| the terrible nightmare (deb&cam) |
| | (#)Sam 9 Avr 2022 - 18:08 | |
| Derrière le volant de son bolide, Camil pestait. Contre les gens qui n’avançaient pas, contre ceux qui ne respectaient pas le code de la route, contre les feux qui semblaient passer au rouge à son arrivée, contre les piétons qui se permettaient de traverser à n’importe quel endroit, contre les publicités pour la campagne électorale qui envahissaient les rues, contre le retour de l’hiver, contre la faim qui lui grignotait progressivement le ventre, contre la séance de sport qu’il avait loupé le matin même et, finalement, contre Deborah qui ne daignait même pas répondre à son putain message. Il écrasa une fois de plus la pédale de frein lorsque le feu passa au rouge sous ses yeux et, plus agacé que jamais, mis un coup de poing dans son volant et rejeta violemment la tête en arrière. Il ferma les yeux, soupira profondément, et reposa ses deux mains sur son volant. Il regarda défiler les gens sur le passage piétons qui s’étendait devant ses yeux, et s’attarda un moment sur les différents profils. Deux enfants, un ballon sous le bras, qui accéléraient le pas pour dépasser une grande-mère qui trainait péniblement son caddie. Un homme avec une mallette en cuir, au téléphone, qui avançait la tête baissée. Deux adolescentes, habillées d’une façon improbable, qui riaient tout en étant bras-dessus bras-dessous. Et cette femme, brune, dont le ventre était rond comme un ballon, penchée légèrement en avant au-dessus d’une poussette, et dont les mimiques trahissaient une conversation à sens unique avec sa progéniture déjà née. Camil la suivit du regard pendant de longues secondes, happé par cet étrange spectacle. Alors c’était ça, la maternité ? C’était avoir un enfant, et s’extasier en lui parlant ? C’était déborder d’amour, à tel point qu’on en était prêt à recommencer ? Bien malgré lui, et alors qu’il se faisait habituellement violence pour rester les pieds sur terre, il laissa son esprit divaguer. Deborah aurait-elle ressemblé à cette femme, si sa grossesse avait été réelle ? Aurait-elle été heureuse et épanouie, comme l’était visiblement cette inconnue ? Une fois passés les premiers mois après la naissance, les premiers émois de cette nouvelle joie, se serait-elle à nouveau collée contre lui la nuit pour lui réclamer, dans l’intimité de leur étreinte, un deuxième bambin ? Et qu’aurait-il dit, lui ? Qu’aurait-il fait ? Ses certitudes ébranlées, le politicien vacillait. Pour la première fois depuis des années, il ne savait pas, il ne savait plus. Il était perdu. Lui, l’Américain prétentieux, que ses opposants trouvaient, souvent à juste titre, imbu de lui-même. Lui qui relevait la tête en toute circonstance, lui qui assumait tout et n’avait honte de rien, lui qui souriait pour charmer, lui qui plaisantait pour amadouer, lui qui flirtait pour séduire, lui qui jouait avec les règles et marchait sur la ligne blanche sans jamais déborder ; c’était ce même lui, dans sa voiture hors de prix, qui était en proie aux doutes. Sans grand espoir, il jeta un coup d’oeil à son téléphone portable et constata que non, Deborah n’avait toujours pas donné signe de vie. Alors, plutôt que de rentrer chez lui comme il avait initialement prévu de le faire, il écrasa l’accélérateur pour laisser sur place les autres voitures, et tourna à droite pour se rendre chez l’Irlandaise.
Il sonna une fois, et attendit une dizaine de secondes. Rien. Il n’entendit aucun bruit, aucun mouvement, aucune réaction. Pourtant, il était convaincu que cet appartement n’était pas vide. Il sonna une seconde fois, et plongea sa main dans la poche de son jean. S’il laissait le temps à la locataire des lieux de réagir, il ne comptait pas repartir sans avoir fait le tour de l’appartement. Pas pour constater, ni surveiller, et encore moins pour juger ; simplement, il avait besoin de savoir qu’à défaut d’aller bien, elle allait, tout simplement. Il jeta un coup d’oeil sur sa montre, suivit des yeux la trotteuse pendant dix autres secondes et, sans réponse de la brune qui se retranchait derrière ses murs, enfonça d’un geste décidé les clés dans la serrure de la porte. Un tour plus tard, il s’engouffra dans l’entrée et referma derrière lui. À cet instant précis, il n’eut plus aucun doute : elle était là. Ses chaussures gisaient dans l’entrée, son manteau était accroché, et ses clés reposaient sagement sur le petit meuble dans lequel, d’ordinaire, elle rangeait ses affaires. Il quitta le vestibule et entra dans la pièce principale en fronçant les sourcils. Le spectacle auquel il eut droit était loin de ce à quoi Debbie l’avait habitué. Un cendrier dont quelques mégots étaient tombés sur la table de la cuisine, une table jonchée de journaux où traînaient quelques miettes, et une bouteille de gin, vide, fièrement exposée au centre de la table. Les fleurs dans le vase était fanée et, lorsque Camil tourna légèrement les yeux, il constata que le salon n’était pas en meilleur état. Il ne s'y attarda pas pour le moment ; ce n'était pas sa priorité. Il croisa le regard d’une Deborah amorphe, enroulée dans un plaid, face à une télévision éteinte. Pourtant, il ne semblait pas la réveiller. Il fit quelques pas, et s’accroupit pour être à sa hauteur. « Tu ne répondais pas. » Il fit de son mieux pour masquer son ton de reproche ; il savait que c’était égoïste, et que cela n’aiderait l’Irlandaise en rien. Elle n’avait pas à culpabiliser ; c’était lui, qui s’était fait des histoires. « Je me suis inquiété, alors je suis venu. » Et voilà comment il expliquait et justifiait sa présence ici, alors qu’il s’était passé des jours sans qu’ils ne se croisent. Il passa une main sur la joue de la brune, et murmura : « Ça va ? » À l’évidence, non, ça n’allait pas. Mais il ne voulait pas « attaquer » frontalement Deborah ; il voulait simplement lui laisser l’opportunité de parler, si elle le souhaitait. Et si elle ne le souhaitait pas, tant pis ; ça ne le ferait pas fuir pour autant. @Deborah Brody |
| | | | (#)Lun 25 Avr 2022 - 23:39 | |
| Son reflet dans le téléviseur était la parfaite représentation de ce qu’elle était depuis une paire de semaines maintenant : l’ombre d’elle-même. Une silhouette noire, effacée, presque confondue avec le canapé. Elle n’arrivait plus à faire semblant, pas dans la sphère privée en tout cas. Elle s’était coupée du monde, ne répondait qu’en cas de nécessité et ne faisait plus entrer personne dans son appartement. Il était devenu le cocon de sa morosité mais son cocon quand même, là où elle s’autorisait à aller mal, à fumer trop – alors qu’elle avait toujours refusé de fumer à l’intérieur de son appartement jusqu’ici – à boire trop et à dormir, beaucoup, tout le temps, parce que c’était la seule façon qu’elle avait trouvé pour palier sa douleur : l’éteindre. Elle avait la sensation qu’avec son psy, ça n’avançait pas (probablement parce qu’elle ne parlait pas assez et qu’elle n’écoutait que vaguement ses conseils). Peut-être que dans un sens, elle se punissait de ce qu’elle avait fait par le passé : tant pis pour toi, bien fait, tu l’as cherché. Ce genre de connerie. Elle subissait les journées plus qu’elle ne les vivait. Parfois, elle était couchée dans son lit et elle regardait les heures défiler sur son réveil sans savoir dormir et sans savoir se lever non plus. Elle restait juste sous sa couette, à l’abris du monde, à l’abris du regard des autres et de son propre regard sur ce ventre légèrement arrondi depuis quelques jours qui n’abritait pas la vie mais qui s’obstinait à en garder les formes. Les nausées l’obligeaient parfois à se lever pour aller vomir une bile brûlante parce qu’en dépit du vide de ses journées, elle ne prenait pas le temps de se nourrir, son appétence ayant disparue au même rythme que tout le reste. Ses hormones complètement déréglées ne l’aidaient pas à reprendre du poil de la bête. Au contraire. Elle pleurait beaucoup, parfois pour pas grand-chose, souvent à cause des souvenirs et de l’amertume qu’elle pouvait ressentir envers elle-même. Ce mois-ci, c’était pire encore : c’était son anniversaire. Une année de plus rajoutée au compteur du silence et du manque. La sonnette la faisait sursauter parce qu’elle n’attendait aucune visite. La bienséance aurait voulu qu’elle aille ouvrir mais en toute sincérité, elle n’en avait plus rien à branler. Enroulée dans son plaid – toujours dans l’objectif de cacher ses formes – son regard ne se relevait vers l’entrée que lorsque le second coup de sonnette était suivi du bruit des clés entrant dans la serrure. D’avance elle savait de qui il s’agissait. Les deux seuls à avoir la clé, c’était Joseph et Camil. Joseph n’aurait pas sonné – c’est ce qu’elle pensait en tout cas mais le connaissait-elle encore vraiment ? Sans surprise, c’était le grand blond qui apparaissait dans son entrée et si la honte s’emparait naturellement d’elle compte tenu de son propre état et de l’état de son appartement, elle n’avait pas la force de bouger pour autant et de se manifester plus que ça, se contentant seulement de se remettre dans sa position initiale, en admiration probablement malsaine de son désastreux reflet. Sur le moment, elle détestait le savoir là. Ça pinçait son ego qu’on puisse la voir dans cet état de vulnérabilité alors quand il s’accroupissait à sa hauteur, elle n’osait même pas franchement le regarder. « J’ai plus de batterie... je crois… » Un murmure presque désolé, une voix éteinte d’émotion. A vrai dire, elle ne savait même plus où elle avait posé son téléphone ni même la dernière fois où ses doigts s’étaient posés dessus. La faute aux somnifères – ou à l’alcool ou aux deux – qui faisaient passer les journées plus vite mais qui lui faisaient perdre aussi la notion du temps. « Je dois me préparer ? Je n’avais pas souvenir qu’on avait un truc de prévu, pardon. » parce qu’en dépit de ce qu’il venait de dire, de sa supposée inquiétude de ne pas la voir répondre, elle s’imaginait que Camil avait cherché à la joindre et était venu ici seulement parce qu’ils devaient se rendre quelque part en tant que petit couple parfait. Elle se sentait tellement seule ces derniers temps, elle s’était tellement renfermée sur elle-même qu’elle en oubliait avoir de véritables amis, de ceux qui prennent des nouvelles sans aucun intérêt derrière. Il était le seul à le faire et le constat en était d’autant plus douloureux. Finalement, c’était ce toucher contre sa joue qui la ramenait réellement sur Terre. Ce contact, aussi simple soit-il, était chaud et passait du baume sur son cœur endolori. Mais c’était la question qui faisait mal. Elle hochait simplement la tête, tentative vaine de se mentir surtout à elle-même. « Je suis fatiguée, c’est tout. » Non, ce n’était pas tout et ils le savaient tous les deux. Elle le savait tout particulièrement quand son regard se posait enfin dans le sien et qu’elle constatait réellement son inquiétude pour elle. Elle n’était plus capable de feindre, l’étincelle dans son regard si enjoué était partie et elle n’était pas en mesure de faire semblant. Instantanément, ses iris se remplissaient de larmes sans qu’elle ne soit capable de les contrôler, les premières perles traçaient leurs sillons la rendant incapable de parler pendant de lourdes secondes où juste ses pleurs perçaient le silence de l’appartement. « J’en ai marre Camil, j’y arrive plus, j’en ai marre. » ça pesait sur son cœur comme une enclume, une ancre de regrets jetée là qui lui revenait en pleine tête des années après. Ça faisait tellement mal qu’elle s’assommait de médicaments plutôt que de ressentir ça tout au long de la journée. « Pardon... pardon… » Pitoyable, elle se sentait pitoyable et incapable de faire autre chose que de lui présenter des excuses qui n’avaient même pas lieu d’être. « Ils savent... la presse sait... » disait-elle entre deux sanglots et désignant maladroitement un des magazines qui traînaient sur sa table basse, ouvert à la bonne page sur un article suggérant sa grossesse sous un vêtement ample. « Je suis désolée... je suis vraiment désolée... » Elle se sentait responsable de tout ça, en plus de tout le reste. Perdue et désemparée, c’est tout ce qu’elle était face à ce qui leur arrivait, face à cette question si commune et pourtant si brutale pour elle aujourd’hui. @Camil Smith
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| | | | (#)Dim 15 Mai 2022 - 17:15 | |
| « Ce n’est pas grave. » Répondit Camil en secouant la tête. Batterie ou pas, l’Américain savait pertinemment qu’en voyant son nom s’afficher sur son écran, l’Irlandaise n’aurait probablement pas décroché. Il la soupçonnait de l’éviter, ces derniers temps — mais il ne devait pas être le seul à figurer sur la liste des indésirables. Il connaissait suffisamment Debbie pour savoir qu’elle était trop atteinte, physiquement et émotionnellement, pour faire semblant de faire bonne figure auprès d’autrui. L’état de son appartement reflétait clairement son état d’esprit, et malheureusement, ce n’était pas glorieux. Cependant, le politicien n’était pas ici pour prêter attention à la décoration et aux poussières qui recouvraient les meubles. « Non, nous n’avons rien de prévu. » Il vit ses traits crispés se détendre instantanément. Soulagée ? Apparemment. Vraisemblablement, même s’ils avaient eu un événement sur le feu, l’Irlandaise n’aurait pas été en mesure de l’assurer. Camil ferma les yeux pendant une fraction de seconde, et il sentit le poids de la culpabilité peser sur ses épaules. Si elle était aujourd’hui dans cet état, c’était en partie de sa faute. Il se mordit l’intérieur de la joue, et confessa : « Et je vais essayer de te soulager sur les apparitions publiques pour les prochains temps. » Il fallait qu’elle prenne du temps pour elle ; qu’elle prenne du recul sur la situation, pour l’analyser et essayer de l’accepter. Mais il ne voulait pas le faire sans son accord, sans son approbation. « Si ça te convient, bien évidemment. » Il ne voulait surtout pas qu’elle ait l’impression d’être mise sur la touche, parce que ça n’était pas le cas ; il voulait simplement la soulager de ses fonctions, pour lui éviter un stress supplémentaire.
