La visite de Rhett, qu'il venait de confirmer par message, avait mis Chad dans un état d'empressement soudain. Il s'était mis à courir partout – brasser beaucoup d'air surtout – pour s'assurer que tout était en ordre, comme on le faisait avant l'arrivée d'un lointain cousin, dont on se souciait pourtant bien peu de l'opinion le reste du temps, mais qu'on tenait à impressionner en prétendant que la perfection d'un instant était celle de tous les jours. Pour Chad, ce n'était cependant pas qu'une illusion : son obsession des choses bien faites était plus exacerbée encore qu'il avait des choses à prouver. Depuis son ouverture 4 mois plus tôt, la salle se portait toutefois plutôt bien. Si elle n'en était pas la cible privilégiée, sa clientèle historique avait démontré qu'elle était bien plus loyale à ses services qu'elle ne se sentait menacée par un possible sentiment de communautarisme. Celle de Brad, cœur de cible quant à elle, avait accouru par dizaines, si bien qu'il y avait peu de moments de vide dans leurs journées déjà bien remplies. Chad avait suggéré à l'ex rugbyman de passer en fin d'après-midi s'il voulait éviter l'affluence de la fin de journée, l'heure où se pointaient les travailleurs réglés aux horaires de bureau, ou se relayaient les jeunes parents, fenêtre chronométrée entre le bain et le coucher des enfants. Une organisation extrêmement saine, que Chad trouvait flatteuse et en total accord avec cette mentalité moderne qu'ils essayaient d'insuffler dans leur projet. A l'heure qu'il était, seuls quelques étudiants déambulaient dans les vestiaires, ou se succédaient pour des cours particuliers dans les différents espaces qu'offrait le complexe. Aucun risque pour Rhett d'être reconnu, hormis par les fans inconditionnels de rugby, qui se faisaient plutôt rares dans le coin. L'ancien numéro 9 pensait certainement le contraire, mais il continuait d'avoir une aura parmi sa génération, ce même si les moins de 30 ans lui trouveraient seulement un certain charme pour son âge, sans se douter de son passé sportif notoire. Chad l'attendait à l'accueil, où Brad et lui se succédaient en journée quand l'un ou l'autre avait des cours à donner. Un moyen de tenir à jour une administration qui tâtonnait encore, ou de répondre au flux de messages sur les réseaux sociaux, étonnant succès auquel Chad prenait goût. Lui qui n'avait jamais utilisé Instagram auparavant se trouvait bien inspiré quand il était question de hashtags ou d'émoticônes, comme les nommaient les gens nés avant 1985. Machinalement, il avait relevé la tête lorsque Rhett était arrivé, sans avoir eu le temps d'inspecter plus que le comptoir derrière lequel Chad semblait encombré. « Rhett, ça me fait plaisir de te voir ici ! » s'était-il exclamé, comme si c'était une surprise à laquelle il ne s'attendait pas, bras tendu par-dessus le bureau, poing fermé en guise de salutations. En comptant le nombre de fois qu'ils s'étaient croisés ces dernières années, leur recontre inopinée au concours de surf remontait à hier. Et Chad en avait d'autant plus l'impression que le temps avait filé aussi vite qu'un battement de paupière depuis qu'il avait inauguré la salle. Il avait tout de même droit à un jour de repos, le plus souvent le lendemain de ses gardes à la caserne, pendant lequel Brad s'occupait gracieusement de tout, et où l'offre était limitée. « Bienvenue à EveryBody. » avait-il ajouté, circulant autour du bar pour le rejoindre. Derrière lui, des casiers de serviettes propres, des étagères de sirops divers et variés, d'encas protéinés et de gourdes estampillée de leur logo. « Je te fais faire le tour du propriétaire ? C'est plutôt calme à cette heure-là, c'est pour ça que je t'ai proposé ce créneau. » demanda-t-il naïvement, tel un enfant trop fier et impatient de montrer sa chambre à un ami de ses parents, vu pour la première fois deux minutes plus tôt. « Comment ça va depuis la dernière fois ? On se sera bientôt vus plus que les 5 ans passés. » Un constat bien moins amusant qu'il était triste, mais ils semblaient tous les deux résolus à y remédier.

(everybody) Renouer avec Chad est une chose à laquelle il ne s’attendait pas. Non pas parce qu’ils se sont quittés en mauvais terme (ce n’est pas le cas), ni même parce qu’il lui reproche un fait vieux de vingt ans (ce n’est pas le cas non plus), mais bien parce qu’ils n’ont finalement jamais été les meilleurs amis du monde et se sont toujours contentés de quelques discussions superficielles, pourtant éternellement animées d’un bon sentiment. Et jamais rien de plus. Jamais rien de moins non plus, certes, mais il n’y avait pas là de quoi leur assurer une relation viable sur plusieurs décennies, encore moins la certitude qu’ils seraient toujours en train de se parler après tout ce temps. Et pourtant c’est bien ce qu’ils recommencent à faire désormais, à discuter d’un rien, à s’envoyer des messages inopinés et, surtout, à prendre part dans les activités de l’autre. A vrai dire, c’est surtout Rhett qui s’invite dans sa salle de sport, puisqu’il serait bien plus difficile pour Chad d’en faire de même en retour. S’il le fait par amitié pour lui, c’est aussi un certain besoin qui le pousse à pousser la porte des lieux. Ça, son sourire détartré et blanchi deux fois par an ne le dit pas.

