Quelques morceaux d'une vie | Byron

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Message(#)Quelques morceaux d'une vie | Byron EmptySam 26 Mar 2022 - 19:31




Quelques morceaux d'une vie - Scène 1
Scène 1 – De nuit - dans un bar - 7 ans plus tôt.
« …et là, il lui a dit qu’il n’avait jamais été dans cet hôtel. » Lance Joshua en exagérant son éclat de rire. « Tu plaisantes ? » Lui rétorque son ami, l’amusement accroché aux coins de ses lèvres. Je me suis assis il y a une minute, au milieu d’une conversation dont le sujet m’échappe complétement. Le groupe semble en être diverti, je suis à l’ouest. J’ai envie de leur demander de quoi on parle, mais j’ai la sensation que l’anecdote n’est pas la seule raison de leur euphorie. Je grimace, conscient qu’il me manque un décodeur que tous tiennent dans leur main. « Je reviens, je vais me chercher une bière. » Je préviens mon voisin qui acquiesce, mais est trop obnubilé par le récit pour me répondre. Lorsque je me lève, Peter me demande où je vais. Je viens de le dire. Je pointe mon doigt vers le bar. Sa copine, qui lui tient fermement le bras, sans doute pour qu’il se rappelle qu’elle est avec lui, me précise : « Tu reviens vite. On doit te présenter une amie. ». J’hausse les sourcils, résolu. Ils ont dans l’idée qu’à trente-trois ans, on n’a plus le droit d’être célibataire. Cela ne concerne qu’une catégorie d’homme, car ils ne semblent pas déranger par le fait que Joshua le soit lui. Je m’éclipse alors, évitant, à mon tour de répondre. « Reviens vite », je ne sais pas si elle s’en rend compte, mais sa réflexion me donne envie de lambiner plus longtemps au comptoir du bar.
Je suis en retard, mais pas le dernier. Mes obligations familiales ne font pas de moi le plus ponctuel de ma petite bande d’amis. J’ai un fils à la maison, et il est en pleine crise d’adolescence. Eux sont là depuis presque une heure, attablés dans un coin du bar. Moi, je suis au comptoir afin de choisir mon breuvage du soir. J’y patiente, une fesse posée sur un tabouret, un pied par terre, prêt à repartir. J’observe, par-dessus mon épaule, l’énergie de ce petit monde qui vient de terminer leur semaine, pour la plupart. J’entends des rires et des murmures étouffaient par une musique aux sonorités pop rock. Certains flirtent, d’autres se tapent dans le dos avec une certaine virilité, ce qu’il est probablement une attitude pour impressionner la gente féminine d’ailleurs. Mes amis sont plus discrets et ne s’occupent pas de tout ce qui les entoure. Ils m’ont possiblement oublié aussi.
Je continue à explorer le comportement de chacun lorsqu’on tente d’attirer mon attention. Il semble qu’on soit prêt à prendre ma commande. Lorsque je me tourne, je lance machinalement : « Bonsoir. Ça sera une bière pour moi. » Fort heureusement, je croise le regard du barman après ces quelques mots. Ma gorge se noue et je garde la bouche entrouverte, perdu dans ce spectacle qui s’offre à moi. Ce sentiment me gêne, mais il m’est impossible de m’en défaire. Un jeune homme séduisant, aux regards hypnotisant, se tient derrière le comptoir. Il a de jolies fossettes qui accompagnent son sourire, sans doute commercial. Un tel physique fait vendre, c’est certain. Combien sont-elles à noyer leur soirée dans l’alcool dans l’unique espoir d’attirer l’attention de cet employé ? Mon regard parcourt chacun des traits de son visage, incapable de remettre de l’ordre dans mes pensées. Malgré la pénombre, je me perds dans son regard clair. Prenant conscience que je m’égare, je me redresse sur mon tabouret pour feindre un certain contrôle. J’ai déjà eu ce genre de pensée pour un membre de la gente masculine. Je les chasse en règle générale. On peut trouver de la beauté sur toute chose, ça ne veut pas pour autant dire qu’on y céderait son corps, son âme. La plupart du temps, je m’enfuis subtilement, avant d’entamer une conversation trop approfondie. Mais si je veux ma bière, il va bien falloir que je garde un minimum mon sang-froid. Pourtant, c’est bien une bouffée de chaleur que je ressens, avant même d’avoir consommé… de l’alcool, c’est navrant.
Si je finis par ne plus le dévisager, j’avoue que je jette parfois un coup d’œil lorsqu’il s’active à me servir. Le charme se définit aussi par les gestes, et il n’en est pas dépourvu. Je secoue la tête, chassant mon émoi. Mais entre rester ici avec ce trouble que je peux sûrement surmonter et retourner à ma table pour qu’on m’y marie… Le choix reste simple.



