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Deux heures du matin, un vendredi soir, tu viens juste de terminer une danse privée et tu as assez de billets entre les mains pour payer ton loyer, aider quelques personnes dans le besoin et te faire plaisir.
Tu ne comprendrais jamais les hommes, mais tu supposes que pour ce parfait inconnu, tu étais une bonne cause, sa charité du moment, quelqu'un qu'il faut clairement aider. Alors que c'est bien lui qui a insisté qu'il voulait la danseuse toute de rose vêtue, pourquoi ? Tu n'en sais rien, tu ne demandes jamais, d'expérience, tu sais qu'il est mieux de ne jamais savoir, de juste se contenter de danser, de faire naitre le genre d'excitation qui ne t'intéresse pas vraiment dans le fond, mais qui est suffisante pour alléger les portefeuilles et maintenant, tu n'as rien à faire jusqu'à la prochaine heure au moins. Tu n'as pas besoin de retourner sur scène, pas de conseils à donner aux danseuses, le vestiaire est même vide quand tu t'y rends et plutôt que de te changer, tu enfiles simplement ta veste en cuir violette par-dessus ta tenue de scène, tu ranges les billets dans ton décolleté et tu prends la direction de la salle principale, dans un claquement de talons. Personne ne va te reprocher ta tenue, pas ici, pas à Paradise City, ici, on ne juge pas, ici, tout le monde doit y trouver son compte et ceux qui aiment hausser la voix... on les met à la porte tout simplement.
Dans la salle principale, l'ambiance est bien calme, Violet est sur scène mais il y a peu de clients et cela ne t'étonne guère en réalité, ceux qui ont rejoint le club dès son ouverture sont très probablement rentrés chez eux, et il n'est pas encore assez tard pour votre deuxième fournée de clients. Vous êtes dans l'entre-deux, tu le sais, ce n'est pas la première fois que cela arrive et si vous êtes le genre de club qui tient sur la durée, cela va devenir fréquent. Cela ne t'inquiète guère pour le moment et c'est bien pour cela que tu viens t'accouder contre le bar, un sourire sur le visage tandis que tu fais face à Itziar. "Hey, est-ce que je peux avoir un verre ? Soyons fous, avec de l'alcool et une petite ombrelle..." Non, ce n'est pas ton genre, la blonde pourrait te le faire remarquer et même être étonnée, mais tu as besoin de quelque chose de fort, pour célébrer tes derniers pourboires, pour la longue nuit qui t'attend et juste parce que tu en as envie. C'est bien le poison de beaucoup, cela n'a jamais été le tient, mais, il faut bien commencer quelque part, pas vrai ? Oui, quelque chose comme cela, la vérité c'est que cela te permettra d'oublier que Paradise City est le seul aspect de ta vie que tu peux contrôler, la seule chose de bien dans ta vie en ce moment, que le club tourne bien ou coule, ce sera votre succès et votre échec. Le vôtre, celui d'Izzie et toi, et cela effacera bien le reste et le fait que tu te sens plus chez toi ici ces derniers temps que dans l'appartement que tu partages avec Evie.
Tu es sur le point de demander à la blonde de te faire un cocktail aussi rose que ta tenue, quand un client accapare son attention et tu lui fais un hochement de tête, parce que les caprices de la patronne passeront après et toujours appuyée contre le comptoir, tu observes le reste des employés. Avant de distinguer le froncement de sourcils d'une des employées et un client, un homme qui s'adresse à elle et c'est lui qui hausse le ton en premier, une insulte pour la jeune fille. Oh hell no, que tu penses aussitôt, déjà debout avant même de pouvoir t'arrêter, prête à aller enfoncer ton talon dans une partie très précise de l'anatomie de cet homme-là. "Est-ce que tout va bien ?" Tu poses la question avec un sourire sur le visage, une main sur le bar, l'autre sur la hanche, prétendant encore que tout va bien. "Non parce que la sécurité n'est jamais loin, quoi qu'on est tous entre adultes ici et je suis une bonne patronne..." Tu te tournes vers la jeune fille, tu as mis un point d'honneur à mémoriser tous les noms des employés et tu sais que tu t'adresses à Jo. Izzie t'a dit qu'elle avait un caractère de feu mais de l'expérience dans les nightclubs, le genre d'expérience dont vous avez besoin et tu sais que si la brune est derrière le comptoir, c'est pour les bonnes raisons, tu n'en doutes pas. "Si Jo a envie de mettre quelqu'un à la porte elle-même, je ne vais pas l'en empêcher, mais tu iras te laver les mains après hein, certains hommes sont des ordures de la pire espèce et on ne voudrait pas que tu choppes quelque chose."

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C’était devenu une routine comme un autre, quelque chose à laquelle elle évitait de penser; certains diraient qu’elle mettait trop de temps à se préparer pour coller à ce qu’elle déclamait quand elle prétendait que ce n’était qu’un boulot, qu’elle se contentait de faire ce qu’on voulait qu’elle fasse, mais Jo avait toujours mis un point d’honneur à soigner les apparences, même quand ça lui faisait mal au bide de devoir laisser sa grand-mère seule toute la nuit. Elle trouvait son salut dans l’application de strass et de paillettes sur son visage de poupée, ça lui donnait la sensation de changer de masque tous les soirs et c’était bien pour ça qu’elle mettait autant d’entrain à le faire dans le fond. Dans le miroir de son casier, elle constata qu’elle avait eu la main heureuse quand il avait fallu se donner une allure et elle s’autorisa un sourire à elle-même quand elle vit la pointe acérée du trait d’eye-liner orange-néon qui soulignait le brun sombre de son regard qu’elle soutint un instant avant de refermer la porte d’un coup sec et de partir à l’assaut de sa besogne sans y songer plus que ça, se disant que c’était ce qu’il fallait pour qu’elle se sente utile quelque part, même si elle avait arrêté de se dire qu’être serveuse était une option à la hauteur de ses ambitions.
Ça ne l’était pas, mais c’était tout ce à quoi elle pouvait vraiment aspirer en tant qu’adulte responsable, alors elle remisait sa fierté dans un coin reculé de sa psyché, s’avançant dans la salle principale avec un panache qui donnait l’impression à quiconque posait le regard sur elle qu’elle était chez elle, que c’était son royaume. Elle avait cette capacité-là, Josephine, de laisser croire que sa couronne lui donnait accès à une procession de territoires dont elle était la seule détentrice, quand en vérité elle n’était que le faire-valoir d’une mécanique bien huilée sur laquelle elle crachait plus qu’à son tour parce que putain, elle pouvait faire tellement mieux que ça en vérité. Peu importait. Ça la rendait digne d’intérêt, de la voir déambuler dans le club comme s’il lui appartenait; ça finissait aussi d’attirer les clients qui, au-delà du spectacle offert par les danseuses, recherchaient quelque chose de spécial dans l’ambiance qui régnait ici. Il y avait certes des serveuses plus aimables qu’elle ne l’était, pourtant c’était elle qui avait le plus de succès auprès de ceux qui se perdaient entre les murs brillants de néons du club. Jo avait arrêté de se demander pourquoi, il suffisait de la regarder pour comprendre, et ça la réconfortait presque de songer qu’au moins, elle n’avait pas perdu ça.

"Hey, viens-là." Un plateau vide pendant au bout du bras, Jo s’arrêta en chemin, alpaguée par un client vautré dans un fauteuil à proximité. Elle serra les mâchoires, c’était sa ligne de conduite quand elle était confrontée à la rudesse d’un bonhomme qui pensait que, parce qu’il payait pour le service, il avait le droit et le devoir de parler aux employés comme à des clébards "Bonsoir, déjà. Qu’est-ce que je peux faire pour toi?" qu’elle le reprit dans la foulée, se flanquant en face de lui sans surjouer quoi que ce soit d’autre que l’emmerdement profond de devoir ouvrir la bouche face à quelqu’un qui puait la vinasse même à cette distance; il se redressa pendant que Jo faisait pareil et le sourire qui lui donna la laissa aussi froide que la manière qu’il eut de se pencher en avant pour réduire l’espace qui les séparait — un pas en arrière lui vint sans qu’elle eut besoin d’y réfléchir, tandis qu’un rire carnassier éclata au travers de la musique lascive qui passait dans le club à ce moment-là "Et si tu t’asseyais deux minutes avec moi, hein? Juste le temps de faire connaissance, et que tu m’expliques pourquoi tu sers des verres alors que t’as le potentiel pour faire plus que ça." Et vas-y, encore un, qu’elle sembla dire dans le roulement d’yeux dont elle le gratifia, et qu’elle n’eut pas le temps de compléter car déjà, il lui attrapait le poignet avec une vivacité qu’elle n’aurait pas soupçonné; peut-être qu’il lui fit mal, mais elle ne laissa pas transparaître, se dégageant aussi vite que brusquement, ne lésinant pas sur la force qu’elle déploya pour récupérer son bras "Vire tes pattes, ou je te fais bouffer mon plateau, porc que tu es." qu’elle siffla entre ses dents alors que la réaction du type ne se fit pas attendre, et que de tout son ego meurtri, il lui balança à la gueule, se recalant dans son fauteuil en le faisant grincer sous son gros cul "Tu crois quoi, que tu vaux mieux que celles qui montrent leur cul sur scène? Dans un an à peine, c’est à toi que je glisserais des billets dans la culotte, pauvre conne." Ben tiens qu’objectèrent les pensées de Jo qui s’apprêtait à faire un pas en avant pour effectivement lui faire bouffer son plateau quand Lara débarqua de derrière les fagots "Ça va, je gère." qu’elle commença Jo par réflexe, méprisant la douleur de son poignet, avant de reprendre "Il se propose simplement d’être le premier à investir sur le potentiel de mon cul apparement. D’après lui, j’ai de l’avenir dans le pole dance." L’autre, il eut la bonne idée de glisser la main à son propre paquet, sa langue dardant d’un côté quand il ajouta en se croyant malin "Pas que si tu veux mon avis." Elle se sentirait flattée un autre jour, en attendant elle arqua un sourcil en tournant brusquement la tête vers Lara "Faudra revoir la notion de filtrage avec Duran, c’est pas le premier connard dans son genre qu’il laisse entrer." Elle entendit le type s’offusquer de l’insulte qu’elle venait de prononcer, du coup elle tendit un doigt dans sa direction sans pour autant le regard, ses yeux soulignés d’orange fluo toujours posés sur Lara quand elle lui balança, à ce connard donc "Ferme-la pendant que les adultes causent, tu seras mignon." Définitivement pas.

