à appeler son père par son prénom lorsqu’il le pouvait - ce qu’il était presque exclusivement le cas avec Megan, en réalité -, tout effort aurait été vain présentement. Car, blessé à l’intérieur, sa femme faisait face ici plutôt à Cosimo qu’à Damon, cet enfant bercé d’illusions qu’on s’appliquait à lui servir depuis sa plus tendre enfance, sans lui demander son avis ou sa participation; cet enfant dont le monde ne cessait de s’écrouler à peine venait-il remettre une pierre à l’édifice. L’utilisation du prénom Saül ne serait donc pas pour aujourd’hui, là où qu’importe les abominations que ce dernier était capable de produire, l’homme restait toujours son père. « Tu sais c’est quoi le pire ? C’est qu’il me dirait la vérité en comprenant que la supercherie ne fonctionne plus. Il me dirait la vérité, lui. » Et il croyait profondément ses paroles, en cet instant, était persuadé que Saül serait tout à fait apte à venir avouer ses péchés s’il était venu lui mettre ces derniers en évidence. Peut-être était-ce une fois de plus parce-qu’il était trop naïf, mais si cela pouvait permettre à Megan de venir lui dire la vérité avec un peu plus de conviction dans le regard, il tentait sa chance. « Mais c’est pas de lui que j’ai envie d’entendre ça. Alors je te repose la question: est-ce que tu t’appliques à lui faire des rapports que comment ça se passe entre nous ? » Et, bon Dieu bien sûr, que les yeux du gamin étaient déjà humides alors que la conversation venait à peine de commencer. Un jour peut-être, il réussirait à mettre ses émotions de côté lorsque les grandes discussions étaient abordées - mais il promettait de le faire uniquement le jour où le monde autour de lui arrêterait de se servir de sa personne.

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Megan Williams & @Damon Williams

Damon est merveilleux. Je l’ai dit à Scott et je le pense, puisque le tempérament du blond n’est pas quelque chose à remettre en question et ses qualités ne laissent pas de place au doute. Je me suis sentie terriblement coupable au début, que quelqu’un comme lui se retrouve coincé dans une tornade créée par quelqu’un comme moi, puis je me suis convaincue que ça pouvait marcher, que nous pouvions nous apporter des choses l’un à l’autre malgré les circonstances de notre rencontre. Je ne suis dit que je pouvais l’aider à tenir tête à son père et que cela ne pouvait lui faire que du bien. Je me suis dit qu’il pouvait m’aider à devenir une meilleure personne. Mais je ne me suis jamais dit qu’un jour je rentrerais et il me regarderait comme ça, qu’il me parlerait comme ça. La douceur a déserté le ton de sa voix et le fond de ses yeux. « Avec Jo, oui, bien sur. » Je fronce les sourcils et recule d’un pas. « Oui, avec Jo. Qu’est ce que t’insinue là ? De quoi tu m’accuses exactement ? » Concernant mes activités du soir, je suis irréprochable et c’est facile, de s’accrocher à cette idée.


Ce n’est que lorsque Damon parle de son père que je comprends qu’il n’est pas question de tromperie ou de devoir se rendre des comptes. Il ne pense pas que j’ai menti pour être avec un autre, il pense que j’ai menti pour retrouver son père. Pour faire quoi ? Comploter dans son dos ? J’ignore de quoi il parle, ce qu’il soupçonne, mais mon coeur bat soudainement un peu plus - trop - vite. « Il faut que j’aille demander à mon père pour avoir des réponses plutôt ? » Je dépose mon sac à main sur le canapé et j’accroche mes mains à ma taille, sourcils froncés, sans le quitter des yeux.  « Tu sais c’est quoi le pire ? C’est qu’il me dirait la vérité en comprenant que la supercherie ne fonctionne plus. Il me dirait la vérité, lui. » - « Je comprends pas ce que tu me demandes mais soit, va demander la vérité à ton parfait paternel. » Chose qu’il n’est même pas, puisque je connais à présent la vérité. Cependant, jamais je ne m’abaisserais à l’utiliser contre Damon. Mais la mention de Saül - dépeint comme le héros et le plus sincère de toute cette histoire - me fait hérisser les poils et froid dans le dos à la fois. Je réalise que même avec toute la douceur dont je suis capable, jamais je ne rivaliserai avec l’homme d'affaires dans l’esprit de mon époux. Et c’est blessant, aussi hypocrite que cela soit puisque je suis loin d’être aussi blanche que je l’ai laissé entendre.

« Mais c’est pas de lui que j’ai envie d’entendre ça. Alors je te repose la question: est-ce que tu t’appliques à lui faire des rapports de comment ça se passe entre nous ? » - « Bien sûr que non. » Je ne l’ai jamais fait. La seule fois où j’ai sollicité l’italien, c’était pour lui demander de mettre dehors l’ancien amant de Damon le jour de notre mariage. Notre complicité a pris fin là. « Je suis de ton côté depuis le jour où on s’est rencontrés. » C’est vrai : tout est dans la façon dont j’ai tourné ma phrase : depuis le jour où on s’est rencontrés. Avant ça pourtant, je me suis rendue coupable de fraterniser avec son père puisque nos objectifs convergeaient. « Pourquoi tu penses le contraire ? Qu’est ce qu’il s’est passé ? » Je me demande ce qu’il sait et à quel point je suis fichue. C’est certainement moche, mais je tente ainsi d’évaluer mes chances de parvenir à rattraper le coup, un moyen de me sortir de cette situation sans avoir à avouer l’entière vérité. Je suis à la recherche d’une pirouette, elles sont ma spécialité. « Saül t’a dit quelque chose ? Comment c’est possible que tu lui fasses encore confiance ? » Dit l’hôpital qui se fout de la charité. « Pourquoi j'ai l'impression que c'est un foutu interrogatoire ? »

Il vit, bien sûr, qu’elle vint légèrement reculer, qu’elle vint mettre une certaine distance entre elle et lui même si elle-même ne s’en apercevait pas. Et il ne pouvait le lui souligner ou lui reprocher quoi que ce soit - il était quelque peu agressif dans ses mots et sa façon de parler, à sa place il aurait sûrement réagi de la même façon. « Oui, avec Jo. Qu’est ce que t’insinue là ? De quoi tu m’accuses exactement ? » Oh, elle avait donc décidé de rester sur ce chemin emprunté et de ne pas venir rendre les choses plus faciles. Dans d’autres circonstances, il aurait trouvé ça brave et honorable; aujourd'hui ce type de comportement venait l’énerver plus qu’autre chose et il se sentait prêt à perdre les pédales à tout moment - en rien comme pourrait le faire son père, mais il sentait qu’en son sein, ses émotions tourbillonnaient et ne lui rendait en rien cette conversation facile de son côté. « Que tu me dis pas la vérité, y’a aucun double sens, rien à deviner d’autre. » Il ne cherchait même pas à faire croire qu’il lui insinuait autre chose, il était transparent - une fois de plus - dans cette situation: peut-être qu’il ne venait pas le relever de la bonne façon, mais il était plutôt clair qu’il pointait des doigts les paroles de la jeune femme et qu’il ne croyait pas un mot de ce qu’elle lui disait présentement. Damon s’en voulait, d’en arriver à agir de la sorte, alors que pas plus tôt que le matin même, l’idée de venir douter des plans organisés par la blonde ne lui serait même pas venue à l’esprit.

