@"ALEISHA HOLT" & KIERAN HALSTEAD ⊹⊹⊹ i come undone when you're gone, just looking over my shoulder. who knows what the future holds? don't matter if i got you, got you.

(FORTITUDE VALLEY, CANVAS). Il panique. À quelques minutes du rendez-vous fatidique, bien sûr qu’il panique, Kieran. Le contraire aurait été étonnant en prenant en compte le fait qu’il n’a aucune idée de la raison pour laquelle Aleisha tient à le revoir. Il se doute que c’est lié à Tom – qui d’autre ? – il ignore simplement le niveau de gravité à accorder à la rencontre. Une part de lui espère des nouvelles (encourageantes si possible), l’autre, pessimiste, ne peut s’empêcher d’imaginer le pire quant à ce qui ne peut visiblement pas être communiqué au téléphone et qui nécessite des retrouvailles. Pas que ça le dérange, s’entend – et ça le gêne, d’ailleurs, que j’accentue cette idée –, mais notre protagoniste a cette fâcheuse tendance à imaginer le pire et à cet instant, son cerveau marche à cent à l’heure. C’est pas toujours facile, hein, Kieran ? Et après tu te plains que j’essaie de faire le tri là-haut, ingrat. Mais à ses yeux, ça lui paraît presqu’une évidence de supposer le pire, compte tenu de la manière dont elle a quitté l’établissement pour lequel il travaille toujours (et qui fait de lui un ennemi plus qu’un allié, en fin de compte, puisque Tom a quitté les lieux et que l’aide qu’il espérait apporter s’est donc soldée par un cruel échec – à ses yeux, encore une fois, c’est pas qu’il m’écoute pas, mais c’est tout comme) la perspective d’une plainte (bien méritée, qu’on se le dise) est l’hypothèse qui se fait de plus en plus de place au milieu de toutes les idées qui défilent pour expliquer ce rendez-vous. Mais... la lettre d’un avocat serait bien suffisante pour lui annoncer la nouvelle, ce serait un peu tordu de le convier autour d’un café pour cela, non ? Certains collègues diraient que ce ne serait pas surprenant, la jeune femme ayant gagné cette réputation auprès de l’école au fil des mois ; réputation qui avait fait craindre à Kieran sa première entrevue avec elle avant de réaliser qu’il était bien stupide d’avoir été aussi anxieux et qu’elle était bien plus dans le juste que cette direction qu’il doit encore supporter au quotidien. Et c’est bien l’argument que j’utilise pour diminuer sa nervosité. À sa décharge, ou à celle de la jeune femme, ce n’est même pas qu’elle est si intimidante (si), c’est seulement l’état naturel du dessinateur dès que les choses demeurent légèrement floues – les surprises, très peu pour lui.  

Et comme il était trop occupé à se poser mille questions (des intentions d’Aleisha à la tenue adéquate), il est en retard, Kieran (ou plutôt, il essaie de se trouver une excuse plutôt que d’admettre que la ponctualité n’est définitivement pas son truc). Il remercie silencieusement la jeune femme d’avoir opté pour un rendez-vous dans son quartier, ce qui lui ôte le stress des transports (parce que bon, les chauffeurs en ont légèrement marre de le voir courir après le bus, hm). Il finit par arriver sur les lieux, pousse la porte à la hâte, le regard qui cherche déjà la silhouette d’Aleisha et s’accroche à son... sourire ? Léger, mais bien présent, et un certain enthousiasme qu’il perçoit lorsqu’elle attire son attention. C’est pas l’attitude de quelqu’un qui va vous faire un procès ça, Kieran, essaie de te détendre un peu. Enfin bon, de vous à moi, lui demander de se détendre, c’est déjà un dialogue de sourds, mais alors quand on prend tous les éléments ensemble, c’est peine perdue. Parce qu’il n’est pas à l’aise ni avec les parents de ses élèves, ni lorsqu’il se retrouve seul à seul avec quelqu’un et encore moins quand ce quelqu’un est une femme – manque de bol pour lui, dans ce cas de figure, toutes les cases sont cochées. « Hi Kieran. » « Bonjour... salut, je veux dire. » Même si le tutoiement a été instauré rapidement entre eux, certaines habitudes ont la vie dure – et il s’en excuse par le biais d’un sourire gêné. « Contente que ça ait pu marcher. » Il ne lui dira pas que son agenda est cruellement vide depuis que son boulot a décidé de limiter ses classes depuis la rentrée, la faute a un nez qu’il a mis un peu trop dans les affaires de la direction et cette agression qui leur sert de parfaite excuse pour justifier de le tenir à l’écart tant qu’il ne va pas mieux, et qu’en ce sens, il avait en réalité tout son temps pour elle. À la place, il agrandit seulement le rictus sur ses lèvres avant de prendre place face à elle.  

La nervosité ne dissipe pas pour autant, encore moins quand les propos d’Aleisha le surprennent. « J’me disais que c’était le parfait moment pour te remercier officiellement, c’est vrai » Le remercier ? Il en est surpris ; je le suis moins que lui. Même s’il a l’impression que tout ceci s’est soldé par un cruel échec, il faut reconnaître qu’il a essayé de mettre du sien dans toute cette histoire, même s’il ne voit que la finalité et non le chemin jusqu’à celle-ci. « et également pour te parler de la nouvelle école de Tom » Les yeux pétillants de la brune suffisent à le détendre légèrement. « Si j’en crois ton sourire, ça a l’air de se passer très mal. » Trop tôt ? Trop tôt. On a déjà dit quoi, Kieran ? Tourner sa langue sept fois dans sa bouche, ouais, essaie, de temps en temps. D’autant plus qu’il ne veut pas donner l’impression de se moquer de la situation, loin de là, il espère qu’elle ne doute pas du sérieux avec laquelle il l’a prise, contrairement à d’autres. « Désolé, c’est pas très approprié. » Il passe une main sur son visage avec un rire nerveux. Il y a une raison pour laquelle il limite les contacts avec le reste du monde ; car dès qu’il ouvre la bouche, sa maladresse parle pour lui. « Mais, j’ai pas pu en faire assez au final, alors, il y a pas vraiment de raison de me remercier. » Il aurait pu accepter (difficilement, vu sa réserve) des remerciements s’ils avaient été justifiés, si Tom avait pu continuer à suivre les cours dans cette école, ce qui n’est pas le cas. « Comment ça va ? » « Euh, je... ça va. » Bon, faudrait peut-être arrêter de bégayer, maintenant, elle n’a clairement pas l’intention de se venger, Kieran (mais elle aurait raison, ceci dit, il l’aide quand elle veut si elle en formule le désir). « Je te retourne la question, même si j’ai l’impression d’avoir un début de réponse. » Il se permet, désignant d’un bref signe de main son visage encore illuminé. Ça lui va bien, d’ailleurs, bien plus que la colère mêlée à la tristesse qu’il a aperçu bien trop souvent dans les couloirs de l’établissement.

Une seule maladresse de sa part et le voilà qui perd ses moyens. Ça aurait pu être pire pourtant, le connaissant, il aurait pu la saluer avec un « madame » qui lui aurait définitivement donné envie de s’enterrer. Il s’est contenté d’un vouvoiement qu’il a l’habitude d’adresser aux parents d’élèves, un statut qu’Aleisha n’a plus depuis peu, depuis que Tom n’est justement plus son élève. Il s’est vite rattrapé, mais pour un Kieran qui surinterprète tout, absolument tout, y compris ses maladresses, il se fait violence pour ne pas totalement perdre contenance. Vous trouvez qu’il exagère ? Oui, moi aussi, mais je connais l’énergumène et je sais que c’est une attitude naturelle chez lui – pour vous dire, je suis persuadé que le seul fait de respirer est gênant pour lui, bon. Je note néanmoins qu’il y a un effort, il ne s’est pas excusé pendant dix minutes et est passé à autre chose, bien.