La fin d’après-midi approche lorsqu’il entre dans la salle de sport, accueilli dès l’accueil par Chad en personne, attention à laquelle il ne s’attendait sincèrement pas. « Rhett, ça me fait plaisir de te voir ici ! » - “Quel honneur, Chad Taylor.” Répond-il avec entrain et vigueur à son tour, venant frapper son poing fermé avec le sien adoptant la même forme. Vieilles habitudes d’universitaires (mais surtout sportifs) et d’un temps sur lequel ils ne veulent pas totalement tourner la page, s’accrochant à leurs années folles. « Bienvenue à EveryBody. » Il a des yeux partout et a sûrement la même expression qu’un enfant dans un magasin de jouets. Tout semble avoir été pensé avec minutie et il apprécie le moindre détail à sa juste valeur, notamment la simple présence du bar mais aussi et surtout tout ce qui semble en composer sa carte. Chad a fait un travail qu’il n’aurait jamais pu imaginer et tout ce qu’il regrette, finalement, c’est d’arriver une fois tout terminé. Il aurait pu aider plus tôt, peut-être. Comment, il ne le sait pas, mais au moins il en a l’envie. « Je te fais faire le tour du propriétaire ? C'est plutôt calme à cette heure-là, c'est pour ça que je t'ai proposé ce créneau. » Et il apprécie le geste. Si Rhett est le premier à aimer surfer sur sa popularité - certes à relativiser - il admet aussi aimer retourner au calme d’une vie parfaitement anonyme de temps à autre. Dans une salle de sport, notamment, alors qu’il n’a pas utilisé de machines depuis bien longtemps et ne saurait anticiper sa capacité à paraître en parfaite santé alors qu’il n’en est rien. “Je sais, merci. Avec plaisir pour la visite guidée.” Cette salle est comme son enfant et ce n’est pas bien difficile à comprendre à en juger par les étoiles dans les yeux de Chad et la voix enthousiaste qu’il utilise. Après tout, personne ne pourrait le lui reprocher, et certainement pas le Hartfield.

« Comment ça va depuis la dernière fois ? On se sera bientôt vus plus que les 5 ans passés. » Si son premier réflexe est d’esquisser un sourire triste, Rhett se reprend pourtant bien rapidement. En cet instant, il n’a pas de raison de l’être, alors il préfère encore en rire, bien décidé à continuer sur cette lancée. “On a jamais été doué pour trouver un juste milieu, pas vrai ?” Sa phrase ne comporte pas de sous-entendu bien précis et libre à Chad de l’interpréter comme il le souhaite, Rhett constatant simplement que leur vie à tous les deux a connu son lot de hauts et de bas. "Ça va, je prends bientôt quelques jours de vacances. Avec Hassan. On va essayer de pas s’entretuer avant de prendre l’avion retour.” Ils s’entendent pourtant parfaitement bien mais les esprits s’échauffent plus rapidement lorsque deux individus restent coincés ensemble pendant plusieurs jours de suite, il n’y a pas besoin d’être sociologue pour le savoir ou le comprendre. “Et je vais être tonton pour la deuxième fois. Ruben va avoir un enfant.” Cette fois-ci, il l’annonce avec plus de fierté que jamais, une certaine lueur brillant au fond de son regard. Son petit frère va être papa ; c’est une phrase difficile à accepter mais qui le rend heureux pour lui, même s’il ne le dira jamais en ces termes au médecin. “C’est sûrement pour ça qu’on se voit à des intervalles plus réduits, sinon j’aurais jamais pu te résumer tout ça si on avait encore attendu des années pour se revoir.” La faute est rejetée sur le destin, alors, sans que justement cela n’ait rien d’une faute. Bien au contraire, Rhett est heureux qu’ils prennent le temps de se retrouver, ou bien simplement de se trouver. “T’as des frères, pas vrai ? T’as le droit à “tonton Chad” ?” Il y a de ça quelques semaines encore, il aurait pensé impossible de prendre des nouvelles non seulement de Chad mais bien de sa fratrie. Aujourd’hui, cela lui semble tout ce qu’il y a de plus normal, preuve supplémentaire que tout peut changer à une vitesse folle. “Ok je me tais, promis je me concentre sur la visite.” Il veut dire trop de choses mais aussi se concentrer sur ce que Chad a à lui dire, alors il ne sait finalement plus où donner de la tête, véritable enfant à nouveau.