Mais il suffisait d’un doute placé au bon moment, par la bonne personne, et tout son monde s’écroulait avec fracas pour Damon. « Je comprends pas ce que tu me demandes mais soit, va demander la vérité à ton parfait paternel. » Il vint lâcher un soupire qu’il ne tenta même pas de camoufler. « Oh il est loin d’être parfait, mais j’ai l’impression qu’il saurait pour une fois me dire la vérité, contrairement à toi. » Il ne considérerait plus jamais Saül comme parfait - car, même si cela lui faisait du mal de l’avouer, Cosimo l’avait pendant longtemps placé sur ce piédestal là. Il venait simplement souligner l’idée que, pour une fois, entre Megan et lui il avait l’impression que ce serait ce dernier qui pourrait lui être un peu plus vrai, un peu plus compréhensif. Sauf qu’en rien il ne voulait en arriver là, Damon, car même si Saül semblait être une porte de secours valable, ce n’était pas celle qu’il désirait emprunter et il préférait venir affronter les flammes avec Megan. Après tout, pour le meilleur et pour le pire n’avaient jamais été des paroles dans le vent aux yeux de l’italien, et il comptait honorer cette partie la de leurs vœux au moins tant qu’il supporterait de voir sa femme lui mentir ouvertement sans aucun scrupule. Car s’il était revenu chez eux avec des doutes, la façon dont elle était déjà sur la défensive indiquait à Damon que ce n’étaient sûrement pas que des doutes qui le rongeaient désormais de l’intérieur.

« Bien sûr que non. » Il vint fermer les yeux un instant: il avait mal au cœur. « Je suis de ton côté depuis le jour où on s’est rencontrés. » - « C'est ce que je croyais aussi. Sauf que j’ai plus l’impression que tu es à mes côtés plutôt que de mon côté, Megan. » Après tout, pouvait-il vraiment la blâmer, si cette version des faits s’avérait être celle de la vérité ? « Pourquoi tu penses le contraire ? Qu’est ce qu’il s’est passé ? » Oh, il vint secouer la tête. Il ne jouerait pas à ce petit jeu là de cette façon là. Il n’était pas venu pour qu’on lui pose des questions, mais pour que l’inverse soit bien vrai et qu’il obtienne des réponses surtout. « Saül t’a dit quelque chose ? Comment c’est possible que tu lui fasses encore confiance ? Pourquoi j'ai l'impression que c'est un foutu interrogatoire ? » - « Parce-que peut être que ça aurait du en être un depuis le début ! » S’il ne vint en rien élever sa voix alors qu’il prononçait ces mots, bien sûr que la première larme vint franchir la barrière de ses yeux à ce moment là - traîtresse qu’il ne mît qu’un instant à balayer du revers de sa main. Dieu, qu’il n’était d’ordinaire jamais gêné de verser une larme mais qu’il aurait préféré que ce ne soit pas le cas présentement. « Peut-être que j’aurais du poser ces questions là plus tôt, peut être que j’aurais du être plus méfiant, je sais pas, à toi de me dire. » Ce qu’il ne lâchait pas et ce pour quoi il était plutôt fier en cet instant, c’était le regard de Megan. Il voulait voir le moment où la vérité s’écrirait d’elle-même dans ses yeux, et où ses mots ne seraient plus d’utilité commune pour qu’il comprenne la situation. « C’est pas Saül qu’est à l’origine de tout ça. C’est moi qui te demande simplement d’être honnête pour une fois s’il te plaît Megan. » Car avec les doutes qu’il avait, elle lui avait menti depuis le jour où ils s’étaient rencontrés, justement. « Comment ça marche entre Saül et toi, dans tout ça, pour le coup ? Comment il peut s’assurer que ta part du marché est respectée ? »

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Megan Williams & @Damon Williams

« Que tu me dis pas la vérité, y’a aucun double sens, rien à deviner d’autre. » La vérité concernant quoi ? Concernant Jo ou, plutôt, la personne avec laquelle j’étais ce soir ? Je n’ai pas menti : c’est bien avec la brune que j’ai passé ma soirée, mais la paranoïa du blondinet a-t-elle quelque chose à voir avec ce dîner que j’ai partagé avec une vieille connaissance il y a quelques jours ? Comment pourrait-il être au courant ? Comment pourrait-il être dans un tel état pour ça ? Son père lui a-t-il parlé de Scott, lui a-t-il dit que nous entretenions une liaison qui n’a pris fin qu’avant le mariage ? Damon sait que j’ai dû rompre avec quelqu’un que je fréquentais à l’époque. Cela ne serait pas une surprise pour lui et, de toute façon, considère-t-il vraiment que nous avons des comptes à nous rendre ? Je repense à mon amertume quand l’autre garçon est apparu dans mon champ de vision au mariage, et je réalise que la réponse est bien plus compliquée qu’un non franc et massif. Non, en théorie.

Je fais de toute façon totalement fausse route. Damon se moque bien de savoir avec qui j’ai dîné plus tôt dans la semaine et il se moque bien de savoir si j’étais bien avec Jo ou pas ce soir. Pourtant, je campe sur mes positions. « Tu veux quoi, son numéro de téléphone pour vérifier mes dires ? » Je suis amère, inquiète, et bouffée par le sarcasme. Si j’angoisse, c’est parce que je sais que je ne suis pas un modèle de vertue, qu’à Damon, j’ai en effet menti. « Oh il est loin d’être parfait, mais j’ai l’impression qu’il saurait pour une fois me dire la vérité, contrairement à toi. » Je laisse échapper un rire jaune avant de planter mes yeux dans les siens. « Tu veux dire comme il l’a fait pendant vingt ans ? » J’ai beau savoir que je suis loin d’être innocente, être comparée à l’homme d’affaires me fait mal au cœur. Contrairement à Saül Williams, j’ai les intérêts de Damon à cœur depuis que j’ai appris à le connaître, depuis que je sais qui se cache derrière l’héritier au nom influent.