Il faut dire qu’il y a matière à discuter et qu’ils n’ont en réalité pas besoin d’échanger grand-chose pour que les choses soient explicites, un seul regard sur la jeune femme suffit à se faire une idée de son état d’esprit, en vue du large sourire collé à ses lèvres. « Oh ! Ca se voit tant que ça. » Il hoche la tête avec un léger sourire. « Oui, mais c’est une bonne chose, hein. » A priori. Il s’avance peut-être un peu trop ? C’est sa façon de lui dire que c’est plaisant de la voir ainsi, à défaut de pouvoir le dire sans que ce ne soit bizarre. Il s’est permis de le mentionner, dans une tentative de dédramatiser une situation qui, pourtant, ne devrait pas l’être. Même s’il n’a pas encore de nouvelles de Tom, ce qui est certain est que, bonnes ou non, le harcèlement dont il a été victime ne devrait pas être sujet à l’humour, même indirectement, comme il s’en fait – trop tard – la réflexion. La jeune femme lui assure par ses gestes qu’elle ne l’a pas mal pris et un léger poids allège son cœur, une accalmie sûrement de courte durée, avant sa prochaine maladresse. Mais avant celle-ci, alors qu’elle semble vouloir le remercier, il contredit sa gratitude par ce qu’il considère être des faits : il n’a pas assez fait. « Euh — pas assez ? Tu te fous de moi. Tu as été le seul à t’occuper et te soucier de Tom. Tu as été le seul à ne pas me prendre une pour une mère de famille cinglée et ultra protectrice. Tu as été le seul à ne pas prendre tes jambes à ton cou en me voyant débarquer à l’école. Mieux ? Tu m’as même aidé dans mes démarches. Penses-en ce que tu veux, moi je dis que des remerciements sont plus que justifiés. » Oh, wow. Je l’aime bien, cette Aleisha. Même moi je n’aurais pas su être aussi convaincant, même si dans la finalité, Kieran lui accorde aussi peu de crédit qu’à moi et qu’il s’apprête à le signaler. Il hausse légèrement les sourcils quand elle pointe son index, surpris par son geste, mais encore plus par ses paroles : « pas besoin de répondre, suffit d’acquiescer et de les prendre ces remerciements. » Un léger rire s’échappe de ses lèvres, alors qu’il secoue la tête de manière exagérée. Il a côtoyé sa franchise entre les murs de l’établissement scolaire, mais il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit aussi naturelle et spontanée, et non cantonnée au seul besoin de défendre son fils. « J’ai jamais dit que je te prenais pas pour une cinglée. » Il rétorque, dans une tentative, toujours vaine, d’avoir du répondant face à elle. Vaine, parce que bientôt il réalise encore une fois que c’est peut-être déplacé, qu’ils ne se connaissent sûrement pas assez pour qu’il se permette une telle réflexion (qu’il ne pense pas, en plus !). Ah, la voilà, cette foutue panique. Elle m’avait presque manqué depuis, quoi... dix minutes ? Pas besoin de t’excuser, Kieran, je suis sûre qu’elle a compris qu’il s’agit d’une boutade. Bien sûr, il s’en fout de mon conseil alors qu’il reprend la parole, plus sérieux, presque horrifié. « Je.. plaisante, hein. » Des fois que ce serait pas clair. Bon. Si tu t’excuses toutes les deux minutes, on va pas s’en sortir, Halstead. Alors on arrête et au pire, vu le caractère d’Aleisha, je suis sûr qu’elle saura te faire comprendre si tu vas trop loin. « Mais merci. » Qu’il reprend, toujours aussi sérieux, mais moins horrifié par ses propres mots ; parce que ceux-ci sont sincères.

Il n’y a pas que le sourire qui est agréable à voir, il y a aussi cet éclat de rire qui l’est à entendre. Assurément, elle ne serait pas ainsi si Tom n’allait pas bien et il n’a pas besoin d’attendre la confirmation que le jeune garçon vit une rentrée plus douce que la précédente, même si elle ne tarde pas à venir. « oui, en effet, ça va beaucoup mieux. Maintenant que Tom se sent mieux et que je le revois retourner avec plaisir à l’école ; c’est sacrément libérateur. » Cette fois-ci, c’est lui qui n’arrive pas à retenir son sourire et celui-là aussi, il est agréable à voir, parce qu’ils se font rares. Et même la pointe de tristesse à l’idée d’avoir perdu un bon élève n’entache pas la bonne nouvelle. « Ça me fait vraiment plaisir à entendre. Il le mérite. » Il mérite d’aller à l’école sans boule au ventre, d’être soulagé, d’être heureux, tout simplement. « Enfin, vous le méritez, tous les deux. » Et ce ne sont pas les mauvaises habitudes qui reviennent alors qu’il aurait oublié l’accord concernant le tutoiement, non, simplement elle le mérite tout autant que Tom, après des mois à s’inquiéter et à combattre un système qui, malheureusement, a gagné. « oh d’ailleurs … » Il perd son regard tandis qu’elle se met à fouiller son sac. « j’ai pensé à toi. » Pardon ? Généralement, ce n’est pas bonne signe quand on lui dit ça. Mais, Kieran, pense à son sourire et à sa bonne humeur, ça m’étonnerait qu’elle te dise ça pour mieux te piéger. Mais penser à lui, quand même, c’est bizarre, alors... nope, Kieran, on arrête de se faire des idées et on se concentre, on arrête d’afficher un air d’ahuri sur le visage et on reprend son sérieux. « je suis tombée là-dessus et je me suis dis que ça serait peut-être intéressant pour toi aussi. » Un prospectus se glisse jusqu’à lui et ses yeux bleus quittent la jeune femme pour se poser sur celui-ci. Une sorte de publicité, pour ce qu’il suppose être l’école privée de Tom. « Ça a l’air d’être une bonne école, oui, mais j’avais pas besoin d’autre chose que ta parole, tu sais. » En tout cas, il ne peut nier que s’il était parent, le prospectus lui donnerait confiance, oui. « Peut-être que ce serait quelque chose pour toi … ils cherchent souvent de nouveaux intervenants, passionnés, doués et pas uniquement dans leur domaine d’expertise, également en termes de pédagogie. » Ah... ça n’a rien à voir, donc, et il va encore passer pour un con. Du calme, Kieran. Et il n’est pas aidé par le silence qui s’installe alors que ça fait beaucoup d’informations d’un coup. « Maintenant que je le dis à haute voix, je me rends compte que c’est complètement intrusif de ma part … je suis désolée. Je ne sais pas vraiment ce qui m’a pris, je suis tombée dessus et je … je suis peut-être un peu trop spontanée. » Et étonnement, c’est quand elle manque d’assurance qu’il se sent presque plus à l’aise, alors qu’il s’apprête à lui répondre avant que le serveur les interrompe. « Un choco-..., hm, t’es sûr Kieran ? C’est pas très sérieux, ça. Un café, s’il vous plaît. » Il attend qu’Aleisha passe également commande (tout en se flagellant, cette fois-ci pour ne pas lui avoir laissé l’honneur comme le veut la coutume), puis que le serveur disparaisse pour étudier encore un peu le prospectus tout en reprenant la parole. « Hm, déjà, t’inquiète pas, c’est pas un problème. » Qu’elle soit spontanée, qu’elle ait pensé à lui, qu’elle lui ait proposé ça ; non, si Kieran est de base un bon public, il l’est encore plus quand les intentions sont honorables. « C’est même très gentil d’avoir pensé à moi. » Il lui assure, parce que ça le touche, il doit l’admettre. « Mais... c’est une école privée. Et j’ai pas de diplôme dans le domaine. Enfin, pour être prof, je veux dire. J’ai juste fait les Beaux-arts et je suis arrivé à un moment où l’établissement était désespéré de trouve un prof d’arts, alors ça suffisait pour entrer dans le public, mais je suis pas sûr que ce soit aussi facile dans le privé. Et puis, ils ont sûrement plein de candidats plus doués que moi. » La proposition est séduisante, il doit l’admettre, mais il a ce cliché en tête que pour exercer dans le privé, il faut être surqualifié. Et qu’ils portent tous des uniformes, se vouvoient – bon, là, il sera comme un poisson dans l’eau – et ont un standing qu’il est loin d’avoir, lui, le prof un peu paumé, souvent dans la lune et bien moins talentueux que d'autres. « Et pour être honnête... je peux pas partir de St-Anthony alors que ce qui est arrivé à Tom pourrait arriver à d’autres. » C’est un peu un objectif qu’il s’est donné, pour lequel il est un peu pessimiste, mais aussi frustrant que soit ce travail, il a enfin trouvé la motivation pour se lever le matin – même s’il aurait préféré que ce soit pour une autre raison. « Mais j'apprécie ta proposition, vraiment, va pas croire. » Il se rattrape, gêné par son refus.