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Tous les strip-clubs ont les mêmes règles, si, tu l'as constaté au fil des années : ne jamais poser trop de questions aux clients, toujours avoir un distributeur dans l'établissement pour encourager à la dépense, regarder, se rincer l'œil, laisser son loyer en petite coupure sur la scène ou dans le décolleté d'une danseuse et garder ses mains pour soi. C'est tout, c'est simple, tu trouves cela plus honnête qu'une relation dans un sens, parce que personne n'essaye d'impressionner qui que ce soit, personne n'essaye d'arrondir les angles ou de prétendre que c'est autre chose qu'une transaction, un moyen de fantasmer et d'oublier. Ce qui se passe à Paradise City reste ici, autant pour la clientèle que pour les employées et tout le monde peut se rassurer car les murs ne peuvent pas parler, non vraiment, ce serait une tragédie dans le cas contraire et pour tout client un peu trop timide et perdu, il y a toujours une enflure qui se soulève du lot. Qui croit tout savoir, qui est vulgaire à souhait et qui ne respecte pas les règles.
Il est devant toi ce soir et quand Jo te dit qu'elle gère, tu hoches tout simplement la tête, ne remettant pas du tout en cause le jugement de la brune et plus que familière avec le ton qu'elle emploie et l'expression sur son visage. Parce que vous êtes toutes passées par là non ? En dehors du club ou pas, c'est un peu votre quotidien à toutes et si tu ne comptes pas te lancer dans un grand discours maintenant, tout ce qui t'importe là tout de suite, c'est le confort de Jo et d'écraser ce pauvre abruti sous ton talon. Et là, tu ne parles même pas en métaphores. Tu vois rouge quand il l'ouvre encore et tu sais qu'en venir aux mains ne résout jamais rien, mais putain, tu aimerais lui faire ravaler son sourire et lui expliquer que son service trois pièces-là, cela ne va pas le sauver de quoi que ce soit et que non, vous ne risquez pas de vous agenouiller devant lui pour lui faire plaisir. Il aurait dû rester devant son écran d'ordinateur que tu penses quand Jo reprend la parole et tu es d'accord avec la serveuse, il ne devrait pas être là. Tu comprends que le club est un peu vide à cette heure précise, ce n'est pas une raison pour relâcher la pression. "Je vais lui en toucher deux mots et lui faire comprendre qu'on veut des clients, pas les premiers idiots qui viennent de piquer la carte de crédit de leur maitresse.... Clairement pas." Et encore là, tu es gentille et tu te doutes que qui que ce soit gravite dans l'orbite de ce connard-là, tu n'espères pas. Qu'il se taise vraiment, tu étais sur le point de suggérer de le laisser repartir sans un verre de plus mais la voix de l'homme s'élève encore une fois.
"Hey les salopes, je suis un client qui paye, vous ne vous êtes pas fringuées comme ça pour que je vous donne un diplôme, non ?" " Et s'il espérait gagner des points de sympathie de ta part, c'est tout le contraire, tu abandonnes la charade et tu décides toi aussi d'être directe à souhait, balayant tout de suite l'argument au loin. "Et est-ce que tu peux écrire le mot diplôme correctement mon grand ? Ou faire une phrase sans m'insulter moi ou mon employée ?" Tu connais déjà la réponse à ces deux interrogations et ce n'est définitivement pas le genre de client que tu veux avoir dans ton établissement, tu préfères encore mettre la clef sous la porte plutôt que les hommes pensent que c'est okay de venir faire ça... mais si, critiquer vos tenues, votre pouvoir, votre liberté et votre effet sur lui, tout ça pour fantasmer sur vous dans le privé et en vouloir plus. C'est plus hypocrite que n'importe laquelle de tes performances, tu as beau enlever tes vêtements mais toi tu sais garder ta dignité.
"J’ai clairement pas le temps de t'expliquer la vie et la notion de consentement et je ne perds pas mon temps avec les demeurés dans ton genre, donc je vais te dire la seule chose que tu sais comprendre. Et lentement en plus, donc écoute bien!" La dernière partie de ta phrase est ajoutée avec un sourire plus que surjouée sur ton visage et tu bats même des cils tandis que tu fais un pas dans sa direction. "Tu parles à la patronne, donc paye ton verre, donne son pourboire à la serveuse, un vrai pourboire et dé-ga-ge, parce que si j'appelle la sécurité, ce sera la solution la plus facile, l'autre scénario c'est que je te vire moi-même. Et tu ne le sais pas, mais on apprend quelques trucs quand on bosse autant de nuit que moi, je serais très créative." Le sourire disparait à chacun de tes mots, il est remplacé par quelque chose de froid et de glacé, parce que tu ne comptes pas fuir, c'est ton club, ta scène, ton employée et il est de ton devoir de t'assurer que tout fonctionne. Et il a beau faire trois têtes de plus que toi, l'énergumène, il a beau avoir plus de vêtements que toi sur le dos, cela ne t'empêche pas d'avancer à chacun de tes mots et tu le vois reculer. Il recule jusqu'à retomber dans son siège cet idiot, tu le vois déglutir, te jeter un autre regard, puis à Jo et la seconde suivante, il vide le contenu de son portefeuille sur le comptoir et part sans demander son reste. Tu le suis du regard, seulement satisfaite quand il passe les portes du club et avec un autre sourire tu te tournes vers Jo, satisfaite.
"... et on est considérées comme le sexe faible pourquoi déjà ?" Tu as un mouvement de tête pour les billets abandonnés-là l'instant suivant. "Je crois que tu les as bien mérités, non ?"

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Si elle devait consigner le nombre de fois où elle s’était fait copieusement insulter, Jo, elle aurait probablement de quoi raviver la flamme du mouvement #MeToo en deux temps trois mouvements. Mais en vrai, ça n’avait jamais été trop son truc de se plaindre pour éveiller les consciences, elle préférait agir en toute connaissance de cause, quitte à se faire défoncer la gueule à coup de cross tandis qu’elle ne lésinait pas sur les gifles et les insultes de son côté, pas tellement du genre à accepter qu’on la détruise sans avoir essayé de faire la même chose en contrepartie. Elle ne prétendait pas que c’était juste d’être traitée de cette manière, elle ne prétendait vraiment rien en vérité, elle ne faisait que se défendre parce qu’elle savait gérer, elle disait vrai. Si elle avait eu la chance d’être élevée avec des hommes en devenir qui savaient que la traiter comme une princesse était la seule consigne valable pour qu’elle ne leur coupe pas le petit oiseau durant leur sommeil, elle avait eu le temps de se rendre compte depuis que tous les petits garçons n’avaient pas la chance d’être pris en charge dès qu’ils tiraient sur les couettes de leurs copines à la récré pour leur montrer leur affection. Ce n'est rien, c’est parce qu’il t’aime bien, ma chérie, et qu’il ne sait pas comment le montrer. Tu sais, c’est un garçon, ils sont tous comme ça. Au. Secours.
La plupart du temps, ces petits garçons, on les encourageait à être des enflures parce que ça faisait bien, ça répondait aux normes de la virilité, finissant de les rendre masculins alors qu’ils pensaient que choper leur copine par les cheveux pour autre chose que leur faire accepter leurs sentiments, c’était comme ça qu’il fallait faire. La faute à l’Internet et à tous ces sites libres d’accès où il suffisait de mentir sur son âge pour y avoir accès, que diraient les plus hypocrites, quand en fait c’était la société entière qui les incitait à agir de cette manière ; parce qu’ils avaient soi-disant le pouvoir, parce que c’était grâce à eux que tournaient le monde et qu’ils étaient en droit de récolter ce qui leur était dû par la force et pas autrement. Des conneries, Jo le pensait sincèrement, et pas d’une façon aussi vindicative que celles de ses sœurs qu’elle voyait marcher dans les grandes villes. Non, elle n’était pas féministe dans le sens premier du terme, mais elle était une femme, et ça devait suffire pour pouvoir revendiquer son droit à ne pas être traitée comme une moins que rien pendant ses heures de boulot.

