Il s’est gentiment moqué d’Alex en disant que puisque les filles ne seraient pas là, alors il ne voyait finalement aucune raison de lui rendre visite. Pourtant, bien sûr, cela n’a pas remis en cause sa venue pendant une seule seconde, lui qui se fait de toute façon une joie de passer le moindre instant en compagnie de son amie de toujours. Qui plus est, il se contente de changer d’air à quelques pâtés de maison de là, ce qui permet à Rory de souffler un peu et de ne plus avoir son éternel petit-ami bien trop soucieux sur le dos. Puisque le nouveau travail de Swann se résume à travailler sur les mêmes plateaux de tournage que l’australien et qu’une blessure empêche ce dernier de justement reprendre son métier, alors ils se retrouvent tous deux sans travail de façon temporaire ce qui, loin de les combler, ne fait sans doute qu’accentuer un peu plus leur besoin commun d’avoir quelque chose à faire pour s’occuper. Surtout alors qu’ils ont tous deux comme métier leur passion. Et pour autant, jamais l’anglais n’a porté le moindre reproche à Rory, et jamais il n’en a pensé quelque chose d’identique non plus. Au contraire, c’est toujours avec un certain pincement au coeur qu’il le quitte, sans jamais oublier de l’embrasser tendrement, comme tous les jours ou presque depuis six ans maintenant. Savoir qu’Alex vit une histoire similaire, et qui plus est bien plus avancée que la sienne puisqu’elle est mariée et maman, ne peut que le combler de joie tant il estime qu’elle mérite le bonheur qui est aujourd’hui sien.

Le chien l’accueille avec des aboiements préventifs avant même qu’il n’ait le temps de sonner à la porte, ce qu’il finit pourtant par faire par simple acquis de conscience. Et à peine la porte ouverte, c’est finalement un flot de paroles de la part de son amie plutôt qu’un animal à quatre pattes qui l’accueille. « Bonjour, merci de t'être libéré, comment vas-tu ? Et avec ton homme ça va ? Toujours pas fiancé ? » Il répond à son sourire par le sien, levant au passage un sourcil étonné - par le flot de ses paroles, non parce qu’elle demandé déjà (encore?) si les choses n’ont pas avancées dans son couple avec l’acteur. Swann sait qu’aucune de ses confessions n’est tombée dans l’oreille d’une sourde, elle est une amie attentive et attentionnée. L’anglais lève les mains au ciel et les tourne des deux côtés pour lui prouver qu’aucune alliance ne s’y trouve et que si tel avait été le cas, elle aurait été prévenue dans la même seconde. “Je vais bien. Rory aussi. Et toi ?” Rory ne va pas bien, en réalité, mais il ne veut pas l’inquiéter plus que nécessaire en parlant de l’état de son genou et sa santé en générale. Il a confiance en son petit-ami et connaît sa force de caractère: bientôt, tout ne sera plus qu’un mauvais souvenir pour lui, et il sera de nouveau de retour sur les plateaux pour vivre de sa passion. Sans savoir se retenir, il s’approche brièvement de la jeune femme pour venir la serrer entre ses bras. Il ne saurait pas se contenter de salutations sur le perron, pas avec Alex. “Je vois que tu es bien entouré malgré tout.” Il commente avec amusement en parlant du chien, juste avant de s’accroupir à sa hauteur et tendre le dos de sa main pour qu’il puisse le sentir et vérifier qu’il n’est pas un très méchant facteur.

Rapidement, pourtant, le flot discontinu de paroles de la part de son amie le fait relever la tête, désormais quelque peu inquiet. Il se relève lui aussi finalement pour se retrouver à sa hauteur. « Installes-toi, fais comme chez toi. Caleb est parti avec les filles chez ses parents et comme je t'ai dis par messages, j'ai des choses à t'annoncer et je me disais que ce serait plus simple sans les filles dans les parages qui nous interpellent toutes les deux minutes. » Pendant un court instant, et à l’évocation de “j’ai quelque chose à t’annoncer”, Swann ne peut que penser au pire et à tout ce qui s’y rapproche. “Il s’est passé quelque chose avec Caleb ?” Telle est sa première pensée alors qu’il fait le rapprochement avec son départ de la maison (sans aucun doute temporaire, n’est-ce pas ?) et le fait qu’il ait pris les filles avec lui, comme s’il voulait les garder auprès de lui après une dispute lourde de conséquences. “Ca va, je veux dire ? Toi ?” Il répète sa question mais cette fois-ci, cela n’a plus rien d’une simple formalité de politesse alors qu’il reste suspendu aux lèvres de l’anglaise, dans l’attente du rendu du verdict. Le bonheur d’Alex lui a toujours importé mais puisqu’aujourd’hui elle semble être devenue à ses yeux un certain modèle de vie parfaite et de stabilité, cela n’a sans doute fait qu’accentuer un peu plus encore les choses. « J'ai du thé, du café, et des pâtisseries françaises, des boissons fraîches, et j'ai même de la glace. Qu'est-ce que je te sers ? » - “Tu sais quoi? Je peux nous faire du thé, et tu peux nous choisir des pâtisseries dont je n’arriverai jamais à prononcer le nom. Mais ne me traite pas comme la Reine d’Angleterre.” Il annonce avec un sourire rassurant, tentant de lui prouver qu’il n’y a aucune urgence à aucun niveau et qu’il sera toujours là pour entendre ce qu’elle a à dire, avec ou sans pâtisseries, et même avec ou sans thé - c’est pour dire. Il veut qu’elle sache qu’il sera toujours là pour elle, comme les décennies écoulées tendent déjà largement à le prouver et, surtout, il tente de cacher autant qu’il le peut le souci naissant en lui.