@Aleisha Holt  

C’est bizarre de retrouver Aleisha dans un tel contexte, mais c’est aussi plaisant. Plaisant de la voir avec ce sourire aux lèvres qu’elle n’affichait qu’à de rares occasions il y a encore quelques semaines, un changement qu’il souligne en espérant que ce ne soit pas trop déplacé de sa part. Ce qui l’est, par contre, selon lui, c’est cette tentative d’humour peu adéquate vu ce que la jeune femme a traversé dernièrement. Mais comme trop souvent avec Kieran, il parle, et il réfléchit seulement après. C’est d’autant plus stupide à dire qu’il ne l’a effectivement jamais prise pour une cinglée – contrairement à bon nombre de ses collègues, pour ne pas dire la totalité, à vrai dire. Elle avait ses raisons d’agir avec autant de détermination et d’élever ainsi la voix ; et même s’il n’aurait pas agi de cette façon si les rôles étaient inversés, il ne peut nier que la stratégie n’était pas incohérente. Elle n’avait pas eu beaucoup de succès pour autant, ce qui rend le départ de Tom pour un autre établissement encore amer. Pas qu’il ne se réjouisse pas de savoir le garçon entre de meilleurs mains, mais parce que les fautifs ayant obligée Aleisha à en arriver à une pareille décision ne sont guère inquiétés par leur inaptitude et leur indifférence. C’est néanmoins sur sa propre inaptitude qu’il se concentre désormais, et cette gêne qu’il arrive à imposer dans toutes les conversations, même quand il se fait la promesse de ne pas la convier. Mais il peine toujours avec ses mots, et puisqu’il est désormais trop tard pour les reprendre, il attend le verdict de la brune – pourtant, il devrait avoir constaté avec le temps qu’elle n’était pas du genre à s’offusquer à la moindre occasion et qu’elle ne s’est jamais vexée de ses mots, même les plus indélicats. Le petit sourire dont elle fait preuve le rassure et à celui-ci se joint bientôt le sien lorsqu’il apprend les dernières nouvelles concernant Tom. Le cœur de Kieran se réchauffe à cette annonce, heureux autant pour le principal concerné que pour sa mère.

C’est néanmoins l’incompréhension qui reprend rapidement place sur le visage de notre protagoniste quand celui-ci pose les yeux sur le prospectus qu’elle lui tend et qu’il ne comprend pas tout à fait où elle souhaite en venir. Il n’a pas besoin d’une publicité pour être convaincu de la qualité de l’établissement scolaire, le seul fait que Tom semble revivre est suffisant pour qu’il le considère comme bien meilleur que celui qu’il vient de quitter. Il est presque rassuré quand le serveur les interrompt, lui permettant de gagner quelques précieuses secondes afin de réfléchir à la réponse la plus adéquate quant à sa proposition. Si Kieran se veut toujours réservé dans ses expressions, je peux attester qu’il apprécie le geste bien plus qu’il ne semble le montrer – ça le touche, même, qu’elle ait pu penser à lui et lui offrir la possibilité d’une reconversion alors qu’il est évident pour tout le monde (et peut-être même elle) qu’il n’est pas à sa place à St-Anthony. Il peine à soutenir son regard car il craint de la décevoir en exprimant son refus – mais il est biaisé par le fait qu’il a toujours peur de décevoir, Kieran et que ce n’est pas propre à cette situation bien précise. Seulement, comme toujours aussi, il se dévalorise, persuadé (selon lui et uniquement lui) d’avoir bien plus de défauts que de qualités pour prétendre postuler à un tel poste. Une école privée, c’est intimidant – et il n’est pas certain de pouvoir le gérer. « Selon Tom, il n’y a pas mieux que toi comme prof d’arts — comme quoi, pas besoin de diplôme pour transmettre une passion et l’amour de l’art. » Le sourire qui se glisse sur ses lèvres est immédiat et sincère – c’est agréable, ça fait bien longtemps que je ne l’ai pas vu ainsi, Kieran. Il est tenté de souligner que Tom ne doit pas avoir des exigences très élevées pour penser cela, mais ce serait réellement insultant, cette fois. « J’espère que son nouveau prof l’aide à conserver cette passion. » Ce serait dommage qu’il perde le goût de l’art, d’autant qu’il a du potentiel. Il est sincère, Kieran, même si je sens une pointe de jalousie à l’idée qu’un autre prof le remplace – c’est stupide, pourtant, il sait très bien que les élèves vont et viennent et qu’il n’est pas censé les regretter. Mais il serait prêt à se proposer de donner des cours à Tom, dans l'hypothèse où son nouveau prof ne serait pas à la hauteur. « Mais je comprends … vraiment noble de ta part. Ils ont de la chance de t’avoir ; j’espère qu’ils s’en rendent compte. » Ah, ça, je ne pense pas. Kieran, lui, est pourtant persuadé que c’est plutôt lui qui a de la chance d’avoir un job ; mais bon, chacun son point de vue, hm. « Tu sais comme moi qu’ils ne se rendent pas compte de grand-chose. » Il souligne avec un léger sourire, façon de ne pas se mettre en avant, et de s’empêcher de se dévaloriser une fois encore ; restons-en aux faits. « Mais, je veux bien garder ça, si tu permets. » Il demande en tapotant le prospectus de l’index. Ah, en voilà une prise d’initiative à laquelle je n’aurais pas pensé – à croire que l’idée te séduit plus que tu veux l’admettre, Kieran.