Ça la faisait bien rigoler du coup, les grands discours d’Itziar quand elle avait postulé. À prétendre qu’ici, tout le monde serait bien traité et qu’aucun connard n’aurait le droit d’accéder à la salle principale. Comme si Duran n’était pas un homme lui aussi et qu’il ne pouvait pas se laisser fourvoyer par les belles paroles d’un type qui savaient comment tricher, tromper, mentir. Alors d’accord, tout le monde avait le droit à l’erreur et le club était encore trop jeune pour être rôdé dans sa mécanique, mais ça la foutait mal de promettre des trucs qu’elle n’était pas capable de contrôler quand elle prétendait le contraire. Si ça avait été elle de service ce soir, probablement qu’elle lui aurait craché tout ça à la gueule, qu’elle lui aurait fait remarquer que ce n’était pas la première fois et qu’elle pouvait s’enfoncer bien profond toutes les pseudos-promesses de sécurité avec lesquelles elle bassinait la cantonade quand les filles se préparaient à entamer leur tour de piste ; ça lui aurait donné une bonne occasion de se barrer avec fracas, un majeur levé dans sa direction.
Mais c’était Lara qui était là ce soir, et parce qu’elle ne la connaissait pas encore assez bien pour faire porter sur ses épaules les conneries des autres, elle décida de lui laisser de la marge et de la laisser gérer les choses sans faire mine que ça la faisait chier de ne pas pouvoir faire bouffer son plateau à ce connard qui se renfonça dans son fauteuil quand la jeune femme commença son laïus pour le remettre à sa place. Jo la trouva bien polie, mais c’était un autre débat qu’elle garderait pour plus tard. Elle la trouva tout juste impressionnante, ne voulant pas admettre qu’elle avait sans doute autant de charisme qu’elle en avait. Comme quoi, même si elles étaient les plus menues de la team, elles pouvaient prétendre en écraser plus d’un avec un simple regard. Une satisfaction qui la fit sourire en biais tandis que le type casquait sans même chercher à répondre quoi que ce soit, déguerpissant pour aller se palucher dans sa voiture ; à chacun ses kinks après tout, elle préférait juger autre chose que ce genre de vulnérabilités.
"Je plaisantais pas à propos de Duran. C’est pas la première fois et ce sera pas la dernière." qu’elle tint à faire entendre à Lara quand elle lui tendit les billets laissés par l’autre idiot du village. Elle les prit sans même faire genre qu’elle lui en laisserait la moitié, les froissant dans sa main pour calmer ses nerfs, sentant les paumes de sa main lui démanger "Quand j’ai postulé, Itziar m’a fait tout un foin sur la sécurité, sur l’idée que tous les pervers du coin seraient pas autorisés à venir insulter ou maltraiter qui que ce soit. Faudrait peut-être lui dire qu’y a des choses qu’elle peut pas contrôler et que c’est pas malin de faire miroiter ce genre de trucs à des nanas qui veulent seulement bosser tranquilles." Un sourcil arqué, elle planta son regard souligné de fluo dans celui de Lara sans en dire davantage. Et puis son visage se craquela doucement pour lui dire, avec une bonne foi atypique venant d’elle "Merci. Cela dit, j’aurais réussi à le faire partir sans que tu sois obligée d’intervenir." qu’elle finit par lui dire avec arrogance, glissant son plateau vide sous son bras et son pourboire généreux dans son décolleté. Sa tête se pencha sur le côté "Il serait peut-être pas parti avec tous ses membres, mais j’aurais eu du mal à m’en excuser." Le bout de sa langue darda pour chasser un amas de gloss sucré sur ses lèvres tandis qu’elle se détournait doucement pour lui dire "T’es presque plus compétente que Duran pour filtrer les connards, tu devrais penser à changer de poste." Dans le langage de Jo, c’était ce qui se rapprochait le plus d’un compliment ; prononcé sur le ton nonchalant de la conversation, mais tout de même.

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Tu as une expression satisfaite sur tes traits en sachant que cet idiot ne va plus embêter Jo pendant le reste de son shift et tu as un maigre sourire un instant plus tard, la voyant prendre les billets sans absolument aucun once d'hésitation. Chose que tu respectes et tu te dis que c'est tant mieux en réalité, sinon, tu aurais dû la convaincre à grand coup de tu bosses, c'est ton argent suivi d'un qu'il aille se faire foutre vraiment, cependant, la jeune femme ne semble pas s'encombrer de tout cela et les billets sont rapidement dans sa main et rangés dans son décolleté, preuve que tu n'es pas la seule à faire cela et tu l'écoutes, hochant la tête quand elle te remercie, tirant un tabouret libre pour t'installer au bar et espérer que plus personne ne la dérangera de la sorte. Elle a raison l'autre brune et tu serais une hypocrite finie si tu lui disais que ce n'était qu'un incident isolé et qui n'arriverait pas, pourquoi lui mentir ? Un homme essayerait sûrement dans cette situation, pour persuader sa serveuse de continuer de remplir les verres d'alcool et de juste être attirante pour les clients et c'est tout. Sauf que tu t'es déjà retrouvée dans cette paire de talons-là et tu détestes cette familiarité et le fait que toi comme Jo, vous soyez habituées. C'est fatiguant dans un sens, oui, très fatiguant de devoir être sur sa garde en permanence et si elle s'en était pris physiquement à lui... est-ce que tu aurais fait autre chose qu'applaudir ? Excellente question.
"Et j'ai recommencé à aller à la gym semi-régulièrement et apprendre quelques trucs, donc peut-être que je t'aurais rejoint en utilisant mes poings. Qui sait ? Cela l'air de marcher pour eux, non ?" Pas une attitude professionnelle à souhait, et ce n'est pas très élégant ni très mature. Mais tant pis, dans certaines situations, cela parait être la seule chose logique à faire, et aussi, il faut le dire, la seule chose à faire pour se sentir un peu mieux dans sa peau. Toi, en général tu élèves la voix cependant tu dois avouer que depuis ton premier cours d'auto-défense et ceux qui ont suivi, tu revois tes priorités. Tu ne devrais pas vraiment être surprise, tu te sens toujours mieux après quelques minutes passées sur scène et un numéro parfaitement exécuté, et une activité physique, reste une activité physique, n'est-ce pas ?  "Je sais que tu aurais pu te débrouiller, vraiment, je ne dis pas cela pour flatter ton ego et que tu passes à autre chose, mais j'ai dû mal à rester silencieuse dans ce genre de moments..." Que tu confies, avec une légère grimace, une moue sur le visage pendant quelques secondes, c'est ton côté impulsif, que dirait très certainement ta cousine, tu ne te laisses pas marcher sur les pieds, qu'ajouterait Itziar.
L'un comme l'autre, cela t'a causé quelques ennuis par le passé et cela t'en causera certainement dans le futur, la différence c'est qu'ici, entre ces murs, c'est toi la patronne. "Tout le côté sois belle et tais-toi ne marche pas sur moi. Et quelque chose me dit que cela ne fonctionne pas sur toi non plus." Jo sait clairement se défendre et donner son opinion et dire ce qui lui déplait, avec une certaine éloquence que tu ne possèdes pas et tu te dis que tu ne voudrais pas être de ceux qui font quelque chose qui lui déplait... non vraiment, l'expérience ne doit pas être plaisante et si pour le moment elle ne fait que critiquer la performance de Duran, tu sais voire au delà de son ton et tu peux admettre qu'il y a un vrai problème. "Et j'aurais une vraie discussion avec Duran et le reste de la sécurité, parce qu'Izzie était sincère et c'est vraiment l'ambiance qu'on veut, en pratique c'est plus difficile à mettre en place malheureusement..." Tu lâches un léger soupir, bien consciente qu'entre l'idée initiale que vous avez eu la blonde et toi et la réalité, il y a des compromis qui dont dû être fait, cependant, le bien-être de vos employés et en particulier des employées, cela passera toujours avant tout et ce même si vous devez dire non à quelques spécimens à la porte et perdre une source de revenus. Même s'il s'agit d'un buisiness qui doit tourner, il ne s'agit pas que de l'argent pour toi et bien un profond désir de se démarquer des autres boites de strip-teases où les patrons se moquent bien des problèmes des danseuses ou de tous les aléas du métier. "Donc j'entends les critiques, je ne les ignore pas, et tu as tout à fait le droit de me... de nous le dire si on ne répond pas à tes attentes." Que tu reprends, ne souhaitant pas que la serveuse pense que tu lui dis uniquement ce qu'elle veut entendre pour balayer l'incident et terminer la soirée.
"Je ne vais pas te dire que tout va changer d'un claquement de doigts et qu'on va toute se tenir la main et échanger des tubes de gloss entre deux conseils beautés mais..." Un léger rire t'échappe, tu ne feras pas l'affront de prôner un élan de fraternité et de camaraderie avant tout parce que vous êtes des femmes et que vous devez sous serrez les coudes et blablabla... C'est cliché à souhait et même insultant dans le fond, vous êtes entre adultes et tu comptes bien traiter toutes tes employées de la sorte et ne pas les faire passer pour des idiotes, encore une fois, tu as été de l'autre côté de la balance et le sentiment est plus que déplaisant."Tu peux dire tout ce que tu veux sans craindre la porte."