Rassuré par les quelques mots d’Alex lui statuant qu’il n’y a aucun problème entre Caleb et elle, Swann ne pose pas davantage de questions, voulant se contenter de ce que la jeune femme lui dit. Il sourit en retour, invité poli, et s’engouffre dans la demeure après avoir fait ami-ami avec le chien de la famille. Rapidement, il prend les devants pour leur préparer un thé, au moins certain qu’Alex ne lui dit pas tout et qu’elle a sûrement autre chose à faire que de penser à la température à laquelle faire grimper l’eau. « Bien très cher, tu n'auras pas le droit au service en porcelaine alors. » Cette blague lui rappelle l’éternelle référence aux assiettes en porcelaine aux initiales de la couronne auxquelles Rory et lui font souvent allusion. L’accent d’Alex est bien plus travaillé, pourtant - sûrement parce qu’elle a grandi dans ce monde-là, à la différence de Rory ou de Swann. Ce dernier sourit avec délicatesse, laissant apparaître des fossettes sur son visage clair. « Je te laisse gérer le thé, fais honneur à notre patrie et je m'occupe du reste. » - “Je ferai de mon mieux.” Il reprend, solennel, ses yeux ancrés dans les siens. Et l’instant d’après, il redevient lui-même, occupé à se brûler avec la tasse trop chaude et à faire tomber du thé partout sauf dans la boule à infuser. Au moins, Alex n’assiste pas totalement à ce massacre alors qu’il grimace tel un enfant. Après quelques minutes et une fois son rôle accompli, il rejoint son amie sur leur canapé de son salon, éternellement suivi par le chien qui semble continuer son inspection sur le pantalon et les chaussures de l’anglais. « Tu m'as dis par message qu'il avait été blessé, il va mieux ? Il abuse pas de son kiné personnel ? » Swann esquisse un sourire en coin, bien trop pudique pour répondre de ce qu’il en est réellement de la relation avec son kiné personnel. Pourtant, le sujet est bien trop sérieux et important pour qu’il n’arrive à le traiter avec insouciance plus longtemps. “Il va mieux. Il a ravivé une vieille blessure, il a simplement besoin de temps pour s’en remettre.” Le discours est résumé au possible parce qu’il n’a pas envie d’exposer la vie privée de Rory, même s’il a une confiance pleine et entière envers son amie. De toute façon, il n’est pas venu pour parler de son petit-ami, quand bien même il trouverait de quoi faire pendant bien, bien longtemps. Il se contente d’ajouter un sourire fin mais rassurant. Si sa vie était en danger, il ne saurait pas feindre l’assurance, Alex le sait bien. Les talents de menteur de Swann sont rapidement limités.