Le silence s’installe entre eux et il est gêné, Kieran. Il aurait pourtant des choses à dire, le jeune homme, alors qu’il a en réalité plein de questions pour Ally. Des questions qui ne concernent pas Tom ni le contexte dans lequel ils se sont rencontrés, des questions qui relèvent d’une simple curiosité. Et d’une envie de la connaître, n’est-ce pas ? « Les Beaux-arts, je savais pas en fait … » Sa timidité la remercie d’avoir repris la parole, alors qu’il hoche doucement la tête. « Est-ce-que tu te contentes d’enseigner aujourd’hui ou est-ce-que tu crées ? Peins ? Dessines ? » Outch, la question qui fait (presque) mal, alors qu’il n’apprécie pas particulièrement l’enseignement ni la direction que prend sa carrière. « Possible que je sois trop curieuse … » À cette idée, il secoue la tête, par la négative cette fois-ci. « Non, non, pas du tout. » Au contraire, ça lui fait plaisir que le cadre devienne moins formel. « J’ai fait mon bachelor au Queensland College of Art, c’est une bonne école dans le domaine. J’ai adoré mes années là-bas et j’aurais adoré y rester plus longtemps. » Il ne sait pas trop pourquoi il lui avoue ça, un détail qu’il n’a jamais mentionné à quiconque. Il avait d’autres ambitions après son bachelor, mais il a dû rester cohérent avec sa situation à l’époque. Peut-être qu’indirectement il veut lui dire qu’une fois dans le bon cadre, on peut adorer l’école – même si ça n’a rien à voir avec l’université, c’est vrai. « Je me suis focalisé sur l’enseignement ces deux dernières années, mais à la base je suis illustrateur et j’en reste jamais bien loin. Mais être freelance à l’heure actuelle, c’est pas évident. » Et il faut bien compenser, notamment des dettes accumulées ces dernières années, hm. « Alors euh, oui, je continue de créer. Je peins, mais c’est plutôt le dessin mon truc, depuis que je suis gosse... je sais pas, pour le reste il faut un minimum de matériel, mais pour le dessin, tu peux tout faire avec un simple crayon et un peu de technique. » Il débute, avec un sourire aux lèvres. « Je trouve ça fascinant et il y a quelque chose de satisfaisant d’arriver à produire quelque chose en partant de quasiment rien. » Un sentiment de fierté qu’il ne ressent que trop peu au quotidien. « Mais j’avoue que je suis vieux jeu, alors que le dessin numérique devient de plus en plus la norme. Je m'y suis mis pour le boulot, mais... je sais pas, j’aime bien continuer à avoir mon matos en mains, de la peinture partout, à m’énerver et recommencer, encore et encore. Enfin, pour moi l’art doit être vivant et sur une tablette, j’trouve ça plutôt triste. » Il conclut avant de réaliser qu’il est assoiffé ; ce qui signifie qu’il a bien trop parlé. Il y a la gêne, évidemment, mais aussi la passion qui l’anime concernant un sujet qui, pourtant, n’intéresse probablement pas les autres autant que lui. « Désolé. J’espère que Tom t’a prévenu que je pouvais être barbant quand on me lance sur le sujet ? » Parce que c’est le problème, il aurait encore pu continuer s’il n’avait pas eu un éclair de lucidité. « Faut me couper quand c’est comme ça. Je sais que quand le sujet m’intéresse, je parle trop et je... enfin comme maintenant, quoi, pardon, je me tais. » Il se reprend en passant une main sur son crâne. Si elle ne le trouvait pas encore ennuyant, cette fois-ci, c’est certain. « Enfin, non, pas tout à fait, parce que ça me fait réaliser que je sais même pas ce que toi, tu fais dans la vie ? » Ce n’était pas vraiment la priorité, au cours de leurs échanges des derniers mois.

@Aleisha Holt

Kieran sait que ce n’est pas une attitude raisonnable et il en est mal à l’aise, mais il est vrai qu’il se demande de temps à autre (ahem, souvent) si le nouveau professeur d’arts de Tom lui permet de progresser à la hauteur de son potentiel. Il serait dommage que celui-ci s’en retrouve gâché et même si le but n’est pas d’amener Tom sur une vocation qu’il n’aurait pas choisie, il espère qu’il est soutenu dans sa passion – si celle-ci est toujours d’actualité, ce qu’il espère sincèrement. À défaut de revoir l’ado, il ne sait pas s’il sera amené à côtoyer la jeune femme après ce café (mais tu l’espères, Kieran, inutile de me mentir) et ainsi à continuer de surveiller au loin le parcours de Tom ; il ne peut alors que souhaiter que ce nouveau départ soit le bon. De son côté, il se condamne à rester dans cet établissement où il ne trouve pas son intérêt. Mais il doit essayer d’agir dans celui des élèves et loin de croire qu’il pourrait les aider comme il le souhaiterait réellement ou d’être l’homme de la situation, il veut au moins continuer d’insister auprès de la direction sur la nécessité de mettre en place un meilleur suivi des élèves autant qu’une meilleure prévention – dans l’idée, c’est louable, dans les faits, je suis bien moins optimiste que Kieran sur la situation, bon. « Je ne voulais pas être grossière… » Cette fois-ci, c’est un rire timide et spontané, qui s’échappe d’entre ses lèvres. « J’en serais pas choqué ni surpris si tu l’étais. » Son sourire diminue légèrement quand, comme trop souvent, il surinterprète ses propres paroles et y voit de la maladresse là où il n’y en a pas. Et si elle s’imagine qu’il l’identifie comme quelqu’un de vulgaire et que c’est pour cette raison qu’il ne serait pas surpris ? Non, non, pas du tout, elle l’est pas, Aleisha, il ne serait seulement pas surpris qu’elle s’en prenne à l’établissement. Un instant, il souhaite rectifier son propos, avant de réaliser qu’il y a plus de chances qu’il s’enfonce un peu plus en essayant de se justifier. Alors à défaut, il va se contenter de lui demander s’il peut garder ce prospectus. Il serait dommage de s’en séparer – mais ça ne veut pas dire qu’il se projette peut-être un peu, non, pas du tout, voyons. « oh mais évidemment … bien sûr … c’est à toi. » Il s’en saisi avant de le plier délicatement et de le ranger dans sa poche. « Merci. » Pour le fascicule autant que pour la proposition.