« C'est ce que je croyais aussi. Sauf que j’ai plus l’impression que tu es à mes côtés plutôt que de mon côté, Megan. » - « Et moi j’avais l’impression de t’avoir prouvé le contraire. » Je crois en ce que je dis. Sauf que cela ne rattrape pas le fait de ne pas avoir été intègre avec lui, de ne pas lui avoir dit la vérité lors de notre rencontre. Mais si je l’avais fait, il ne m’aurait jamais laissé la moindre chance. Il n’en aurait rien eu à faire de gratter sous la surface pour découvrir la jeune fille que je suis sous ma carapace et il m’aurait collé l’étiquette de l’ennemie sur le front sans me donner la moindre chance de le faire changer d’avis. « Parce-que peut-être que ça aurait dû en être un depuis le début ! » J’ai l’impression d’en avoir passé un le premier jour. Mais je pensais avoir réussi à m’en sortir indemne. « Peut-être que j’aurais dû poser ces questions là plus tôt, peut-être que j’aurais dû être plus méfiant, je sais pas, à toi de me dire. » - « Je sais pas, ça t’aurais apporté quelque chose d’être plus méfiant ? » Au fond du gouffre, je creuse encore. « C’est pas Saül qu’est à l’origine de tout ça. C’est moi qui te demande simplement d’être honnête pour une fois s’il te plaît Megan. » Pourtant si. C’est Saül qui est à l’origine de tout ça. C’est ce que je me suis répété et ce que je lui ai répété pendant des mois parce que c’était plus simple que de faire face à ma propre culpabilité dans l’histoire.

Mais comment ne pas être déstabilisée quand il me regarde avec ces yeux là ? Damon n’a pas la hargne de son père. Il ne me fait pas peur, et il n’a pas non plus la malice que je possède. Ce qu’il a lui, c’est une authenticité et une intégrité qui me serrent les tripes, qui m’empêchent toutes deux de le regarder droit dans les yeux et de continuer à le mener en bateau. N’ai-je pas promis d’être quelqu’un qu’il méritait d’avoir à ses côtés ? «  Comment ça marche entre Saül et toi, dans tout ça, pour le coup ? Comment il peut s’assurer que ta part du marché est respectée ?» Je déglutis difficilement, sous le coup de ses accusations et de leur violence, sous le poids de mon mensonge aussi. La vérité se lit dans mes yeux : j’en suis en tout cas persuadée et je détourne le regard, une seule seconde. Toute ma volonté s’écroule et je rentre à l’intérieur, je me laisse tomber sur le canapé avant de plonger à nouveau mon regard dans le sien. « Ma part du marché c’était de t’épouser. C’est tout. Elle est remplie. » Le reste de ses accusations n’est pas fondé : je ne fais aucun rapport au paternel sur le comportement de son fils. « Je te connaissais pas. J’avais aucune raison de refuser. J’avais rien à perdre. » Le masque de l’innocente s’écroule mais je ne suis pas de celles qui se disent soulagées que la vérité ait éclaté au grand jour puisqu’elles n’ont plus de mensonge à porter. Moi, j’ai peur des conséquences. « Ça change rien à tout ce que je t’ai dit ensuite. » Sur moi, sur lui, sur le fait que j’étais dans son camp et toutes mes promesses. Je ne l’ai pas manipulé. « Je fais aucun rapport à qui que ce soit. Mais je suppose que ça change plus rien à tes yeux. » Parce que je ne suis pas Saül, Auden ou Elise. Parce que je doute d’avoir comme eux un laisser-passer pour lui mentir en toute impunité.

« Tu veux quoi, son numéro de téléphone pour vérifier mes dires ? » Oh, qu’il n’en avait rien à faire en réalité de ce que la jeune femme de l’autre côté du combiné pourrait venir lui raconter. Autant parce-que Megan faisait bien ce qu’elle désirait en réalité de ses soirées, tout autant que parce-qu’il savait que Jo n’avait rien à voir avec la situation. Sa femme ne rendait pas des comptes à son amie, mais bien au père de l’italien et c’était là-dessus qu’il désirait faire le point. « Tu veux dire comme il l’a fait pendant vingt ans ? » Aux mots prononcés par la demoiselle, le regard de Damon vint se voiler d’une ombre, d’un quelque-chose bien plus sombre qu’il n’aurait su seul l’imaginer. Ses mâchoires, l’espace d’un instant, vinrent se serrer davantage également. De toutes les choses sur lesquelles elle pouvait se permettre de s’exprimer, celle à laquelle la blonde faisait présentement référence ne faisait pas partie de cette liste. Ce sujet là était sensible, le jeune homme avait encore du mal à complètement s’exprimer dessus. Quand les jours n’étaient pas mauvais, il savait s’ouvrir dessus, venir en débattre un peu même - aujourd’hui n’avait rien de ces journées là. Aujourd’hui, sans peut-être s’en apercevoir pour le moment, Megan venait de franchir une ligne que Damon ne saurait oublier de si tôt. Peut-être viendrait-elle le regretter, lorsqu’ils auraient tous les deux leurs pensées plus calmes et le premier sujet de discussion éclairci, se rendant compte que sous l’impulsivité et l’émotivité de l’instant, elle était allée un brin trop loin. Mais il ne saurait oublier, lui. La famille était un sujet complexe, dans n’importe quel mariage, mais il l’était d’autant plus dans leur cas à eux. Ils se trouvaient forcément dans des situations où tout ça pouvait devenir épineux; mais ajouter les épines à la rose n’était pas quelque-chose de judicieux. Megan ne pouvait se permettre de faire ce type de commentaire - et Damon fut tant surpris qu’il ne sût venir réagir sur l’instant. De toutes façons, ce n’était pas ce combat là qu’il souhaitait mener ce soir.

Peut-être était-ce ce qu’ils étaient en train de faire aujourd’hui: venir franchir un cap qu’ils avaient trop longtemps laissé de côté, entrer dans tout un pan de leur union qu’ils auraient tous deux sûrement préféré laisser de côté plutôt que de devoir l’affronter. Aujourd’hui il était cependant trop tard, les doutes bien trop ancrés dans l’épiderme du blond et les accusations faites par ce dernier impossible à oublier du côté de la jeune femme, sûrement. Après tout, il venait ouvertement de lui dire qu’il la savait menteuse et qu’il attendait juste qu’elle se dénonce. Qu’importe l’équilibre avec lequel ils viendraient ressortir de cette conversation, ce dernier ne serait plus stable et leur poserait soucis; en cet instant cependant, ce n’était pas sur cette partie la que la concentration de Damon souhaitait se porter. « Et moi j’avais l’impression de t’avoir prouvé le contraire. » - « Le problème c’est que t’étais pas censée me prouver quelque-chose. » S’ils avaient été tous deux réellement dans le même bateau, la demoiselle n’aurait pas dû avoir à lui prouver qu’elle était de son côté car ça aurait été le cas, vraiment, sans artifices. Le fait qu’elle ait du lui prouver que c’était bien comme ça que les choses se déroulaient, qu’elles n’avaient pas de double sens, sans mettre les mots exacts Megan venait de prouver malheureusement a Damon qu’il avait raison, que ses doutes étaient bien fondés d’une façon ou d’une autre. De toutes façons, son corps était venu réagir bien avant lui et il dut se dépêcher de venir essuyer la larme traîtresse qui glissait le long de sa joue. Désormais, il ne savait plus réellement s’il avait envie de connaître l’entière vérité, mais il continuait quand même dans cette direction: il était hors de question de continuer à être le pantin d’un théâtre pour lequel il n’avait pas auditionné. « Je sais pas, ça t’aurais apporté quelque chose d’être plus méfiant ? » Il vint déglutir avec grand peine. « La chute aurait fait moins mal. » Parce-qu’il avait, naïvement - même si cela avait pris un peu de temps -, mais tout son cœur dans cette affaire car de toutes façons, il ne savait jouer autrement, Damon. Qu’importe la situation, il venait y mettre autant du sien que possible, il venait se montrer autant réel qu’il savait le faire, il oubliait de protéger son cœur à tous les coups.

