Il y avait très peu de choses qu’Hannah prenait au sérieux dans la vie. Cela pouvait se compter sur le bout des doigts et la première était avant tout son travail. Son art. C’était ce qu’elle prenait le plus au sérieux et quand on posait la question à la brune, elle se définissait avant tout comme une actrice. Hannah exerçait depuis ses dix neuf ans et elle n’avait jamais voulu faire un autre métier, elle avait fait de brèves études pour la scène mais elle savait que c’était là que se trouvait sa place, pas derrière un bureau comme son père, ça c’était certain. La troupe de la ville de Brisbane était petite, un parfait mélange d’amateurs et de professionnels et la plupart n’acceptait pas de salaire et le faisait pour la beauté de la chose, Hannah la première. Elle n’allait pas réclamer de l’argent pour quelque chose qui lui permettait de vivre et d'être elle-même, c’était tout simplement hors de question. La dernière pièce qu’ils avaient mise en scène, Antigone, avait reçu un bon nombre de critiques positives et avec l’arrivée de la rentrée et la nouvelle saison, les critiques attendaient le prochain bijou qui allait être mis en place sur la scène de la ville.
Hannah était arrivée à l’heure à la répétition de ce mercredi matin, dix heures était un horaire assez tôt pour elle, elle venait en particulier chercher son script, elle partait pour Londres dans moins d’une semaine. Pour un photoshoot, pour son autre métier, la marque, Dolce & Gabbana, l’avait contactée personnellement et Hannah avait tout de suite accepté. Elle était censée avoir un agent, mais elle ne contactait plus la jeune femme depuis des mois, la brune n’aimait pas qu’on lui donne des ordres et encore moins qu’on lui dise comment gérer sa carrière. La jeune femme poussa donc la porte du théâtre avec entrain, café à la main et sac sur l’épaule. Les autres comédiens étaient déjà réunis et elle en profita pour s’installer tout près de la costumière alors que le directeur de la troupe distribuait les scripts. « Cette année, j’ai décidé que nous allions commencer par les classiques, les grands classiques, on veut asseoir notre réputation et après on pourra secouer notre public avec quelque chose de plus… contemporain si je puis dire. » Hannah esquissa un sourire et elle attrapa son script comme les autres, son sourire s’agrandit alors qu’elle voyait le nom de la pièce. Macbeth. Tous les amateurs de théâtre étaient des amoureux de William Shakespeare et pour Hannah la règle était double, elle avait été Juliet sur les planches de New York, ça avait été son premier vrai rôle et la première fois qu’elle avait vu l’air enchanté de son père alors qu’il observait sa petite star personnelle sur la scène. « Hannah, le rôle de Lady Macbeth te reviens, plus discret que ton dernier rôle je sais mais je suis certain que tu sauras tous nous convaincre à la perfection. » Hannah n’écoutait déjà plus, elle parcourait le scénario à la recherche de ses propres lignes. Lignes qu’elle connaissait déjà en grande partie mais une bonne relecture ne pourrait pas lui faire de mal. Tant pis si elle n’avait pas le rôle principal, elle ne faisait pas partie de ses actrices capricieuses au possible, ce qu’Hannah mettait avant tout en avant, c’était son art, tout simplement. Les questions fusèrent de toute part et quelques personnes de la troupe s'interrogèrent sur la mise en scène et les costumes, Hannah ne prit part qu’à moitié à la conversation, la brune déjà en train de mémoriser ses lignes et se demandant comment elle allait capturer ce personnage qui était si différente qu’elle. Il fallait qu’elle y réfléchisse soigneusement.
« Bonne journée à tous! » lança la brune alors qu’au bout d’une heure et demie de discussion, les membres de la troupe rassemblaient leur affaire et se séparaient. Hannah attrapa son manteau et toujours le script à la main, elle se dirigea vers la sortie du théâtre. Elle se figea néanmoins alors que son regard croisa celui d’une blonde qui scrutait la salle. Nyx, son agent. Bien entendu. Hannah poussa un soupir, le genre qu’un gamin pris en train de faire une bêtise aurait eu et elle se dirigea vers elle dans un claquement de talons, déjà agacée. « Je rêve ou vous me suivez? Ne me dites pas que vous n’avez pas d’autre clients. » Hannah serra ses mains sur le scénario, se demandant intérieurement pourquoi elle avait laissé son père la convaincre qu’un agent était une bonne chose. Plus jamais elle ne suivrait les conseils de Nathan, ça c’était certain.
