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Je suis allé la voir.
Je crois que je vais avoir besoin que quelqu'un vienne me chercher.

Les messages sont envoyés à Talia avant que tu ne perdes ta motivation et le peu de courage que tu as, juste là, avec tes mains qui tremblent. Ce sont les mêmes mains qui enfouissent le téléphone dans la poche de ta veste à la hâte et tu te forces à prendre une profonde inspiration, croisant les bras sur ta poitrine, les coins de ta veste en denim passant sur ta peau laiteuse. Tu pensais que cela serait plus facile cette année. Vraiment. Mais fixer la pierre tombale d'Ana n'est jamais une chose facile et si tu es là, c'est bien sur les conseils d'Althea et personne d'autre. Le mois de Mars est toujours difficile pour vous deux et même pour ta famille, tu te rappelles toujours de ce que tu as perdu quand ce mois-là arrive et l'absence d'Ana dans ta vie, dans vos vies, fait encore moins de sens. Un soir et tout a dérâpé, un seul soir et tous les autres jours ont changé, et si tu pouvais retourner en arrière, tu lui dirais de ne pas sortir ce soir-là, de rester chez elle, de retrouver ses amis dans quelques jours et juste de passer une soirée sur son canapé. A se plaindre de rom com clichées mais en les regardant jusqu'au bout, à réorganiser sa penderie pour la troisième fois parce qu'elle a enfin trouvé une bonne façon, qui fait du sens et qui va avec la vie qu'elle mène.
Tu as un léger rire en y pensant, Ana a toujours nié être une maniaque du rangement et pourtant, même à l'époque de l'université, même comme ça, elle trouvait ses colocataires trop bruyants et trop désordonnés et elle était toujours prêt à arriver avec des grands sacs poubelles, pour aider à trier et ranger. Un bon moyen de relâcher de la pression selon elle, tout en se récompensant avec de la glace à la vanille. Un classique selon Ana et quelque chose qu'elle a passé à Althea, la glace à la vanille, c'est pour fêter toutes les occasions spéciales et pour dire que oui on a gagné. "Tu devrais être là, tu devrais voir notre fille, il y a une réunion parents-professeur à son école bientôt, je sais qu'on va encore l'accuser d'être trop bruyante." Que tu lâches enfin. Oui, c'est cliché, tu parles à une pierre tombale, en sachant très bien qu'Ana ne peut pas t'entendre, tu as surpris Althea en train de le faire, alors pourquoi pas ? C'est un moyen pour la petite de rester en contact avec sa génitrice et de ne pas l'oublier, c'est bien pour cela que vous venez ici non ? Pour ne pas oublier.
Parce qu'il ne vous reste rien d'autre que des souvenirs d'Ana, pas sa présence, pas son rire, plus rien. Un coup de vent vient déranger tes mèches couleur ébène, un peu plus longues que la dernière fois que tu es venu ici, c'est la faute d'Althea encore une fois, elle te préfère avec les cheveux longs, c'est plus marrant et on peut faire plus de choses, alors tu suis les ordres sans broncher. "Quoi d'autre ? Je crois que je t'ai déjà fait un bon résumé la dernière fois... et oui, ma vie amoureuse est toujours vide." Oh tu sais qu'elle aurait des choses à dire sur le sujet, elle a toujours voulu que cela fonctionne pour l'un d'entre vous, si ce n'est pas elle, alors toi. Vous n'avez jamais été doués en matière d'amour et depuis que tu l'as perdue, depuis que tu es tout le monde d'Althea, tu n'essayes même plus. A quoi bon, pas vrai ? Et tu ne veux pas imposer cela à la petite, oui, ce sont des parfaites excuses, mais tant pis. Il faut revoir son sens des priorités quand on est père à temps plein. Oui, de jolies excuses, tu le sais.
"J'ai toujours détesté Mars de toute façon, l'automne arrive, il fait moche et..." Et maintenant, tu as encore plus de raisons pour te dire qu'il faudrait supprimer Mars du calendrier. Pourquoi tu es là ? Pour lui parler, pour apaiser un peu du poids que tu as sur la poitrine depuis le début du mois, et pour te dire encore une fois, que rien n'est juste. Absolument rien. Elle te manque, c'est aussi simple que cela, ta partenaire, ton amie, la mère de ta fille, personne ne pourra jamais la remplacer. Personne. Tu ne sais pas combien de minutes s'écoulent avant l'apparition de Talia, mais tu la vois du coin de l'œil et tu réalises avec un temps de retard que tu as finis par t'asseoir en tailleurs dans l'herbe, peut-être que ce n'est pas très respectueux, mais tant pis. "Hey, merci d'être venue... j'espère que je ne t'ai pas dérangé."

Elle était douée pour se rappeler des anniversaires, Talia. Elle était ce genre de personnes qui notaient soigneusement dans l'agenda de son téléphone les dates d'anniversaires des personnes de son entourage. Que ce soit sa famille, ses amis ou même ses collègues, chacun avait droit à sa petite attention le jour venu. Elle trouvait ça important. Non pas les anniversaires en eux-mêmes. Elle faisait partie de ces gens qui se fichaient pas mal de célébrer ces évènements en grande pompe, cependant, elle savait aussi que ça faisait toujours plaisir, d'avoir au moins une personne qui pense à vous le jour J. Elle se mettait des rappels, pour ne pas oublier. Parce qu'elle était humaine et qu'en trente-six ans de vie, elle en avait croisé des gens. Elle en avait donc tout un paquet à retenir des dates d'anniversaire. Elle avait beau avoir une bonne mémoire, se fier seulement à cela serait le meilleur moyen d'en oublier. Parce qu'elle avait d'autres choses auxquelles penser. Parce que les semaines passaient parfois trop vite et sans ses notifications sur son téléphone, elle se rendrait compte bien trop tard que la date en question était passée. Il y avait des dates cependant, qu'elle ne notait pas dans son téléphone. Des dates pour lesquelles elle n'avait pas besoin de rappel. C'était le cas pour les anniversaires des membres sa famille proche. C'était le cas pour la date d'anniversaire de Rosalie. Ce serait également le cas pour celle de Gabriel, qui était déjà ancrée dans sa tête malgré le fait qu'il n'ait que quelques mois. C'était aussi le cas pour la date du décès de Ana. Elle n'avait jamais eu besoin de la noter, cette date-là. L'atmosphère lui paraissait toujours différent à son approche. Il se faisait beaucoup plus lourd, presque écrasant comme pour souligner qu'elle n'était plus de ce monde. Elle l'attendait, le message d'Abel, elle le sentait, peser au-dessus de sa tête tel une épée de Damoclès. Elle savait à quel point le mois de mars était compliqué pour lui. Elle pouvait le comprendre, même si elle ne pouvait qu'imaginer la douleur qu'il avait pu ressentir quelques années plus tôt. La douleur qu'il ressentait toujours à l'heure actuelle. Elle ne voulait pas s'imposer dans sa vie. Elle ne voulait pas être envahissante. Encore moins durant ce mois difficile. Elle était là pour lui, s'il en avait besoin. Il le savait. Elle n'insistait donc jamais. Lui seul sachant ce dont il avait besoin. Si ça ne tenait qu'à elle, elle ferait bien plus pour lui, mais il était adulte et il était capable de gérer ses propres problèmes. Il savait également où la trouver, il savait aussi qu'il n'avait pas besoin d'en dire beaucoup pour qu'elle accoure. “J'arrive.” Avait-elle simplement répondu à son dernier message avant d'attraper son sac et les clés de sa voiture dans l'entrée. C'était aussi simple que cela. Elle s'était assise derrière le volant et elle avait commencé à conduire jusqu'au cimetière. Elle avait fait un léger détour. Elle s'était arrêtée au drive du premier coffee shop qu'elle avait croisé. La nourriture avait le pouvoir d'apaiser les maux et un peu de réconfort de cet ordre-là n'avait jamais fait de mal à personne.

Quand elle arrive au cimetière, elle sait exactement où aller. Elle repère facilement Abel, assis en tailleur dans l'herbe. Il a l'air de parler. Elle s'approche doucement, elle ne veut pas l'interrompre, ne veut pas venir gâcher ce moment qui est sûrement important pour lui. Elle avance, lentement, attendant qu'il la remarque. Cafés dans une main, sac de beignets dans l'autre. “Hey … C'est normal. Tu sais que tu ne me déranges jamais.” Déclare-t-elle, lui offrant un sourire sincère. Elle pose les cafés par terre, juste devant Abel, parcourant ensuite la pierre de la tombe d'Ana du bout des doigts avant de s'asseoir. Elle mimique la position de son ami, lui faisant face. “Je nous ai amené des petites douceurs.” Dit-elle, tendant l'une des tasses de café au brun avant de lui agiter le sachet de beignets sous les yeux. Ce n'était peut-être pas très conventionnel, mais après tout, se recueillir sur la tombe de son amie alors que l'on n'a même pas encore quarante ans ne l'était pas plus. “Tu tiens le coup ?” Demande-t-elle avant d'ajouter. “Je pense qu'elle serait contente de voir qu'on ne s'arrête pas de vivre en ce moment, même si c'est dur.” C'était une évidence, mais ça valait la peine d'être dit.