Leurs salutations étaient chaleureuses, réflexes hérités de l'université, où les liens se nouaient à jamais. Elles donnaient à la fois l'impression qu'ils ne s'étaient pas vus depuis longtemps et qu'ils se connaissaient depuis toujours. Ce qui, quand on y réflechissait, n'était pas tout à fait faux. S'ils ne s'étaient pas croisés dans leur jeunesse, Rhett et Chad avaient pourtant vécu des vies parallèles, vouées à se croiser un jour ou l'autre, puis s'éloigner, inlassablement, comme les mailles d'un filet. Ils échangeaient toujours avec enthousiasme, sans avoir besoin de se forcer. Chad, du moins, était foncièrement ravi de pouvoir l'inclure dans ses projets, même si cela se limitait à une visite des lieux, à laquelle il semblait consentir sans mauvaise volonté. Il l'observa avec une pointe de fierté et d'appréhension, balader son regard, s'arrêter sur quelques détails incertains, essayant de sonder son esprit. Brad et lui n'avaient pas lésiné sur les moyens. Les événements s'étaient enchainés avec une rapidité à l'image de leur impatience. Quelques semaines pour trouver un bailleur, des mois de travaux et de négociations avec des fournisseurs qu'ils connaissaient déjà depuis des années. De toute évidence ils n'étaient pas partis de rien. « Ce qui est quand même paradoxal, parce que je suis quelqu'un de très modéré par ailleurs. » avait-il ironisé, quand Rhett avait plaisanté sur leur manie de ne jamais faire dans la demi-mesure. Chad était un homme plein de contradictions. Secret et mesuré dans sa vie privée, il faisait preuve d'une extrême franchise et d'une expansion bienvenue dans son travail et ses relations sociales. On ne pouvait pas être coach sportif sans avoir un minimum de bagou. « Tu sais, je suis pareil avec ma famille. Je me dis que ce qui compte, c'est comment on se retrouve. » avait-il précisé, moyen subtil de faire comprendre à Rhett qu'il le tenait en estime pour lui réserver un tel accueil après des années d'une relation superficielle. Il ne le dirait pas, mais il avait certainement plus échangé avec lui qu'avec son frère Zach ces derniers temps.

Détournant les vestiaires, dont Chad se félicitait pourtant des qualités inclusives, il invita Rhett à passer devant lui. Ces vestiaires avaient été leur principal cheval de bataille. La pièce autour de laquelle s'était articulée toute leur réflexion. Principal critère de celles et ceux qui évitaient les salles de sport par crainte de s'exposer au jugement des autres, ils se devaient d'être un endroit sûr où l'intimité était préservée. Il s'arrêtèrent devant la première salle, dont on devinait la nature à travers la porte vitrée. La pièce, immaculée, était baignée de lumière. Une monstera grimpait le long de la colonne qui leur faisait face, derrière laquelle on devinait un tapis de course parmi d'autres. « Sympa ça, vous allez où ? Vous avez déjà survécu plus longtemps ensemble et dans des conditions bien plus primaires, je m'inquiète pas pour vous. » avait-il rétorqué, en souvenir de leurs nuits passées ensemble à l'université, notamment pour les compétitions dans lesquelles ils excellaient. A l'époque, Chad n'avait pas élu domicile dans les résidences universitaires, et dans la mesure où Casey fut son voisin – irritant, sur le moment – il ne pouvait pas se plaindre d'avoir manqué quelque chose. « Il va confier ses chiens à Kelly ? Elle ne m'a rien dit, mais bon j'imagine qu'elle n'est pas obligée de tout me raconter. » Une remarque murmurée pour lui-même, qui avait franchi ses lèvres bien trop vite. A vrai dire, Chad n'était pas plus contrariée de ne pas être dans la confidence qu'il n'était curieux de savoir à quel point leur relation demeurait cordiale. Kelly lui avait confié Tobey lorsqu'elle avait participé à Race of Australia, il était donc normal qu'elle lui rende la pareille. En revanche, il ne s'était pas attendu à la confession que Rhett venait de lui faire, comme si les astres continuaient de s'aligner dans la concrétisation de leur amitié. « Mais non, tu rigoles ? Félicitations à ton frère. Il appréhende pas trop ? » avait-il demandé, avec l'euphorie d'un homme qui pouvait facilement s'identifier. Rhett avait l'air aussi enchanté qu'il l'avait été lorsque son propre frère lui avait annoncé la grossesse de sa compagne, en dépit de l'intraitable franc-parler de leur mère, qui avait trouvé bon de ne pas réagir comme tout le monde ce jour-là. « Oui j'ai trois frères, et figure-toi que je suis justement tonton depuis quelques mois. C'était tout nouveau quand on s'est vu la dernière fois, donc j'ai préféré ne pas aborder le sujet. Elle s'appelle Micah et oui je suis totalement gaga. » avait-il précisé, toujours planté là devant cette porte. « Te tais pas surtout, sinon je vais dégainer les photos de bébé et t'es pas prêt pour ça. Puis de toute façon, c'est pas que j'en ai pas envie mais c'est pas encore le Suncorp, on aura plus vite fait le tour de la salle que des nouveautés dans nos vies. »