Dernière édition par Shane Callahan le Dim 27 Mar 2022 - 23:43, édité 1 fois
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Message(#)Quelques morceaux d'une vie | Byron EmptyDim 27 Mar 2022 - 7:29




Quelques morceaux d'une vie - Scène 1
Je le vois. Ni assis. Ni debout. Dans un entre deux. Prêt à repartir avec sa consommation. Il attend que l'on vienne à lui. Et ses yeux balaient les alentours. Un regard derrière son épaule. Je comprends qu'il n'est pas seul. Soirée entre amis. Comme beaucoup ici. Pour clore une semaine de travail rondement menée. Les conversations s'entrechoquent. Comme les éclats de rire. Couplés à la musique, le bruit devient assourdissant. Prendre les commandes se révèlent être un challenge. Parfois, je suis dans l'obligation de demander de répéter. Un véritable travail d'équilibriste. Et les commandent s'enchaînent. Les unes après les autres. Cocktails. Shooters. Whiskies. Bières. Chacun y trouve son compte. Je m'approche de l'inconnu. Il semble emporté dans ses pensées. Le regard porté sur les personnes autour de lui. Inconsciemment, je racle ma gorge. Cause perdue. L'ambiance survoltée recouvre ma tentative d'attirer son attention. Échec total. Je me penche dans sa direction. Je tente un signe de la main dans l'espoir d'attirer son attention.  Son visage, petit à petit, se tourne vers moi. « Bonsoir, qu'est-ce que je peux faire pour vous ? » Demande-je, en haussant légèrement la voix afin qu'il puisse m'entendre. J'affiche un large sourire. Mes iris plongent dans ses yeux tandis qu'il passe commande. Une bière. « Alors en pression, je vais avoir de la Guiness blonde, de la Triple Karmeliet, bière belge, de la Foster et de la Four X. Sinon, vous avez toutes les autres bières en bouteille inscrites sur l'écriteau ici ! » Dis-je en lui montrant un tableau noir blanchit d'une trentaine de référence. Une seconde passe. Deux secondes. L'homme n'a aucune réaction. La bouche entrouverte. Il ne me quitte pas des yeux. Comme pétrifié. Puis il se redresse. Les lèvres closes. Il jette un œil au panneau. Il commande. « J'vous fais ça ! » Dis-je avant de m'atteler à la préparation de sa consommation. Je me retourne. Je saisis un verre et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je suis de retour avec le verre commandé. « Et voici Monsieur ! » Je le pose devant lui avant de passer son visage au rayon X. L'homme m'est inconnu. Il est évident que je me souviendrais de son regard vert pénétrant. Je balaie le comptoir. Plus personne ne semble patienter. J'en profite pour me poser quelques instants. Face à lui. Et d'entamer une conversation. « Vous êtes nouveau dans le coin ? »  Demande-je tandis que je ne le connais ni d'Eve, ni d'Adam. Afin de lui tenir compagnie, s'il le veut bien, je confectionne un Blue Lemon Drop. Sans trop le quitter des yeux, il est plaisant homme, je verse dans un shaker les ingrédients nécessaires, avant de mélanger énergiquement le tout huit à dix secondes. Et je remplis deux verres à shooter. « Tenez c'est cadeau ! » Souffle-je en poussant l'un deux à côté de sa bière. Coinçant le lien entre mon pousse et mon index, je l'invite à trinquer, avant d'absorber le breuvage d'une traite. Je scrute l'individu et mon regard s'attarde sur l'un de ses biceps. J'y aperçois, même s'il est subtilement dissimulé, les prémices d'un tatouage. Mes prunelles retournent directement titiller les siennes. Un nouveau sourire apparaît. Puis j’émets un constat. « Il a l'air sympa votre tatouage ! » Derrière son apparence de gendre idéal, il donne une touche rock’n’roll.

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Message(#)Quelques morceaux d'une vie | Byron EmptyDim 27 Mar 2022 - 23:42