Mon métier a toujours été une passion pour moi. Lorsque j’ai commencé à comprendre que je ne serai jamais moi-même artiste, l’envie de pouvoir m’occuper d’eux a été comme une révélation. Les études ont été une seconde révélation, l’accompagnement de personnes, la prise de décisions, le devoir de tout contrôler de A à Z. Oui. Définitivement, ce métier était fait pour moi. Mais aujourd’hui, je me rends compte avec l’expérience, qu’aucun métier n’est facile, et que même avec la passion, il y a et y aura toujours des embûches. J’ai travaillé avec pas mal d’artistes depuis le début de ma carrière, et aujourd’hui, je m’étends même dans le sport. Mais je crois que si je ne devais effacer une seule et unique chose, c’est ma rencontre avec Hannah Siede. Si je pouvais remonter le temps, et ne jamais dire oui à son influent de père, pour m’occuper de sa fille à sa place. Mille fois j’ai eu envie de lui demander s’il avait la notion de l’éducation d’un enfant, parce franchement quand on voit Hannah, on se demande si elle a eu ne serait-ce qu’une once d’encadrement familial dans son enfance. Elle est de ce genre de personne - bien que très charismatique - qui donne envie de s’arracher les cheveux chaque fois qu’elle prend la parole. Ah oui, sur scène, elle est divine, elle donnerait des frissons à un infirme et ferait frémir n’importe quel sourd ou aveugle. Mais quand elle sort de scène, elle donne envie de foutre sa tête six pieds sous terre. C’est l’enfer de bosser avec elle. Elle me demande de la représenter, mais si chaque fois que je l’appelle, elle ne répond pas, je ne m’en sors pas. Evidemment. Au bureau, c’est l’enfer. J’ai mis toutes mes assistantes sur le coups. Mais impossible de la joindre, ni sur son téléphone portable, ni chez elle. J’ai même demandé à un coursier d’aller jusque chez elle pour signer un contrat il n’y a pas moins d’une semaine. C’est de plus en plus difficile, d’autant plus que vu mon caractère, je commence sérieusement à bouillir. Je n’aime pas qu’on me prenne pour une abrutie, et c’est clairement comme ça qu’elle me fait me sentir. Et aujourd’hui, j’ai décidé de la prendre de cours. Si il y a un problème, il vaut mieux qu’on en parle. Un an à travaille pour pratiquement rien, je perds de l’énergie, et elle n’en vaut pas la peine.
« Melle Anderson ? » Je viens mettre mon sac à mon épaule et récupère mes lunettes de soleil. « Oui Sandy ? » « J’ai besoin d’une signature pour le contrat avec Melle Shelton. » Je prends son stylo et appose ma signature en bas du papier sans même lire. Je fais confiance à mon assistante. « Vous partez déjà ? » « Je vais essayer de croiser Siede. J’en peux plus. » Je vois son petit sourire qu’elle essayer de réprimer. Moi, ça ne me fait pas tellement rire. Je soupire et dépasse mon assistante pour sortir du bureau et me diriger vers la salle de spectacle de Brisbane où se déroulent aujourd’hui les répétitions de la nouvelle pièce où joue Hannah. Un regard à ma montre, et j’arrive sur le lieu, mes talons claquant sur le carrelage. Je n’ai pas à attendre longtemps, et heureusement pour ma colère qui gonfle au fil des minutes. Une porte s’ouvre, et c’est le visage de la charmante Hannah qui apparaît. Je la regarde soupirer et lever les yeux au ciel comme une adolescente, ce qui m’irrite au plus haut point. Elle arrive dans ma direction et je continue de la fixer d’un regard glaçant. « Je rêve ou vous me suivez? Ne me dites pas que vous n’avez pas d’autre clients. ». Je serre les mâchoires, j’ai envie de lui en retourner une. Elle m’irrite au plus haut point. « Si, rassurez-vous, j’ai de quoi m’occuper entre les six mois qui séparent vos réponses à mes coups de téléphone… » Je la laisse s’approcher un peu. « Maintenant que je vous tiens, vous n’allez pas me semer. Je crois qu’on a des choses à se dire… Vous allez devoir m’offrir un café, pour le dédommagement. » Qu’elle me ramène chez elle, ou qu’on aille dans un bar, peu importe. Il faut qu’on discute, elle en est consciente, je ne la laisserai pas m’échapper.
"Rien que ça? Vous recevez bien votre paye tous les mois non? Je suis certaine que mon père vous paye bien, un peu trop si vous voulez mon avis mais soit... Soit." Les deux jeunes femmes étaient énervées et le ton était donné. Hannah aurait pu se montrer un peu plus douce envers la blonde qui tenait juste de faire son métier dans le fond. Mais la Siede ne l'entendait pas de cette oreille, l'accord que l'agent avait passé avec son père ne lui convenait pas du tout et encore une fois, elle devait accepter les décisions de Nathan sans absolument sourciller et en hochant la tête comme une belle idiote. Non, trop c'était trop. Que son père lui parle mariage était une chose, qu'il tente d'interférer avec la seule chose qui lui tenait à coeur? Elle disait non et elle se faisait un peu plus violence. Tant pis cela tombait sur Nyx dans le fond, tant pis. Cependant, la blonde semblait elle aussi à bout, elle aussi semblait en avoir assez et était venue réclamer des explications. Des choses à se dire? Hannah poussa un profond soupir, se retenant de lancer des piques plus acerbes face à la mine de Nyx et elle prit sur elle. Hors de question que ce ... rendez vous? Oui, rendez vous complètement impromptu et improvisé ruine sa journée, c'était tout simplement hors de question, elle ne voulait pas et elle ne laisserait pas Nyx faire.
"Il y a un café juste en face." lança abruptement la brune. Sans attendre l'avis de Nyx, elle la dépassa et poussa la porte de la sortie du théâtre, toujours aussi énervée. Cependant, Hannah ne se défila pas et elle aperçut son chauffeur au loin et elle lui fit un signe négatif de la tete. Non, elle ne rentrait pas chez elle, elle aurait adoré mais non, les choses ne marchaient pas comme ça. Pas aujourd'hui du moins. La terrasse du café était pleine et Hannah ignora superbement le serveur et son bonjour professionnel et elle alla s'installer à une table à l'intérieur. Elle abandonna ses affaires sur a table sans aucune discrétion et elle jeta à Nyx un regard furibond en croisant les jambes. "Voilà." Voilà, elles y étaient, voilà, Hannah ne se défilait pas, voilà, elles allaient pouvoir discuter. Le serveur ré-apparut rapidement, il était plutôt mignon et en temps normal Hannah se serait montrée beaucoup plus avenante que ça, elle n'en avait pas envie tout simplement. "Un capuccino et un verre de jus d'orange s'il vous plait." Elle commanda avant de lancer un signe de tête dans la direction de Nyx, le petit entretien était à ses frais semblait-il.