Et si le naturel de Kieran ne l’a jusqu’ici pas avantagé avec son incapacité à formuler des phrases sans bégayer, rougir ou se maudire pour le choix de ses mots, quand elle le lance sur le sujet de son métier qui est surtout une passion, c’est un tout autre versant qu’il lui offre. Une version que peu de monde peut côtoyer, tant elle est cachée derrière sa réserve et son sentiment d’illégitimité constant. Il parle, Kieran, il en oublie même le temps qui passe et ce n’est que lorsqu’il est un peu essoufflé à la fin de son monologue qu’il prend conscience d’à quel point il a monopolisé la conversation. Il ne lui en faut pas plus pour baisser la tête, pour rougir à nouveau, pour se confondre en excuses alors qu’il est persuadé d’avoir ennuyé Aleisha. Elle était polie, oui, c’est sûrement pour cette seule raison qu’elle a posé la question et il s’est emballé parce qu’il ne sait pas se maîtriser quand le sujet l’intéresse. Mais c’est bien le souci ; bien trop souvent il est le seul que ça intéresse et il passe pour le relou de service qu’on n’arrive pas à faire taire et ce n’est pas l’image qu’il souhaite renvoyer à la jeune femme. « Tu te moques de moi ? Ca n’a rien de barbant du tout … j’adore écouter les gens qui sont passionnés, il y a toujours cette lueur qui vient illuminer le regard, c’est … communicatif. » Il reste interdit un instant, Kieran. Il est bien trop habitué à ce qu’on lui fasse gentiment (ou non) remarquer qu’il ferait mieux de se la fermer, alors le fait qu’elle ne semble pas être dérangée par tout son blabla le surprend. Il reste silencieux, comme pour jauger sa sincérité et à vrai dire, il commence à accepter l’idée que ce n’est peut-être pas uniquement par politesse qu’elle daigne l’écouter. C’est bizarre pour lui et c’est agréable, il ne peut pas nier, comme le traduit le sourire qu’il essaie de réprimer pour ne pas avoir l’air d’un idiot en plus d’un fanatique. « C’est parce que t’as pas l’habitude, attends un peu et t’auras sûrement aussi envie de me dire de la fermer. » Voyez-vous ça. Est-ce qu’il vient d’insinuer que cette rencontre ne sera pas un acte isolé ? Si je mets en avant le fait, Kieran, lui, préfère se rappeler qu’il s’agissait sûrement de lui donner des nouvelles de Tom. À la rigueur, par la suite, il aura un coup de fil ou un sms de temps à autre pour lui assurer que l’ado va bien avant que les nouvelles s’espacent avant de cesser. À quoi bon s’imaginer autre chose ?
Et s’il a prétendu rester désormais muet – quelques minutes du moins – il fait abstraction de sa promesse pour se montrer curieux à son tour alors qu’au fil des mois à se côtoyer, il a bien dessiné un historique à la jeune femme, mais beaucoup de détails sont néanmoins peu clairs ou lui échappe. À commencer par son métier, qu’il croit être lié à des services, mais il n’a jamais osé poser la question, ni à elle, ni à Tom, par peur d’être trop curieux. À cet instant, il se permet de sortir de sa gêne parce qu’elle a initié cela. « Oh alors là, c’est vraiment pas du tout intéressant. » -  « Je suis sûr que si. » La plupart des choses sont rendues intéressantes par ceux qui les racontent selon lui, et oui, c’est très ironique puisqu’il est persuadé de ne jamais l’être de son côté. « Je — je suis technicienne de surface. Le mot gentil et diplomatique pour pas dire femme de ménage car apparemment c’est dégradant. » Et alors qu’il tient à préciser que ça ne l’est pas selon lui, elle reprend vite la parole. « Pas vraiment le métier de mes rêves, ni de celui que je pensais faire étant gamine mais c’est ce qu’on peut faire quand on a pas fait d’études et qu’on a la pression des dettes sur le dos. » Il affiche une mine désolée, sincère, alors qu’il apparaît évident à l’entendre qu’elle avait d’autres projets, si elle en avait eu l’occasion. « Je suis passé par là, alors crois-moi quand je te dis que je compatis. » Il ose, avec retenue. À vrai dire, il est encore en plein dans ses dettes. « Je prends des cours du soir. Une idée un peu saugrenue car je ne sais même pas pourquoi si je vais tenir le coup mais … » Il boit une rapide gorgée de son café avant de reprendre la parole. « J’imagine que le pourquoi, c’est parce que t’en as envie, non ? » Il se permet de demander. « Ça me paraît pas si saugrenu, dans ce cas. » Au contraire, c’est même plutôt courageux. « Je trouve ça plutôt cool que tu te saisisses de cette opportunité maintenant que t’en as l’occasion. » Il est bien placé pour savoir que, parfois, les circonstances ne permettent pas aux opportunités de se présenter ; alors si elle a bien pu en saisir la chance, même tardivement, il est plutôt admiratif. « Et c’est quoi, alors, le métier de tes rêves ? » Il l’interroge, curieux à son tour, mais surtout intéressé d’en apprendre plus sur Aleisha. « Je me fais pas de souci pour toi quant au fait de tenir le coup. J’ai l’impression que t’es plutôt du genre persévérante. » Il avoue avec un léger sourire, sa faute à lui de lui dire qu’il lui souhaite du succès dans sa démarche. « Et je suis persuadé que Tom peut être ton meilleur supporter. » Il s’avance peut-être trop, mais de ce qu’il a aperçu de la relation entre la mère et le fils, ça ne l’étonnerait pas que le second soutienne la première dans son objectif.

« Je suis curieuse de savoir ce que tu fais — l’inspiration, elle vient d’où ? C’est fou mais c’est toujours ce que je me demande quand je vois ou entends quelqu’un parler de création. » Pris un peu au dépourvu, gêné que l’attention soit reportée sur lui et surtout conscient qu’il doit s’abstenir d’élaborer pendant des heures, il reste silencieux un instant avant de reprendre la parole. « Elle vient d’un peu partout. » Il avoue avec un sourire nerveux. « Enfin, c’est surtout mon environnement qui m’inspire beaucoup, les gens que je croise, les expériences que je vis, les détails autour de moi... euh, je dois pas te donner cette impression aujourd’hui, mais j’ai toujours été plus à l’aise d’observer que de parler et à force... je sais pas, j’aime reproduire ce que je vois, j’aime imaginer plein de trucs et parfois ça finit par ressembler à quelque chose. Mais c’est assez aléatoire. » Il admet et c’est peut-être la raison pour laquelle il ne peut pas se vanter de réellement faire carrière. Il ne sait pas comment titiller sa créativité, la rendre si omniprésente que chaque seconde de sa vie serait portée vers la création. « Je veux dire, je peux me retrouver devant un paysage à couper le souffle et pas être inspiré, et avoir mille idées à la seconde en regardant un sucrier. » Il poursuit avec un rire, toujours aussi nerveux. « Bon, pour ce que ça vaut, celui-là, il m’inspire pas grand-chose. » Ses doigts viennent jouer avec l’objet alors qu’il reporte son attention sur Ally. « Et toi, alors, c’est quoi qui te passionne ? » Il l’interroge, histoire de se sentir moins seul et surtout de cesser de monopoliser la parole – vraiment, il s’épuise tout seul alors n’ose pas imaginer pour elle.

@Aleisha Holt

« Je prends volontiers le risque. » Kieran reste interdit un instant, pas certain de ce qu’il vient d’entendre. Ou plutôt, conscient qu’il serait aisé de se faire des idées, d’autant plus avec l’imagination débordante dont il bénéficie et qui a cette tendance à surinterpréter les paroles des autres. Mais... elle vient quand même d’insinuer qu’ils pourraient être amenés à se revoir, non ? Il ne devrait pas s’en surprendre puisqu’il est bien le premier à l’avoir évoqué ; mais de constater que la réciproque s’applique aussi le renvoie dans sa réserve alors qu’il sent déjà ses joues chauffer, peu aidé par son regard qu’elle soutient alors que lui ne cherche qu’à le fuir. Ce n’est pas qu’il n’est pas agréable à soutenir – oh, loin de là – mais sa réserve reprend toujours le dessus et même si dans un premier temps c’est un sourire qu’il lui adresse, comme une confirmation silencieuse qu’il apprécie ce goût du risque, il finit par baisser la tête avec un rire nerveux pour ne pas avoir l’air d’un idiot qui découvre les joies du flirt pour la première fois. Enfin, vu le peu d’aisance et d’expérience qu’il a dans le domaine, c’est un peu ça, alors autant tenter de garder contenance plutôt que de lui laisser le privilège d’admirer ses joues colorées et ses lèvres pincées qui, à son âge, sont bien plus ridicules qu’elles ne sont séduisantes.