Et si Megan n’avait pas saisi l’amplitude de tout ça jusque maintenant, alors que le regard de Damon ne savait lâcher ses azurs, elle ne pouvait faire autrement en cet instant. Il avait toujours été un livre ouvert, le gamin, mais dès lors qu’il avait décidé qu’il pouvait faire confiance à la blonde - naïf, il avait été -, il n’avait plus cherché à prétendre à ses côtés. Ses émotions étaient exposées sous les yeux de sa femme, et il espérait qu’elle saurait les prendre en compte, qu’elle comprendrait qu’il n’était pas nécessaire de continuer à jouer avec. Il avait compris, Damon - où plutôt, on lui avait pointé du doigt quelque-chose d’étrange et c’était comme si des connexions qu’il ne saurait soupçonner vraies s’étaient faites sous ses yeux -, qu’une fois de plus il n’avait été qu’un pion dans un jeu auquel d’autres jouaient sans son accord. Il désirait simplement que Megan vienne l’avouer désormais à haute voix. Rien que le simple fait qu’elle vienne détourner le regard en cet instant, alors qu’il cherchait à maintenir cette connexion à tout prix depuis les dernières minutes, venait avouer à demi-mots. Une seconde larme s’échappa sur la peau du Williams, mais la demoiselle ne pouvait pas le voir et Damon n’avait plus envie de faire l’effort de venir s’en débarrasser, de toutes façons. Il vint en profiter pour écraser sa cigarette dans le cendrier, et par la suite pour suivre Megan qui se laissait tomber dans le canapé du salon. Ce ne fut qu’à cet instant la qu’elle daigna venir le regarder, dans les yeux - mais le mal était déjà fait. Au moins, elle ne se dégonflait pas complètement et venait mettre des mots sur les vérités qui avaient déjà été dites à voix basse. « Ma part du marché c’était de t’épouser. C’est tout. Elle est remplie. » Avec lenteur, l’italien vint s’asseoir sur la table basse face à sa femme, ne souhaitant pas lâcher son visage du regard. Il souhaitait pouvoir avoir accès à ses réactions pendant qu’elle venait enfin lui expliquer la vérité - car il avait pu voir qu’une barrière de défense s’était effondrée, pour une raison ou pour une autre. « Je te connaissais pas. J’avais aucune raison de refuser. J’avais rien à perdre. » Elle n’avait rien à perdre, tout à gagner. L’inverse de ce qu’il s’était passé pour Damon - il semblait désormais qu’il avait tout perdu dans cette affaire, dans ce complot qui avait été mené dans son dos.

« Ça change rien à tout ce que je t’ai dit ensuite. » Un petit rire, amer, s’échappa d’entre les lèvres de l’italien. Comme si ça pouvait être vrai. « Ah ouais ? » Le sarcasme ne lui allait définitivement pas au teint. « Je fais aucun rapport à qui que ce soit. Mais je suppose que ça change plus rien à tes yeux. » Il vint plonger son visage dans ses mains, soupirant longuement. C’était exactement ce type de conversions qu’il ne pensait pas avoir à subir à ce stade là de leur relation. Il pensait qu’à distance du mariage, ils auraient su se prévenir des pires choses que cette union pouvait cacher. Apparemment, il s’était enfoncé le doigt dans l’œil jusqu’au coude et Megan avait regardé, l’avait laissé faire. Elle était la première témoin de la façon dont ce mariage venait les affecter, l’un et l’autre, et pourtant elle avait décrété que continuer de mentor - même par omission - était la meilleure chose à effectuer. Les doutes du gamin se trouvaient être confirmés, et pourtant le poids sur sa poitrine, lui, semblait toujours bien en place. Pendant une longue minute, peut-être deux en réalité, il vint garder le silence. Dans sa tête, ses pensées ne cessaient de se percuter - et il se refusait à faire état de son cœur et de ses émotions. Et ce ne fut qu’après un long dilemme avec lui-même qu’il vint reprendre la parole. « Il se serait passé quoi, sinon ? » Ses yeux azurs vinrent de bouger accrocher ceux de la demoiselle et son visage. « Si t’avais décidé de l’envoyer se faire foutre ? Et que t’avais pas eu tout à gagner de cette union ? » S’il avait hésité quant à la tangente à prendre pour cette conversation - il n’était d’ailleurs toujours pas sur de cette décision -, peut-être que creuser de ce côté ci de l’affaire pourrait, si ce n’était lui faire comprendre, au moins lui apporter les éléments nécessaires pour qu’il se mette à la place de la jeune femme, presque une année plus tôt. « Qu’est-ce qui se serait passé pour toi si t’avais pas dit oui ? » Des semaines plus tôt, il se serait trouvé incapable d’aborder une discussion d’une telle envergure de la sorte. Aujourd’hui, qu’importe la peine que portait son cœur et le temps qui lui faudrait pour s’en remettre, Megan et lui étaient mari et femme, et aucun des deux ne pouvait s’échapper de ce mariage. Autant venir percer complètement l’abcès avant de claquer la porte de sa chambre, comme lui suggérait son cœur en cet instant.