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Tu hoches la tête aux mots de la brune et tu as un léger sourire aux lèvres en constatant que Talia n'est pas venue les mains vides. Cela lui ressemble bien, tu l'imagines bien tout lâcher au moment même où elle a reçu ton message, pour s'arrêter dans le café le plus proche et venir ici. Tu devrais te sentir coupable, la jeune femme est très occupée, elle a un métier à temps plein comme le tien et elle a également une petite fille qui est tout aussi pleine d'énergie que la tienne et même si Talia est mariée, même si elle a un partenaire de vie, tu sais qu'être parent n'en est pas moins fatiguant. Et pourtant, elle est là, parce que vous avez ce lien en commun, parce que vous avez eu Ana en commun à un moment donné et que tu as bien failli rougir au moment où tu as compris que ta meilleure amie et ton crush pas du tout assumé des années lycée étaient amies. Cela a bien fait rire Ana, tu as encore son rire en mémoire d'ailleurs et tu t'y raccroches, jetant ton dévolu sur un des beignets que Talia t'a apportés et marmonnant un bref : "Merci..." parce que c'est tout ce que tu peux dire pour le moment sans passer pour la personne la plus malpolie du monde et que pour le coup, tu es sincère. Elle te pose la question qui fâche et si tu fronces les sourcils dans un premier temps, tu préfères te concentrer sur la pâtisserie pendant un temps et tu prends une bouchée, probablement avec un peu trop d'entrain. Tu préfères mâchouiller plutôt que d'admettre que non, tu ne te sens pas bien, que tu ne sais pas si venir ici était une mauvaise idée ni comment tu vas faire face à Althea dans quelques heures.
Cela te parait impossible dans la présente et tu finis par avaler, haussant les épaules la seconde suivante. "Oui ? Non ?" Aucune raison de mentir à Talia, elle te connait, ce n'est pas le premier mois de Mars épineux qu'elle te voit traverser et pourtant, tu n'as pas plus de réponses. Si tu es censé gagner en maturité, ce n'est pas encore le cas et tu te demandes parfois si quelque chose ne cloche pas chez toi. Ce qui ne te ressemble pas du tout, tu es beaucoup plus assuré que cela en temps normal, tu ne fonces pas tête première non mais tu fais ce qui te plait sans grande hésitation et tu t'interroges après. Tu prends une autre inspiration, te disant que Talia mérite plus que cela et que tu peux réussir à mettre de l'ordre dans tes pensées. Si on t'a conseillé de consulter un professionnel après la mort d'Ana, tu n'es jamais allé t'asseoir sur un canapé, tu n'as jamais laissé la détresse complètement te happer. Tu ne peux pas, pas quand quelqu'un dépend entièrement de toi, c'est impossible dans ce cas précis."C'est dur ouais... c'est plus que cela, elle me manque tellement si tu savais, si je pouvais retourner en arrière et changer les choses, je le ferais, je prendrais sa place sans hésitation." Que tu affirmes, ce n'est pas la première fois que tu le penses, ou même que tu le dis et si on t'accuse souvent d'avoir une pensée affreuse, parce que tu as une vie bien remplie, des parents là pour toi, une petite fille qui s'épanouit et grandit au jour le jour, une carrière qui te convient et qui te plait... quand tu fais le constat de toutes les choses qui devraient te faire sourire, tu ne peux pas vraiment t'empêcher de te sentir coupable. Pourquoi toi pas vrai ? Cela ne fait pas vraiment de sens, cet accident aurait pu arriver à n'importe qui d'autre.
"Et je ne dis pas ça de manière dépressive, je sais que j'ai de bonnes raisons de vivre et de continuer de faire des efforts mais..." Mais, il y a toujours ce mais qui revient, toujours ce sentiment qui te noue la poitrine quand tu prends une photo d'Althea, quand tu mets la petite dans son lit après une longue journée ou justement qu'elle te raconte ses derniers exploits sur le banc de l'école... toujours, il manque quelqu'un, Ana devrait être là, à s'émerveiller aussi, à se poser des questions, à douter également. "Cela me parait injuste que je puisse passer tous ces moments avec Althea et pas elle. Elle va manquer tellement de choses." Que tu conclus enfin, avec un autre soupir, cette fois-ci quand tes mains se portent sur le beignet, tu ne prends même pas de bouchées, le cœur n'y est pas vraiment maintenant que tu y penses. Tu apprécies le geste mais autant ne pas faire semblant.

“T'as pas à me remercier.” Lui répond-elle, à peine a-t-il prononcé son remerciement. Elle ne s'est pas forcée pour venir ici. Elle n'a pas eu à faire de choix cornélien non plus. C'était normal pour elle. Normal d'être là aujourd'hui. Normal d'être présente pour Abel. Ana était leur dénominateur commun. C'était elle qui les avait unis à l'époque et c'était elle aussi qui avait contribué à leur amitié naissante. Le fait qu'elle n'était plus là aujourd'hui ne voulait pas dire que Talia n'appréciait plus Abel. Ca ne voulait pas non plus dire qu'elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui. Avec les années, Abel était devenu un ami pour elle au même titre qu'Ana et il était inimaginable pour elle de laisser son ami seul alors qu'il était dans une période difficile. C'était pour cela qu'elle avait rappliqué, aussi vite que possible. Pour ça aussi qu'elle avait pris le temps de s'arrêter au premier café qu'elle avait croisé sur sa route. C'était plus fort quelle. Elle était persuadée qu'il était plus facile d'affronter n'importe quelle épreuve avec quelque chose de bon à se mettre sous la dent. Alors, à défaut d'avoir le temps de cuisiner un plat dont elle seule aurait le secret, des beignets et une bonne tasse de café feraient l'affaire. Si la nourriture était un des cinq langages de l'amour, ce serait le sien sans aucun doute. Venait ensuite sa capacité à écouter et à trouver les mots justes sans pour autant se vouloir trop optimiste. Elle savait que certaines situations étaient ce qu'elles étaient et que même si elle tentait d'y voir du positif, il ne suffisait pas à contrebalancer tout ce qui n'allait pas.

Elle n'y va donc pas par quatre chemins avec Abel. Parce qu'elle le connaît. Parce que ce n'est pas son premier mois de mars sans Ana et qu'elle a eu l'occasion de le voir traverser cette période tant bien que mal à trois reprises déjà. Elle sait d'avance que ça ne va pas fort. Elle ne serait pas là sinon. Il ne l'aurait pas appelée pour qu'elle vienne le chercher. C'est sans doute pour ça aussi que Abel n'invente pas un mensonge. Qu'il ne lui dit pas que ça va alors que son cœur s'est brisé en mille morceaux quand Ana est morte. Il n'y a pas de ça entre eux. “Ce serait le souhait de tout le monde je crois.” Déclare-t-elle. Elle ne pourra jamais dire qu'elle sait exactement ce qu'il ressent. La seule chose qu'elle peut faire c'est imaginer et même cela ne s'approche pas vraiment de la réalité. Cependant, elle tente de se mettre à sa place, autant que possible. “Tu sais qu'elle te laisserait jamais prendre sa place par contre.” Parce que si Abel aimait Ana. Ana aimait Abel tout autant et que si les rôles avaient été inversés, Talia était certaine qu'elle aurait exactement la même conversation avec son amie à cet instant précis. Ils étaient parfaits ensemble. Ils se complétaient et formaient une équipe plus que solide. Talia s'était toujours dit qu'ils finiraient leur vie ensemble. “C'est injuste. Pas que toi tu puisses profiter de ces moments avec Althéa et pas elle, mais qu'elle ne puisse pas en profiter tout court.” Qu'elle déclare. C'est la situation en elle-même qui est injuste. C'est la mort d'Ana qui est injuste. Pourtant, Talia n'est pas du genre à espérer que ce soit arrivé à quelqu'un d'autre plutôt qu'à ses amis. Jamais elle ne dirait qu'elle aurait préféré que ce soit quelqu'un qu'elle ne connaissait pas plutôt qu'Ana. Non, Talia elle aurait préféré que cet accident n'arrive à personne. Si elle pouvait revenir en arrière et changer quelque chose, elle ferait tout son possible pour qu'il n'y ait pas d'accident. “C'est pas juste qu'Althéa doit grandir sans l'un de ses parents. Si la situation avait été inversée, ça n'aurait pas été plus juste.” Le plus juste aurait été que la fillette puisse grandir avec ses deux parents. Qu'ils soient tous les deux là pour la voir avancer dans la vie et franchir de nouvelles étapes. La vie en avait décidé autrement. Peut-être qu'il y avait une raison à tout cela ou peut-être pas. Peut-être que ce n'était qu'un coup du sort qui n'aurait pas pu être évité. Ce n'était pas le genre de choses auquel on obtenait des réponses. Il fallait faire avec et avancer coute que coute. “C'est justement parce qu'elle est pas là pour toutes les étapes importantes dans la vie d'Althéa qu'il faut que toi tu les vives à fond. Faut que tu les vives pour deux, aussi cliché que ça puisse paraître." Ajoute-t-elle, avant de boire une gorgée de son café. "Ça ne la ramènera pas, ça donnera pas non plus l'impression qu'elle est là, mais je suis sûre que ça aurait été important pour elle. La seule chose qu'on peut faire maintenant c'est continuer à la faire vivre dans nos cœurs." Ca ne faisait pas tout, mais il fallait composer avec ce que la vie leur donnait. “Ca veut pas dire que t'as pas le droit d'être triste et qu'il faut faire comme si elle te manquait pas, c'est normal de ressentir toutes ces choses. C'était tout pour toi.” Finit elle.