Quelques morceaux d'une vie - Scène 1
Il m’est difficile de me détacher de son regard. Je suis comme envoûté, obnubilé par son charme indéniable. Tout le contraire de ce que j’aimerais paraître. Je me sens ridicule. Comme une groupie hurlant le nom du leader d’un boys band à leur concert. Je finis par parcourir le tableau désigné après de longues secondes, mais bien qu’il soit bien fourni, je suis incapable de me concentrer sur ce dernier. Je fais alors semblant de m’y intéresser pour me donner bonne conscience. Indécis, je pose mon index sur les lèvres et les tapote. Je joue finalement la sécurité avec une bière de la maison : « Une Four X, s’il te plaît. » Cela est sorti sans que je ne puisse le retenir. Je me sens intime avant même de connaître son prénom. C’est sans doute à cause de ses flash qui parasitent mon cerveau. Il y a de quoi se sentir proche. Je ne rectifie pas mon tutoiement, conscient que cela ne peut qu’empirer les choses. S’il ne me sent pas troublé, il en aurait eu la preuve présentée sur un plateau. Il s’exécute dans un automatisme certain. Un verre, une tireuse à bière professionnelle et un liquide légèrement doré nappé d’une épaisse mousse blanche, et me voilà servi. « Merci. » Je lui réponds, mal à l’aise à cause de mon tutoiement. L’a-t-il, au moins, perçu ? N’y est-il pas habitué ?
Mon vocabulaire semble s’être enfui avec mon assurance. Je peux être plus bavard, mais je ne m’autorise que le minimum syndical. C’est-à-dire la politesse. Je n’ai qu’une idée en tête, prendre mon verre et rejoindre mes amis. Mais s’il y a l’idée, il n’y a pas l’envie. De mon tabouret, il me semble impossible de m’y dévisser. Je n’ai même pas encore apporté d’importance à mon verre, qui reste là, perlant de gouttelette formée par la fraîcheur du breuvage. Mon regard est fixé sur l’endroit où il essuie la surface, effaçant les auréoles qu’on laissait les précédentes commandes. Il me parle. J’ai compris la question, mais surpris, je lève la tête échappant un « Hum ? » Avant qu’il ne se répète inutilement, je me ressaisis. « Non, non. Je suis ici depuis une bonne dizaine d’année. J’y suis même né. Mais je n’ai pas l’habitude des bars. » En tant que père célibataire, je n’ai pas trop de temps à consacrer à des activités nocturnes de ce genre. Ma présence ici est le fruit d’un travail de longue haleine de la part de mes amis. J’ai toujours été plus campagne que ville. Je complète avec une grimace : « Je pense que ça doit se remarquer. » Après tout, je viens de commander une bière dans un bar comme s’ils se contentaient de ne proposer qu’une seule marque. Me sentant un peu plus à mon aise, je croise les bras sur le comptoir, annonçant par ce geste que je suis ouvert à la discussion. Je l’observe manier ses ustensiles, avec aisance, pour composer un cocktail. Il finit par poser des petits verres qu’il remplit devant moi, avant de m’informer qu’il m’offre l’un d’entre eux. Un sourire se trace sur mon visage, accompagné d’un haussement de sourcil perplexe. Il m’invite à trinquer avec lui, ce que je ne peux refuser. Claquant mon verre contre le sien, je le remercie et lui lance un clin d’œil amical : « A l’inconnu. » Car honnêtement, j’ignore ce qu’il vient de me servir. Je gobe le liquide qui, remplit de saveur, parcourt ma trachée. Je n’y suis pas habitué, mais je pourrais m’y accoutumer. En règle générale, ce sont des boissons moins sophistiquées qui accompagnent mes soirées, principalement familiales.
Sa réflexion m’interpelle. De ma main libre, je tire sur la manche de mon tee-shirt pour cacher les dessins qui ornent mes bras et pose mon verre de l’autre. C’est pourtant peine perdue pour les dissimuler, je m’en rends vite compte. Alors à la place, je découvre l’un de mes bras jusqu’à l’épaule pour montrer le plus gros de l’œuvre. C’est peut-être le plus complexe. Il représente une maison accompagnée de plusieurs architectures, ce qui peut paraître inhabituel pour un tatouage. « J’aimerais dire qu’il s’agit d’une erreur de jeunesse, mais j’assume. » Je l’informe légèrement amusé. Je lui présente alors mon bras afin qu’il puisse admirer l’œuvre de l’artiste. Je n’y suis pas pour grand-chose, ne suis que la toile. Bien que le désir de représenter des lieux de mon enfance vient de moi, je ne suis en aucun cas de l’autre côté de l’aiguille. « Tu es adepte ? » Je lui demande, n’ayant que faire du vouvoiement. « Je veux dire des tatouages ? » Je complète, comme si cela pouvait concerner autre chose.

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Message(#)Quelques morceaux d'une vie | Byron EmptyMar 29 Mar 2022 - 7:52




Quelques morceaux d'une vie - Scène 1
Ses désirs sont des ordres. Une Four X. Une valeur sûre. D'une main experte, je manie la tireuse à bière. Et le breuvage coule, occupe l'espace et se recouvre d'un léger duvet de mousse. Parfaite. Je glisse vers lui et dépose la chope devant lui. Il me remercie. Je le gratifie d'une sourire, avant de prendre un essuie-tout et de passer un coup sur la surface du bar, tout en commençant à m'intéresser à lui. Je ne l'ai jamais vu ici. J'en déduis qu'il est fraîchement arrivé en ville. Je me trompe. Lourdement. Dix ans qu'il hante les rues de la ville. Et nous ne nous sommes jamais croisés. Heureusement que le destin s'en est mêlé. Il se trouve là, face à moi, une bière devant lui. Mal à l'aise. Peu habitué au bar. Comme il me l'avoue. « Ça ne se voit presque pas ! » Souffle-je le sourire aux lèvres. Son assise, quelque peu bancale, est révélatrice. Il n'est pas à l'aise au comptoir. Ça en est presque mignon. Afin de remédier à cela, je m'active à la préparation de shooters à base de vodka et de curaçao. Je sens son regard sur moi. Il m'observe avec attention manipuler shaker et bouteilles avec précision avant que je ne remplisse deux verres. Pour lui en offrir un afin que nous trinquions ensemble. Il accepte, après avoir marqué un temps d'arrêt. Il n'est pas un habitué des bars. Il l'est sûrement moins encore des verres offerts au bar. Néanmoins, il prend le pas et, avant de porter le verre à ses lèvres, il le pousse contre le mien. Entrechoc. Il me lance un clin d’œil. Un instant, j'imagine qu'il tente une approche. Je n'ose le croire. Je balaie cette idée d'un revers de la main. Et je le pousse au vice. Les yeux dans les yeux. « Parfois, il faut se laisser surprendre ! ». Je bois le contenu du verre. D'une traite. Je vois qu'il en fait de même. Sans rechigner. « Alors, est-ce que l'inconnu a du bon ? » Demande-je, innocemment, tandis que la bière patiente sur son bock, prête à être dégustée à la première occasion.