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Megan Williams & @Damon Williams

Bien sûr, ma remarque sur le mensonge que lui a servi son père - toute sa famille, en fait - pendant toute sa vie est déplacée. C’est cruel et, dans d’autres circonstances (si je ne m’étais pas sentie attaquée sans la moindre chance de me défendre) je m’en serais rappelé et j’aurais empêché les mots de s’échapper de ma bouche. Je ne vais trop loin que parce que je suis sur la défensive et que je me sens insultée de me retrouver systématiquement sur le banc des accusés quand Saül détient quant à lui un laisser passer qu’il gardera certainement ad vitam aeternam puisque son fils l’adulte sans oser l’admettre. Il a beau prétendre que la famille est sacrée, je comprends maintenant qu’il considère simplement son père adoptif comme un dieu qu’il ne pourra jamais égaler. C’est triste, quand on sait quel genre de pourriture est l’homme d'affaires. C’est hypocrite quand, je le maintiens, nous ne serions pas dans cette situation sans ses magouilles. C’est hypocrite aussi de ma part d’être blessée d’avoir été percée à jour : je le suis puisque je sais que malgré toutes mes bonnes intentions par la suite, les apparences joueront contre moi. Damon, il ne m’a jamais laissé la moindre chance. A l’aide de ma mauvaise foi, je m’en convaincs pour ne pas me sentir coupable. « Le problème c’est que t’étais pas censée me prouver quelque-chose. » - « C’est pas l’impression que j’ai eue. » A vrai dire, je n’ai pas grand chose à reprocher à Damon. Si j’ouvrais les yeux et si j’étais honnête, je l’admettrais. Son seul défaut, c’est me traiter comme l’imposteur que je suis. « La chute aurait fait moins mal. » Je laisse échapper un rire jaune, un soupir sarcastique sans le quitter des yeux, avant de faire demi tour pour rejoindre le salon.

Les émotions du blondinet me sautent à la gorge et j’ai l’impression de manquer d’air. Quelques larmes ont déjà roulé sur ses joues et, moi, je n’ai pas le droit de pleurer. Pas dans cette situation. Je passe à table parce qu’il le mérite, parce qu’il ne mérite surtout pas que je lui mente au visage alors qu’il pose des questions précises et dénuées d'ambiguïté. Parce que, quoi qu’il ait fait qui m’a blessée - inviter son ex au mariage - ce n’est rien en comparaison de la duplicité dont il m’accuse et dont j’avoue une partie. Le reste est faux, mais je doute qu’il me croit sur parole à présent. La preuve en est, il me répond avec un sarcasme qui lui va mal au teint mais que je ne peux pas lui reprocher. « Ah ouais ? » - « Je suis pas une actrice. J’ai pas joué de rôle. » Saül aurait pu en embaucher une. Saül aurait certainement fini par le faire si je ne m’étais pas présentée à lui en tentant de lui faire un chantage maladroit, lui offrant l’opportunité qu’il attendait sur un plateau. « Il se serait passé quoi, sinon ? » Je ne comprends pas ce qu’il cherche à faire. Je relève mes yeux vers lui et je fronce les sourcils. « Si t’avais décidé de l’envoyer se faire foutre ? Et que t’avais pas eu tout à gagner de cette union ? » A quoi bon poser ce genre de question ? Du chantage, Saül m’en a fait mais c’était bien inutile au fond. Il m’offrait une opportunité que je ne pouvais pas refuser. La réalité s’est révélée moins belle puisque je me suis bien rapidement sentie emprisonnée dans une cage dorée, mais au départ, le marché avait effectivement l’air gagnant-gagnant. « Qu’est-ce qui se serait passé pour toi si t’avais pas dit oui ? » - « Qu’est ce que ça change ? » C’est de toute façon une bien moindre menace que celle que j’agitais sous le nez de son paternel : si mes trouvailles avaient été révélées, il aurait risqué la prison et aurait été ruiné. « L’homme que je fréquentais avant le mariage était marié. Est marié. Il est agent de stars aussi. » La menace qui découle donc de cette information n’a pas besoin d’être formalisée : Damon peut la deviner tout seul. Le mariage de Scott aurait éclaté et j’aurais perdu ma meilleure source d’informations. « Il a remonté ma piste jusqu’à ma mère également. » Et avec ça, toute mon histoire, les services sociaux et les années d’errances entre familles d’accueil et mère alcoolique et toxicomane. « C’est certainement pour ça qu’il savait que j’accepterais. Menaces ou pas. » Je ne me fais plus passer pour la victime, puisque Damon est en larmes et que je ne peux plus décemment le faire. « J’aurais dû me trouver un nouveau gagne pain je suppose. Et le mariage de Scott, c’est son nom, aurait éclaté. Mais je vais pas me foutre de ta gueule et prétendre que j’en ai quelque chose à faire. » Ce n’est pas Scott que j’ai protégé, c’est moi. Ce n’est pas à lui que j’ai pensé lorsque j’ai accepté de devenir la femme de Damon, c’est au bond que cela me ferait faire dans l’échelle sociale. « Je voyais pas l’intérêt de remuer la merde. » En lui avouant tout ça. Je n’ai menti que par lâcheté. « Et j’aurais été folle de refuser. Pourquoi je l’aurais fait ? » Je le lui ai dit : je ne le connaissais pas. Je n'avais pas pour lui l'affection que je ressens aujourd'hui à son égard.

« C’est pas l’impression que j’ai eue. » Bien sur qu’elle était d’abord venue croire qu’elle devait rendre qu’importe les comptes à Damon. Pourtant, il était honnête sur ce point: elle n’avait jamais rien eu à lui prouver, si ce n’était qu’elle était sincère avec lui et même ça, elle n’avait pas été capable de le faire. Le jeune homme n’aurait eu besoin de rien d’autre, car il comprenait que tout le reste à côté d’eux continuait de tourner, que le monde continuait d’avancer, alors qu’ils se trouvaient coincés dans un mariage dont aucun des deux n’était supposé vouloir. Le doigt dans l’oeil, jusqu’au coude et plus encore - et il ne venait en souffrir que maintenant. Une partie de lui, celle qui n’osait écouter en cet instant, venait tout de même lui faire remarquer qu’il avait découvert la supercherie après seulement quelques mois d’union. Il aurait pu découvrir le pot aux roses bien plus tard, des années même plus tard, alors qu’ils étaient définitivement installés dans leur routine de couple marié - et qui savait, peut-être que Damon serait tombé amoureux d’elle d’ici là. Et ça aurait été pire, les dégâts auraient été monstrueux; au moins, il venait recevoir un coup de poignard dont la lame n’était pas encore bien aiguisée. « Je suis pas une actrice. J’ai pas joué de rôle. » - « Pourtant j’y ai vu que du feu. » Décidément, cette approche ne venait en rien coller avec la personne qu’il était réellement, et rien que de s’entendre parler, il l’admettait en silence qu’il ne voulait en aucun cas venir réagir de la sorte. Il n’aimait pas la situation dans laquelle ils se retrouvaient aujourd’hui, mais ne voyait pas d’autre issue de sortie que celle de venir en discuter, de venir argumenter, et de venir in fine il espérait comprendre comment ils avaient pu en arriver là.