Une fois le serveur disparu, Hannah reprit, comme si la conversation ne s'était jamais interrompue. "Bon commençons par le début, je ne vous apprécie pas et vous ne m'appréciez pas." On ne pouvait pas reprocher à Hannah son manque d'honnêteté ou le fait qu'elle était en train de se défiler. Absolument pas. Bon, elle exagérrait peut être, elle ne connaissait pas Nyx et la réciproque était vraie. Dans une autre vie, peut être qu'elles se seraient très bien entendues. Si Nyx ne devait pas la contrôler de cette façon-là... Rien que d'y penser, ça horripilait Hannah. "Pour être franche, c'est surtout votre travail que je ne comprends pas. J'ai toujours très bien géré ma carrière et ce sans l'aide de personne, j'ai du boulot et des contrats de mannequins de temps à autre...Ça me convient." Hannah se tut alors que le serveur revenait, le plateau chargé. Elle mit deux sucres dans son cappucino et elle fit tourner sa cuillère dans la boisson chaude pensive. Elle aimait sa liberté ou le semblant de liberté que lui laissait son père, avec Nyx... Nathan avait tout gaché, et elle aussi.
« Rien que ça? Vous recevez bien votre paye tous les mois non? Je suis certaine que mon père vous paye bien, un peu trop si vous voulez mon avis mais soit... Soit. » Ouh, elle me sort par les yeux. Je dois rester calme et le plus professionnelle possible. Elle est la première personne avec qui je bosse qui me donne vraiment du fil à retordre. Travailler avec les artistes n’est pas toujours chose facile, ils ont des problèmes d’égo, c’est indéniable. Mais alors elle, elle s’en tient une sacré couche. Je suis à bout, j’en ai marre de devoir courir après elle pour arriver à quelque chose. Certes, ce n’est pas elle qui a réclamé un agent, mais plutôt son père qui m’a presque forcé la main. J’ai vu un fort potentiel en elle et je n’ai pas hésité longtemps avant d’accepter, imaginant qu’elle se calmerait un peu. Mais ça n’a jamais été le cas. Je vois bien qu’elle ne m’apprécie pas vraiment, et c’est réciproque. Elle m’irrite, peu de gens ont ce pouvoir, mais lorsque je suis près d’elle, je sens mon sang bouillir. Impossible alors de me contrôler. Elle fait sortir le côté le plus noir de mon caractère. « Il y a un café juste en face. » Je me contente de hocher la tête, lâchant aussi froidement qu’elle un « Très bien. ». A vrai dire, je m’attendais à ce qu’elle m’envoie bouler pour de bon, mais elle a un minimum de conscience professionnelle, et ça me rassure un peu, au fond. Tout n’est pas perdu. Hannah passe alors devant, et, malgré moi, je ne peux m’empêcher de laisser glisser mon regard sur ses formes gracieuses. N’importe quoi ma pauvre fille… ça va pas mieux dans ta tête ! Nous arrivons très vite dans le café, et j’offre un réel sourire au serveur qui le pauvre n’y est pour rien de la mauvaise humeur de ma cliente. Elle s’assied, croise ses jambes, ponctuant d’un simple « Voilà ». Je plante mon regard dans le sien et soupire un peu, avant de m’asseoir en face d’elle. Je la laisse commander, et je commande à mon tour un simple café serré. Je crois que je vais avoir besoin de caféine, j’ai déjà mal à la tête rien qu’à l’idée de l’écouter me sortir les excuses les plus bidons du monde à son manque de professionnalisme. « Bon commençons par le début, je ne vous apprécie pas et vous ne m'appréciez pas. » Je ne peux m’empêcher de lâcher un rire empli de sarcasme. « C’est un bon début ! Mais je n’ai jamais dit que je ne vous appréciais pas, Hannah. Vous vous faites une drôle d’opinion de ce que pensent les gens de vous, c'est révélateur ! » Je soupire un peu et secoue doucement la tête d’un air légèrement désespéré. Je me dois de faire des efforts. Je pourrai bien arrêter notre contrat, du jour au lendemain, bien qu’elle soit en tort étant donné qu’elle ne me donne suite à aucun de mes messages, appels, mails ou autre. « Pour être franche, c'est surtout votre travail que je ne comprends pas. J'ai toujours très bien géré ma carrière et ce sans l'aide de personne, j'ai du boulot et des contrats de mannequins de temps à autre...Ça me convient. » Je hoche la tête en comprenant très bien où elle veut en venir. Elle est le genre de jeune femme capricieuse, sûrement fille unique, un peu trop couvée par ses parents ou à l’inverse trop laissée à l’abandon. Quoi qu’il en soit, son côté ‘j’ai besoin de tout contrôler seule’ me fait un peu trop penser à moi, ce qui a le don de m’énerver. Mais je reste calme, du mieux que je peux. « Je comprends. La décision d’avoir un agent n’a pas été votre décision, et visiblement, ça vous dérange plus qu’autre chose. Sauf que je ne suis pas là pour vous emmerder, à la base. Mon but est simplement d’arriver à faire grimper votre carrière. Mais si un contrat de mannequinat par an, et un premier rôle dans une pièce d’une troupe quasi professionnelle à Brisbane vous suffit, on peut mettre un terme à notre contrat. J’imaginais simplement que vous aviez plus d’ambition que ça, Melle Siede. » C’est ma dernière arme. Lui faire croire qu’elle n’a pas d’ambition, pour réussir à la secouer un peu et lui faire comprendre qu’elle mérite mieux que la médiocrité dans laquelle elle vit tous les jours. Pour quelqu’un qui a joué sur les planches de Broadway, je m’étonne de la voir se satisfaire de si peu.