Il est bien plus aisé d’aborder le sujet de son activité professionnelle, même si cette fois-ci, c’est bien elle qui semble perdre en confiance alors qu’elle dévalorise sa profession. Ça n’a pas lieu d’être à ses yeux ; d’autant plus qu’il apparaît évident en l’écoutant que ça s’est fait par dépit plus que par choix. Il ne veut pas se montrer trop intrusif, mais il a deviné à la première rencontre que Tom avait dû naître quand elle-même était encore aux études et s’il ne sait pas si les dettes sont liées à ce chapitre de sa vie ou non, toujours est-il qu’elle a sûrement fait ce qui était le mieux dans une situation donnée, quitte à mettre ses désirs de côté, ce qui est courageux et dont elle peut être fière, selon lui. Mais tout ça, il n’ose pas le dire, restant en surface, toujours dans la crainte de paraître déplacé. Il se permet néanmoins de l’encourager quand elle évoque ces cours de soir nouvellement repris, alors qu’à ses yeux, le pourquoi lui semble assez évident. Là-aussi, il est plutôt admiratif de cette volonté de s’écouter et de faire ce dont elle a envie. « Cool. » Elle répète ce mot et un instant, il se demande si elle est vexée par l’opinion qu’il s’est permis de partager. Il est comme ça, Kieran, il panique pour tout et rien et il faut que je le recadre quant au fait que les expressions d’Aleisha ne semblent pas aller dans ce sens et qu’il se fait des idées – encore et toujours. Il se permet de poser la question qui lui brûle les lèvres autant que le liquide dans lequel il vient de les plonger pour gagner quelques secondes. Son discours semble impliquer des regrets, et loin de vouloir insister sur ceux-ci, il veut surtout savoir de quoi elle souhaite composer son futur. « De mes rêves ? » Il acquiesce silencieusement, s’interrogeant un instant si la formulation s’avère maladroite ou ridicule. Mais si elle a repris des études, c’est bien qu’elle a un objectif, non ? « Je suis des cours de finance et d’économie … l’idée un peu farfelue est de monter ma boite avec une collègue. Les agences d’entretien sont actuellement de l’esclavagisme pur et dur … je suis persuadée que l’on pourrait faire en sorte que tout le monde y gagne, et promouvoir des cours d’anglais pour ceux et celles qui ne parlent pas encore correctement la langue … pour qu’ils ne se fassent pas avoir par la bureaucratie. » À mesure qu’il l’écoute, un sourire se dessine sur ses lèvres à entendre l’évocation d’un projet qui, même si tous les détails ne sont probablement pas réglés, semble déjà clair. « C’est juste un projet pour l’instant. » « Un beau projet, si je peux me permettre. » Et il le fait, dans une aisance qui ne lui ressemble pas. Ses mots sont sûrs d’eux, bien plus que d’ordinaire et j’en suis le premier surpris, avant Kieran lui-même. « Et encore une fois, c’est pas farfelu du tout. » Elle a parlé d’une idée saugrenue quelques instants plus tôt, mais dans ce cas-là, c’est du pareil au même : c’est loin d’être aussi étrange qu’elle a l’air de le croire. « Je trouve ça génial, la manière dont tu mets ton esprit un peu... contestataire ? » Il marque une pause, l’air de lui demander si elle lui permet un tel terme, avant de reprendre : « au service des autres. Vraiment. » Il insiste là-dessus. « Et pour être honnête, je suis admiratif de ta détermination. Autant quant au fait de reprendre des études avec un tel objectif, même si c’est au stade de projet, que de manière générale. » Et les nombreuses fois où elle n’a pas hésité à dire ce qu’elle pensait autant qu’à la manière dont elle a sorti les griffes pour protéger son enfant. Une détermination intimidante, il doit l’admettre, mais dont beaucoup gagneraient à prendre exemple (lui le premier). « Je te souhaite que ça se concrétise. » Et que ce ne soit alors plus seulement un vague projet.

Ce qui n’est pas vague, à l’inverse, c’est la manière dont il parle de ses inspirations. Dont il parle trop de ses inspirations, encore une fois ; alors qu’il finit par légèrement perdre ses moyens en réalisant qu’il monopolise encore une fois la conversation et qu’il implique un pauvre sucrier qui n’a rien demandé dans l’échange et qu’il doit avoir l’air bien bête suite à ça. « Je crois que je serais ravie et curieuse de voir ce que ça donne … je veux dire, est-ce-que tu … comment on dit … est-ce-que tu publies dans des galeries ? Est-ce-que tes créations sont … visibles ? Ou est-ce-qu’elles demeurent au fond de ton appartement, enfermées à double tour ? » Outch, la question qui fâche ; mais il ne peut s’en prendre qu’à lui-même dans le fond, bien peu en confiance quant à ce qu’il peut produire et n’osant guère tenter de se faire un nom en soumettant son travail à des pointures du milieu. « Non, j’ai jamais été exposé, je... je pense pas que mon travail soit assez bon pour le mériter. Pour le reste, un peu des deux. Ma chambre ressemble plus à un atelier où j’entasse tout ce que je fais, mais j’en publie une petite partie sur instagram. » Les rares créations qu’il trouve pas si mal, tandis que les autres sont effectivement enfermées à double tour jusqu’à ce qu’il décide à les trouver réussies (ce qui n’arrive quasiment jamais). Et il a bien assez discuté du sujet, autant qu’il est curieux de savoir ce qui, elle, l’anime et fait briller ses yeux quand elle en parle. « Oh j’ai un peu honte — tu te trouves ennuyant … ce qui je répète est totalement fou de le penser … mais personnellement, je ne suis pas … euh … j’ai l’impression d’être à des années lumières de ce qui te passionne. Gamine, j’ai jamais été douée pour être assise sur les bancs de l’école, pour me concentrer plus de dix minutes sur un sujet … mais me concentrer sur une stratégie, me concentrer sur la balle, calculer la trajectoire et la manière dont je dois rejoindre la base … tu as devant toi une vrai nerd de softball. » Un sourire se fraie un chemin sur ses lèvres lorsqu’elle souligne qu’il n’est pas aussi ennuyant qu’il a l’air de le croire, alors qu’il boit une gorgée de café pour oublier sa gêne un instant, tout en l’écoutant avec attention. Du softball, donc, et son sourire s’élargit pour une raison très simple qu’il ne va pas tarder à verbaliser. « maintenant que je dis ça à haute voix, j’ai un peu honte… » Il s’en étonne et ça se voit sur son visage alors qu’il affirme : « Honte ? Tu te fiches de moi ? C’est carrément badass comme sport ! » C’est sûr que pour lui qui ne sait pas aligner deux pas sans se casser la figure, c’est assez impressionnant comme discipline. « Et tu as devant toi un presque initié. » Qu’il souligne pour lui faire comprendre qu’il n’y a aucune honte à avoir et qu’au contraire, elle a trouvé une bonne oreille pour en parler. « Enfin, je sais que c’est pas tout à fait la même chose, mais ma sœur fait du baseball depuis des années et m’a plus ou moins forcé à mettre le nez dans ces sports-là, alors je suis bien le dernier que tu pourras ennuyer avec ça. » Il s’intéresse aux autres de manière générale, mais Sawyer lui a assez cassé la tête avec le softball pour qu’il y trouve un intérêt qu’il n’aurait pas soupçonné. Il se garde bien de dire que sa sœur a plus à cœur de lui envoyer des balles dessus qu’à vraiment lui expliquer les règles, bon. « Comment tu t’es intéressée à ça ? T’es dans une équipe, du coup ? À quel poste ? ... Ça fait beaucoup de questions, non ? Pardon. » Il plaisante un instant avant de se réduire au silence, trempant ses lèvres dans son café.

