Une sortie au bar, c’est l’excuse familière de tous les amis pour profiter de quelques heures ensemble, d’une ambiance chaleureuse, d’une gorge qui gratte à force de crier puisque tout est éternellement trop fort. Une sortie au bar, c’est toujours synonyme d’un bon moment, le genre qui a bien souvent tendance à s’éterniser tard dans la soirée, si ce n’est la nuit ou même le petit matin. Rhett a connu ça, bien sûr, il n’était pas de ceux qui allaient à l’Université pour y apprendre quoi que ce soit. Pas comme Ruben, par exemple. Ruben, pour qui la seule excuse qu’il trouve pour passer du temps avec c’est une soirée à la con dans ce genre, justement, parce qu’ici au moins s’ils en viennent aux mains il y aura toujours un videur pour les calmer tous les deux. Il est loin, le temps où Rhett faisait face aux arbitres dès qu’il contestait leurs décisions - souvent, donc. Aujourd’hui, il sait bien qu’il n’a pas le droit de jouer à un tel jeu, son image pouvant bien trop en pâtir pour le peu de bénéfice qu’il pourrait en tirer. Alors il est à sa table, sagement assis, ses doigts entourant une bière au goût misérable ou, plutôt, à l’absence de goût. Tout était bien meilleur quand ses boissons se composaient uniquement d’alcool, et parfois d’une tranche de citron pour donner un peu de couleur. Mais ça, c’était il y a vingt ans, et il n’arrive toujours pas à s’y faire.

Alors il fait de son mieux, il le jure, il ne feint pas l’intérêt que Ruben lui parle de ses études et des cas sur lesquels il travaille, de ce qu’il pense faire dans les mois à venir et où en est sa vie avec Grace. Grace, dont il perd parfois le nom, mais c’est parce qu’il est parfaitement banal et non parce qu’il la trouve trop beige pour son frère. S’il est heureux, c’est sans doute le principal. Après tout, il ne peut rien reprocher à leur couple, si ce n’est peut-être justement d’exister. Du coin de l'œil, ce sont les joueurs qu’il observe s’inscrire au concours de beer pong sur la table adjacente à la leur. Intéressé, amusé, agacé. Il ne sait pas trop sur quel pied danser, alors il les utilise tous en même temps, et peu importe si cela ne fait finalement aucun sens. “C’est bon, ce que t’as commandé?” Il le coupe peut-être dans une phrase ; il n’en sait rien, il n’écoutait pas vraiment. Sa bière l’ennuie, la soirée et la musique tout autant. Il fait des efforts pour son frère, même s’il sait par avance que ce dernier lui reprochera justement de ne pas en faire. Peu importe. “J’aurais dû prendre de l’eau, à ce stade là, j’aurais rien perdu.” Parce que Rhett peut bien plus facilement agencer une discussion autour du sujet de l’alcool plutôt que celui d’un métier dont il ne connaît rien, c’est cette voie-là qu’il préfère encore prendre, ses yeux clairs lorgnant sur le verre de son cadet alors qu’il sait qu’il n’y touchera pas - et pas seulement parce qu’il a passé l’âge d’être dégoûté à l’idée de toucher une part de nourriture ou un couvert qui aurait touché Ruben juste avant. “J’savais pas qu’ils préparaient un truc, ce soir.” Il se contente finalement d’avancer, la mine semblable à celle d’un enfant passant devant une boutique de bonbons sans avoir le droit d’en acheter.

Trois, peut être même quatre - là était le nombre de minutes depuis lesquelles Ruben avait arrêté de parler. Et qu’il se contentait juste, désormais, de regarder son frère en venant pincer ses lèvres. Rhett ne s’apercevait même pas qu’aucun des deux Hartfield venait alimenter la discussion et le plus jeune se demandait ce qu’il lui était passé par la tête de dire qu’il viendrait ce soir. Il n’était pas contre faire des efforts, pour venir passer du temps seul à seul avec son grand frère - et dernier en lice -, et pas uniquement parce-que Ethel était venue lui faire les gros yeux. De temps en temps, cela lui faisait vraiment plaisir de venir voir Rhett, de venir prendre de ses nouvelles et pas seulement parce-que cet idiot avait eu l’idée de venir se bourrer l’estomac de pilules en trop grande quantité. Cependant, quitte à faire des efforts de son côté, il aurait apprécié que le geste soit miroir et soit fait également du côté de Garett; hors, depuis qu’ils étaient arrivés dans le bar, il n’y avait aucun doute que l’aîné ne venait pas prêter la moindre attention aux paroles de Ruben et qu’il restait dans son monde, dans ses pensée. Ben attendait désormais alors qu’il daigne se rendre compte de son absence de participation à cette petite réunion de soirée, se contentant de venir boire une gorgée de sa bière, de laisser son regard vagabonder entre le visage et le regard perdu de Rhett et les allées et venues des autres clients présents ce soir dans le bar.

Alors, lorsque son frère vint reprendre la parole, il ne put bien sûr pas s’empêcher de venir lâcher un soupire - petit, mais audible si on y prêtait attention. « C’est bon, ce que t’as commandé? » Comme si cela pouvait alimenter la discussion d’une quelconque façon. « C’est une bière, Garett, ça a le goût de bière. » L’agacement se faisait malheureusement entendre dans sa voix, bien qu’il aurait aimé que ce ne soit pas le cas - cela l’énervait, seul dans son coin, de voir que malgré tout son frère et lui n’arrivaient toujours pas à trouver un réel terrain d’entente. Il avait toujours rêvé, en secret bien sûr, de pouvoir s’entendre correctement avec Rhett et avait toujours été soulagé, jusque ces dernières années, de réussir à bien s’entendre avec leur autre frère. Les choses étaient désormais toutes différentes. « J’aurais dû prendre de l’eau, à ce stade là, j’aurais rien perdu. » Un instant, un seul, Ruben ferma les yeux. Il hésitait entre deux réactions, tout en sachant pertinemment qu’aucune des deux ne serait réellement adaptée à la situation et que ses paroles seraient, de toutes façons, mal interprétées. « Si tu veux craquer et remplacer une addiction par une autre, je t’en prie. » Alors qu’il vint glisser son propre verre, sur le bois de la table, en direction de son frère. Ce n’était en rien une réaction digne d’un frère ou d’un médecin, mais la façon dont Rhett se comportait par rapport à toute cette histoire l’énervait depuis le début et il ne s’en était jamais caché. Au moins, il serait à ses côtés pour l’accompagner dans une descente aux enfers ce soir si tel était le chemin que l’aîné choisissait.