Hannah était douée pour faire passer les messages et en général, les gens cessaient de s’approcher d’elle au bout d’une ou deux tentatives. Surtout quand l’actrice n’était pas d’humeur à faire semblant de pouvoir converser tranquillement avec le reste de l’humanité. La brune avait ses propres critères et elle éliminait ainsi beaucoup de gens dans son champ de vision. Trop sélective? Probablement mais Hannah s’en moquait, c’était comme ça qu’elle avait été élevée et c’était comme ça que son propre père fonctionnait alors… Pourquoi changer la tradition? Elle allait accorder à Nyx le bénéfice du doute pendant quoi… une quinzaine de minutes? Oui, ça paraissait assez raisonnable à l’actrice. Elle se retint de rouler des yeux alors que Nyx lui disait qu’elle se trompait peut être sur la perception que les autres avaient d’elle. Oh vraiment, Hannah ne pensait pas se tromper sur ce point-là. Elle savait comment elle était, elle savait ce qu’elle dégageait et elle savait que tout le monde avait envie de la juger et de la condamner parce qu’elle n’était qu’une petite fille à papa sans saveur. Elle était bien plus que cela mais encore une fois, peu de personnes avaient l’occasion de le découvrir. La brune veillait soigneusement à ce que de personne s’en aperçoive au final. C’était son moyen de protection le plus élaboré et la seule façon qu’elle avait d’éviter les dommages collatéraux. Elle n’espérait pas vraiment que Nyx comprenne, oh que non, la compréhension de sa soi disant agent artistique ne concernait pas vraiment Hannah. Un simple coup de fil passé à Nathan et elle pouvait sans aucune doute mettre fin à leur contrat.
Hannah hocha la tête alors que Nyx reprenait la parole seulement pour lui lancer un regard assassin la seconde d’après. « Oh alors c’est comme ça que vous comptez me motiver et faire en sorte que nous devenions les meilleures amies du monde… En m’insultant? » Le ton était froid et Hannah attrapa rapidement son sac pour en tirer l’unique cigarette qu’elle avait pour la journée. Elle savait pertinemment ce que la femme en face d’elle faisait, c’était une technique classique après tout, il était facile de la pousser dans ses retranchements et voir de quelle façon elle répondait face à cette attaque. Et Hannah aurait du lui faire un sourire, lui dire d’aller se faire foutre et prétendre que tout ceci ne l’atteignait pas. « Je vais devoir me justifier? J’aime ma vie telle qu’elle est et je n’ai pas à souffrir de votre propre égo un peu trop bas. » lança Hannah en allumant sa clope, elle la porta à ses lèvres, le regard toujours aussi noir. Ce n’était pas la première fois qu’une personne extérieur à sa vie venait lui vanter les mérites d’une vie meilleure. Il fallait qu’elle se dépasse, qu’elle voit les choses en grand et qu’elle rêve un peu. Hannah était une artiste, certes, mais cela ne signifiait pas forcément qu’elle avait des illusions plein la tête et qu’elle était prête à voir le monde à ses pieds… Non, pas encore. Elle envoya un nuage de fumée en direction de l’agent avant de poursuivre: « Parce que quoi… Qu’est-ce que vous en tirez au final? On voit mon nom en grosse lettres, on vous mentionne une ou deux fois en tant que mon agent, vous prenez… dix, vingt pour cent de mes recettes… Et alors? »
Il fallait vraiment qu’elle explique à Hannah en quoi consistait son métier. Hannah ne comprenait pas qui pouvait être maso au point de vouloir s’occuper de personnes qui se disaient artistes toute la journée, c’était les pires. Hannah voyait bien les problèmes qui étaient souvent rencontrés dans la troupe, pas seulement à cause de son égo à elle, non, ça arrivait forcément quand on réunissait autant de « talent » dans une seule pièce. Forcément. « Vous restez à jamais dans l’ombre … Ne me dites pas que c’est ça qui vous existe ou alors on va pouvoir dire que votre carrière est encore plus pathétique que la mienne. » conclut l’actrice dans un sourire, montrant que non, elle n’était pas prête à se laisser marcher sur les pieds.