« Tu sais, je suis pareil avec ma famille. Je me dis que ce qui compte, c'est comment on se retrouve. » Le brun ralentit le pas pendant une seconde, deux, comme pour mieux se concentrer sur les paroles de son ami et le poids qu’elles ont. Ce ne sont que quelques mots qui auraient pu passer inaperçu mais ce serait sans prendre en compte l’histoire qui les lie et les éloigne depuis tant d’années. “Je suis d’accord.” Preuve en est de la façon dont il a été blessé des remarques de son frère suite à son accident et à son retour précipité au pays ; tout comme il accueilli avec une profonde reconnaissance la présence et les mots d’Hassan. Et aujourd’hui, c’est de Chad qu’il pense la même chose, dans un contexte pourtant bien différent. Sans s’y être attendu d’aucune manière, il est heureux de retrouver ce vieil ami et de pouvoir à nouveau lui parler comme si de rien n’était, le sujet d’Hassan n’étant pourtant jamais bien loin. « Sympa ça, vous allez où ? Vous avez déjà survécu plus longtemps ensemble et dans des conditions bien plus primaires, je m'inquiète pas pour vous. » Un sourire en guise de première réponse, il laisse le clair de ses yeux s’attarder sur le soin donné aux détails, sur toutes les réflexions que Chad a dû avoir sans que Rhett n’en comprenne même le premier problème. Non pas qu’il ne s’y intéresse pas ou les néglige, c’est simplement que cela ne le regarde pas d’aucune façon. Ses doigts glissent sur la plante dont il ne connaît le nom, laquelle serait sans doute morte après quelques jours passés chez lui. “On va aller en Indonésie, à Semarang.” Il confie donc simplement, ne précisant pas davantage leur emploi du temps simplement parce qu’ils n’en ont justement pas, pour le moment encore. Ils verront le moment venu, sans aucun doute. « Il va confier ses chiens à Kelly ? Elle ne m'a rien dit, mais bon j'imagine qu'elle n'est pas obligée de tout me raconter. » - “J’en sais aussi peu que toi, pour être honnête. On parle pas trop de Kelly.” Il annonce avec pudeur, éternellement inquiet à l’idée d’aller vers un terrain trop osé s’il aborde la vie sentimentale de son ami, surtout alors que de son côté il n’est pas mieux placé pour parler de la sienne. Simplement, il n’a aucune idée de la tournure que prennent les choses entre eux, entre ce qu’il imagine et ce qu’Hassan espère de son côté aussi - et ce qu’en pense la principale intéressée, cela va de soi. Et finalement, Chad ne parle peut-être d’elle qu’en sa qualité de voisine, alors il préfère se taire plutôt que de dire des choses qu’il regretterait, comme d’habitude.

Alors, Ruben apparaît être la parfaite issue de secours, lui et son fils à naître. Le neveu de Rhett, dont l’annonce de la naissance remplie d’un joie encore timide, lui qui n’ose pas s’étendre sur ce qu’il ressent. « Mais non, tu rigoles ? Félicitations à ton frère. Il appréhende pas trop ? » Et cette fois-ci, il rigole de bon coeur. “Il est terrifié.” Pour de vrai. Il ne lui a pas dit de cette façon là, pas même avec ces mots, mais ce n’est pas pour autant que Rhett ne sait pas ce que son frère ressent. Ce n’est simplement pas le genre de choses dont ils parlent entre eux - les insultes ont encore l’avantage sur tout le reste - mais il prend le temps de poser la question à Chad à son tour, certain qu’il a une fratrie sans pour autant pouvoir avancer avec assurance son nombre. « Oui j'ai trois frères, et figure-toi que je suis justement tonton depuis quelques mois. C'était tout nouveau quand on s'est vu la dernière fois, donc j'ai préféré ne pas aborder le sujet. Elle s'appelle Micah et oui je suis totalement gaga. » Le visage de l’ancien sportif s’illumine avec délicatesse à l’entendre annoncer qu’il est lui aussi tonton, d’une petite fille qui plus est, et que de son côté il n’hésite pas un seul instant avant d’annoncer sa joie face à cette annonce. “Je pourrai t’appeler pour des conseils de tonton en dernière minute, alors.” Quand bien même il l’annonce sur le ton de la plaisanterie, Rhett sait déjà qu’il oserait effectivement le faire si le besoin venait à se présenter. “Mais je comprends. Félicitations. Je suis heureux pour vous tous.” Pour lui, pour son frère, pour la mère aussi bien sûr. Il est heureux pour tout le monde, d’humeur généreuse aujourd’hui, et ne voyant pas de raison suffisante pour tenir une liste exhaustive.

La visite des lieux est au point mort, pause pourtant agréable dont Rhett ne se plaint pas un seul instant, heureux d’entendre que Chad puisse aujourd’hui ajouter la corde de tonton à son arc. « Te tais pas surtout, sinon je vais dégainer les photos de bébé et t'es pas prêt pour ça. Puis de toute façon, c'est pas que j'en ai pas envie mais c'est pas encore le Suncorp, on aura plus vite fait le tour de la salle que des nouveautés dans nos vies. » Il rigole en abaissant le regard sur le sol un instant, balançant son pied par réflexe sans que cela n’ait aucune utilité ou raison. “On finit le tour et tu me montres les photos, dans ce cas ?” Il aurait apprécié qu’il l’en exempte il y a de ça quelques semaines encore, mais aujourd’hui son avis sur la question est différent, parce que les choses changent et que sa famille s’agrandit, à défaut de perdre des membres. Son sourire est communicatif, lui qui est heureux à l’idée de terminer le tour des lieux autant que d’en savoir plus sur la nouvelle née Taylor. “J’ai beau être habitué des équipements sportifs et tout ce qui s’ensuit, je suis impressionné de ce que vous avez fait ici. Vous avez pensé à tout.” A tout ce que lui n’aurait jamais pensé, à commencer par là, et c’est ce qu’il sous-entend avec une pointe de culpabilité.