« J’savais pas qu’ils préparaient un truc, ce soir. » Les yeux de Ben vinrent se détacher un moment du visage de son frère afin de venir voir de quoi il referait exactement. Il n’avait que peu fait attention à ce qu’il se passait à leurs côtés, si bien que désormais le terrain de beer-pong était installé et prêt à être utilisé. « Ça fait longtemps que j’ai pas participé à ce genre de chose. » Surtout et principalement parce-qu’il n’était plus un jeune homme entrant dans la vie d’adulte, s’amusant d’un rien, mais autant parce-que ce n’était pas le genre d’exercice dans lequel il excellait - et que, lorsque ce n’était pas le cas, son intérêt pour la chose diminuait fortement. « Tu bois de la bière sans alcool pour te donner un genre ou y’a vraiment quelque-chose derrière ? Parce-que si la première option est la bonne, on peut s’inscrire, y’a encore de la place. » Oh, bien sûr que c’était un test, bien sûr que Ruben venait en rajouter douze couches là où ce n’était pas nécessaire pour venir analyser la façon dont Rhett répondrait à cette provocation. Ce dernier ne devrait pas dire oui à la proposition indécente de son frère - viendrait-il le faire cependant ? Afin d’obtenir une réponse plus rapidement, Ruben ne cessait de pointer du doigt le panneau de l’événement et les cases représentent les équipes pouvant encore s’inscrire. Après tout, cela leur permettrait de passer un bon moment entre frères aussi.

Pour peu, Rhett aurait presque oublié l’incroyable capacité de son cadet à réduire à néant le moindre effort qu’il fait. « C’est une bière, Garett, ça a le goût de bière. » La tête baissée sur son propre verre, l’australien relève pourtant les yeux avec un certain agacement, se retenant difficilement d’ajouter le moindre mot. Il est le plus âgé, il se doit de montrer l’exemple et de retenir pour lui tout ce qu’il peut en penser. Il connaît sûrement bien plus que lui le goût de la bière s’il en est à croire leurs années universitaires, et Ruben devrait apprendre à se la fermer certaines fois: il n’y a que dans le monde médical que les fortes têtes sont appréciées. "Et parfois j'ai espoir et je me dis que c'est pas parce que t'as vraiment une tête de con que t'en es un." Ça va, là, il reste gentil. Pas vrai ? Ils ne sont pas là pour se battre ; ils savent très bien le faire peu importe le contexte, et il n’y a rien qui requiert l’effort de se rendre jusque dans un bar et commander un verre. Alors, Rhett continue de faire des efforts pour deux, parlant d’un rien, argumentant sur du vide simplement pour qu’ils n’aient pas à se regarder dans le blanc des yeux. « Si tu veux craquer et remplacer une addiction par une autre, je t’en prie. » Cette fois-ci, bien au-delà d’une certaine déception, c’est une véritable colère qui se lit dans le regard de Rhett. Il ne l’attendait pas sur ce sujet, pour être honnête, et encore moins dans un tel contexte alors que rien n’explique une réponse se voulant aussi violente et basse. Le sportif repousse violemment le verre de son frère sans le renverser pour autant, laissant simplement la bière s’en échapper à cause du mouvement rapide. “Je comprendrai jamais comment t’es passé au travers de tes années d’études sans te faire casser la gueule.” Parce qu’il n’est pas vraiment une armoire à glace, Ruben, et qu’il a une langue bien trop pendue et un esprit trop aiguisé pour ne pas être le gamin horripilant que tout le monde a un jour connu dans sa vie. Même Rhett a un bon nombre de fois rêvé de lui coller son poing à la figure, sans pour autant aller au bout de ce désir.

Finalement, l’australien prend sur lui pour changer de sujet et ne pas s’aventurer davantage dans les souvenirs très différents qu’ils tiennent de leur enfance, laquelle n’a de toute façon pas existé à la même époque. Son regard donne un peu de répit au brun pour se focaliser sur le reste de la salle, où tout le personnel s’active pour préparer l'événement du soir.  « Ça fait longtemps que j’ai pas participé à ce genre de chose. » Parce que tu y as déjà participé ? Le grand Ruben Hartfield connaît déjà les règles du beer pong, c’est évident, rien ne peut décemment lui échapper. Où Rhett pouvait-il bien avoir la tête? « Tu bois de la bière sans alcool pour te donner un genre ou y’a vraiment quelque-chose derrière ? Parce-que si la première option est la bonne, on peut s’inscrire, y’a encore de la place. » Il pointe le panneau comme si son aîné était déjà sénile, mais il devrait surtout s’inquiéter que son aîné puisse finalement céder à son vieux désir de lui coller son poing à la figure. Non, vraiment, il ne comprend pas comment il n’a pas passé toute sa petite enfance à se faire casser la gueule tant il se veut horripilant. “J’ai lu dans Women weekly que ça faisait grossir, mais j’sais pas, t’en penses quoi monsieur le médecin ?” Ruben sait très bien pourquoi il se tient loin de l’alcool, ne pouvant décemment pas brûler la corde par les deux bouts en toute connaissances de cause. Il ne fait que jouer avec sa patience, comme toujours, pour que Rhett en vienne à l’éternelle conclusion que tout n’était finalement qu’une mauvaise idée. “J’ai jamais perdu un seul match, tu m’entends ?” Et entre le rugby et le beer pong, il n’y a aucune différence à noter. C’est sa façon à lui de lui dire qu’il est in, sûrement parce qu’il ne sait pas faire autrement que de répondre aux attaques de son petit frère. C’est sûrement le seul domaine dans lequel il peut lui prouver qu’il est meilleur que lui, qui plus est, alors Rhett ne laissera pas l’occasion lui passer sous le nez. “Tu boiras pour nous deux, ça te fera du bien.” Ça le décoincera, voilà ce que Rhett dit sans même jeter un regard supplémentaire en sa direction alors qu’il s’avance déjà pour inscrire leurs deux noms sur la liste, se contentant de noter leur patronyme commun un seul et unique fois. Tout porte à laisser croire le contraire, mais ils sont et resteront toujours des frères, quoi qu’il arrive. “Tu veux vérifier tes constantes et boire un peu d’eau avant de commencer ou tu penses que tu peux faire sans ?” Il ne l’attaquera jamais sur les sujets difficiles - pas comme Ruben n’a aucune honte de le faire en retour, par exemple - mais il ne serait pas non plus un grand frère s’il n’en profitait pas pour lui lancer quelques vannes de ci de là, un sourire en coin.

« Et parfois j'ai espoir et je me dis que c'est pas parce que t'as vraiment une tête de con que t'en es un. » Rhett ne se rendait pas compte à quel point son frère pouvait vraiment faire des efforts, car avec des réflexions de cette trempe, il aurait quitté les lieux depuis longtemps sans. Il aurait pu venir répliquer, venir ajouter une couche de reproches à son tour, mais ce n’était pas de cette façon dont il avait envie de voir tourner la soirée - venir placer ici et là des répliques plus cinglantes était d’autant plus satisfaisant, surtout lorsque c’était Garett lui-même qui tendait les perches. « Je comprendrai jamais comment t’es passé au travers de tes années d’études sans te faire casser la gueule. » Après tout, peut-être était-ce réellement un miracle que Ruben ne se soit pas fait casser quelques dents pendant toutes ses années d’étude - peut-être pas pour les mêmes raisons qu’évoquait son frère, cependant -, mais il préférait se rappeler que c’était surtout et uniquement parce-qu’il venait se comporter de cette sorte uniquement avec celui qui partageait son sang et personne d’autre. Il n’y avait personne de toutes façons qui venait l’agacer à ce point là, de mémoire. Mais apparemment, d’après le regard noir que lui lançait le brun depuis l’autre côté de la table, la pareille se trouvait être vraie et cela suffit à venir étirer un bref, vraiment fin mais tout de même bien présent, sourire au coin de ses lèvres.