Parce que le blond avait vu ce qui traînait sur la table basse du salon de l’Irlandaise, et qu’il savait que cette publication (dont ils se seraient tous les deux volontiers passés) n’avait pas arrangé l’état de son amie. « Je sais Debbie. Je sais. » Souffla Camil, dont la main glissa de la joue à la nuque de la brune. Lentement, il la rapprocha de lui jusqu’à ce qu’elle se laisse aller à son contact. Jusqu’à ce qu’il sente sa respiration au creux de son cou. Il déposa chastement ses lèvres dans ses cheveux, et la libéra finalement de son emprise. « Tu arrives quand même à dormir un peu ? » Demanda le blond, alors que son regard croisait celui de Deborah. Son regard, terne, s’embua en une fraction de seconde. Il savait qu’il y avait de fortes chances pour que, dans quelques secondes à peine, elle s’effondre complètement. « Parle-moi. » Ordonna le politicien d’une voix douce. « Je sais que c’est lourd à porter, que je ne suis pas aussi présent qu’il le faudrait, que le timing est horrible, et… » Il déglutit, et soupira. Il passa une main sur son propre visage fatigué, et reprit : « Et je ne suis pas sûr d’être capable de t’aider. » Et c’était ça le pire, au fond : Camil voyait la brune s’effondrer, et restait pourtant impuissant. Incapable de l’aider, incapable de la sortir du bourbier dans lequel elle s’enfonçait et dont, visiblement, elle n’était pas prête de sortir. Étrangement, l’Australien avait l’impression de la voir se débattre dans des sables mouvants ; elle se débattait, encore et encore, mais était aspirée vers le fond et disparaissait petit à petit. Et ça l’angoissait, Camil. « Ne sois pas désolée. » La voix du politicien était basse, et pourtant suffisamment affirmée. Il devinait aisément que l’Irlandaise culpabilisait beaucoup. Elle ruminait, tournait en rond comme un poisson dans son bocal, s’accablait du moindre écueil qui se trouvait en travers de leur chemin. « Tu n’es pas responsable de ce qui arrive. » L’Américain cherchait à rassurer son amie, à la protéger — de tous, mais aussi d’elle-même. Elle était dure, et terriblement injuste vis-à-vis d’elle-même. Malgré lui, il jeta un coup d’oeil sur le magazine qu’elle pointait du doigt, et qui traînait sur la table basse de son salon. Camil serra les poings, mais ne fit aucun commentaire. Il se redressa, posa une main sur l’épaule de Deborah, et l’invita à lui faire une place sur le canapé. Elle s’exécuta, et l’Américain l’invita à reposer sa tête sur ses genoux. Il passa machinalement ses doigts dans ses cheveux, sur ses épaules. « Je… » Inutile de nier : il avait vu les journaux, il avait vu les titres. Ses conseillers s’étaient empressés de l’informer des dernières rumeurs qui circulaient sur son compte — et, plus généralement, sur le compte de son prétendu couple. Il déglutit, tout à fait conscient que rien ne pourrait vraisemblablement consoler le chagrin de Deborah. Sa peine et sa douleur étaient bien supérieures à ces publications, aussi intrusives, dérangeantes et mensongères puissent-elles être. « On peut porter plainte, tu sais. » Commenta Camil après quelques secondes de silence. Il n’avait pas d’autre solution à lui proposer, aucune autre alternative. La vérité, c’était que lui aussi était complètement démuni face à cette situation. « C’est le bordel en interne. » Camil gloussa, en repensant à la confrontation qu’il avait eue avec ses conseillers. Il avait eu droit à une avalanche de questions, à une avalanche de réflexions. « Tu aurais dû les voir, ils ont pété les plombs en découvrant la une. » Il espérait la divertir, lui faire oublier son mal être. Au moins pendant quelques secondes. « Ils avaient mille questions. Et à l’heure à laquelle on parle, ils n’ont aucune réponse. » Et ça, ça avait fait fulminer de rage son responsable en communication. Mais Camil avait obstinément refusé de s’étendre sur le sujet, arguant qu’il s’agissait de sa vie privée et que, par conséquent, il n’avait aucune raison pour que cela change. « C’est entre toi et moi, Debbie. » Il se pencha en avant sur le corps de son amie, restée silencieusement, jusqu’à ce que son nez frôle la tempe de la brune. Il logea sa main dans celle de l’Irlandaise, serra légèrement ses doigts. Pas pour la blesser ; simplement pour lui faire comprendre qu’il était là, et qu’il restait à ses côtés dans toute cette tempête. Il murmura : « Et ce sera toujours le cas. » @Deborah Brody |
| | | | (#)Dim 3 Juil 2022 - 19:42 | |
| « Ne m’enlève pas ça, s’il te plait. » Un murmure à peine audible, coincé dans l’émotion vive. Le stress au bide parce qu’il n’imaginait sûrement pas ce que leurs sorties pouvaient représenter. Au-delà des doutes qu’elle venait d’émettre et de son état général, c’était tout ce qu’il lui restait réellement, le dernier lien avec le monde extérieur (en dehors du psy), la dernière option qui l’obligeait à bouger son cul de temps en temps pour prendre un tant soit peu soin d’elle. Si elle n’était plus capable de toutes les assumer, il était évident qu’elle le suppliait presque de ne pas tout stopper sans quoi elle doutait farouchement d’avoir une quelconque raison de continuer tout court. C’était probablement triste à dire mais à l’heure d’aujourd’hui, Camil était sa dernière porte de sortie, sans quoi elle sombrerait. En dépit de son état second, elle avait bien conscience de ça. Il était le seul à lui apporter un peu de chaleur qui lui semblait assez familière pour la prendre en compte et la chérir. Son inquiétude pour elle, ses gestes tendres, ses baisers rassurants, son soutien sans faille. Il était cette petite lueur dans le noir. Essuyant difficilement ses larmes, elle répondait enfin à sa question, haussant un peu les épaules, pas vraiment sûre des dires qu’elle s’apprêtait à énoncer. « Je sais pas si on peut appeler ça dormir. » Parce que dormir est censé être reposant et elle avait cette sensation de fatigue en permanence. Si le corps s’effondrait sous l’effet des somnifères et de l’alcool, son esprit restait vif, pensif, trop plein. Elle dormait sans rêve et sans repos. « C’est pas grave, tu fais déjà beaucoup. Tu l’as dit toi-même, mauvais timing. Tu fais ce que tu as à faire, c’est tout. » appuyait-elle lorsque Camil semblait exprimer le regret de ne pas être assez présent pour elle. Si elle ne le disait pas clairement, il était évident que dans sa tête elle parlait maladroitement du contrat qu’ils avaient signés. Il n’incluait pas qu’il prenne soin d’elle. Sur le plan professionnel, ça ne figurait nulle part et elle savait que l’Américain était un carriériste. C’était pour ça qu’elle ne s’étonnait pas de cette présence amoindrie à ses côtés : la carrière avant le reste. Alors forcément, il prenait soin d’elle sur ses temps libres, en tant qu’ami, quand il le pouvait et c’était bien suffisant, elle le remerciait maladroitement parce qu’il n’était même pas obligé de le faire. « Personne ne peut vraiment m’aider de toute façon. » Si ce n’était elle-même et le travail qu’elle devait faire avec le psy. Elle le savait, il n’y avait que ça à faire et pourtant, elle ne parvenait pas à en faire sa priorité, trop peu encline à guérir des conséquences de ses actes qu’elle estimait mériter. Tout ça allait prendre du temps, sans aucun doute possible. Sous l’invitation du blond, elle lui faisait une place sur le canapé avant de se coucher la tête sur ses genoux. Le silence se faisait de nouveau dans le logement et les mains délicates de Camil berçaient Debbie. Dans ses cheveux puis sur ses épaules. Un geste qui apaisait quelque peu ses maux, les mettait soudainement entre parenthèses. La tension de son corps se faisait moindre, elle ne pleurait plus et se détendait un peu jusqu’à clore ses paupières. C’était une fois de plus la voix de Camil qui brisait le silence, la brune se terrant un peu plus dans ce dernier. Porter plainte… si elle avait été assez en forme, elle aurait pu l’envisager mais sous ses paupières le scénario se dessinait et elle savait d’avance qu’elle ne pouvait pas s’ajouter ce genre de choses sur le dos, sans compter que Camil avait d’autres priorités et peu de temps, pas la peine de s’attarder sur ce genre de futilités. Alors elle le laissait conter, sans piper mot. Elle s’imaginait sans mal ce qu’il lui racontait et elle notait surtout qu’il n’avait pas apporté de réponse. Alors en dépit de son manque de réaction face à cette petite histoire qui lui aurait habituellement arraché un rire ou au moins un sourire et encouragée par les mots du géant qui lui affirmait dans un geste tendre que tout cela n’était qu’entre eux, elle descellait ses lèvres. « Est-ce qu’on peut faire la même chose avec la presse ? Juste ne rien dire... » Ne pas confirmer leurs doutes, ne pas les infirmer non plus. Était-ce possible ? Est-ce qu’ils avaient cette possibilité-là ? Après tout, un ventre rond pouvait cacher d’autres choses : un dérèglement hormonal quelconque sans même parler de grossesse (nerveuse), une crise d’endométriose, une intolérance alimentaire et probablement plus d’options encore. Pouvaient-ils les laisser spéculer sans s’en préoccuper ? Lentement elle se tournait alors vers lui, son regard s’attardant un peu dans le sien, sa main qu’elle avait prise en otage contre elle. « Merci Camil. » Un simple mot mais qui représentait tellement de choses. Il n’avait probablement pas idée à quel point il lui permettait de tenir le coup quand il pensait pourtant ne pas être assez là. Par l’intermédiaire de sa petite sœur/nièce et maintenant aujourd’hui, elle avait appris à lui reconnaitre cette aura de protecteur. Il était tout ce dont elle avait besoin à l’instant T. Une présence, un soutien. Toujours les bons mots, toujours les bons gestes. Quand bien même elle ne parlait peu/pas, elle se sentait soulagée, ses douleurs comme endormies. Par sa seule présence, il l’apaisait parce qu’elle se sentait moins seule mais aussi parce qu’il était son lien vers l’extérieur. Lui conter ce qu’il se passait, c’était aussi lui faire se rendre compte que le monde n’avait pas cessé de tourner et qu’elle en faisait encore un peu partie, même enfermée ici. Dans un sens, il lui prouvait qu’il n’y avait pas mort d’homme et que même si les choses semblaient difficiles aujourd’hui, le mieux l’attendait plus tard même si personne n’était capable d’estimer quand. Il la gardait les pieds sur Terre le temps de ses visites et lui rendait le temps d’une soirée son statut d’humaine. Et pour tout ça, oui ; merci Camil. @Camil Smith
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| | | | (#)Ven 8 Juil 2022 - 22:22 | |
| Camil Smith se trouvait dans une situation bien peu confortable. D’un côté, il devait gérer sa carrière, et tout ce qui gravitait autour : son développement, l’orientation qu’il voulait lui donner, et l’image qui lui serait associée. De l’autre, il devait composer avec la santé déclinante de Deborah, et ses hormones qui n’en faisaient qu’à leur tête. Il ne la tenait en rien responsable de ce qui lui arrivait ; il savait pertinemment que tout cela n’était que le fruit d’un acte passé, qui resurgissait cruellement dans le présent. Combien de temps serait-elle à terre, abattue ? Difficile d’anticiper sur ce point. Et c’est pour ça que le politicien veillait à lui éviter une surexposition médiatique qui ne l’aiderait en rien, bien au contraire. « Je ne veux pas que tu sois obligée de faire quelque chose qui te coûte. » Répondit Camil à voix basse, alors que la paume de sa main s‘attardait sur la joue de son amie. Les sillons laissés par ses larmes étaient encore visibles, et le blond sentit son estomac se serrer. Mais que pouvait-il faire pour l’aider, pour la soutenir, pour la faire avancer ? « Je ne veux pas te jeter en pâture aux vautours. » Il baissa les yeux, et reposa sa main sur le canapé. Son regard dévia naturellement vers les formes de Deborah, qu’elle dissimulait sous son plaid. La dernière fois qu’il l’avait croisée, elle avait un profil tout à fait normal ; aujourd’hui, cependant, les choses avaient l’air différentes. Une fois de plus, il s’interrogea sur sa propre culpabilité dans toute cette histoire. S’il avait été moins entreprenant, en seraient-ils là ? S’ils avaient été plus vigilants, Debbie aurait-elle développé ses étranges symptômes ? Rien n’était moins sûr. « Tu m’inquiètes. » Confessa le politicien, alors qu’elle avouait ne pas réellement dormir. Sa fragilité était palpable, et de plus en plus visible. Quant à lui… Il manquait de temps pour être présent à ses côtés, comme il devrait le faire. Débordé par ses projets professionnels, son temps libre avait été réduit à peau de chagrin. Impossible donc, dans ses circonstances, de passer beaucoup de temps en compagnie de Deborah. Il s’en excusa, une énième fois, et la réponse de l’Irlandaise ne différa pas des précédentes. Elle comprenait, acceptait, et ne le jugeait pas. « J’aurais aimé avoir plus de temps. » Avoua-t-il en faisant la moue. « Une fois que les élections seront passées… Ça devrait aller mieux. » Théoriquement. En pratique, il avait plus de doute. Ses obligations seraient toujours bien présentes, mais elles seraient différentes. « On pourrait peut-être… je sais pas, prendre quelques jours loin de Brisbane ? Ça te ferait peut-être du bien de te changer les idées. » Et de vaquer à d’autres occupations, dans un autre cadre. Cependant, Camil n’était même pas sûr que Deborah répondrait positivement à sa proposition. Inconsciemment, il l’espérait — mais elle semblait trop faible et trop éteinte pour accepter une trêve, une forme de quiétude. « Ça ne se passe pas bien, avec le psy ? » Demanda Camil, après quelques secondes d’hésitation, alors que la brune lui confiait que personne ne pouvait réellement l’aider. Il réclama une place à ses côtés sur le canapé, qu’elle lui fit sans protester. Au moins, elle ne rejetait pas sa présence. Il lui conta brièvement sa journée, et lui confirma que la nouvelle de sa prétendue grossesse était finalement remontée jusqu’au quartier général de sa campagne. Il fit état des différentes réactions auxquelles il avait été confronté, décidant d’être complètement transparent vis-à-vis de Deborah. Sait-on jamais, si elle se décidait à sortir et qu’elle tombait sur une tête qui lui était familière…
Alors que sa main droite allait et venait sur la peau pâle de Deborah, Camil ne put s’empêcher de constater qu’elle avait l’air particulièrement fragile. Elle avait perdu son sourire, son assurance, et son panache. Elle s’était recroquevillée, prenant naturellement une position foetale qui laissait transparaitre le poids des difficultés qu’elle devait actuellement porter sur ses épaules. « Bien sûr. » Confirma l’Américain en inclinant légèrement la tête. « On fera comme tu veux. » Habituellement, Camil prenait un soin tout particulier à contrôler son image. Il veillait à ce que les rumeurs et autres racontars, plus ou moins vrais d’ailleurs, soient rapidement étouffés. Il ne voulait pas être connu pour ses frasques personnelles, non ; il voulait être reconnu pour ses qualités et ses actions politiques. Mais si Deborah préférait garder le silence, alors il se rangerait à son avis. Il n’allait pas partir en croisade contre la presse à scandale, et encore moins tout seul. Cela ne ferait qu’attiser leur curiosité malsaine. L’Irlandaise s’empara de sa main, qu’elle garda contre elle, comme un enfant pourrait le faire avec un objet précieux. Il esquissa un léger sourire, et murmura : « De rien. » Ils n’avaient pas besoin d’échanger davantage ; tous deux savaient exactement où ils voulaient en venir. Ils restaient forts et unis, même dans la difficulté. Deux amis affrontant la tempête, avant que le calme ne revienne à nouveau. « Est-ce que tu as au moins pris la peine de manger, dernièrement ? » Demanda le politicien, qui ne voyait rien d’autre que des cadavres de bouteilles et de paquets de chips. « Quelque chose de sain et de solide, j’entends. » Il se doutait de sa réponse, et suggéra : « Je pourrais faire à manger. » Puis, conscient qu’il s’était peut-être un peu trop avancé, corrigea le tir : « Ou plutôt, commander. Ça nous évitera une indigestion. » Camil était loin d’être un chef ; depuis qu’il était en âge de vivre seul, c’était les traiteurs et les restaurateurs qui avaient pris soin de lui. Et sa soeur et Deborah, aussi, quand elles étaient dans les parages. Mais ce temps lui semblait lointain, et révolu. Sixtine était aux Etats-Unis pour tester un traitement sur sa maladie. Quant à Debbie, elle traversait une mauvaise passe. Le monde enchanté du politicien s’était écroulé — une fois de plus. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’inquiétude constante et la solitude perpétuelle commençaient à lui peser. « Est-ce que je peux dormir ici ce soir ? » Demanda Camil, alors que ses doigts naviguaient alternativement sur la joue et dans les cheveux de Deborah. Ils étaient installés depuis de longues minutes sur le canapé, dans le plus grand des silences. L’atmosphère était lourde et pesante, mais le politicien savait qu’il ne pouvait simplement pas y remédier en un claquement de doigts. Si les choses avaient été aussi simples, il y a bien longtemps qu’il aurait agi en ce sens — ne serait-ce que pour chasser l’air constamment triste et abattu qu’affichait Debbie, depuis qu’elle avait développé les premiers symptômes d’une grossesse nerveuse. « Avec toi ? » Ajouta-t-il à voix basse, pleinement conscient qu’il lui en demandait peut-être beaucoup. Et effectivement : à peine les mots avaient-ils franchi la barrière de ses lèvres que, déjà, il sentait la brune se tendre sous la pulpe de ses doigts.