Hannah est un mystère à elle seule. Je pense que personne n’est capable de vraiment cerner une femme comme elle. C’est à la fois assez angoissant, et à la fois terriblement excitant. Arriver à briser les barrière est quelque chose d’absolument passionnant. Mais je pense que cette tâche n’est pas donnée à tout le monde. Sa carapace est bien trop épaisse, bien trop protectrice, et celui ou celle qui veut s’aventurer d’un peu trop près du coeur de la belle s’en trouvera changé à tout jamais. Elle est comme une oeuvre d’art d’un peintre incompris. A la fois véritablement belle, et à la fois incompréhensible pour le commun des mortels. Un picasso, en somme. « Oh alors c’est comme ça que vous comptez me motiver et faire en sorte que nous devenions les meilleures amies du monde… En m’insultant? » Son ton froid ne me fais pas reculer, au contraire, il semble m’attirer d’autant plus vers le mystère qui se trouve en face de moi. Je me risque à un petit sourire en coin, juste pour lui montrer que je ne suis pas là en ennemie, et que sa seule ennemie, c’est elle, et elle seule. « Je vais devoir me justifier? J’aime ma vie telle qu’elle est et je n’ai pas à souffrir de votre propre égo un peu trop bas. » Cette fois c’est un rire qui s’échappe de mes lèvres, bien qu’un peu provocateur, il est surtout prévu à la base pour détendre l’atmosphère. Si elle compte me rabaisser en me parlant de mon égo, elle est bien loin d’atteindre son but. Je suis très bien dans mes baskets, j’aime ma vie et mon activité professionnelle, je n’ai aucun doute sur ça. Alors elle pourra essayer tant qu’elle voudra. Je la regarde allumer sa cigarette à la manière d’une actrice des années 50. Monroe aurait eu du fil à retordre si Hannah avait été dans les parages à son époque. « Parce que quoi… Qu’est-ce que vous en tirez au final? On voit mon nom en grosse lettres, on vous mentionne une ou deux fois en tant que mon agent, vous prenez… dix, vingt pour cent de mes recettes… Et alors? » Je secoue un peu la tête, sans interférer dans son jugement, elle a besoin de déferler sa haine contre moi, qu’elle le fasse, rien ne m’atteint venant d’elle. « Vous restez à jamais dans l’ombre … Ne me dites pas que c’est ça qui vous existe ou alors on va pouvoir dire que votre carrière est encore plus pathétique que la mienne. » Je croise mes bras et me laisse tomber dans le dossier de mon fauteuil, en la regardant quelques secondes avant de lui répondre. « Je ne vous apprends rien si je vous dis que les aspirations des gens sont différentes d’un être à l’autre. Ce n’est pas parce que les artistes rêvent de lumière et de gloire que tout le monde est dans le même cas. Vous n’êtes qu’une infime partie de la population. Ce n’est pas naturel de vouloir être sans cesse devant les projecteurs, sans cesse jugés par le public, par les gens, partout, tout le temps. Je ne vous envie pas. » Mon ton est devenu plus calme, beaucoup moins agressif. Je n’ai pas envie de me la mettre à dos, je ne capitule pas pour autant, mais j’aimerai simplement qu’elle arrête de monter sur ses grands chevaux. Pas avec moi. « Mon travail, c’est simplement aider à propulser les artistes en qui je crois. En qui je vois du potentiel. Je ne le fais pas pour avoir mon nom en dessous du votre. Je pense que vous avez du mal avec la notion d’altruisme. » Je soupire légèrement et me rends bien compte que je n’arriverai pas à grand chose avec elle, tant qu’elle ne me fera pas confiance. « Melle Siede, je préfère qu’on soit claires sur le sujet. Si vous ne voulez plus que je travaille pour vous, on mettra un terme à notre contrat. Je ne compte pas me battre une année encore pour quelqu’un qui n’a pas envie qui se batte pour elle. J’espère que vous comprenez. » Je suis beaucoup plus calme, et je parle même avec un peu plus de tact qu’au début de notre conversation, quand la colère avait pris possession de moi. J’espère trouver une solution avec elle.
Hannah était sur la défensive, constamment, mais l’actrice évoluait dans un monde où elle préférait croire et se dire qu’elle était seule. Ça faisait moins mal et au final, elle s’en sortait grâce à sa propre personne et elle n’était redevable à personne. C’était principalement ça son problème avec le boulot de Nyx. La brune n’aimait pas dire merci, alors elle essayait de ne pas avoir à le faire enfin… Le moins souvent possible. Au moins comme ça, personne n’était blessé. Mais Hannah devait avouer que Nyx connaissait bien son métier et les gens avec qui elle travaillait. Non, ce n’était pas naturel de vouloir se retrouver sous les feux des projecteurs de la sorte, de vouloir être constamment jugé, regardé, épié… C’était comme ça qu’Hannah vivait, depuis tellement longtemps qu’elle ne réalisait même plus ou se trouvait la vraie vie et la comédie. Était-ce pour cela qu’elle était si bonne actrice? Elle n’en savait rien mais elle avait depuis longtemps accepté que sa vie était tordue, qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez elle. Mais elle n’allait pas se prendre la tête et essayer de comprendre, ce truc, cette anomalie, c’était sa force. Elle se levait le matin pour ça et elle continuait de vivre grâce à cela, elle avançait tout simplement. Elle avait trouvé un métier qui acceptait ce genre de déviances et elle en vivait, jour après jour. Nyx ne changeait pas ça, elle ne la changerait pas, personne ne pouvait rien pour la pauvre folle qu’elle était.
Mais Nyx la surprit encore une fois et Hannah finit par écraser sa cigarette, perplexe et surprise. « Croire en moi? » C’était un discours qu’elle n’avait jamais entendu… Non jamais. C’était son père qui l’avait élevé, comme un homme, il lui avait toujours dit de se tenir droit et d’aller chercher ce qu’elle voulait, quitte à écraser les autres pour l’obtenir, parce qu’il n’y avait que les règles qu’on avait établi soi même qui comptait dans le fond. « … Alors ça c’est quelque chose que je n’ai jamais entendu, mais jamais. » Hannah était plus que sincère et elle réalisa une seconde trop tard ce qu’elle venait de dire. Tant pis, si Nyx était vraiment son agent artistique, Hannah pouvait laisser tomber un minimum le masque, pas vrai? La brune fixa l’autre jeune femme, intensément, pesant dans sa tête le pour et le contre. Elle finit par soupirer, ne sachant pas vraiment si elle devait dire oui. « C’est mon père qui vous paye, je crois que c’est sa manière de montrer son soutien alors que je sais qu’il préférait me savoir mariée ou pire.. avec des enfants. » Hannah eut un rire à la fin de sa phrase, pour elle c’était ça le mauvais côté de la vie, si elle se retrouvait dans cette situation, elle savait qu’elle aurait tout perdu et qu’elle ne serait plus vraiment… Elle.