Et surtout, surtout - il ne vint pas renchérir sur les mots de Rhett, en tous cas pas les premiers. Des efforts, ils avaient promis de faire des efforts - à qui, ils ne savaient réellement guère, surement à Ethel un jour au passage dans une conversation -, et ce n’était pas en venant critiquer des deux côtés le comportement de l’autre qu’ils allaient s’en sortir. Alors, quand le plus vieux mentionna le tournoi de beer-pong qui était en train de s’installer à leur côté, Ruben vint effectivement y prêter son attention. Après tout, cela pourrait leur permettre de venir passer un moment agréable entre frères, et qui ne leur donnerait peut-être pas autant la possibilité de se tirer dans les pattes. Mais ce serait d’autant plus amusant et productif si Rhett se décidait à venir effectivement boire de la vraie bière - et tant qu’il n’admettrait pas qu’il n’en buvait pas à cause des médicaments qu’il prenait à côté, tout le monde sachant que ces deux ingrédients mélangés ne faisaient pas bon ménage, Ruben ne lâcherait pas le morceau. « J’ai lu dans Women weekly que ça faisait grossir, mais j’sais pas, t’en penses quoi monsieur le médecin ? » Le médecin en question vint lever les yeux au ciel - mais il ne sut réprimer le petit sourire qui s’accrocha à ses lèvres, donnant au passage un léger crédit à la blague de Rhett; c’était pour la bonne cause, sa réplique était bien trouvée. « Women Weekly a raison. » Il ne lâcherait pas le morceau, mais, peut-être qu’il pouvait ne pas saisir cette perche là pour une fois - il n’était pas dupe et savait pertinemment que Rhett n’avait lu aucun magasin de ce type là lui indiquant que l'alcool était calorique, mais qu’il trouvait une fois de plus un moyen pour ne pas avoir à répondre franchement de ses actes.

« J’ai jamais perdu un seul match, tu m’entends ? » Nouveau sourire, véritablement plus amusé. « Je comptais pas perdre. » Dans d’autres domaines que son frère, mais la compétition ne lui était pas inconnue non plus, à Ruben. Sa place au milieu de ses paires, il l’avait obtenu à coup de travail acharné et de compétition forcé - de laquelle il était ressorti gagnant. Il n’avait pas l’intention de se laisser marcher sur les pieds en retour pour un simple tournoi de beer-pong. Mais surtout: cela marquait l’entrée dans le tournoi des frères Hartfield, Rhett venant répondre par la positive à la proposition de Ruben avec cette phrase. « Tu boiras pour nous deux, ça te fera du bien. » Ben vint lever un sourcil sur son visage, outré par cette déclaration. « C’est sur que c’est pas à toi que ça ferait du bien. » Il se mettait sur la défensive, mais ce n’était pas pour autant qu’il venait s’extirper de la situation dans laquelle venait de le mettre son frère. Il boirait pour deux, peut-être que ça lui ferait du bien mais surtout ça montrerait à Garett qu’il n’était pas le petit-joueur qu’il pensait clairement avoir en face de lui. « Tu veux vérifier tes constantes et boire un peu d’eau avant de commencer ou tu penses que tu peux faire sans ? » - « J’ai une santé de fer en toutes circonstances, t’en fais pas pour moi. » C’était vrai, il n’y avait pas à discuter sur ce point là; mais surtout, il était quelque peu vexé le garçon et maintenant, il n’avait qu’une hâte: que le tournoi commence pour montrer à son grand frère qu’il avait bien tort sur son compte. Ce dernier ne s’en ferait pas réellement pour lui, de toutes façons. « Tiens toi prêt plutôt, on passe sur la première série de matchs. » Plus vite ils seraient en jeu, plus vite ils pourraient se concentrer tous les deux sur un objectif commun et arrêter de chercher la petite bête là où elle ne se trouvait pas. Si Ethel était avec eux ce soir, elle aurait surement envie de leur taper sur les doigts.

Onze - verres de bière -; le chiffre qui vint commencer à faire voir Ruben flou, et il eut besoin d’un temps mort, de s’asseoir pendant un instant, de venir reprendre son souffle. Ils s’en sortaient bien, les bougres, si bien qu’ils avaient passé la phase éliminatoire et entraient dans les quart de finale du tournoi. Mais l’estomac de Ruben - ce dernier avait surement du oublier de diner avant de venir, qui plus était -, commençait à se noyer et son esprit à ne plus voir très clair. « T’es sur tu veux pas boire ? » Aller, un verre, rien qu’un seul pour le soulager.

« Women Weekly a raison. » Et si seulement cela pouvait suffire à Ruben pour qu’il le laisse tranquille et change enfin de sujet, cela réglerait bon nombre des problèmes de son aîné, sans aucun doute. Il sait que le brun a assez d’informations en sa possession autant qu’il a de jugeote pour comprendre l’unique raison pour laquelle Rhett refuse systématiquement de boire de l’alcool, et le fait qu’il continue de remuer le couteau dans la plaie a le don de mettre l’ancien sportif en rogne. Alors, il tente de s’accrocher à sa seule ligne de défense, laquelle consiste en une fuite lorsqu’il renvoie l’attention de son cadet sur le tournoi de beer pong en préparation à leurs côtés. « Je comptais pas perdre. » La rage de vaincre coule dans leurs veines à tous les deux, elle prend simplement une forme différente selon le Hartfield dont il est question - même Ethel a la sienne qui lui est propre. Les lèvres de Rhett s’étire en un sourire, sans doute fier de la réplique de son cadet. Ils arrivent à se comprendre, parfois. « C’est sur que c’est pas à toi que ça ferait du bien. » Et comme toujours, c’est un pas en avant et deux en arrière alors que Ben finit par récolter un regard froid et noir. Mieux que quiconque, ils connaissent le sous entendu derrière ces quelques mots qui n’ont justement rien d’anodins.

***

Ils sont aussi doués pour s’insulter et se frapper sous la table des repas de famille que pour viser avec adresse les verres adverses et s’en sortir sans trop de dégâts de leur côté. C’est une prouesse digne d’une parfaite cohésion fraternelle, qualificatif qu’il aimerait sincèrement pouvoir leur apposer, quand bien même ce serait un mensonge éhonté. La quart de finale leur ouvre les bras, désormais, mais le jeune et fougueux Ruben semble accuser le coup des - trop nombreux - verres enfilés les uns à la suite des autres. « T’es sur tu veux pas boire ? » Rhett l’observe de ses grands yeux clairs, d’abord en souriant doucement, avant qu’un réel souci ne vienne prendre le dessus sur son coeur lorsqu’il craint que Ruben ait bien plus dépassé ses limites qu’il n’aurait pu le croire. “On a un peu de temps avant la suite. Tu veux qu’on prenne l’air ?” Il n’emploiera pas un ton trop doux, trop mielleux, trop empathique ; mais l’intention y est. Ruben est et restera son petit frère, peu importe à quel point il est parfois horripilant. Si quelqu’un doit le mettre à terre, c’est lui et lui seul, et certainement pas un trop plein d’alcool. “Je boirai pas, Ruben.” Il précise une fois de plus, sans équivoque. Le jeu n’en vaut pas la chandelle. “Et tu sais très bien pourquoi.” Ses yeux tentent de croiser les siens, avec l’espoir qu’il ait trop bu pour garder des souvenirs intacts de ces quelques paroles. Tu sais pourquoi, t’étais là à mon réveil, t’étais là tous les jours qui ont suivi. Pas après son accident, non, mais après son overdose. Une chose que Rhett ne veut pas connaître à nouveau, l’ayant déjà vécu une fois de trop. “Te rends pas malade.” Il souffle finalement, lui dévoilant petit à petit qu’il s’en fait pour lui.