@Deborah Brody |
| | | | (#)Sam 23 Juil 2022 - 21:10 | |
| « Fais comme tu veux. » finissait-elle par dire pour clore la conversation. Elle n’avait pas l’envie ni la force d’argumenter, trop habituée depuis des mois à juste se laisser porter par les autres. Quoi que Camil en décide, elle serait bien obligée de suivre de toute façon parce qu’elle n’avait pas le choix non plus – quand bien même il lui avait demandé son approbation. Il était le seul décisionnaire là-dessus. Elle pouvait comprendre qu’il n’ait pas envie de lui imposer quoi que ce soit, qu’il n’ait pas envie de prendre le risque de la foutre à terre davantage parce qu’elle était capable d’imploser à tout moment et dans l’autre sens, leurs sorties même publiques étaient tout ce qu’il lui restait vraiment et qui la raccrochait à la réalité du monde et du temps qui passait. Si Camil décidait de lui retirer ça, elle ne donnait pas cher de sa propre peau. Il était pourtant le plus réaliste des deux : la soulager ne pourrait pas lui faire de mal. Elle se devait de se concentrer sur elle, arrêter de penser aux autres et le suivre dans l’aventure que lorsque son moral pourrait lui paraitre. Ne pas se forcer, laisser l’envie venir à elle : peut-être en serait-elle capable dans les semaines à venir. Le blond formulait alors clairement son inquiétude pour elle. Elle semblait aussi fragile qu’un papyrus. Sensible à la moindre manipulation, friable au possible, contaminée rapidement par le moindre faux pas dans les gestes ou dans les mots. Plus aucune barrière, plus aucun filtre. Incapable de faire semblant, elle ne savait pas quoi lui répondre. Elle ne pouvait pas le rassurer parce que ça serait lui mentir et qu’il n’avait jamais été question de mensonges entre eux. Son état parlait de lui-même : oui, il y avait de quoi s’inquiéter. Non, elle ne pouvait plus feinter aller bien, prétendre que ce n’était rien et que les choses allaient passer avec le temps. Les jours défilaient, se ressemblaient. Pas pire, pas mieux mais qu’adviendra-t-il quand le mieux ne se manifeste pas alors qu’on est déjà dans le pire ? (ou ce qu’elle croit être le pire). Elle aimerait lui présenter ses excuses pour l’inquiétude engendrée – parce qu’il n’avait pas besoin de ça en plus, soyons réalistes – mais elle ne le faisait pas. Elle connaissait déjà la réponse parce qu’il lui avait dit tant de fois : ce n’est pas ta faute. Quand bien même ses entrailles lui hurlaient le contraire, elle acceptait toujours cette approche sans broncher. « Je préfère ne pas y croire pour l’instant. » Lançait-elle du tac au tac dès qu’il sous-entendait qu’une fois les élections passées, ça irait mieux. Ne pas y croire pour éviter une énième déception. Ne plus appréhender l’avenir, (sur)vivre au jour le jour. « C’est gentil mais sincèrement, j’ai pas envie et tu as d’autres choses à faire. » disait-elle sur de potentiels jours hors de Brisbane. Sans même compter l’idée qu’elle n’avait déjà pas envie de sortir de son appartement parce qu’elle appréhendait déjà les efforts à fournir, elle n’était pas dupe sur l’emploi du temps de Camil – et surtout elle n’oubliait pas les deux ans passés à le voir s’acharner au travail, jusqu’à hésiter à prendre un bain pour se détendre au profit du boulot un soir de jour de l’an. Si elle ne le formulait pas pour éviter une quelconque conséquence – qu’il insiste ou se sente coupable de quoi que ce soit – elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il avait autre chose à foutre que de s’occuper d’elle et de sa dépression. Elle se sentirait comme un poids plus qu’autre chose, plus encore que ce qu’elle avait l’impression d’être déjà pour elle-même et pour les autres. Le poisson qui s’étouffe dans sa flaque trop petite pour lui mais que les gens s’obstinent à vouloir sauver en l’éclaboussant de temps en temps. Malgré eux, en voulant bien faire, ils entretenaient sa souffrance sur le long terme. Qu’on la laisse mourir à petit feu ou faire les efforts nécessaires pour s’en sortir toute seule, c’est tout ce qu’elle voulait désormais. « Je dirais que ça se passe. » Un haussement d’épaules léger accompagnait ses mots. Ni bien, ni mal. Bien sûr qu’elle souffrait pendant les séances, bien sûr que c’était difficile, douloureux et tous les autres synonymes relatifs aux blessures et à la souffrance… mais il parait que c’était une souffrance nécessaire pour mieux avancer. Alors elle laissait les choses se faire, une fois de plus, sans essayer de se projeter dans l’avenir. Elle n’avait pas la sensation de se sentir mieux en posant (ou en tentant de poser pour être plus exacte) les mots sur ce qu’elle avait traversé et sur ce qu’elle ressentait. Souvent, elle quittait le cabinet avant même que la séance ne soit terminée parce qu’elle n’était plus capable de la supporter, la colère ou la tristesse prenant le dessus, les deux souvent mêlées. « Il veut que j’aille voir le père de mon fils pour tout lui dire... » Pas plus de mots parce qu’elle serait capable de se remettre à pleurer à cette simple idée, bien ignorante que l’abandon du bambin avait été rattrapée par une procédure pour faire valoir ses droits de père. Sans surprise, elle n’en avait pas envie, ne se voyant pas déballer l’histoire à Adorján pour soulager ses propres épaules en chargeant les siennes. Ça serait injuste et Camil était le premier à constater qu’elle n’était pas ce genre de femme à faire de la peine aux autres pour soulager la sienne, bien au contraire. Soulagée d’apprendre qu’il la laissait gérer les suspicions des médias en les laissant mariner comme pouvait le faire le principal concerné avec son équipe de marketing et de communication, Deborah ne pouvait s’empêcher de le remercier de la plus sincère des manières. Droit dans les yeux, sans un mot de plus, sans préciser sa pensée. Le remercier de tout parce qu’il n’était obligé de rien. Le fait qu’il se montrait présent quand même ne faisait que souligner la préciosité de leur amitié à laquelle elle tenait, en témoignait sa main qui ne lâchait pas la sienne. Même lorsque les questions qui fâchaient s’en venaient. Elle n’avait même pas besoin de répondre. Leur amitié était assez sincère pour qu’il lise dans ses traits plus visibles par sa perte de poids, dans ce pincement de lèvres d’une gamine prise sur le fait. Il la connaissait par cœur. A l’instar du sommeil, elle mangeait sans manger. Rien qui tienne au corps et pourtant il ne la blâmait pas. Putain ce qu’elle pouvait l’aimer pour ça ! « J’ai essayé... » réellement. « Mais tout ce qui a des odeurs un peu forte me donne envie de vomir. » Ne serait-ce qu’une sauce dans des pâtes lui retournait le cœur. Elle ne précisait pas son absence d’envie de manger, il la devinait sûrement. En revanche, il parvenait à lui arracher un rire d’une paire de secondes par sa précision. « Ca m’aurait étonnée que tu cuisines. Est-ce qu’un jour je pourrais assister à ce petit miracle ? » exagérer un peu – parce qu’elle l’avait vu à l’œuvre de temps en temps pour des mets simples comme le petit déjeuner – dédramatiser la situation, aller sur une autre conversation. Pendant quelques minutes, le silence était retombé. Là où Camil le trouvait lourd, Deborah trouvait ça apaisant. Les caresses qu’il lui octroyait autant sur sa peau que dans ses cheveux avaient le don d’apaiser ses maux. La sensation de chaleur, la douceur de ses gestes lui faisaient oublier les questions dont elle était incapable de trouver les réponses. Le stress perpétuel s’envolait et pour sûr que s’il s’était tu, elle aurait pu s’endormir avec quelques minutes de plus. Les paupières closes, elle lui prêtait quand même une oreille. La tension incontrôlée de ses muscles revenait immédiatement tandis qu’elle ouvrait les yeux et que le pincement de sa joue était le signe principal de son malaise et de son hésitation. « Non. » Ses iris semblaient dire combien elle était désolée de cette réponse si tranchante. Tout du moins jusqu’à ce qu’une inspiration à peine audible ne vienne lui donner un peu de courage pour être plus précise. « Je veux bien dormir avec toi mais pas ici, s’il te plait. » parce que l’hésitation et le malaise qu’elle avait ressenti n’était pas vis-à-vis de lui mais bel et bien de son environnement. Il était évident qu’il avait déjà notifié l’état pitoyable de la pièce principale de l’appartement. Accepter qu’il dorme ici, c’était accepté qu’il constate que sa dépression était partout. Jusque dans la salle de bain où elle ne prenait pas le temps de nettoyer le miroir, de remettre le bouchon sur le dentifrice ou de jeter les bouteilles vides de gel douche. Le constat était le même dans sa chambre avec des vêtements jonchant le sol, son lit défait, ses draps sales en boule dans un coin – la machine à laver du sellier dégueulant une tournée qu’elle ne prenait pas le temps de démarrer. L’accepter ici c’était le faire entrer complètement dans sa misère et elle était encore trop humaine – et par conséquent trop emplie de honte – pour approuver sans protester. « C’est bien mieux chez toi de toute façon, autant pour toi que pour moi. » argumentait-elle. Au-delà des murs et du confort qu’entrainait le capital du politicien, là-bas elle ne s’enfermait pas dans un cocon toxique. Le cocon de Camil était plus sain justement parce que ce n’était pas le sien. Chez lui, elle se laissait moins aller, moins morfondre. Elle s’autorisait moins de chose et notamment les mauvaises. Elle ne buvait pas comme un trou et ne s’assommait pas de médicaments. Elle prenait des douches régulières et mangeait plus régulièrement – quand son corps le voulait bien. Elle gardait un peu de décence parce qu’il était là, avec elle. La solitude dans laquelle elle se complaisait parce qu’elle lui permettait de faire n’importe quoi loin du regard d’autrui était dangereuse. Camil devenait, malgré lui, indispensable à son bien-être parce qu’elle ne s’autorisait pas à être un déchet quand il était là. Preuve en était, sans possession de la clé, jamais elle ne l’aurait laissé entrer ce soir avec un appartement dans un tel état et un état physique aussi pitoyable. Il devenait le gardien de son humanité, le socle sur lequel s’appuyer. @Camil Smith oupsi pour la longueur
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| | | | (#)Lun 15 Aoû 2022 - 22:00 | |
| « Tu me le dirais, si tu en avais besoin ? » Demanda l’Australien en cherchant le regard de sa fidèle alliée. Il avait quelques doutes sur ce point, et supposait que l’Irlandaise préférait se taire et faire la morte plutôt que d’étaler ses états d’âme et autres tourments. Un drame, selon Camil — qui s’était bien gardé de s’épancher auprès de sa petite-soeur, qui avait toujours été sa plus proche confidente. Pour le moment, Sixtine n’avait vraisemblablement pas entendu parler du ventre arrondi de sa prétendue belle-soeur ; sinon, elle n’aurait pas manqué d’interroger son aîné à ce sujet. Il imaginait déjà leur conversation ; elle ne manquerait pas de le mitrailler de questions et serait aux anges d’apprendre qu’elle allait bientôt avoir un neveu ou une nièce. Camil n’hésiterait pas à doucher ses espoirs, tout en sachant que la vérité serait plus douloureuse que les apparences pour sa soeur. C’était triste, mais c’était ainsi ; la vie n’était pas un long fleuve tranquille.
Intérieurement, il sentit son coeur se gonfler devant le peu de réaction de la part de la brune. Pour elle, il avait espéré que la thérapie porterait ses fruits rapidement. Que le bienfait des séances se ferait ressentir d’emblée, ou presque. Mais, une fois de plus, ça ne pouvait pas être si simple ; le traumatisme de Debbie était aussi profond que daté. Et surtout, il impliquait de tierces personnes, comme son psy n’avait pas manqué de le souligner. Ses doigts glissèrent sur les épaules de son amie, et il murmura : « Ne te mets pas la pression, Debbie. » Chaque chose se ferait en son temps. Il espérait simplement que le psy ne lui mettait pas trop de pression — au risque que cela devienne contre-productif. « Tu le feras quand tu t’en sentiras capable. » Ses mots étaient déculpabilisants, et cherchaient surtout à rassurer l’Irlandaise. Si elle lui avait révélé l’existence d’un enfant, elle ne s’était jamais éternisée sur le père de cette progéniture. En d’autres circonstances, il aurait pu poser quelques questions… Mais le temps n’était tout bonnement pas venu.
L’Australien, après avoir constaté que ses traits étaient tirés, remarqua que les courbes de sa pseudo petite-amie n’étaient plus aussi charnues qu’il les avait connues. Il aurait pu garder le silence, mais préféra l’interroger sur son alimentation. Sans surprise, elle lui expliqua qu’elle avait du mal à avaler quoique ce soit. « Ce sera donc riz blanc pour ce soir. » Déclara le politicien, qui profita de la position de Deborah pour faire une légère moue. Il n’était pas franchement ravi — le repas s’annonçait fade — mais il n’aurait pas le coeur de s’empiffrer quand elle n’arrivait à avaler que quelques pauvres bouchées. Il plaisanta sur ses maigres compétences en cuisine (un domaine qui l’intéressait peu, et dans lequel il ne comptait pas devenir expert), et Deborah abonda dans son sens. Il esquissa un léger sourire, content de voir qu’il parvenait à lui changer les idées. « Franchement, j’ai des doutes. » Répondit-il en haussant les épaules. « A moins que tu y tiennes particulièrement, ou que tu me supplies à genoux. Minimum. » Plaisanta-t-il. À quoi bon perdre son temps derrière les fourneaux quand le résultat n’était jamais à la hauteur ? Désireux de passer un peu plus de temps avec Debbie qu’au cours des derniers jours, Camil lui proposa de passer la nuit en sa compagnie. Peut-être avait-il été un brin optimiste dans sa requête ; à peine avait-il prononcé ses mots qu’il la sentit se tendre sous la pulpe de ses doigts. La tension était presque palpable, et Camil regretta son audace. Il s’apprêtait déjà à essuyer un refus catégorique quand, contre toute attente, l’Irlandaise lui laissa une porte ouverte dans laquelle il s’engouffra volontiers. « Comme tu voudras. » Souffla-t-il à voix basse. Il choisit de ne pas épiloguer sur cette étrange décision de Debbie ; après tout, elle avait droit à son jardin secret. Le simple fait qu’elle accepte sa présence était suffisant aux yeux de l’Américain. Ils restèrent immobiles pendant de longues minutes, profitant du silence et du calme régnant. Avant que, voyant l’heure tourner, Camil ne se décide à bouger.
« Allez, viens. » Il lui tendit un sweat à capuche qu’il avait pris sur le porte-manteau de l’entrée, qu’elle enfila sans sourciller. Décidément, Deborah Brody n’était plus que l’ombre d’elle-même — et ça rendait le politicien franchement inquiet. S’il se montrait tout à fait transparent avec lui-même, il devait bien reconnaître qu’il était dépassé par les événements. Dépassé par son désarroi, par son manque de vivacité, par son traumatisme. Dépassé, parce qu’il se sentait cruellement impuissant et cruellement coupable. « Je vais prendre soin de toi, au moins pour ce soir. » Promit-il, faisant glisser une mèche de cheveux derrière son oreille. Ce n’était pas grand-chose, ce n’était que quelques heures, mais c’était déjà ça de pris, ça de gagné. Il esquissa un maigre sourire, et logea timidement sa main dans la sienne. Il serra légèrement ses doigts, cherchant une forme d’approbation tacite. Et quand il l’obtint, il l’entraîna vers la sortie de son propre appartement. Changer d’air ne pourrait pas lui faire de mal, il en était persuadé.