Rapidement, pourtant, les questions passent d’un côté à l’autre et c’est la langue d’Alex qui se délie avec difficulté alors que Swann se contente d’enrouler ses doigts autour de sa tasse de thé et de trouver place au fond du canapé, son regard sombre posé avec souci sur le visage de son amie. « Je t’ai parlé de mes beaux parents et du fait que c’était compliqué avec eux. Pour faire simple, je ne suis plus là bienvenue chez eux. Et c’est ma faute. » Il fronce les sourcils, n’ayant pas en sa possession toutes les informations pour pleinement comprendre ce qu’elle sous-entend ou ce dont il en retourne. Il connaît pourtant la propension de son amie à accepter toutes les fautes qu’on lui rejette dessus, que ce soit justifié ou non. Maintenant, au moins, il comprend un peu mieux l’absence de son mari et des jumelles, sans que finalement ce ne soit plus rassurant pour autant. « Je dois t'avouer quelque chose sur mon passé. Je t’ai dis récemment que j’avais connu Caleb y’a déjà des années et que j’avais tout gâché. » La voyant hésiter, il prend le temps de reposer sa tasse sur la table face à eux et se tourner vers Alex avant d’ajouter quelques mots, le ton bas. “Tu peux tout me dire Alex.” Elle est une de ses amies le plus cher, il peut entendre beaucoup de choses de sa part, et il ne doute pas un seul instant qu’un aveux de sa part pourrait venir briser des dizaines d’années d’une amitié parfois difficile et tumultueuse. Peu importe ce qu’elle ressent aujourd’hui le besoin de lui dire, il sait pouvoir l’entendre. Pour elle, il le peut. « Il y a dix ans, j’ai eu un petit garçon. Je l’ai caché à Caleb, à tout le monde enfaite. » Mais ces mots-là, assurément, il ne les avait pas anticipés, pas un seul instant. Ses sourcils se froncent à cause de la surprise alors qu’il se repasse à l’esprit les mots qu’elle a eu, certain qu’il a mal entendu, mal écouté. Alex n’a pas d’enfant. Pas de garçon, tout du moins ; elle est maman de deux magnifiques jumelles depuis peu et Caleb est plutôt bien placé pour le savoir. Silencieux, il ne cherche pas à lui faire relever la tête, lui même encore incertain de sa propre réaction alors qu’il ne comprend pas totalement son aveu et toutes ses conséquences. Il y a dix ans ? « J’ai quitté Brisbane après l’accouchement et je suis rentrée à Londres, et c'est pour oublier cette partie de ma vie que je me suis comportée comme une salope. » - “Hey, dis pas ça.” Il souffle tout bas, voulant se donner le temps de la réflexion pour lui donner une réponse digne de ce nom mais ne pouvant pas passer des insultes qu’elle s’inflige elle-même. Alex a eu des passes difficiles, plus ou moins longues, plus ou moins intenses, mais jamais il ne laissera qui que ce soit la traiter de salope, pas même elle. Aujourd’hui pourtant, et après de nombreuses années de retard, il comprend son retour à Londres et son comportement. Il comprend tout, finalement, et s’en veut sans doute un peu plus encore de ne pas avoir été assez présent pour elle à cette époque, quand elle devait avoir terriblement besoin d’aide. « J’aurais dû t’en parler avant, je suis désolée de ne pas avoir été honnête avec toi sur mon passé. Je ne voulais pas te décevoir. Je connais ton passé, je ne voulais pas que tu me détestes. » Swann esquisse un sourire triste, comprenant parfaitement le sous-entendu qui est le sien. Il apprécie l’attention, sincèrement. “Je te déteste pas, d’accord ? Ni avant, ni après cette discussion.” Sa voix est bien différente de celle qui est naturellement la sienne, elle est celle des moments importants et des moments difficiles, de ces instants où il est conscient que ses proches ont besoin de lui. Dernièrement, pourtant, Rory est le seul à l’avoir entendu parler ainsi, sûrement parce qu’il a fait de lui le centre de toutes ses préoccupations, occultant sans doute un peu trop le reste de ses proches.

Si lui assurer qu’il ne tient pas rigueur de quoi que ce soit à Alex était une évidence, il n’a pourtant aucune idée de quoi ajouter ensuite, surtout parce qu’il ne sait pas par où commencer. Il l’observe poser sa main sur son ventre avec un sourire en coin, ne sachant pourtant pas réellement pourquoi il trouve ce simple geste si tendre et apaisant. “Je suis désolé que t’aies dû garder ce poids pour toi aussi longtemps.” Voilà ce par quoi il veut commencer, finalement. Des excuses. Pas des reproches, pas envers Alex, pas alors qu’il serait injuste de lui reprocher de ne pas avoir élevé comme il faut un enfant alors que lui-même a connu cette négligence: elle n’est pas sa mère, cet enfant n’est pas lui. Il se projette toujours trop, mais pas aujourd’hui. Pas avec Alex, elle qui a sans aucun doute un passe droit sur bien des sujets. “T’étais jeune, Alex. Et tomber enceinte, quand c’est pas voulu… Je peux qu’imaginer à quel point ça peut être difficile à gérer.” Cela ne lui arrivera jamais, évidemment, et aucune de ses partenaires (à sa connaissance ?) n’a eu à le vivre, mais il est assez empathique pour tenter de comprendre ce qu’elle a pu ressentir et à quel vitesse ses méninges se sont activées. Qui plus est, dans une famille telle que la sienne. “Tu as fait comme tu as pu, tu t’es protégée, et tu as essayé de protéger ton garçon aussi.” Ce n’est sans doute pas une évidence mais aux yeux de Swann, ça l’est. Elle aurait eu des milliers de façons de ne pas aller au bout de sa grossesse mais de ce qu’il comprend, ce n’est pas ce qu’il s’est passé. “J’ai plus que tout envie d’avoir un enfant tout comme j’ai passé ma vie à détester mes deux parents pour ne pas avoir été là pour moi, mais c’est mon histoire.” Il pose finalement sa main sur la sienne, posée contre son ventre, et en caresse le dos avec son pouce. “Je vais pas te juger en retour pour ne pas avoir suivi le parfait petit chemin que tes parents auraient voulu.” Elle aurait pu agir autrement, sans doute mieux agir mais il n’est personne pour lui reprocher cela. Et il sait que de tels mots ne l’aideraient en rien, si ce n’est tout le contraire. Il veut être cet ami en qui elle peut avoir confiance, pas celui dont elle craint le jugement inquisiteur. Ce n’est pas Swann, ça. “Je suis content que tu me le dises aujourd’hui. Ça doit pas être facile.” Désormais, au moins, il veut croire qu’ils n’ont plus de secrets l’un pour l’autre. “Ce garçon… Tu sais ce qu’il est devenu ?” Une part de Swann ne peut s’empêcher de se dire qu’il doit y avoir une raison particulière pour que le rideau tombe aujourd’hui.