Rhett acquiesça, et Chad ignorait ce que cela révélait de lui. Entretenait-il le même genre de relation en dent de scie avec ses frères et sœurs, ou n'était-il qu'un épicurien qui préférait fermer les yeux sur les opportunités manquées pour se concentrer sur l'instant présent ? Chad resta silencieux, car il avait remarqué que la concision de Rhett était souvent le témoin d'une pudeur insoupçonnée. Cela ne devait pas être facile tous les jours, de devoir brider ses confessions par soucis de les voir étalées quelque part dans la presse, ou utilisées à des fins d'extorsion. Ils dévièrent alors sur les vacances sans doute bien méritées qu'il allait partager avec Hassan. Le dernier week-end de repos qu'il s'était octroyé remontait déjà à plusieurs semaines, aussi les enviait-il en secret. « Cool ça, vous me raconterez ! J'ai évoqué l'idée d'aller à Bali avec Casey pour nos prochaines vacances... qui seront sans doute dans 8 mois... » Il ne s'en plaignait pas, son emploi du temps bien rempli était la rançon d'une gloire espérée. Mais cela ne l'empêchait pas de contempler cette échéance avec une hâte manifeste. Subtilement, Chad avait amené le sujet de la relation que son voisin entretenait avec Kelly. D'un œil extérieur, leur rapprochement ne lui avait pas échappé, tout comme il n'avait pas échappé aux nombreuses commères du quartier. Personne n'abordait pourtant le sujet avec lui, par égard pour leur mariage avorté sans doute. « Ah. Ça doit être un sujet tabou ? Ou tu veux juste me ménager parce que c'est mon ex-femme ? » avait-il demandé avec un sourire malicieux. C'était une véritable question qu'il n'avait encore pu poser à personne, parce qu'il lui semblait qu'on faisait beaucoup de messes basses absurdes pour épargner ses sentiments. Si quelqu'un avait été blessé dans l'histoire, c'était plutôt Kelly lorsqu'elle avait appris que son ex-mari s'était recasé avant elle, avec un homme qu'elle avait toujours profondément détesté de surcroit. « J'ai l'impression qu'ils s'apprécient... je sais bien que Kelly est douée pour être avenante avec tout le monde, mais je sais aussi d'expérience qu'elle ne se force pas. Enfin bon, tout ça pour dire que j'aurais aucun problème avec ça. Si jamais. » avait-il renchéri en haussant les épaules avec une certaine frivolité. Pour tout dire, il serait même soulagé. Hassan était un homme bien et tout à fait digne de son amie.

La joie de Rhett, aussi contenue fusse-t-elle, était contagieuse. Leurs rires se mêlèrent dans l'écho du couloir désert. « Tu m'étonnes. Il a quel âge ? » avait-il demandé, curieux. Il n'y avait pas d'âge pour avoir peur de la paternité, c'était même un signe d'implication. « Et toi, excité ? » Chad l'avait été lorsque Amos et Rae avaient annoncé la nouvelle. Surpris aussi, car à des années lumières de se douter que cette éventualité avait un jour animé leurs discussions de couple. « Carrément, en général je suis disponible à toute heure du jour et de la nuit. » avait-il fait remarquer, si jamais il venait à Rhett l'idée saugrenue de garder sa nièce ou son neveu une nuit entière. Chad avait déjà tendu plusieurs perches sans succès à son frère. « Merci. C'était pas non plus facile pour mon frère, de se faire à l'idée. Finalement ça se passe très bien... je crois. » avait-il rassuré. Même si Amos venait se dépenser à la salle de temps à autres, et que sa fatigue n'avait d'égale que sa bougonnerie, il semblait heureux. L'enthousiasme de Rhett pour entamer la suite de la visite était la preuve ultime du bien-fondé de sa présence. Chad était ravi de constater qu'il était aussi impatient de continuer le tour du propriétaire que lui ne l'était de jacasser sur sa nièce. Ils entrèrent donc dans la salle principale, où les nombreux équipements étaient en libre-service lorsqu'ils n'étaient pas subtilisés pour les cours. Le compliment de Rhett lui arracha un sourire obligé. « Ouais, c'est un projet qui a mûri très longtemps, j'avais vraiment une idée très précise de ce que je voulais au niveau des installations. J'avais même dessiné des plans qui dormaient dans un tiroir depuis 5 ou 6 ans. Pour le reste, Brad avait lui aussi beaucoup réfléchi à la structure et aux valeurs qu'il tenait à incorporer. Tout est allé très vite une fois qu'on a trouvé le bail. » avait-il récité comme on lisait un conte, tout en continuant leur marche languissante à travers la salle. « On voulait donner envie aux gens de venir faire du sport. Visuellement en proposant quelque chose d'épuré et verdoyant, mais surtout en insistant sur la bienveillance. » Ils arrivèrent au bout, où une porte vitrée donnait sur la salle adjacente. Toutes étaient ainsi connectées, donnant une impression d'infinité. « De l'autre côté il y a d'autres salles plus ou moins identiques pour les cours collectifs. On attend encore les sacs pour la boxe. Puis là haut tu as une petite salle avec deux ou trois machines pour le coaching personnalisé. » avait-il indiqué en pointant une pièce à l'étage qu'on voyait depuis le bas. « Certaines personnes n'ont pas encore assez confiance pour s'exposer au regard des autres. On essaye de travailler là-dessus... Bref je parle beaucoup trop, et promis c'est pas le discours réchauffé que je sors à tous ceux qui viennent visiter. » Il s'arrêta un instant, comme si cette infime seconde avait pu lui faire réaliser ce qu'il savait déjà. « Pendant longtemps j'ai fait ce qu'on attendait de moi. Pour une fois j'ai fait ce dont j'avais envie. »