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Avec Talia et ici en particulier, tu peux admettre des choses que tu ne dis jamais à voix haute et encore moins devant les autres. Certainement pas devant Althea, encore moins devant tes propres parents et pas devant des collègues de travail ou tes amis, non. Ce serait trop honteux de dire tout cela, on t'accuserait très certainement de dire des horreurs et personne dans ton entourage proche ne sait ce que cela fait de perdre quelqu'un de la sorte. Non pas que tu veuilles les blâmer pour cela, non, ils ont eu des vies heureuses et tu serais bien hypocrite de leur reprocher cela, bien au contraire, c'est juste que certains manquent de perspective et tu n'as pas envie qu'on te ressorte des conseils bateaux. Et ce même si on s'inquiète vraiment pour toi. Au moins, Talia ne risque de pas te juger et dans un sens, elle comprend mieux que personne, elle l'a déjà prouvé par le passé, elle le prouve encore en réalité. Plutôt que de te dire de faire un sourire, elle est là avec toi, à tenter de faire du propre avec le brouillon que tu lui donnes et de mettre de l'ordre dans ton cœur blessé. Plus que blessé même, même si Ana et toi vous n'étiez pas vraiment un couple, tu n'as plus jamais laissé quelqu'un rentrer dans ta vie de cette façon, tu te dis que cela ne serait pas juste pour l'autre personne et puis, tu n'as pas envie de la remplacer.
Le souvenir est encore trop frais pour toi et ce si quelques années sont passées par ci et par là et Talia résume très bien la situation et tu hoches la tête, ajoutant un : "Oui, c'est complètement injuste en réalité." Parce qu'elle a raison, Ana n'aurait pas souhaité que tu prennes sa place, du tout. Elle voulait ce qu'il y a de mieux pour toi, pour Althea, elle était ta fan numéro un, un véritable ange sur ton épaule et il est difficile de faire sans elle. Tu sais que tu dois tout faire pour tout vivre à fond et faire en sorte que ta fille ne manque de rien, d'absolument rien, cependant, souvent, le cœur n'y est pas, parfois, tu es content d'être un aussi bon acteur parce que tu peux cacher la peine et la tristesse que tu ressens en sachant que ta fille grandit avec un seul et unique parent. "Je ne sais pas, parfois je me dis que ce serait sans doute plus facile si elle avait une mère dans sa vie, une femme constamment-là qui pourrait un peu mieux la comprendre et répondre à toutes ses questions... et oui je sais, c'est complètement réducteur de dire cela mais..." Tu sais que ce n'est pas non plus correct de dire cela et que ça diminue tellement ton rôle de père, mais plus Althea va grandir et plus les expériences que vous allez partager ensemble, dont tu pourras l'avertir et lui expliquer, elles vont devenir de plus en plus rares.
Il suffit de voir la fois où elle a abordé la question de petit-ami et tu t'es presque décomposé, si cela n'avait pas été pour la présence de Yasmine, tu aurais eu du mal à garder une attitude calme et réfléchie. Oui, il te manque un véritable partenaire, un allié parfois, quand tu es trop fatigué et que tu es sur le point de jeter l'éponge. Ce n'est pas très rassurant et ce n'est pas un futur que tu veux pour Thea, son papa trop fatigué pour s'occuper d'elle... et oui, tu penses en extrême là tout de suite. "Je ne peux pas vraiment empêcher ce genre de pensées." Que tu marmonnes, avant de prendre un bout du beignet que tu as fini de découper en petits morceaux pendant tes réflexions. "Ou le fait qu'elle me manque vraiment." Tu hausses les épaules, tout ceci est difficile à naviguer et tu mâches faiblement, avalant enfin et te tournant vers Talia. Tu lui offres un maigre sourire, parce que vous êtes tous les deux affectés par cette perte.
"Tu sais ce qu'elle dirait, si elle nous voyait là, pas vrai ?" Tu peux déjà entendre la brune dans ta tête, elle remercierait Talia pour le café, l'enfilerait de traite avant de déclarer qu'il vous faut beaucoup plus de beignet et qu'elle connait l'endroit parfait pour se fournir en petites douceurs. Le tout avec un sourire aux lèvres et en faisant tournoyer les volants de sa jupe au passage, une habitude dont Althea a hérité. "Qu'on n'est absolument ridicule et qu'on ne devrait pas perdre notre temps ici, elle nous trouverait quelque chose à faire pour les prochaines et heures et hop... on repartirait avec un sourire sur le visage." Tu laisses échapper un léger rire, parce que tu peux la voir le faire, parce que tu es triste que la seule façon dont elle va exister maintenant, c'est dans vos souvenirs, c'est lorsque vous parlez en hypothèse, et rien de plus.
"Elle était douée pour remonter le moral des gens." Tu marques une pause, avant de te tourner vers Talia, prenant une décision. "Tu sais quoi, on devrait faire ça… ce qu’Ana aurait voulu et pas se morfondre ici… elle n’approuverait pas. Qu’est-ce qui serait la chose la plus Ana à faire là tout de suite ?"

Elle fait oui de la tête, Talia. Avant toute réponse orale, elle hoche la tête de haut en bas, vigoureusement. Parce qu'elle n'était pas du genre à acquiescer pour tout, tout le temps. Alors quand Abel dit qu'il serait sans doute plus facile pour Althéa d'avoir une mère à ses côtés et qu'il ajoute que c'est une vision un peu réductrice, elle ne peut qu'acquiescer. Elle ne peut que confirmer ce dernier détail, là où d'autres auraient peut-être cherché à rationaliser pour le conforter dans ses idées. Elle n'est pas d'accord sur le fond Talia. “C'est très réducteur même et je t'assure que c'est pas la réalité.” Lui répond-elle, même si elle ne se sent pas particulièrement légitime pour donner son avis à ce sujet. Elle qui a grandi avec ses deux parents et peut encore profiter de leur présence. Elle qui élève sa fille avec son compagnon, espérant au plus profond d'elle que Maya n'ait pas à vivre un deuil prématuré. Elle ne peut pas se mettre à la place d'Abel. Encore moins à celle d'Althéa, mais elle n'a pas l'impression que si la situation avait été inversée cela aurait été plus facile pour la fillette. Elle admirait d'ailleurs Abel pour cette raison, parce que malgré le drame qu'il avait vécu, il avait réussi à tenir le coup, pour sa fille, remplissant aisément autant le rôle de père que le rôle de mère. Il n'avait rien à envier à personne quant à la manière dont il s'occupait d'Althéa. “Tu t'en sors à merveille, même si je suis sûre que c'est compliqué et que t'as l'impression qu'une mère se débrouillerait peut-être mieux, mais de l'extérieur, je t'assure qu'il y a vraiment rien que t'as besoin de faire en plus ou différemment.” Ajoute-t-elle. Et ce ne sont pas des paroles qu'elle dit comme ça pour lui faire plaisir ou le rassurer en ce jour particulièrement compliqué. Elle le dit parce qu'elle le pense sincèrement. Parce que pour elle, ça crève les yeux. Si seulement Abel pouvait s'en rendre compte lui aussi. Certes, ça ne changerait pas tout, mais ce serait sans doute un début. “T'as pas à empêcher toutes ses pensées, je pense que c'est impossible de toute façon. Ça fait partie du rôle de parent. Si tu te remettais jamais en question, si tu doutais jamais, c'est là qu'il y aurait un problème à mon sens.” S'il était trop sûr de lui, s'il était certain de tout faire parfaitement, tout le temps, ce serait justement à ce moment-là qu'elle lui dirait de faire attention, de vraiment prendre le temps de réfléchir et de s'assurer qu'il fait vraiment les choses aussi bien qu'il le pense. Le fait qu'il doute et en vienne à se dire qu'une femme serait peut-être mieux placée que lui pour remplir ce rôle était pour elle la preuve ultime qu'il était le meilleur père possible pour Althéa. Il n'était pas parfait, c'était à prévoir. Personne ne l'était. Elle n'était pas une mère parfaite. Au même titre que Mason n'était pas un père parfait non plus si elle portait un regard objectif sur la question. Être parfait n'était pas l'objectif de toute façon. Il suffisait de faire de son mieux et de toujours chercher à s'améliorer tout en apprenant de ces erreurs. Le bonheur des enfants ainsi que leur épanouissement étaient les indicateurs que la mission était réussie. C'était donc aussi simple que cela.