« Tu comptes beaucoup pour moi, je ne veux pas te perdre. » Ses mains retrouvent les siennes sans un mot de sa part, estimant qu’il n’a pas besoin de parler: elle ne le perdra pas. Peu importe ce qu’elle peut lui avouer, elle ne le perdra pas. Son histoire est diffile et elle est loin d’avoir eu une réaction parfaite, mais il ne peut pas lui en vouloir d’être humaine et d’avoir ses faiblesses autant que ses défauts. S’il se met à sa place une seconde et une seule, il ne peut pas affirmer qu’il s’en serait mieux sorti. « J'ai voulu le protéger oui, mais j'ai complètement échoué, j'ai été égoïste et je lui ai gâché la vie et j'ai menti à Caleb. » L’anglais serre la mâchoire, ne pouvait pas lui trouver autant d’excuses qu’il le voudrait, surtout en cet instant. Mentir dans une relation de couple n’est jamais une bonne idée, encore moins que ça ne l’est déjà dans toute sorte de relation basée moindrement sur la confiance. Il n’a fait qu’omettre certaines vérités avec Rory, et cela a déjà suffit à mettre son couple à rude épreuve. Son pouce caresse doucement le dos de la main de la brune, lui qui se trouve incapable de trouver les bons mots pour l’aider à aller mieux. “Il a eu d’autres personnes sur qui compter.” L’anglais finit par souffler bien malgré lui, ne voulant pourtant pas donner l’impression de défendre d’une façon ou d’une autre l’abandon d’enfants. Simplement, il estime que chaque histoire est particulière. « Je n'ai jamais voulu qu'il se sente seul ou en manque d'amour. Je sais que son histoire et la tienne sont différentes, mais tu en as tellement souffert. Je n'ai jamais voulu être comme eux. » Il esquisse un sourire en demi-teinte, ne pouvant pas nier que son enfant a sans nul doute souffert de la situation. Les histoires sont différentes, l’exactitude des ressentis aussi, mais au final personne n’en sort indemne, que ce soit Alex ou son enfant ; et Swann dans une autre dimension. A défaut d’avoir pu être présente pour elle dès le début, il se promet de l’être au moins maintenant, pour l’épauler et l’aider à voir le bon côté des choses si elle en ressent encore le besoin. Maintenant qu’il sait, il peut pleinement être présent pour elle, comme il aurait voulu l’être depuis le premier jour. « J'aurais aimé avoir la force de te le dire plus tôt, mais c'était trop dur. Mais, merci d'être là malgré tout et d'être si compréhensif avec moi. » - “T’es courageuse, Alex, n’en doute jamais.” Il avance dans un sourire rassurant, ne sachant pas si lui-même aurait su trouver la force de faire de telles confessions, même après plusieurs années. Il a gardé le secret de sa relation par crainte du regard d’autrui et n’ose donc même pas imaginer ce qu’il en aurait été pour un enfant perdu de vue. « Tu es vraiment quelqu'un de bien. Tu as dis que tu voulais des enfants, ils auront de la chance de t'avoir dans leur vie, et moi aussi je suis chanceuse de t'avoir comme ami. » Il esquisse un bref sourire touché, caressant plus que jamais l’envie de fonder une famille, non pas par envie d’avoir des enfants mais bien parce qu’il sait qu’il en veut avec Rory et qu’il aimera ces petits humains autant qu’il aime déjà l’acteur, c’est à dire de tout son coeur. “Je suis chanceux de t’avoir aussi, tu sais.” Ils ont survécu à de nombreuses épreuves ensemble et même s’ils ne s’en sont pas toujours sortis indemne, les deux anglais sont toujours restés soudés, ce qui est sans doute le plus important à ses yeux: il ne sait pas jusqu’où il aurait pu aller s’il était resté seul. Swann évite le sujet des enfants, sachant par avance qu’il a déjà fait bien trop de plans sur la comète à ce sujet alors que rien n’est fait et qu’il pourrait ne jamais en avoir.