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Si le féminisme consistait à se mettre au niveau des hommes, pas étonnant que Jo avait autant de mal avec le concept. Entendre Lara souligner que, puisque ces abrutis usaient de leurs poings pour arriver à leurs fins, elle étaient en droit de faire la même chose, ça la fit grimacer très légèrement, donnant à son visage une nuance d’espièglerie qui braquait la lumière droit sur le jeune âge qu’elle avait en vérité. Mais le poids de l’argent qu’elle avait dans le décolleté était assez réconfortant pour qu’elle passe l’éponge sur la philosophie bancale de la jeune femme, et elle la suivit jusqu’au bar sur lequel elle posa son plateau sans attendre son reste, bien décidée à prendre cinq ou dix minutes de récupération après avoir été contrainte de respirer le même air qu’un pervers à la langue bien pendue.
Un instant encore, elle resta silencieuse, ne tenant pas non plus à polir l’ego de sa patronne en lui disant que c’était tout à son honneur de savoir qu’elle pouvait se débrouiller. Elle ne fit que la regarder sans la moindre expression réelle, capable sur le moment de faire preuve de pragmatisme tandis qu’elle savait que dans quelques secondes à peine, elle lui ferait réaliser que sa binôme faisait courir des promesses caduques aux filles qu’elles employaient. Sur le papier, c’était joli de vouloir un endroit safe, mais dans la réalité, c’était prétendre avoir les yeux partout et c’était impossible. Elle n’avait rien contre Itziar, mais admettre qu’elle avait fait une connerie en vendant la politique de la maison comme on vend des tapis au porte-à-porte, c’était aussi osé que les tenus bariolées des danseuses du club. Elle entendait bien le faire comprendre à Lara, et elle n’hésita plus très longtemps avant de lui donner son avis.

Ce à quoi elle répondit avec bonne foi, mettant en exergue le point commun qu’elles avaient ; elles ne savaient pas la fermer "Ça marche rarement sur qui que ce soit. C’est juste plus facile de la boucler quand on sait qu’on va récolter le mauvais rôle de toute façon. Moi j’en ai rien à foutre. L’avis qu’ont les autres à mon sujet, c’est pas mon problème." Sois belle et tais-toi, une maxime qu’on avait essayé de lui faire respecter durant tout son parcours à The X Factor. Elle avait du mal à se dire qu’elle n’avait pas fait l’erreur de sa vie en ne voulant pas se plier à cette commande. Si ça se trouve, si elle n’avait été que belle, elle aurait eu de beaux jours devant elle, à sauter de plateau en plateau, de scène en scène avec la satisfaction profonde de savoir ce qu’elle valait vraiment, au lieu de vouloir le cracher à la gueule de quiconque s’approchait d’elle à moins d’un mètre.
Elle ne s’appesantit pas sur ça, mentalement et verbalement, entendant ce que Lara lui disait avec un sourire goguenard au coin de ses lèvres dessinées au crayon "Au moins t’en est consciente. J’aime bien Itziar, mais tout le côté arc-en-ciel et licorne pour vendre son business, c’est pas mon délire." Elle était là pourtant. Avait-elle le choix ? "J’attendais pas grand-chose en postulant. Je suis comme toutes les filles d’ici, j’ai juste besoin d’argent pour payer les factures. Si je peux le faire sans me faire insulter de salope une fois sur deux, c’est une garantie qui me fera d’autant plus apprécier de faire partie de l’équipe." Ce qu’elle n’appréciait pas soit dit en passant, se suffisant trop à elle-même pour apprécier n’être qu’une carte à poinçonner en prenant son service. Elle disait vrai, elle n’était là que pour récolter de quoi faire bouillir la marmite. C’était parce que son regard avait été attiré par l’annonce postée par Itziar qu’elle avait fait le déplacement jusqu’au club, auquel cas elle se serait cantonnée à une autre besogne ; dans six mois ou plus, elle irait vaquer ailleurs, il ne fallait pas se raconter des histoires sur sa capacité à ne pas se lasser de toute en moins de cinq minutes "Je suis pas tellement du genre à avoir des potes filles de toute façon." Megan serait ravie de l’entendre. Et s’échanger le tube de gloss, à moins de pas craindre les microbes, c’était quand même bien dégueulasse.
Là encore, elle ne s’attarda pas sur le sujet, trouvant que Lara gérait plutôt bien les choses face à quelqu’un qui venait clairement de souligner le plus gros défaut de l’affaire qu’elle venait de monter. Jo se posait rarement des questions sur la vie de ceux qui lui faisaient face, s’en moquant comme d’une guigne la plupart du temps. Mais il y avait des moments où l’aura de la personne à qui elle s’adressait était assez colorée pour qu’elle ressente le besoin de savoir ce qui l’avait mené à suivre tel ou tel chemin. Peut-être que Lara avait galéré avant d’en arriver à prendre les choses en mains, elle ne saurait le dire ; elle avait cette façon de s’exprimer qui donnait l’impression qu’elle avait été élevé de la façon la plus noble qui soit, alors qu’elle se sapait comme tour droit sorti d’un mauvais manga ; les jupes plissées, c’était peut-être un traumatisme d’internat qu’elle avait détourné pour se donner l’impression d’être la digne maîtresse de sa destinée. Cette réflexion la fit sourire intérieurement pendant qu’elle se détournait pour mieux s’asseoir face au bar et faire cliqueter ses ongles interminables contre la matière froide du comptoir "A part ça, j’ai pas de revendications à te faire passer. Une fois que ce problème sera réglé, le club sera sur la bonne voie." Qu’est-ce qu’elle en savait, elle ? Elle aimait faire ça, Jo, donner l’impression de savoir de quoi elle parlait alors qu’elle n’en savait rien, trop orgueilleuse pour laisser l’occasion à qui que ce soit de se rendre compte qu’elle était aussi paumée que tout le monde, si ce n’était plus.

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Quand il s'agit de business, tu as encore beaucoup de choses à apprendre, et cela, tu en as parfaitement conscience. Entre danser et être aux commandes, il y a énorme fossé et chaque jour, petit à petit, tu tentes de compenser tes lacunes, et de devenir aussi à l'aise avec l'idée d'être en charge, que celle d'enlever ses vêtements devant de parfaits inconnus. Ironiquement, tu es beaucoup plus à l'aise avec la deuxième option, cela a toujours été le cas et peut-être que cela veut dire quelque chose de profond et de marquant sur la femme que tu es vraiment, mais toi ? Tu préfères ne pas trop y penser et ne même pas trop t'attarder là-dessus. En plus de jouer les patronnes, tu dois l'être et tu réalises bien que les faux-pas ne sont pas vraiment tolérés. Pas seulement de la part de Jo, mais de tous les employés en réalité, des clients et surtout, ta critique la plus sévère : toi-même. Parce que tu ne veux pas que tout ceci se finisse en fumée et avec une petite tape sur l'épaule et un message moralisateur pour te dire que tu as essayé de toutes tes forces alors c'est ça le principal. Non, tu as trop investi, trop de temps, trop d'argent, des larmes, de la sueur, et même une partie de ta sérénité pour ne pas que cette affaire perdure.
Si tu étais censée laisser tes émotions au placard, c'est loupé et même plus que loupé et tu t'en rends bien compte à présent. Quelqu'un d'autre saurait sûrement garder la tête froide, serait beaucoup plus froid et sévère avec Jo mais tu n'en vois pas grand intérêt à dire vrai. Elle a raison et demander des bonnes conditions de travail... c'est un minimum très raisonnable au final. "Arc en ciel et licornes carrément ? Il s'est passé quoi pendant ton entretien ? Maintenant j'ai envie de tout savoir." Que tu dis avec l'ombre d'un sourire aux lèvres et parce que tu connais assez Itziar pour savoir que lorsque la blonde se lance dans des grands discours qui se veulent motivant, elle peut aller loin et ce sans même le réaliser. Cela est généralement ton boulot de la faire redescendre sur terre, ou de lui rappeler qu'il n'y a que 24 heures dans une journée, oui, entre la blonde et toi, tu es sûrement celle qui est un peu plus défaitiste et pragmatique. La grande rabat-joie, c'est toi et c'est un rôle que tu assumes depuis des années et maintenant que le club est ouvert, tu es plus que contente qu'Itziar soit là justement, pour te rappeler que vous avez vu les choses en grand pour une bonne raison. Pour certaines, comme Jo, ce n'est qu'une question d'argent et de factures de mois en mois, décidemment pas pour toi.
"Et c'est tout à ton honneur, je ne vais certainement pas te dire que tu dois faire passer le club en priorité et que si tu n'es pas prête à investir des larmes et du sang... c'est parce que tu es faible. Non, on n'est pas une belle et grande famille, on n'est un business, et faut que ça tourne." Que tu soutiens en hochant légèrement la tête, ce n'est pas ton genre d'être hypocrite de cette manière et dans ta ligne de métier, plus personnes ne se fait d'illusion. Surtout pas quand on considère ce que tu fais à mi-chemin entre la prostitution et l'extorsion de fonds, mais, comme tu l'as toujours dit, il y a une demande et vous ne faites que répondre aux attentes de vos clients, ni plus ni moins. Si tu devais bosser dans un petit bureau de neuf à dix-sept heures, tu trouverais cela beaucoup plus dégradant, beaucoup plus. Tu sors de tes pensées quand Jo te dit qu'elle n'a pas beaucoup de filles dans son entourage et tu soupires, avant de sourire légèrement, parce que tu es passée par là toi aussi, et que lorsque l'on connait ta sexualité, ça n'aide pas.
"Han je suis choquée et déçue, je croyais que c'était le début de notre grande amitié ensemble, on vire les clients ensemble et après on serait allées acheter une paire de talons et tout." Les femmes sont d'un compliqués, il faut l'avouer, ce sont souvent les montagnes russes et il faut avoir le cœur bien accroché pour vivre les histoires les plus intenses, qu'il s'agisse d'amour ou d'amitié d'ailleurs. Les lignes sont floues avec les créatures du même sexe parfois et au moins, avec tes clients, les choses sont simples, tu n'es qu'une plastique pour eux, juste un moyen d'oublier leurs problèmes et de passer à autre chose, et de se détendre par bien des façons, des façons parfois très peu honorables, qui restent toujours entre toi et tes clients, mais cela ne va jamais plus loin que cela. Ce n'est qu'une transaction, c'est simple et pur dans un sens. "T'as l'air de t'y connaitre en tout cas, Izzie m'a dit que tu avais de l'expérience et je vois ça... Ou alors comme certaines filles sur scène, tu fais très bien semblant et avec un joli sourire." Tu avances cela un peu curieuse, tes deux coudes reposant toujours sur le comptoir tandis que tu fixes la brune. Tu n'es pas aussi douée que certains pour lire les gens, tu ne sais pas si ce n'est que son ego qui parle ou si elle en a vraiment vu de toutes les couleurs avec ses précédents jobs, sans doute un peu des deux que tu décides. "Tu bossais où avant ? Oui, rafraichis-moi la mémoire et je ne suis même pas la patronne, je suis une cliente comme tout le monde, regarde." Pour prouver ta bonne foi, c'est ton tour de sortir un billet pour elle, que tu fais dramatiquement glisser sur le comptoir, fixant pendant un temps les bouteilles derrière Jo. "Par contre je n'y connais absolument rien en matière d'alcool, du moment que ce que tu me sers est rose, je serais contente."