Il fallait cependant composer avec tout un tas de choses. Pour Abel, ça commençait par le manque et la perte d'Ana. “C'est normal et ça peut paraître défaitiste et pas du tout ce que tu souhaites entendre, mais elle te manquera toujours, d'une manière ou d'une autre. Alors, t'as pas vraiment le choix, tu dois vivre avec.” Bien sûr, il y aura forcément un moment où le manque ne se fera plus sentir de la sorte. Ou ce sera comme un petit poids dans son cœur, qui sera toujours là, en arrière-plan, se manifestant plus clairement dans certaines situations. Cependant, ce ne sera plus aussi présent que ça pouvait l'être maintenant. Il devait donc continuer à avancer tout en cultivant la mémoire d'Ana et les souvenirs qu'ils avaient pu partager. “Je peux entendre sa voix dans ma tête nous dire exactement ça et j'imagine aussi très bien le regard qu'elle aurait à ce moment précis. Tu sais, celui qui veut dire, ‘qu'est-ce que vous attendez pour bouger ?'” Lance-t-elle en souriant. Elle a toujours le sourire, Talia, quand elle repense à Ana. A sa personnalité solaire et à son dynamisme légendaire. La jeune femme avait toujours eu le don d'illuminer la journée de tous ceux qu'elle croisait sur son chemin et c'était ce que Talia avait décidé de se remémorer dans les moments un peu plus difficiles. “Elle savait toujours trouver les bons mots. C'était inné chez elle. A croire que son but sur terre c'était de rendre les gens heureux.” Ajoute-t-elle, comme une conclusion avant de boire une gorgée de son café. Tournant légèrement la tête vers la tombe de son amie. Comme si elle avait besoin d'un instant pour réfléchir à ce que serait la chose la plus Ana à faire. “Hum, pour commencer, partir d'ici. Ensuite, il fait beau, alors ce que je propose c'est qu'on aille faire un peu de shopping pour préparer une petite soirée. Si ça te dit de dîner à la maison avec Théa, on fera un barbecue, tranquilles pour passer un bon moment. On pourrait aussi acheter quelques lanternes pour les lâcher ce soir quand il fera nuit, à la mémoire d'Ana.” Propose-t-elle, laissant un silence pour laisser le temps à Abel de réfléchir à sa proposition. "Plutôt que de penser à tout ce qui nous manque depuis qu'elle est plus là, on pourrait peut-être célébrer tout ce qu'elle était ?” Ajoute-t-elle comme conclusion.

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Au moins, tu auras pu vider ton sac aujourd’hui, car Talia possède beaucoup de talents et celui d’écouter sans limite a toujours fait partie de la liste. Tu crois que c’était ce qui plaisait le plus à Ana et tu te dis qu’elle avait totalement raison pour le coup et tu parles avec plus de liberté que ces dernières semaines et probablement plus que tu l’aurais fait sur le canapé d’un thérapeute. Oui, on te l’a conseillé et même beaucoup recommandé, à toi, à Althea, pour gérer cette perte conséquente et pour t’assurer que tu ne passerais pas des vilaines habitudes à ta fille ou des séquelles qu’elle ne pourrait jamais oublier. Cela t’a fait peur pendant un temps, cependant, te livrer à un parfait inconnu, et ce même s’il est professionnel à souhait, ce n’est pas ton genre du tout. Tu te connais assez pour savoir que tu poserais ton lot de questions à la personne que tu auras en face de toi, histoire d’en faire un allié et un ami précieux. C’est comme cela que tu fonctionnes, tu n’as pas de filtre, tu n’as jamais été timide ou nerveux, quand on te présente quelqu’un, tu es le premier à te plier en quatre pour en apprendre plus sur la personne. Pas pour les percer à jour, mais pour dresser un bon portrait et parce que tu adores apprendre à connaitre les autres, parce que tu estimes qu’être trop renfermé, c’est fermé son horizon et ne pas s’ouvrir à des possibilités. Non, tu n’es pas religieux, tu restes ouvert d’esprit et aller vers les autres est la première partie de cette équation.
Donc tu es beaucoup plus à ton aise ici, à te confier à quelqu’un que tu connais, quelqu’un qui partage la même peine et en sachant que vous allez peut-être pouvoir en faire quelque chose. Talia a même les bons mots et si les rôles avaient été inversés, tu te demandes quel genre de maman célibataire Ana aurait fait, si elle aussi elle se serait retrouvée acculée par la pression et les petits problèmes du quotidien. Cela aurait la même problématique, mais inversée, Talia a totalement raison sur ce point. "Oui, je suppose que tu as raison, cela fait parti du rôle de parents… il faudrait vraiment que quelqu’un prévienne les gens avant qu’ils décident de se lancer dans tout ça !" Que tu dis avec un léger rire, Talia comprendra vu qu’elle est mère également, d’une fille aussi, elle est accompagnée au quotidien mais le challenge reste le même : élever une petite fille le plus épanouie possible. Et il n’y a pas de formule magique, c’est ta propre fille qui t’a conseillé de venir ici aujourd’hui, elle s’inquiétait pour toi. Les enfants voient absolument tout, ils sont de très bons juges et peu de choses leur échappent, tu voudrais protéger Althea du monde, ce n’est pas possible, tout ce que tu peux faire, c’est aller de l’avant. Tu es content d’être venu ici aujourd’hui, il faut que tu cesses de voir la pierre tombale d’Ana comme l’ennemi, ce n’est qu’une représentation de ce qu’elle a été, de sa mémoire et de tous les gens qu’elle a touchée de son vivant.
Talia en fait parti et quand elle parle de la brune et de son regard convaincant, tu laisses filer un léger rire, voyant l’expression en question. "Oh tu veux dire, ce regard-là…" Tes deux mains trouvent tes hanches et tu reproduis l’expression que tu connais par cœur, qui a régi ta vie pendant un temps et que tu vois parfois sur le visage de ta petite fille. "Je ne le fais pas aussi bien, mais Thea commence à devenir une experte, si si." Après tout, la petite n’est que le résultat d’Ana et toi, ce serait étrange qu’elle ne reproduise pas quelques expressions de sa mère, très étrange même. La proposition de Talia est trop tentante pour être ignorée, cela parait être le bon compris, tu aurais dû y penser plutôt que de te morfondre et tu connais une petite fille qui va également adorer l’idée. "Cela me parait être le plan parfait, une célébration plutôt qu’autre chose, c’est tellement… Ana." Tu n’as pas d’autre mot pour le résumer et pour prouver ta motivation, tu te redresses, sur tes deux pieds à présent et tu tends la main à Talia, pour l’aider à se relever elle aussi, vous avez tout un après-midi de préparation qui vous attend. "Merci d’être venue à mon secours." Que tu dis avec un sourire quand la brune est de nouveau sur ses deux pieds, elle t’a tiré d’une très mauvaise passe et tu espères que tu pourras retourner la pareille un jour. "Et avant que tu ne refuses, j’insiste pour payer ma part hein, je te vois venir, je sais comment tu fonctionnes depuis le temps !" Et parce que cela te parait plus juste, surtout si elle décide de jouer les hôtes.
"En plus des lanternes, il va nous falloir des ballons, beaucoup de ballons, de toutes les couleurs, des rubans et…" Tu continues ta liste sur ta lancée, prévoyant une soirée tranquille en grande pompes tandis que vous vous éloignez de la tombe d’Ana, tu as le cœur beaucoup plus léger qu’à ton arrivée, c’est certain.

Elle laisse échapper un rire cristallin, Talia à la remarque d'Abel. Elle est d'accord avec lui. Il faudrait quelqu'un pour avertir les futurs parents, les mettre en garde sur ce à quoi ils s'exposent en décidant de fonder une famille. Quand Maya est née, elle a découvert tout un tas de choses qu'elle n'avait jamais imaginées et dont personne ne lui avait jamais parlé. Elle avait appris à composer avec l'inconnu. D'ailleurs, elle apprenait encore, tous les jours, en même temps que sa fille. Des avertissements feraient peut-être réfléchir les futurs parents, ce qui n'était sans doute pas le but, bien qu'elle aurait tout de même décidé d'avoir Maya si elle avait su réellement dans quoi elle s'embarquait. Parce que finalement, voir sa fille grandir et s'épanouir valait bien quelques frayeurs et autres contrariétés qui allaient avec le rôle de mère. Elle ne changerait le passé pour rien au monde, mais elle aurait aimé savoir. Elle aurait aimé que sa mère lui parle de tout cela, mais elle se dit qu'avec le temps, cette dernière avait peut-être oublié tous ces détails qui devaient lui paraître plus qu'anodins. Ou peut-être que c'était le jeu, aussi et que ça allait avec le rôle de parent. Qu'il était impossible d'avoir une notice complète avec tous les avertissements que l'on pourrait faire à des jeunes parents. Il fallait que chacun passe par les mêmes étapes, découvre petit à petit toutes ces petites choses desquelles on n'entendait pas parler. Elle savait qu'elle n'était pas au bout de ses peines, Talia. Que ce n'était que le début, mais finalement, c'était ce qui rendait l'aventure si belle et si épanouissante, selon elle. Elle aurait aimé partager tout cela avec Ana, pendant au moins quelques années de plus. Elle ne digérera probablement jamais le fait que sa mort fut si soudaine.