Il avait été naïf, Damon, et il avait été idiot de venir croire sur paroles toutes les histoires qui lui avaient été racontées. Mais il était comme ça et il ne pourrait se refaire en l’espace de quelques mois seulement. Cependant, si Megan en était venue à agir de la sorte, c’était qu’il existait surement une raison qui échappait à l’italien en cet instant. Alors, prenant le temps de venir respirer, de peut-être sans l’admettre se calmer aussi - il ne deviendrait en aucun cas violent comme pouvait l’être son père, mais ses émotions prenaient trop facilement le pas sur ses réactions s’il ne faisait pas attention et il voulait garder au maximum la tête froide pour continuer cette conversion. Il voulait réellement venir à bout des choses qu’il avait à entendre, avant de se laisser aller à ce qu’il ressentait à l’intérieur. Pour sur, les premières larmes qui s’étaient échappées et avaient coulé sur ses joues n’étaient qu’un aperçu de ce qu’il se passerait par la suite pour lui. « Qu’est ce que ça change ? » Les sourcils de Megan, froncés sur son visage, montraient qu’il l’avait quelque peu prise de court avec cette question. Elle s’attendait surement à ce qu’il vienne exposer de façon théâtrale son ressenti et pourtant, le jeune homme avait décidé de venir plutôt chercher du côté de la compréhension et de l’explication. Il y aurait un temps, plus tard, pour venir montrer à quel point il était blessé. « Ca change rien, je veux juste savoir. Je veux comprendre. » Son regard venant accrocher celui de la demoiselle, venant exposer son âme et ses états devant elle sans honte aucune. La raison pour laquelle Megan était venue agir de la sorte ne pourrait jamais lui servir d’excuse, en aucun cas; mais peut-être qu’elle pourrait permettre à Damon de se mettre à sa place et de comprendre, aujourd’hui ou un autre jour, pourquoi elle était venue agir de la sorte. Tout comme il avait attendu d’Angus qu’un jour, lorsque son coeur se serait décidé, puisse comprendre pourquoi il avait agi de son côté de cette façon là également. « L’homme que je fréquentais avant le mariage était marié. Est marié. Il est agent de stars aussi. » Il vint pincer les lèvres. Apparemment, elle avait réellement un penchant pour les situations délicates et compliquées. Mais surtout, ce qu’elle lui donnait comme informations lui démontrait du doigt, de façon détournée, ce qui se serait passé si elle n’était pas venue accepter le marché de Saül: cet agent de star aurait été au coeur d’un scandale à gros titres, et Megan aurait surement suivi sur cette pente là d’une façon ou d’une autre. « Il a remonté ma piste jusqu’à ma mère également. » Son père n’avait donc eu aucune retenue pour mener à bien son idée jusqu’en bout de piste. « C’est certainement pour ça qu’il savait que j’accepterais. Menaces ou pas. »

« J’aurais dû me trouver un nouveau gagne pain je suppose. Et le mariage de Scott, c’est son nom, aurait éclaté. Mais je vais pas me foutre de ta gueule et prétendre que j’en ai quelque chose à faire. » Elle était donc venue accepter cette situation alors que les conséquences de celles qu’elle avait au préalable ne la dérangeaient pas. Elle était vraiment venue tirer au maximum profit de tout ce qu’elle avait à portée de main - Damon dans le même panier. « Je voyais pas l’intérêt de remuer la merde. Et j’aurais été folle de refuser. Pourquoi je l’aurais fait ? » Cette dernière question resta quelques instants en suspens. Effectivement, avec ce qu’elle lui donnait comme informations, Damon ne pouvait contester cette évidence: elle n’avait eu aucune raison de venir refuser l’offre que Saül lui avait faite. Au moment où la situation lui avait été présentée, elle avait tout à gagner - il espérait sans l'avouer que désormais, elle avait quelque-chose d’autre à perdre que simplement les privilèges qui avaient incombé avec son statut de nouvelle membre de la famille Williams. Serait-il venu agir de la même façon, si les rôles avaient été inversés ? Le pire était qu’il ne saurait répondre à cette question; il espérait que la réponse soit positive et qu’il soit doté d’un peu plus de sens morale qu’avait pu en faire preuve Megan lorsqu’elle était venue serrer la main de Saül pour acter leurs affaires, mais il avait grandi avec ce dernier justement, et dans le fond il se savait quelque peu autant pourri que son père - la pomme pourrie dans le panier venait contaminer celles proches d’elle, après tout. Et, comble dans tout ça, il ne s’était jamais retrouvé à une place similaire à celle que la demoiselle avait occupé, si bien qu’il ne comprenait pas en quoi venir se laisser marier à un inconnu pouvait être tentant. « J'avais donc raison, en fait, la première fois qu’on s’est rencontrés. » Il fit en sorte de bien avoir les yeux de Megan en face des siens, de pouvoir soutenir son regard, d’être sûre qu’elle puisse voir la fracture qui était en train de s’établir au fond de son être et qui serait bien compliquée à venir réduire par la suite. « Tu faisais ça que pour le fric. » Et les privilèges, et le statut, et tout ce qui s’en suivait - mais elle aurait compris la référence. La première fois qu’ils s’étaient rencontrés, Damon était persuadé qu’elle ne faisait ça que pour y gagner quelque-chose, et pas seulement pour échapper à une situation dans laquelle elle ne voulait pas être mise en lumière. Avec le temps, il avait fini par cesser de croire son propre instinct et avait placé sa confiance en Megan. Il vint se relever, ne daignant même plus désormais regarder la jeune femme. « J’ai jamais rien attendu de toi. T’aurais pu me dire la vérité dès le début, ça aurait été beaucoup plus simple. » Le balcon fut l’endroit vers lequel il prit la fuite. Car même si cette situation lui était devenue insoutenable et que les larmes se faisaient toujours silencieuses, il aurait pu vouloir s’échapper d’ici; hors, il avait promis que même si le meilleur et le pire venaient à se mélanger, il resterait car c’était ça que le mariage promettait. Il ne saurait venir relever son regard pour voir la trahison inscrite sur le visage de Megan, mais il ne s’évaderait pas de leur foyer pour autant. Ce n’était pas comme ça que les choses se feraient.