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Etait-ce une mauvaise idée de faire remarquer à Lara que c’était fâcheux qu’elle lui demande ce qui s’était passé lors de son entretien, alors qu’elle était supposée être la patronne bis et être au courant d’à peu près tout ce qui se passait sous le toit de son affaire ? Jo ne se posa pas la question sur le moment, toutefois elle eut la sensation que souligner de nouveau les failles de la petite affaire de la jeune femme serait une provocation inutile. Elle ne se réjouissait pas du malheur des autres, elle ne s’en désolait pas non plus, elle savait néanmoins faire la part des choses en reconnaissant que parfois, il valait mieux la jouer finaude en passant outre les contradictions de ceux qu’elle avait en face d’elle. Mais elle devait bien avouer que dans le fond d’elle-même, ça la faisait bien marrer que les patronnes ne communiquaient pas autant qu’elle l’aurait imaginé, elles qui vendaient davantage leur amitié que leur collaboration, donnaient  tout juste l’impression de se cacher de trucs alors que la clef d’une affaire montée entre amis, c’était de savoir compartimenter les deux pour que rien ne soit réduit en poussière. Leur perte, elles se rendraient bien assez tôt que c’était du suicide de vouloir allier les deux, et que tout ce qu’elle réussirait à faire au fur et à mesure, c’était mettre de côté ce qui leur tenait le moins à cœur. Et quelque chose disait à Jo que ce ne serait pas le club.

Elle haussa les épaules, les coins de sa bouche s’affaissant pour marquer sa réponse "Rien qui mérite vraiment qu’on s’y attarde. Je suis là finalement, c’est que j’ai jugé que c’était pas assez rédhibitoire pour pas accepter de travailler ici." Elle ne se cachait pas derrière ses intentions, Jo. On pouvait la juger superficielle, pointant du doigt les tenues qu’elle portait, le temps qu’elle mettait à mettre en avant son physique, et son choix de faire des paillettes une philosophie de vie, elle avait assez d’amour propre pour rester fidèle à elle-même, qu’importe qui se trouvait en face d’elle. Lara était sa patronne, mais elle n’était que ça, et elle entendait bien le lui faire comprendre sans être grossière au demeurant, juste en maintenant sa ligne de conduite, celle qu’elle respectait avec chaque personne qui se présentait à elle, à de rares exceptions près avec lesquelles elle était plus accessible, moins revêche.
Elle aussi, elle rit tout en haussant les sourcils quand elle releva la remarque de Lara "Si tu me demandais ça, c’est là qu’on commencerait à avoir un problème, toi et moi." Une début qu’elle ne tarda pas à expliciter, le bout de sa langue dardant pour venir momentanément se coincer dans l’écart entre ses deux dents de devant "Je crois pas en l’idée que se lier à ses collègues, ça facilite le boulot. Bien souvent, quand on quitte un poste, on finit par ne plus jamais avoir de nouvelles de personne, ça en dit long sur l’intérêt à accorder à ce genre d’amitié." Elle mit en avant le terme qu’elle employa pour terminer sa phrase en faisant saillir les tendons de son cou délicat et détourna brièvement le regard pour en accorder un à la barmaid qui s’affairait derrière le bar. Rapidement, elle revint sur Lara, acceptant ses sarcasmes en usant des siens pour lui répondre, le tête penchée sur le côté, et prenant un accent de riche héritière californienne résidant à Calabasas — Kourtney Kardashian n’avait qu’à bien se tenir "Ouais, nan… désolée, t’es pas vraiment mon type. Mais je suis persuadée que tu t’en remettras." Ça pour en être persuadée, elle ne s’attarda pas davantage et haussa les sourcils quand la jeune femme reprit la parole.
Elle le fit, elle aussi, retrouvant son accent bien australien et sa verve traînante, mais acérée "C’est un peu des deux. Je bossais à l’Electric Playground avant… et j’ai fait d’autres clubs avant d’emménager ici, mais c’était pas le même genre d’endroits." bien avant d’emménager ici, aurait-elle dut dire, mais elle ne tenait pas à se répandre en détails. Elle était en plein service, dans quelques instants, elle retournerait à son poste, inutile de se lancer dans des confessions dont elle ne se souviendrait pas de toute façon, pas tellement taillée pour les interactions. De nouveau, elle évita de faire remarquer à Lara qu’elle n’était pas obligée d’amoindrir le rôle qu’elle avait au sein du club à ce moment parce qu’à cet instant, elle avait l’air de tout, sauf d’une patronne. Mais entre nous, elle n’avait pas vraiment l’air d’une serveuse non plus, alors qui était-elle pour juger qui que ce soit ? Jo se redressa doucement, secoua la tête de droite à gauche quand Lara fit glisser un billet vers elle comme si elle n’était qu’une vulgaire tapineuse et y posa son index et son majeur de la main droite pour le faire glisser dans l’autre sens pendant qu’elle lui disait "T’es la patronne, je pense que tu peux te servir toute seule et cibler pile-poil ce qui te ferait plaisir." Elle était là pour servir les clients, pas pour servir le personnel. Ses yeux rencontrèrent ceux de la jeune femme sans qu’elle ne les soutiennent pour autant, simplement parce qu’elle était à quelques mètres à peine d’elle et que c’était plus poli de regarder les gens à qui on s’adresse, non ? Elle mit un instant à reprendre la parole, récupérant sa main en même temps que sa posture et finit par lui demander "Puisqu’on en est au jeu de rôle, ça veut dire que je suis pas vraiment une serveuse non plus à ce moment-là, hmm ? Alors c’est quoi ton histoire, pourquoi t’en es venue à investir dans le divertissement pour adultes ?" Parce qu’il fallait appeler un chat, un chat. Le club n’était que ça, du divertissement pour adultes, là où la danse passait en second et où le regard déviait à chaque fois des efforts des filles à proposer des numéros artistiques.