Le trajet se fit rapidement, sans encombre. Ils se faufilèrent dans l’ascenseur, et Camil passa une main possessive autour du cou de Deborah. Il l’enlaça, déposa son menton sur le sommet de son crâne, et la berça avec douceur. Son attitude pouvait paraître étrange, même aux yeux de Debbie — qui le fréquentait depuis longtemps, et qui connaissait désormais relativement bien sa personnalité. À croire que, en fin de compte, elle n’était peut-être pas la seule à avoir besoin de tendresse et de douceur dans cette passe difficile. Le trajet jusqu’au dernier étage lui sembla étonnamment rapide, et il dut se séparer de sa brune préférée à regret. Les portes s’ouvrirent sur un couloir vide, qu’ils remontèrent jusqu’à la porte de l’appartement de Camil. Il déposa les quelques affaires que l’Irlandaise avaient prises dans l’entrée, et déclara : « Tu peux rester ici tant que tu le voudras. » Elle avait déserté, ces derniers temps. Sa bonne humeur et son espièglerie s’étaient volatilisées, et Debbie s’était éteinte. Et plutôt que d’imposer ceci à son colocataire et amant, elle avait préféré fuir. Il l’avait laissée faire, pensant qu’il s’agissait de la meilleure chose qui puisse lui arriver, avant de se rendre compte de son égoïsme et de son manque de lucidité. Il ne fallait pas qu’elle reste seule — pas complètement, en tout cas. « Tu as faim ? » Demanda-t-il, alors qu’il ouvrait déjà son application mobile pour commander ce qui lui ferait plaisir. « Tu peux prendre un bain si tu veux, en attendant que nous soyons livrés. » Proposa-t-il, avant de faire quelques pas en direction de sa chambre. Il passa immédiatement dans sa salle de bain, et sortit une large serviette pour son invitée. Elle n'avait qu'à s'occuper d'elle ; il irait lui chercher ses affaires et les lui ramèneraient, si elle le souhaitait.
@Deborah Brody |
| | | | (#)Lun 14 Nov 2022 - 1:25 | |
| « Sincèrement, je ne sais pas... » et la raison était très simple à ça. « Pour être honnête, je ne suis plus sûre de ce dont j’ai besoin ou non. » Tout était flou depuis des mois. Elle avait la sensation qu’il était nécessaire pour elle d’être seule mais de toute façon, ça ne lui réussissait pas du tout. Elle avait du mal à s’exprimer quand il était évident que c’était ce qu’elle devait faire pour aller mieux. Elle acceptait que trop peu la présence d’autrui dans son environnement quand il faudrait qu’elle accepte l’aide des autres pour une fois. A croire qu’elle devait se retourner le cerveau pour faire les choses dans le bon sens. Dans son malheur subsistait pourtant un bonheur, un espoir d’aller mieux : Camil. S’il était impuissant face à la dépression de Deborah qu’elle ne pouvait régler que toute seule, force est de constater qu’il avait toujours les mots et les gestes pour l’apaiser, pour la rendre mieux ne serait-ce qu’un court instant. Et si c’était ça finalement la clé ? Aller mieux de petits instants en petits instants pour finalement remonter le moral pendant une journée, puis deux, puis une semaine et ainsi de suite pour enfin retrouver ce qu’elle pouvait être autrefois. Bien entendu, les choses n’allaient pas se faire en si peu de temps et les choses n’étaient aussi faciles et évidentes que cela mais il était clair que la présence de Camil était bénéfique pour elle. « Et si je n’y arrive pas ? » une interrogation qui se retrouvait étranglée par une envie évidente de pleurer qu’elle s’efforçait de retenir. Elle tentait de ne pas y penser mais qu’adviendra-t-il de son mental si elle était incapable de décharger sa culpabilité en contant l’histoire à son ancien amant, père de son fils ? L’histoire se répétait mais le dénouement n’était pas le même. Cette fois, elle avait eu la force de le dire à Camil quand elle s’était suspectée être enceinte. Si elle avait potentiellement donné la possibilité à Camil d’être un père, raconter son histoire ne permettrait pas à Adorján de l’être, elle en était persuadée. Sa culpabilité ne ferait qu’augmenter et rien n’était moins sûr quant aux résultats que cela donnerait sur sa santé mentale et sa grossesse nerveuse. La brune était dans le doute, constamment et c’était fatiguant. Elle n’était plus capable de vivre correctement sans avoir de réponse et à la fois, elle ne se sentait pas le courage de poser les questions. Un paradoxe qui l’enfermait chaque jour dans cette sensation d’être face à un mur qu’elle n’était pas capable de franchir, qu’elle serait bien incapable de s’en sortir un de ces jours. Dès lors qu’il parlait de nourriture, Deborah ne disait plus rien. L’évidence se lisait dans sa silhouette. L’envie de manger était inexistante et lorsqu’elle se forçait un peu, pas grand-chose ne semblait lui faire plaisir ou lui tenir à l’estomac. Elle s’était accommodée avec le fait de se « nourrir » plus de liquide que de solide, celui qui fait tourner la tête et fait fermer les yeux. « J’en prends bien note, fais attention. » A comment l’amadouer pour le faire cuisiner. Elle préférait s’attarder là-dessus que sur le reste – notamment ce repas riz blanc qu’il lui promettait sans qu’elle ne donne de réponse. Qui vivra verra il parait. Et ce soir, elle allait vivre un peu. Au-delà de la nourriture, elle acceptait surtout de passer du temps avec lui. Elle ne promettait pas d’être de très bonne compagnie (elle n’était pas dupe quant à son état qui ne donnait pas franchement envie de la fréquenter au risque de voir sa propre humeur se dégrader) mais elle sentait que ce soir, il n’était pas libre par hasard, il n’était pas venu jusqu’ici par hasard. Une présence apaisante qu’elle acceptait bien volontiers – loin de chez elle cela dit. Ce n’était que quelques minutes de calme plus tard – probablement de quoi lui laisser la possibilité de changer d’avis – que le blond la faisait se redresser et se préparer à partir. Sans attendre, elle enfilait le sweat à capuche. Il la connaissait que trop bien pour comprendre qu’elle avait ce besoin de cacher ses formes depuis des mois, son corps pour être plus exacte, qu’il affiche ou non les stigmates de sa grossesse nerveuse. Si son manque de réaction était déroutant, son cœur s’embaumait de la tendresse de Camil. Toute sa bienveillance, son humanité, les soins apportés. Il était cette lueur dans le noir et c’était son pouce caressant le dos de sa main qui lui répondait par la positive à défaut des mots qu’elle économisait bien trop. La réalité voulait qu’elle ne savait pas vraiment comment le remercier d’être là pour elle quand il le pouvait. Un simple merci ne suffirait pas. Mille non plus. Pendant le trajet, elle se faisait tout autant silencieuse, tirant discrètement sur les manches de son pull, expression évidente d’un stress. On pourrait croire qu’elle craignait d’être surprise encore une fois par des paparazzis et que les rumeurs aillent de plus belles dans les journaux. En vérité, dans le peu d’affaires qu’elle avait prises, on ne comptait pas d’alcool évidemment, que trop peu de cigarettes et surtout pas de somnifères – dont elle se servait pourtant pour dormir depuis des semaines. De quoi la stresser un peu quant à l’avenir de la nuit. Serait-elle capable de fermer l’œil ? Sa tension interne ne redescendait que lorsque les portes de l’ascenseur de la résidence de Camil se refermaient sur eux. Coupés du monde. C’est ainsi qu’elle ressentait les choses. Coupés du monde mais ensemble. Une sensation accentuée par le besoin de Smith de la rapprocher de lui. D’abord surprise, elle se laissait finalement bercer par cet élan de douceur, enroulant à son tour ses bras autour de lui, sa respiration se calquant un instant sur la sienne. Son étreinte se resserrait instantanément, oubliant jusqu’à son ventre légèrement arrondi qui se mettait naturellement entre eux. Elle aurait sûrement aimé rester ainsi quelques précieuses minutes mais l’ascenseur ne leur laissait pas le choix de se séparer et de poursuivre leur chemin jusqu’à l’appartement. La porte enfin claquée, elle avait l’impression que cela faisait une éternité qu’elle n’était pas venue ici. Elle s’imprégnait de nouveau de l’odeur de propre à la fois masculine des lieux. Son esprit se réjouissait de l’absence d’encombrement comme si l’aspect rangé de l’appartement lui permettrait de faire le vide à son tour dans sa tête et quand bien même il fût mince, c’était bien un sourire apaisé qui traversait quelques secondes le visage de la poupée. « Je manque de mots mais je crois que tu sais. » combien elle était reconnaissante, combien elle éprouvait de la gratitude envers lui. Il n’avait sûrement pas idée combien il était précieux dans son quotidien, qu’elle aille bien ou non. Il était toujours là et à défaut de savoir l’exprimer par des mots, elle jurait pour plus tard. « Je te revaudrais ça, promis. » Comme elle l’avait toujours fait finalement avant que la dépression ne vienne toquer à sa porte. Instinctivement, son regard s’abaissait sur ses mains, plus particulièrement celle qui tenait son téléphone. Il cherchait à commander à manger et elle ne l’empêcherait pas. De là à dire qu’elle avait faim, c’était une autre chanson. « Choisis ce que tu veux, je t’accompagnerais. » Si elle y parvenait sans ressentir un haut-le-cœur. Ce soir, elle anticipait les choses de façon positive. Elle essayait du mieux qu’elle le pouvait en tout cas. Pour elle-même, pour lui, pour eux, pour la soirée. Un petit effort qui ne pouvait qu’entraîner du positif par la suite, c’est ce dont elle se persuadait en suivant Camil dans la chambre puis dans la salle de bain. Un bain n’était clairement pas une mauvaise idée – sans dire qu’il ne serait franchement pas de trop. « Je vais faire ça. » Et dès lors qu’il était sorti, la baignoire se remplissait au même rythme qu’elle se déshabillait. Pas un regard dans un quelconque miroir avant qu’elle ne saute dans la douche. Drôle de rituel que de se laver réellement et correctement dans la douche avant de rejoindre le bain. Une habitude qu’elle n’expliquait pas mais qui lui prenait les quelques minutes de remplissage de la baignoire le temps de laver les cheveux et le reste du corps. La saleté évaporée et la bonne odeur – qui lui donnaient clairement l’impression d’être déjà plus présentable même en étant littéralement nue comme un ver – semblaient lui donner assez de courage pour s’enrouler dans sa serviette, arrêter l’eau de la baignoire et traverser la chambre attenante pour passer sa petite tête par l’entrebâillement de la porte à la recherche de son compagnon nocturne. « Camil ? » Dès lors qu’il apparaissait dans son champ de vision, elle s’exprimait instantanément avant de se dégonfler. « Je ne crois pas être la seule à mériter de la détente et si mes souvenirs sont bons, ta baignoire est assez grande pour deux. Si tu veux… » Le doute, toujours le doute, mais au moins elle avait osé. Sans arrière-pensée, elle lui proposait simplement de l’accompagner avant que leur commande n’arrive. Si elle n’était plus autant à l’aise avec sa nudité qu’avant, elle comptait sur la mousse du bain pour la camoufler et quand bien même ses formes pouvaient s’apercevoir à un moment ou un autre, s’il y en avait bien un qui ne posait plus de questions les concernant, c’était bien lui. Elle s’en trouvait naturellement plus à l’aise, l’absence de question lui garantissant un esprit plus tranquille. « Je laisse la porte ouverte. » disait-elle comme son espièglerie revenait naturellement quand elle était avec lui. A lui de choisir tandis qu’elle faisait demi-tour, prenant les devants, se glissant dans l’eau chaude du bain dans un soupir de bien-être qui n’avait pas traversé le seuil de ses lèvres depuis longtemps. @Camil Smith
Dernière édition par Deborah Brody le Dim 29 Jan 2023 - 20:13, édité 2 fois |
| | | | (#)Jeu 22 Déc 2022 - 22:12 | |
| « Ne sois pas trop dure avec toi-même, Deb. » Conseilla Camil, dont la paume caressait les cheveux foncés de sa prétendue petite-amie. Il la sentait désemparée, complètement perdue, pour ne pas dire anéantie. Elle semblait submergée — par ses émotions, par les écueils de la vie, par ses réactions. Il l’avait toujours connue souriante et pétillante, pleine de vie ; aujourd’hui, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. « Je sais que tu y arriveras. » Même si elle doutait d’elle, de sa capacité à surmonter cette double épreuve — une grossesse qui n’existait pas, doublée du poids de la culpabilité d’un passé qu’elle pensait avoir laissé derrière elle. La vie pouvait parfois nous jouer des tours cruels, quand on y pensait. « Parce que tu es forte, et que tu sauras trouver les ressources nécessaires pour ressortir grandie de ce que tu es en train de traverser. » Ce ne serait pas sans difficulté, sans souffrance ; mais elle y parviendrait, Camil était prêt à en mettre sa main à couper. Ça prendrait du temps, forcément ; il faudrait qu’elle soit patiente. Et, même s’il devait se tenir éloigné de Deborah pour éviter de remuer tout un tas d’émotions et de sensations étranges en elle, il veillerait. À distance, mais il veillerait. S’assurerait qu’elle aille bien, qu’elle ne manque de rien. « Moi, j’ai foi en toi. » Confessa le politicien à voix basse, avouant ce qui lui semblait être un secret de polichinelle. « J’ai toujours eu foi en toi. » Quand il l’avait embauchée, bien que sans réelle expérience préalable, en tant que community manager. Quand il lui avait fait confiance pour alimenter ses réseaux professionnels, pour le faire briller d’une autre façon. Quand il lui avait proposé une association aussi tordue que diabolique, pour qu’ils deviennent l’un des couples les plus tendances de l’année.
Il savait qu’il fallait beaucoup de force et de courage à Deborah pour quitter son appartement, dont elle avait fait son antre depuis de longues journées. Elle s’était réfugiée ici, seule et moralement blessée, pour se laisser submerger par sa peine sans que personne ne vienne l’en empêcher. Dans la pénombre de son lieu de vie, elle pouvait se laisser aller à ses émotions. Pleurer si elle en avait envie ; crier si elle en avait la force ; se laisser vivre quand le poids de la douleur devenait trop lourd à porter. Il n’y avait personne pour constater sa déchéance, et son évident manque d’entrain. Camil comprenait tout ça ; lui aussi, par le passé, avait traversé des épisodes difficiles. Mais le temps des lamentations devaient parfois être bousculé, et c’était exactement ce qu’il avait escompté faire ce soir, en rendant visite à son amie. Un mal pour un bien ; désormais enlacés dans l’ascenseur de la résidence du politicien, ils semblaient tous deux intouchables. Comme ils l’avaient été par le passé, en de nombreuses occasions. Ils n’étaient plus Deborah et Camil, non ; ils étaient un duo, une entité. Envers et contre tous. « Je sais. » Confirma-t-il en inclinant légèrement la tête, alors qu’il croisait le regard doux de l’Irlandaise. Ses traits avaient l’air d’être plus détendus, moins crispés depuis quelques minutes. Se laissait-elle enfin aller, maintenant qu’elle se savait en confiance avec son fidèle acolyte ? Ç’aurait été là une première victoire, aux yeux de Camil. « Ce ne sera pas nécessaire. » Avoua le blond, tandis qu’il déposait ses clés de voiture sur le meuble de l’entrée. « Je ne veux pas que tu me sois redevable de quoique ce soit. » Précisa-t-il, alors qu’il retirait sa veste de costard. Il la déposa sur l’une des chaises de la cuisine, et proposa à son invitée de commander le repas. Autrefois, cette question aurait soulevé des cris d’enthousiasme ou de désapprobation. Ils se seraient disputés pour le choix des plats et auraient négocié âprement — on ne plaisantait pas avec la nourriture, ici — avant de trouver un terrain d’entente. Mais cette scène, qui s’était produite tant de fois, paraissait être un souvenir d’un autre temps. Retenant un soupir qui n’avait pas réellement lieu d’être, l’Américain entraîna Deborah à sa suite, et lui proposa de prendre un bain en attendant le dîner. Il savait qu’elle avait toujours affectionné se détendre dans l’eau chaude, et espérait ainsi lui faire renouer avec d’anciennes habitudes agréables. Chasser ses mauvaises pensées, en en invoquant d’autres, plus douces et plus réconfortantes. Ce ne serait sans doute pas une solution magique, mais le blond avait au moins un mérite : celui d’essayer, plutôt que de rester les bras ballants.