Je passe de ses yeux, à la chope de bière, à la trace encrée qui marque son corps, sa peau. Pris au dépourvu, il tente de la cacher avant de se rendre compte qu'il n'y arrivera pas. Son tee-shirt, même s'il épouse parfaitement les courbes de son corps, ne permet pas de dissimuler entièrement les tatouages qui parsèment ses biceps. Finalement, il assume. Il tend un de ces bras. Il remonte la manche jusqu'à épaule. Il dévoile l'ensemble de son tatouage. J'écarquille les yeux. J'ignore si je suis plus impressionné par son tatouage qui serpente sur l'ensemble de son bras ou la musculature de ce dernier. Je reprends mes esprits pour ne pas qu'il se doute de quelque chose. Je souris à sa remarque. « Belle erreur de jeunesse ! » Ajoute-je en lui lançant une œillade. Parfois, la personne succombe à l'appel du tatouage, sans une réelle réflexion, sur un coup de tête, sans avoir pris conscience qu'elle marque sa peau 'à jamais'. Parfois, sans se rendre compte de l'absurdité du dessin demandé. Là, rien ne me choque. J'y vois, au premier plan, une maison. Peut-être s'agit-il de la vue d'un village ? Dans tous les cas, les traits sont finement exécutés. « Ça n'a pas dû être une sinécure de faire tout ça ? » Je serre les dents rien qu'en imaginant l'aiguille sur sa peau. Puis mes yeux retournent appréciaient les traits de son visage tandis qu'il me demande si je suis un partisan du tatouage. Je souris. Niaisement. Je passe une main dans mes cheveux... « J'aimerais bien... » J'ai tant de cicatrices à cacher derrière des tatouages. Je ne saurais par où commencer. « C'est une décision importante ! Je ne veux pas me tromper ! » Et regretter ensuite. « Pour l'instant, je préfère trouver mon plaisir en découvrant les tatouages de ceux qui ont sauté le pas ! » D'autant plus si, en outre, ils ont été sculptés par les anges. Encore une fois, je lui lance un clin d’œil, amusé.

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Message(#)Quelques morceaux d'une vie | Byron EmptyDim 3 Avr 2022 - 18:21




Quelques morceaux d'une vie - Scène 1
Si je pense passer pour un habitué, c’est totalement raté. Il y a bien des années, j’eus des périodes où je consommai dans les bars d’Ashburton, accompagné de mes fidèles compagnons d’études. Mais presque deux décennies sont passées depuis. Mon rôle de père m’a évincé de ces petits plaisirs sociaux. Je ne regrette rien. Aujourd’hui, je ne rattrape pas le temps perdu. Ce n’est qu’une parenthèse pour faire taire mes amis qui me prennent pour un asocial. Je viens une fois et serai tranquille pendant des mois. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que je sois le sujet d’une rencontre arrangée. Je n’en ai guère le choix, mais je peux toujours repousser l’échéance, en lambinant au bar, quelques minutes. Ma bière servit, je décide donc de rester au comptoir, inconscient du danger qui prolifère à l’horizon. « Je sais. L’illusion est parfaite. » Je plaisante pour renchérir sa remarque. Il s’affaire à la composition d’une boisson qu’il me propose, puis m’accompagne dans ce cul-sec dont je n’ai pas l’habitude. Si je trinque à l’inconnu, ce n’est pas tout à fait honnête, car c’est bien une peur qui m’habite. La prudence dont je m’imprègne à chacun de mes contacts n’est pas simplement de la timidité, mais une sécurité qui m’assure de ne pas m’égarer en chemin. Parfois, il faut se laisser surprendre ! Si j’étais en accord avec ça, ma vie serait bien différente. Malgré un léger sourire que je lui adresse, je me sens comme interdit. J’aimerais le suivre, mais je ne peux pas. Je ne VEUX pas ? Je ne sais pas. La gorgée rejoint mon estomac, je peux la sentir faire la trajectoire. Cela me décroche une petite grimace. « L’inconnu est apprécié. Qu’est-ce que c’est ? On sent un goût d’agrumes, légèrement acidulé. » Je ne suis pas un grand buveur de cocktail, alors j’ignore ce qu’est ce liquide bleuté. Cependant, je reconnais certaines saveurs comme l’orange et le citron.