@Aleisha Holt

Le projet mentionné ne fait que lui confirmer ce qu’il pensait déjà avoir compris sur la jeune femme ; et le fait que sa persévérance va de pair avec son intérêt pour les autres. N’y connaissant rien dans un domaine comme dans l’autre, il ne peut que se contenter de lui souhaiter de concrétiser ses ambitions. Le projet est louable, oui, il est parfaitement sincère quand il le souligne ; et s’il n’est certainement pas celui en mesure de comprendre toutes les spécificités du lancement d’un entreprise, il peut au moins se vanter d’être très bon dans l’exercice du soutien et il ne manquera pas de suivre ce projet de loin – que l’occasion de se revoir lui soit donnée ou pas ; au pire, ça fera même une très bonne excuse pour reprendre contact au cas où, tu crois pas, Kieran ? Il s’ose à être un peu plus transparent quant à ce qu’il pense, pour ne pas donner l’impression de n’avoir que des encouragements superficiels à lui offrir dans le seul but de faire la conversation. Il est sincère et au-delà du projet, c’est sa détermination et son altruisme qu’il se permet de mettre en avant. Aleisha semble fuir son regard à quelques occasions et, évidemment, il s’interroge quant à ce qu’il aurait pu dire de mal sans réaliser qu’il n’a pas à s’en vouloir pour ses propos. « Oh … euh … merci … » Elle semble gênée et il s’en veut de l’avoir emmenée sur ce terrain malgré lui alors qu’il ne pensait réellement pas à mal. Et parce qu’il n’est pas foutu d’interpréter les choses comme elles sont et de toujours y voir le mauvais, il est persuadé d’avoir été trop curieux, trop bavard, trop maladroit alors que j’essaie d’attirer son attention sur le sourire qui illumine son visage – si elle l’avait mal pris, il ne serait pas aussi agréable à observer, n’est-ce pas ? « Je ne sais pas vraiment quoi répondre, pas vraiment habituée aux compliments … sans doute à cause de cet esprit … contestataire. » Et son rire ne serait pas aussi doux à entendre alors que celui du jeune homme se joint au sien pendant un instant, tout aussi gêné. Et elle semble rougir, en plus, alors ne va pas croire que tu t’y prends toujours mal, Kieran. Il fait mine de ne pas le remarquer ; tant pis, je m’en chargerai pour deux. « Désolé, je voulais pas te gêner. Je peux te balancer quelques vacheries pour égaliser, si tu veux. » Mais ? Pourquoi ? Est-ce qu’il était obligé de faire cette proposition alors qu’il aurait tout simplement dû se taire ? Désespérant. Il se ravise et cela se traduit par son expression et ses yeux qui s’écarquillent un instant avant qu’il ne baisse la tête sur cette tasse qu’il finit par porter à nouveau à ses lèvres avant de dire d’autres conneries ; ça se passait pourtant si bien.

« Je ne m’y connais pas en art mais à chaque fois qu’il y a un artiste dans un film ou dans un livre, ce dernier n’est jamais un juge d’une grande neutralité quand il s’agit de donner son avis sur son propre art. » À ces mots il reste pantois pendant un instant, puisant lui-aussi la majorité de ses comparaisons dans la fiction, s’abstenant néanmoins de le faire remarquer et de s’enthousiasmer pour ne pas s’enfoncer un peu plus. « C’est pas faux. Mais j’ai trente-deux ans et je suis prof dans un établissement de seconde zone, alors je pense que ça en dit long sur mon art. » Il n’est pas de ses prodiges qui ont implosé durant leur jeunesse et qui peuvent désormais se vanter d’être à la tête d’une carrière exemplaire. La carrière n’est jamais venue ; ou du moins pas dans le domaine qui l’intéresse. Si ses ambitions étaient comparables à celles de la jeune femme, peut-être qu’il saurait se donner les moyens. « Mais j’aime mon boulot, hein ! » Celui de prof, donc. En plus d’être un raté des pinceaux, il ne voudrait pas lui donner l’impression d’être un paumé, alors la précision lui paraît importante. Et s’il accorde beaucoup d’importance à l’avis que les autres peuvent se faire de lui, qu’Ally ne fait pas exception à la règle, mais je sens qu’il a une volonté plus affirmée de ne pas passer pour un loser auprès d’elle – même s’il ne s’y prend certainement pas de la bonne manière.

Il se détend quelque peu quand ils arrivent sur un terrain connu – ou presque. Il ne lui fera pas l’affront de dire que les deux sports sont exactement les mêmes, mais il se permet de se prétendre pas totalement ignorant sur le softball grâce à ses connaissances du baseball, durement acquises grâce à sa sœur (à comprendre, en se faisant massacrer par les balles qu’elle lui envoie sans vergogne). « Oh vraiment ? » Il acquiesce avec un sourire pour confirmer, avant qu’elle ne reprenne. « J’ai commencé très tôt ; ma mère nous a poussé à trouver un hobby, une passion et elle a toujours vu le sport comme un moyen de sortir de sa zone de confort, d’apprendre la discipline, etc … Pour moi, le softball. J’ai joué jusqu’à … » C’est original et un instant il ne peut qu’imaginer une version miniature de la jeune femme dénoter parmi tous les autres sports, plus classiques, choisis par ses camarades. « le temps que j’ai pu y jouer. » Il ne relève pas la correction, ne voulant pas se montrer plus curieux qu’il ne l’a déjà été. « Second baseman … il m’a toujours manqué un peu de swing pour devenir first baseman. J’ai essayé de convaincre Tom … mais j’ai rapidement laissé tomber … lui et une batte, je ne sais pas pour lequel d’entre nous c’était le plus dangereux. » À cette image, il laisse échapper un rire, n’ayant aucune difficulté à imaginer la maladresse de Tom pour l’avoir déjà aperçue durant ses classes. « C’est pourtant une belle activité mère-fils ça, que de faire un concours de celui qui aura le plus de bleus. » Un dimanche comme un autre, hm. « Mais je prends note de ne pas t'énerver, tu sais frapper avec une batte et courir vite, c'est pas à mon avantage. » Comme si la situation risque de se produire, tiens. À la rigueur, il est certain que ce serait utile pour quelques têtes de l'ancien établissement de Tom, mais il balaie vite cette idée. « Mais ca veut dire que tu serais capable de frapper quelques balles ? » Ses lèvres se tordent en une légère moue peu convaincue. « Hm, on peut pas dire que ma sœur soit une bonne entraîneuse, elle prend plus de plaisir à me les envoyer dessus qu’à m’apprendre à les renvoyer. » Il avoue, avec une légère grimace. « Alors, capable, c’est un grand mot. La dernière fois que je me suis retrouvé sur un terrain, je me suis gamelé plusieurs fois avant même d’avoir une batte entre les mains, et tout autant de fois avant de réussir à renvoyer une balle. Mais au final, je m’en suis pas trop mal sorti, je dirais. » Ce qui veut dire qu’il a réussi à renvoyer la balle, même si la direction était complètement aléatoire. « Je suis pas sûr d’être moins dangereux que Tom, par contre, tu vois. » Rappelons qu’au cours de ses entraînements avec Sawyer il était parvenu à se manger la batte qu’il tenait lui-même – un incident peu glorieux qu’il passe sous silence. « Pourquoi ? » Qu’il interroge et après une seconde d’hésitation, s’ose à ajouter, amusé : « Tu cherches un adversaire à ta taille ? » Qui n’est pas lui, elle l’aura bien compris, mais s’il le faut, il prétendra l’être.