« Mais … disons qu’hypothétiquement j’accepte de me montrer un peu plus conciliante… Je veux quand même avoir le droit de dire non sur ce que vous me proposez, si ça ne me plait pas j’entend bien, et pas juste parce que je vous fais un caprice. » Okay, un petit caprice, se dit la brune, mais ça, Nyx n’était pas obligée de le savoir. Elle essayait à sa manière de faire des efforts et de rattraper l’année qui avait été perdue… À cause d’elle. Et oui, Hannah était compliquée. « Et on doit se voir le moins souvent possible, deux fois par mois je trouve que c’est déjà bien. Trois fois en cas d’urgence mais c’est tout. Et vous n’avez pas le droit de venir chez moi… Pas pour le moment. »
Je vois bien qu’elle est sur la défensive, qu’elle se protège de tout et de tout le monde. Ça doit être usant de vivre comme ça tous les jours, du matin jusqu’au soir. La protection est une perte d’énergie folle quand on y pense, et pourtant, bon nombre de personnes en font leur quotidien. Je trouve ça vraiment triste. Hannah est une belle femme, et je sais qu’au fond se cache quelqu’un de bien, malgré la couverture qu’elle laisse paraître de femme forte, froide. Il y a forcément une âme sensible qui se cache là dessous, et j’aimerai bien un jour en voir rien qu’une esquisse. Mais c’est sûrement bien trop tôt, et puis d’ailleurs, je ne sais même pas si elle me laissera continuer de travailler pour elle. A vrai dire à cet instant précis, je ne sais pas bien si j’en ai vraiment encore envie, il faudrait encore que j’arrive à savoir ce qu’elle, elle veut. « Croire en moi?… Alors ça c’est quelque chose que je n’ai jamais entendu, mais jamais. » J’ouvre un peu plus grand les yeux, presque choquée de cette révélation. Personne ? Personne avant moi ne lui avait jamais dit qu’il croyait en elle ? Pas même son père ? Un membre de sa famille ? Un metteur en scène ? Personne ? Mon dieu que c’est triste. Je comprends sans doute un peu mieux cette carapace alors. Je vois la jeune femme hésitante, sans voix pendant un court instant, semblant peser le pour et le contre, ou simplement en train de réfléchir comment m’envoyer bouler sans trop de dégâts. Bien que je ne sois pas sûre qu’elle soit du genre à éviter les dégâts. « C’est mon père qui vous paye, je crois que c’est sa manière de montrer son soutien alors que je sais qu’il préférait me savoir mariée ou pire.. avec des enfants. » Je souris un peu à la fin ce cette phrase, ça ne m’étonne pas tant que ça il faut bien l’avouer. Son père a l’air d’être quelqu’un de très conservateur, un peu trop à cheval sur les principes. Alors avoir une fille artiste, ça n’a pas dû être facile pour lui, surtout quand on voit le caractère de la belle. « Mais … disons qu’hypothétiquement j’accepte de me montrer un peu plus conciliante… Je veux quand même avoir le droit de dire non sur ce que vous me proposez, si ça ne me plait pas j’entend bien, et pas juste parce que je vous fais un caprice. » Oh merde, elle est en train de capituler. J’essaie de ne pas paraître trop surprise, mais il est clair que je ne m’attendais pas, mais alors pas du tout à ce revirement de situation. Je me contente de hocher un peu la tête, doucement. « Bien sûr, je ne compte pas vous forcer pour quoi que ce soit. De toute manière, ce n’est pas du tout ça mon métier. Je ne suis pas un tyran ! » Je lui adresse un fin sourire alors qu’elle enchaîne assez rapidement avec de nouvelles conditions. « Et on doit se voir le moins souvent possible, deux fois par mois je trouve que c’est déjà bien. Trois fois en cas d’urgence mais c’est tout. Et vous n’avez pas le droit de venir chez moi… Pas pour le moment. » Je laisse tomber mon dos sur le dossier de la chaise, sans la lâcher du regard. « Je pense que c’est pas mal. Deux rendez-vous par mois. Je ne vous demande qu’une chose, c’est de me rappeler quand je vous laisse un message sur votre répondeur. Je ne compte plus les appels sans réponse et les messages dans le vide. » Je me rapproche finalement, posant mes avant-bras sur la table. « Je ne suis pas là pour vous mettre des bâtons dans les roues Melle Siede, bien au contraire. Mais il ne faut pas non plus que ce soit une corvée. Si vous me soutenez que votre vie vous convient telle qu’elle est, j’arrêterai de me battre. » Ma voix est étonnamment bien plus calme, plus posée. Je garde mon regard bien ancré dans le sien, c’en est presque déstabilisant. Cette femme a vraiment quelque chose de plus. Mis à part son côté détestable en surface, je veux dire. Son aura est puissante, elle dégage un charisme assez hallucinant, et c’est quelque chose qu’elle ne peut nier. Je sais que c’est sûrement sur ce détail que je pourrai faire quelque chose de bien pour elle, avec elle.