Cela n’est pas la première fois que l’on évoque mes tatouages. Ils sont une partie de moi. Même ma blouse de vétérinaire ne suffit pas à les dissimuler, ce qui me donne le droit à des regards, des remarques et parfois un intérêt réel pour ces ornements. Dans mon monde, je n’évite pas le sujet. Je suis plutôt à l’aise pour en discuter. Ce ne sont que des conversations banales autour d’une particularité. Je n’y vois pas le mal. Mais à cet instant, j’ai envie de les cacher, de me protéger. Ce bar, cette soirée, ce n’est pas moi. C’est l’inconnu, peut-être même l’interdit. Cet endroit est un lieu de séduction, de tentation. Les rencontres sont nombreuses et, pour les célibataires, c’est propice à des rapprochements facilités par le flux d’alcool. Je sais que cet homme est un employé. Que son ton, ses regards séduisants font partie du job. Du moins, je m’en persuade. Cependant, ce serait mentir que de prétendre qu’il n’est pas attirant. Chaque fois que sa voix raisonne, perce l’ambiance sonore du lieu, je sens ma prudence vaciller, comme la flamme d’une bougie sous une rafale de courant d’air. Alors niaisement, je souris à son compliment. « Ça a été assez long pour l’artiste, oui. » Je lui avoue, oubliant modestement que l’aiguille avait percé ma peau plusieurs heures d’affilés. Moi, je n’ai fait que patienter tout le long, en admirant l’évolution du tatouage, discutant de tout et de rien avec le tatoueur comme de bons vieux amis qui tuent le temps. La douleur, elle était là, mais elle en couvrait une autre bien plus difficile à gérer. Son regard, posé sur mon visage, m’intimide. Je crois y deviner un intérêt particulier, sans doute un effet de cette attirance qui me tiraille. Je l’écoute, lui rendant son sourire, impossible de détourner mon regard de son bleu azur. Je glisse la bière devant moi, mais ne l’entame pas. J’ai oublié que ce soir, ma place de ne devrait pas être ici, mais auprès de mes amis. Ça m’est égal. Son clin d’œil m’affecte, mais je tente de garder mon esprit clair : « Je comprends. Je n’éprouve aucun regret pour ma part. Je ne vais pas dire que ce sont des actes mûrement réfléchis, mais ils m’ont été nécessaires à certains moments de ma vie. » Je n’ai pas le projet de recouvrir tout mon corps de tatouages. Ceux-là me suffisent, même si je ne ferme aucune porte. Mais pourquoi j’entre dans ces détails ? J’ai la sensation de laisser entrevoir une partie de mon âme, alors que je ne veux même pas en voir la couleur. Trop parler, c’est inviter les gens à poser des questions. « Tu as le temps pour franchir le pas... » Je le rassure. Il est jeune, il a la vie devant lui. « …Ou de laisser ton corps vierge. C’est très bien aussi. » Je saisis la chope pour en boire une gorgée. Et puis je me souviens qu'on m’attend. Je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule. Mon groupe s’est agrandi, je croise le regard de la copine de Peter. Elle donne des petits coups de tête sur le côté pour que je les rejoigne. Une jeune femme occupe le siège à côté du mien. Je n’ai pas envie.

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Message(#)Quelques morceaux d'une vie | Byron EmptyLun 4 Avr 2022 - 20:14




Quelques morceaux d'une vie - Scène 1
Sans rechigner, il boit cul-sec le shooter que je lui offre. Il affiche une petite grimace tandis que la dose d'alcool descend jusqu'à atteindre son gosier. Néanmoins, il semble apprécier. Du moins, c'est ce qu'il affirme avant de me questionner sur la teneur du cocktail, ses ingrédients. Dans un premier temps, j'affiche un large sourire, avant de lui répondre. « Effectivement, il y a un côté acidulé. J'ai concocté un 'Blue Lemon'. Vous avez un mélange de vodka, de curaçao, d'où le goût d'agrume, d'orange plus précisément, et du citron vert. Un cocktail qui revigore ! » Explique-je sans me départir de mon sourire. Petit à petit, je fais mes armes dans l'art de la mixologie. J'acquiers de l'expérience, du savoir-faire, de la maîtrise. Je suis heureux qu'il apprécie ce savant mélange. Lorsque je me remémore mes premières tentatives pour confectionner cette boisson, les grimaces qui apparaissaient sur les visages des testeurs n'étaient pas les mêmes. Certes, le degré d'alcool arrache, la plupart du temps, une grimace à la personne, mais celle-ci s'estompe pour savourer, comprendre la complexité du mélange et découvrir les différents ingrédients. Pas les premières fois. Mais, comme dit l'adage : 'C'est en forgeant qu'on devient forgeron'. J'ai appris de mes erreurs et j'ai pu offrir au jeune homme un cocktail digne de ce nom. « Vous voulez peut-être un autre verre ? » Demande-je, toujours avec le même sourire. Un brin charmeur. « À condition que vous me disiez votre nom ! » Condition qui n'en est pas réellement une. Je souhaite simplement connaître le nom de ce bel homme qui se dresse devant moi. D'ailleurs, je n'attends même pas une réponse de sa part pour verser dans les deux verres à shooter le reste du cocktail. Dans le pire des cas, s'il n'en veut pas, je me dévouerais.