Il avait quitté la salle de bain, offrant à Deborah toute l’intimité nécessaire à son épanouissement. Pourtant, il n’avait pas eu le coeur de retourner dans les pièces communes de son appartement ; il préférait rester à proximité d’elle, au cas où. Mais au cas où quoi, au juste ? Lui-même n’en avait pas la moindre idée. Il avait ouvert son ordinateur, consulté ses mails, et répondu à certains qui s’avéraient être plus urgents que d’autres. Il aurait pu passer sa soirée à travailler, mais il s’y refusait ; la présence de Deborah primait sur le reste. Et cette dernière ne tarda pas à se rappeler à son bon souvenir. « Oui ? » Répondit-il machinalement, en relevant la tête vers l’Irlandaise. Enveloppée dans une serviette, elle semblait presque intimidée de lui proposer de partager un moment privilégié. Il hocha la tête, sans pourtant lui donner de réponse claire. À vrai dire, il était mitigé. Devait-il la laisser seule, profiter de cet instant de répit ? Ou, à l’inverse, devait-il aller la retrouver pour lui montrer qu’il était là, malgré les difficultés ? Il y a quelques mois de cela, la question ne se serait même pas posée : il l’aurait rejointe, sans la moindre hésitation. Incapable de prendre une décision, ce n’est que le bruit strident de la sonnerie qui l’interrompit dans ses réflexions. Il referma son ordinateur, qu’il déposa à même le sol de sa chambre, et alla réceptionner sa commande. Il tendit machinalement un billet au livreur, qui ne paraissait pas l’avoir reconnu — une aubaine, quand on savait quelle importance Camil accordait à sa vie privée. Le sac en kraft à la main, l’Australien retourna dans sa chambre, sans s’y arrêter. À la place, il poussa la porte de la salle de bain. « Fais-moi de la place. » Réclama-t-il, alors que ses doigts s’activaient sur la boucle de sa ceinture. Il avait déjà ouvert sa chemise, dont les pans légèrement écartés laissaient voir un torse musclé. Il se détourna momentanément de la brune, après que leurs regards se soient brièvement croisés. Elle n’avait pas de doute à avoir sur lui, ni sur ses agissements : il ne venait pas la retrouver à dessein, mais simplement pour passer un moment agréable en sa compagnie. Il récupéra une serviette de bain qu’il posa sur le socle de la baignoire, et, après s’être entièrement déshabillé, y grimpa et se laissa envahir par l’agréable sensation de chaleur de l’eau. Il soupira, et posa sa tête sur la serviette qui se trouvait derrière lui. « Putain, c’est la meilleure des choses que j’ai faite depuis longtemps. » Avoua-t-il, les yeux fermés, alors qu’il sentait les muscles noués de son corps réagir favorablement à la chaleur et à l’humidité. Il se laissa progressivement envahir par la sensation de bien-être et ne réagit que lorsque son estomac se rappela à son bon souvenir. Il se redressa légèrement, récupéra le sac qu’il avait laissé au sol, et en extirpa les deux plats qu’il avait commandé. Il les ouvrit, les disposa sur le rebord de la baignoire, et reprit sa position. Entraînant cette fois-ci Debbie contre lui, sans la moindre arrière-pensée. Il chassa les quelques cheveux foncés qui lui chatouillaient le torse et, après s’être assuré que la tête de la brune était correctement calée contre son épaule, entreprit de goûter au festin qu’il s’était fait livrer. « C’est n’importe quoi, ce soir. » Fit remarquer le blond en ricanant, amusé par cette improbable situation. Avec ses baguettes, il pinça l’un des spring rolls, qu’il porta ensuite à ses lèvres. Il croqua dedans, et proposa le reste à Deborah. Avant d’enchaîner avec les autres pièces qui avaient été commandées. Chaque bouchée qu’elle acceptait était une petite victoire personnelle pour Camil, mais dont il ne se vanta pas. Il déposa finalement les baguettes sur le petit plateau vidé des victuailles, et entoura son cou d’un bras possessif. « J’ai l’impression d’avoir à nouveau quatorze ans. Tu sais, quand tes parents ne sont pas là et que tu fais des trucs que tu n’as habituellement pas le droit de faire. » Il nicha son nez dans le cou de la brune, et rit doucement. « Ça m’avait manqué. » Admit-il, plus détendu qu’il ne l’avait été au cours des dernières semaines. La présence de Deborah, à laquelle il s’était accoutumée, lui faisait du bien. C’était indéniable.
Le corps obstinément tourné vers la baie vitrée, le regard de Camil était perdu dans l’immensité de la ville. Il discernait plus qu’il ne voyait les petits points lumineux, indiquant qu’il n’était pas le seul à veiller ce soir. En d’autres circonstances, il aurait probablement mis son insomnie à profit ; mais l’idée de déserter ce lit ne lui traversa même pas l’esprit. Pas ce soir, pas alors que Deborah Brody était allongée à quelques malheureux centimètres. Pas alors qu’elle avait probablement dû faire un effort inconsidéré pour rester, pour s’allonger, et pour essayer de grappiller quelques heures de sommeil. Le blond soupira, et se retourna. Il croisa les bras sous sa tête, espérant trouver dans la contemplation de son plafond immaculé une porte de sortie. Malheureusement pour lui, il n’y avait pas d’échappatoire. « Debbie ? » Murmura Camil, alors que ses yeux restaient obstinément fixés sur le plafond. Il devinait qu’elle ne dormait pas ; sa respiration avait encore un rythme normal. Il n’obtint aucune réponse, mais comprit que cet étrange silence était propice à la confession. Il effectua un ultime quart de tour, et se retrouva sur son autre flanc. Par chance, le dos de Deborah lui faisait face ; ça lui facilitait les choses. Il passa son bras sous l’oreiller de la brune, et colla son corps au sien. Faisant fi de la tension qu’il sentait émaner du corps de la brune, il déposa sa main libre sur sa hanche. « Je suis désolé. » Souffla-t-il à voix basse, en baissant la tête. Son nez venait chatouiller sa nuque, et il inspira profondément pour trouver l’once de courage qui lui faisait cruellement défaut. « Je n’aurais pas dû réagir comme ça, quand tu m’as dit que tu étais enceinte. J’ai vraiment été con. » Il avait coché toutes les cases du parfait connard, et avait eu une attitude détestable. Ne pas la croire immédiatement, alors qu’il ne l’avait jamais vue aussi chamboulée ? Imaginer que le géniteur pouvait être un autre homme que lui, alors qu’elle consacrait ses journées aux bonnes oeuvres et qu’ils se tenaient mutuellement éveillés les nuits ? Il avait déconné, sur tous les points. Il outrepassa la barrière en tissu qui protégeait les formes de l’Irlandaise, et déposa sa main sur son ventre rebondi. Pour la première fois. Sans demander la permission. Parce qu’après tout, il était aussi responsable de cet état. C’était étrange, vraiment étrange. De sentir cette forme singulière, alors que son ventre n’abritait rien. « Je sais que les mots n’effacent rien, mais… » Bon sang, comment poursuivre ? Comment mettre des mots sur son attitude, son ressenti, sa vérité ? Mais c’était là son seul exutoire. Sa paume se posa sur le centre du ventre de Debbie, et il consentit enfin à dire ce qu’il avait sur le coeur. « Ça n’aurait pas été si grave, si ça avait été réel. » Avoua-t-il du bout des lèvres, alors qu’il sentait sa main devenir moite contre la peau de la brune. Stressé, inquiet, angoissé. Mais maintenant qu’il avait commencé, il ne pouvait plus s’arrêter. Il fallait qu’il aille au bout de son propos, au bout de son idée. Égoïstement, lui aussi avait besoin de se confier. Sans savoir si ses mots seraient apaisants pour la brune ou, à l’inverse, dévastateurs. « On n’aurait probablement pas été des parents parfaits, mais… » Machinalement, ses doigts se replièrent légèrement sur l’arrondi du ventre de Deborah. Aujourd’hui, sa grossesse nerveuse était non seulement visible, mais elle était aussi palpable. Et c’était déroutant, terriblement perturbant. « Mais je sais qu’on aurait fait de notre mieux, et qu’on l’aurait aimé inconditionnellement. » Et ça, ça valait peut-être tout l’or du monde.
@Deborah Brody |
| | | | (#)Dim 29 Jan 2023 - 20:11 | |
| « Je ne me sens pas redevable, j’en ai envie. » Bien sûr qu’elle lui revaudrait ça, quand les choses iront mieux. Depuis combien de temps n’avait-elle pas eu de réelle envie comme celle-là ? Trop longtemps pour ne pas l’exprimer et si quelqu’un méritait amplement d’être bénéficiaire des rares envies de la brune, c’était bien Camil. Tu y arriveras. Tu es forte. J’ai toujours eu foi en toi. Ses paroles résonnaient en elle, s’imprimaient dans son cerveau comme des mantras à suivre, comme des affirmations à ne jamais oublier pour ne pas finir de sombrer. Il était son petit espoir au milieu du chao, son socle quand tout s’effondrait, l’assurance dont elle avait besoin pour rester à flots. Il était celui qui trouvait les mots et parfois, à défaut, les bons gestes pour apaiser ses maux. Il s’était montré patient avec elle – c’était encore le cas aujourd’hui – elle avait mûrie à ses côtés et ne pouvait que l’en remercier pour ça. Il lui apportait l’apaisement qui lui avait tant fait défaut pendant des années. Alors c’était presque sans hésitation et avec une pointe de timidité nouvelle qu’elle lui proposait quelques minutes plus tard de la rejoindre dans le bain. Une vieille habitude qu’ils n’avaient pas partagée depuis longtemps. Depuis que les rondeurs de la brune ne quittaient plus son corps, elle se cachait, du regard des autres mais aussi de son propre regard. Passer au-dessus lui demandait un effort que personne ne soupçonnait mais il était moindre à côté du plaisir de partager un moment avec lui en toute simplicité, sans plus de question, sans arrière-pensée, sans dessein si ce n’était celui du repos et de la douceur naturelle qui s’en dégageait. Les victuailles récupérées, il la rejoignait dans la baignoire, prenait le temps d’en apprécier sa chaleur avant de se caler pour pouvoir manger, un bras autour d’elle. Si Deborah était relativement silencieuse, c’était son corps qui parlait pour elle. La tension qui l’habitait depuis le début de la soirée avait disparue. L’une de ses mains caressait avec une délicatesse automatique le bras possessif de Camil. Son visage était plus détendu, ses traits plus apaisés. Il ouvrait une parenthèse appréciable où tout ne se réglait pas, certes – il suffisait de constater qu’elle n’acceptait d’avaler que les rares spring rolls végétaux, ce n’était même pas la peine d’essayer ceux au poisson – mais il était aisé de constater qu’elle se laissait un répit dans la morosité. « Quand mes parents n’étaient pas là, si je faisais une bêtise, c’était le risque de me faire cafter par ma frangine mais je vois ce que tu veux dire. » disait-elle dans un rire léger, se blottissant un peu plus contre lui, si cela était encore possible. « A moi aussi. » avouait-elle simplement sans qu’aucune difficulté de l’en empêche. Le reste de la soirée se passait dans le même calme. Lors du coucher, le besoin naturel de bouger pour trouver sa place les avait séparés. Le silence l’avait immanquablement replongée dans ses pensées, de quoi la maintenir réveillée contre son gré – et il fallait avouer que son corps commençait sérieusement à s’habituer à une dose d’alcool et de somnifères pour trouver le sommeil, ce qu’elle n’avait clairement pas osé s’administrer ici. Il n’était brisé que par la voix de Camil qui l’appelait. Naturellement, elle craignait un peu ce qu’il avait à lui dire. Pour cause, elle le pensait endormi alors que pouvait-il avoir en tête pour être réveillé lui aussi ? Son mouvement inattendu vers elle la tendait un peu – davantage sa main si proche de la représentation la plus visible de sa grossesse nerveuse. Elle l’écoutait attentivement avant qu’un soupire ne glisse entre ses lèvres. Est-ce qu’elle lui en voulait pour ça ? Bien sûr que non. Elle avait mis sa réaction sur le dos du choc de la nouvelle et elle était un peu peinée qu’il soit désolé pour ça, désolé d’être simplement humain et ne pas avoir su se contenir quand il était normal de ne pas toujours être un roc. « C’est oublié depuis longtemps tu sais, je t’en ai jamais voulu pour ça. »Ce qu’elle n’attendait néanmoins pas, c’était bien que sa main vienne se poser contre son ventre arrondi au-delà du t-shirt qu’elle lui avait volé pour la nuit. Un geste qui lui pinçait instinctivement le cœur tant elle s’interdisait de le faire elle-même – une entreprise difficile quand on avait déjà vécu une grossesse réelle parsemée de ce réflexe. Elle se retenait farouchement de le repousser parce qu’elle sentait et entendait à sa voix qu’il en avait besoin. La douceur de ses gestes et le calme de sa voix tranchaient furieusement avec ses mots. La douleur se réveillait instantanément lorsqu’il lui avouait ce qu’il gardait sur le cœur depuis probablement de longs mois. Le fracas de son cœur semblait lui faire bourdonner les oreilles. Ça ne l’aurait pas gêné d’être père, de partager une coparentalité avec elle. Elle savait combien la famille était importante pour le blond et l’entendre dire que ça n’aurait pas été aussi grave que ce que sa réaction initiale avait fait croire, cela passait du baume sur une blessure qu’elle ne soupçonnait jusqu’alors pas. Il l’incluait dans une hypothétique équation, celle d’être des parents, le rôle le plus important pour n’importe quel enfant et ce n’était pas rien. Ses derniers mots finissaient de réduire en miettes la résistance de Deborah. Elle se mettait à pleurer, se retournant vers lui pour une étreinte où le but n’était pourtant pas qu’il la console. « Merci. » disait-elle, coincé entre deux souffles courts et sanglotants. Elle réalisait. Elle réalisait ce qu’elle ne parvenait pas à exprimer auprès de la psychologue depuis des mois : le conditionnel utilisé dans les quelques mots de Camil lui ouvrait les yeux. Elle ne l’aurait pas aimé inconditionnellement… elle l’aimait déjà inconditionnellement et ce dès l’instant où ils l’avaient cru réellement enceinte. Aujourd’hui, elle traversait le deuil de leur enfant qui n’avait jamais existé. Une douleur qu’elle n’arrivait pas à gérer parce qu’elle était restée dans l’étape du déni et qu’elle s’obstinait à vouloir traverser tout ça toute seule, persuadée que l’histoire ne la concernait qu’elle tant le focus c’était fait sur sa première grossesse. Ses pleurs étaient ceux de la douleur du vide mais aussi ceux de la douleur d’en avoir oublié Camil. Elle s’était tant renfermée sur elle-même qu’elle l’avait maladroitement mis de côté dans le processus. Egoïstement, elle ne s’était jamais souciée de ce que lui pouvait ressentir par rapport à tout ça alors qu’il était tout autant concerné qu’elle dans cette grossesse nerveuse. C’est entre toi et moi, Debbie… Et ce sera toujours le cas. n’était-ce pas ce qu’il avait dit ? Eux contre le reste du monde. Pas elle toute seule et lui à côté. Elle s’en voulait de ne jamais s’être posée les questions. Comment est-ce qu’il vivait les choses ? Attendait-il juste que les choses se tassent ? Se sentait-il aussi dévasté qu’elle à l’idée de vivre une grossesse sans enfant en fin de course ? Les questions s’entrechoquaient dans son esprit mais elle n’était pas encore capable de les exprimer, trop prise pendant les quelques minutes qui suivaient à déverser sa douleur dans les larmes pour mieux retrouver son calme le moment venu. « Pardon de ne pas m’être souciée plus de toi. » murmurait-elle à son oreille lorsqu’elle était de nouveau capable d’un filet de voix, son pouce caressant sa nuque dans un geste qu’elle voulait apaisant pour lui autant qu’il l’était pour elle. « J’aimerai que tu me dises ce que tu ressens par rapport à tout ça, comment toi tu le vis. Si tu en es capable. » Elle comprendrait qu’il n’ait pas l’envie et/ou la force de le faire. Elle le constatait à chaque séance avec la psy : mettre des mots n’a rien d’évident, surtout quand ça nous touche aussi personnellement. Se retirant de l’étreinte, elle essuyait le sillon de ses larmes avant de se redresser pour mieux s’asseoir, le dos en appui contre la tête du lit mais toujours tournée vers Camil. Le contact n’était pas entièrement rompu, sa main était venue chercher la sienne dans un soutien dont il avait peut-être besoin. « Tu peux aussi venir avec moi chez la psy si tu en as envie ou si tu préfères lui en parler à elle plutôt qu’à moi. » elle lui ouvrait toutes les portes, lui offrait toutes les possibilités, réellement inquiète à présent de ce qu’il ressentait. Était-il dans un deuil comme elle pouvait l’être ? @Camil Smith
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| | | | (#)Lun 6 Fév 2023 - 22:00 | |
| « Plus jeune ou plus âgée, ta soeur ? » Impossible à deviner, même si par défaut, Camil attribuait le rôle de cafteuse à une personne plus jeune. À tort, peut-être. « Tu ne parles jamais de ta famille. » Fit remarquer Camil. Une fois seulement, elle lui avait mentionné l’existence de son frère. Mais il n’en savait pas plus et, à l’époque, il n’avait pas posé de questions supplémentaires. « Il y a une raison ? » Demanda-t-il, alors que son bras entourait toujours avec possessivité le cou de la brune. Il attrapa un des rouleaux de printemps, qu’il trempa dans la sauce et qu’il dirigea vers la bouche de Debbie. « Dernier. » Promit-il à voix basse, avant qu’elle n’ait le temps de protester. Un sourire satisfait, que la brune ne vit pas, étira les lèvres de Camil. Il déposa les baguettes sur le rebord de la baignoire, et posa sa joue sur le haut de la tête de l’Irlandaise. « Je sais que tu as fait des efforts parce que tu n’as pas beaucoup d’appétit, alors merci. Je suis fier de toi. » Il le pensait, sincèrement. Cette remarque pouvait paraître infantilisante, mais elle ne l’était pas ; Camil souhaitait simplement témoigner son soutien à l’Irlandaise. Ce repas, il le considérait comme une petite victoire. Une première étape franchie, qui en entraînerait peut-être d’autre. Partiellement apaisé, le blond soupira et laissa sa tête retomber paresseusement contre la serviette, qu’il avait soigneusement déposé sur le rebord de la baignoire.