@Aleisha Holt (pardon pour le délai )

À l’aise dans l’exercice des compliments lorsqu’il s’agit de les adresser aux autres, Kieran l’est bien moins lorsqu’il s’agit de rattraper son habituelle maladresse. Ça avait pourtant bien commencé, fait suffisamment surprenant le connaissant pour se permettre de le souligner. Il n’avait pas encore bégayé à ne plus oser reprendre la parole autrement que pour des onomatopées, ne s’était pas totalement retrouvé enlisé par sa timidité et s’était passé des comparaisons douteuses qui lui viennent en tête lorsque son anxiété reprend le dessus. Mais celle-ci a fini par s’inviter toujours un peu plus ; et le voilà à proposer de lui balancer des horreurs pour égaliser. L’humour n’est même pas une justification tant sa réflexion est sérieuse – et aussitôt regrettée. Qui fait ça ? Elle lui aurait dit oui qu’il n’aurait pas hésité à contrebalancer ses propos parce qu’il n’a pas encore acquis tous les codes sociaux – et il se serait probablement demandé ensuite pour quelle raison il l’a vexée. Le silence n’est pas quelque chose qu’il maîtrise plus et ses signaux d’alerte s’emballent, légèrement contrebalancés, eux, par les traits toujours aussi détendus de la jeune femme qui lui font comprendre, même sans en être totalement sûr, qu’il n’a peut-être pas autant mis les pieds dans le plat qu’il ne l’aurait cru.

Ce qu’il ne tarde cependant pas à faire alors qu’il critique l’établissement au sein duquel elle a placé son fils et par le biais duquel ils se sont connus. Si auprès d’autres parents il est certain que la critique n’aurait pas été ignorée et probablement rapportée plus haut – comme s’il n’avait déjà pas assez de problèmes avec sa direction – il sait aussi qu’avec Aleisha, celle-ci ne sera pas totalement niée tant les moyens mis en place par l’établissement pour protéger ses élèves se sont avérés peu concluants dans le cas de Tom et qu’ils ont préféré ignorer la source du problème plutôt que d’avoir à l’affronter. Et de son côté, si cette école est la seule qui a bien voulu de lui quand il était désespérément à la recherche d’un emploi, ce n’est pas parce qu’il avait bon cœur ou qu’il était le meilleur, mais bien parce qu’ils étaient aussi désespérés que lui et que n’importe qui ayant un minimum de compétences aurait pu être engagé. Se reprenant rapidement, la réflexion de la jeune femme a le don de le faire tiquer. « Ça je l’ai vu que tu aimes ton boulot et je crois que les gamins te le rendent très bien. » Bien sûr qu’il est incapable de voir les choses sous cet angle, se focalisant sur le fait qu’il n’est pas là où il aurait voulu être plus jeune, que la carrière autant que les ambitions ne suivent pas ce qu’il est capable de produire. « Quelques-uns, oui. » Et s’il continue de croire qu’il n’aime pas son boulot parce que ce n’est certainement pas la direction, ses collègues ou les avantages de fonctionnaire qui le motivent à se lever le matin, il ne peut pas être aussi catégorique sur les élèves qu’il encadre. Évidemment qu’il y a des têtes qu’il apprécie moins (mais chut) et qui lui font se demander pourquoi il s’est lancé dans cette voie alors qu’il n’est pas le plus pédagogue et certainement pas celui qui dispose de la plus grande autorité, mais il y en a de bonnes surprises comme Tom qui lui rappellent qu’il ne déteste pas totalement tout ça. De là à aimer ce travail ? Il ne l’avait jamais vraiment considéré, trop focalisé sur les aspects négatifs du métier. « Je ne m’y connais pas en art et je ne veux surtout pas te contredire sur ton terrain … mais … » Relevant les yeux vers elle, il se retrouve attendri par la délicatesse qu’elle utilise au moment de choisir ses mots. « je ne pense pas que ça veuille dire quelque chose sur ton art, je pense que ça veut surtout dire quelque chose sur toi. C’est une possible éventualité après tout … » Etouffant un éclat de rire pour ne pas paraitre irrespectueux, il se reprend vite pour préciser la raison de celui-ci : « Pardon, c’est juste que… t’es de loin pas la première à me dire ça. » À vrai dire, quiconque ayant un minimum de jugement comprend sans difficultés que sa confiance en lui n’est pas bien élevée, ce n’est pas comme s’il arrivait à donner le change. « Et que c’est probablement vrai, oui. » Que le problème ne vient pas tant de son art que de lui-même. C’en est frustrant d’être pareil livre ouvert, d’ailleurs, même auprès de (presque) inconnus.

Reprenant une gorgée de son café, il ne peut cacher son intérêt pour le softball et pour cela il se doit de remercier Sawyer, sans laquelle il n’aurait probablement jamais entendu parler de ce sport. Et en vue des compétences de Sawyer, il note qu’Aleisha aussi fait partie de cette catégorie de personnes qu’il vaut mieux éviter de contrarier. Il pourrait lui-aussi en faire partie, si seulement sa sœur acceptait de réellement lui montrer l’art de frapper avec une batte plutôt que de se contenter de prendre plaisir à lui lancer les balles dessus. « aww » - « Hé ! Ne l’encourage pas. » Qu’il rétorque rapidement à ses gestes, avec un sourire aux lèvres, même s’il est vrai que l’image peut prêter à rire – et à vrai dire, il est bien le premier à apprécier ce genre de relation frère/sœur, d’autant plus en considérant le fait que Sawyer et lui n’ont, en réalité, aucun lien du sang. « Après un tel récit, je ne suis pas certaine que je sois à la bonne porte si je cherche un adversaire à ma taille, si ? Ou alors c’est peut-être une stratégie, prétendre ne pas être doué pour me laisser, impressionnée. » Secouant la tête par l’affirmative, il lève les mains à mi-hauteur comme pour reconnaître sa culpabilité face à ce plan qui, en réalité, n’en est pas du tout un. « Pour être honnête, je cherchais surtout une excuse pour pouvoir prolonger cet après-midi avec toi … et vu qu’il y a à quelques rues d’ici quelques cages de lancers, je me disais que … » Haussant les sourcils avec étonnement, surpris par cette invitation qui est néanmoins loin de lui déplaire, il affiche un sourire lorsqu’elle précise : « ça, tu vois, c’est mon côté spontanée. » - « Je m’en plains pas. » Qu’il rétorque aussitôt, sa réponse aussi spontanée que l’invitation de la jeune femme. Si ça peut compenser son côté coincé qui ne se serait jamais permis une telle proposition, il ne va certainement pas s’en plaindre. « Et, euh, tu te disais bien. » Il reprend, plus timidement, marmonnant avant de tenter de regagner en assurance : « Enfin, j’veux dire, c’est une bonne idée, oui. » Qu’il bafouille, soudainement gêné, alors qu’il ne fait que confirmer qu’il est totalement partant. Terminant son café d’une traite, traduisant de sa hâte qu’il n’a même pas essayé de masquer pour faire bon genre, il capte le regard de la jeune femme. « Prête à être impressionnée ? » Il aimerait qu'elle le soit, oui, mais pas par rapport à ses (piètres) qualités sportives - et il n'est pas vraiment sûr de lui avoir donner des raisons, jusqu'ici, d'être effectivement impressionnée. Il l’interroge, avec un regard qui la défie déjà, avant de rapidement reprendre son sérieux : « À moins que ta stratégie à toi ce soit de me mettre en confiance pour mieux me couvrir de balles, maintenant que tu sais que je les encaisse. » Mais, remarquez, il paraît que l'air bad boy et les bleus, ça plait, alors s'il faut y mettre du sien, dans de telles circonstances il veut bien l'accepter.

@Aleisha Holt