Bien malgré lui et sans être animé par la moindre curiosité malsaine, il lui demande pourtant ce qui est arrivé à cet enfant dont elle lui parle aujourd’hui et, surtout, si elle le sait. « Il y a quelques semaines, on a apprit qu’il était malade et qu’il avait besoin d’une greffe. Caleb était compatible et il a fait le don. » Les yeux de l’anglais s’écarquillent progressivement alors que les informations lui parviennent. Il tente de retenir sa réaction pour garder la face mais tout semble tellement irréel, et lui y était si peu préparé, que le résultat final se veut peu concluant. S’il dit d’Alex qu’elle est une bonne personne et qu’il le sait d’expérience, il ne peut qu’en dire autant au sujet de Caleb, qu’il apprend à connaître au travers du discours de sa femme. Il est heureux qu’ils puissent tous deux compter l’un sur l’autre et se soutenir dans les différentes épreuves. « On a apprit qu'il n'avait jamais été adopté, il aurait du puis il est tombé malade la famille a renoncé à poursuivre la procédure. Caleb l'a rencontré il y a quelques jours, il va un peu mieux même s'il est encore bien fatigué mais la greffe semble bien fonctionner. » Il hoche la tête pour lui assurer qu’il écoute ce qu’elle lui dit, à défaut de trouver rapidement de quoi lui répondre. L’anglais a besoin de quelques secondes pour enregistrer les informations et les traiter, le coeur plus lourd que jamais alors que l’idée de l’adoption fait son bout de chemin au sein de son couple. “C’est courageux de sa part.” Il parle donc de Caleb en premier lieu, avec un sourire en coin. Donner un organe est une lourde procédure dont les conséquences sont tout aussi nombreuses, alors il ne peut qu’admirer le geste de son mari, courageux. Il aurait pu détourner le regard ou même ne jamais faire les tests de compatibilité ; ou renoncer à la greffe au dernier moment. “Vous avez pensé à l’adopter ? Pardon, c’est peut-être un peu gros et j’y connais pas grand chose pour les procédures mais, s’il cherche toujours une famille… je sais pas, je demande.” Et il ne juge pas, comme toujours. Bien loin de lui l’idée de possiblement reprocher à Alex de ne pas vouloir adopter un enfant qu’elle a en premier lieu abandonné, même si tout était différent dans ce temps là. “Tu dis que Caleb l’a revu ?” Le sous-entendu ne laisse peu de place au doute: il l’a revu seul ? Alex ne voulait pas remuer de douloureux souvenirs, ou n’était-elle tout simplement pas acceptée auprès de lui ?

« J'ai encore une dernière chose à t'annoncer Swann. » C’est avec des yeux presque suppliant qu’il l’observe désormais, s’attendant à ce qu’elle lui annonce une mauvaise nouvelle de plus dans la liste qui en compte déjà beaucoup. Pourtant il n’en est rien et l’anglais regroupe rapidement les indices entre eux lorsqu’elle lâche sa main pour la laisser seule contre son ventre, geste qui ne trompe pas, surtout alors qu’Alex étire désormais un sourire bien différent. Aussitôt, c’est une émotion tout autre qui se lit sur le visage de l’anglais. “Vraiment ? Oh, Alex.” Il souffle presque, la gorge nouée, ne retirant finalement sa main de son ventre que pour l’enlacer, avec empressement autant que de délicatesse, ne voulant pas lui faire mal. “Je suis tellement heureux pour toi. Pour vous.” Il souffle contre ses mèches brune, se raisonnant assez rapidement pour juger bon de ne pas l’étouffer sous ce trop plein de joie qui est le sien. “Tu en es à combien ? Tu le sais ? C’est une super nouvelle.” Bien loin de lui l’idée d’être jaloux de voir la famille de son amie s’agrandir un peu plus, il est sincèrement et profondément heureux pour elle, de la voir autant s’épanouir dans ce nouveau rôle de mère qui est le sien et qui lui va si bien au teint.