Cependant, elle décidait de ne garder que le meilleur, elle ne voulait pas s'apitoyer, ni même insister sur le fait que son amie lui manquait terriblement et que parfois, ce n'était qu'en attrapant son téléphone pour lui raconter en quelques lignes ses dernières péripéties que la réalité lui revenait. Pour Abel, elle ne voulait rien laisser paraître. Pour lui, elle ne s'accordait pas ce droit-là et s'appliquait à penser de manière positive. Elle était certaine que c'était ce que Ana aurait voulu et d'ailleurs, elle imaginait parfaitement son regard presque désapprobateur, que le Reyes imitait à la perfection. “C'est exactement de ce regard que je parle. J'ai presque peur du moment où Thea le maîtrisera à la perfection et nous jugera parce qu'on sera un peu trop has been à son goût.” Répond-elle en riant. Elle avait déjà vu la fillette avec ce regard et à chaque fois elle avait eu l'impression de revoir sa mère, des années en arrière. Il n'y avait pas de doute quant au fait que la ressemblance serait un peu plus frappante au fur et à mesure des années. Alors, pour retarder un peu l'échéance ou tout du moins, faire en sorte que Ana ne leur lance pas ce regard de là où elle se trouvait, il était temps de se bouger et d'agir pour faire en sorte que cette journée ne soit pas si morose. Pour ça, elle avait sa petite idée, Talia. “C'est la meilleure manière de l'honorer je pense.” répond-elle à Abel. Célébrer, de quelque manière que ce soit, ressemblerait toujours à Ana et sa manière de voir la vie. Se réjouir, en ce jour particulier était donc le meilleur moyen d'honorer sa mémoire. “C'est normal. T'as pas à me remercier. J'allais pas te laisser tout seul.” Elle n'avait pas eu l'occasion de dire quoi que ce soit de particulier à Ana avant la mort de cette dernière, l'accident avait été imprévisible. Elle n'avait donc pas eu le temps de lui promettre qu'elle prendrait soin d'Althea et Abel, mais c'était une évidence de toute façon, elle n'avait pas besoin de le dire. C'était pour ça qu'elle était venue immédiatement. Pour cela aussi qu'elle se déplacerait encore si Abel en avait besoin. C'était une des rares choses pour lesquelles elle ne ferait pas de compromis. Elle était cependant prête à en faire pour ce qui était de l'achat de tout ce dont ils allaient avoir besoin pour leur petite fête de ce soir. “Si tu insistes, tu peux acheter la déco, pour ce qui est du reste, c'est moi qui invite, je veux juste que tu en profites pour souffler un peu.” lance-t-elle. Un compromis qui lui paraissait plutôt juste et équitable, même si, finalement, elle n'attendait vraiment rien d'Abel, si ce n'était qu'il passe un bon moment. "Ça me fait plaisir, je t'assure.” Trouve-t-elle important de préciser, au cas où ce n'était pas clair pour Abel. Comme s'il ne la connaissait pas depuis des années. “On pourrait prendre des bulles aussi, je suis sûre que ça plairait aux filles.” Complète-t-elle, prenant le chemin menant à la sortie du cimetière. “Je propose qu'on commence par l'achat des décos, comme ça on fini par la viande et tout ce qui va au frais. Histoire que ça reste pas trop longtemps dans la voiture.” L'été tirait doucement sa révérence, mais les températures étaient loin d'être fraîches, il fallait donc penser pratique pour s'éviter des allers retours ou une intoxication alimentaire. “Tu veux passer prendre quelques trucs chez toi aussi ? Ca me gêne pas de te conduire. Maintenant ou après.” Propose-t-elle alors qu'ils arrivaient sur le parking.

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Tu as une légère grimace sur le visage quand Talia t'assure que tu n'as pas à la remercier, bien sûr que si, tu dois la remercier. Déjà, c'est comme cela que tu as été élevé et ensuite parce que cela va de soit et que tu t'en voudrais si tu ne le faisais pas, Talia a beau te dire que c'est naturel ce genre de choses, il va te falloir t'y reprendre à deux fois pour faire disparaître le sentiment de culpabilité que tu sens toujours là, mais si, au creux de ta poitrine, ce n'est pas sur le point de partir et ce même si Talia t'a aidé à gérer le pire du contre-coup. Tu ne sais vraiment pas ce que tu aurais fait si tu étais resté là, tout seul l'après-midi, tu serais sûrement revenu à toi à la réalité en voyant l'heure et en réalisant que tu dois aller chercher Althea à l'école avant que cette dernière ne s'inquiète. C'est ta petite fille qui t'a conseillé de venir ici il y a quelques heures, alors que vous étiez en train de prendre votre petit-déjeuner et de manger les mêmes céréales (tu ne fais pas partie des adultes qui aiment le café, du tout), et elle va sûrement te demander si cela s'est bien passé.
La petite te demande de venir ici au moins une fois par mois, pour mettre des fleurs sur la tombe de sa mère, pour juste toucher la pierre tombale et parfois pour lui montrer des dessins ou même des tests notés par ses professeurs. Elle ne veut pas l'oublier et cela tu peux le comprendre, et ce que Talia te propose est juste parfait. Tu la suis donc en dehors du cimetière avec une nouvelle expression un peu plus sereine sur le visage, insistant bien pour ne pas minimiser l'aide qu'elle t'a apporté aujourd'hui. "Tout de même, je ne connais pas beaucoup de gens qui auraient tout lâché pour me rejoindre, donc la prochaine fois que tu es dans une impasse et que tu as besoin d'aide, n'hésite pas à m'appeler genre... vraiment." Parce que c'est une chose de dire être là pour toi et une autre de l'être, tu pourrais citer tout un tas de gens qui ont fini par disparaître de ta vie après la mort d'Ana, par gêne surtout et parce qu'ils n'ont pas su quoi dire. Et tu comprends, vraiment, maintenant que tu as un certain recul sur cette situation plus qu'extraordinaire et tu ne leur en veux même pas. Si les rôles avaient été inversés, tu n'aurais pas su quoi dire toi-même, c'est lourd et difficile comme situation, tu le comprends, Talia cependant, elle n'a pas hésité, à être là et à proposer son aide à chaque fois.
"On peut toujours faire ça à pile ou face une fois qu'on arrive à la caisse, parce que non, Talia, je ne te laisserais pas tout payer." Que tu concèdes dans un rire, parce que vraiment, tu comprends son invitation mais tu ne veux pas non plus être celui qui en profite juste parce qu'elle l'offre. "Je te suis donc..." Vous êtes à la sortie du cimetière et si tu as un dernier regard derrière toi, vers les allées qui ont été fraîchement tondues et qui sont bien entretenues, c'est le moment de dire aurevoir pour la soirée, que tu te dis, mais Ana n'est pas oubliée et quand tu te tournes de nouveau vers Talia tandis qu'elle déverouille son véhicule, c'est bien avec un sourire sur les lèvres. C'est toujours difficile de partir d'ici mais aujourd'hui, c'est un peu plus facile et c'est grâce à Talia. "Non ça ira, pas besoin de repasser par chez moi, merci, on ira juste chercher Thea à la sortie de l'école, ça lui ferait très plaisir de voir sa tata Talia, j'en suis certain." Que tu dis tandis que tu t'installes du côté du conducteur et qu'elle démarre sa voiture. Non, tu n'as toujours pas appris à conduire, on pourrait dire que tu as un peu des circonstances atténuantes et il faudrait sûrement que tu le fasses un jour, c'est quelque chose de plus à faire pour qu'on te considère comme un adulte. Un jour tu le ferais, sans absolument aucun stress et parce que ça te rendra la vie plus facile, un jour, au lieu de penser à tout ceci maintenant ou même de regarder les voitures devant vous, ça risque de te donner le tournis, tu te tournes vers Talia, curieux.
"Et toi alors ? Comment ça va avec Mason ? Comment va ta petite princesse à toi ? Et oui c'est ton tour maintenant..." Que tu concèdes avec un léger rire. "J'ai assez parlé de moi.... les dix prochaines années à venir on va dire, à ton tour. On a déjà établi que c'était un safe space entre nous donc tu peux dire absolument tout ce que tu veux, aucun jugement de ma part, pas ici." Tu cherches surtout à retourner la pareille et que Talia ne se dise pas qu'il s'agisse d'une amitié à sens unique, ce n'est pas le cas que tu dis avec un léger sourire, du tout.