Hannah faisait un pas en avant, sans savoir où tout ceci allait lui mener au final. L’actrice n’avait jamais été une très grande fan des surprises ou encore de l’inconnu. Elle préférait, et de loin, être celle qui planifiait la surprise pour quelqu’un ou qui énonçait les règles, c’était toujours plus facile comme ça. Accepter d’avoir un agent, que ce soit à mi-temps ou à temps partiel, était quelque chose de complètement nouveau et dans un sens, Hannah admettait enfin qu’elle ne pouvait pas toujours être en contrôle. S’il était facile de courber l’échine devant son cher paternel, il n’en était pas de même devant le reste de l’humanité. Hannah considérait presque cela comme un affront au final et elle avait beaucoup de mal avec ce concept. Quelqu’un aurait du lui faire remarquer que chaque interaction avec quelqu’un n’était pas forcément être une bataille qui se devait d’être gagnée à tout prix mais… Chez les Siede, on ne voyait pas vraiment les choses de cette façon. Oh que non. Cela faisait d’elle une femme difficile et n’importe qui avec un minimum de raison laissait tomber très rapidement. Trop rapidement selon Hannah qui continuait de dresser des barrières devant les autres pour qu’ils ne puissent pas l’atteindre. Nyx, que ce soit pour le boulot, par amour propre ou par passion comme elle le disait si bien, n’appartenait pas à la catégorie précédente. C’était un tout nouveau genre d’interaction et Hannah allait devoir apprendre à lui faire confiance semblait-il. Mais pas tout de suite, Rome ne s’était pas faite en un jour et Hannah restait… Hannah, elle n’allait pas avoir un revirement de personnalité juste pour son agent.
« Deux rendez vous par mois et je dois vous rappeler. Ça m’a l’air d’un compromis ça, peut-être qu’on devrait officialiser la chose avec un contrat écrit ou quelque chose comme ça…. » L’actrice ne plaisantait qu’à moitié en disant cela, quand on était fille d’avocat, et qui plus est d’un grand avocat, tout prenait une nature plus sérieuse. En général, c’était Nathan qui représentait sa fille, persuadé que cette dernière ne comprenait rien aux aléas compliqués de la loi mais le Siede se trompait, il oubliait qu’Hannah avait une mémoire assez impressionnante dans le fond et que ses sourires innocents étaient toujours calculés. Impossible de savoir si Hannah se laissait mener à la baguette par son paternel en toute connaissance de cause ou si cela n’avait juste absolument rien à voir. Hannah fixa sa tasse vide un instant, son esprit autour de son père et elle releva le regard vers Nyx. La conversation n’était pas terminée, il y avait encore un problème à régler selon l’actrice. « Je ne vous demanderai une seule chose de plus… Je sais très bien que mon père va vous appeler pour vous demander de mes nouvelles et mes prochains plans de carrière, s’il ne l’a pas déjà fait d’ailleurs… Ne lui répondez pas, dites lui que c’est une close de notre contrat ou quelque chose comme ça. »
Hannah connaissait son père et la brune était persuadée que ce dernier la faisait suivre constamment. Elle n’en avait pas la preuve formelle mais certains de leur déjeuner avaient été teintés par l’ombre de Nathan, qui était absolument dans tous les aspects de sa vie, sans lui laisser une minute de répit. Il devait savoir pour Jamie, James et tous ces coups d’un soir, le prendre pour un idiot aurait été plus insultant qu’autre chose dans le fond. « Il vous dira certainement que c’est lui qui vous paye, ce à quoi vous pouvez répondre que plus maintenant. » Hannah afficha un sourire avant de récupérer son sac sur le sol et de fouiller dedans. Elle finit par sortir un chéquier au bout de quelques minutes. Elle possédait le même chéquier depuis ses dix huit ans, un cadeau d’anniversaire de son banquier pour lui signifier qu’elle avait touché une partie de son héritage. La brune ne se servait pratiquement jamais de ce carnet. Elle avait du faire quoi… six chèque depuis sa majorité? Oui quelque chose comme ça. Elle en fit néanmoins un à Nyx, avec un ombre important de zéro, enfin… Ce n’était pas le genre d’Hannah de le remarquer, l’argent n’avait plus la moindre valeur pour elle vu qu’elle en avait à revendre. « Ça devrait suffire non? » demanda t-elle innocemment en tendant le chèque, rempli, à Nyx.