« Pas vraiment non, il n'a jamais été adopté.»
“Oh.”

Désolé et sans doute honteux, il baisse ses yeux en direction du sol, le temps de lui-même encaisser cette annonce à laquelle il ne s’était pas attendu le moins du monde. Plus que jamais, il ne comprend pas comment un enfant aurait pu rester sans famille d’adoption. Simplement, il est au moins rassuré par la nouvelle omniprésence de ses parents dans sa vie, du don qu’a fait Caleb pour lui et de tout ce que cela signifie, pour l’homme autant que pour le jeune garçon. Il écoute leur histoire avec attention, ne voulant oublier ni rater aucun détail, se sentant presque aussi concerné que les nouveaux mariés et parents. « Il a été parfait. Je sais pas comment il fait pour tout gérer mais il est incroyable. » Et il sourit un peu plus encore, autant pour les agissements de Caleb qu’elle lui raconte que pour l’intonation qu’elle donne et le degré auquel ses yeux sont capables de briller dès qu’elle parle de cet homme devenu son mari. Il ne l’a jamais vue aussi heureuse et pourtant, cela fait des années qu’il partage sa vie. Il était temps, et il est d’autant plus heureux que cet amour soit porté sur Caleb, cet homme qu’il ne connaît pas personnelement mais envers qui il a toujours eu un bon feeling, envers qui il n’a surtout jamais eu la moindre impression négative. Simplement, il est désolé que leur vie ne soit pas un long fleuve tranquille comme il aurait voulu le leur souhaiter, l’ombre de leur passé se voulant plus menaçante que jamais auprès d’eux. « On a pas encore parlé de l'avenir. » Il hoche la tête aussi, autant pour lui rassurer qu’elle n’a pas à donner davantage de détails si elle n’en a pas envie que pour lui dire qu’il comprend son point de vue sur la situation. Tout est difficile et, surtout, personne n’aurait jamais pu la préparer à une telle situation. « Tout a été si vite, je crois que j'ai encore un peu peur de la suite. » - “C’est normal Alex.” Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de réagir à cela mais tout ce qu’il sait, c’est qu’il est normal d’appréhender la suite. “On est tous là, au besoin.” Lui comme Caleb, comme tous ses amis, comme tous ceux sur qui elle peut compter et qui sont nombreux, à n’en pas douter. Chaque décision est plus lourde de conséquences que jamais, il est normal qu’elle prenne le temps de les peser.

« J'ai une photo si tu veux, il ressemble énormément à Caleb. » - “Tu me demandes vraiment si je veux une photo ?” Il relève dans un sourire amusé, avec un regard appuyé. Oui, bien sûr qu’il veut voir à quoi ressemble son fils et bien sûr que oui, il veut avoir entre les mains cette fameuse et précieuse photo. Elle dit qu’il ressemble à Caleb ; il est déjà certain qu’il pourra dire que le garçon lui ressemble tout autant à elle. Lorsqu’elle revient près de lui, il pose brièvement son regard sur le profil de la jeune mère, soucieux de l’avoir un peu trop bouleversée. Il n’en dit pourtant rien lorsqu’elle se pose près de lui, se contentant d’observer la photographie tel le précieux souvenir qu’elle représente. “Il vous ressemble à tous les deux.” Il confie finalement, sans grande surprise, son sourire immense et ému. Dans une autre vie, il aurait observé le garçon grandir près de ses deux parents, faisant d’eux trois une famille parfaitement heureuse dès la première seconde. « Ça fait tellement bizarre, pendant dix ans je n'avais de lui que les pleurs que j'ai entendu à sa naissance et maintenant il a un visage, une personnalité. Je sais pas trop comment gérer tout ça. » Elle détourne le regard et il devine que c’est sous le coup de l’émotion, raison pour laquelle il pose une main se voulant rassurante tout contre sa nuque, la caressant de son pouce sans un mot. Ce n’est pas facile à supporter pour elle et personne ne pourrait décemment le lui reprocher. “Donne toi un peu de temps. Tout le monde serait déboussolé aussi, à ta place.” Et elle a au moins le mérite de parfaitement gérer les choses. En retour, il ne sait pas s’il aurait été capable d’autant.