Le programme est fixé. Après un dernier regard sur la pierre tombale de son amie, Talia se lève, suivie de près par Abel en direction de la voiture garée sur le parking à l'entrée. Elle hausse les épaules, Talia, quand elle entend les paroles du jeune homme. Parce que pour elle c'est normal. Pour elle, c'était évident. Il était son ami, il avait besoin d'elle, elle faisait le nécessaire pour pouvoir être présente. C'était aussi simple que cela. Ce n'était pas quelque chose auquel elle avait besoin de réfléchir pendant de longues minutes en se demandant qu'elle était la meilleure chose à faire. C'était comme cela qu'elle avait été élevée. Sa mère était comme elle, toujours prête à venir en aide à ses proches. Cela se traduisait de différentes façons. C'était cette amie qu'elle accueillait à une heure avancée de la nuit sans poser de question. C'était ces plats qu'elle préparait et allait apporter à ces voisins qui avaient du mal à finir les fins de mois. C'était des dizaines et des dizaines d'exemples que Talia pourrait citer. C'était ce qu'elle avait connu toute sa vie. Il ne lui viendrait donc jamais à l'idée d'ignorer un sms d'un proche qui aurait besoin d'elle à l'instant T. Elle savait qu'elle pouvait compter sur Abel, elle savait que si un jour, elle se retrouvait en difficulté, il ne réfléchirait pas non plus pour venir la soutenir. Elle n'en doutait pas. “Je suis sûre que d'autres l'auraient fait. Les amis sont fais pour ça, pas seulement pour passer de bons moments.” Lui répond-elle en souriant. “Je sais que je peux compter sur toi, non pas parce que tu me serais redevable pour je ne sais quoi, mais parce que t'es un bon ami.” Complète-t-elle. Ca ne lui viendrait jamais à l'idée d'attendre quoi que ce soit en retour, elle ne faisait pas ça pour cela et elle trouvait ça important de le préciser. Même si elle espérait ne jamais avoir laissé penser ça à Abel, ou à qui que ce soit d'autre, d'ailleurs. S'il le fallait, elle donnerait absolument tout ce qu'elle possède à ses proches, sans même y penser, sans avoir besoin de peser le pour et le contre. Elle avait le cœur sur la main, l'avait toujours eu. C'était pour cela que si elle proposait à Abel de venir passer la soirée chez elle, elle n'avait pas l'intention de le laisser payer. C'était son idée. Ça ne la dérangeait pas. Il ne semblait pas de cet avis. Ce qui ne manqua pas de la faire rire quand elle entendit le compromis qu'il lui proposait. "Ça voudrait dire qu'il y a une chance sur deux que tu payes tout. C'est pas le but.” Répond-elle en agitant la tête de gauche à droite. “Si t'y tiens vraiment, on a qu'à faire moitié-moitié. Ça te va ?” Ce n'était pas l'option qu'elle préférait, mais elle était prête à l'accepter pour ne pas avoir à jouer cela à pile ou face et laisser le hasard décider.

Elle laisse cependant à Abel le loisir de décider du chemin qu'elle prendra avec la voiture. Ça ne la dérange pas de faire un détour par chez lui avant d'aller faire leurs quelques emplettes. Après tout, il était peut-être parti les mains dans les poches ce matin, se disant qu'il faisait simplement un petit passage au cimetière avant de continuer sa journée. Il n'avait pas forcément prévu d'y passer si longtemps et de voir ses plans changer pour le reste de la journée. Cependant, comme à son habitude, le Reyes n'était pas compliqué, il avait rien besoin de plus que d'aller chercher sa fille à l'école en fin d'après-midi, ce qui leur laissait donc amplement le temps d'acheter tout ce dont ils avaient besoin pour leur soirée improvisée. "Ça marche, tu me diras à quelle heure il faut qu'on y soit. C'est la voisine qui récupère Maya en même temps que sa fille aujourd'hui donc on aura pas à se dédoubler pour être à deux endroits en même temps.” lance-t-elle avant d'ajouter, “ça me fait plaisir de la voir aussi, en plus j'ai l'impression qu'elle change tellement à chaque fois, c'est impressionnant.” Elle se demandait si c'était ce qui l'attendait avec sa fille ou si c'était déjà le cas, mais elle ne s'en rendait pas compte puisqu'elle l'avait sous les yeux tous les jours. Le fait qu'à chaque fois qu'elle voyait Althéa, elle ne pouvait s'empêcher de remarquer des changements chez elle. Elle grandissait à vue d'œil, ressemblait de plus en plus à Ana et copiait sans même s'en rendre compte les mimiques de son père. Talia avait l'impression qu'à ce rythme, elle aurait une adolescente en face d'elle en un claquement de doigt, ce qui dénotait totalement avec les images de la fillette encore bébé qu'elle avait en tête. “Moi ça va, j'ai pas à me plaindre.” Déclare-t-elle en souriant. Elle se sentait particulièrement chanceuse de ne pas avoir de soucis en particulier. Les choses semblaient lui réussir jusqu'à présent et elle espérait que le vent ne tourne pas. “Dix ans me semble un peu disproportionné pour parler de moi, dix minutes suffisent je pense.” Plaisante-t-elle. “Mason a pas mal de travail en ce moment, c'est un peu la course certains jours, mais on s'arrange. Il t'en parlera probablement ce soir donc je ne vais pas te spoiler là-dessus” Elle rit, il n'y a pas grand-chose à raconter, ce ne sont que les aléas de la vie professionnelle rythmée par des moments un peu plus chargés que d'autres bien souvent liés à de nouvelles responsabilités. “Quant à Maya, elle est dans une phase où elle veut être indépendante pour tout, tout le temps. Elle révèle un sacré caractère. Ca me fait tout drôle, c'est là que je réalise que c'est plus un bébé, mais genre, un humain à part entière. C'est un peu brutal pour la maman que je suis je dois l'avouer. Égoïstement j'aurai aimé qu'elle reste encore petite fille plus longtemps. Je sais que ça va lui passer, ou tout du moins, qu'il va y avoir un juste milieu à un moment donné. Enfin, je l'espère.” Explique-t-elle. “Althéa aussi à eu une phase un peu comme ça ? Ou c'est juste la mienne qui a pris les pires traits de caractère de ses deux parents ?” Demande-t-elle, ne plaisantant qu'à moitié.