Outre les traits de son visage fins et agréables à regarder, mes prunelles sont attirées par les tatouages qui recouvrent ses biceps. Dans un premier temps, il tente de les cachés. Peine perdue. Il remonte une manche et me montre une partie de ses tatouages. La partie émergée de l'iceberg. J'y aperçois une maison et la représentation d'un village. J'imagine un travail long et fastidieux jouant sur l'ombre et les contours. Il me le confirme. Son tatouage n'est pas apparu en un claquement de doigt. Compte tenu de la profondeur des traits, même en noir et blanc. « Je te plains. Je crains le contact de l'aiguille ! » Je pense que la peur de l'aiguille et de la douleur qu'elle peut provoquer me contraint à ne pas sauter le pas. Je fais une grimace, seulement en y penser. Je n'ose imaginer 'l'enfer' qu'il a pu vivre. Néanmoins, je trouve son tatouage très agréable à regarder, à l'image de l'hôte qui a offert sa peau. Je jette mon dévolu sur ses yeux et me nourrit de la lumière qui en émane tandis qu'il m'éclaire sur son choix. Aucun regret. J'entends qu'ils font partie de lui, ils témoignent de moments importants de sa vie. « Ils t'ont permis de te reconstruire ? Si tu as vécu des moments difficiles... » Suppose-je. Souvent le tatouage sert de catharsis. Pour effacer, pour recouvrir des souvenirs douloureux. Et devenir un nouvel homme ou une nouvelle femme. Renaître de ses cendres. Et aller de l'avant.

Face à mes doutes, aux réflexions qui m'animent, il tente de me rassurer. J'ai le temps. Pour sauter le pas. Pour me convaincre de marquer ma peau à jamais. Même si certaines personnes l'ont déjà fait. Une en particulier. En écrasant ses mégots de cigarette sur mon épiderme. Pour se soulager. Pour garder l'ascendant sur moi. Pour faire souffrir. Délibérément. « J'ai déjà une idée ! » Silence. « Un attrape-rêve ! » Sur l'avant-bras. Je le vois entamer, enfin, sa chope de bière. Puis, son regard glisse  vers une table. Ses amis l'attendent. J'ai la sensation que notre conversation, hélas, va couper court. Pourtant, lorsqu'il se retourne vers moi, je n'ai pas l'impression qu'il soit enjoué à l'idée de les rejoindre. Quelque chose cloche. Quoi ? Je l'ignore. « Quelque chose de ne va pas ? Tu n'as pas l'air très chaud de retourner auprès de tes amis ! » Comme s'il venait de repérer une personne qu'il ne désirait pas voir. « Je vais finir par croire que tu apprécies ma compagnie ! » Souffle-je d'un air amusé en figeant mes yeux dans les siens. Pour le troubler. Pour accaparer son attention. Pour qu'il reste un peu plus longtemps à mes côtés.

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Message(#)Quelques morceaux d'une vie | Byron EmptyLun 2 Mai 2022 - 19:48




Quelques morceaux d'une vie - Scène 1
Je suis plutôt satisfait de moi. Malgré mon inexpérience, mes papilles ne s’y sont pas trompées. Le beau barman m’informe du nom du cocktail. Je l’ai déjà entendu, mais j’ignore s’il s’est un jour posé sur ma langue. Je n’en ai pas le souvenir. Cependant, je sais comment le composer, même si je ne m’y risquerai pas. Il m’en propose un autre et émet une condition qui me fait sourire. « Je vais commencer à croire que tu veux que je perde le contrôle. » Je plaisante, les sourcils levés. J’observe ma chope de bière et me dis que ce n’est pas raisonnable. Je ne suis pas habitué à boire, encore moins ce genre de cocktail revivifiant. Pourtant, je rentre dans son jeu, sans réellement savoir où je m’aventure, le laissant me servir avant même que j’accepte le deal. Vaincu, je l’informe alors : « Voilà donc un autre verre pour Shane alors. » Je prends ce petit verre rempli d’un liquide bleu, le lève et enquête : « Et avec qui je trinque ? » Je suis curieux de savoir si demander son prénom me vaudra de payer l’addition. Après tout, il n’y a plus d’échange. Un verre contre un nom, un nom contre quoi ? J’observe son regard, me demandant s’il en viendra à cette même conclusion.