L’ambiance change du tout au tout lorsqu’elle lui annonce finalement être enceinte, nouvelle qu’il n’avait pas su anticiper de près ou de loin et qui le rend soudainement plus heureux que jamais. C’est avec des yeux brillants et des mots qui lui manquent qu’il la félicite donc, ne tardant pas avant d’entourer ses bras autour de ses épaules pour la serrer doucement contre lui, l’émotion parlant bien plus que tout le reste. « Je viens de finir le premier trimestre, on voulait attendre que tout se passe bien avant d'en parler. » Alors tout va bien, le bébé va bien, les parents sont assez confiants pour accepter de partager la nouvelle. Leur famille va s’agrandir un peu plus encore et c’est une merveilleuse nouvelle pour eux qui font un parfait travail en tant que parents. Il comprend parfaitement pourquoi elle a voulu attendre un peu, raison pour laquelle il ne pense pas un seul instant à lui reprocher son silence des derniers mois. Ce serait ô combien injuste de sa part. « D'après les calculs, ce bébé a été conçu à Londres, un futur compatriote pour toi. » La précision le fait aussitôt rigoler ; ça non plus, il ne l’avait décemment pas anticipé. Dans le même rire, il reprend rapidement. “Je sais pas si je dois te remercier de ce détail ou non.” Pourtant, au fond, il est touché qu’elle pense à le lui préciser. C’est effectivement comme si cet enfant à venir était déjà son compatriote, quand bien même il anticipe sans le moindre mal qu’il naîtra et grandira sur le sol australien et non anglais. C’est ici qu’Alex est heureuse, c’est ici qu’elle a tout. C’est ici qu’il sera bien mieux lui aussi, sans doute. « Tu peux pas savoir comme ça me fait plaisir de pouvoir partager ça avec toi, c'est dingue de voir tout le chemin que l'on a fait tout les deux. » Il hoche la tête, ayant lui-même du mal à réaliser à quel point tout a changé depuis le jour de leur rencontre et les premières années qu’ils ont passées ensemble. Surtout pour Alex, qui est devenue à la fois mère et femme, qui vit une vie plus épanouie que jamais. Alex, qui est heureuse - autant que Swann l’est aussi, maintenant, et ce même si sa vie n’en est pas encore au même point. “T’as raison. Si t’avais dit ça au moi de Londres, si tu m’avais dit qu’on en serait là aujourd’hui, je t’aurais jamais cru.” Autant pour la vie de l’un comme de l’autre, il n’aurait jamais cru rien de tout cela possible. Lui, plus amoureux que jamais de l’homme de sa vie. Alex, mariée au sien, homme qu’elle a aussi rendu père. Eux deux, avec des étoiles dans les yeux et des rêves plein la tête, enlacés sur ce canapé qui les accueille gracieusement.

Sa tête reposée contre l’épaule de la jeune femme, il se laisse aller à une pensée qui se veut aussi synonyme de confession. La frontière entre les deux est difficile à déterminer. “Je pense de plus en plus à retourner à Londres. J’aimerais faire découvrir la ville à Rory.” Pas pour tout de suite ; Swann n’est pas capable de prendre des décisions aussi importantes dans un laps de temps réduit. Simplement, il y pense, encore et encore. Il étudie la chose, il pose les pour et les contre. Il y pense de nouveau, aussi. Il en parle à peine à Rory, sans doute effrayé par le fait qu’il ne puisse qu’être heureux à cette idée alors que lui-même n’arrive pas à justement considérer la chose comme une bonne idée. Il sait trop rien, l’éternelle peur d’être déçue étant ancrée en lui. “Mais si j’ai un futur compatriote qui va voir le jour dans six mois, j’ose pas vraiment te demander si la visite de Londres s’est bien passée avec Caleb.” Il annonce dans un rire entendu, n’ayant de toute façon aucune envie d’étendre davantage la discussion.

« C'est dur de ne pas craquer, mais heureusement j'ai Caleb et les filles. Et maintenant je sais que je t'ai toi aussi. »
“Bien sûr que tu m’as.”