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Transformer cette journée triste en quelque chose de positif, c'est une très bonne initiative et il ne fait aucun doute que tu n'y seras pas parvenu seul. Combien de temps est-ce que tu aurais passé à te morfondre, à penser à ta vie d'avant ou de quelle façon ta vie aurait pu être changée et chamboulée si Ana avait toujours été dans le coin ? Cela n'est pas la chose la plus saine à faire, tu en as parfaitement conscience, ce n'est pas comme si tu pouvais empêcher ton esprit de faire ce genre de détours, mais cela ne sera pas pour aujourd'hui cependant, et ça, c'est bien grâce à Talia. Alors oui, la brune a raison, l'amitié ne se quantifie pas et il n'est pas question de lui être redevable parce qu'elle t'a aidé, non vraiment, si c'était la base de chaque amitié, le monde aurait cessé de tourner depuis longtemps... cependant, tu ressens tout de même le besoin de faire quelque chose et de la remercier correctement, parce qu'ils sont rares ceux qui peuvent te faire arrêter ce train de pensées quand Ana est concernée et que cela mérite d'être remarqué à tes yeux, bien sûr que oui, comment est-ce qu'il pourrait en être autrement ? Cependant, tout ce que tu peux lui donner en retour c'est de ton temps et de ton attention et le débat semble être clos pour le reste de la soirée et pour le budget quand tu grimpes dans la voiture. "Moitié, moitié, cela me va parfaitement." C'est plus juste et tu hoches la tête quand Talia te dit de lui rappeler quand il sera l'heure d'aller chercher Thea à l'école, elle sera bien contente de voir l'autre brune.
Althea n'a beau manquer de rien à tes côtés, tu t'assures que les présences féminines dans sa vie ne soient pas des instances rares et qu'elle est de vrais modèles auxquelles se raccrocher, c'est important à tes yeux. Talia fait remarquer les changements qui ont lieu chez la petite et tu pousses un léger soupir, comme le vieux père que tu es. "C'est très cliché ce que je vais dire mais oui, elle grandit un peu trop vite à mon goût, parfois j'ai juste envie d'arrêter le temps et en profiter encore plus." Ce qui est très égoïste de ta part, mais tu n'es pas prêt pour l'adolescence ou quand Althea décidera de partir explorer le monde, que ce soit pour quelques jours de vacances, ou pour ses études ou juste parce qu'elle est curieuse. Pas prêt du tout. Talia et Mason voient certainement de quoi tu parles et quand ce dernier est mentionné, ton rire se joint facilement à celui de la conductrice. "Okay, je me prépare à lui qu'il travaille beaucoup trop." Avec tout le sérieux du monde et ta grosse voix s'il le faut. Talia parle de sa propre fille et tu hoches la tête, parce que tu es passé par là, et que c'est toujours ton quotidien.
"Oh je vois tout à fait ce que tu veux dire, et je te rassure, ce n'est pas que Maya." Tu ponctues ta phrase par un petit hochement de tête, avant de poursuivre. "Tu veux être là et la protéger la plus possible, surtout quand toi tu sais ce qu'il y a au dehors et de quelle façon les gens sont cruels, mais dans le même temps, comme tu l'as dit, c'est une autre personne avec ses propres idées et ses propres goûts qui est en train de se construire devant toi... comment est-ce que c'est possible si tu la laisses pas prendre des décisions de temps en temps ?" Personne n'en parle jamais mais oui, être parent est une expérience plus que bizarre et complètement hors du commun pour le coup, tu te souviens encore du choc que tu as eu quand on a mis un bébé dans tes bras et qu'il ne s'agissait pas juste d'un concept absolu en train de gonfler dans le ventre d'Ana. Et maintenant Althea évolue comme si elle avait toujours été là, elle prend des souffles et rigole et pense sans que tu ne puisses influencer quoi que ce soit... C'est déroutant et effrayant et drôlement fascinant à regarder mais absolument rien ne t'avait préparé pour cela, absolument rien.
"C'est un équilibre à avoir, parfois Althea me fait me sentir de trop, elle n'a plus besoin de moi pour se préparer le matin, ou faire ses devoirs, ou poser des questions qui lui font peur... ça peut durer pendant six jours, et le septième elle redevient ma petite princesse, et elle me suit toute la journée en exigeant que je la porte partout." Parce que c'est un être humain à part entière comme l'a si bien dit Talia, tu seras toujours son père et elle sera toujours ta fille, cependant, le temps va passer par là et elle va avoir ses propres expériences aussi. "C'est la vie qu'on a choisi je suppose." Tu ne sais pas si ce sont des mots rassurants, cependant, c'est la vérité, aucun moyen de retourner en arrière, peu importe ce qui se passe, tu seras toujours père et Talia mère.
"Ma mère me conseille toujours d'avoir mes propres hobbies et activités dans ces moments-là, oui c'est important de garder un œil sur elle mais il ne faut pas que je m'oublie. C'est un conseil que je te donne aussi." Oui, ne pas s'oublier et avoir son propre monde, quelque chose de plus qu'important, ça aide à être un bon parent selon ta mère. Et tu dois avouer qu'en grandissant, la présence de tes parents n'a jamais été lourde ou oppressante, tu as toujours su que tu pouvais compter sur eux, mais ils t'ont laissé grandir, faire tes propres erreurs, te relever et continuer d'avancer. Si tu peux faire cela pour Thea aussi, alors, tu seras content. Talia se gare enfin dans le parking d'un supermarché plus que familier et tu la fixes avec un autre sourire. "Par quoi tu veux commencer ?"

Les paroles de Abel ne la rassure pas. Elles ne la surprennent pas non plus. Maya a sept ans maintenant. Ce qui veut dire qu'elle a eu sept ans pour se rendre compte à quel point sa fille grandissait vite. Elle aurait peut-être aimé que le jeune homme lui dise que ce n'était qu'une impression. Qu'en réalité, les enfants ne vieillissent pas plus vite qu'eux et qu'on ne voyait pas les années défiler les unes après les autres. Elle aurait deviné que ce n'était pas vrai. Alors, si les paroles ne sont pas rassurantes, le fait qu'elle ne soit pas la seule à penser cela l'est un peu plus. Cela veut dire qu'elle n'est pas folle. Qu'elle ne se fait pas des idées toute seule. Que c'est donc un sentiment commun à tous les parents. Aussi différents soient-ils, ils pouvaient au moins partager ça. Ca semblait peut, mais en réalité, c’était très important. Pour Talia, en tout cas, ça l’était. Elle partageait également cette envie d’arrêter le temps de figer l’instant présent. Elle n’avait pas encore trouvé la formule magique pour le faire, alors, à la place, elle se contentait de prendre des photos avec son téléphone qu’elle dégainait dès que l’occasion se présentait. Elle stockait les précieux souvenirs sur son ordinateur, faisait développer les plus beaux clichés et elle se contentait de ça. C’était toujours mieux que rien. “Soit on est aussi cliché l’un que l’autre, soit, finalement on est pas si éloignés de la réalité et elles grandissent trop vite.” Lui répond-elle en souriant. Peut-être qu’à un moment, Maya finirait par grandir un peu moins vite. Là, elle était encore jeune, elle était en plein développement et chaque jour avait presque son lot de premières fois. Quand elle sera un peu plus âgée, Talia espérait que le temps semble se ralentir un peu, bien qu'elle n'était pas pressée d'en arriver là. Surtout si cela voulait dire que la fillette allait devenir aussi têtue que son père. Abel ne le connaissait que trop bien et devait sans doute avoir l'impression d'être un véritable disque rayé à force de lui répéter la même chose. Une fois de plus ne faisait jamais de mal, cela dit. “Une fois n'est pas coutume ! Il va finir par croire que c'est moi qui te force à dire ça.” plaisante-t-elle. Parce qu'elle aussi lui disait de temps en temps qu'il travaillait trop, mais elle ne pouvait le changer. Elle n'en avait pas la prétention non plus. Mason aimait son travail et il n'était pas du genre à se contenter du strict minimum. C'était sa façon d'être. Il ne changerait probablement pas de si tôt.

Elle hoche la tête aux paroles de Abel. Il comprend parfaitement ce qu'elle est en train de dire et elle n'aurait pas pu mieux le formuler. “Exactement. J'ai pas envie qu'elle soit blessée d'une quelconque manière, mais l'empêcher de faire des erreurs et la surprotéger, ce n'est pas bon non plus. C'est là que je prends sur moi et je me dis que tous les autres parents sont passés par là à un moment.” Et ils ont d'ailleurs l'air de s'en être sortis. A commencer par les siens, quelques décennies en arrière. Elle mentirait en disant qu'Anwar et elle n'était pas la cause de quelques uns de leurs cheveux blancs, mais elle était également reconnaissante pour les expériences qu'ils leur avaient permis de vivre. C'étaient ces dernières qui avaient forgé la personne qu'elle était aujourd'hui. “C'est dans ces moments-là où on remarque un peu plus qu'elles grandissent. Elles n'ont pas besoin de nous, se débrouillent toutes seules et on paraît presque en trop. Puis finalement, vient le moment où le bébé qu'elles ont pu être réapparaît et là on leur centre du monde. Ca m'a fait très bizarre au début. Je me suis demandé ce que j'avais pu faire de mal.” Répond-elle en haussant les épaules. Elle avait réalisé que c'était la vie que c'était normal et que ça n'avait absolument rien à voir avec ce qu'elle avait pu faire. A partir de là, elle avait commencé à s'y faire, à apprécier les moments pendant lesquels sa fille avait besoin d'elle, mais elle avait aussi appris à chérir ceux durant lesquels elle faisait sa petite vie. Elle l'observait de loin, d'un oeil bienveillant, comme bluffée par la personne qu'elle était en train de devenir. “C'est ce que j'apprends à faire. Je redécouvre ce que j'aimais faire avant d'être maman et que j'avais délaissé faute de temps. Tu pourras dire merci à ta mère pour son très bon conseil !” Au début, elle a un peu eu l'impression de délaisser son rôle de mère, puis elle s'est bien vite rendu compte que ça n'avait rien à voir. Elle apprenait donc tout doucement à lâcher un peu de leste. Une fois sur le parking du supermarché, elle trouve rapidement une place pour se garer, récupérant quelques sacs dans le coffre de sa voiture avant de se diriger vers l'entrée avec Abel. “On commence par la déco ? Comme ça on prend la viande en dernier, ça évite qu'elle reste trop longtemps hors du frigo. On sait jamais, si on met deux heures à trouver ce qui nous convient.” Déclare-t-elle en souriant. Elle exagérait un peu. Le choix n'allait pas non plus être cornélien et les options allaient sans doute être limitées, mais ce n'était pas grave. Ce n'était pas réellement la décoration qui comptait, mais l'idée en elle-même. “Nous y voilà !” annonce-t-elle avant de continuer. “Donc on a dit, ballons, rubans, lanternes. Beaucoup de ballons surtout. J'ai une pompe à la maison donc on aura pas de soucis à les gonfler.” Après sept anniversaires et autres occasions festives, elle avait investi plutôt que de s'époumoner à chaque fois. “On prend quoi comme couleurs ? Du rose déjà ? Vert ? Jaune ? On se fait un assortiment d'un peu toutes les couleurs ?” Plus c'était coloré et plus ça ferait l'affaire.