Bien sur qu’il avait promis à Ethel que les prochaines fois que Rhett et lui passeraient un moment ensemble, il ferait des efforts. Bien sur qu’il avait tenté d’en faire mais que ces deniers n’avaient en rien pris et qu’il avait eu encore plus envie de venir lever les yeux au ciel en posant son regard sur son ainé. Bien sur qu’il avait saisi toutes les perches existantes pour venir appuyer là où ça faisait mal dans l’histoire personnelle du sportif, alors que cela n’était ne rien nécessaire. Bien sur que tout cela était arrivé - mais désormais, alors que les bières commençaient à lui taper sur le système et que ses fibres nerveuses se détendaient au fil du temps qui passait, Ruben n’avait plus réellement envie de venir taquiner son frère de la sorte. Le seul élément de son attitude qui restait de lorsqu’il était arrivé dans le bar, c’était son esprit de compétition prêt à gagner le tournoi coûte que coûte. Sauf que onze bières, en si peu de temps, c’était vraiment beaucoup et que son estomac le détestait cordialement en cet instant. « On a un peu de temps avant la suite. Tu veux qu’on prenne l’air ? » Son regard vint se porter un instant sur les tables du tournoi, sur sa bière qui lui restait à terminer, avant de revenir sur son frère. « C’est pas une mauvaise idée en vrai. » Au moins, cela lui retirerait peut-être cette envie de venir rendre son estomac qui semblait avoir du mal à passer depuis quelques minutes. « Je prends juste un verre dos au bar, je te rejoins dehors. » Autant que parce-qu’il n’était pas idiot que parce-qu’il était médecin, il savait que le verre d’eau était la meilleure chose qui puisse lui arriver présentement.

Ca, et l’air frais sur son visage alors qu’il venait pousser la porte du bar, Rhett déjà présent à l’attendre. Fermant les yeux un instant, Ruben vint inspirer longuement, finissant par se concentrer sur le verre d’eau entre ses mains alors que ses paupières venaient laisser la lumière pénétrer jusque ses rétines. « Je boirai pas, Ruben. » La façon dont son frère venait affirmer une telle chose avait une teinte quelque peu différente de celle qu’il avait employé une ou deux heures plus tôt. Plus franche, plus honnête; mais bien plus vulnérable également. « Et tu sais très bien pourquoi. » Après une seconde d’hésitation, les prunelles de Ruben vinrent se relever et finirent par croiser celles de son frère. Il savait très bien pourquoi, c’était vrai; et ce n’était pas la quantité d’alcool qu’il était en train de faire subir à son corps qui allait changer quoi que ce soit. Il connaissait sur le bout des doigts l’historique médical de l’homme face à lui, bien plus qu’il ne l’admettait et pour avoir lu et relu bien trop de fois un dossier qui ne lui était en rien destiné. Il savait que Rhett ne viendrait pas boire une seule goutte d’alcool et ce dernier avait raison d’agir de la sorte: son organisme ne le supporterait pas. Il y avait qu’à voir la façon dont celui de Ruben réagissait alors qu’il était en parfaite santé. Après un instant ou deux de silence, pendant lequel ses yeux n’avaient lâché ceux de son aîné, Ben finit par venir lâcher un soupire - en rien agacé, bien au contraire, plutôt résigné. « Je sais, Rhett. » Il fallait cependant que ce dernier comprenne que son état de santé n’était plus à prendre à la légère et que d’agir comme il le faisait au quotidien ne viendrait jamais l’aider. Ce n’était peut-être pas la place de son cadet de venir agir de la sorte, mais ce dernier avait déjà perdu un frère et s’en voulait déjà assez comme ça, il ne désirait pas voir le second lui filer entre les doigts également.

« C’est juste que ça m’aurait soulagé un peu, que tu puisses boire au moins un verre. » - « Te rends pas malade. » Esquissant un petit sourire en coin, Ben vint de concert hausser un sourcil d’étonnement. « Tu t’inquiètes pour ton petit frère ? » Ce n’était pas souvent que l’un ou l’autre venait agir de la sorte, et c’était encore moins habituelle que ce soit Rhett qui formule ce type d’inquiétude à haute voix. Même s’il s’y prenait comme un pied, le fait de toujours venir remuer le couteau dans la plaie des addictions de Rhett était un moyen pour Ruben de lui montrer qu’il s’inquiétait de sa santé, même s’il n’en parlait pas à haute voix et prétextait venir prendre des nouvelles pour faire plaisir à Ethel. Cette dernière serait d’ailleurs autant alarmée de les voir agir de la sorte qu’elle serait heureuse de les voir passer une soirée ensemble. « De toutes façons, c’est toi qui va devoir me ramener et me tenir les cheveux quand je vais vomir toutes mes tripes ne arrivant chez toi. » Il marqua un temps d’arrêt, avant d’avoir un petit rire. » Hors de question que je rentre dans cet état là chez moi et que Grace me voit comme ça. » Ca le faisait rire, le bougre, mais ça le ferait bien moins rire le lendemain - et déjà, les traits d’amusement s’effaçait de son visage, un semblant de sérieux reprenant le dessus. Il vida son verre d’eau d’une traite avant de faire demi-tour et de se diriger vers l’intérieur du bar. « Aller, allons remporter le tournoi. » Et boire un verre de plus.

« C’est pas une mauvaise idée en vrai. » Non bien sûr, c’est la sienne. L’idée ne peut pas être mauvaise si elle vient de Rhett Hartfield, pas vrai ? Pas vrai ? L’important, c’est qu’il y croit lui même, après tout. Au fond, il est simplement soulagé que l’ego de son cadet ne vienne pas le faire refuser cette demande, qui a tout d’une certaine nécessité en cet instant alors que les bières, bien que peu dosées en alcool, doivent sûrement lui taper dans la tête. « Je prends juste un verre d’eau au bar, je te rejoins dehors. » Et après il pissera les chutes du Niagara, voilà tout ce que Rhett en dit. Mais un verre n’a rien d’une mauvaise idée, en effet, raison pour laquelle il ne réplique rien et se contente de prendre les devants jusqu’à la porte de sortie, infiniment léger en comparaison de son petit-frère.