Je suis vraiment étonnée que la jeune femme fasse un effort, un pas vers moi. En venant ici, évidemment c’était l’objectif que je m’étais fixée, mais jamais je n’aurai imaginé qu’elle capitule à un moment donné. Je suis presque choquée par ce revirement de situation. Depuis le temps que je travaille pour elle, je ne m’attendais vraiment plus à un effort de sa part. A vrai dire, aujourd’hui, je venais presque la voir pour qu’elle me dise clairement qu’il fallait qu’on arrête de travailler ensemble. Au lieu de ça, c’est tout l’inverse. « Deux rendez vous par mois et je dois vous rappeler. Ça m’a l’air d’un compromis ça, peut-être qu’on devrait officialiser la chose avec un contrat écrit ou quelque chose comme ça…. » Je hoche la tête et sors de mon sac mon ipad où je peux consulter mon agenda mis à jour en temps et en heure par mon assistante. « Si ça vous convient, vous pouvez passer demain au bureau pour signer les papiers. Ou on peut même y aller maintenant. » J’ai un trou de 2h avant mon prochain rendez-vous. La jeune femme semble être dans un état second, elle pense, mais impossible de savoir à quoi, évidemment. Mais sans plus tarder, la voilà qui reprend la parole. « Je ne vous demanderai une seule chose de plus… Je sais très bien que mon père va vous appeler pour vous demander de mes nouvelles et mes prochains plans de carrière, s’il ne l’a pas déjà fait d’ailleurs… Ne lui répondez pas, dites lui que c’est une close de notre contrat ou quelque chose comme ça. » Je penche un peu la tête sur le côté, surprise de sa demande. Jusqu’à présent, c’est avec lui que je voyais pratiquement tout, s’il avait pu signer lui-même notre premier contrat, il l’aurait certainement fait. Mais je comprends qu’elle ait besoin de prendre un peu de recul. Son père est très (trop) présent. Elle a trente ans, il serait temps qu’elle arrive à couper le cordon. Je hoche alors la tête, agrémentant mon geste d’un « Oui, bien sûr je comprends. » « Il vous dira certainement que c’est lui qui vous paye, ce à quoi vous pouvez répondre que plus maintenant. » Cette fois, je fronce un peu les sourcils, ne comprenant pas réellement où elle veut en venir. Elle fouille dans son sac et déjà elle en sort un chéquier qu’elle s’empresse de remplir. « Non mais Hannah, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne ! » Elle me tend le chèque, chèque avec un nombre zéros assez importants. Je le prends et soupire légèrement. « Ça devrait suffire non? » Je lui offre un petit sourire, elle peut s’avérer adorable quand elle veut. « Je comprends que vous ayez envie de vous débarrasser de votre père, mais ce n’est pas en m’offrant un chèque important que ça fonctionne. » Je repose le chèque sur la table avant de le faire glisser dans sa direction. « Les agents sont payés avec une commission sur chaque contrat signé avec l’artiste. C’est à dire que chaque fois que je vous fait signer un contrat avec un photographe, un réalisateur, metteur en scène, je suis payée en fonction du cachet que vous gagnez. Tout ça sera stipulé dans le contrat qu’on va signer ensemble, ne vous inquiétez pas, je vous expliquerai tout ça. » Je me suis radoucie. Parce que j’ai bien compris qu’elle n’était pas méchante juste pour être méchante. Elle a été surprotégée par son père et visiblement elle se sent étouffée. A moi de la responsabiliser. « Je vous offre un meilleur café que ça au bureau ? Vous pourrez me poser toutes les questions que vous voulez ! » Je lui offre un sourire sincère, sûrement le premier depuis que nos regards se sont croisés tout à l’heure.
La Siede faisait partie de ces gens qui n’avaient jamais oh grand jamais eu de problèmes d’argent, alors évidemment pour elle, tendre ce chèque à Nyx n’était absolument rien. Peu importe le montant dans le fond… Ça n’était rien du tout pour elle. Mais le désir de se débarrasser de Nathan était bien réel et Nyx avait sans doute du comprendre le message sans qu’Hannah ait besoin de lui faire un dessin. Hannah adorait son père, vraiment, de toute son âme et personnellement elle le considérait comme la personne la plus importante de toute sa vie. Le seul dans lequel elle pouvait avoir une confiance absolue, et c’était beaucoup dire quand on savait le nombre d’homme qui passait dans la vie d’Hannah sans pour autant y rester, mais il avait parfois tendance à outrepasser ses limites et à lui imposer beaucoup trop de choses. Des choses qu’Hannah ne pouvait pas forcément comprendre. Elle était une artiste, elle aimait bien faire les choses à sa façon et ne se soucier de rien comme la plupart des artistes… sûrement. Ou alors il n’y avait qu’elle pour avoir un regard aussi unique sur le monde et vivre à sa façon et pas autrement. Mais son père qui, bien qu’il y ait accepté le caractère un peu léger et frivole de sa fille, s’obstinait à vouloir y imposer un semblant de rigueur.
La rigueur ce n’était pas Hannah, ce n’était pas ce qu’elle voulait et elle voulait encore profiter de ces années d’insouciance. Tant pis si elle avait déjà trente ans, l’âge ce n’était rien dans le fond, juste un chiffre sur sa carte d’identité, ça n’expliquait en rien la façon dont elle se sentait ou comment elle vivait sa vie. Elle ne se sentait pas si âgée que ça, parfois elle pouvait être encore impressionnée comme une petite fille, un fait qui signifiait qu’elle avait encore des choses à découvrir. Hannah n’était pas encore prête à être rangée dans un placard. Aussi, la brune esquissa un sourire et hocha la tête aux mots de Nyx. « C’est tout moi ça… Je suis toujours du genre à vouloir sauter des étapes… » Ça, c’était bien vrai, elle fonçait souvent tête la première en se moquant bien des conséquences. Les conséquences venaient après et Hannah finissait par se mordre les lèvres et à enfouir ce qu’elle ressentait bien loin et en essayant de faire en sorte que personne ne puisse l’atteindre. Elle avait réussi à mener sa vie pendant très longtemps de cette manière mais elle réalisait bien qu’elle allait devoir changer. Petit à petit, si Hannah était capable de coup de folies radicaux, pour le changement, tout allait se faire doucement et elle commençait d’abord avec Nyx. « J’aurais bien besoin d’explications ! » conclut t-elle aussi. Et elle n’était pas contre visiter le bureau de Nyx, de cette manière, elle pourrait avoir une bien meilleure idée de ce que faisait son agent artistique au quotidien sans vraiment en douter.
« Je suis partante pour le café. » Hannah retournait son sourire à Nyx se disant que ça allait être le début d’une bonne entente… cordiale. La brune ne faisait aucune promesse pour le moment mais elle allait s’efforcer d’être un minimum sérieuse à propos de leur accord et surtout à propos de son art, si c’était le seul moyen qu’elle avait pour faire comprendre à son père qu’il devait relâcher un peu la pression… Elle était plus que partante. « Je vous suis je suppose ? »