« Cool ça, vous me raconterez ! J'ai évoqué l'idée d'aller à Bali avec Casey pour nos prochaines vacances... qui seront sans doute dans 8 mois... » - “Ça vous donne le temps de préparer une liste longue comme le bras de ce que vous voulez faire là-bas.” Il tente de trouver le bon côté des choses, ne doutant pas un seul instant de son emploi du temps chargé et de celui de son petit-ami qui doit sûrement l’être tout autant, en plus que les deux ne coïncident bien sûr pas - ce serait sinon trop simple et trop beau. Ce n’était jamais facile de trouver du temps pour être avec Jenna non plus, et à l’époque ils se contentaient d’aller à l’université (et encore, Rhett n’y allait pas vraiment), alors il comprend et se contente d’espérer qu’ils pourront les avoir, leurs vacances, qu’elles soient à Bali ou Dieu sait où. Après tout le travail que Chad a fourni pour sa salle de sport, il le mériterait bien. Là où Rhett se veut bien moins assuré, c’est lorsque la discussion dérive au sujet de Kelly et, par extension, d’Hassan. « Ah. Ça doit être un sujet tabou ? Ou tu veux juste me ménager parce que c'est mon ex-femme ? » L’australien ouvre la bouche pour rétorquer quelque chose mais la referme finalement bien assez tôt, pris de court par la franchise de Chad. Au moins, le sourire qu’il lui tend lui permet de se rassurer: il a peut-être mis les pieds dans le plat, oui, mais ça ne semble pas bien terrible. “Non, c’est juste… J’en sais rien. Je parle pas trop de Kelly avec lui, je sais pas si c’est conscient ou non c’est juste… comme ça.” Parce que la vie sentimentale d’Hassan est déjà bien assez compliquée pour qu’il ait l’idée de s’enticher de l’ex d’un de ses amis de toujours, pas vrai ? Leurs discussions sont déjà bien assez difficiles et poignantes ces derniers temps pour mettre l’accent sur ça, idée que Rhett désapprouve autant qu’il lui souhaite d’être heureux, raison pour laquelle il se contente de suivre le sens du vent et d’essayer de contenter le plus de personnes. « J'ai l'impression qu'ils s'apprécient... je sais bien que Kelly est douée pour être avenante avec tout le monde, mais je sais aussi d'expérience qu'elle ne se force pas. Enfin bon, tout ça pour dire que j'aurais aucun problème avec ça. Si jamais. »

« Tu m'étonnes. Il a quel âge ? »
“Il vient d’avoir trente ans.”

Il sourit comme s’il parlait d’un enfant ou d’un chien, au choix, alors qu’il s’agit de son petit frère, lequel il a toujours eu tendance à infantiliser malgré la force de caractère et la maturité de ce dernier. « Et toi, excité ? » - “Ouais ? Non ?” Il fronce les sourcils un instant, se concentre pour trouver la bonne réponse face à cette question. “J’en sais trop rien. Je suis heureux pour lui, ma vie à moi va pas vraiment changer.” Il hausse finalement les épaules, cachant tant bien que mal un certain sourire au coin des lèvres. Oui, bien sûr qu’il est excité à l’idée d’être de nouveau tonton, autant qu’à l’idée que Ruben devienne père. La vie change pour le mieux, parfois, et il le prouve bien.