Allongé dans son lit, les prunelles du politicien restaient désespérément ouvertes. Ne pas trouver le sommeil était une chose ; mais que son esprit le maintienne éveillé en était une autre. L’Américain était tourmenté, et ça ne datait pas d’hier. Alors, même s’il se jetait clairement dans la gueule du loup et qu’il n’avait aucune idée de la façon dont les choses allaient tourner, il se montra transparent avec la brune. Prenant même la liberté de déposer sa main à un endroit qui lui était interdit — le ventre de Deborah, qu’il sentait arrondi sous sa paume. Elle l’avait silencieusement autorisé à faire ce geste, même si Camil avait bien senti le vent de panique et de fraîcheur qui s’était brusquement levé. « Pleure pas. » Murmura le blond, alors que l’une de ses mains passait dans sa nuque, tandis que l’autre se logeait dans ses cheveux. Il pouvait sentir son corps trembler contre le sien, et les larmes rouler contre la peau de son cou. « Je ne voulais pas te mettre dans cet état. » Mais de quel état parlait-il, au juste ? De cette grossesse nerveuse, des larmes qui roulaient actuellement le long de ses joues ? Des deux, sans doute. « Je suis désolé. » Ajouta-t-il finalement, alors que sa poigne se resserrait autour de la brune. C’était sa façon à lui de lui prouver un élément essentiel : jamais il ne la lâcherait. Ils avaient toujours été un duo, et avaient toujours fonctionné comme tel ; séparément ils étaient bons, à deux ils excellaient. Autant associer leurs forces communes… et faire front, ensemble, lorsque les épreuves se succédaient. Ils restèrent longtemps, sans bouger, sans prononcer le moindre mot. Parce que la situation n’en nécessitait aucun, évidemment.
« Je n’avais pas besoin que tu te soucies de moi. » Répondit l’Américain, la tête nichée dans le creux du cou de l’Irlandaise. Pace que lui, contrairement à elle, ne s’était pas effondré. Bien sûr, cette annonce de cette grossesse surprise lui avait porté un coup, violent et inattendu. La vérité était bien plus complexe qu’elle ne pouvait y paraître : Camil n’avait jamais été en mesure de trancher quant au fait que ce soit une bonne ou une mauvaise nouvelle. Les émotions contradictoires s’étaient succédées et, bien vite, l’état de Deborah avait pris le dessus sur ses propres sentiments. L’échine courbée, il laissait la brune passer et repasser ses doigts sur sa nuque, comme elle avait tant de fois pu le faire auparavant. Cette légère caresse, répétée inlassablement, lui faisait le plus grand bien. Il sentait ses muscles se détendre les uns après les autres, et le poids dans ses entrailles disparaître progressivement. Se confier à elle l’avait, égoïstement, grandement soulagé. Depuis combien de temps s’était-il dit qu’il devait lui dire la vérité ? Qu’il devait se montrer transparent ? Qu’elle méritait de savoir, et peut-être même d’être rassurée quant à ses intentions ? Il n’était pas parfait, Camil. Et il ne le serait jamais. La brune se redressa lentement, posant son dos contre la tête de lit. Le politicien retint un soupir lorsqu’elle lui demanda de lui livrer ses ressentis et autres émotions — un travail dont il était capable, mais qui lui coûtait toujours beaucoup. « Continue. » Réclama-t-il, alors que sa main était logée dans la sienne pour l’encourager à se confesser. Il quémandait, et gagnait quelques secondes de plus — une illusion, puisqu’il allait clairement se jeter dans le grand bain. Il fit un léger mouvement pour déposer la main de l’Irlandaise dans son cou et, aussitôt, la peau chaude de Debbie contre sa nuque le fit fermer les yeux pendant une seconde. Il bougea légèrement et, après avoir pris une position plus confortable pour pouvoir croiser le regard de la brune sans se faire un torticolis, entoura son oreiller de ses bras. Il laissa sa tête reposer dessus, soupira légèrement, avant de secouer la tête. « Je ne veux pas parler à ta psy. » Au moins c’était clair, net et précis. Être face à un professionnel pour parler, et confier ses secrets les plus intimes ? Ce n’était même pas envisageable. Avouer ce qui pouvait le tracasser, le terrifier et le hanter ? Jamais ; non pas par peur qu’une tierce personne s’en serve contre lui, mais plutôt parce qu’il craignait que le sol se dérobe sous ses pieds. Il soupira légèrement, et murmura : « Mais je veux bien te dire ce qui m’a traversé l’esprit. » Et c’était là une grande preuve de confiance qu’il lui faisait. Il inspira profondément et, se replongeant dans ses souvenirs, commença à raconter à Deborah. « Ça fait des années que je chante à qui veut l’entendre que je suis stérile. » Déclara-t-il, le regard perdu dans le vague. Un léger sourire étira ses lèvres, alors qu’il repensait à la jeune version de lui-même élaborer une stratégie pour justifier son absence d’engagement. « Ça m’évitait de répondre aux questions concernant ma vie sentimentale, et d’expliquer pourquoi à quarante ans, je n’étais toujours pas père. » Les raisons étaient aussi diverses que multiples ; d’abord, il n’avait jamais réellement ressenti le besoin de faire un enfant. Il s’était occupé de Sixtine et, peut-être qu’inconsciemment, il avait fini par la considérer comme sa propre fille. Ensuite, il avait toujours mis sa carrière au premier plan, reléguant de facto au second sa vie privée. Véritable bourreau de travail, l’Américain n’avait jamais eu d’autre priorité que celle d’être élu à la Chambre des Représentants — et il y était arrivé, à grand coup d’acharnement et de sacrifice. « Je crois que j’ai moi-même fini par croire à mon mensonge. » Admit-il en faisant la moue. Parce que ça l’arrangeait bien, parce que ça lui évitait des tracas. S’arranger avec la vérité, ça pouvait être parfois bien pratique. « Alors forcément, quand tu m’as dit que tu étais enceinte… » Il n’avait pas pu assimiler l’idée immédiatement. Et surtout pas celle qu’il puisse être le géniteur de l’enfant qu’elle portait. Ce qu’il lui avait indirectement fait comprendre, lorsqu’il lui avait demandé de qui cet enfant était. Maladresse, quand tu nous tiens… « C’était juste pas possible que ce soit moi. » Un rire ironique s’échappa de ses lippes, alors qu’il continuait à lui exposer son propre déni. Bien sûr, il n’avait jamais été question d’exclusivité entre eux. Mais, soyons réaliste : à quel moment, l’un comme l’autre, aurait-il pu avoir le temps d’entretenir une relation sur le long terme avec une tierce personne ? « Pourtant, tous les indices étaient là et concordants : tu passais toutes tes nuits ici, je n’avais jamais franchement été regardant sur la contraception et… » Il gloussa, et releva les yeux vers Deborah. Partageant un regard complice, alors qu’il admettait à voix-haute : « Et il y avait bien longtemps qu’on avait arrêter de jouer les prudes, quand il s’agissait de … » Pourquoi n’arrivait-il pas le dire à voix-haute, alors que l’acte lui avait autrefois semblé si naturel ? Lâchez-les ensemble, et ils se transformaient en véritables adolescents troublés par leurs hormones. Ils avaient tantôt baisé, tantôt fait l’amour ; pourquoi était-ce si difficile à admettre ? Parce qu’ils partageaient désormais une relation platonique ? Non. Peut-être parce que le résultat de leurs ébats avait été dramatique. « Bref, tu vois ce que je veux dire. » Puisqu’elle avait été la principale actrice de leur jeu, il n’y avait que peu de suspense. « Quand j’ai réalisé ma connerie, c’était déjà trop tard : j’en avais trop dit, et le mal était fait. » Et l’engueulade avait commencé, forcément. Le déni, la colère… Ça avait été très rapide, pour Camil. Seule l’acceptation avait été plus longue. « Je me suis senti tellement minable, si tu savais. » C’était la seule fois où, troublé et se considérant comme étant franchement dans la merde, il était allé empirer son cas en allant s’enivrer dans un bar de la ville et baiser avec une autre. « Et j’étais démuni. Je te voyais sombrer, je ne savais pas quoi te dire pour te remonter le moral, et j’ai supposé que ma présence t’était devenue insupportable. » Et c’est parce qu’il avait été à court d’idée que, finalement, il avait décidé de prévenir le colocataire de Debbie, Joseph. Un homme qui lui sortait par les yeux pour des raisons diverses et variées, mais qu’il avait jugé bon de prévenir de l’état de santé de Deborah. « Sixtine n’était pas là pour veiller sur toi, et… J’étais inquiet. Alors j’ai contacté Joseph. » Il ricana, trouvant la situation loufoque. Les deux ennemis, discutant par messages de leur seul point commun. « Je ne lui ai rien dit, hormis le fait que tu n’allais vraiment pas bien et qu’il serait de bon ton qu’il passe chez vous pour te rendre visite. » L’avait-il fait ? Il n’en avait pas la moindre idée. Il n’avait jamais eu de ses nouvelles, et n’avait pas cherché à en avoir non plus. « Inutile de te dire que je ne suis clairement pas remonté dans son estime. » Il l’avait rendu, sans même savoir ce qu’il en était, coupable des maux de l’Irlandaise. Et il l’était, en quelque sorte. « Voilà, je crois que tu sais tout. » @Deborah Brody |
| | | | (#)Dim 12 Fév 2023 - 4:28 | |
| « Plus âgée, je suis la dernière de la famille et mon frère est l’aîné. » Trois enfants, plus proche de son frère que de sa sœur. Des jumeaux séparés de quelques années, c’est ce qu’on disait toujours d’eux. Ensemble dans l’adversité, toujours à se couvrir dans leurs bêtises quand leur sœur était à l’antipode. La poupée sage et bonne à l’école, pourtant tous bercés dans la même éducation. Main de fer dans un gant de velours. Un équilibre qui n’avait pas fonctionné sur tous les enfants, notamment elle. Vouloir éduquer chaque enfant de la même façon, c’était demander à un singe, un éléphant et un poisson de grimper à un arbre. C’était ainsi que Deborah voyait les choses aujourd’hui, persuadée qu’il ne faut pas faire preuve d’égalité mais d’équité pour le bien de tous – mieux encore, d’inclusion lorsqu’il est possible de supprimer la cause des inéquités. Seulement après avoir avalé le dernier rouleau de printemps, elle répondait à sa question. « Je sais pas trop quoi te répondre à vrai dire. » disait-elle en haussant légèrement les épaules. « Il y a pas vraiment de raison. J’en parle quand on me demande ou quand le contexte s’y prête comme maintenant. J’imagine que la distance fait qu’on en parle naturellement moins. » Parce qu’on ne vit pas avec eux, parce que les anecdotes deviennent inexistantes comme les discussions. Sxitine en était la preuve. Quand elle était encore en Australie, Camil lui en parlait très souvent. Aujourd’hui, c’était rare d’aborder le sujet, non seulement parce qu’elle avait conscience que ça faisait du mal au blond mais aussi parce qu’elle n’était plus là et que naturellement, il y avait moins à dire, moins d’aventures communes à conter. La soirée, elle, se finissait sur le discret mais sincère sourire de Deborah sous la fierté de son compagnon. La nuit venue, l’ambiance était différente. Les mots de Camil étaient venus la heurter, dans tous les sens. Aussi bien positivement que négativement. Il s’ouvrait à elle et elle aimait entendre cette confiance dans sa voix et ses confidences alors que dans l’autre sens, elle réalisait que cette grossesse nerveuse n’était pas dû qu’à sa première grossesse mais bien à un deuil implicite. Sa douleur, elle, venait chatouiller sa conscience, celle qui ne s’était pas souciée des ressentis de Camil, autant impliqué qu’elle. Un remord amer qui lui restait au travers de la gorge. Alors elle s’était effondrée dans ses bras. Les larmes avaient retrouvé leurs places sur son visage. Pourtant elle sentait que c’était un mal pour un bien. Une douleur nécessaire pour avancer, ouvrir les yeux, évacuer. « Arrête de t’excuser, tu n’as rien fait de mal. Tu n’as jamais rien fait de mal. » disait-elle avec une autorité qu’on ne lui connaissait plus depuis plusieurs mois. Bien sûr que tout était douloureux mais elle refusait qu’il s’en croit responsable quand il était le dernier sur qui porter le blâme. Il n’y était pour rien, absolument rien. Il ne faisait que l’aider depuis des mois et même si ça se finissait parfois dans les larmes, c’était pour mieux rebondir par la suite. Un tremplin douloureux mais un tremplin quand même, là où Camil ne semblait voir que la douleur et non le bénéfice de cette dernière. Elle s’excusait à son tour de ne jamais avoir pris la peine de lui demander comment il vivait les choses. Elle se sentait ridicule et particulièrement égoïste sur l’instant. Elle aurait aimé s’en rendre compte plus tôt, l’inclure plus tôt, être là pour lui autant qu’il l’était pour elle parce qu’ils n’arrivaient à fonctionner correctement que main dans la main, dans ce duo infernal qu’ils sont mais tellement solide. Porter un coup à l’un, c’était se prendre un revers de l’autre et inversement. Parce que Deborah était femme à croire qu’il vaut mieux tard que jamais, elle finissait par lui demander ce qu’il ressentait par rapport à tout ça. Il arrivait encore à la faire sourire lorsqu’il lui sommait de ne pas arrêter ses papouilles tandis qu’il se positionnait correctement pour être bien calé et pouvoir la regarder en même temps. Elle lui laissait le temps qu’il voulait pour s’exprimer, l’encourageait à se détendre en glissant sa main dans sa nuque pour de douces caresses, allant jusqu’à infiltrer ses doigts dans le col de son t-shirt pour lui gratouiller le haut du dos. Instantanément, il lui confiait qu’il n’était pas question qu’il aille voir un psy. Est-ce qu’elle en était étonnée ? Absolument pas. Elle le connaissait bien assez pour connaître son mode de fonctionnement, celui qui consiste à plus facilement se confier aux personnes de confiance qu’à des inconnus même professionnels. C’est pourquoi il lui confessait bien vouloir se confier à elle. De quoi la faire tendrement sourire pour l’encourager dans cette direction. Attentive, elle l’écoutait parler sans broncher, sans stopper ses papouilles non plus. Son regard ne quittait pas le sien quand il osait la regarder, son visage était neutre. Elle voulait avant tout qu’il puisse voir, s’il posait ses yeux sur son visage, qu’elle ne le jugeait pas, qu’elle était là pour l’écouter sans poser de jugement de valeur. Même si elle ne voyait pas bien où il voulait en venir au début, elle le laissait parler, trouver les bons mots pour conter et se faire comprendre. Elle comprenait, justement, qu’il s’en voulait réellement du comportement qu’il avait eu avec elle, du doute qu’il s’était permis d’émettre sur sa paternité au point de la rendre un peu piquante lorsqu’elle lui avait répondu pour la seconde fois qu’elle était sûre d’elle parce qu’elle n’ouvrait pas les cuisses à un mec différent tous les quatre matins. « Je vois très bien ce que tu veux dire, oui. » disait-elle dans un rare nasal. Elle s’en souvenait parfaitement et le reste avait découlé de là. C’était l’un des rares jours où ils s’étaient mal compris sur tous les plans au point de faire monter le