Ils ont parlé avec sérieux de Nathan, ils le font avec bien plus de douceur de cette grossesse qu’Alex lui annonce finalement. L’anglais est heureux de l’entendre, bien entendu, mais il est aussi fier de son amie et de tout le chemin qu’elle a traversé depuis toutes ces années pour représenter aujourd’hui la femme accomplie qu’elle est. Elle a une belle famille et mérite de vivre heureuse en son sein, Caleb à ses côtés pour éternellement la soutenir. Il n’y a même jamais eu d’interrogatoire plus poussé à son sujet tant il transpire la confiance et la douceur. Bien sûr qu’il est un homme bon, en plus d’être fait pour elle. « Oh fais pas ton choqué Swann, j'ai deux filles et je suis enceinte, tu te doutes bien qu'avec Caleb on ne fait pas que jouer au scrabble. » Il rigole de bon coeur, n’ayant su jouer la sainte nitouche que quelques secondes. Il a en effet passé l’âge d’être choqué pour si peu et se doute bien que ses jumelles, autant que son (presque bientôt) gros ventre actuel ne sont pas apparus sur la demande du Saint Esprit. “Si le scrabble est votre truc, promis j’essayerai de pas juger.” Il ajoute d’un ton amusé et entendu, n’ayant évidemment aucun mal à entendre cette partie-là de leur histoire, même si en retour il doute d’être capable d’en dire plus qu’un sous-entendu sur la sienne et celle qu’il vit avec Rory. Éternel adepte à l’idée de préserver l’intimité de leur couple, voilà ce qu’il est. « Et puis tu sais mieux que quiconque qu'à Londres en Janvier, il faut bien trouver un moyen pour se réchauffer. » A cela il ne répond rien, sans doute perdu entre l’amusement général de leur discussion et les souvenirs de leur passé à Londres, de tous ces mois de janvier qu’ils y ont vécu, de toutes ces soirées où il est rentré seul parce qu’Alex s’était entiché d’une nouvelle personne. Il ne l’a jamais jugé pour ça, mais il est heureux qu’aujourd’hui ce soit avec son mari, et surtout l’homme qui la rend heureuse, qu’elle joue au scrabble durant les longues nuits d’hiver anglais. “T’as jamais été trop thé au coin du feu en regardant le discours de la Reine, ouais.” Il se moque, mais lui non plus n’a jamais écouté le moindre discours de Noël de la souveraine - et à choisir, s’il avait vécu ce voyage avec son petit-ami, la question se serait effectivement encore moins posée.

L’espace d’un instant, il repense à ses mots et se demande ce qu’il a pu dire de travers, à en juger par la mine perplexe de son amie. « Tu veux y aller pour un voyage en amoureux ou pour y vivre ? » Et instinctivement, il sourit, sachant par avance qu’il lui donnera la réponse qu’elle souhaite entendre. “Non, juste pour un voyage.” C’est à Brisbane qu’est sa vie désormais, c’est aussi ici que Rory s’y sent le mieux, auprès de toute sa famille. Ils n’ont aucune raison de vouloir déménager, l’un comme l’autre, raison pour laquelle la question ne semble même pas s’être posée. En contre coup, il sourit à la mention voyage en amoureux, parce que c’est effectivement ce dont il est question. Rien n’est prévu, absolument rien, mais puisqu’il a déjà parlé de l’idée à Rory alors ils peuvent considérer que cela se fera sûrement un jour, tôt ou tard. « Oh oui ça s'est vraiment bien passé et c'est notre petit cadeau souvenir. » Ils sont heureux et comblés, vue dont Swann ne se lassera jamais tant il a trop peu pu l’observer sur le visage de son amie, même en l’ayant connue pendant des années. « Après, j'avais un peu peur moi aussi, il y avait mon père dans cette ville, et pleins de souvenirs auxquels je n'avais pas envie de penser, mais pouvoir faire visiter Londres à Caleb, pouvoir passer des moments avec les filles et Caleb, je pense que ça m'a fait du bien. Alors si tu veux y aller, n'hésite pas, tu vas redécouvrir la ville avec Rory. » Swann hoche donc la tête, n’ayant aucun mal à comprendre ces mots tant ils valent pour lui aussi, surtout alors qu’un voyage à Londres rimerait surtout avec une visite à sa mère et une présentation en bonne et due forme de Rory, lui qui porte pourtant le titre de petit-ami depuis des années. “C’est lui qui me fait découvrir l’Australie depuis tout ce temps, j’aimerais bien échanger un peu les rôles, pour une fois.” Il ne parle pas desdits souvenirs, il ne parle pas de sa mère à son tour. Swann ne tromperait personne, surtout pas Alex, en mentant et disant qu’il arrive à passer outre. Ce n’est pas le cas, mais il est persuadé que son petit-ami et leur histoire de façon générale en valent tous deux très largement la peine. La vérité, c’est qu’il n’a plus envie le moins du monde de se cacher et s’il y a bien une ville où il pourra être parfaitement lui-même, c’est paradoxalement Londres. « Par contre, juste un petit conseil, allez-y en Juillet ou Aout, c'est pas un climat pour des Australiens le reste de l'année. » - “Je crois que même en juillet et août, c’est toujours pas un climat pour les australiens.” Et il ne croit pas, en réalité, il le sait. La remarque le laisse pourtant souriant et très amusé, surtout à l’idée que son amie s’implique autant dans cette idée de voyage. “Je pensais y aller pour les fêtes de fin d’année. Qui sait, on va peut-être revenir avec notre petit cadeau souvenir, nous aussi.” Swann ajoute dans un rire sincère autant que l’idée est impossible, pour des raisons plutôt évidentes, et ce même en soulignant l’enclin général de leur couple à jouer au scrabble.