Du reste, il se contente d’observer Chad avec une certaine fierté au creux des yeux, lui qui parle avec tant de passion de ce projet qu’il a longuement mûri et pensé de A à Z, véritable petit entrepreneur qu’il représente. Il s’est battis seul, à la force de sa patience et de sa détermination, ce qui rend le tout d’autant plus remarquable. « On voulait donner envie aux gens de venir faire du sport. Visuellement en proposant quelque chose d'épuré et verdoyant, mais surtout en insistant sur la bienveillance. » Les grands yeux bleus de l’ancien joueur se posent sur les vitres transparentes, qu’il admire en hochant la tête, tel un chef de chantier venant vérifier la qualité du travail terminé. A la seule différence qu’il n’y est pour rien, lui, et que c’est Chad qu’il a presque envie de qualifier de petit génie pour l’heure. Son regard se pose partout où les mains de son ami s’envolent, expliquant chaque recoin de la salle de sport, soulignant surtout à quel point tout a été pensé et repensé pour le confort de tous. Jamais Rhett n’aurait pu déceler autant de détails. « Certaines personnes n'ont pas encore assez confiance pour s'exposer au regard des autres. On essaye de travailler là-dessus... Bref je parle beaucoup trop, et promis c'est pas le discours réchauffé que je sors à tous ceux qui viennent visiter. » Ses pas s’arrêtent, ceux de Rhett en font de même par mimétisme - et pour ne pas lui rentrer dedans. Il n’est peut-être pas concerné par le manque de confiance ou le besoin de se sentir accepté dans la société (quoi que), mais reste certain que Chad s’y prend de la bonne manière pour attirer un public sans doute trop souvent oublié. Qui pourrait croire qu’il agit sûrement par expérience, lui et ses deux mètres dix et cent vingt kilos - pas moins, non. « Pendant longtemps j'ai fait ce qu'on attendait de moi. Pour une fois j'ai fait ce dont j'avais envie. » - “Et t’as bien fait. Vraiment. C’est un travail remarquable.” Chad y voit l’aspect émotionnel, Rhett l’aspect pratique. Ils ne changent pas, mais n’ont toujours aucun mal à s’entendre. C’est sans doute ce qui renforce d’autant plus leur amitié, bien que ce soit cliché de la résumer à “les opposés s’attirent”. “Je sais pas dans quelle mesure ça aidera, mais je parlerai un peu de la salle sur les réseaux. Et à l’antenne si je parle assez vite avant qu’on me coupe le micro.” Il ajoute la seconde idée dans un rire assumé, certain que personne n’oserait lui faire ça, surtout alors qu’il ferait au moins semblant d’être discret, quand même. "Je suis content que tu m'aies fait cette visite, tu sais. Et parlé du projet. J'sais que j'ai pas été le meilleur pour garder contact toutes ces années." Mais maintenant les choses changent, et pour le mieux, il le jure.

A ce stade, les vacances semblaient un mirage auquel Chad se raccrochait davantage pour son couple que pour sa santé mentale. Il était heureux de cette soudaine frénésie dans sa vie, de devoir faire des choix, établir des priorités, s'organiser pour une simple conversation comme celle-ci. C'était la rançon de la gloire à ses yeux, la preuve que son projet l'avait dépassé plus vite que prévu. Il aurait été bien ingrat de s'en plaindre. « Tu peux compter sur moi, j'ai un talent pour les listes longues comme le bras. Mais je crois que ce sera essentiellement du repos. Je pourrais même me résoudre au yoga. » avait-il plaisanté, jamais très à l'aise dans ces positions que son corps était bien trop rigide pour adopter. C'était une philosophie à Bali apparemment, sans doute importée par des touristes en quête de sérénité dans des paysages de carte postale. Contre toute attente, Chad s'était voulu le plus spontané des deux lors de leur dernière escapade avec Casey, ce qui ne faisait pas moins de lui un homme rigoureusement organisé. Il apprenait simplement à lâcher prise au bon moment. Rhett demeura bien silencieux au sujet d'Hassan et Kelly. On sentait dans sa réserve une sorte de devoir de neutralité. Chad sourit, réalisant à quel point cela faisait de lui un très bon ami. Connaissant Hassan, peut-être que le sujet de son entichement pour sa voisine était resté un vilain secret, un fantasme inavoué. C'était bien le problème, car Kelly avait beau prendre l'ombre d'une initiative parfois, elle était trop fière pour prendre le risque de déclarer des sentiments dont elle n'avait pas la certitude qu'ils étaient partagés. Chad aurait aimé les aider, mais qui était-il pour décider de leurs sentiments à leur place ?

Le terrain de leurs familles était moins glissant, et ce n'était pas une mince affaire. Depuis la naissance de Micah, Chad avait oublié tous les problèmes non résolus entre lui et ses frères, ou entre eux-mêmes. Une parenthèse dans leurs histoires autrement tumultueuses. « Déjà ? Trente ans et un bébé, c'est définitivement une nouvelle page de sa vie. » avait-il déclaré, incapable de ne pas se projeter dix ans en arrière, à cette époque où avoir un enfant semblait encore une possibilité pour lui. En attendant, il vivait merveilleusement par procuration, et se demandait si c'était aussi le cas de Rhett. « C'est vrai. Je suis peut-être trop impliqué dans la vie de ma nièce. Ce qui va surtout changer, c'est la patience de ton frère. Le mien a l'air au bord de la crise de nerfs, déjà qu'il est nerveux en temps normal. J'essaye de le soutenir du mieux que je peux. » Et cela induisait de redoubler de patience, pour compenser celle qu'un bébé anéantissait en écourtant les nuits de ses parents. Chad était exceptionnellement indulgent envers Amos, peut-être parce qu'il lui était également reconnaissant de lui permettre d'être aussi présent dans sa vie en ce moment. Il n'était pas parrain, un rôle qu'il avait déjà endossé pour Sofia, et un sujet qu'ils n'avaient même pas abordé. Cela lui était égal, il n'avait jamais considéré le choix de son frère comme une revanche ou une punition.