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crédit/(sseureki/tumblr) ✰ w/ @Talia Choudhry

"Oh mais elles grandissent trop vite, aucun doute là-dessus." Que tu dis avec un sourire et parce que pour toi, le moment où on a mis ta petite fille dans tes bras, ce n'était qu'il y a quelques mois. Alors qu'en réalité, neuf années sont passées par là, autant pour toi que pour Althea maintenant que tu le réalises et oui, ta petite fille n'est pas la seule à prendre de l'âge ou à se redécouvrir. Tu n'aurais jamais pensé être père dans un premier temps, tu sais que certains rêvent de fonder une petite famille et de se poser mais très sincèrement ? Cela n'a jamais fait partie de tes plans, tu te voyais surtout devenir un bon acteur, faire avancer ta carrière pendant quelques années avant même de te poser avec qui que ce soit. Tu n'as jamais considéré l'amour et se trouver un partenaire comme cela la chose la plus importante du monde. Toujours être respectueux et poli ? Oui. Aller vers les autres et montrer de la compassion et avoir l'esprit ouvert ? Oui, ça, c'est important à tes yeux, trop importants pour être négligé maintenant que tu y songes et ce sont des valeurs que tu essayes d'enseigner à ta fille.
Tu sais que Talia et Mason partagent les mêmes valeurs que toi pour leur famille et tu comprends que Mason bosse aussi dur. C'est normal après tout, tu fais partie de ceux qui sont définis par leur métier, alors vraiment, tu ne vas pas juger l'autre homme.  "Je vais tenter d'être subtil mais je ne promets absolument rien hein..." Que tu avances, tu ramèneras le sujet des vacances aussi doucement que tu le peux et ce sera déjà un bon début que tu te dis avec un sourire aux lèvres. Tu hoches la tête aux mots suivants de Talia, voyant absolument ce qu'elle veut dire. Tu sais ce que cela fait d'être de trop, d'avoir la sensation qu'Althea n'a plus besoin de toi, mais tu réalises aussi que parfois, tu t'inquiètes un peu trop. Est-ce que tu as cessé de t'en remettre au jugement de tes parents parce que tu as pris de l'âge ? Non, tu les consultes toujours souvent et tu profites toujours de ton statut de fils unique, tu espères que ta relation avec Althea sera similaire et que même avec les années qui passent par-là, elle te fera toujours confiance. C'est cela ton objectif en fait, si tu peux élever une petite fille en bonne santé, qui a confiance en elle et en ses choix, alors le reste, ça parait un peu dérisoire, non ? Ouais, même ton propre bonheur et tes propres intérêts, ce qui contraste un peu avec ce que tu viens de dire à Talia, mais toi aussi tu fais de ton mieux pour te trouver en dehors de ce rôle de père.
"Je lui dirais, c'est vrai que son ego n'est pas assez grand mais ouais... c'est une balance à avoir mine de rien et il ne faut pas trop se perdre dans son rôle de parent, et ce, même si c'est le meilleur métier du monde, qu'on se le dise." Du moins ça l'est à tes yeux, sur ces bonnes paroles, tu constantes qu'elle se gare, vous êtes déjà arrivés au supermarché et tu suis la direction de l'autre brune sans vraiment de problème et tu attrapes un caddie pour toutes vos courses. Après tout, s'il s'agit d'improviser une petite fête, autant bien faire cela, n'est-ce pas ? "Cela me va, moi je dis, toutes les couleurs, partons sur un arc en ciel... que ce soit avec la décoration ou même avec les ballons." Que tu dis, en imaginant très bien cela, vous êtes dans le supermarché et tu pousses le caddie dans la bonne direction, pour récupérer tout ce dont vous avez besoin. Ce n'est pas l'anniversaire d'Althea, ni le tient, mais l'occasion est belle, pour Ana, pour vous et pour ne pas broyer du noir. "En ce moment la couleur préférée d'Althea c'est le bleu, mais vu que ça change très souvent, c'est difficile de prévoir, donc là elle adore l'uniforme qu'elle doit porter pour l'école vu qu'il est bleu, je n'ai pas hâte que cela change pour te dire." Tu dis cela dans un petit rire avant de t'emparer de plusieurs ballons, de tous les couleurs typiques d'un arc en ciel, histoire de.
"Et je sais qu'on a dit barbecue mais il va nous falloir autre chose à manger que de la viande, peut-être une salade, ou juste du mais... passons dans les rayons après et voyons ce qui nous inspire." Oui, aucune pression à avoir, ce sera votre soirée et votre célébration et tu te sais très bien entouré et vraiment, tu ne regrettes pas d'avoir contacté Talia.

Elle allait finir par se faire à l'idée que sa fille grandissait et qu'elle ne pouvait pas changer cela. Elle s'y faisait déjà. Ou tout du moins, elle faisait de son mieux pour faire avec. Pour relativiser et voir tout ce qu'elle pouvait en tirer de positif. Après tout c'était aussi comme cela qu'elle s'était faite à l'idée, ou tout du moins, avait appris à composer avec le fait que son cher et tendre soit un véritable bourreau de travail. Là aussi, elle avait trouvé quelques points positifs qui venait contrer les aspects un peu plus négatifs. Cependant, elle partait du principe que ça ne faisait jamais de mal de lui rappeler qu'il travaillait parfois un peu trop et que lever le pied, ne serait-ce qu'une fois de temps en temps ne pouvait pas lui faire de mal. De son côté, elle n'insistait pas, se contentant d'un simple “tu travailles trop” quand il se disait fatigué, mais retourné quand même répondre à quelques emails après le dîner. A l'heure où il serait bien plus logique de s'installer dans le canapé devant un film pour se détendre. Elle n'insistait pas parce qu'elle était lucide. Il était passionné par son travail et il n'était donc pas envisageable pour lui de faire les choses à moitié. Elle, de son côté, reconnaissait que c'était aussi grâce à tout ce travail acharné qu'ils pouvaient se permettre de vivre aussi bien. Alors, elle laissait à Abel tout le loisir de lui glisser quelques mots habituels, dignes du meilleur comique de répétition. “Je ferai donc comme si je n'étais pas au courant comme ça tu peux même y aller franco si tu veux.” Plaisante-t-elle. Ca ne marcherait probablement pas, son compagnon saurait à l'instant on Abel laisserait échapper une simple phrase que Talia n'était pas complètement innocente dans cette histoire. Qu'il se pourrait même qu'elle ait très légèrement comploté pour en arriver à ce résultat. Ce n'était pas bien grave. Ce n'était pas ce qui comptait de toute façon. Encore moins ce soir.  

De son côté, elle s'engageait à se détacher doucement de son rôle de maman pour trouver un équilibre parfait avec sa qualité de femme. Elle prenait tous les conseils qu'elle pouvait prendre. Autant d'Abel qui était passé par là avant elle, à sa façon, autant que de la mère de ce dernier, qui elle aussi, avait plus d'une expérience à partager. “C'est plus facile à dire qu'à faire parfois, mais bon, on doit bien s'y faire à force.” Répond-elle en souriant. Ce n'était pas une fatalité. On ne faisait pas des enfants pour les garder bébés éternellement. Finalement, il y avait de quoi s'émerveiller dans chaque nouvelle étape de la vie, même s'ils gagnaient en indépendance à chaque fois. En réalité, ils garderaient sans doute toujours une part d'enfance, ou tout du moins, Talia était persuadée qu'il y aurait toujours une part de Maya qui aurait besoin d'elle. Certaines choses ne changeront jamais. Comme par exemple le fait qu'en cas de doute, choisir toutes les couleurs de l'arc-en-ciel plutôt que dans sélectionner une seule était la meilleure décision qui soit. Elle ne pouvait donc s'empêcher d'acquiescer à la proposition d'Abel, un sourire ornant ses lèvres aux précisions qu'il lui apportait concernant la couleur préférée de sa fille à l'instant T. “Il faudra juste la changer d'école quand elle aimera plus le bleu et en trouver une nouvelle avec un uniforme d'une couleur qui lui convient.” Elle plaisante, alors qu'elle vient déposer dans le charriot des décorations aux multiples couleurs pour venir égayer la soirée de ce soir. “Maya est sur le rose actuellement et la plupart des tenues qu'elle me fait acheter sont roses, du coup je sens que quand ça va changer, va falloir refaire la garde robes avec.” Ajoute-t-elle. Comme quoi, elles avaient beau ne pas avoir le même âge, les problématiques restaient plus ou moins les mêmes. Les leurs, à ce moment précis, se rapportaient essentiellement à la décoration, mais aussi à la composition du menu de leur soirée. “Très bonne idée le maïs. Je peux aussi faire une salade de pâtes si ça te dis, c'est pas bien long ni compliqué, si jamais on trouve rien de tout prêt qui nous donne envie.” Propose-t-elle. Le feeling était probablement le maître mot de leur petite fête improvisée.