ton. Si Deborah avait réussi à passer outre depuis longtemps, ce n’était visiblement pas le cas de Camil, bien ignorante qu’il avait été jusqu’à se saouler et coucher avec une autre. « Tu t’en veux encore aujourd’hui ? Parce que sincèrement, sans vouloir te brosser dans le sens du poil ou je-sais-quoi, tu ne devrais pas. Tu n’es responsable de rien et moi non plus, c’est ce que ma psy s’évertue à me dire. C’est tellement plus compliqué que juste un problème de contraception ou une parole maladroite. Ta réaction était la résultante de ta surprise, je sais que ce n’était pas vraiment pas toi, vraiment. » La preuve en était par la suite. La surprise passée, les jours qui avaient suivi, il s’était montré bienveillant à son égard et avait continué à le faire jusqu’à ce jour. Quant à l’idée de ne pas savoir l’aider, de s’inquiéter en la voyant sombrer, c’était une autre paire de manches. « Il est venu. » disait-elle sur Joseph sans développer davantage. Elle savait qu’elle inquiétait ses proches – ceux qu’elle voyait régulièrement en tout cas, comme le blond. Elle ne pouvait s’imaginer combien ça peut être difficilement supportable de se sentir inutile face à une personne aimée en détresse, psychologique comme physique d’ailleurs. « Ce n’est pas ta présence que j’ai fuis en reprenant mes affaires d’ici. C’est imposer ma tristesse aux autres que je ne supporte pas. J’ai fui pour me cacher, rien de plus. Tu es quelqu’un de bien Camil, n’en doute jamais et je sais que tu fais tout ce que tu peux et je ne serais jamais assez reconnaissante pour ça. » Il ne se sentait pas utile, pas assez présent. Il ne se rendait franchement pas compte qu’il était pourtant le plus présent de tous, le plus avenant, celui qui essaie tout ce qu’il peut, le plus à même de lui changer les idées comme ça a été le cas dans le bain, le plus apte à prendre soin d’elle probablement parce qu’il était concerné aussi par cette grossesse nerveuse mais surtout parce qu’il la considérait, réellement. Sous son regard, elle était humaine avec toutes ses facettes. Le roc sur lequel il pouvait s’appuyer comme la coquille fragile à ne surtout pas heurter. Elle pouvait être un tout avec lui quand avec d’autres, elle ne s’autorisait qu’une seule face. « Tu as même pas idée combien j’ai évolué à tes côtés ces dernières années. J’ai beaucoup mûri et je me suis assagie. Tu m’apportes un apaisant que je trouve nulle part ailleurs et je crois que tu ne te rends pas compte de l’importance que ça a d’avoir ce type de personne dans sa vie. Tu n’as pas à te sentir minable, coupable, insupportable et inutile. Tu ne l’es pas et j’espère sincèrement que tu vas réussir à le comprendre et surtout que tu vas réussir à le voir. » Il avait réellement un impact positif sur elle, même lorsque ses tentatives pour l’aider pouvaient parfois finir en échecs – comme la visite de Joseph justement qui l’avait davantage faite pleurée mais au moins elle était fixée et pouvait avancer de ce côté-là. « Presque tout. » Pendant quelques secondes elle hésitait et puis, finalement, elle se jetait à l’eau. Qu’avait-elle à perdre ? « Je sais que la question est pas forcément évidente alors tu n’es pas obligé de me répondre. Si tu arrêtes deux minutes de penser à moi, à ton passé, à la situation actuelle, finalement, tu es soulagé que ça finira par passé et que tout revienne à la normale ou tu aurais préféré que cette grossesse soit réelle ? » Elle n’avait aucune difficulté à croire que la question n’avait peut-être pas de réponse tranchée tant les éléments étaient nombreux à prendre en compte du côté de Camil. Du sien en revanche, c’était devenu plus claire que de l’eau de roche. « Je dois t’avouer que j’aurais préféré que ce soit réel, ça ne m’aurait pas dérangé non plus de vivre une coparentalité avec toi. » disait-elle, trouvant important de lui dire clairement qu’elle avait le même sentiment que le sien. Ils auraient fait de bons parents, elle en était intimement persuadée. « Pour le peu de temps où on a réellement cru que… aujourd’hui j’ai la sensation d’avoir vécu une fausse couche et de devoir faire un deuil plus que de vivre une grossesse nerveuse. J’imagine aussi que ça explique pourquoi ça prend autant de temps. »@Camil Smith
Dernière édition par Deborah Brody le Mar 7 Mar 2023 - 22:49, édité 1 fois |
| | | | (#)Mar 7 Mar 2023 - 22:47 | |
| « La dernière… T’es donc la pourrie-gâtée, je me trompe ? » Plaisanta l’Américain. Dans la plupart des familles, le dernier enfant né bénéficiait souvent de plus grandes largesses de la part des parents. En tout cas, c’était l’impression que Camil avait toujours eue… Même si, foncièrement, il ne constatait pas de grandes disparités entre lui et son propre frère. Peut-être était-ce parce qu’ils avaient quelques années d’écart, ou parce qu’ils avaient deux personnalités bien distinctes. Quant à Sixtine, les choses avaient été plus complexes que ce que les Smith avaient bien voulu faire croire. « Tu t’entends bien avec eux ? » Demanda le politicien, préférant ne pas s’appesantir sur les mensonges qui lui bouffaient la vie. S’intéresser à la sphère familiale de Deborah lui changeait les idées, et lui permettait d’en apprendre davantage sur elle. « Ils viennent parfois te voir en Australie ? » Non pas qu’il espérait être présenté à sa prétendue belle-famille… Ce qui n’aurait pas manqué d’être quelque peu rocambolesque, quand on savait quels étaient les liens qui unissaient Debbie et Camil. Un contrat, dans un premier temps. Saupoudré d’une relation décadente, qui n’avait pas manqué de les précipiter dans un tourbillon qu’aucun d’eux n’avait vu arriver. D’ailleurs, l’Américain s’interrogeait : est-ce que cette grossesse nerveuse avait été connue des Bordy ? Savaient-ils même que la dernière de la famille avait une relation avec un homme publique ? Les difficultés traversées avaient-elles donné envie à Deborah d’être plus proche des siens ? « Est-ce… Est-ce qu’ils te manquent ? » Les questions se succédaient, comme si le politicien cherchait à combler un vide de connaissance. Il fit ensuite remarquer à son amie qu’elle n’évoquait jamais sa famille, en tout cas avec lui. Un fait qui ne manqua pas de la laisser perplexe, et qu’elle lui expliqua de façon rationnelle. « Tu as sans doute raison. » Déclara le blond. Pour sa part, il avait l’impression de parler de Sixtine régulièrement — et ça avait été pire lorsque sa soeur vivait à Brisbane. Sixtine par ici, Sixtine par là ; c’était bien simple, l’aîné des Smith avait placé en sa soeur une confiance aveugle, et n’avait pas hésité à lui confier un poste avec des responsabilités au sein de sa campagne électorale. Mais depuis qu’elle était repartie aux Etats-Unis pour y subir un traitement expérimental, Camil avait préféré taire le prénom de sa soeur. Il gardait pourtant des contacts étroits avec elle, et il ne se passait pas une journée sans qu’ils n’échangent par téléphone. Mais c’était son jardin secret, et ses blessures à lui : il ne pouvait pas se permettre de flancher. Pas devant ses électeurs, pas devant son équipe de collaborateurs, pas auprès de sa famille, et encore moins avec Debbie dont la vie avait été sincèrement chamboulée. Il était seul dans cette épreuve, il le savait. Il espérait simplement s’en sortir le mieux possible, sans trop de dégât.
Puisqu’elle lui offrait une occasion en or d’essayer de se racheter, Camil s’engouffra dans la brèche pour faire son mea culpa. Sur son attitude, sur sa première réaction, sur son manque évident de tact. Il présentait bien et avait de bonnes manières, mais pouvait aussi se révéler être un parfait goujat quand la situation lui échappait ; Debbie en avait clairement fait les frais. Il se sentait mieux, maintenant qu’il avait pu lui faire savoir qu’il s’en était voulu d’avoir été aussi peu délicat. « Je m’en veux d’être si… Impulsif, parfois. » Admit Camil en faisant la moue. C’était l’un de ses principaux défauts, et il en avait pertinemment conscience. L’Américain essayait de lutter contre ce qu’il considérait être une faiblesse, notamment en public : sa profession l’y contraignait. Mais parfois, quand le choc était trop grand, le naturel revenait au galop. Deborah le dédouanait de toutes ses fautes, de tous ses mots ; il n’était pas coupable, pas responsable de ce qui leur arrivait. « Tu as sans doute raison. » Concéda le blond, sans être complètement convaincu non plus. Mais il n’a pas spécialement envie d’épiloguer sur le sujet. Deborah a ses démons ; Camil a lui aussi les siens.
Un rire sans joie s’échappa des lèvres du politicien. Alors comme ça, malgré l’accueil glacial — pour ne pas dire guerrier — qu’il avait reçu par message, et en dépit des mauvaises relations qu’ils avaient pu entretenir pour des raisons obscures, Joseph avait oeuvré en sachant son amie dans la détresse. « Je suis sûr que c’est depuis là que mes oreilles sifflent. » Plaisanta le blond en faisant la moue. Les deux hommes ne s’étaient jamais entendus — probablement en raison d'une histoire de domination quelconque, et un sentiment d’incertitude. « J’espère que ça ne t’a pas dérangé, que je lui dise que tu n’étais pas au meilleur de ta forme. » Si ça n’avait été qu’une passade, Camil n’aurait jamais rien dit. Mais il s’était senti démuni, et complètement impuissant. Il aurait volontiers envoyé Sixtine, mais sa soeur non plus n’était pas là. Il était seul, et incapable de gérer la peine et les difficultés que Debbie traversaient alors. Des maux sur lesquels elle était désormais prête à s’ouvrir davantage, et auxquels l’Américain prêtait une oreille attentive. Pour essayer de comprendre, pour essayer de l’aider, pour essayer de se sortir de cet indicible marasme. « Je n’ai pas peur des gens tristes. » Confessa Camil à voix basse. Lui-même avait été quelqu’un de profondément traumatisé, longtemps plongé dans un état second. Il s’était mis dans un mode automatique dont il ne voulait plus sortir, tant il craignait de craquer. À l’époque, alors que ses parents s’interrogeaient sur leur aîné et que leur cadet s’entraînait dur dans l’espoir d’avoir une carrière olympique, c’était finalement Sixtine qui l’avait aidé à reprendre contact avec la réalité. Par sa naïveté, sa candeur, son acharnement enfantin. Il s’était laissé berner — et ça avait été le début d’une grande complicité, entre eux. Deborah sortit le politicien de sa torpeur, alors qu’elle vantait ses qualités. « Tu as quelque chose à me demander ? » Il l’avait attentivement écoutée, et ses lippes s’étaient étirées en un sourire malicieux. « Parce que je te jure que c’est le moment où jamais. Après un tel discours, je ne peux pas te refuser grand-chose. » Sensible à la flatterie, Camil ? Naturellement, en bon politicien qu’il était. « Blague à part, je suis content d’avoir pu être à tes côtés. » Les dernières semaines avaient certes été difficiles, mais les autres mois avaient été denses, intenses, passionnés. Ils avaient été comme aspirés dans un tourbillon, et avaient largement profité.
« Je ne sais pas. » Répondit dans un premier temps le politicien, alors qu’il déposait sa joue contre son oreiller. Il soupira, et ferma les yeux pendant quelques secondes. Comment faire abstraction de ce qui s’était passé, au cours des dernières semaines ? Comment oublier cette annonce de grossesse, troublée et troublante ? Comment oublier que cette grossesse surprise avait été douchée quelques heures plus tard par une vulgaire prise de sang, qui indiquait que rien ne se passait contrairement aux apparences ? Comment fermer les yeux sur le ventre de Deborah, encore arrondi comme s’il abritait un petit être ? Et, surtout, pourquoi l’obliger à affronter une théorie qu’il avait dans un premier temps réfuté en bloc, tant elle lui faisait peur ? « Je ne me suis jamais autorisé à me poser cette question. » Confessa le politicien à voix-basse, s’ouvrant pour la première fois à ce sujet. Et qui plus est, auprès de la principale concernée. Il craignait que ses propos soient mal interprétés, ou mal pris par Deborah. Il ne voulait pas que ses mots, tels qu’ils soient d’ailleurs, lui fassent de la peine, ou ne rouvrent des blessures qui n’étaient pas complètement cicatrisées. « Ça aurait été la pire des périodes pour avoir un bébé. » Murmura Camil, dont les doigts dessinaient des formes géométriques sur le tissu de sa taie d’oreiller. Il avait été élu depuis quelques semaines à la Chambre des Représentants, après une campagne électorale éreintante. Il était entièrement, ou presque, dévoué à son nouveau poste, à son nouveau rôle. Alors, comment aurait-il pu gérer l’arrivée d’un enfant qu’il n’avait même pas prévu ? Ça lui semblait compliqué, pour ne pas dire impossible. Ça aurait été une source supplémentaire de stress, et probablement d’engueulade avec Debbie — quant à l’éducation, quant à sa disponibilité, quant à sa capacité à assumer son nouveau rôle. « Mais… » C’était tellement déstabilisant, de réaliser aussi clairement, aussi subitement et aussi soudainement les évidences que l’on s’était refusées de voir. Il suffisait à Camil de fermer les yeux pour imaginer Deborah, assise contre la tête de lit, berçant délicatement leur nouveau-né. Elle aurait relevé la tête en entrant Camil, lui souriant légèrement et lui intimant de se taire pour ne pas réveiller leur progéniture. Il se serait lentement approché de sa famille, aurait caressé la joue ronde de son enfant, et embrassé chastement celle qui aurait fait de lui un père. Oui, cette scène, il n’avait aucune difficulté à l’imaginer. « Quand je vois la relation que j’ai avec Sixtine… » Il soupira, et releva finalement les yeux vers Deborah. Prêt à se confronter à elle, à son regard, et à son éventuel jugement. Prêt à remuer le couteau dans la plaie, aussi. « Je me dis que si ça avait mon enfant, cette relation que j’aurais eu avec aurait probablement été aussi magnifique que magique. » Confessa le politicien. Alors oui, il y avait mille et unes bonnes raisons qui justifiaient de ne pas avoir un enfant avec Deborah. Et, à l’inverse, il y en avait mille et unes autres qui justifiaient d’avoir un bébé avec l’Irlandaise. Mais le destin en avait décidé autrement pour eux, et la descente aux enfers de la brune avait été douloureuse et interminable. « J’imagine que les stigmates physiques n’aident pas non plus à accepter la situation. » Supposa Camil, qui jeta malgré lui un coup d’oeil rapide sur le ventre arrondi de sa fidèle alliée. Dissimulé par le tissu qu’elle portait, il ne pouvait pas réellement voir ce qu’il en était— seulement imaginer. Mais quand il avait posé sa main sur cette forme révélatrice, il avait pu sentir à quel point tout cela semblait réel. « Tu penses qu’un jour, tu aimerais avoir un autre enfant ? » Demanda l’Américain après quelques instants d’hésitation. Parce qu’entre ce qu’elle vivait là et le traumatisme lié à l’abandon de son premier bébé, nul doute que Deborah devait trouver le sujet particulièrement sensible.