D’un ton bien différent et dans un contexte qui l’est tout autant, l’ancien sportif répète qu’il ne boira pas, ses yeux venant finalement croiser ceux de Ben. Il ne sourit plus, ne se moque pas non plus. Il ne boira pas, et Ben sait très bien pourquoi, à défaut qu’il en soit de même pour bien d’autres humains en ce monde. Mais si seulement il pouvait oublier leur conversation une fois le soleil à nouveau levé, ça arrangerait bien Rhett, pour être honnête. « Je sais, Rhett. » Alors, après avoir avancé qu’il faisait au moins une bonne chose pour sa santé, il se permet finalement de sortir une cigarette de son étui pour l’allumer rapidement, conscient que leur pause ne sera que de courte durée. L’objet entre ses lèvres, il tend le paquet à Ben pour lui en proposer une à son tour, sans un mot, sans un jugement non plus. Ca aussi, il espère qu’il l’aura oublié une fois le jour venu, parce qu’il ne veut pas avoir davantage de jugements de sa part mais qu’il ne compte pas pour autant se censurer devant son propre frère. « C’est juste que ça m’aurait soulagé un peu, que tu puisses boire au moins un verre. » Il le sait, il le sait bien. Vingt ans plus tôt, quand Ben n’était encore pourtant qu’un bambin, il aurait été le premier à l’aider pour vider ces verres à parts égales, sans jamais se plaindre des effets de l’alcool sur son organisme. La vie l’a changé, sans que ce ne soit en bien. Rhett souffle doucement, une première fois à cause de leur discussion, une seconde pour laisser la fumée s’échapper.

« Tu t’inquiètes pour ton petit frère ? »
“Tu ressembles pas à une demoiselle en détresse, tu vas t’en sortir.”

L’un et l’autre n’ont aucun rapport, bien sûr, tout comme il ne veut pas avouer mot pour mot qu’il s’en fait pour son frère. C’est le cas, ils le savent déjà tous les deux, cette question n’étant que rhétorique. Il se permet pourtant de lui répondre avec une certaine ironie, conscient que son frère comprendra le fond de sa pensée. Ils sont différents à tous les niveaux mais arrivent encore à se comprendre, par Dieu sait quel miracle. « De toutes façons, c’est toi qui va devoir me ramener et me tenir les cheveux quand je vais vomir toutes mes tripes ne arrivant chez toi. » Rhett lève un sourcil étonné, sans trop savoir si c’est parce que Ben l’imagine déjà lui tenir les cheveux ou s’il l’imagine le faire chez lui. Il n’a rien contre cette idée, bien sûr, mais s’étonne que son frère ose autant s’avancer sur la suite de la soirée. « Hors de question que je rentre dans cet état là chez moi et que Grace me voit comme ça. » Ils seront bientôt mariés et il ne veut pourtant pas afficher la moindre faille face à elle: Ruben aura toujours le don de l’étonner. “Je retire ce que j’ai dit, tu fais une parfaite demoiselle en détresse.” Qui dormira sur son canapé, qui vomira autant que nécessaire dans ses toilettes, et qu’il soutiendra autant qu’il en aura besoin dans la salle de bain, quand il regrettera la moindre gorgée d’alcool. Comme s’ils étaient des ados et des amis, deux termes qui ne leurs ont soit jamais été associés, soit qui ne le sont plus depuis longtemps. Le sourire de Rhett ne se fade pas, sans doute aussi heureux que soulagé de savoir que son frère restera sous sa surveillance pour la nuit.

« Aller, allons remporter le tournoi. » Oh, oui. Pour peu il aurait presque oublié qu’ils étaient là pour ça, à la base. “Allez champion.” Il pose une main sur son épaule, comme il aurait pu le faire avec un de ses coéquipiers, et c’est sans doute là une preuve d’affection ultime de la part de Garrett Hartfield.

***

A ses côtés, Ben tangue, Ben vise toujours près mais jamais parfaitement, Ben abuse des verres d’eau autant que des grognements de mécontentement. Et si Rhett redouble d’efforts pour bien envoyer ses fichues balles, c’est bien plus pour rapidement terminer ce tournoi de pacotille plutôt que par rage de vaincre ; elle s’est envolée il y a plusieurs minutes déjà, quand il s’est rendu compte que cette soirée n’allait en rien être comparable à l’adrénaline de son âge d’or. Alors il vise juste, presque à tous les coups, il observe son cadet d’un air soucieux lorsqu’il doit boire un verre supplémentaire et il manque de l’aider à terminer à de nombreuses - trop nombreuses - occasions. Mais lui, il a encore bien trop de rage de vaincre, alors Rhett ne dit rien contre, ne fait rien non plus. “C’est la finale, Ben. Je peux boire un verre ou deux. C’est que de la bière, ça va pas me tuer.” Il lui assure finalement, prenant près de lui l’un des derniers verres encore debout, la victoire leur tendant déjà les mains.

Presque à contre coeur, Ruben dut admettre qu’il connaissait parfaitement les raisons pour lesquelles son frère ne buvait pas - ni ce soir, ni jamais maintenant il espérait -, alors qu’il aurait pu une nouvelle fois venir l’enfoncer en appuyant là où ça faisait mal. La tournure que la soirée avait pris cependant en l’incitait plus à agir comme une enflure envers lui, et puis il voyait bien que parler de ce sujet avec le ce ton là pour son père était déjà une avancée en soi; pour la première fois depuis longtemps, maintenant, Rhett reconnaissait d’une certaine manière à haute voix  qu’il avait un problème. Il fallait un début à tout. Lorsque ce dernier leva son paquet de cigarettes à hauteur de son cadet pour lui en proposer une, en revanche, ce fut avec un plissement de nez et en secouant la tête que Ruben refusa l’offre de son frère. Il ne pouvait pas faire des efforts sur tous les points en même temps, alors il ne viendrait pas faire de commentaire sur cette partie là de son auto-destruction aujourd’hui.

« Tu ressembles pas à une demoiselle en détresse, tu vas t’en sortir. » Ruben étira davantage le sourire ornant ses lèvres. Il s’inquiétait définitivement pour son petit frère mais était bien trop fier pour l'admettre à haute voix - tant pis, il lirait entre les lignes s’il le fallait, le temps que son taux d’alcool dans le sang lui permettait aussi. Et puis, il verrait bien avec la suite des événements de la soirée si cette inquiétude était réelle ou si Rhett se fichait de lui ouvertement, lorsqu’il aurait besoin de lui pour rentrer en un seul morceau et de lui une fois de plus pour venir vider son estomac. « Je retire ce que j’ai dit, tu fais une parfaite demoiselle en détresse. » Il leva les yeux au ciel. « Arrête de fumer Garett. » Pourtant, il s’était dit que le commentaire n’était pas utile, mais s’il venait s’amuser de la situation l’instant d’avant désormais c’était comme une boule au ventre qui se formait chez Ruben - et rien à voir avec l’alcool - à la mention de Grace. Oh, la réalité viendrait malheureusement bien trop rapidement le rattraper, les rattraper, et finalement il n’avait plus tant désir que ça que la soirée aux côtés de son frère se termine, étrangement. « Allez champion. » La main de son frère sur son épaule, l’entrainant vers l’intérieur du bar, le sortit de ses pensées et Ruben tâcha de toutes les recentrer sur la victoire qui leur tendait les bras.