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Megan Williams & @Damon Williams

« Pourtant j’y ai vu que du feu. » Mon regard est triste parce que je le suis, triste de constater qu’un mensonge remet en question tout ce qui a suivi. Triste, mais peu surprise par la tournure que prend la discussion : je m’y attendais. Je le craignais et c’est bien pour ça que j’ai retardé l’échéance, retardé au point de me dire que nous n’aurions peut-être jamais à l’avoir. « Parce que c’était moi. J’étais moi. » Parce que je n’ai pas joué un rôle pendant les derniers mois que j’ai passés à ses côtés. Je n’ai pas prétendu être différente pour qu’il se prenne d’affection pour moi, plus douce, plus gentille ou plus docile. Il a eu le droit à du full Megan, depuis le premier jour et j’ai mal au cœur de constater qu’il me regarde à présent comme une inconnue. Un mensonge, est-ce que ça remet en cause tout le reste ? Un mensonge, est-ce que cela remet en cause les bons moments que nous avons réussi à passer malgré les circonstances ? La complicité que nous avons réussi à tisser petit à petit ? « Ça change rien, je veux juste savoir. Je veux comprendre. » Comprendre quoi ? A quoi bon ? Je suis de toute façon persuadée que son passé est trop différent du mien pour qu’il puisse se mettre à ma place. Mentir était la solution de facilité, je l’admets, mais je l’ai fait parce que je n’étais pas son ennemie et que je savais que si j’étais franche, c’est ainsi qu’il me verrait.

Alors je passe à table. Je passe à table puisque, dos au mur, je n’ai plus réellement d’autre choix. Tout est gâché, j’ignore pourquoi ou à cause de qui mais une chose est certaine, il me regarde comme j’aurais voulu qu’il ne me regarde jamais. Il me regarde comme la première fois, comme lorsqu’il a posé les yeux sur moi le jour où son père a arrangé notre premier rendez-vous. Il me regarde comme il regarde Saül et je trouve ça injuste : à partir du moment où nous nous sommes rencontrés, j’ai tout fait pour mettre ses intérêts au cœur de mes préoccupations. « J'avais donc raison, en fait, la première fois qu’on s’est rencontrés. » Mon cœur se fissure encore un peu plus sous le coup de ses accusations. Je le mérite certainement, mais je trouve ça dur que d’être à nouveau projetée à la case départ. Pire encore, puisque maintenant je doute d’avoir le moindre moyen de regagner sa confiance. « Tu faisais ça que pour le fric. » La gorge nouée, la mâchoire serrée et les yeux brillants, je secoue la tête de gauche à droite. Le fric n’est pas une motivation, il est un avantage non négligeable, je ne vais pas le nier, mais s’il ne s’agissait que de ça j’aurais maintenu mes positions : j’aurais exigé de Saül qu’il me paye pour enterrer le scandale plutôt que d’accepter sa contre-proposition. « J’ai jamais rien attendu de toi. T’aurais pu me dire la vérité dès le début, ça aurait été beaucoup plus simple. » - « Rien n'aurait été plus facile. » Pas vu sa réaction. Pas alors que maintenant qu’il sait tout et qu’il me connaît, il résume encore ça à de l’avidité. « C’est pas pour l’argent. Si c’était pour l’argent j’aurais pas accepté. » Saül aurait fini par payer, j’en suis certaine. Il n’aurait pas pris le risque de voir sa vie détruite : il a joué un coup de poker, et ça a fonctionné. C’est trop tard pour l’atteindre. Déjà, il fuit sur la terrasse et je fais mon maximum pour ravaler mes larmes. Je lui donne quelques minutes seul parce qu’il en a certainement besoin, des minutes dont je profite pour me calmer, pour tenter de faire retomber la tempête de sentiments qui fait rage dans mon esprit.

Quand je le rejoins, c’est peut-être déjà trop tard. C’est peut-être déjà trop tard depuis le premier jour, celui où j’ai choisi la facilité. « C’est beaucoup plus compliqué que l’argent. » Il ne sait pas ce que c’est que d’appartenir à rien. La famille de Damon est dysfonctionnelle mais soudée. Ils sont un clan qui semble intouchable de l’extérieur et je voulais ça. « Tu sais pas ce que c’est que de pouvoir compter que sur soi même Damon. » Et il n’aura certainement jamais à apprendre tant les ramifications de son arbre généalogique sont nombreuses. « C’est le bordel dans ta famille, on t'a menti toute ta vie et tu te sens trahi. » Je ne vais pas dépeindre son schéma familial comme s’il était parfait alors que je sais qu’il en souffre et qu’il a morflé, lui aussi. Mais nos situations ne sont malgré tout pas comparables. « Mais pour se sentir trahi, faut déjà avoir quelqu’un en qui placer sa confiance. » Alors, peut-être que d’avoir ”deux pères” et autant de mères est déroutant, mais cela fait autant de figures parentales sur lesquelles se reposer. Moi je n’en ai eu aucune. « L’argent a pas d’importance. C’est ça que je voulais. » Appartenir à quelque chose de plus grand que simplement moi. C’est ça que Saül a vu et qu’il a utilisé. « Je vais te laisser tranquille maintenant. » La mort dans l’âme puisque je déteste rester sur une dispute, des larmes et pas de résolution, mais j’ai le sentiment qu’il en a besoin, si bien que je refais le chemin inverse pour m’asseoir sur le canapé et attraper ma tête entre mes mains.

Le comprendre était une déchirure en soi, mais l’admettre à haute voix était encore pire, il avait l’impression. Megan n’avait été qu’une pâle figure d’elle-même depuis le début, dans le simple but de le duper et de tourner la situation à son avantage. Si son instinct lui avait soufflé que c’était le cas la première fois qu’ils s’étaient rencontrés, et qu’il avait choisi de mettre de côté ce qu’il avait pourtant dès le début deviné, il s’en mordait désormais les doigts. Les choses auraient pu mieux se passer, si elles n’avaient pas commencé de la sorte. Au moins, il ne se serait pas émotionnellement impliqué de cette façon - il aurait fini par le faire, car il ne savait faire autrement, mais au moins il aurait su dans quoi il s’engageait et dans quelles circonstances son coeur allait se faire piétiner. Là, ils tombaient presque des nues, venait se prendre le revers de la médaille d’une amère façon. « Parce que c’était moi. J’étais moi. » Il aurai voulu la croire, de toutes ses forces, malheureusement ces dernières étaient aujourd’hui épuisées, et il n’avait pas le courage de venir en chercher d’autres. S’il venait continuer cette discussion, c’était surtout parce-qu’il voulait digérer cette nouvelle situation en ayant un peu plus de cartes en mains que celles, partielles, qui lui avait été donné jusqu’alors. Cependant, ce n’était pas aujourd’hui qu’il viendrait croire si facilement, si naïvement, Megan lorsqu’elle lui affirmait pourtant qu’elle avait simplement été elle-même depuis le début. C’était facile, de venir dire cela, maintenant que le reste des mensonges avaient été mis en avant. C’était agile, que de tenter de montrer une vérité noyée au milieu d’autres choses complètement inventées, et d’affirmer fièrement que pour une fois, cette partie là n’était pas pipée. Il n’avait pas la force, pas le courage. Il voulait juste comprendre comment elle en était arrivée à agir de la sorte, face à lui qui n’avait rien demandé de tout cela, et mettre fin à cette conversation pour la journée. Au moins, il lui donnait une occasion de venir s’expliquer - et à ses yeux, pour le moment, c’était davantage que tout ce qu’elle méritait. « Rien n'aurait été plus facile. » Que de dire la vérité ? Oh, il connaissait le mensonge comme sa poche, Damon, pour y être de trop nombreuses fois confrontées et il pouvait assurer avec certitude que la vérité était plus simple. « C’est pas pour l’argent. Si c’était pour l’argent j’aurais pas accepté. » Promis, il essayait de comprendre pourquoi elle avait agi de la sorte, il essayait vraiment fort - mais il était aveuglé par la tristesse, aveuglé par la colère, aveuglé même littéralement par les larmes qui menaçaient de mouiller ses joues. Il voulait la regarder et lui dire qu’il comprenait, qu’il saisissait la subtilité de sa situation - mais ce n’était pas vrai, et de toutes manières son coeur ne désirait pas venir accepter les choses avec une telle facilité.