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Tu fais ce métier-là depuis suffisamment longtemps pour savoir que se créer des liens n'est pas la priorité des danseuses. Non, il s'agit plus de passer une nuit sans encombre, de récupérer le plus de billets possibles, d'enfiler une tenue normale quand le club est de nouveau fermé et retourner à la vie normale, et bien monotone de tous les jours. Car des établissements tels que Paradise City ne représentent pas la réalité, cela, tu l'as appris depuis longtemps, tout comme il t'a fallu réaliser que les gens ne venaient pas pour du concret ou du brut, mais bien pour le fantasme et pour l'échappatoire. Ils devraient très sincèrement aller s'asseoir sur le canapé d'un thérapeute avec assez de diplômes pour écraser plusieurs personnes au passage, mais cela voudrait dire que tu t'inclurais dans le lot et tu préfères délaisser l'énergie négative sur scène, plutôt que d'en parler, ce serait un moment plus que déplaisant à tes yeux en réalité et cela voudrait dire que tu n'aurais pas vraiment de clientèle. L'illusion doit rester parfaite devant les clients, tenues légères, musique trop forte, corps lancinants sur scène, tout peut être obtenu avec quelques billets, n'est-ce pas ? Non, la réponse a toujours été non, et cela est plus ou moins ancrés dans l'esprit de certains, pas d'autres, tu sais que tu n'as pas besoin de l'expliquer à Jo, elle n'a pas l'air naïve du tout et elle te le confirme en parlant de son expérience du travail et tu ne peux que hocher la tête au propos de l'autre brune.
"Je partage ton avis sur ce point au moins, certains ne sont pas aussi matures que toi, malheureusement." Tu trouves que le mot ami est un peu trop prononcé de nos jours et plus de gens devraient être honnêtes et réaliser que leur présence est plus tolérée qu'autre chose. Toi-même, tu as toujours été sélective quand aux personnes que tu ranges dans cette catégorie-là, est-ce que cela t'a causé du tort ? Oui, il serait idiot de ne pas le voir et de ne pas l'admettre, cependant, cela t'a évité beaucoup de migraines et de conversations inutiles et tu supposes que c'est pareil pour Jo. Qui est aussi sarcastique que toi, et elle vient de gagner quelques points comme cela, sans le savoir, parce qu'elle ne cherche pas à t'impressionner, que son boulot sera fait, que tu sois dans les parages ou pas et tu as beaucoup plus de respect pour ce genre de personne que quelqu'un qui se serait plié en quatre pour répondre à ton caprice. En vérité, tu ne devrais pas la distraire, c'est facile et tu pousses un soupir qui se veut dramatique, avant d'enfin bouger, tes talons claquant sur le sol de l'établissement dans le même temps."C'est un non alors ? J'y crois pas, il faut tout faire soi-même... pourquoi je ne suis pas étonnée." Tu le dis cependant avec un léger sourire sur le visage et facilement, rapidement, tu te retrouves derrière le comptoir, ce n'est pas la première fois et tu as déjà vu Izzie le faire avec aise, la blonde est clairement plus dans son élément que toi ici.
Cependant, tu fais très bien semblant et tu finis par attraper un verre propre, y mettant des glaçons et une rondelle de citron pour commencer, ne sachant pas encore sur quoi jeter ton dévolu. Rose, tu avais dit rose, tu écoutes toujours Jo en parcourant les différentes bouteilles qui sont placées ça et là et tu finis par repérer de la limonade rose ainsi que la vodka, Itziar ne t'avait pas fait un cocktail avec ces ingrédients-là justement, pour tenter de te convaincre ? L'alcool... un vice que tu n'as jamais compris et qui te fait sûrement passer pour plus immature que tu ne l'es déjà. Jo parle de l'Electric Playground, un club connu et bondé de Brisbane, tu as toi-même déjà dansé sur le comptoir plusieurs fois, lors de diverses occasions, la réputation de l'établissement n'est plus à faire dans la ville. Peut-être qu'un jour ce sera le cas de Paradise City, tu n'en sais rien pour le moment, il est trop tôt pour le dire, tu esquisses un sourire en remplissant ton verre, comme si tu étais une experte, comme si, relevant le regard vers Jo. "Divertissement pour adultes ? Je te trouve très polie quand même, à en croire les dires de certains, je suis juste un pimp de bas étages, c'est un peu diminuer mais accomplissements mais..." Mais tant pis, tu as l'habitude et qu'on se le dise, tu t'en fiches. Si tu te souciais de choquer quelques personnes un peu trop coincées ou de ta réputation, tu ne serais pas vraiment toi, ça n'a jamais compté, tu fais ce que tu veux depuis des années et cette ligne de métier-là également.
"J'aime mon boulot, j'aime être sur scène, j'aime danser, avoir l'attention, et ouais, enlever mes fringues aussi. Cela ne va pas plus loin que cela, ce n'est pas vraiment moi sur scène, ça me fait du bien et on ne va pas se mentir, je suis douée." Plus que douée, tu passes des heures à t'entrainer, à danser en dehors de ces quelques moments sur scène et cela finit toujours par payer, dans tous les sens du terme. Tu ne te vois pas faire autre chose désormais, cela serait un peu te mentir à toi-même que de te convaincre que tu peux autre chose que de danser. Ton verre est rempli, ta boisson bien rose et tu trouves enfin une paille, continuant de répondre à Jo. "Si tu as fait plusieurs clubs de la ville, tu sais que c'est une industrie totalement volatile, il y a des sous à se faire, mais les établissements apparaissent et disparaissent rapidement." Trop rapidement diraient certains, les modes passent, la musique change et les gens se lassent tout simplement. Tu finis par prendre une gorgée de ton cocktail fait maison et si la limonade est une bonne distraction, tu retiens une grimace au goût de la vodka, décidemment pas fait pour toi.
"Et puis quel autre métier je peux faire où je peux porter des talons, des tenues qui font oublier à certains qu'ils ont une moitié qui les attend à la maison et me suspendre à quelques mètres du sol en prétendant que c'est la chose la plus facile du monde ?" Aucun, une conclusion que tu as faite depuis longtemps. "Et je te retourne la question, Jo, pourquoi t'es là ? Tu es clairement plus jeune que moi, je ne veux pas faire dans le cliché, mais le futur est pour toi, tout ça tout ça..."

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"Mais c’est un peu vrai." Qu’elle était un pimp de bas-étage. Il ne fallait pas compter sur Jo pour polir l’amour propre d’autrui, elle avait déjà suffisamment à faire avec le sien pour vouloir se plier à l’exercice. Et puis, elle était désolée, ou pas tellement, mais le rôle endossé par sa patronne, il n’était pas si éloigné de ce qu’elle décrivait en prétendant que c’était les autres qui usait de ce terme pour la désigner. Si la majorité des filles qui avaient été engagées pour faire partie de l’escouade de danseuses du club étaient là par choix aujourd’hui, ça n’avait pas toujours été le cas. Elle en avait rarement rencontré, des nanas qui acceptaient sciemment de se faire traiter comme des morceaux de viandes pour quelques dollars empochés, il fallait rester réaliste. Paradise City offrait la sécurité, géré par deux jeunes femmes qui avaient des valeurs, d’accord. Il restait que la clientèle de base restait des hommes avides de fantasmes et de bons temps — du divertissement pour adultes qui permettaient de sortir du schéma YouPorn-lubrifiant-mouchoirs-doigts collants… mais c’était le même délire dans le fond, ni plus ni moins. Elle haussa les épaules avec un petit sourire en coin "Ça reste des femmes qui se soumettent aux regards des hommes en espérant trouver mieux. T’en profites un peu au passage en amassant les billets et en faisant briller ton nom… c’est pas honnête, mais c’est pas malhonnête non plus. Ils le font bien, eux." Eux, sous-entendu, les hommes. Encore une fois, Jo ne jugeait pas le choix de carrière de Lara, mais il ne fallait pas se raconter d’histoire non plus. Elle avait arrêté de croire en la version enjolivée de ce genre de récit depuis longtemps. Si elle n’avait jamais vraiment été naïve, on lui avait enlevé le peu de sa candeur quand elle avait subi le traitement qu’elle avait subi en participant au télé-crochet qui avait sonné sa perte. Tout était une histoire de gros sous dans tous les cas, et ça n’avait rien de glamour, malgré les paillettes et les jeux de lumières.