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Mettre les balles de ping-pong dans les verres pourtant d’un rouge vif devenait de plus en plus compliqué côté jeunesse Hartfield. Si Rhett semblait continuer de réussir presque à tous les coups, ce n’était plus le cas de Ruben depuis quelques tours déjà - et pourtant, la rage de vaincre de ce dernier était toujours bien présente. Il désespérait autant de gagner car il ne supportait pas perdre, mais peut-être égoïstement également car il aurait l’impression que s’il pouvait remporter le tournoi là en faisant un peu plus attention et en venant réarranger les choses qui ne l’aidaient pas dans ce chemin vers la victoire - comme par exemple le fait qu'il tanguait de plus en plus et que quelques verres d’eau supplémentaires pourraient l’aider à rester droit et debout -, il réussirait également à venir régler les choses qui n'allaient pas chez lui. Le Ruben sobre savait que ce n’était pas ainsi que la vie fonctionnait, mais celui ayant bu pour deux tout le long du tournoi avait envie de s'accrocher à cette idée là. « C’est la finale, Ben. Je peux boire un verre ou deux. C’est que de la bière, ça va pas me tuer. » Ce fut des yeux un brin trop écarquillés que Ben tourna en direction de son frère. Il les avait toutes vu venir, sauf celle là. « T’es pas bien ou quoi ? » Il avait du mal à tenir sur pieds, mais il ne perdait pas encore la boule: ils en avaient discuté pas plus tard que quelques manches plus tôt et pour une fois étaient tous les deux tombés d’accord sur le fait que Rhett ne devait pas toucher un verre d’alcool. « On a dit que tu devais pas toucher à l’alcool, Garett. » Il tentait, avec échec, de prendre le ton moralisateur qu’il réservait à son frère lorsque ce dernier devenait insupportable à ses yeux.

Et pendant qu’ils en étaient à débattre, l’équipe d’en face avait réussi un de leur coup et un nouveau verre attendait Ruben. Il plissa le bout du nez - tout son corps lui hurlait de laisser son frère boire au moins ce verre là, mais en réalité il n’avait jamais eu l’intention de le laisser agir de la sorte. « Contente toi de réussir à viser. » Son attention était reportée sur le verre mais les paroles allaient à l’attention de l’autre Hartfield. Après une grande inspiration, il fit cul-sec avec le verre de bière leur étant destiné.

Ce fut avec le trophée de victoire qu’ils ressortirent du bar, quelques temps après. Ruben ne marchait définitivement plus droit depuis longtemps mais tentait de s’appliquer à marche seul, sans que son frère ait besoin de le soutenir - il ne fallait pas que Rhett soit pressé de rentrer. « Je t’avais dit que je pouvais le faire. » Le sourire qu’il esquissait était autant fier que triste, autant vantard qu’arrogant. Personne n’avait jamais douté de l’idée que Ben puisse réussir à tenir le tournoi et le gagner, surement. Mais en cet instant, parlait-il réellement d’un simple tournoi avec son frère ou parlait-il seul à propos d’autres situations qui n’avaient rien à voir ?

« Arrête de fumer Garett. »

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Dans le but d’épauler son petit frère, Rhett en vient à proposer de boire un verre ou deux, idée rapidement réprimandée par le premier concerné. « T’es pas bien ou quoi ? On a dit que tu devais pas toucher à l’alcool, Garett. » Il ne rajoute donc rien, se contentant d’observer avec un regard toujours plus inquiéter son petit frère peinant même à le gronder - c’est pour dire. Il est certain qu’un verre ou deux n’auraient aucune conséquence, pourtant, et que cela serait déjà ça de moins que Ruben irait vomir dans ses toilettes - parce que oui, bien sûr que c’est ainsi que se termineront les choses. Mais se battre avec lui est la dernière chose dont il ait envie alors il préfère encore se concentrer sur leur dernier match, lequel ils doivent gagner le plus rapidement possible pour rentrer tout aussi vite. Simple, clair, précis. Même totalement saoul, il ne peut qu’admirer la rage de vaincre du médecin. Il aurait fait une belle carrière, s’il avait choisi le sport. « Contente-toi de réussir à viser. » Et c’est ce qu’il fait sans doute le mieux dans un bar, à défaut de boire.

Le trophée accroché à la main de son cadet, ils déambulent à une vitesse plutôt atypique les rues de la ville. En effet, même un escargot serait susceptible de les dépasser tant ils avancent lentement, au rtyhme d’un Ruben ayant tendance à tanguer plus que de raison, et ce même alors que Rhett a de nouveau une main placée contre son cou pour s’assurer qu’il ne perde pas trop de vue le trottoir. « Je t’avais dit que je pouvais le faire. » Son regard dévie un instant sur son frère, un fin sourire au coin des lèvres. Bien sûr qu’il pouvait le faire: Rhett n’en a jamais douté. “Assis toi, je vais appeler un taxi.” Dieu sait pourtant qu’il aurait préféré rentrer à pied mais ce n’est finalement pas une bonne idée à en juger par l’état de Ben, raison pour laquelle il se ravise et concède à appeler une voiture pour leur assurer un retour sain et sauf. "Entraîne toi à avoir l’air sobre, sinon tu seras jamais accepté.” Il le prévient pourtant, sans amertume dans la voix mais bien un simple amusement.

En pointant un banc du bout du doigt, l’ancien sportif ressent pourtant le besoin de rebondir sur les mots de son frère, une fois ce dernier pour de bon assis. “J’ai jamais douté un seul instant que tu y arriverais, tu sais.” Pour ça, comme pour tout le reste, même si ses mots d’encouragement ont bien souvent pris la forme de reproches. “Je te laisse la coupe, mais c’est bien parce que c’est toi.” Il en prendra bien plus soin que Rhett n’aurait jamais su le faire et surtout, qui sait, sa vue le retiendra peut-être de reprocher tout et son contraire à son aîné dès le soleil à nouveau levé.

Il n’avait aucune idée de la dernière fois qu’il s’était autorisé à passer une soirée de la sorte, mais finalement ça ne lui faisait pas de mal. Le pas de Ruben était lourd et lent sur le pavé, mais il avait cette impression étrange d’avoir, d’une certaine façon, le cœur un brin plus léger.  L’alcool agressait sans hésitation son sytème et le semblant d’euphorie de la victoire du tournoi était présente également. En somme: il était en forme et le resterait encore quelques temps - jusqu’à ce que son estomac rende les armes et qu’il de déverse dans les toilettes de chez Rhett, avec un peu de chance. « Assis toi, je vais appeler un taxi. » La voix et les paroles allant de paire avec surprirent le Hartfield qui, malgré l’attention constante de son frère sur lui, failli manquer un pas et se retrouver le nez le premier sur le trottoir. « Entraîne toi à avoir l’air sobre, sinon tu seras jamais accepté. » Fronçant en premier réflexe un instant les sourcils, ce fut un rire qui prit le dessus sur le reste la seconde d’après - alors qu’il se dirigeait tant bien que mal vers le banc que lui indiquait du doigt Rhett. S’entraîner à avoir l’air sobre, quelle idée il pouvait avoir. Il n’avait pas tant bu que ça, pour commencer, et puis il savait se tenir devant les inconnus, il avait été bien éduqué après tout; il saurait se tenir devant le chauffeur de taxi qui leur permettrait de rentrer bien plus rapidement que s’ils s’entêtaient à avancer à pieds. « T’inquiète ! » C’était justement ce que faisait Rhett en cet instant: il s’inquiétait de savoir si son petit frère réussirait à rentrer jusque chez lui. Et pour cause: Ben dut se rattraper au dossier du banc, alors qu’il était à deux doigts de s’asseoir à côté. Il eut un rire bien trop expressif pour être naturel, avant de poser son postérieur sur le plastique. Peut-être effectivement qu’il allait devoir faire un brin plus attention lorsque le taxi serait devant eux.