Le jeune italien préféra s’éclipser un instant, s’échapper à la situation. L’air était encore lourd pour la saison, sur la terrasse, mais c’était toujours plus simple à supporter que l’ambiance régnant dans le salon de leur appartement. Le clope se glissa rapidement entre ses lèvres, la fumée s’échappa de ses poumons l’instant suivant. Megan pourrait le dire autant de voir qu’elle le voulait, il n’arrivait pas à déceler la moindre parcelle de vérité lorsqu’elle lui affirmait pourtant qu’elle n’avait pas agi de la sorte pour l’argent. Ce n’était pas possible autrement - oh, il en avait côtoyé des rats, des profiteurs, et c’était toujours l’unique chose qui venait les motiver dans le fond de l’histoire. Entre deux bouffées de nicotine, le revers de sa main servit afin d’essuyer le plus de larmes possible, qu’il ne désirait plus empêcher de couler désormais. A quoi bon ? Il avait toute une réalité à remettre d’aplomb, une fois de plus, et il se sentait dépassé d’avance. Il n’avait pas envie que ce soit le cas, mais se retrouvant au pied du mur il comprenait que le choix ne lui était, encore, pas laissé. « C’est beaucoup plus compliqué que l’argent. » Quand la voix de Megan se fit entendre derrière lui, plusieurs minutes s’étaient écoulées, la deuxième cigarette était désormais entre ses doigts, alors que son regard se perdait dans le vide au delà de la barrière de la terrasse, vers la circulation en contre-bas. Là où ses émotions pouvaient se faire emporter, où elles seraient amenées bien plus loin pour qu’il n’ait pas à les digérer de suite. « Tu sais pas ce que c’est que de pouvoir compter que sur soi même Damon. » Soupirant, il vint faire volte-face afin de pouvoir regarder la jeune femme lorsqu’elle lui parlait. Si elle désirait lui mentir de nouveau, il faudrait qu’elle le fasse les yeux dans les yeux. « C’est le bordel dans ta famille, on t'a menti toute ta vie et tu te sens trahi. » Ses mâchoires se serrèrent. C’était là la seconde fois qu’elle venait remuer un couteau dans la plaie, alors que ce n’était pas nécessaire, et elle avait intérêt à ce que son explication arrive rapidement au point qu’elle tentait de démontrer car ce n’était pas le type de commentaire que Damon allait longtemps lui laisser passer. « Mais pour se sentir trahi, faut déjà avoir quelqu’un en qui placer sa confiance. » Damon aurait préféré que cela ne le touche pas, d’entendre une telle affirmation, le problème étant qu’il avait un coeur et que c’était ce dernier qui était maitre de ses émotions. Il aurait préféré ne pas éprouver de la compassion pour Megan en cet instant, mais il ne savait faire autrement que de comprendre une certaine détresse dans ses paroles, même si elle n’était plus autant d’actualité désormais qu’ils s’étaient dit I do quelques semaines plus tôt. Il ne pourrait nier également que sur ce point, elle avait amplement raison: qu’importe ce qu’il pouvait se passer au sein de la famille Williams, ils seraient tous toujours présents les uns pour les autres, prêts à risquer leur vie s’il le fallait pour soutenir les leurs. C’était quelque-chose de précieux, même si c’était d’une façon tordue que cela se mettait en place, et il pouvait comprendre que cela puisse être envié.

« L’argent a pas d’importance. C’est ça que je voulais. » Il ne présentait pas de mensonges dans les paroles de la jeune femme, mais ce n’était pas pour autant qu’il n’était pas désormais sur la défensive, qu’il ne se méfiait pas de ce qu’elle pouvait lui dire. Si elle lui avait menti pendant tout ce temps, existait-il quelque-chose qui l’empêchait de venir agir comme telle encore maintenant ? « Je vais te laisser tranquille maintenant.  » L’instant d’après, sa silhouette disparaissait derrière le rideau de la baie vitrée et un long soupire venait s’échapper d’entre les lèvres de Damon, mêlé à la fumée de cigarette. C’était justement pour échapper à ce type de situations compliquées qu’ils en étaient venus à se marier, et surtout à apprendre à se connaître avant que ce soit chose faite. Il avait l’impression une fois supplémentaire de s’être fait berner et d'avoir été le seul à jouer le jeu correctement. Ecrasant la fin de sa cigarette dans le cendrier, déjà bien trop plein, il suivit le chemin que Megan avait emprunter quelques instant avant et se retrouva de nouveau dans le salon. Un silence supplémentaire s’installa, alors qu’il observait la blonde se tenir la tête dans les mains. A l’intérieur, Damon était détruit par ses émotions et par le fait de la voir dans cet état là; mais il ne pouvait se permettre de venir se laisser attendrir par une telle vision, et devait continuer de montrer à Megan qu’il était blessé comme peu de fois avaient été permises de le faire. « T’aurais dû me le dire aussi. » Il vint se racler légèrement la gorge, rouillée par la cigarette et les émotions. « Dans tous les cas, t’aurais dû être honnête avec moi. » C’était la seule chose qu’il n’avait jamais attendu d’elle: de l’honnêteté. Et elle s’était contentée de venir se jouer de lui. « Si tu voulais une place à ce point là dans cette famille de fous, je te l’aurais laissé sans soucis. Mais t’as dû comprendre maintenant que finalement, t’aurais peut-être dû faire ça pour l’argent. » Parce-que les Williams présentaient bien. Sous la surface, en revanche, ce n’était pas forcément beau à voir. Lâchant un dernier soupire, Damon s’évada finalement par la suite dans sa chambre en venant fermer la porte d’un coup de clef dans la serrure: il ne désirait en aucun cas que quiconque vienne le déranger ce soir, il avait besoin de temps et d’espace pour venir remettre ses émotions et sentiments et ordre.