Dans son rôle de guide, Chad se révélait passionné. Certes le discours était sensiblement le même que celui qu'il avait récité à ses promoteurs, mais il l'adaptait toujours. Lui aussi se surprenait à découvrir chaque fois de nouvelles choses, des petits détails qui faisaient la différence, et qu'il avait envie de souligner, si bien que la liste était chaque fois un peu plus exhaustive. Il fallait dire que Rhett semblait réceptif. Son avis, aussi objectif qu'il était expert, avait des allures de bénédiction. « Merci. » s'était contenté de dire Chad, lorsque Rhett insista sur la grandeur du travail réalisé. « Tu deviens modeste avec l'âge. Rappelle-moi combien de personnes te suivent sur Instagram ? Toujours plus que la centaine que j'ai réussi à attirer. Et encore, j'en suis presque fier. Ce serait un énorme coup de pouce, merci. » La visite sembla toucher à sa fin, mais Chad décela dans les derniers mots de Rhett la volonté de ne pas perturber leur nouvelle dynamique pour autant. « J'ai pas non plus été exemplaire. Mais tu sais quoi ? Bientôt on pourra jouer aux oncles parfaits dans les parcs. Tu nous vois pas faire un petit footing avec nos poussettes assorties ? » avait-il charrié en mimant la scène. En ce qui le concernait, il pouvait sans difficulté l'imaginer.

Parler vacances, voisine d’à côté et bébé ; est-ce qu’il y a vraiment un genre de conversation capable de mieux traduire leur quarantaine avoisinante ? Rhett en rigole à moitié, en nourrit des moqueries pleinement. « Déjà ? Trente ans et un bébé, c'est définitivement une nouvelle page de sa vie. » Difficile de nier à quel point son petit-frère de toujours est aujourd’hui un adulte accompli, que ce soit au plan personnel ou professionnel. Chad est déjà tonton de son côté, ils pourront bientôt se donner des conseils, ou peut-être plutôt des encouragements. « C'est vrai. Je suis peut-être trop impliqué dans la vie de ma nièce. Ce qui va surtout changer, c'est la patience de ton frère. Le mien a l'air au bord de la crise de nerfs, déjà qu'il est nerveux en temps normal. J'essaye de le soutenir du mieux que je peux. » Rhett glousse tout bas, sans réelle moquerie d’aucune sorte dans sa réaction. Simplement, il s’amuse des mots de son ami, sans aucune arrière-pensée. Ruben est déjà au bord de la crise de nerfs dans son état naturel, alors son aîné n’a aucune hâte à l’idée de savoir ce que les choses pourraient donner avec un nouveau membre dans la famille. “Je comprends. L’arrivée d’un enfant dans la famille, ça change pas que la vie des parents.” Et surtout, ce qu’il ne dit pas mais pense très fort, c’est que sa nièce est peut-être celle qui se rapprochera le plus d’un enfant pour lui. En d’autres termes, il n’a aucun mal à comprendre l’attachement qu’il lui porte. Après tout, elle reste de son sang.

« Tu deviens modeste avec l'âge. Rappelle-moi combien de personnes te suivent sur Instagram ? Toujours plus que la centaine que j'ai réussi à attirer. Et encore, j'en suis presque fier. Ce serait un énorme coup de pouce, merci. »
“Y’a juste ma mère et le compte Instagram qu’elle se crée à nouveau dès qu’elle oublie son mot de passe. Et quelques autres.”

Il aime son succès et n’en doute pas un seul instant, mais ce n’est pas non plus face à ses amis qu’il s’en vanterait. Du moins, pas dans un tel contexte, pas alors qu’il aborde le sujet uniquement dans l’optique de donner un coup de pouce à son ami, à son niveau. Il ne fera pas de miracles, mais même ramener une poignée de personnes serait une bonne chose pour Everybody, et Chad par extension. Finalement, il hoche de la tête pour signifier que le plan reste inchangé. « J'ai pas non plus été exemplaire. Mais tu sais quoi ? Bientôt on pourra jouer aux oncles parfaits dans les parcs. Tu nous vois pas faire un petit footing avec nos poussettes assorties ? » Contre toute attente, c’est une image qui lui plaît. Peut-être pas forcément d’amener avec lui sa nièce ou son neveu partout où il ira, mais ne serait-ce de tenter de renouer les liens avec Chad le temps d’un footing en guise de parfaite excuse. “Faudra que je dise à Ben de prévoir une poussette de compétition, alors.” Marché conclu, il sera le premier à lui proposer cette sortie dès que le petit sera sorti de l’hôpital et que ses parents accepteront de passer deux minutes sans l’avoir sous les yeux.