« J’ai jamais douté un seul instant que tu y arriverais, tu sais. » Venant reporter son regard quelque peu embué par les larmes de rire, Ruben plissa le bout du nez. « Vraiment ? » Pourtant, il était venu lui préciser non sans amertume dans la voix qu’il n’était pas question qu’ils perdent, comme si le cadet n’allait y mettre le meilleur du sien dans cette compétition. La preuve en était désormais: il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour qu’ils remportent la finale et il le regretterait demain matin pour sûr. « Je te laisse la coupe, mais c’est bien parce que c’est toi. » Le regard de Ruben fit un aller simple dans un premier temps entre son frère et la coupe qu’il tenait encore miraculeusement dans l’une de ses mains, écarquillant un brin les yeux et abordant une expression réellement heureuse de pouvoir garder la coupe, avant de regarder de nouveau Rhett. « Toi tu veux pas la coupe et je peux la garder ? C’est mon jour de chance ! » Des deux, ce n’était pas Ben le fanatique des trophées et des coupes, mais bien sur qu’il saurait en prendre soin. Et puis, lorsqu’il aurait évacué l’alcool en trop, et qu’il reposerait son regard sur ce bibelot chez lui, il se rappèlerait surement avec un petit sourire cette soirée qu’ils auraient passé entre frères - vraiment, et sans qu’on les force qui plus était. Il y avait un brin de fierté, aussi, dans la voix de Ruben; savoir que son grand frère lui laissait la coupe et n’avait pas douté de ses capacités à gagner le tournoi était plus que ce qu’il lui avait accordé lorsqu’ils grandissaient. Ils avaient suivi l’épanouissement l’un de l’autre de loin, sans jamais vraiment entrer dans les détails. Parfois, Ruben se demandait comment ils en étaient arrivés à avoir autant de mal à se voir en peinture - et souvent aussi, il se rappelait après qu’ils n’avaient eu que les échos des exploits de l’autre via des parents un brin trop fier du dernier et peut-être pas assez du premier. « Je pourrai dire à mon gamin que c’est tonton Rhett qui m’a donné la coupe ! » Le sourire était toujours présent, alors que les mots avaient été plus rapides que les pensées de Ruben, mais l’éclat d’avoir gagné le trophée dans ses yeux était en train de s’éteindre aussi rapidement qu’il était arrivé. Car c’était surement aussi pour ça qu’il ne désirait pas revenir chez lui ce soir: se retrouver arraché aux côtés de celle qui portait votre enfant, lorsque ce dernier n’avait pas été invité, ce n’était pas le meilleur des scénarios.

Ruben peine à rester assis sur son banc, laissant son aîné avec très peu d’espoir quant à leurs chances de se faire accepter dans leur taxi. Tout dans son attitude crie qu’il a abusé de l’alcool et, par conséquent, qu’il risque de tout vomir d’une seconde à l’autre. « Toi tu veux pas la coupe et je peux la garder ? C’est mon jour de chance ! » Il a le sourire d’un enfant, le genre que Rhett n’a jamais observé sur son visage tant il n’était pas capable de le rendre heureux autant qu’il était de toute façon éternellement absent, occupé avec ses entraînements, quand il n’était pas tout simplement à Londres. Alors, il s’attarde sans doute plus que de raison sur cet instant, un sourire au coin des lèvres, oubliant pour un temps la mission de le rendre présentable face au chauffeur. Il a un trophée dont il est fier et il sait déjà qu’il aura toujours le même sentiment demain, quand son organisme sera libéré de tout alcool. Ruben est un bon gamin, tout le monde le sait et tout le monde le dit, mais Rhett n’a simplement jamais compris qu’il est aujourd’hui devenu un adulte digne de confiance et d’estime. Tout ça, il aimerait croire que seul son sourire suffit à le traduire. Pourtant, il n’est pas naïf au point de le croire.

« Je pourrai dire à mon gamin que c’est tonton Rhett qui m’a donné la coupe ! » Le sourire de Ruben est immense, le rire de Rhett est franc en retour alors qu’il continue de l’observer jouer avec sa nouvelle coupe, celle qu’il ajoutera sans doute près de ses victoires aux concours d’ortographes et autres trucs de premiers de la classe. “Arrête Ben, t’es saoul, pas papa.” Il a bu au point d’avoir oublié ça ? Oh, sacré Ruben. Jamais son frère ne l’aurait cru capable de le faire autant rire, encore moins sur un tel sujet. Face à l’oeil brillant de malice que lui renvoie son cadet, il en vient pourtant à calmer son rire et à remettre ses paroles en perspective. “Attends, tu me dis ça parce que t’as trop bu, ou tu me dis ça justement parce que t’as bu ?” Est-ce qu’il s’invente ou paternité, ou est-ce que l’alcool lui donne le courage de confesser quelques mots qu’il n’aurait jamais su comment formuler autrement ? La voilà, la question impossible à comprendre de Rhett, lui qui ne sait finalement plus comment réagir face à son cadet. Tonton Rhett de la part de Margot est une chose à laquelle il s’est habitué, mais il n’aurait encore jamais imaginé que de tels mots puissent venir de Ruben et d’un possible enfant portant son adn. Si seulement il avait su que les mots échangés avec Hassan étaient prophétiques, il aurait souhaité bien d’autres choses encore.

Le rire de Rhett se faisait entendre facilement, il était de bon coeur et pour une fois, il n’était pas forcé face à son petit frère. Et si ce dernier était bien enjoué quelques minutes plus tôt, alors qu’ils sortaient du bar coupe à la main et taux d’alcoolémie bien trop élevée de son côté, la phrase qui s’était échappé malgré lui et qui avait clairement été audible pour Garett avait coupé légèrement son envie de rire, à Ruben. « Arrête Ben, t’es saoul, pas papa. « Et s’il était finalement les deux, ou presque ? Après tout, elle était venue lui dire Grace qu’elle était enceinte, qu’elle attendait son enfant; que le monde avait décidé de lui faire un gros doigt d’honneur au jeune Hartfield en venant donner un enfant à sa fiancée, là où il s’était clairement exprimé sur la question. Alors, le regard qu’il releva en direction de son frère cette fois ci avait une saveur particulière, un quelque-chose différent - et Rhett dut s’en apercevoir car son rire vint s’éteindre doucement, et si Ben n’avait pas été autant bourré il se serait aperçu qu’il venait réfléchir à deux fois aux mots qu’il lui avait adressé. « Attends, tu me dis ça parce que t’as trop bu, ou tu me dis ça justement parce que t’as bu ? » La question était un brin trop complexe en cet instant pour le plus jeune des deux hommes, mais il comprenait parfaitement vers où la discussion s’en allait: sur un terrain qu’il n’avait pas eu du tout l’intention de venir explorer avec son frère maintenant, mais s’ils glissaient sur cette pente, alors… « Surprise. » Et, presque résigné, Ruben haussa les épaules.