@Deborah Brody |
| | | | (#)Jeu 30 Mar 2023 - 19:42 | |
| Les questions de Camil faisaient naître en elle une nostalgie du passé. Son enfance lui semblait si proche et si loin à la fois. Les souvenirs étaient nets (parce que souvent marquants, dans le bon comme dans le mauvais sens) mais elle avait tant évolué qu’elle avait la sensation de ne plus tant se reconnaître. « J’ai jamais eu la sensation d’avoir été gâtée plus que les autres. » Un sourire emprunt de bêtise avait étirer ses lèvres un instant. « Il faut dire que je donnais pas beaucoup d’occasion de me gâter non plus, j’admets que j’étais difficile quand j’étais plus jeune. » N’importe quel parent n’allait pas récompenser des bêtises, c’était évident mais elle n’était pas privée non plus. Un équilibre nécessaire et elle pensait sincèrement, avec son recul d’adulte d’aujourd’hui, que ses parents avaient fait de leur mieux et qu’elle ne voyait pas bien comment les choses auraient pu se passer différemment dans un même contexte. « Globalement oui, je m’entends bien avec eux. Il y a quelques frictions avec ma sœur parce qu’on est très différentes mais ça n’ira jamais, je pense, jusqu’à la rupture totale de contact. On est quand même très soudés. » D’autant plus face à l’adversité, les Brody trouvaient toujours de bonnes raisons de se soutenir les uns les autres en faisant abstraction des frictions quotidiennes communes à chaque famille. Ils n’étaient pas sculptés dans le même moule mais ils étaient faits du même bois. « Depuis quelques années, c’est plus facile que je sois celle qui se déplace. » notamment vis-à-vis de son frère paraplégique et puisque ça faisait aussi quelques années qu’elle ne s’était pas rendue en Irlande… « Oui, ils me manquent. Surtout mon frère à vrai dire, ça a toujours été celui avec qui je m’entends le mieux, celui qui me comprend le mieux et à qui je sais tout dire. » Un soupir douloureux s’échappait de ses lippes tandis qu’elle précisait sa pensée. « Toute ma famille connait notre prétendue relation. La curiosité maternelle sur l’environnement de sa fille a fait qu’elle est tombée sur un article. En revanche, j’ai clairement demandé à Benjamin de faire en sorte qu’en dehors de lui, personne ne soit au courant de cette pseudo-grossesse. Il est le seul à savoir la vérité et ce qui s’y cache. » Notamment sa première grossesse et que celle-ci n’est que nerveuse. Les heures étaient passées, la conversation était de nouveau ouverte en ce milieu de nuit où aucun ne parvenait à fermer l’œil. « Tu peux compter sur moi pour te le faire sentir le jour où tu es injustement impulsif. Tu auras des raisons de t’en vouloir à ce moment-là mais ce n’est pas encore le cas. » Disait-elle sur un ton de bienveillance tant elle voulait lui faire comprendre qu’elle avait compris que sa première réaction avait été sur le coup de la surprise et que depuis, elle lui avait pardonné sans même qu’il présente ses excuses. Elle aurait probablement réagi de la même façon si elle avait été à sa place. Suite à cela, la conversation se tournait vers la visite de Joseph à son domicile. « A vrai dire, on a même pas parlé de toi, j’ai deviné par moi-même que sa visite était de ton fait. » simplement parce qu’il était le seul à Brisbane à connaître son état désastreux. Sans la demande expresse de Camil, Joseph ne serait pas venu ou, en tout cas, il n’aurait pas pris la peine de rester face à elle. « Non, ça ne me dérange pas, je sais que tu as voulu bien faire. » Était-ce la peine de développer ou son regard fuyant était suffisant pour comprendre que ça n’avait pas eu l’effet escompté ? Elle avait fini seule et ivre dans son lit, les traces de larmes toujours sur ses joues quand les somnifères avaient fini par faire leur effet et l’assommer. Pas de quoi se réjouir parce qu’elle n’était pas capable de lire entre les lignes de la conversation qu’elle avait eu avec Joseph. Elle finira par comprendre. Elle préférait mieux se concentrer sur lui, lui faire savoir combien elle avait grandi à ses côtés, dans le bon sens du terme. Plus sage, plus réfléchie, moins impulsive, d’autant plus capable de faire la différence entre ce qui était important et ce qui l’était beaucoup moins. Elle avait appris à relativiser, à se rendre utile, à se sentir utile. Un apaisement intérieur qu’il lui apportait et qu’elle ne trouvait nulle part ailleurs. Le genre qui se ressentait dans ce tendre sourire qu’elle lui servait, vite transformé en rire sincèrement. « Je demanderais qu’une chose : que tu parviennes à te voir comme moi je te vois. » C’était son souhait le plus sincère concernant Camil, qu’il se rende enfin compte qu’il n’était pas qu’un homme politique impitoyable ou seulement un frère attentionné. Il était bien plus que ça et ce, pour beaucoup de monde, elle en était persuadée. C’est pourquoi elle s’autorisait sa question, aussi pénible pouvait être la réponse à entendre. Se serait-il vu père si sa grossesse avait été réelle ? Qu’aurait-il préféré s’ils avaient eu le choix ? La réponse ne se faisait pas attendre, sommes toute peu satisfaisante quand même elle pouvait comprendre qu’il ne s’était pas posée la question. Avec des si, on referait le monde. C’était pourtant avec ces si qu’elle était parvenue à comprendre ce soir qu’elle ne faisait pas qu’une grossesse nerveuse mais bien le deuil d’un enfant qui n’avait pourtant jamais existé. Avec des si, peut-être que Camil ouvrirait lui-même les yeux sur des ressentis qu’il ne soupçonnait pas. Alors, elle se taisait, le laissait parler. Son simple hochement de tête suffisait pour affirmer ce qu’il disait : ça n’aurait pas été la bonne période pour accueillir un enfant. Sans un mot, elle se demandait légitimement s’il y aurait un bon moment pour le blond un de ces jours. Il était si occupé, si carriériste, si pris dans un quotidien réglé comme du papier musique. S’il attendait le bon moment, ce dernier se présenterait-il à lui ? Debbie avait quelques doutes à ce sujet mais elle n’était pas la principale concernée (après tout ils ne prévoyaient pas réellement de faire un enfant au bon moment) alors elle se taisait, néanmoins toujours à l’écoute. Elle devinait sans difficulté que son esprit travaillait, qu’il s’imaginait comment les choses auraient pu être. Le constat était sans appel : finalement comme il avait pu le dire à Deborah lorsqu’ils la pensaient enceinte, il aurait pris le temps d’être présent, de construire une relation saine avec son fils ou sa fille. Il aurait fait de son mieux comme il avait pu le faire avec Sixtine. « Je te remercie de ta sincérité. » quand bien même elle pouvait être douloureuse tant c’était clair dans son esprit qu’elle aurait préféré être enceinte que de subir cette grossesse nerveuse beaucoup trop révélatrices d’autres choses. « Tu aurais fait un excellent papa, j’en ai aucun doute. » Il suffisait de le regarder quand Sixtine était dans le coin. Entre chamailleries mignonnes, confessions, regards tendres, conseils avisés et sourires gentiment moqueurs pour l’amuser, il avait déjà l’étoffe d’un père à la fois autoritaire et aimant. Une main de fer dans un gant de velours. « Si l’occasion se présente dans les bonnes conditions, je pense que oui, j’en aurais certainement envie. Peut-être même plusieurs mais on ne va pas se leurrer que les années passent vite et que je n’en aurais peut-être pas le temps. » lui répondait-elle simplement, haussant un peu les épaules. Elle ne serait pas étonnée de cette envie si elle parvenait à tomber amoureuse de quelqu’un. Comme une suite logique des choses, bien plus concret et engageant qu’un mariage selon elle. Seulement voilà, ce type de relation demandait du temps et s’il était commun aujourd’hui de voir des nouvelles mamans à plus de 40 ans, Deborah ne tenait pas à entrer dans ce schéma. « Et de ton côté ? C’est un projet que tu envisages ou pas du tout ? » juste retour de la question n’est-ce pas ? @Camil Smith
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| | | | (#)Sam 15 Avr 2023 - 22:16 | |
| « Ça ne m’étonne même pas. » Commenta Camil avec un sourire narquois. Il la fréquentait depuis suffisamment longtemps pour avoir perçu son côté audacieux, et pour connaître son tempérament de feu. Il imaginait aisément une version plus petite de Deborah, qui en ferait voir de toutes les couleurs à ses proches. « J’aimerais pouvoir en dire autant. » Confessa le blond, alors que la situation familiale décrite par Debbie lui rappelait étrangement la sienne. À la différence que Camil était en froid avec son frère depuis de longues années — la faute à une pression parentale trop grande, sur un adolescent dépassé, et sur un frère aîné qui n’avait jamais approuvé une décision qu’il jugeait aberrante. Entre les deux frères, les relations s’étaient tendues, les disputes avaient été régulières, les mots blessants. L’éloignement de Camil aurait pu être bénéfique ; mettre des dizaines de milliers de kilomètres entre deux individus qui n’étaient plus en capacité de communiquer pouvait être une solution — au moins momentanée. Mais Sixtine avait, bien malgré elle, jeté de l’huile sur le feu en choisissant de venir rejoindre son frère aîné. Un choix vécu comme une énième trahison par le second Smith, qui n’avait fait que renforcer l’animosité qu’il avait à l’égard de son frère. « Quand est-ce que tu es rentrée en Irlande pour la dernière fois ? » Demanda-t-il, ne se souvenant pas de l’avoir entendue parler d’un tel séjour. Pas depuis qu’ils se fréquentaient, en tout cas. « C’est génial d’avoir une personne de confiance, à laquelle tu peux tout dire sans craindre le moindre jugement. » Camil n’avait pas cette sérénité. Il ne pouvait décemment pas tout dire à Sixtine, au risque de voir leur monde s’écrouler. Il ne pouvait pas être pleinement transparent avec Hassan, ni avec Debbie, ni avec ses collaborateurs. Une faiblesse de sa part lui ferait prendre trop de risque — d’un point de vue personnel, professionnel, et familial. Camil se traînait donc ce maudit secret, devenu un fardeau, et avançait malgré le poids qui pesait sur ses épaules. Mais Deborah, elle aussi, gardait ses tourments secrets. « Ta mère réagirait comment si elle savait ? » Demanda Camil, avant de plaisanter : « Dois-je m’inquiéter pour ma propre survie ? » Il n’était clairement pas prêt à rencontrer une parfaite inconnue, qui s’annoncerait comme étant sa belle-mère. « Ton frère est donc notre para-tonnerre Irlandais. » Résuma l’Américain en souriant. Pour sa part, seule Sixtine s’était immédiatement réjouie de la situation — avant que ses espoirs ne soient froidement douchés par Camil. Non, il n’allait pas faire d’elle une tata gâteuse et enamourée ; les apparences avaient simplement été trompeuses. « Tu me feras penser à lui envoyer un mot de remerciements, à l‘occasion. »
« Je plaide coupable. » Avoua-t-il, se souvenant parfaitement du soir où il s’était résigné à envoyer un message à Joseph. La nuit était tombée depuis bien longtemps, et les rumeurs n’avaient pas encore pris une telle ampleur. Pourtant, le politicien avait déjà remarqué que la santé physique et morale de son amie était sur le déclin. Abattue par cette grossesse qui n’en était pas réellement une, elle n’avait pas été capable de remettre le pied à l’étrier. Et Camil, sans solution, l’avait regardée s’enfoncer jour après jour jusqu’à ce moment où la situation ne lui avait plus été tolérable. « Mais ça n’a pas eu l’effet escompté. » Fit remarquer le blond en faisant la moue. Il n’était pas en quête d’une confirmation ; il suffisait de voir l’air dépité de Deborah pour le comprendre. Il avait cru, peut-être un peu naïvement, que Joseph saurait trouver les mots. Qu’il saurait mettre de côté leurs différends, pour essayer de remonter le moral de la brune. « J’en suis désolé. » Dit-il, sincère. Sans doute avait-il sous-estimé la profondeur des désaccords entre Debbie et Joseph. Ou peut-être que, dépassé et ne sachant quoi faire d’autre, il avait espéré cette vieille amitié suffirait à soulager la peine de l’Irlandaise.
« Peut-être. Sans doute. » Concéda Camil, alors que Deborah lui disait être certaine qu’il aurait fait un bon père. Il aurait eu des bons et des mauvais côtés, comme tous les parents. Il aurait eu à coeur d’élever sa progéniture, de passer du temps en sa compagnie, de lui apprendre mille et unes choses. Et il aurait probablement dur, un brin autoritaire, et un éternel inquiet, dès l’instant où la prunelle de ses yeux n’aurait pas été dans son champ de vision. « Qu’est-ce que tu appelles les bonnes conditions ? » Demanda l’Américain, curieux de les entendre. Pour sa part, il doutait que « les bonnes conditions » soient un jour réunies. Il ricana lorsqu’elle mentionna les années qui défilaient, et déclara : « T’es encore jeune. Un petit chaton, qui a encore beaucoup de choses à vivre et à accomplir. » Ils avaient plus de dix ans d’écart ; Camil savait pertinemment que ce qu’il avançait n’était pas sans fondement. Il s’était attendu à la question de la brune ; après tout, elle était aussi logique que légitime. Puisqu’il s’était permis d’être intrusif et de l’interroger sur ses souhaits pour le futur, il se doutait bien qu’elle en ferait autant. Cependant, et parce qu’il s’agissait de Deborah, il pouvait se permettre de parler clairement et honnêtement, sans craindre d’être jugé. « La vie m’a appris au moins une leçon : il ne faut jamais dire jamais. » Déclara Camil en haussant les épaules. Et s’il y avait eu le moindre doute quant à ce point, il lui suffisait de se remémorer les remous qu’ils venaient de traverser. « Mais je ne peux pas dire que j’y pense, ou que ce soit un projet. » En toute franchise, il ne s’était jamais réellement posé la question. Il n’en avait pas réellement eu l’occasion, à vrai dire. Il n’avait jamais été fermé à l’idée ; cependant, il n’avait jamais été capable de garder une petite-amie bien longtemps (et il avait bien conscience d’être entièrement responsable de ce fait). En tout cas, pas suffisamment longtemps pour que des projets sur le long terme soient envisagés. « Et puis… Je vieillis. » Ajouta-t-il en haussant les épaules. Qu’on ne se méprenne pas : il ne le vivait pas mal. Il acceptait ses broncher que les années passent, et que le temps file de plus en plus vite. « Et le monde dans lequel on vit n’est ni beau, ni rassurant. » Deux points qui, même s’il n’en disait rien, n’étaient pas pour rassurer Camil. Comment élever correctement un enfant dans ces conditions ? Quand il repensait à son enfance, tout lui avait paru simple et allant de soi. Aujourd’hui, c’était nettement moins vrai. « Ça n’aide pas à se projeter. » Conclue-t-il en faisant la moue. « On devrait essayer de dormir. J’ai une journée intense demain, et tu as besoin de te reposer. » Il se hissa sur ses avant-bras, et bascula légèrement vers l’avant. « Tu peux rester autant de temps que tu le souhaites. » Il déposa ses lèvres furtivement sur la joue de Deborah, préférant s’en tenir à une tendresse chaste — ce n’était pas le moment de réveiller les démons qui sommeillaient en lui. Il se retourna lentement, quittant à regret la chaleur de la brune, tout en prenant soin de ne pas l’écraser. Il remit en place son oreiller, et noua ses mains derrière sa tête. Les yeux fixés sur le plafond, il demeurait pensif : que serait-il advenu, si elle avait réellement été enceinte ? En dépit de la fatigue, il savait déjà qu’il ne trouverait pas le sommeil cette nuit. @Deborah Brody |
| | | | | | | | the terrible nightmare (deb&cam) |
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