« En effet, ça ne doit pas aider. » Je lui concède accompagné d’une petite grimace de compassion. « Il ne faut pas que ça devienne une torture, non plus. » Torturer sa peau de mille et une piqûre, ça fait partie de la définition du tatouage, non ? Pour ma part, je ne regrette pas cette souffrance, je lui en fais part d’ailleurs. L’espace qu’occupe l’encre sur mes bras en est la preuve. La question suivante devient plus personnelle. J’ai peur d’y répondre et laisse passer un ange. Le sourire qui ne quittait plus mes lèvres ne devient plus qu’une ombre. Me reconstruire ? Je ne l’ai jamais vraiment fait. J’aurai probablement aimé tout oublier et recommencer à zéro. Effacer de ma mémoire les épreuves et refaire ma vie, en ne pensant qu’à moi. La vérité, c’est que je ne suis pas seul. La vérité, c’est que je ne suis même pas la victime de ce drame. Je ne me sens pas le droit de renoncer à ce passé. Je dois tout mon soutien à ma sœur. Si elle semble avoir tourné la page, je me dois d’être là en cas de rechute. Je me dois de ne pas oublier la douleur que j’ai ressentie en son absence, et donc sa douleur bien plus importante à elle. Reconstruire, c’est minimiser nos épreuves. « Pas de me reconstruire. Supporter. » Il y a des maux silencieux, dont la douleur n’est pas physique. C’est une souffrance perfide, si malicieuse qu’il est difficile de la pointer du doigt. On a envie de comprendre pourquoi cela nous tiraille tant, mais aucune réponse pour nous soulager. Ma réponse, ça a été de servir de toile pour un artiste. Il n’était pas question de pinceaux, mais bien d’aiguille. Une douleur agréable parce qu’on sait d’où elle provient. On sait que les traces qu’elle laissera seront un choix, une note positive après des heures à serrer la mâchoire. Je joue avec le petit verre que j’ai vidé d’un trait, concentrant mon regard dessus, sans doute par pudeur : « Je n’ai pas eu besoin de me reconstruire, juste de faire avec les chemins sinueux de ma vie. Les tracer sur mes bras, c’est un peu comme les marquer à vie, ils font partie de moi. » Je relève mon regard pour m’assurer qu’il me suit, mais qui comprendrait ce genre de choses sans en connaître les détails ? J’ai un rictus gêné, étouffé. Je complète : « C’est difficile à expliquer, mais c’est comme rendre réel une douleur invisible. » Je ne sais pas si c’est plus sensé, cependant, je décide de ne pas m’y éterniser, conscient que je me confesse déjà un peu trop. Est-ce le cocktail qui me rend si intime ?

De par mon expérience, je comprends la raison pour laquelle il hésite tant. Si je lui lance qu’il a le temps, je lui expose également que ce n’est pas une obligation. Si on aime les tatouages, rien ne nous oblige à les porter. Comme il l’a dit, les découvrir sur d’autres est tout aussi plaisant. Il m’informe qu’il a déjà sa petite idée sur le motif qu’il souhaite graver sur sa peau, un attrape-rêves. Bien que j’ignore laquelle, je me doute que cela à une signification pour lui. Est-il raisonnable de lui demander ? J’hoche la tête, approuvant ce choix, rongé par le désir d’en savoir plus. Je prends ma bière et l’entame. Un combat féroce s’engage dans mon crâne. Lui en demander plus avoue mon intérêt sur sa personne, ne pas le faire me semble impoli. Je repose la chope et me décide : « Cela a une signification particulière pour toi ? » Aussitôt après avoir posé ma question, je jette un regard par-dessus mon épaule. La table de mes amis semble au complet à présent. Il ne manque plus que moi. Je suis tiraillé entre l’envie de rester ici en bonne compagnie mais jouant à un jeu dangereux ou retrouver la place que je dois occuper parmi mon groupe à jouer un rôle pour les contenter. Le barman semble avoir remarqué mon trouble. Mon attention revient à lui, riant timidement à sa dernière remarque, et sans même y réfléchir, je lui explique : « Arf, ce n’est pas ça. Je n’ai jamais vraiment aimé les soirées rencontre avec des entremetteurs. Surtout lorsqu’on n’a rien demandé. » Je grimace, conscient que je ne peux y échapper. Je lui souris malgré tout : « Cela n’empêche pas que je passe un bon moment en ta compagnie » Je lui lance un clin d’œil, amusé par mon initiative. Cependant, elle me met vite mal à l’aise. Qu’est-ce qu’il m’a pris ? Que va-t-il penser ? Après un court silence gêné, je pose mes doigts sur mon verre : « Mais je pense que je devrais les rejoindre. » J’ai envie de rester, pourtant, je me lève avec nonchalance, démontrant une certaine maladresse qui ne me définit pas d’habitude. L’intérêt qu’il me porte est partagé. Le jeu qui s’installe entre nous me fait perdre pied. Je le fixe longuement, conscient du volte-face que je viens d’effectuer. Une pirouette mal exécutée, pointant sans subtilité le malaise qui me gagne : « Ils m’attendent et… Ce serait malpoli de… Enfin… » Je balbutie à reculons, bousculant légèrement et malgré moi un homme, évitant de peu de verser quelques gouttes de ma bière sur le sol. « Merci pour les verres. » Je lance en pointant mon doigt vers lui, essayant de feindre une assurance qui n’existe plus. Je me tourne, lève les yeux au ciel et lâche un soupire. Ça n’aurait pas pu être pire. C’est ainsi que je rejoins mon groupe et fais enfin la connaissance de cette jeune femme venue pour faire ma rencontre. Malgré la bonne entente, je ne cesse de jeter de discrets coups d’œil au bar. Me perdant dans mes pensées et ce désir de retourner le voir, je me fais violence et me concentre sur Evie qui semble m’apprécier. Cette attraction physique, qui m’emmènera sous ses draps, ne lui était sans doute pas destinée.
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Message(#)Quelques morceaux d'une vie | Byron EmptyJeu 5 Mai 2022 - 22:30