Il posa également la coupe à ses côtés sur le banc, après y avoir jeté un nouveau coup d’oeil, avant de soupirer de tout son soul - et il était aussi profond que la quantité d’alcool qu’il avait ingurgité. « T’es le premier à savoir. » Son ton avait tourné, avait changé, sans même qu’il s’en aperçoive et s’il avait été réellement heureux de dire que son gamin pourrait observer la coupe offerte par tonton Rhett, désormais alors que le sujet virait sérieux, aucune trace d’amusement persistait dans sa voix. Parce-que malgré tout, ce n’était pas un sujet qui faisait rire Ruben - et s’il arriverait à prétendre lorsqu’il serait sobre, ce soir c’était fichu. Avec un peu de chance, il aurait oublié en avoir parlé à son frère le lendemain matin. « Super nouvelle, hein ? » Le rire amer allant de paire avec. « Grace m’a dit ça l’autre matin. » Comme si c’était vraiment nécessaire de venir préciser qui lui avait annoncé être enceinte de lui, il se mordit l’intérieur de la joue. Bien sur que c’était Grace dont il parlait, voyons, concentre toi Ruben. « Papa et maman vont être ravis. » A défaut que lui le soit. Il ne voulait pas de cet enfant, le Hartfield; mais d’un autre côté, il n’était pas celui ayant la décision finale et il savait à quel point Grace voulait devenir mère. Alors, à quoi bon avoir ce visage désormais de six pieds de long, là où cette nouvelle était censée venir le rendre heureux ?  Pourquoi venir annoncer cette future naissance comme on annonçait le décès d’un proche à une famille de patient ? C’était là que les choses ne tournaient pas rond, et en réalité Ben n’aurait pas voulu montrer si facilement à son frère que ce n’était pas une histoire qu’il avait à coeur ni hâte de raconter. Sauf que toutes ses défenses s’étaient faites la malle et qu’il ne contrôlait plus réellement la façon dont il venait réagir.

« Surprise. » Et sans nul doute, la surprise est due à sa paternité, non au fait qu’il soit totalement bourré. Ça, il l’avait vu venir à des kilomètres.

Rhett le laisse faire son petit rituel, il l’observe poser la coupe avec une minutie bien trop avancée pour un vulgaire objet de plastique. Peu importe. Il prend sans doute le temps de rassembler ses pensées comme il le peut, son petit frère qui va devenir père. « T’es le premier à savoir. » L’aîné cherche à croiser son regard, en vain, la douloureuse peine au coeur lui faisant pressentir qu’il existe un immense mais à toute son histoire. Si ce n’était pas le cas, jamais il n’aurait été le premier averti: pourquoi lui ? Rhett doute qu’il en aurait parlé à Ruben le premier, si jamais lui aussi était devenu père, alors il ne peut décemment pas reprocher à son frère d’avoir le même mode de fonctionnement. « Super nouvelle, hein ? » Le rire amer qu’il esquisse dès la seconde suivante vaut à Rhett de s’asseoir à ses côtés pour, au moins, ne plus avoir à l’observer de toute sa hauteur. « Grace m’a dit ça l’autre matin. » Oui, bien sûr, il n’aurait pas pu le savoir de lui-même, même en étant le meilleur médecin de sa génération et tout le bordel. « Papa et maman vont être ravis. » - “Et toi ?” Papa et maman sont ravis du moindre accomplissement du fils prodige, mais qu’en est-il du fils prodige en lui-même ? La question est immédiate, sincère et, surtout, inquiète. “Non, tu sais quoi, on en parlera pas ici. Le taxi est là.” Et il pose une main dans le dos de son frère, rattrapant la coupe lui-même pour le moment encore. Il sera là pour lui, pour parler, pour faire Dieu sait quoi encore et il jure qu’il fera au mieux pour être un grand frère digne de ce nom mais il est hors de question qu’ils parlent de son enfant à venir sur un vulgaire banc, ou près des oreilles éternellement indiscrètes d’un chauffeur de taxi choisi au hasard sur une application. Ils seront bien mieux chez lui et d’ici là, Ruben trouvera peut-être le temps de formuler ses pensées et ses idées. Quelque chose lui dit que cette annonce n'a rien de réellement réjouissante pour Ruben, et cette idée lui brise le coeur par la même occasion.

Il n’y avait aucune version des faits où Ruben annonçait à son grand frère qu’il allait devenir père dans les mois à venir alors qu’il avait un taux d’alcoolémie tant élevé, sur un banc, au milieu d’une rue. Il n’y avait de toutes façons aucune version des faits où il se serait vu en parler avec une telle franchise à Rhett - il avait toujours imaginé que ce dernier aurait appris la nouvelle par un tiers, par leur mère ou leur soeur, peut importait. Pourtant, c’était à lui qu’il venait avouer avec une amertume non-dissimulée dans sa voix que bientôt, leur foyer connaitrait les rires et les pleurs d’un nouveau né. « Et toi ? » Et c’était à ce même frère qu’il venait d’avouer en silence que les autres seraient ravis à sa place. Bien sur que leurs parents seraient heureux d’apprendre que la famille allait s’agrandir - cela faisait des années qu’ils attendaient cette nouvelle, d’autant plus de la part de Ruben qui était celui ayant une stabilité non négligeable dans la vie. Cependant, si eux serait ravi, ce n’était en rien le cas du principal concerné et il n’arrivait en rien à le cacher en cet instant, l’alcool n’aidant en rien.

« Non, tu sais quoi, on en parlera pas ici. Le taxi est là. » Et le taxi devant eux permit à Ruben de venir reprendre son souffle, il aurait dit. Il ne s’était pas rendu compte de la façon dont aborder ce sujet, même de façon presque innocente, était en train de tendre toutes les fibres de ses muscles, de son corps. Mais pourtant, c’était bien le cas et il était reconnaissant - une première - à Rhett de ne pas venir pointer du doigt tous ces éléments dont il s’était surement aperçu, mais d’avoir décidé plutôt d’agir en vrai grand frère. Alors, ce dernier récupéra la coupe sur le banc, aida son frère d’une main rassurante dans le dos à monter dans le taxi. Et, pendant toute la course jusque chez Garett, là où il aurait eu le temps de préparer ses explications pour la suite de l’histoire, Ruben se concentra plutôt sur l’idée de ne pas venir rendre l’intégralité de son estomac sur la banquette arrière du taxi - oh, il n’avait pas oublié l’alcool qu’il avait ingurgité, simplement que d’autres choses étaient venues obscurcir son jugement et ses pensées, ces dernières minutes. Il n’avait plus qu’à prier pour réussir à arriver à destination sans aucun dégât.