Elle n’émit aucune espèce de réaction autre que celle de lui rendre son billet quand Lara tint à se faire servir par ses soins, et qu’elle lui fit entendre qu’elle pouvait le faire elle-même. Elle ne bougea pas de son perchoir, la regardant à peine évoluer derrière le bar, à tâtonner ici ou là pour se préparer un breuvage à la hauteur de ses envies. Le rose éclatant de son verre la fit sourire de travers, tout comme les propos qu’elle déversa sur elle avec confiance, et qui lui fit admettre de bonne volonté, un sourcil remonté en accent circonflexe "Au moins, tu te caches pas derrière des fausses intentions. Si t’aimes l’attention et que c’est ce qu’il te faut pour être heureuse, tu dois sûrement y trouver ton compte ici." Ici ou ailleurs. Elle pourrait tout aussi bien finir cam-girl qu’elle en ressortirait avec un compte en banque plus gonflé encore. Elle aimait bien la manière dont Lara faisait preuve d’honnêteté. Elles n’avaient pas le même genre d’ambition, d’une certaine façon pourtant, elles se rejoignaient dans leur manière d’envisager les choses ; à la différence qu’elle, la mauvaise expérience qu’elle avait vécue avait finir d’enterrer ses rêves. Elle n’était pas envieuse de voir quelqu’un réussir, elle était juste un peu triste de constater que malgré les airs qu’elle se donnait constamment, elle n’était pas si téméraire qu’elle le croyait.
Mais c’était une introspection qu’elle se gardait pour quand elle aurait que ça à foutre. Un rire lui échappa, le bout de ses doigts se triturant entre eux, et suivant l’arrondit acérés de ses ongles peints en fuchsia et surplombés de strass "Funambule. A t’entendre décrire tout ça, tu donnes l’impression d’évoluer dans un cirque." N’était-ce pas un peu le cas ? Jo tourna la tête vers elle quand elle se réinstalla. Est-ce qu’elle était prête à être aussi cash avec la jeune femme à propos de son parcours entre les murs du club ? Elle l’avait été avec Itziar, encore qu’elle s’était efforcé de tout explorer en surface pour ne pas paraître désespérée. Et elle ne l’était pas, elle était juste aussi blasée qu’elle était déterminée à poursuivre son chemin avec, certes la boule au ventre, avec une certaine satisfaction à l’idée de subvenir aux besoins de sa grand-mère alors que tout le monde l’avait laissée de côté, prêts à la parquer dans un mouroir pour ne pas avoir à s’en soucier. Elle pencha la tête sur le côté, la bouche serrée que, graduellement, elle ouvrit pour pouvoir parler "J’ai pas de diplôme, j’ai pas de formation… j’ai essayé d’être caissière, mais je collais pas à la charte de l’employé modèle. T’auras remarqué que j’ai du mal à la boucler." Sans blague, Josephine "Mes options sont plutôt limitées. Je dis pas ça pour faire chialer dans les chaumières, j’ai vite appris que ça servait à rien de se raconter des histoires, donc j’ai optimisé mes chances en postulant souvent dans ce genre d’endroits parce qu’avec ma gueule et mon caractère, j’ai toujours su que j’avais toutes mes chances… et comme faut bien manger et payer les factures, ça m’arrange." Passer sous silence ses desseins d’étoile, c’était devenu quelque chose qu’elle faisait souvent parce que ça lui faisait du mal. Lara n’avait pas besoin de connaître ce genre de détails. Elle lui demandait simplement ce qu’elle fichait là, et la vérité, c’était celle-là "Je fais comme tout le monde, j’essaye de survivre. Je vais pas te mentir, ça a jamais été mon rêve de bosser dans un club de strip-tease, mais ça fait l’affaire en attendant." En attendant quoi exactement ? Jo repoussa cette question qu’elle se posa à elle-même, se levant de son tabouret haut pour se donner bonne contenance.

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crédit/(noirflavouredgifs/tumblr) ✰ w/@Jo Carter

Tu ne t'es jamais mentie sur ce que tu recherchais sur scène tous les soirs et tu sais que cela peut paraitre un peu étrange d’un point de vue extérieur. Tu connais certaines filles qui ne voient cella que comme un métier, trois minutes de chanson, beaucoup de billets recolletés et elles passent immédiatement à autre chose, sans se poser de questions, sans regrets. Tu en connais qui ont des regrets justement, parce que ce n'est pas très correct, parce que dans cette transaction, elles en donnent beaucoup pour en récolter peu dans certaines situations, et qu'en plus des regards des étrangers, il faut subir les stigmas et sa propre culpabilité. Tu l'entends, tu le comprends, cela ne t'a jamais arrêtée et tu ne t'es jamais questionnée plus que cela, tu es plus de celles qui foncent et qui réfléchissent après. Et dès qu'on t'a fait découvrir cet univers, tu as compris que c'était pour toi. L'alternative aurait été de donner des cours de danse dans un studio, ou d'attendre, naïvement, de te faire découvrir par une troupe ou de plaire à un quelconque artiste et d'avoir la chance d'être sélectionnée pour faire partie d'une troupe de véritablement professionnelle. Et cela aurait été très bien et satisfaisant dans un sens, mais cela n'aurait pas été ici, cela n'aurait pas été Paradise City et tu serais passée à côté de quelque chose tu le sais.
Tu réussis à faire rire Jo et tu as un sourire quand elle parle de cirque mais... est-ce que la brune a tort ? Il vous faut des sons et des lumières pour attirer vos clients, venir ici est considéré comme quelque chose d'un peu hors norme et vous préparez des numéros tout le jour durant pour les rendre parfaits et les présenter à vos clients, donc... est-ce que la comparaison est si fausse que cela ? "C'est un peu le cas quand on y réfléchit bien, si on ne faisait qu'enlever ses vêtements, les gens partiraient vite. Ils veulent du spectacle et qu'on les fasse rêver, tout ça en prétendant que ça nous fait vibrer d'avoir tous ces regards masculins posés sur nous." Même quand ce n'est pas le cas, surtout quand ce n'est pas le cas que tu te dis, sirotant ton "cocktail" improvisé avec ta paille, si tu ne caches pas ta préférence pour les courbes féminines, tu as rapidement compris que tes clients n'étaient pas obligés de tout savoir. Du tout même et certains aiment bien l'idée d'être choisis, d'être désirés et de ne pas juste être des portefeuilles ambulants à tes yeux. Est-ce un peu réducteur ? Sûrement, mais tu n'es vraiment pas désolée de penser de la sorte et tu ne le seras jamais, si tu es censée éprouver une dose supplémentaire de sympathie pour tes clients, ce ne sera jamais le cas, ils ne sont que ça la plupart du temps, des anonymes qui viennent se rincer l'œil sans vraiment compter et c'est tout.
Les bons payeurs ont le mérite d'avoir un peu plus d'attention et tu retiens leurs prénoms ou les faux pseudonymes qu'ils décident d'utiliser mais cela, ça a un prix. Comme beaucoup de choses ici, que tu te dis avant d'écouter Jo te raconter son propre passé, tu la trouves... étrangement dure avec elle-même, comme si elle préférait se juger et s'envoyer la pierre, pour ne pas que qui que ce soit d'autre le fasse ou ose le faire. C'est tout à son honneur et encore une fois, tu plains quiconque dépasserait les limites avec elle, Jo leur ferait sûrement passer un mauvais quart d'heure. Elle essaye de survivre, pas de vivre, là encore, la distinction est trop importante pour ne pas être remarquée et tu finis par reposer ton verre vide sur le comptoir. "Et j'apprécie ton honnêteté, comme tu le dis, il faut bien remplir son frigo..." Mais il est clair qu'elle aurait pu choisir un boulot plus simple, dans un autre bar ou autre pub de la ville. "J'ai un diplôme et une formation, je peux te dire que ce n'est que du vent et pour la plupart des gens, c'est une perte de temps et d'argent. Je veux dire, tu peux être comme moi et être chanceuse et avoir papa et maman qui sont prêts à signer des chèques et à tout payer, mais d'expérience, la vraie vie ne fonctionne pas comme cela." Et ça, tu as dû l'apprendre toute seule, ce n'est pas grâce à Trevante ou à Cassandra  que tu as pu le réalsier et oui, tu as mis longtemps avant de couper le cordon ombilical, mais une fois que tu l'as fait, il n'y a pas eu de retour en arrière.
Tes parents ont bien essayé de te convaincre de revenir au bercail, mais tu as persévéré, et tu en es bien contente, Paradise City n'existerait pas si ce n'était pas le cas et tu ne serais pas non plus en train d'avoir cette conversation avec Jo. "Tu en apprends plus en bossant que sur les bancs de la fac, c'est certain." Okay, c'est une ligne clichée à souhait, mais qu'est-ce qu'elle manque ? Les cours où personne ne se rend ? Le stress des examens ? Les soirées un peu trop alcoolisées chargées de beaucoup de regrets le lendemain ?  "Et oui, au cas où tu ne l'aurais pas compris, je suis plus vieille que toi, mes propres discours me trahissent." Que tu dis dans un léger rire, plus qu'une toute petite année avant le fameux cap de la trentaine. Cela devrait t'effrayer mais ton âge n'a jamais été un frein à quoi que ce soit, ce n'est qu'un nombre de toute façon. "Mais j'espère que cela restera un boulot sans encombre pour toi..." Ce qui est le plus important au final, pouvoir bosser sans craindre quoi que ce soit et pouvoir repartir se reposer loin du club une fois le jour arrivé. "Et qu'on continue de soutirer le plus de sous possibles à des idiots aux morales aussi légères que mes tenues de scène..." Tu lèves ton verre vide à cela, te disant que c'est un de tes meilleurs toast.