Quelques morceaux d'une vie - Scène 1
« Qui sait ! » Dis-je taquin tandis que je remplis de nouveau les verres. Je n'attends pas une réponse affirmative de sa part. Je prends les devant. À vrai dire, je ne lui laisse pas le choix. Je profite d'être en charmante compagnie. Même si j'ai conscience qu'il s'agit d'un moment fugace et que le jeune homme risque à tout moment de retourner avec sa bière auprès de ses amis. Dans tous les cas, j'aurais saisi ma chance de passer un instant délicieux avec un bel homme. Même si nos chemins se séparent définitivement en fin de soirée. Il joue le jeu. Il m'annonce son nom. Shane. Comme s'il avait débloqué un mécanisme invisible, je pousse à lui l'un des verres. Il s'en saisit et observe avec délectation sa robe bleue avant de plonger son regard dans le mien et, à juste titre, me renvoyer l'ascenseur. « Byron ! » Dis-je avant de pousser mon verre vers le sien. Pour trinquer. « A nous ! » Je porte le verre à mes lèvres, je bascule la tête en arrière et je fais glisser son contenu dans mon gosier. Une fois son verre vidé, je lui subtilise, en même temps que le mien, pour les rincer. « Nous n'avons rien vu ! » Dis-je en envoyant un clin d’œil au bellâtre.

Avant que mes yeux ne s'attardent sur le tatouage qui se dévoile légèrement sous son tee-shirt. L'occasion parfaite pour relancer la conversation. Et me délecter de sa présence. Je lui avoue ma crainte de l'aiguille. En serrant les dents. Pour cette raison, je n'ai pas sauté le cap. Pourtant j'ai bien une idée en tête, si je devais avoir un tatouage. « Je ne dirais pas qu'il s'agit d'une torture puisque les personnes qui acceptent de se marquer la peau connaissent le revers de la médaille ! » Silence. J'observe furtivement le comptoir. Personne n'attend pour être servi. Je dirige à nouveau mon regard vers Shane et reprend mon argumentaire. « Dans certain cas, la volonté de se faire tatouer obéit à un désir de catharsis d'un passé douloureux ! » Se reconstruire afin d'aller de l'avant. Je semble mettre le doigt sur un épisode douloureux de sa vie, préférant le terme 'supporter' à celui de 'reconstruire'. Je l'écoute religieusement et comprends son cheminement de pensées. Sans prendre trop de risque, je pense que nous sommes sur la même longueur d'ondes, sur le rôle joué par les tatouages. « Oui, car quoique tu fasses, elle fera toujours partie de toi ! Autant l'assumer complètement à travers tes tatouages ! » La curiosité qui m'anime souhaite connaître les secrets qui se cachent derrière les tatouages qui couvrent son corps. Quelle est cette maison au premier plan ? Existe-t-elle réellement ? Si oui, quels souvenirs douloureux se rattachent à elle ? Tant de questions se bousculent dans ma tête. Je ne veux pas m'immiscer dans sa vie et être trop intrusif. Je passe un moment agréable en sa compagnie. Autant que cela continue.

Mais je laisse, comme un juste retour des choses, s'interroger sur la signification du tatouage que je projetterais éventuellement de faire. Un attrape-rêve. « Derrière ce tatouage, il y a l'idée de panser mes plais, ne pas oublier les souffrances qui ont fait partie de ma vie, mais essayer seulement de garder les bons souvenirs à la surface et emprisonner les mauvais plus profondément, dans mon subconscient ! Et l'attrape-rêve en serait le verrou ! » Image bien plus agréable à regarder que les dizaines de cicatrices fines qui parsèment mon corps et témoignent des souffrances perpétrées ce beau-père qui n'avait d'autres passions que d'écraser ses mégots de cigarettes sur la peau de l'enfant que j'étais. Je balaie ses souvenirs lorsque je vois l'homme zieuter vers la table de ses amis. Je n'ai pas la sensation qu'il soit particulièrement enthousiaste à les rejoindre. Et, sans ambages, il m'explique la situation. Il est tombé dans un traquenard mené par ses amis pour lui trouver compagne. « Je compatis ! » Néanmoins, je tente de le convaincre, grâce à mon regard perçant, de rester encore quelques minutes en ma compagnie. Sans que cela ne fonctionne réellement. Hélas, il prends une décision ferme et définitive. Retourner à leur table. Il se lève et je le regarde s'éloigner. Je reste stoïque même si ses gestes maladroits me font rire intérieurement. Je préfère profiter des traits de son visage, avant qu'il ne tourne définitivement les talons.

La soirée continue. Les commandes s'enchaînent. Pourtant, je ne cesse de jeter des regards furtifs vers cette table. Sa table. Troublé par cet homme qui a pimenté ma soirée.

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