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{all my girls they like to fight}
crédit/(gwensgifs) ✰ w/@Lara Pearson

La grimace que Jo laissa échapper en entendant Lara souligner que chaque femme travaillant ici devaient prétendre forcément aimer se faire reluquer par les clients n’était pas à la hauteur de ses vraies pensées. Mais elle préféra les garder pour elle cette fois-là, retombant dans un silence relatif, la musique du club berçant le dialogue qui avait lieu entre elle et sa patronne. Elles pourraient parler de ça pendant des heures, relever les contradictions que ça représentait de travailler dans un endroit pareil en assénant que ça ne leur plaisait pas au moins un peu, d’être le centre de l’attention de chaque nouveau arrivant. En l’occurence, Jo n’était pas le centre d’attention ici, et étrangement, ça lui plaisait assez de raser les murs, de faire ce qu’on attendait d’elle, et de ne pas faire de vagues… du moins, quand les clients étaient corrects avec elle et ne tenaient pas à la voir se déshabiller, elle aussi. Elle ne ferait jamais ce genre de choses. Ça restait du spectacle pourtant, elle y trouverait certainement une dose de satisfaction bienvenue, et la partie la plus exhibitionniste d’elle y trouverait sans doute son compte, elle aussi, d’autant qu’elle n’était pas particulièrement pudique, mais ce n’était pas une facette du divertissement qui lui plaisait en vérité.
Comme elle le dit quelques instants plus tôt à Lara, elle n’était là que pour empocher son salaire, elle n’avait pas de velléité de se faire remarquer en bossant dans cet endroit ; qui viendrait écluser les banquettes des clubs de strip-tease d’ailleurs, et pourquoi faire ? Il fallait se méfier de tout à notre époque, et loin d’elle l’idée de terminer exploitée de force sur l’Internet.

Se levant de son tabouret, elle tourna la tête vers Lara "C’est ça alors. Paradise City, c’est ta version de l’émancipation ? Ils en disent quoi ?" qu’elle lui demanda quand elle parla de ses parents. Elle eut un sourire en coin. Elle était putain de bonne à ce jeu-là quand même, elle avait deviné que Lara n’était pas comme la plupart des nanas qui se pointaient ici pour postuler. Elle était éduquée, elle avait des manières et un langage trop pointu pour venir du fond de la benne à ordures.
Elle fût à deux doigts de lui demander pour l’école privée et les jupes plissées, sauf qu’elle se ravisa quand elle ajouta quelque chose. Lui répondant du tac-au-tac, Jo lui dit "J’ai jamais voulu aller à la fac de toute manière, c’est pas une grande perte." Elle était à peine allée au lycée à dire vrai, y trouvant sa place uniquement grâce à la chorale à laquelle elle avait pris part dès sa première année. Sa mère lui avait fait l’école à la maison pendant quelques temps par intermittence, entre l’école primaire et le collège, sa passion pour la musique devenant le moteur d’une vie qui avait été rythmée par les exigences de son père à toujours la rendre meilleure et puis tant pis si elle ratait deux ou trois jours d’école, qui s’en souciait vraiment ? L’école de la vie, c’était la politique du patriarche qui n’hésitait pas à la lui faire prendre en pleine gueule, du plat de la main. Ça ne l’avait pas rendue idiote pour autant — elle avait dû perdre des neurones cependant, elle s’en était mangée quelques-unes au fil du temps — mais elle avait probablement manqué des choses, des opportunités.
Elle haussa les épaules à ces pensées qui s’infiltrèrent dans son esprit, marquant sa volonté de ne rien dire à ce sujet lorsqu’elle rebondit sur ce que Lara lui dit à ce moment-là "Ouais, tu dois pas l’être de beaucoup cela dit." Plus âgée. D’accord, elle était maquillée à la truelle, mais même Rihanna n’avait pas réussi à créer un fond de teint qui faisait rajeunir en une seule application "Je sais ce qu’on dit, black don’t crack et tout, mais t’as pas l’air d’avoir quarante balais non plus." Bien observé, Jo. Elle passa la paume de sa main sur le haut de son crâne, chassant les petits cheveux virevoltant à cause de la climatisation, statuant après un instant à jeter un regard évasif à la grande salle vers laquelle elle se retourna en se disant qu’il fallait peut-être qu’elle y retourne, servir ces débiles "J’ai pas besoin d’une grande sœur tu sais." Ça lui vint comme un extension de ses pensées immédiates, sans aucune agressivité cependant, intervenant juste entre deux bribes de phrases que Lara prononça à nouveau et auxquelles elle ajouta sa réflexion sur le même ton traînant que d’ordinaire, à croire qu’elle était épuisée à même pas 30 ans — ce qui était le cas en fait "Ça durera le temps que ça durera." En espérant que l’incident de ce soir ne se reproduise pas "Je devrais peut-être y retourner, j’ai pas envie que les patronnes me tombent dessus parce que je fais la causette aux clients." qu’elle finit par dire en tournant la tête vers Lara, un sourire en demi-teinte rehaussant l’une de ses pommettes.

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{all my girls they like to fight}
crédit/(noirflavouredgifs/tumblr) ✰ w/@Jo Carter

L'autre brune pose des questions auxquelles tu n'es pas obligée de répondre, tu le sais, tu sais que tu pourrais juste la gratifier d'un froncement de sourcils avant de lui rappeler qu'elle est là pour bosser mais... tu n'es vraiment de ce type de patron, ce n'est pas comme si le club était bondé à souhait en ce moment, tu soupçonnes que la prochaine fournée de clients va faire son apparition dans une bonne demi-heure avec, en plus de cela, quelques coups déjà dans le nez, tu es un peu trop familière avec les petites coutumes de la vie nocturne de Brisbane, c'est certain. Et en plus, ce n'est pas comme si tu avais quoi que ce soit à cacher ou qu'il s'agissait de questions vraiment personnelles, tu fais un métier qui n'est pas commun, tu le sais, tout comme tu sais qu'Itziar et toi vous mettez les pieds dans une industrie qui est principalement dominée par des hommes. A croire qu'il n'y a qu'eux qui sont capables de faire vivre un business et une telle affaire dans une telle industrie, c'est complètement faux à tes yeux, il y a de l'argent à se faire alors pourquoi compliquer les choses avec quelque chose d'aussi trivial que le genre ? Très bonne question, au moins, tu es passée par là, tu montes toujours sur scène, Izzie a son expérience de barmaid et de serveuse, vous savez exactement quelles difficultés viennent remuer la vie de vos employés. Donc tu apprécies que Jo t'interroge, vraiment et tu laisses échapper un rire quand elle parle d'émancipation.
Non, ça c'était le moment où tu as dit adieu à la fac, ta mère ne s'en est toujours pas remise d'ailleurs. "Oh, tu penses que mes parents sont au courant ? Je crois que mon père me ferait tout un discours comme quoi il est déçu, pas en colère, ce qui est pire et ma mère... quand elle se serait remise de sa crise cardiaque, elle prétendrait qu'elle n'a pas de fille." Tu dis ça avec un sourire sur le visage, parce que tu es dans ton club, parce que tu es aux commandes et parce qu'il faut le dire, intérieurement, tu as dû temps pour soigner tes blessures. Ta relation avec ton père a beau s'être améliorée, partager un repas avec lui deux fois par semaine et lui avouer de quoi tes soirées sont faites, c'est deux choses complètement différentes, il n'est pas prêt à entendre la vérité. Tout ce qu'il sait, c'est que tu donnes des cours de danse dans un studio et que ça te plait. Et s'il a déjà émis des doutes sur la longévité d'un tel métier, tu l'as déjà rappelé à l'ordre. Quand à Cassandra... non vraiment, ce que tu as dit à Jo se tient, si pour le moment tu n'as le droit qu'à de brefs messages relayés par ton père, si elle savait, elle couperait vraiment les ponts avec toi. Mais c'est leur problème à eux, définitivement pas le tient. "Je ne dis pas que c'est une bonne façon de vivre, mais parfois, il faut juste faire ce que tu veux et ne rendre de compte à personne."
Tu n'aimes pas particulièrement donner ce genre de conseil, et est-ce que c'est vraiment un conseil ? Non, c'est ta propre expérience que tu te dis, adressant une autre expression amusée à Jo, parce que tu n'es pas en train de lui dire comment vivre sa vie, elle découvrira tout cela par elle-même et elle aussi, elle prendra ses propres décisions. Tu hausses simplement les sourcils quand elle tente de deviner son âge, tu serais curieuse qu'elle te donne un nombre, juste pour voir, les gens se trompent souvent, on te croit plus jeune que tu ne l'es et tu soupçonnes que c'est ta taille. Malgré les talons. "... Et ce n'était pas ce que j'essayais de faire, mais c'est noté, Jo." Que tu répliques en hochant la tête, ou alors si ? Si c'est le cas, tu ne t'en rendais même pas compte, tu n'as jamais eu ce rôle, c'est plutôt le contraire d'ailleurs et tu hausses les épaules, avant de reposer ton verre vide avec tous les autres. Tu repasses de l'autre côté du comptoir, parce que oui, il est temps de se retrousser les manches et de finir la nuit. "Une tragédie vraiment, un peu plus et elles pourraient te reprocher de ne pas faire ton boulot." Tu ajoutes cela avec un autre sourire. "Faut que j'y retourne aussi de toute façon, il faut bien que quelqu'un parle à ce cher Duran, n'est-ce pas?"
Les mots de Jo ne sont pas tombés dans l'oreille d'une sourde, qu'elle en soit bien assurée. "Et puis tu te débrouilles mieux que moi derrière le bar..." Tu as pour elle un dernier sourire avant de t'éloigner dans un claquement de talons, il vous reste beaucoup d'heures avant que le jour arrive.

rp terminé